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LÉGISLATION : Les concessions d'énergie électrique et les accidents qui leur sont reprochés. - Concordance entre plusieurs arrêts récents

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[48 LA HOUILLE BLANCHE

L E G I S L A T I O N

Les concessions d'énergie électrique et les accidents qui leur sont reprochés. - C o n c o r d a n c e entre plusieurs arrêts récents

p a r P a u l B O U G A U L T , Avocat à la Cour d'Appel de Lyon.

On croit généralement que les questions de compétence sont seulement destinées à occuper l'esprit des jurisconsultes. Il n'est pas sans intérêt de /aire remarquer que, dans bien des cas, la nature d'une ins- tance est très nettement caractérisée, par le, seul fait qu'elle, doit être portée devant le Tribunal Civil; et cette juridiction sont tout spécialement réservées les affaires dans lesquelles on remarque, à la charge du distributeur, une faute ayant l'allure d'un délit (prévu par le Code pénal ; par exemple homicide ou bles- sures par imprudence). Au contraire, la juridiction administrative est réservée aux instances dans les- quelles on reproche à un ouvrage public d'être mal entretenu ou mal placé, sans que la responsabilité, d'une personne soit engagée au point de vue. répressif.

Division de cette étude. — P o u r plus d e clarté, n o u s diviserons notre é t u d e e n d e u x parties, e n consacrant la première a u x affai- res d a n s lesquelles l'incompétence d u T r i b u n a l judiciaire avait été f o r m e l l e m e n t soulevée p a r le concessionnaire assigné, à raison d e sa responsabilité pécuniaire, p a r la victime d ' u n accident ; d a n s la seconde, n o u s e x a m i n e r o n s les cas o u le concessionnaire a p a r u se désintéresser d e la question d e c o m p é t e n c e .

P R E M I È R E P A R T I E

D É C I S I O N S D A N S L E S Q U E L L E S L A Q U E S T I O N D E C O M P É T E N C E É T A I T P O S É E .

Examen de deux décisions en apparence opposées. —-- Leur parfaite concordance. — D e u x arrêts d e la C o u r d e Cassation qui seront reproduits ci-dessous et sont relativement r a p p r o c h é s l'un d e l'autre, o n t été r e n d u s l'uu p a r la C h a m b r e des R e q u ê t e s , le 2 m a i 1 9 2 7 (affaire C a s a n o v a ) , l'autre p a r la C h a m b r e civile, le 2 6 d é c e m b r e 1 9 2 7 (affaire V e u v e Buguet-Billard) : ils o n t p a r u être tout particulièrement e n c o m p l è t e opposition. L e premier, e n effet, e n rejetant le p o u r v o i d e la C o m p a g n i e Centrale d'Eclai- rage contre l'arrêt d e la C o u r d'Alger d u 3 0 d é c e m b r e 1 9 2 5 , a p r o c l a m é la c o m p é t e n c e judiciaire et rejeté les conclusions d u distributeur q u i d e m a n d a i t à n'être jugé q u e p a r la juridiction administrative, d a n s la question d e responsabilité pécuniaire à l'occasion d ' u n accident (1).

(1) O n trouvera l'arrêt de la Cour de Cassation dans le Recueil de Dalloz Hebdomadaire, année 1927, page 301 (Com- pagnie d'Eclairage et de Chauffage par le G a z Lebonnet Cl e

contre époux Casanova) :

« L a Cour ; sur le m o y e n unique pris du principe de la sépara- tion des pouvoirs de l'article 4, paragraphes 1 et 4 de la loi du 28 Pluviôse an VIII, et de l'article 7 de la loi du 20 avril 1810 ;

t Attendu que les époux Casanova, ayant été atteints de brûlure et de blessures par des décharges électriques provenant des fils d'éclairage installés dans leur maison par la C o m p a g n i e Lebon, pour la fourniture de la lumière électrique, ont introduit devant le Tribunal Civil d'Alger, une action en réparation du préjudice qui leur a été ainsi causé ; que la Compagnie Lebon a prétendu et prétend encore, à l'appui de son pourvoi, que la Juridiction civile est incompétente pour connaître d'une pareille action, parce que

L e second, a u contraire, a cassé u n arrêt d e la C o u r d ' A p p e l de- Paris d u 4 janvier 1 9 2 6 et a p r o c l a m é , à la d e m a n d e d e la Société d e distribution d e l'Ouest, l'incompétence d u T r i b u n a l judiciaire p o u r statuer sur la m ê m e responsabilité (1).

le d o m m a g e est la conséquence de la chute d'un poteau supportant une canalisation électrique et est imputable à l'exécution d'un travail public ;

« Mais attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la ligne sur laquelle s'est produit l'accident a été mise en service sans qu'ait été délivrée l'autorisation préfectorale de cir- culation de courant prévue par l'article 15 de la loi du 15 juin 1906 et qu'ainsi l'accident résulte d'une infraction aux prescrip- tions édictées dans l'intérêt de la sécurité des personnes et répri- m é e pénalement par l'article 25 de ladite loi ;

« Attendu que cette infraction ouvrait, en vertu de l'article 3 du Code d'Instruction criminelle, une action civile en d o m m a g e s - intérêts devant les Tribunaux Civils ; qu'en décidant dès lors que la juridiction civile était compétente pour statuer sur le litige qui lui était déféré, la Cour d'Alger n'a pas violé les textes invoqués par le pourvoi. Par ces motifs : rejette ».

(1) Cet arrêt du 26 décembre 1927 (affaire Buguet-Billard contre Société de Distribution d'Electricité de l'Ouest) a cassé u n arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 4 janvier 1926 ; la Cour Suprême s'exprime ainsi (Recueil Hebdomadaire de Dalloz, année 1928, N ° 5, page 65) : « L a Cour. — Sur le premier m o y e n ; vu l'article 4 de la loi du 28 Pluviôse an VIII.

« Attendu que les travaux exécutés sur le territoire d'une c o m m u n e par la Compagnie concessionnaire de la distribution d'énergie électrique, pour l'installation de ses lignes aériennes, ont le caractère de travaux publics ;

« Attendu que la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les d o m m a g e s causés par l'exécution des travaux publics ;

« Attendu que, d'après l'exploit inlroductif d'instance, l'acci- dent dont a été victime le sieur Buguet et dont il était d e m a n d é réparation par sa veuve, serait le résultat d'une commotion éprouvée pendant qu'il travaillait à la charpente d'une maison en construction, au contact de fils électriques à haute tension établis à une si faible distance, du toit de l'immeuble que leur installation rendait nécessairement dangereux tout travail exé- cuté sur le bord de ce toit ; que l'action en responsabilité engagée contre la Compagnie défenderesse, était donc directement et uni- quement fondée sur une prétendue défectuosité dans l'exécution d'un travail public ;

« Attendu, dès lors, que c'était à l'Autorité administrative Article published by SHF and available athttp://www.shf-lhb.orgorhttp://dx.doi.org/10.1051/lhb/1928026

(2)

LA HOUILLE BLANCHE 149

L'opposition n'est q u ' a p p a r e n t e ; car, e n réalité, les d e u x pro- b l è m e s à résoudre étaient loin d'être semblables.

Examinons le premier arrêt (2 m a i 1 9 2 7 ) : les é p o u x C a s a n o v a se plaignaient d'avoir été g r a v e m e n t brûlés alors qu'ils étaient d a n s leur c h a m b r e , par le contact d e leur l a m p e électrique d o n t les fils avaient m o m e n t a n é m e n t rencontré d e s câbles à h a u t e tension, p a r suite d e l'affaissement d'un poteau renversé sur la route p a r le chauffeur d e la C o m p a g n i e a n o n y m e des T r a n s p o r t s a u t o m o b i l e s .

S a n s d o u t e , u n e part d e la responsabilité devait i n c o m b e r à cette dernière Société qui a d'ailleurs été m a i n t e n u e e n cause

M a i s , l'autre part n'incoinbait-elle pas à la C o m p a g n i e conces- sionnaire ?

Celle-ci, p o u r le m o m e n t d u m o i n s , n e discutait p a s ce point : elle proposait s e u l e m e n t à la C o u r d'Alger u n m o y e n d e défense, [tins e x a c t e m e n t u n e fin d e n o n recevoir q u e l'on p e u t ainsi résu- m e r : « Si je suis responsable, ce n'est p a s a u T r i b u n a l judiciaire

« à le p r o c l a m e r ; je suis concessionnaire d'une distribution d'éner-

« gie, p a r c o n s é q u e n t d'un travail public : je n e puis r é p o n d r e d e

« m e s actes q u e d e v a n t la juridiction administrative ; car si la

« loi d e Pluviôse, a n V I I I , n'a confié a u x Conseils d e Préfecture

« q u e le soin d e juger la question des d o m m a g e s p r o v e n a n t des

« t r a v a u x publies, la jurisprudence depuis l o n g t e m p s a é t e n d u sa

« c o m p é t e n c e a u x accidents. » (1).

C o m m e le r e m a r q u e la C o u r S u p r ê m e , les Conseillers d'Alger avaient r é p o n d u q u e la responsabilité d e la Société concession- naire n e d é p e n d a i t p a s s e u l e m e n t d'une b o n n e o u m a u v a i s e exécution des o u v r a g e s d e la distribution, m a i s d'une infraction a u x prescriptions q u i sont i m p o s é e s a u distributeur p o u r la sécurité des personnes, et q u e si le distributeur s'en affranchit, il

qu'il appartenait d'en connaître : d'où il suit qu'en déclarant les T r i b u n a u x judiciaires c o m p é t e n t s p o u r y statuer l'arrêt attaqué a m é c o n n u le principe d e la séparation des pouvoirs et violé le texte ci-dessus visé. P a r ces motifs et sans qu'il soit nécessaire d e statuer sur le d e u x i è m e m o y e n , casse et renvoie d e v a n t la C o u r d'Appel d'Orléans. »

(1) L a loi d e Pluviôse a u V I I I n'envisage expressément c o m m e rentrant d a n s la c o m p é t e n c e des Conseils d e Préfecture q u e les

« d o m m a g e s » ; m a i s la jurisprudence assimile à ce préjudice causé à u n e propriété l'accident causé à u n e personne, défaut d'éclai- rage d'une tranchée p r o v o q u a n t la chute d'un passant, rupture et chute d'un fil électrique ; p o u r le Conseil d'Etat cette assimila- tion n e fait pas d e doute et dès q u e la juridiction administrative est saisie, il a d m e t la c o m p é t e n c e administrative à la condition, bien e n t e n d u , cpie l'accident n e dérive pas d'un fait d'exploitation, m a i s soit réellement d û à l'ouvrage public l u i - m ê m e ; ainsi reste- rait d a n s la c o m p é t e n c e d e la juridiction judiciaire u n accident survenu à u n e f e m m e t o m b a n t d'un t r a m w a y , parce q u e ia plate- f o r m e n'était pas m u n i e d'une chaîne d e protection (Tribunal des Conflits, 3 1 m a i 1 9 1 3 ; aff. R i b y , Recueil d u Conseil d'Etat, p a g e G06) ; et il y aura, a u contraire, c o m p é t e n c e administrative si l'accident est d û à u n e fausse m a n œ u v r e exécutée p e n d a n t le cours d'un travail public : ouverture intempestive et maladroite d'une v a n n e par u n a g e n t d'un entrepreneur ries réparations à u n canal (Conseil d'Etat, 3 0 m a r s 1 9 0 6 ; Société Métallurgique d ' O n n a i n g contre Carré ; D . P. 1907.3.19) : insuffisance d e solidité d'une clôture (Conseil d'Etat, 7 août. 1917 ; Recueil p a g e 631 ; affaire M a g n a t contre Société Privât frères, entrepreneurs d e travaux publics). L a C o u r d e Cassation (voir .1. Àppleton. p a g e 4 2 6 ) a p a r u résister, p e n d a n t u n certain t e m p s , à cette opinion : elle paraît aujourd'hui c o m p l è t e m e n t s'y rallier, sauf, c o m m e il a été dit, le cas o u se révèle la faute constitutive d'un délit qui aurait été sus- ceptible d'être déféré a u Tribunal Correctionnel ', le d o c u m e n t qui n o u s renseigne le plus fidèlement sur la tendance aujourd'hui presque c o m p l è t e d e la C o u r d e Cassation h a d m e t t r e la c o m p é - tence administrative a u sujet des accidents, est l'arrêt qui sera analysé plus loin d u 2 6 d é c e m b r e 1 9 2 7 (Buguet-Billard contre Société d e l'Ouest, D . H . 1 9 2 8 , p a g e 6 5 ) .

t o m b e sous le c o u p d e l'article 2 5 d e la loi d u 1 5 juin 1 9 0 6 ainsi c o n ç u : « T o u t e infraction a u x dispositions édictées d a n s l'intérêt

« d e la sécurité des personnes, soit par les r è g l e m e n t s d'adminis-

« fration publique, soit par les arrêtés visés à l'article 19, sera

« poursuivie d e v a n t les t r i b u n a u x correctionnels et punie d'une

« a m e n d e d e 16 francs à 3.000 francs, sans préjudice d e l'applica-

« tion d e s pénalités p r é v u e s a u C o d e p é n a l e n cas d'accident

« résultant d e l'infraction. (1), »

E v i d e m m e n t , o n n e saurait trop le r e m a r q u e r , la Société n'était p a s traduite d e v a n t les t r i b u n a u x correctionnels, m a i s d e v a n t e u x une. poursuite aurait pu être e n g a g é e , et la jurisprudence est inflexible, sur ce point : les juges d u T r i b u n a l civil sont seuls c o m - pétents p o u r statuer sur la responsabilité pécuniaire dérivant d ' u n fait qu'f.'.s auraient pu avoir à punir c o m m e juges correc- tionnels (1).

Telle est la raison p o u r laquelle la C o u r d e Cassation s'est refusée à casser l'arrêt d e la C o u r d'Alger qu'elle a a u contraire, a p p r o u v é d a n s les t e r m e s q u e n o u s a v o n s fait connaître. L a juris- p r u d e n c e est d'ailleurs constante : c'est la p r e m i è r e fois q u e la C o u r d e Cassation, à notre connaissance d u m o i n s , est a m e n é e à citer, p o u r u n e question d e responsabilité pécuniaire, l'article 2 5 d e la loi d u 1 5 juin 1 9 0 6 qui punit d ' a m e n d e celui qui c o m m e t u n e infraction a u x règlements édictés d a n s l'intérêt d e la sécurité des personnes. M a i s , elle a bien s o u v e n t cité les textes d u C o d e pénal relatifs à l'homicide o u a u x blessures par i m p r u d e n c e , soit contre les auteurs d u fait (arrêt d u 2 7 n o v e m b r e 1 9 1 8 , D . P . 1 9 1 9 1.17 ; Somerville contre Société des T r a m w a y s d e N i c e ; et 2 4 jan- vier 1 9 2 3 , D . P . 1923.1.33, d e C h a m p l o u i s contre C o m p a g n i e des T r a m w a y s d u Loiret), soit contre u n p a t r o n responsable d u fait d'un d e ses e m p l o y é s .

D a n s le cadre d e cette décision, rentrent plusieurs arrêts q u i o n t statué sur la responsabilité d u distributeur, sans q u e la ques- tion d e l'incompétence d u Tribunal judiciaire ait été soulevée ; m ê m e si elle l'avait été, d'ailleurs, la C o u r aurait s û r e m e n t rejeté le déclinatoire et consacré la c o m p é t e n c e judiciaire, p o u r les m o - tifs q u e n o u s a v o n s d o n n é s . O n p e u t citer l'arrêt d e La C h a m b re

(1) Ces infractions étaient les suivantes ; ligne m i s e e n service a v a n t l'autorisation d e c o u r a n t p r é v u e p a r l'article 1 5 d e la loi d u 15 juin 1 9 0 6 ; m i s e sous tens ion sans q u e les précautions suffi- santes aient été prises à raison d u r a p p r o c h e m e n t des conducteurs de basse et de. h a u t e tension.

(1) C e principe a été m i s e n pleine évidence, surtout e n ce qui concerne la prescription, p a r différents arrêts q u i sont r é s u m é s d a n s le Répertoire Pratique d e Dalloz, Ve Responsabilité Civile N ° 606. « L'action civile e n responsabilité n e se prescrit q u e p a r

« trente ans ; toutefois, lorsqu'elle est fondée sur u n crime, u n

« délit, u n e contravention prévus p a r la loi pénale, l'action civile

« e n responsabilité se prescrit p a r le m ê m e laps d e t e m p s q u e

« l'action publique. M a i s ceci n'est vrai q u e si l'action civile e n

« responsabilité est exclusivement fondée sur des faits réprimés

« p a r la loi pénale. Elle est, i n d é p e n d a n t e d e l'action publique

« née d'un crime, d'un délit o u d'une contravention, toutes les

« fois qu'elle n'a p a s exclusivement p o u r base ce crime, ce délit,

« o u cette contravention ; m a i s q u e e n dehors d u fait p r é v u p a r 1&

« loi pénale, il est relevé u n e autre circonstance d e laquelle puisse

« découler la responsabilité rie l'article 1 3 8 2 d u C o d e Civil. » E n ce qui concerne l'Etat (voir loco citato, N ° 6 0 9 ) la prescription d e l'action publique à l'égard d e l'auteur d'un délit n'influe e n rien sur l'action e n responsabilité exercée contre ledit E t a t à l'occasion rie ce délit, cette dernière action étant fondée n o n sur l'existence d'un fait délictueux, m a i s sur les principes suivant lesquelles la responsabilité d e l'Etat est engagée. (.Consulter sur ce point Conseil d'Etat 2 2 m a i 1 9 1 2 , D . P . 1915,3.3, affaire d a m e A u g é ; 2 2 n o v e m b r e 1 9 1 8 , D . P. 1920.3.1, affaires diverses ; consul- ter la note d'Appleton sur ces arrêts, D . P. 1920.3.5, p a r a g r a p h e 5 in fine).

(3)

150 L A H O U I L L E B L A N C H E civile d u 10 n o v e m b r e 1 9 2 1 (Société d'Electricité d e Dévie contre

V e u v e Essel) d a n s lequel la C o u r constate q u e la Société après avoir recouvert d'une substance isolante u n fil dont la proximité n'était p a s dangereuse, n'a pas m a i n t e n u ce fil e n b o n état d'iso- l e m e n t ; la responsabilité dérivait d'une infraction à une, mesure, i m p o s é e p o u r la sécurité d e s personnes O n p e u t consulter aussi l'arrêt d e la C o u r d ' A p p e l d e L y o n d u 3 0 octobre 1 9 2 4 : la C o u r a o r d o n n é u n e e n q u ê t e p o u r savoir si les fils électriques a y a n t causé la m o r t d e l'ouvrier charpentier Mercier étaient à u n e dislance réglementaire ; enfin l'arrêt d e la C o u r d e Montpellier d u 2 1 juin 1 9 2 4 (Société Elec- trique Ecoiffier contre la fille m i n e u r e Félicie F e r n a n d e z ) est à rapprocher é g a l e m e n t ; la C o u r a a d m i s q u e , p o u r u n e Société d e distribution, le fait d e laisser traîner p e n - d a n t plus d e d o u z e heures, sur la terre, u n fil r o m p u p a r l'orage, engageait sa responsabilité e n vertu d e l'article 1381 d u C o d e civil.

Examinons maintenant le second arrêt, celui d u 2 6 décembre.

1 9 2 7 : l'affaire d e la V v e Buguet-Billard terminée par cet arrêt, se présentait d e la façon suivante : l'ouvrier B u g u e t travaillant à la charpente d'une m a i s o n e n construction fut électrocuté a u contact d e fils à h a u t e tension a p p a r t e n a n t à la Société d'Elec- tricité d u S u d - O u e s t ; la v e u v e prétendit q u e la proximité d e tels fils était trop g r a n d e et q u e tout travail d e c h a r p e n t e d a n s ces conditions était d a n g e r e u x . M a i s , elle n'alléguait p a s contre le distributeur u n m a n q u e m e n t n e t t e m e n t défini à u n e prescription légale édictée d a n s l'intérêt des personnes, telle q u e la distance i m p o s é e aujourd'hui p a r l'article 6 4 d e l'arrêté t e c h n i q u e pris a n n u e l l e m e n t p a r le Ministre des T r a v a u x publics (le dernier p a r u est actuellement celui d u 3 0 avril 1 9 2 7 (1).

L a d e m a n d e r e s s e était confiante d a n s la facilité a v e c laquelle les t r i b u n a u x a d m e t t e n t e n droit q u e le détenteur d'une chose est responsable des accidents causés par cette chose (article 1 3 8 4 d u C o d e civil) et, e n fait, q u e le concessionnaire d'une distribu- tion est s o u m i s à u n e règle semblable, puisqu'il est détenteur des câbles électriques ; elle espérait q u e le T r i b u n a l lui ferait l'appli- cation d e ce principe, d'après lequel l'observation m ê m e stricte des règlements n'est p a s u n e cause d'exonération d e la respon- sabilité d u distributeur (2). L a C o u r s u p r ê m e n'a p a s refusé à la d e m a n d e r e s s e le droit d e faire toutes critiques contre l'établisse- m e n t des o u v r a g e s d e la Société concessionnaire ; elle a simple- m e n t , sur les conclusions expresses d e la Société, r e m a r q u é (et il n'en p o u v a i t être a u t r e m e n t ) q u e d e pareilles critiques étaient adressées à u n travail public et q u e le Conseil d e Préfecture était seul c o m p é t e n t p o u r e n connaître.

S E C O N D E P A R T I E

E X A M E N D E S I N S T A N C E S D A N S L E S Q U E L L E S L A Q U E S T I O N D E C O M P É T E N C E N'ÉTAIT P A S S O U L E V É E .

Arrêt de la Chambre des Requêtes du 28 novembre 1927. — Q u a n d o n e x p o s e les principes q u e n o u s v e n o n s d e préciser, à des

(1) Cet arrêté fixe une zone, de protection déterminée par un plan vertical, parallèle au m u r de façade ; par u n plan parallèle au toit' en pente ; par un plan horizontal parallèle au toit en ter- rasse. Les distances de ces plans par rapport aux façades, murs et toits que l'on veut garantir est de 3 mètres pour une ligne équipée avec isolateurs rigides, et de 4 mètres s'il existe des isolateurs suspendus.

(2) Voir ci-contre nos observations sur ce point.

personnes qui préfèrent n e pas les écouler, o n se heurte s o u v e n t à l'objection qu'elles f o r m u l e n t d'un air plus o u m o i n s distrait :

« C e p e n d a n t , disent-elles, il existe a u inoins u n arrêt, d a n s lequel M la C o u r d e Cassai ion s'est déclarée c o m p é t e n t e p o u r juger u n

« cas d a n s lequel u n concessionnaire était assigné e n réparation

« d'un accident : il s'agissait bien d'un travail public, et a u c u n e

« faute délicluclle n'étail alléguée contre le distributeur ; p a r u c o n s é q u e n t d'après les principes exposés d a n s votre p r e m i è r e

« partie, la C o u r aurait d û p r o c l a m e r l'incompétence d e la juri-

« diction judiciaire suivant e n cela la doctrine qu'elle a appli-

« q u é e d a n s l'arrêt d u 2 0 d é c e m b r e 1 9 2 7 (affaire Buguet-Billard). » L'arrêt qui est particulièrement visé, est celui qui a été r e n d u le 2 8 n o v e m b r e 1 9 2 7 . d a n s l'affaire V e u v e L é o n a r d contre C o m p a g n i e llavraise d'Electricité el esl reproduit d a n s le. Recueil H e b d o m a d a i r e d e Dalloz, année. 1 9 2 8 , page, 5. L a V e u v e L é o n a r d avait assigné, la C o m p a g n i e llavraise e n réparation pécuniaire d e l'électrocution d e son m a r i el la C o u r d e R o u e n l'avait d é b o u -

tée de, sa d e m a n d e , suivant arrèl d u 14 janvier 1 9 2 1 .

C o n s t a t o n s , tout d'abord, q u e la C o m p a g n i e llavraise n'avait d é p o s é a u c u n e conclusion sur la question d e c o m p é t e n c e , el, dès le d é b u t d u procès, elle avait accepté, d e plaider d e v a n t la juridiction judiciaire. O r , la C o u r S u p r ê m e « n'affirme réellement la c o m p é t e n c e judiciaire « q u e d a n s les cas o ù celte question a été discutée, d e v a n t elle. S a n s doute, d a n s certaines h y p o t h è s e s la C o u r peut soulever d'office, l'exception d ' i n c o m p é t e n c e . M a i s , il serait téméraire d e considérer c o m m e bouleversant u n e juris- p r u d e n c e , u n arrêt rejetant u n p o u r v o i contre, u n e décision d'un tribunal judiciaire, s i m p l e m e n t parce q u ' e n dehors d e loul m o y e n soulevé p a r u n d e s intéressés, il n'aurait p a s i n v o q u é d'office le principe d e l'incompétence.

E l , n o n s e u l e m e n t la C o m p a g n i e llavraise n'avait p a s agité cette question, m a i s elle avait u n intérêt incontestable à obtenir d'emblée u n e décision définitive q u i n e pouvait q u e lui être favorable, étant d o n n é les circonstances d a n s lesquelles l'affaire se présentait.

O n n e saurait oublier, e n effet, q u e la V e u v e L é o n a r d avait p e r d u s o n procès d e v a n t la C o u r d e R o u e n qui, p o u r rejeter la d e m a n d e , s'était basée sur ce q u e les fils meurtriers étaient placés d a n s la situation v o u l u e par les r è g l e m e n t s administratifs. L a d e m a n d e r e s s e a u p o u r v o i pouvait d o n c présenter à la C o u r S u - p r ê m e cet a r g u m e n t bien c o n n u : la C o m p a g n i e est détentrice d e s o n réseau qui est sous sa g a r d e ; d o n c , si le réseau est la cause d'un accident la Société est e n p r é s o m p t i o n d e faute, e n vertu d e l'article 1 3 8 4 ; il i m p o r t e p e u qu'elle ait pris toutes les précau- tions édictées d a n s des textes administratifs : la parfaite confor- m i t é a u x dits textes n'est p a s u n e cause d'exonération de. respon- sabilité et n e s u p p r i m e p a s l'application d e l'article 1 3 8 1 d u C o d e civil (1).

(1) Ce principe est en effet constant : il surprend souvent les industriels qui allèguent toujours, pour leur défense, qu'ils ont suivi les prescriptions réglementaires ; mais les Tribunaux qui ont à statuer entre un particulier complètement étranger à la chose que le propriétaire a sous sa garde, et le propriétaire qui profite de cette chose, ne se laissent point toucher par cette considération que toutes les précautions légales ont été prises. Ainsi, une m a - chine à vapeur éclate et détériore un mobilier, sans que l'on arrive à connaître, le motif de l'explosion ; la Compagnie se défend en disant qu'elle avait expérimenté la résistance de sa machine, en pro- cédant aux épreuves de tension. L a Cour de Cassation rejette ce m o y e n (arrêt de la C h a m b r e Civile du 21 janvier 1919, D. P.

1922.1.25, affaire Compagnie des chemins de fer de l'Ouest contre demoiselle Marcault) ; m ê m e observation dans l'arrêt de la Cour de Toulouse du 11 juin 1913 (D. P. 1914.2.171, affaire Société T o u -

(4)

L A H O U I L L E B L A N C H E 151 M a i s , d a n s l'arrêt d e la C o u r d e liouen, o n n e trouvait pas,

c o m m e motif d u rejet d e la d e m a n d e de la V e u v e L é o n a r d , q u e la simple affirmation q u e la C o m p a g n i e s'était c o n f o r m é e a u x dis- positions réglementaires. L a C o u r ajoutait u n motif d e g r a n d e importance. : elle constatait (pic la victime avait c o m m i s elle- m ê m e u n e faute d a n s le transport d e la planche, a v e c laquelle elle avait heurté le fil électrique et avait été électrocutée ; or, si, c o m m e n o u s l'avons m a i n t e s fois répété, l'article 1 3 8 4 m e t e n p r é s o m p t i o n d e faute le délenteur d e la chose qui a causé l'acci- d e n t et le préjudice, cette p r é s o m p t i o n cesse q u a n d le propriétaire d e la chose d é m o n t r e q u e la victime a c o m m i s u n e i m p r u d e n c e o u u n e foule.

C'est, p o u r q u o i le lexle d e l'arrêt d u 2 8 n o v e m b r e 1 9 2 7 es!

très intéressant à lire (1).

lousaine du Bazacle contre Société Le Phénix), arrêt ou on lit les termes suivants : « Il ne suffit pas à la Société, pour s'exonérer, de dire qu'elle a maintenu ses câbles à la distance prescrite. »

Quelques personnes demandent alors quel intérêt le conces- sionnaire peut trouver à se conformer aux prescriptions réglemen- taires, puisque, m ê m e en les observant, il ne s'exonère pas ; il faut d'abord remarquer que cette conformité aux règlements lui assure l'impunité au point de vue pénal ; de plus, en soulevant l'incompé- tence de la Juridiction judiciaire, il peut obtenir son renvoi devant la juridiction administrative qui est généralement considérée c o m m e moins rigoureuse en ce qui concerne le chiffre des répara- tions pécuniaires allouées aux victimes.

(1) O n peut citer certains arrêts qui ont basé la responsabilité du distributeur aussi bien sur l'article 1384 que sur l'article 1382 du Code Civil : de ce nombre, est l'arrêt de la Cour d'Appel de Besancon du 21 mars 1927 (affaire d a m e Blanchard contre Société des Grands Moulins de Gray,'D. H . 1927, page 279) : cet arrêt a cassé la décision des premiers juges et décidé qu'en l'absence d'une faute de la victime, l'article 1384 était applicable en matière de canalisation électrique; et, d'autre part, elle a trouvé que la Société distributrice avait nettement commis une faute caracté- risée par ce fait : six jours après l'accident circulait encore dans un fil qui aurait dù rester neutre, un courant qui était supérieur à 500 volts et qui provenait du contact du réseau secondaire et du réseau primaire.

« L a C o u r :

« S u r le m o y e n u n i q u e pris d e la violation d e l'article 7 d e la loi d u 2 0 avril 1 8 1 0 , défaut d e motifs, contradiction d e motifs, m a n q u e d e base légale, et des articles 1 3 8 2 et 1 3 8 1 d u C o d e civil ;

« A t t e n d u q u e L é o n a r d , entrepreneur d e couverture à B a r e n - fin, a y a n t trouvé la m o r t a u contact d e câbles installés d a n s cette ville p o u r le transport d e la force électrique p a r la C o m p a - gnie H a v r a i s e d'Energie Electrique, et cette Société a y a n t été assignée p a r la V e u v e L é o n a r d , e n d o m m a g e s - i n t é r ê t s , c o m m e responsable d e cet accident, l'arrêt a t t a q u é a d é b o u t é cette der- nière des fins d e sa d e m a n d e ;

« A t t e n d u qu'il est reproché a u dit arrêt d'avoir ainsi statué, e n se f o n d a n t u n i q u e m e n t sur ce q u e les fils électriques étaient placés selon les prescriptions réglementaires, alors q u e le respect des dites prescriptions laisse, entière la responsabilité d u conces- sionnaire vis-à-vis des tiers, et qu'il résulte des circonstances d e l'accident qu'en p o s a n t des fils à h a u t e tension assez r a p p r o c h é s des m a i s o n s p o u r q u ' u n e p e r s o n n e effectuant à celles-ci d e s t r a v a u x n o r m a u x , se plaçât sous la d é p e n d a n c e d u risque, la C o m p a g n i e avait c o m m i s u n e faute a y a n t contribué à occasionner l'accident.

u M a i s a t t e n d u qu'il résulte tant d e l'arrêt a t t a q u é q u e d u juge m e n t d u T r i b u n a l Civil d e R o u e n d o n t il a a d o p t é les motifs, q u e , contrairement à ce qui est s o u t e n u p a r le pourvoi, l'accident est u n i q u e m e n t d û à u n m o u v e m e n t maladroit d e L é o n a r d , alors q u e travaillant sur u n é c h a f a u d a g e dressé à proximité des fils, il portait u n e p l a n c h e h u m i d e qui les a heurtés ;

« A t t e n d u qu'en décidant, en cet état, des faits s o u v e r a i n e m e n t constatés q u e la C o m p a g n i e H a v r a i s e d'Energie Electrique était d é g a g é e d e toute responsabilité, l'arrêt a t t a q u é qui est m o t i v é et d o n t les motifs n e contiennent a u c u n e contradiction a légale- m e n t justifié sa décision, sans violer a u c u n des textes visés a u m o y e n ;

« P a r ces motifs, rejette le pourvoi. »

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