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La carrière des "addictions".

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Nicolas Fortané. La carrière des ”addictions”. : D’un concept médical à une catégorie d’action publique.

Genèses. Sciences sociales et histoire, Belin, 2010, pp.5-24. �hal-02661947�

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LA CARRIÈRE DES « ADDICTIONS »

D'un concept médical à une catégorie d'action publique

Nicolas Fortané Belin | Genèses

2010/1 - n° 78 pages 5 à 24

ISSN 1155-3219

Article disponible en ligne à l'adresse:

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http://www.cairn.info/revue-geneses-2010-1-page-5.htm

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Pour citer cet article :

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Fortané Nicolas, « La carrière des « addictions » » D'un concept médical à une catégorie d'action publique, Genèses, 2010/1 n° 78, p. 5-24.

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La carrière des « addictions ».

D’un concept médical à une catégorie d’action publique

Nicolas Fortané

PP. 5-24

DOSSIER

A

u cours des années 1990 émerge une manière inédite de percevoir la consommation de substances psychotropes dont la principale caractéris- tique est de ne plus établir de distinction entre les différents produits concernés. L’alcoolisme, le tabagisme et la toxicomanie sont désormais appré- hendés à travers le vocable « addictions » sur lequel repose cette conception trans- versale de l’usage de « drogues »1. La diffusion de cette notion est liée à l’institu- tionnalisation d’un savoir qui donne à voir l’ensemble de ces pratiques déviantes sous un angle nouveau : l’addictologie. La construction et la légitimation de ce paradigme résultent de la transformation des configurations de certains espaces sociaux ; autrement dit, elles sont le fruit d’un travail social et symbolique, enga- geant différents acteurs, qui forme le concept d’« addiction ». En fonction des enjeux qui le traversent et auxquels il est exposé, celui-ci est affecté par diverses opérations de production ou d’altération de sens qui jalonnent et rythment les redéfinitions dont il fait l’objet. Étudier le processus de construction d’une caté- gorie (de pensée, ou d’entendement) consiste ainsi à restituer la genèse des diffé- rents cadrages qui la constituent et l’instituent, en mettant à jour la pluralité d’idées et d’intérêts contribuant à sa détermination.

Il s’agit donc ici de retracer la carrière des « addictions », c’est-à-dire d’analy- ser ses déplacements successifs au sein d’univers sociaux variés ainsi que ses appropriations et ses reformulations par des groupes d’acteurs distincts.

Empruntant cette notion à l’interactionnisme américain2 et notamment à la sociologie des problèmes publics de Joseph R. Gusfield (1981, 2003)3, nous appréhendons les « addictions » comme une construction sociohistorique dont le succès politique à la fin des années 1990 s’explique par une configuration spéci- fique des enjeux dans lesquels elle est insérée. En effet, cette carrière se caracté-

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DOSSIER rise essentiellement par un processus de traduction d’un concept médical en catégorie d’action publique. Après avoir fait l’objet de diverses controverses dans certains espaces du champ médical, la notion d’« addiction » devient la clef de voûte d’une nouvelle approche des phénomènes de dépendance aux substances psychotropes qui entre progressivement en adéquation avec des préoccupations propres aux sphères politico-administratives4. C’est donc à la fois en tant que problème public, concept scientifique et catégorie d’État (ou d’intervention éta- tique) que la notion d’« addiction » acquiert sa dimension polysémique et appa- raît pour la première fois dans une politique de santé publique, à savoir le plan triennal (1999-2001) de la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie (MILDT)5.

La construction d’un problème public résulte d’une part d’un double proces- sus de « problématisation » et de « publicisation » (Sheppard 2004) et, d’autre part, d’un processus de « politisation » (Lagroye 2003), à travers lesquels se réalisent le

« transcodage » du problème entre différents langages et la constitution d’enjeux transversaux (Lascoumes 1996). Ces opérations complexes sont toujours liées à une transformation des représentations du ou des phénomènes considérés comme problématiques (ce qui peut être indépendant d’une transformation réelle du phé- nomène). On montrera pour ce qui nous concerne que la substitution d’une approche psychanalytique, jusque-là dominante, par une conception neurobiolo- gique et cognitivo-comportementale de la dépendance, ainsi que l’établissement d’une épidémiologie de la consommation de drogues, ont concouru à l’émergence du problème des « addictions ». Si ces conditions historiques ont été réunies, c’est parce que des acteurs aux vues et aux fins (c’est-à-dire aux idées et aux intérêts) très différentes, parfois concurrentes, sont parvenus à s’accorder plus ou moins durablement sur la manière de formuler le problème, autrement dit de définir à la fois ses causes et les modalités de sa résolution.

La carrière du concept d’« addiction » débute avant même l’invention du terme, ou tout du moins son actualisation contemporaine. Dans la mesure où il cristallise une nouvelle manière de concevoir les phénomènes de dépendance, il convient de saisir les origines de ce regard singulier en observant les moments et les espaces où les enjeux présidant à sa construction sont apparus. Or, si la notion d’« addiction » telle que nous la connaissons aujourd’hui se développe à partir des années 1990, c’est dix ou quinze ans plus tôt qu’émergent les pre- mières formes embryonnaires d’une réflexion visant à appréhender l’ensemble des pathologies de la dépendance. Mais la particularité de cette première étape, qui voit la réunion de conditions de possibilité nécessaires (mais non suffi- santes) à la réussite historique des « addictions », est qu’elle s’effectue dans un registre discursif dénué de la triple dimension (neurobiologique, cognitivo- comportementale et épidémiologique) qui assurera quelques années plus tard le succès politique du concept médical et sa traduction en catégorie d’action publique.

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DOSSIER

Les prémices d’une carrière :

une version avortée de l’addictologie

C’est donc une version différente de l’addictologie – qui n’en porte d’ailleurs pas le nom – qui commence à se constituer dès la fin des années 1970.

Conformément au paradigme régnant alors sur les sous-champs de l’alcoologie (Dargelos 2008) et de l’intervention en toxicomanie (Bergeron 1999), celle-ci repose avant tout sur des conceptions psychopathologiques d’inspiration psy- chanalytique. Ces deux disciplines médicales autonomes connaissent une his- toire parallèle : elles s’émancipent de la psychiatrie à la fin des années 1960 et voient leurs dispositifs de soins respectifs se développer par le biais des poli- tiques de sectorisation mises en œuvre à cette époque (Morel 2002). Elles sont néanmoins totalement distinctes, tant sur le plan théorique qu’institutionnel, et les problèmes publics « alcool » et « drogues » ne sont pas considérés comme étant liés. Pourtant, à la fin de la décennie suivante, quelques voix commencent à s’élever et développer l’idée selon laquelle il n’est plus possible de « considérer le problème de la toxicomanie et ceux de l’alcoologie en particulier, dans le seul cadre étroit de chaque notion » (Godard 19786). Bien qu’une telle position soit encore marginale pour l’époque – le fameux rapport Pelletier paru la même année s’emploie à tracer une frontière étanche entre ces deux « fléaux sociaux » (Pelletier 1978)7, il n’est pas anodin qu’elle émane d’une personnalité impor- tante de la lutte contre l’alcoolisme8. En effet, il existe de nombreux points communs entre les modèles étiologiques de Pierre Fouquet et Claude Olieven- stein, pères fondateurs respectifs de l’alcoologie et de la toxicomanie : la patho- logie y est pensée comme une relation tripartite entre un individu, un produit et un environnement (ou milieu socioculturel). Ce schéma apparaît autant comme une synthèse pluridisciplinaire (« bio-psycho-sociale »), permettant de ne pas s’enfermer dans une conception trop étroite de la maladie, que comme une condition rendant possible l’affranchissement de la tutelle psychiatrique par l’affirmation d’une spécificité des troubles de la dépendance. Dans un article daté de 1986, le DrOlievenstein remet en question la séparation des patholo- gies « alcoolisme » et « toxicomanie » en arguant que les différences entre elles sont « sociales et légales, plutôt que médicales et pharmacologiques »9. Les oppositions classiques entre alcool et drogues illicites, que mettait notamment en avant le rapport Pelletier, y sont ainsi contestées : la notion d’« alcool-convi- vialité » (qu’on ne retrouverait pas chez les toxicomanes) est d’emblée écartée car considérée comme secondaire pour un alcoolique chronique, tandis que si l’« imaginaire exacerbé » du toxicomane (image du « paradis perdu ») ne se retrouve pas chez l’alcoolique, c’est uniquement car son produit n’est pas prohibé.

La même année, le PrMaurice Bazot publie une étude dans laquelle il compare les deux types de malades et reconnaît « le polymorphisme des toxicophilies, en admettant qu’on est face à une hétérogénéité d’alcoolisme et de toxicomanies

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DOSSIER dont certains se ressemblent »10 confirmant et développant ainsi les intuitions de Pierre Fouquet qui avait déjà tenté quinze ans plus tôt d’appréhender les deux maladies dans une approche commune, à travers le concept de « toxicopa- thie » (Fouquet 197011).

Il apparaît donc clairement que les conditions historiques de possibilité de l’addictologie commencent à se réunir assez tôt. On observe les traces d’« affini- tés électives », au sens wébérien d’« adéquations sur le plan du sens » (Passeron 1996), entre les regards que portent ces deux disciplines sur les malades et les maladies dont elles ont respectivement la charge. Cette compatibilité des pra- tiques discursives des sous-champs de l’alcoologie et de l’intervention en toxico- manie se solidifie petit à petit et rend finalement possible (car acceptable) une vision transversale du problème de la consommation de substances psychotropes.

Néanmoins, à cette époque, celle-ci en reste à des formes embryonnaires et n’emprunte pas encore la terminologie des « addictions ». Le retour de ce réper- toire dans la langue française, bien qu’il soit originairement une locution latine (Fischler 1992)12, est le fruit d’une génération de psychanalystes qui ont prêté une attention particulière à certains travaux anglo-saxons.

À la fin du XIXe siècle, tandis que la psychiatrie française utilise le suffixe

« manie » pour qualifier un large spectre de conduites déviantes, Sigmund Freud puis ses disciples proposent d’articuler les concepts de « Sucht » (souvent traduit par « appétence », « besoin », « envie ») et de « Zwang » (« contrainte », « compul- sion ») afin d’opérer un premier regroupement transnosographique13de diverses formes d’intoxication (Rigaud 2002). C’est finalement la psychanalyse anglo- saxonne des années 1930 qui développe le vocable « addiction » afin de synthéti- ser les travaux freudiens sur les toxicomanies. L’expression « drug addiction » apparaît pour la première fois en 1928 dans la traduction anglaise d’un article de Sandor Rado (1928). Celle-ci s’impose par la suite progressivement dans la litté- rature psychanalytique anglaise et américaine et fait l’objet de diverses contro- verses. Mais c’est dans les années 1970, lorsque la toxicomanie devient un large fait de société (Mauger 1984), qu’elle se diffuse de façon plus large et plus rapide et qu’elle fait son retour dans la langue française. C’est, semble-t-il, Joyce McDougall qui est la première à l’employer afin de se démarquer des analyses francophones classiques de la consommation de drogues (1978). En effet, to be addict to signifie en anglais « s’adonner à », ce qui importe une dimension d’acti- vité et indique un sens différent de celui de ses synonymes français

« dépendance » et « habitude », ou encore « assuétude », voire « assujettissement », chacun marqué de passivité et d’abandon ( Jacquet et Rigaud 2000 : 13). En outre, J. McDougall indique qu’elle utilise le vocable « addiction » pour la plus- value heuristique qu’apporte sa racine latine :

« J’ai choisi le terme anglais d’“addiction”, plutôt que son équivalent français de

“toxicomanie” parce qu’il est plus parlant d’un point de vue étymologique. “Addic-

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DOSSIER tion” renvoie à l’état d’esclavage, donc à la lutte inégale du sujet avec une partie de lui-même, tandis que la toxicomanie indique un désir de s’empoisonner. Or telle n’est pas la visée originelle du dit “toxicomane” ». (1982 : 55) Dès lors, l’expression se retrouve au début des années 1980 sous la plume de plusieurs psychanalystes français menant des recherches sur l’alcoolisme et/ou la toxicomanie, comme Jean-Paul Descombey. La lettre post-face qu’adresse J. McDougall à ce dernier en juillet 1984 est à cet égard très révéla- trice des conditions de la mise en circulation du terme d’« addiction » dans cet espace singulier :

« Comme je suis contente que vous utilisiez ce mot ; je l’ai imposé, en quelque sorte, aux collègues il y a environ dix ans, car son sens étymologique est plus riche et plus près de la réalité psychique en question que le bon mot français “toxicomanie”. J’ai dû lutter pour que ce mot soit utilisé dans le “Plaidoyer”, mes éditeurs m’ayant fait remarquer que ce mot n’existait pas dans le Robert ». (Descombey 1985) Le terme d’« addiction » s’impose ainsi dans les pratiques discursives d’une génération d’acteurs incarnant le renouveau des travaux psychanalytiques sur les questions relatives à la consommation de drogues et d’alcool. En même temps, et bien que ces espaces sociaux ne soient pas directement connectés, il s’établit là encore une affinité élective entre les transformations propres au champ de la psy- chanalyse et les liens que commencent à tisser l’alcoologie et l’intervention en toxicomanie.

Pourtant, même si un nombre important de conditions semblent être réunies pour qu’émerge une appréhension commune de l’ensemble des phénomènes de dépendance, un tel cadrage n’a pas véritablement vu le jour au cours de cette décennie. D’une part, le contexte mondial d’affaiblissement du paradigme psy- chanalytique dans le champ de la santé mentale, amorcé dès 1980 par la publica- tion du DSM-III (American Psychiatric Association 1980), ne permet pas un prolongement des références au concept d’« addiction » pour problématiser de façon unifiée et systématisée la question de la dépendance. C’est en fait, comme nous allons le voir ci-après, le paradigme émergent et concurrent des neuros- ciences et du cognitivo-comportementalisme qui y parviendra. D’autre part, les champs de l’alcoologie et de la toxicomanie sont tous deux accaparés par des enjeux respectifs qui accentuent leur autonomie. Les alcoologues sont à la fois confrontés à un problème de financement de leur dispositif de soins et aux diffi- cultés liées à l’adoption de la loi Evin. De leur côté, les intervenants en toxico- manie doivent faire face à l’apparition du problème du sida qui entraîne une forte restructuration du secteur. Il faut d’ailleurs noter que cette remédicalisation du champ de la toxicomanie (Pinell 2002), bien qu’elle ait pour conséquence dans un premier temps une différenciation des problèmes publics « alcool » et

« drogues », permettra dans la seconde moitié des années 1990, après l’introduc- tion des thérapeutiques de substitution et le développement d’une politique de

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DOSSIER réduction des risques (Bergeron 1999), une acceptation du paradigme addictolo- gique par les professionnels de santé.

Le coup de force symbolique de la dopamine

La carrière des « addictions » connaît donc un tournant au début des années 1990 qui amorce un double processus de politisation et de (re)problématisation, autrement dit le transcodage de ce concept médical en catégorie d’action publique. La mise en adéquation de cette approche globale de la consommation de psychotropes avec des enjeux et des préoccupations politiques se réalise pro- gressivement par une redéfinition du concept d’« addiction ». Le terme se dégage ainsi de ses racines et ses significations psychanalytiques pour évoluer vers un autre type de registre. On peut distinguer trois dimensions à travers lesquelles s’opère ce reformatage : neurobiologique, cognitivo-comportementale et épidé- miologique. Au terme de cette mutation, l’expression cesse d’être exclusivement une référence savante pour également devenir un problème public et une catégo- rie d’État. Nous allons donc restituer le déroulement de ces épisodes de la car- rière des « addictions » qui voient l’institutionnalisation d’un certain nombre de savoirs objectivant et donnant corps aux réalités dont cette notion est censée rendre compte. Il s’agit ainsi d’analyser la production, la diffusion et la légitima- tion de cette nouvelle manière d’appréhender les diverses toxicomanies qui pas- sent notamment par des processus de transfert entre les champs médical et poli- tico-administratif.

Bien qu’une certaine co-occurrence caractérise les trois dimensions que com- porte la carrière du concept d’« addiction », c’est vraisemblablement l’impact des neurosciences qui l’affecte en premier lieu. En effet, les avancées de la biologie et de la pharmacologie du cerveau permettent d’identifier dès la fin des années 1980 les mécanismes de la dépendance communs à l’ensemble des drogues, y incluant pour la première fois l’alcool et le tabac : il s’agit du fameux « système dopaminergique » qui est activé lors de la consommation de n’importe quelle

« substance psychoactive ». Dès lors s’opère un véritable coup de force symbo- lique des neurosciences dans la mesure où cette découverte de la dopamine rend possible une projection du sens de la notion d’« addiction » vers d’autres mondes que celui de la recherche biomédicale. Cette catégorie cesse progressivement de faire l’objet d’usages exclusivement scientifiques pour constituer un répertoire discursif disponible dans divers espaces.

L’intérêt des neurobiologistes français pour la toxicomanie apparaît vers le milieu de cette décennie. Cependant, il est déjà le fruit de relations qui com- mencent à se nouer entre les champs médical et politico-administratif ; c’est même probablement à partir de ces premières connexions que se constitueront par la suite des réseaux durables entre ces deux mondes. Il s’agit là d’une particu-

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DOSSIER larité de cette version de l’addictologie, par opposition à celle issue du paradigme psychanalytique, que de se situer dès l’origine à la confluence de plusieurs uni- vers sociaux. Même si les travaux visant à élaborer une approche globale des phé- nomènes de dépendance ne figurent pas en tête des priorités de l’administration sanitaire dans les années 1980, c’est pourtant Patrick Sansoy, membre de la Délégation générale à la lutte contre la drogue et la toxicomanie (DGLDT, ancienne dénomination de la MILDT), et sensibilisé à ces questions par un pas- sage à la direction générale de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) quelques années plus tôt, qui encourage Jean-Pol Tassin, chercheur au collège de France (dont le laboratoire est justement rattaché à l’INSERM)14 à mener des travaux sur les mécanismes neurobiologiques et les effets pharmacologiques de la consommation de drogues. C’est finalement du rapport Tassin publié en 1992 (et préfacé par P. Sansoy) qu’émane la thèse selon laquelle la « dopamine » est le neurotransmetteur commun à l’ensemble des « sub- stances psychoactives » (Tassin, Pirot et Trovero 1992). Il s’appuie en cela sur une étude menée quelques années plus tôt par une équipe italienne qui a montré que l’action des amphétaminiques était ciblée sur des zones cérébrales que l’on pensait jusque-là exclusives aux morphiniques (Di Chiara et Imperato 1988). À partir de ce moment, le couple « dopamine »/« substance psychoactive » devient la clef de voûte de tout discours sur les « addictions » et assure la diffusion et la légi- timation d’une appréhension commune des phénomènes de dépendance.

La décennie 1990 est alors jalonnée de diverses prises de position appelant à ériger une nouvelle classification des drogues. Se fondant sur la découverte du système dopaminergique comme dénominateur commun à tous les psycho- tropes, plusieurs acteurs militent en faveur d’une révision des grilles et critères de classement des substances dites « psychoactives » (donc y compris alcool et tabac), réclamant notamment l’abolition de la distinction entre produits licites et illicites : ainsi en est-il des rapports du Comité consultatif national d’éthique (CCNE 1994) et de la commission Henrion (Henrion 1995). Mais c’est le rap- port Roques (Roques 1998) qui marque le plus fortement l’entrée du débat sur la place publique, du fait de sa large médiatisation et des nombreuses controverses qu’il a suscitées. Il est un vecteur central du processus de politisation de la caté- gorie « addiction », qui cesse dès lors d’être exclusivement un concept médical pour devenir un véritable problème public. Le PrBernard Roques est un phar- macologue de renom, directeur de l’unité de recherche 226 de l’INSERM intitu- lée « Pharmacochimie moléculaire et structurale » et, entre autres titres et distinc- tions, membre de l’Académie des sciences ainsi que de l’American College of Neuropsychopharmacology. Il est chargé par Bernard Kouchner, alors secrétaire d’État à la Santé, de mener une étude sur « la dangerosité des drogues » visant à comparer les effets des différents psychotropes sur le cerveau. Mettant une nou- velle fois en avant la dopamine afin de pouvoir appréhender sous un même angle l’ensemble des « substances psychoactives », c’est sur la notion de

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DOSSIER « neurotoxicité »15que se fonde pour l’essentiel sa classification des drogues, cris- tallisant ainsi un peu plus encore l’acception neurobiologique et pharmacolo- gique du concept d’« addiction ». Le rapport Roques propose de répartir les pro- duits entre trois groupes : l’héroïne, la cocaïne et l’alcool sont considérés comme étant les plus « dangereux » ; viennent ensuite les psychostimulants, les hallucino- gènes, le tabac et les benzodiazépines ; enfin, une catégorie est spécialement créée pour le cannabis dont la dépendance et la « neurotoxicité » apparaissent comme étant « très faibles » ou « nulles ». Bien que le terme d’« addiction » ne soit pas mis en avant dans le rapport, il est clair que celui-ci s’inscrit dans le cadre discursif du paradigme addictologique dans la mesure où toute la démarche de cette expertise repose sur une approche globale des phénomènes de dépendance et écarte toute distinction fondée sur des bases juridiques ou culturelles. Cette étude représente une étape décisive de la carrière du concept d’« addiction » car elle montre que la signification de cette catégorie se déploie dans différents uni- vers sociaux et qu’elle est le produit de la rencontre ente plusieurs enjeux structu- rants, notamment médicaux et politiques : création d’une nouvelle discipline (l’addictologie) absorbant ses concurrentes (l’alcoologie, la toxicomanie et la tabacologie) et révision du statut juridique des consommateurs de drogues, voire dépénalisation de l’usage de cannabis.

La nomination de Nicole Maestracci à la présidence de la MILDT intervient peu de temps après la publication du rapport Roques, bénéficiant ainsi d’une

« fenêtre d’opportunité politique » (Kingdon 1984) qui lui permet de s’attaquer à l’élaboration d’une politique de santé publique commune à l’ensemble des sub- stances psychoactives. La découverte de la dopamine apparaît bel et bien comme un « coup de force symbolique », dans la mesure où elle institue de nouveaux

« principes de vision et division du monde » et restructure l’espace des positions et des rapports de force des champs sociaux concernés (Bourdieu 2001). Il s’agit là d’une étape déterminante du processus de légitimation d’un nouveau mode d’action publique en matière de lutte contre les « addictions ». Le paradigme addictologique apporte en effet d’importants bénéfices symboliques à la traduc- tion politique de cette catégorie savante. Il devient alors intéressant de constater à quel point cette mise à jour du système dopaminergique est le fruit d’un travail de construction sociale de la « découverte » (Latour et Woolgar 1988) et de la « rhé- torique » (Gusfield 1981) scientifiques. En effet, à l’heure actuelle, les principaux

« inventeurs » des mécanismes neurobiologiques communs à tous les psychotropes revisitent leurs thèses passées et mettent en avant le fait qu’elles sont en partie inexactes. J.-P. Tassin, notamment, rejette aujourd’hui l’idée selon laquelle la dopamine serait le neurotransmetteur spécialement activé lors de la consomma- tion de drogues, il s’agirait plutôt selon lui d’un « découplage » de la noradrénaline et de la sérotonine (Tassin, Lanteri et Salomon 2006). Quoi qu’il en soit, notre propos n’est pas ici de discuter de la pertinence des différentes théories dispo- nibles sur le marché des arguments scientifiques, mais bel et bien de constater que

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DOSSIER ce sont avant tout leurs usages sociopolitiques qui impactent et déterminent, en fonction de divers enjeux, la carrière de ces références savantes, qu’elles soient des concepts médicaux et/ou des catégories d’action publique. La notion d’«addiction»

n’est en aucun cas une exception et doit être appréhendée à la lumière de ces pro- cessus qui en affectent le sens.

Les « conduites addictives » : des produits aux comportements

La seconde dimension à travers laquelle est redéfini le concept d’« addiction » dans les années 1990 est cognitivo-comportementale. Dès le début de la décen- nie, le psychiatre Aviel Goodman publie un article « Addiction, definition and implications » (1990) devenu célèbre parce qu’il remet la notion sur le devant de la scène alors même que les usages psychanalytiques du terme n’avaient pas connu de forte publicité précédemment. Comme nous l’avions évoqué, ce phé- nomène peut s’expliquer par le contexte mondial d’affaiblissement du paradigme psychanalytique dans le champ de la santé mentale au profit, justement, des sciences cognitives. En effet, la publication du DSM-III en 1980 amorce le développement d’approches comportementales des « troubles mentaux », par opposition aux conceptions psychiatriques des « maladies mentales », telles qu’on les dénommait auparavant. En répertoriant les pathologies non plus d’après leurs causes mais uniquement en fonction de leurs symptômes, on passe d’une cli- nique fondée sur l’étiologie des maladies à une clinique strictement symptoma- tologique (Ehrenberg et Lovell 2001). Dès lors, ce sont des considérations davantage axées sur la dimension neurobiologique et les aspects cognitifs et comportementaux qui sous-tendent les classifications et les modèles thérapeu- tiques de référence (Bergeron 2003). Dans la lignée de ces transformations de la psychiatrie contemporaine, A. Goodman propose de donner à la notion d’« addiction » une définition qui soit « scientifiquement utile » et la présente comme « le processus par lequel un comportement pouvant permettre à la fois une production de plaisir et d’écarter ou d’atténuer une sensation de malaise interne est employé de façon caractérisée par l’impossibilité répétée de contrôler ce comportement et sa poursuite en dépit de la connaissance de ses conséquences négatives » (1990 : 1403). Cette conception jette alors les bases d’une nouvelle version de l’addictologie, dont on comprend qu’elle entre en contradiction avec la vision psychanalytique des phénomènes de dépendance :

« Cette théorie soutient un projet pragmatique qui vise bien plus l’adaptation et la normalisation du comportement que la résolution des conflits, qu’ils se déploient dans la réalité ou qu’ils soient intra-psychiques. Un tel projet est donc bien plus proche du traitement moral que de la perlaboration psychanalytique. […] Là où pour la psychanalyse il s’agit de permettre au sujet de résoudre ses difficultés en découvrant et en perlaborant dans la répétition transférentielle “ce savoir qui ne se sait pas”,

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DOSSIER l’addictionologie tente de réduire les symptômes et de promouvoir l’abstinence du comportement addictif par un enseignement directif, cognitivo-comportemental et par l’apprentissage de manières plus saines et adaptées »

(Jacquet et Rigaud 2000 : 65).

Cette approche, associée aux thèses neurobiologiques et pharmacologiques, affecte ainsi la carrière du concept d’« addiction » à partir des années 1990 et contribue à en assurer la diffusion à l’extérieur du champ médical.

En France, cette dimension cognitivo-comportementale est relayée assez rapidement et vient court-circuiter la progression de la version psychanalytique de l’addictologie. Les controverses sont dans un premier temps relativement virulentes entre les importateurs d’Aviel Goodman et les successeurs de Joyce McDougall. Ces tensions se résorbent toutefois rapidement dans la mesure où une position, présentée comme synthétique, se construit sous l’impulsion de l’administration sanitaire qui cherche à obtenir une définition stable et consen- suelle des « addictions », afin de disposer d’une catégorie d’action publique opé- rationnelle. De plus, il semble que le développement parallèle de la neurobiolo- gie facilite l’élaboration puis l’acceptation d’une posture commune à l’égard des phénomènes de dépendance dans le champ de la psychiatrie. C’est en effet dans le courant de l’année 1997 que Joël Ménard, récemment nommé au poste de directeur général de la Santé, charge les professeurs Philippe-Jean Parquet, Michel Reynaud et Gilbert Lagrue de rédiger un rapport visant à mettre à plat les divers débats autour de la notion d’« addiction » et à en établir une définition potentiellement à même de résorber ces conflits latents. Derrière cette com- mande, il faut toutefois noter les ambitions proprement politiques de B. Kouch- ner et son directeur de cabinet Martin Hirsch, pour qui le concept d’« addic- tion », dans le prolongement des mesures de réduction des risques, constitue une voie royale vers un mouvement de sanitarisation de la politique des drogues alors observable dans de nombreux pays européens (Bergeron 2005). Les PrParquet et Reynaud font partie des personnages centraux de la carrière des « addictions », dans la mesure où leurs trajectoires particulières les situent à la lisière des univers médicaux et politico-administratifs. Leur multipositionnalité en fait les « média- teurs » (Muller 2005), les traducteurs d’une certaine conception des phénomènes de dépendance entre plusieurs univers sociaux et ils comptent parmi ceux qui réalisent cette opération de transcodage des catégories d’entendement (ou d’objectivation) de cette réalité singulière que constitue la consommation de drogues, d’alcool et/ou de tabac. Tous deux psychiatres de formation, ils sont d’abord plus proches du champ de l’alcoologie mais leurs affinités précoces avec le paradigme addictologique les placent dans une position marginale. Leurs tra- jectoires sont donc comparables même s’ils ne se rencontrent que tardivement, vers le milieu des années 1990.

Philippe-Jean Parquet se meut relativement tôt dans des mondes pluriels ; en intégrant le Haut Comité d’étude et d’information sur l’alcoolisme (HCEIA) à la

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DOSSIER fin de décennie 1970, il accède à un important lieu de production des politiques de santé publique et se sensibilise aux enjeux politiques et administratifs. Progres- sivement, sa légitimité, ses intérêts mais aussi son regard sur le problème public qui deviendra celui des « addictions » se déconnectent d’une relation exclusive à sa position dans l’espace de la médecine. En développant dès cette époque une vision préventive de la lutte contre l’alcoolisme, alors inspirée des approches populationnistes des « fléaux sociaux » des années 1950 (Berlivet 2007), il se coupe d’ailleurs du sous-champ de l’alcoologie, plutôt dominé par le paradigme psycha- nalytique et centré sur des objectifs curatifs. Toutefois, le PrParquet ne parvient pas, dans un premier temps, à imposer cette conception du problème dans les sphères décisionnelles. C’est en fait une dizaine d’années plus tard, en la reformu- lant dans le langage de la prévention des « risques », basé notamment sur le trip- tyque cognitivo-comportemental « usage, abus, dépendance » du DSM-III, et en l’associant à cette catégorie extrêmement plastique que constituent les «addictions», qu’il réussit à en assurer la diffusion et la légitimation. Mais le contexte institu- tionnel est alors différent. Le HCEIA est devenu Haut Comité de la santé publique (HCSP) en 1991 et est directement placé sous l’autorité du ministère de la Santé ; le Pr Parquet y préside la commission « Jeunesse et Alcool ». Il est égale- ment retourné un temps à ses activités de clinicien et a créé, à la fin des années 1980, le Centre d’information et de traitement des dépendances à la clinique de la Charité à Lille, qui prend en charge une large palette de conduites addictives à une époque où cela est encore extrêmement rare. Cette première expérience d’une appréhension commune de toutes les formes de dépendance est ensuite renforcée par son passage à la tête de l’Intercommission n° 6 de l’INSERM sur les

« Recherches sur les conduites normales et pathologiques en matière de consom- mation » entre 1995 et 1998, où il intègre les thèses neurobiologiques relatives aux mécanismes cérébraux de l’« addiction ». Aux côtés de son confrère Michel Rey- naud, le tandem aura tôt fait de saisir les potentiels bénéfices symboliques du coup de force de la dopamine qui est en train de se préparer non loin, puisque le rapport Roques est également le fruit d’une commande de la nouvelle équipe ins- tallée avenue de Ségur (secrétaire d’État à la Santé, directeur de cabinet et Direc- tion générale de la santé – DGS).

Le PrReynaud a lui aussi un profil hétéroclite, y compris dans sa formation médicale. Menant ses études dans les années 1970 dans un « secteur » de la région parisienne, il doit faire face au déclassement de la psychiatrie qui vient de se séparer de la neurologie et de perdre par la même occasion les positions les plus prestigieuses du champ académique (Pinell 2005). Alors contraint de mettre en œuvre des stratégies destinées à contourner les effets de ce déclasse- ment, il s’oriente dans un premier temps vers l’intervention en toxicomanie avant de se tourner vers l’alcoologie, discipline avec laquelle il a davantage d’affi- nités dans la mesure où elle est moins exclusivement dominée par la psychana- lyse que sa consœur et est plus réceptive aux approches génétiques et neurobiolo-

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DOSSIER giques. Il faut dire que M. Reynaud a été l’élève d’un professeur atypique : un universitaire dirigeant un « secteur » et cumulant la triple casquette de psychiatre, psychanalyste et neurologue. Cette hétérogénéité se retrouve sans aucun doute dans la façon dont il appréhende les problèmes « alcool » et « drogues ». Très tôt, il défend une conception transversale des pathologies de la dépendance et refuse de distinguer les différentes substances psychotropes (Reynaud 1984). Mais les années 1980 ne sont pas propices au succès et à l’épanouissement de telles pos- tures ; il lui faudra patienter jusqu’à la décennie suivante pour que le DSM et le concept d’« addiction » puissent fournir une assise théorique et une légitimité suffisamment solide à son entreprise. M. Reynaud prend alors le temps de ren- forcer sa position dans le champ médical et, surtout, il fait son entrée au sein de l’administration sanitaire. Il devient ainsi chef du service de psychiatrie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand à partir de 1991, qui s’occupe historiquement d’une unité d’alcoologie et qui gère également depuis peu un centre de soins spécialisé en toxicomanie (CSST), abordant lui aussi conjointement de manière précoce toutes les formes de dépendance. En même temps, et depuis plusieurs années déjà, il est conseiller à la Direction des hôpi- taux (DH) au ministère de la Santé et passe à la DGS en 1996. Il se sensibilise ici aux questions de la prévention et de l’organisation des soins et découvre sous un jour nouveau les enjeux de la restructuration de la psychiatrie, en contribuant notamment à différentes expertises sur l’état du champ de la santé mentale en France. La « cause » addictologique qu’il s’apprête alors à endosser doit ainsi se lire à travers plusieurs focales, au croisement des espaces médicaux et adminis- tratifs : reconnecter les médecines des « fléaux sociaux » avec le monde hospitalier, recouvrer les lettres de noblesse de la psychiatrie universitaire, insérer le pro- blème des drogues dans le domaine des politiques sanitaires, rénover la santé publique par le développement de la « prévention des risques ».

C’est donc au ministère de la Santé, vers le milieu des années 1990 que les PrParquet et Reynaud se rencontrent. Ils rédigent ensemble un premier rapport d’évaluation du dispositif de soins en alcoologie (Parquet et Reynaud 1998), qui constitue pour eux une première occasion de roder le triptyque cognitivo-com- portemental « usage, abus, dépendance »16. Ils y trouvent en effet une formula- tion du problème « alcool » qui permet de restructurer le secteur via des objectifs de santé publique plutôt que cliniques. En décentrant le regard de l’« alcoolodé- pendance » et en s’intéressant aux étapes antérieures de la pathologie, on aban- donne le mythe de l’abstinence comme seul horizon thérapeutique envisageable qui caractérisait jusque-là le champ de l’alcoologie, comme de la toxicomanie (Bergeron 2003). Le concept d’« addiction », directement repris des thèses d’Aviel Goodman, fait quant à lui son apparition dans leur second rapport (Par- quet, Reynaud et Lagrue 2000), le plus connu. S’appuyant sur la théorie de la dopamine, il place l’ensemble des « substances psychoactives » sur un même plan, rompant ainsi avec une « approche produit » qui appréhendait la pratique addictive

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DOSSIER en fonction du psychotrope absorbé au profit d’une « approche comportement » qui fait du mode de consommation le déterminant essentiel de la maladie. C’est dans ce texte que figure la version définitive du terme « addiction » et ses diverses déclinaisons, en tout cas celles qui constituent la clef de voûte du plan triennal de la MILDT de 1999 et qui font l’objet d’un large consensus jusqu’à la fin de la présidence de N. Maestracci en 2002, voire au-delà. Toutefois, même si aujourd’hui ce modèle est utilisé par la majeure partie des professionnels de santé, il n’a pas nécessairement été aisé de l’imposer, bien au contraire. Les acteurs en présence ont dû réussir à synthétiser des positions parfois antago- niques et limiter les controverses sur les différentes expressions utilisées, dans un laps de temps relativement court (un peu plus d’une année de préparation et de rédaction). Car l’« addiction » est une catégorie hybride, dont la carrière est le fruit de stratégies tant étymologiques et discursives que scientifiques et poli- tiques. C’est d’ailleurs seulement à ce prix, nous semble-t-il, qu’elle a pu se constituer avec succès en vecteur principal d’une opération de transcodage entre les enjeux des champs médical et politico-administratif. Car si les aspects neuro- biologiques et cognitivo-comportementaux sont devenus prépondérants, la dimension psychothérapeutique n’en est pas totalement éradiquée pour autant.

En effet, il a fallu concilier des visions du monde (donc des forces sociales) en concurrence afin d’emporter l’adhésion d’une large communauté d’acteurs au paradigme addictologique17, condition nécessaire à la légitimation de l’action de la MILDT. Mais si les « addictions » constituent désormais une entité patholo- gique saisissable pour le regard du médecin, elles doivent encore être objectivées plus spécifiquement par celui du fonctionnaire qui a besoin d’une « cible » concrète pour la politique publique qu’il met en œuvre.

Le regard épidémiologique

ou la mise en visibilité des « addictions »

Le coup de force symbolique des neurosciences et la conversion du discours addictologique dans un langage polysémique ne sont pas les seuls processus à affecter la carrière de ce problème public. Si sa définition qualificative est fournie par la biologie et la pharmacologie du cerveau, sa délimitation quantitative, per- mettant de « chiffrer » le phénomène et de lui conférer une consistance réelle, matérielle, est le fruit du développement de l’épidémiologie des drogues. Ces deux registres de qualification des « addictions » ne sont d’ailleurs pas sans lien, les enquêtes épidémiologiques s’appuyant en partie sur les classifications des modes de consommation que fondent les approches neurobiologiques et cognitivo-com- portementales (seuils de consommation, catégories de l’« usage », l’« usage nocif » et la « dépendance », etc.). L’objectivation statistique de la consommation de sub- stances psychotropes connaît un essor important au tournant des années 1990

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DOSSIER lorsque, dans le sillage du paradigme addictologique émergent, l’épidémiologie s’impose comme le savoir le plus à même de décrire et de mesurer les différents usages de drogues (Beck 2005). La façon de problématiser l’objet et les procédés permettant de le quantifier se transforment sous l’impulsion d’une approche en termes de « risques ». Au final, cette opération de mise en visibilité des phéno- mènes de dépendance (et des comportements les précédant) participe de la politi- sation de la notion d’« addiction », dans la mesure où elle contribue à la fois, par la mise en adéquation de concepts médicaux avec des catégories administratives, à l’élaboration d’instruments d’action publique spécifiques (Lascoumes et Le Galès 2005) et à la légitimation de l’intervention étatique en la matière.

Au cours des années 1970 et 1980, les autorités publiques ont de grandes difficultés à élaborer des données numériques sur la toxicomanie :

« Le caractère changeant d’un phénomène impossible à cerner statistiquement rend hasardeuse toute tentative pour dresser un tableau de l’usage actuel des “drogues” en France. Les indications […] n’ont d’autres ambitions que de donner une impression d’ensemble de la situation présente, que sa mobilité même peut remettre en question

demain ». (Pelletier 1978 : 79)

À cette époque, les seules sources disponibles sont des statistiques institution- nelles : celles constituées par l’administration policière et son Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS), avec notamment la base des interpellations pour usage de cannabis (Fichier national des auteurs d’infraction à la législation sur les stupéfiants – FNAILS), et celles fournies par les rapports annuels des CSST, principalement pour la consommation d’héroïne. Mais ces données ne sont pas le produit de véritables enquêtes, elles résultent uniquement de l’enregistrement de l’activité de diverses institutions et ne permettent pas une connaissance fiable de la diversité des pratiques addictives. De la même manière, les quelques sondages publiés par la presse se bornent à appréhender le problème de « la » drogue au singulier, sans distinguer les modes de consommation (fré- quence, doses, association de substances) ni les propriétés pharmacologiques des différents produits (Beck 2004). On estime néanmoins, au début des années 1990, que la population d’héroïnomanes varie entre cent vingt et cent cinquante mille individus ; ces chiffres sont alors rapidement médiatisés. C’est à ce moment que le besoin de produire des statistiques viables et régulières sur la toxicomanie est exprimé unanimement par les autorités concernées, en particulier Georgina Dufoy, présidente de la DGLDT de 1989 à 1993, et René Padieu, inspecteur général de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) (Padieu 1994). Dans le même temps, l’Union européenne cherche à mettre en place un dispositif de surveillance des usages de drogues au niveau communau- taire en développant et en harmonisant les différents organes nationaux de col- lecte des données ainsi que leurs méthodes statistiques. La création de l’Observa- toire français des drogues et des toxicomanies (OFDT) en 1993 s’inscrit

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DOSSIER directement dans ce contexte. Ce groupement d’intérêt public « en charge de l’observation du phénomène des drogues et des toxicomanies en France et de ses conséquences »18, financé par la MILDT, se renforce considérablement à partir de 1998 sous la présidence de N. Maestracci, qui le dote d’un conseil scientifique autonome et augmente son budget de manière non négligeable. Alors que les deux décennies précédentes étaient plutôt caractérisées par un manque d’informa- tion sur les pratiques addictives, cette institution s’emploie à produire un grand nombre d’enquêtes épidémiologiques sur la question, diffusant ainsi assez large- ment une approche quantitative de la consommation de psychotropes. On passe ainsi « d’un dispositif composite et circonstanciel s’appuyant sur des registres administratifs et, de ce fait, profondément marqué par les activités des services, à un système pérenne au sein duquel enquêtes permanentes et recherches ponc- tuelles [peuvent] s’articuler dans une perspective heuristique » (Beck 2005 : 77).

L’enquête en population générale devient l’instrument central du savoir épidé- miologique ; de nombreuses études sont dès lors mises en place et renouvelées chaque année : le « Baromètre Santé », l’« European School Survey on Alcohol and Other Drugs » (ESPAD), l’« Enquête annuelle sur la santé et la consommation lors de l’appel de préparation à la défense » (ESCAPAD) ou encore « Tendances récentes et nouvelles drogues » (TREND).

La carrière du concept d’« addiction » est donc fortement affectée par l’enjeu du dénombrement des usagers de drogues et la dimension épidémiologique de la catégorie se construit en relation avec ses aspects neuroscientifiques et cognitivo- comportementaux. De telle sorte que l’objet qu’il s’agit de « chiffrer » se trans- forme : d’une représentation du problème à travers les notions de « drogues » et de « drogués » (ou « toxicomanes »), on passe à celles de « substances psychoac- tives » (on y inclut donc l’alcool et le tabac, conformément à l’élargissement du champ de compétence de la MILDT) et leurs multiples « modes de consomma- tion ». Les termes d’« usage », d’« abus » ou « usage nocif » et de « dépendance » permettent notamment de classer, de regrouper certaines espèces de phéno- mènes entre eux, en même temps que leur objectivation statistique leur confère une consistance irréfutable et atteste de leur existence. Il se constitue alors une sorte de circuit tautologique entre les différentes dimensions du concept d’« addiction », dans la mesure où ses définitions qualitatives et quantitatives se renforcent mutuellement. Ceci se donne notamment à voir à travers la diffusion d’un nouveau couple de catégories, sur lequel repose l’image d’une situation d’urgence politique, largement véhiculée par les médias et les prises de positions de plusieurs acteurs directement impliqués dans le processus de politisation du discours addictologique. Les « polytoxicomanies » de la « jeunesse » contribuent en effet à une publicisation rapide de la notion d’« addiction », favorisant ainsi son caractère polysémique. Les enquêtes épidémiologiques de l’OFDT révèlent que les individus âgés de quinze à vingt-cinq ans ont tendance à consommer simultanément plusieurs « substances psychoactives », l’association « alcool-

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DOSSIER tabac » et surtout « alcool-cannabis » serait typique des « conduites addictives » de cette classe d’âge (OFDT 1999). Une nouvelle conception de la relation entre les produits s’installe alors sur la base des récentes « découvertes » de la neurobiolo- gie et la pharmacologie : ce n’est plus le mythe de l’« escalade » (c’est-à-dire pas- sage des « drogues douces » aux « drogues dures ») qui caractérise les « polycon- sommations » mais celui de la « potentialisation », ou de la « démultiplication du risque » (OFDT 2000). Il s’agit là d’une évolution significative des représenta- tions de la consommation de drogues qu’a apportée le paradigme addictologique.

Elle consiste à penser que les « risques » induits par l’usage de « substances psy- choactives » sont multipliés de façon exponentielle, plutôt qu’additionnés, lorsque les psychotropes sont consommés simultanément, notamment dans le domaine de la « sécurité routière » (Crespin 2006). On comprend ainsi dans quelle mesure la dimension alarmiste des concepts « poly » (« polycosommation »,

« polytoxicomanie ») est fondée sur cette notion de « potentialisation », qui plus est lorsque celle-ci est l’apanage de la « jeunesse », catégorie dont les usages sociopolitiques depuis la fin des années 1960 sont loin d’être neutres (Bourdieu 1992) et alimentent diverses stratégies de disqualification (Pinell et Zafiropoulos 1982). Quoi qu’il en soit, l’usage de substances psychotropes est désormais un

« facteur de risque » qui se dit dans le langage de la santé publique ; l’observation de son incidence et de ses conséquences, au même titre que le soin et la préven- tion, constitue un des objectifs centraux de la lutte contre les « addictions ». Au total, on assiste, parallèlement au développement de l’addictologie, à un proces- sus de sanitarisation de la politique des drogues en France, et plus largement au niveau européen (Bergeron 2005).

L’épidémiologie des drogues telle qu’elle se développe à partir de la décennie 1990 a donc un impact considérable sur la carrière des « addictions ». Elle achève en quelque sorte les processus de problématisation, de publicisation et de politi- sation amorcés par le coup de force symbolique des neurosciences et du cogni- tivo-comportementalisme. En effet, l’épidémiologie est un territoire où cette conversion peut se réaliser assez aisément, tant les rapports entre science et poli- tique sont ténus au sein de ce champ d’activité (Buton 2006). Il n’est d’ailleurs pas anodin de noter la multipositionnalité de certains personnages clefs de cette

« histoire », tels les PrParquet, Reynaud, Tassin et quelques acteurs de l’adminis- tration sanitaire, siégeant à la fois aux conseils scientifiques et/ou d’administra- tion de la MILDT, l’INSERM, l’OFDT, etc. On pourrait en effet dire que la carrière des « addictions » est composée, d’une part, de multiples trajectoires, dont les connexions tissent la trame, quasi scénaristique, de cette opération de construction sociale et, d’autre part, de divers moments au sein desquels se réalise un cadrage particulier de la notion. Tandis qu’une première étape marque l’émergence des conditions de possibilité d’une approche globale des phéno- mènes de dépendance, les trois suivantes se caractérisent par un travail spécifique sur le sens des « addictions », dont le produit forme le « problème » tel que nous le

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DOSSIER connaissons actuellement. Au final, on ne manquera toutefois pas de relever que le paradigme addictologique s’inscrit également dans des évolutions plus globales de nos sociétés contemporaines : de la substitution du registre épistémologique des « causes » par celui des « risques » (Peretti-Watel 2004) aux processus de médicalisation de la déviance (Aïach et Delanoë 1998).

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