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UNIVERSITE PARIS X - NANTERRE. CENTRE de RECHERCHES de LANGUE et LITTERATURE ITALIENNES. Documents de travail et prépublications N 31.

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UNIVERSITE PARIS X - NANTERRE

CENTRE de RECHERCHES de LANGUE et LITTERATURE ITALIENNES

Documents de travail et prépublications

N°31

Marthe DOZON

Les légendes de fondation de FIESOLE & de FLORENCE

au temps de DANTE

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LES LEGENDES DE FONDATION DE FIESOLE ET DE FLORENCE AU TEMPS DE DANTE

Ce qu'il est convenu d'appeler le "mythe de Florence" est générale- ment analysé dans le cadre des études sur l'historiographie florentine.

C'est dire que la critique récente a surtout insisté sur l'utilisation du mythe à des fins politiques, soit pendant la période communale, soit au moment où s'affirmait l'humanisme civique du Quattrocento. Il est exact que certains éléments des récits concernant les origines de Florence ont été controversés et retouchés au XVe siècle, selon que les factions entendaient défendre le régime républicain de la Florence médiévale ou soutenaient l'idée monarchique implantée par le clan médicéen. On peut exploiter un mythe et l'orienter ; mais peut-on le créer de toutes pièces et faut-il n'y voir qu'une trame prétentieuse et chimérique ? (1)

Il est impossible de préciser à quelle époque se sont formées les légendes de fondation de Fiesole et de Florence. Un fait est certain, c'est que leur génèse a dû précéder d'au moins une génération leur appa- rition dans les chroniques entre la fin du XIIe et le milieu du XIIIe siècle.

La démarche adoptée ici diffère des analyses précédentes, dans la mesure où le mythe est considéré en soi, à travers ses expressions diver- ses, aussi bien chez les chroniqueurs que chez les conteurs et les poètes.

Voici la manière dont on a procédé :

1/ A partir d'un texte déterminé, celui d'un poète florentin, Dante, écrivant entre 1304 et 1318 environ, l'investigation s'est élargie dans le champ synchronique, mais aussi vers les autres versions, antérieures et postérieures, du mythe, de façon à en cerner les prémices, puis les déve- loppements jusque dans la seconde moitié du XIVe siècle. Ainsi a-t-on ren- contré le problème d'éventuelles correspondances ou interférences entre l'historiographie, la tradition populaire et la littérature.

2/ La perspective diachronique, qui est essentielle dans cette étude, exi- ge qu'on tienne compte du réseau culturel pertinent au mythe. En l'occur- rence, puisqu'il s'agit des origines de Fiesole et de Florence, on a posé pour principe de relever tout indice susceptible de déceler une connexion avec l'histoire de l'Etrurie et de Rome.

3/ Suivant la voie tracée par certains spécialistes d'archéologie toscane (2), on a mis en parallèle les données contenues dans les textes en question avec les informations que fournit la recherche archéologique.

Cette confrontation devrait permettre de mieux dégager en quoi consiste le mythe, d'observer son fonctionnement, d'éclairer sa thématique et, peut- être, d'y apercevoir une signification.

On a donc regroupé les pièces d'une sorte de puzzle narratif, qui sont éparses dans les textes des chroniqueurs, conteurs et poètes tosacns des XIIIe et XIVe siècles. Il s'agit d'un ensemble de récits dont le dessin global restitue les lignes de force de la mémoire toscane à l'égard des origines de Fiesole et de Florence.

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I - LA LEGENDE DE FONDATION DE FIESOLE I.1. Fiesole dans la Divine Comédie

Si on voulait suivre l'ordre chronologique de composition ou de rédac- tion des récits en question, il faudrait commencer par examiner en détail les chroniques latines (3) d'où dérivent les textes rédigés en langue vulgaire. L'étude étant centrée délibérément sur ces derniers, c'est à leur propos que seront indiqués les éléments narratifs et descriptifs fournis par leurs antécédents latins.

Alors pourquoi cette priorité donnée à la Divine Comédie ? Parce que celle-ci marque le moment où la conscience de la toscanité s'affirme et s'exprime en vulgaire, principalement dans l ' é l i t e du popolo (4), et où la légende affleure au niveau d'un grand texte littéraire.

Le point de départ de l'enquête est donc un tercet de la Comédie, Paradis XV, 124-126 et, plus précisément, le vers 126 :

L'altra, traendo alla rocca la chioma, favoleggiava con la sua famiglia de' Troiani, di Fiesole e di Roma.

Le personnage de Cacciaguida, trisaïeul du poète, trace un tableau de la Florence "sobre et pudique" (5) du XIIème siècle, dans laquelle il dit avoir vécu. Parmi les traits des moeurs et coutumes du "bon vieux temps", il rappelle quelles étaient les occupations des femmes florentines.

Tout en filant la laine, on racontait de belles histoires, et celles-ci avaient pour sujet les Troyens, Fiesole et Rome. Ce vers 126, qui suscite remarques et questions, quel réseau associatif recouvre-t-il ?

De prime abord, il présente une énumération qui, du point de vue sémantique, n'est pas homogène. La désignation d'un peuple (les Troyens) est suivi des noms de deux cités (Fiesole et Rome). Ensuite, on note un déséquilibre dans ce que représentent les signifiants. Les deux extrêmes de l'énumération énoncent des noms dont le prestige est éclatant : éclat de l'épopée en ce qui concerne les Troyens, éclat de l'histoire en ce qui concerne Rome. Dans cette succession ternaire, le maillon central, qui unit les Troyens et Rome, est constitué par Fiesole, c'est-à-dire par le nom d'une petite ville des collines, dépeuplée au profit de Florence.

Et pourtant, du fait de la différenciation de "peuple" et "cité", Fiesole va exactement de pair avec Rome. Que représente donc Fiesole ? Comment son nom peut-il s'inscrire entre le "signe" d'un très lointain epos et celui de la Ville Eternelle ?

D'autre part, de quelle sorte de récits s'agit-il ? Une réponse immédiate est donnée par le verbe favoleggiare (vers 125) : ce sont des récits fabuleux, ils font partie du répertoire narratif domestique, ils sont transmis oralement par les femmes, pendant qu'elles accomplissent leurs tâches quotidiennes. Ces récits dépendent donc de la tradition populaire, qui passe d'une génération à l'autre. Mais pourquoi ces récits - dans l'évocation desquels le nom de Florence est absent - sont-ils intégrés au patrimoine culturel des Florentins ?

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La première mention de Fiesole dans la Divine Comédie apparaît au chant XV de l'Enfer, lorsque le personnage de Brunetto Latini annonce au voyageur que des épreuves l'attendent à son retour dans Florence. Ce seul fait suffit à confirmer la présence, dans l'esprit du poète, d'une relation primordiale qui unit Florence et Fiesole. En effet, pour désigner les concitoyens de Dante, Brunetto Latini a recours à une péri- phrase : " ce peuple ingrat et méchant, / qui descendit de Fiesole ab antico, / et tient encore de la montagne et du roc" (6).

Ser Brunetto montre donc en Fiesole le berceau du peuple florentin : l'ingratitude et la malignité, dont celui-ci est accusé, semblent s'ac- corder à l'âpreté du site de Fiesole et à la dureté de ses pierres - macigno (vers 63) pouvant se référer aussi bien au sol rocheux dont on extrayait la pietra serena qu'aux énormes blocs des murailles étrusques.

Ensuite, l'hostilité qui doit se déchaîner contre Dante, à Florence, est figurée par des images végétales : les sorbiers aux baies acides sont contraires au doux figuier ( . . . t r a li lazzi sorbi / si disconvien fruttar lo dolce fico, vers 65-66). L'opposition des sorbiers et du figuier exprime, sous une autre forme, le contraste du mont et de la plaine, amorcé déjà dans le rappel d'une descente de Fiesole vers Florence. L'image du figuier (7) met en relief certaines caractéristiques de Florence : l'aménité de la terre et du climat, la proximité de l'eau. Mais, par delà ces données concrètes, est suggérée quelque affinité profonde entre Florence et Rome, toutes deux villes fluviales, puisque le figuier ruminalis, selon la légende, abrita au bord du Tibre les nourrissons de la louve. Dans la mesure où le figuier est associé au personnage de Dante, celui-ci, à son tour, est mis en relation avec une Florence qui serait faite à l'image de Rome tandis que les sorbiers deviennent emblématiques des Florentins venus de Fiesole.

Cependant, le réquisitoire se poursuit contre toute la citoyenneté, en jouant des traits satiriques qui sévissaient à l'égard des Florentins, tant et si bien que ser Brunetto exhorte Dante à se purger de leurs moeurs.

Une vieille renommée (8), qui court le monde, les dit aveugles et ce sont gens avides, pleins d'envie et d'orgueil (vers 67-69).

Aux plantes viennent se mêler des animaux voraces (vers 70-78) : le

"bouc" qui ne pourra atteindre l'herbe, le "fourrage" et la "litière" (9) évoquent des herbivores à l'étable, peut-être en connexion latente avec la "bergerie" de Saint-Jean, dans laquelle le poète se souviendra, plus loin, d'avoir dormi lorsqu'il était "agneau" (Paradis XVI, 25 et Paradis XXV, 5). Le souhait que formule ser Brunetto est que "les bêtes de Fiesole"

se dévorent entre elles, sans toucher à quelque plante romaine qui aurait poussé dans leur litière.

Il n'est pas évident que le poète veuille se désigner en personne comme surgeon de la "semence sacrée" (vers 76), jadis laissée par les fondateurs romains de Florence (10). Ce que Rome avait mis dans Florence, c'était le germe de la grandeur et de la paix civiques. Dans tout le pas- sage, il est question de morale politique ; le conflit se situe au sein du parti guelfe, scindé en deux factions qui s'accusent réciproquement et vont persécuter le seul citoyen en qui survive la vertu romaine ; telle est la plante fragile que menace la bestialité des mauvais Florentins. On

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sait que le discours prêté à Brunetto Latini (11) fait allusion aux in- trigues des Guelfes Noirs avec Boniface VIII et Charles de Valois, aux agitations et aux rancoeurs des Blancs qui seront bientôt chassés ; du ressentiment de l'exilé ces paroles portent toute la charge vengeresse.

Ce qui intéresse notre propos ne réside pas dans les accusations lancées à la fois contre Fiesole et Florence, mais c'est le fait que soit pris en compte leur lointain passé. Les points à noter sont les suivants : 1) la provenance de Fiesole du peuple florentin ab antico ;

2) la fondation par Rome de ce "nid de malice" qu'est Florence;

3) la fusion en un seul peuple des gens de Fiesole et des Romains ; 4) la valeur emblématique de la romanité, laquelle est porteuse des vertus et de la paix civiques. En somme, tout le problème des "racines"

et du destin de Florence est condensé en ces quelques vers du chant XV de l'Enfer.

On relève une deuxième allusion à Fiesole au chant VI du Paradis, dans le discours de Justinien retraçant l'épopée de l'Aigle. Fiesole n'est pas nommée, mais la périphrase qui la désigne (12) marque, d'une part, sa position dominante, au sens de la spatialité concrète, sur Florence et, d'autre part, sa priorité dans le temps. L'antique cité étrusque est évo- quée comme une hauteur, au pied de laquelle Florence est située, et aussi comme un lieu qui eut à subir la puissance de l'Aigle, avant que Florence existât. Une prédominance spatiale et temporelle est donc reconnue à Fiesole, dont la silhouette semble se profiler sur l'horizon natal du poète ; vaincue par l'Aigle, elle fait naître un sentiment paradoxal de familiarité et de distance. Fiesole se dresse au-dessus de Florence, y projetant une ombre, dans l'isolement hautain de sa colline.

Il faut maintenant revenir au chant XV du Paradis. Au centre de la cantica, avec la rencontre de Cacciaguida, reparaît donc le thème de Florence, lié, comme au chant XV de l'Enfer, à celui du destin. Le nom de Fiesole résonne dans les paroles d'une âme bienheureuse, plus chère encore au poète que ne l ' é t a i t l'ombre de Ser Brunetto. Fiesole n'est plus concernée par l'anathème lancé contre Florence ; bien au contraire, puisqu'elle constitue le maillon qui unit, dans une harmonie ternaire, la gloire des Troyens à celle de Rome. Au temps où la citoyenneté était pure de tout mélange (13), jusque dans le plus petit des artisans, Fiesole inspirait des fables aussi merveilleuses que les gesta des Troyens et de Rome. Est-il besoin de rappeler dans quelle aura virgilienne se dérou- lent les premières effusions de Cacciaguida et du voyageur ? Leur dialogue s'ouvre sous les auspices d'Anchise et d'Enée. L'âme de Caccia- guida, apparue sur la croix lumineuse du ciel de Mars, glisse à la façon d'une étoile filante et vient au devant du voyageur, aussi joyeuse que l'ombre d'Anchise, aux Champs-Elysées, à l'approche de son fils (14).

Pour saluer le rejeton de sa lignée, Cacciaguida emprunte les paroles d'Anchise au sujet de César (Enéide VI, 835). Cet écho direct de l ' confère à la scène des retrouvailles une particulière solennité. La présence virtuelle des héros de Troie et de Rome crée la profondeur, à la fois spatiale et temporelle, sur laquelle vont s'inscrire le destin de Florence et le destin de Dante (Paradis XVI et XVII). En fait, tout le discours de Cacciaguida sur la Florence qu'il a connue est centré sur l'idée de la fidélité : à la cité, à l'empereur, à la foi ; et le même thème s'ex- prime dans l'évocation de ces vertueuses Florentines, fidèles gardiennes des foyers.

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