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Les utilisateurs d’eaux alternatives et leur contribution
au service d’assainissement collectif
Marielle Montginoul
To cite this version:
Marielle Montginoul.
Les utilisateurs d’eaux alternatives et leur contribution au service
d’assainissement collectif. Comment améliorer le financement et la durabilité des services publics
d’eau et d’assainissement français ?, Comité national de l’eau, pp.220-222, 2013. �hal-02600149�
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d’assainissement collectif
(M. Montginoul, UMR G-Eau, IRSTEA)
A) Introduction
Les mesures d’économie d’eau instaurées en France incitent une partie des ménages (en particulier ceux résidant dans des habitats individuels) à recourir à des eaux alternatives. C’est le cas notamment de la tarification, qui est de plus en plus conçue pour être incitative à l’économie d’eau (du réseau) et des subventions accordées lors de l’installation de systèmes de récupération d’eaux de pluie. Cela amène à une réduction de la consommation en eau du réseau, sans forcément qu’il y ait au final une baisse de la quantité d’eau totale utilisée.
Ces eaux alternatives ont différentes origines (Montginoul, 2006)111 : eau souterraine (via des
puits ou des forages), eau de pluie (grâce à des systèmes de collecte), eau des cours d’eau (via des réseaux de distribution d’eau brute, souvent initialement construits pour répondre aux usages agricoles), eaux grises (réutilisation des eaux de douche notamment pour alimenter les chasses d’eau), etc.. Si les eaux grises sont réutilisées deux fois et ne conduisent donc pas à un rejet supplémentaire dans le réseau collectif d’eaux usées, toutes les autres peuvent potentiellement rejeter des eaux usées dans ce dernier, sans en avoir supporté les coûts. Les usagers se comportent alors tels des passagers clandestins. Mais quel en est l’impact sur le financement des services d’assainissement collectif ?
B) Un nécessaire détour par les utilisations de l’eau
L’eau est utilisée à des fins multiples, répondant à des besoins de différentes natures. Schématiquement, il est possible de distinguer deux types d’usages : des usages intérieurs (chasse d’eau, toilette, cuisine, linge, …) et extérieurs (jardin, piscine, …). Les seconds ne rejettent pas d’eaux usées, sauf si le réseau de récupération des eaux est unitaire (eaux usées et eaux de pluie). Seuls les premiers sont donc à priori concernés et devraient contribuer au financement du réseau.
Les études réalisées, même si elles manquent encore d’estimation détaillée quant à l’utilisation faite de ces eaux alternatives du fait en particulier de leur caractère souvent caché (les utilisateurs étant réticents à les déclarer), semblent montrer que la très grande majorité de l’eau est utilisée pour satisfaire les usages extérieurs, même si certains ménages vont jusqu’à la substitution totale (Rinaudo et Montginoul, 2012)112. L’usage intérieur est
principalement dévolu à l’alimentation des chasses d’eau (voire au lavage du linge).
Toutefois l’impact pour le service d’assainissement peut être beaucoup plus important que la seule conséquence de la substitution des eaux du réseau par les eaux alternatives
111 Montginoul M. Les eaux alternatives à l'eau du réseau d'eau potable pour les ménages : un état des lieux. In Ingénieries - EAT, 2006, (45), p. 49-62
112 Rinaudo J.-D. et Montginoul M. Forages domestiques : un risque pour les services d'eau ? In Techni.Cités, 2012, p. 26-27
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maintenu à 1, ce service est désormais déficitaire de 40 à moins d’augmenter le prix à hauteur de 1,67. Imaginons enfin que la moitié des besoins intérieurs soit maintenant couverte par cette eau alternative. Le service est alors déficitaire de 70 à moins que le prix passe à 3,33.
Ainsi, le service d’assainissement base son prix sur le niveau de la consommation d’eau potable indiqué par les compteurs. Il facture donc des mètres cube qui n’auraient pas lieu de l’être car ne transitant pas par ses réseaux. En conséquence toute modification dans l’origine des eaux destinées aux usages extérieurs met en péril l’équilibre budgétaire au même titre que l’utilisation d’autres eaux pour satisfaire les usages intérieurs. L’unique différence est que dans le second cas, ces eaux sont en plus rejetées dans les réseaux d’eau usée.
C) Une réglementation peu utilisée
Pour tenir compte de ces phénomènes de passager clandestin, la loi sur l’eau de 2006 a durci la réglementation. Il est ainsi maintenant obligatoire de déclarer les forages et les puits utilisés à des fins domestiques (les autres utilisations étant également l’objet de procédures déclaratives ou d’autorisation) et de les équiper de compteurs d’eau ; les systèmes de récupération d’eau de pluie dont les eaux seront collectées dans les réseaux publics d’eau usée doivent également être équipés de moyens de mesure. A défaut de comptage, il est prévu de procéder à des estimations des quantités rejetées (Décret n° 2007-1339 du 11
septembre 2007 relatif aux redevances d'assainissement et au régime exceptionnel de tarification forfaitaire de l'eau et modifiant le code général des collectivités territoriales). Si
ces dispositifs sont dans la loi, les communes n’ont souvent pas informé leurs administrés (par le biais d’un bulletin d’information dans les journaux municipaux ou attaché à la facture d’eau) ; certaines l’ont réalisé mais sans nécessairement atteindre les personnes visées (par exemple via une information disponible sur le site Internet). De nombreuses personnes ignorent donc cette obligation, d’autres l’évitent de peur des contraintes et du paiement associé. Et peu, voire aucun contrôle n'a été réalisé dans les habitations. Et la législation n’aide à ce niveau pas les communes, aucune sanction n’ayant pour l’instant été prévue à l’encontre de la personne qui ne satisfait pas à cette obligation réglementaire.
A l’inverse, le décret du 11 septembre 2007 prévoit que les usages de l’eau du réseau public qui ne rejettent pas d’eau usée ne soient pas assujettis à la partie assainissement. Cette mesure permet ainsi à un abonné au service d’eau de disposer de deux compteurs : un compteur pour les eaux consommées à l’intérieur de la maison et rejetées ensuite dans les réseaux d’eau usée, et un compteur pour les eaux consommées à l’extérieur. Cette mesure ne fait elle non plus pas l’objet de publicité de la part des communes, ces dernières craignant (non sans fondement) notamment les effets pervers, en particulier les ménages qui
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compteur n’est ainsi pas très répandu.
D) Conclusion
En conclusion, les bénéficiaires du service d’assainissement ne sont pas nécessairement ceux qui paient ce service : certains contribuent trop (ceux qui utilisent l’eau du réseau pour l’extérieur sans disposer d’un double compteur), d’autres pas assez ou pas du tout (ceux qui disposent d’un forage).
Les moyens pour rééquilibrer les contributions sont limités. Il est certes possible d’envisager une meilleure application de la réglementation en vigueur, en renforçant les contrôles et en instaurant des niveaux de sanction dissuasifs ; mais le coût administratif associé (contrôles à réaliser) ainsi que le coût politique (les élus locaux sont souvent réticents à appliquer ce type de mesures impopulaires) sont souvent dissuasifs. Il est aussi envisageable, comme cela est pratiqué dans un certain nombre de communes, de facturer une somme forfaitaire à tout ménage supposé disposer d'une source alternative rejetant des eaux usées dans le réseau public. Une modification de la structure de tarification peut également atteindre l’objectif : instaurer une partie fixe ou l’augmenter (mais la loi de 2006 limite les marges de manœuvre) ou créer une tarification complexe comportant un forfait de consommation d’eau (x€ par an modulé éventuellement en fonction du nombre de personnes dans un logement mais dont les premiers m3 sont gratuits ; au-delà de y m3, z €/m3 sont facturés ; puis à nouveau plus de
facturation au-delà de t m3, en considérant qu’à ce niveau-là, on touche aux usages
extérieurs). Une dernière solution peut être envisagée : considérer que le service lié à l’assainissement est un service à dissocier de la facture d’eau et à recouvrir par d’autres moyens, comme un impôt local (taxe foncière ou taxe d’habitation).
113 Une manière d’éviter ce problème pourrait consister à autoriser l’usage de ce compteur uniquement durant la période estivale. La fermeture du compteur aux autres périodes permettrait de plus de s’assurer d’une cohérence dans la répartition des consommations observées durant la période estivale.