• Aucun résultat trouvé

Comparaison du comportement thermique des cases traditionnelles classiques et modernes au nord-cameroun

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Comparaison du comportement thermique des cases traditionnelles classiques et modernes au nord-cameroun"

Copied!
13
0
0

Texte intégral

(1)

98

Comparaison du comportement thermique des cases traditionnelles classiques et modernes au nord-Cameroun

Inna Yaya Aissatou Hamadou, Majid Mansour, Larbi Bouayad, Khalid El Jaouhari, Houda Zerraf

École Nationale d’Architecture de Rabat (B.P.6372 Rabat-Instituts, Avenue Allal El fassi, Rabat) Email : y.inna@enarabat.ac.ma

Résumé

Le début du XXe siècle marque l’introduction progressive des matériaux industriels au Nord- Cameroun. Produits de la grande diversité naturelle et ethnique de la région, les architectures traditionnelles du nord Cameroun ont subi d’importantes transformations en s’adaptant aux nouveaux matériaux et techniques de construction. Cet article questionne l’impact de l’évolution des matériaux de construction sur le comportement thermique des architectures traditionnelles. Les enquêtes de terrain dans le nord Cameroun ont permis de dresser des typologies de cases traditionnelles en fonctions des matériaux de construction réparties en deux catégories : classiques et modernes. Les résultats de la simulation thermique montrent des typologies ancestrales et modernes plus favorables respectivement au confort diurne et nocturne. Cette étude intègre une analyse contextuelle actualisée des architectures traditionnelles en retraçant leur évolution temporelle et formelle. La mise en rapport de la durabilité des architectures traditionnelles ancestrales et contemporaines peut suggérer des pistes pour approcher la durabilité architecturale en Afrique à l’ère des crises énergétique et climatique.

Mots clés : matériaux, mutation architecturale, simulation thermique, confort climatique, concessions familiales.

Abstract

Early twentieth century marks the gradual introduction of industrial materials to North Cameroon.

Products of the region’s great natural and ethnic diversity, traditional architectures of northern Cameroon had adapted to new construction materials and techniques and have undergone significant transformations. This paper questions the impact of building materials on the thermal behavior of traditional architectures. Field surveys in northern Cameroon led to the classification according to building materials of typologies of traditional huts in two categories: classical and modern. The thermal behaviors of the huts were simulated on computer. The results of the thermal simulation show an ancestral typology more favorable to daytime comfort and a contemporary typology more suitable to nighttime comfort. This study has the particularity to present an updated contextual analysis of traditional architectures while retracing their temporal and formal evolution.

Comparing the sustainability of ancestral and contemporary traditional architectures can lead to the emergence of ways to approach sustainable design in Africa in the era of energetic and climatic crisis.

Key words: materials, architectural mutation, thermal simulation, climate comfort, family compound houses.

(2)

99

Introduction

Un regain d’intérêt se manifeste de nos jours pour les matériaux naturels locaux car il a été établi qu’ils permettent une architecture éco-responsable, bioclimatique et soutenable. Parallèlement au Cameroun comme dans bon nombre de pays africains, les matériaux naturels locaux sont remplacés par les matériaux industriels importés qui sont plus résistants et durables. Cette transition des matériaux de construction a fortement influencé la forme et la nature des architectures traditionnelles avec des conséquences sur le confort thermique notamment dans les zones au climat aride. Le comportement thermique des bâtiments est une résultante entre autre de l’enveloppe, de la configuration du bâti et des données climatiques du site. Les deux premières dépendent directement des matériaux et techniques de construction. Notre objectif est de comparer les versions ancestrales et modernes d’habitat traditionnel du nord Cameroun au climat chaud et sec en fonction des matériaux de leurs enveloppes. Les enquêtes de terrain dans les villes du nord Cameroun ont permis de dresser un inventaire des cases traditionnelles qui ont été soumises à une simulation thermique dynamique. Le comportement thermique annuel, mensuel et journalier a été comparé pour chaque typologie et le confort thermique analysé suivant l’approche du confort thermique adaptatif.

1. Aperçu historique de l’évolution des architectures traditionnelles du nord Cameroun La partie nord du Cameroun est une région caractérisée par la diversité de ses architectures traditionnelles. Les conditions naturelles du milieu (absence d’arbres, climat aride, abondance des graminées) alliées à la pluralité des groupes ethniques dans la région (une soixantaine environ) ont donné lieu à plusieurs réponses architecturales. « La richesse architecturale du Nord-Cameroun tient à la multiplicité des formes architecturales. On n’en recense pas moins d’une soixantaine au nord de la Bénoué, sans même descendre au niveau des « variantes dialectales » (Boutrais et al., 1984, p.181). A titre d’exemple, les Kotoko, habitants des bordures du fleuve Logone ont développé une architecture en terre caractérisée par des formes quadrangulaires avec un étage et une toiture terrasse en argamasse1. Les Mousgoum, habitants des plaines inondables, ont érigés avec de l’argile des cases hautes en forme d’obus réalisées comme des poteries. Les Massa, leurs voisins, construisaient des cases circulaires avec des mottes d’argiles couvertes par un dôme autoportant fait de graminées tressées. Les Arabes Choas quant à eux avaient pour habitat des cases entièrement en graminées. Les Foulbé, les Moundang, et les autres ethnies construisaient des cases circulaires en terre avec une charpente en bois couverte de paille. Les habitants des montagnes des régions Mandara ont développé quant à eux une architecture en pierre couverte d’une charpente de bois et paille.

Certaines architectures comme la case Mousgoum ont disparu. Les habitats ont été désagrégés, parfois remodelés ou restructurés. Beaucoup d’ethnies ont adopté la case Foulbé circulaire en banco2 à charpente conique. « Ainsi, par une sorte de paradoxe, les Foulbé, à l’origine éleveurs et nomades, ont en un siècle élaboré, puis imposé un modèle d’habitation pour le Nord-Cameroun » (Boutrais et al., 1984, p.200). Cette typologie d’habitat traditionnel appelé « Saré » est devenue un modèle courant dans la région à partir du début du XIXe siècle. Le Saré est la concession familiale au Nord Cameroun constituée d’une enceinte à l’intérieur de laquelle s’organisent les cases et les cours. La case est la cellule de base de l’habitation traditionnelle. La découverte de la brique de terre (crue et cuite) a amorcé le passage de la case de circulaire à quadrangulaire. Par la suite, l’introduction au milieu du siècle des matériaux industriels comme la tôle ondulée et le ciment a entrainé l’adaptation des architectures aux nouvelles techniques, leur remodelage et une généralisation de la case quadrangulaire avec toiture à deux pans au détriment de la case circulaire traditionnelle.

1 Toit plat en terrasse légèrement bombé.

2 Le banco est une sorte de pisé sans banches, empilement successifs de boules de terre crue en strates.

(3)

100

2. Typologie et description des cases traditionnelles contemporaines au nord Cameroun.

Les observations et relevés dans les villes de Garoua, Maroua, et les villages de Guirvidig et Bogo de 2013 à 2018 ont permis de dresser une typologie (inventaire) des cases par la forme, le mode de construction et les matériaux employés. Il en ressort deux principaux types à savoir la case classique qui reprend le modèle traditionnel ancestral et la case moderne qui est une adaptation contemporaine de la case classique.

2.1. Les cases classiques

Elles sont entièrement en matériaux traditionnels. Il en existe deux sortes : la case à plan circulaire et la case à plan quadrangulaire.

2.1.1 La case classique à plan circulaire

Les cases classiques à plan circulaire (figure 1) sont constituées de murs en terre crue montée en colombin successifs (banco) d’une épaisseur de 30 cm environ. La toiture de forme conique est constituée d’une charpente à chevrons et d’une couverture de tiges de mil et de paille. Parfois des poteaux externes supportent la toiture. La case mesure environ 9m2. Elle dispose d’une ouverture unique qui est l’entrée de la case matérialisée par un vide d’environ 70x180 cm couvert d’un rideau de tige de secco. Le plancher est constitué d’un remblai de sable.

2.2.2. La case classique à plan quadrangulaire

La case quadrangulaire (figure 2) est le résultat de la transformation de la case circulaire classique du fait de l’utilisation des briques de terre à la place des boules de banco traditionnelles. Les murs sont en briques d’adobe et la toiture à quatre pans est constituée d’une charpente à chevrons couverte de paille. La case mesure environ 9m2 et dispose d’une seule ouverture qui est l’entrée d’environ 70x180 cm couvert d’un rideau de tige de secco. Le plancher est constitué d’un remblai de sable comme dans la case circulaire.

2.2. Les cases modernes

Elles correspondent à une transformation de la case classique par la forme et les matériaux. Elles ont un plan quadrangulaire et une toiture à double versants. Leur toiture est couverte de tôles ondulées en aluminium. Elles disposent généralement de deux ouvertures sur le même pan de mur:

une fenêtre simple qui mesure généralement 50x50cm et une porte simple de dimension approximatives 70x200cm. Ces ouvertures artisanales sont composées d’un cadre en bois et d’un panneau en tôle ondulée. Quatre types de cases modernes ont été recensés.

2.2.1. La case moderne en briques d’adobes

Les murs de la case moderne en adobe (figure 3) ont une épaisseur approximative de 30cm. Le plancher est constitué d’un remblai de sable d’environ 20cm d’épaisseur. La toiture est constituée de lattes de bois (pannes) qui soutiennent la couverture en tôle d’aluminium ondulée.

2.2.2. La case moderne en brique cuite

Pour ce type de case (figure 4), les murs sont faits de briques de terre cuite recouverts d’enduit, et ont une épaisseur 30cm environ. Le plancher est constitué d’une chape de ciment de 8cm d’épaisseur. Des lattes de bois soutiennent la couverture en tôle d’aluminium ondulée de la toiture.

(4)

101

2.2.3. La case moderne en parpaing de ciment

La case moderne en parpaing de ciment (figure 5) a un plan quadrangulaire généralement de 4x5m.

Les murs ont une épaisseur de 20cm environ pour une hauteur de 3m. Le plancher est constitué d’une chape de béton lissée sur terrain. La toiture est constituée de lattes de bois et d’une couverture en tôle d’aluminium ondulée.

2.2.4. La case évoluée en parpaing de ciment avec comble

C’est une case en parpaing de ciment avec une toiture qui comporte un comble non aménageable.

La toiture à deux pans est constituée de fermes de bois et d’une couverture en tôle ondulée.

L’espace sous comble est isolée de l’intérieur de la case par un plafond en contreplaqué. Cette case (figure 6) possède généralement une fenêtre de type naco3 de 100x100cm. La porte d’entrée est métallique de dimension moyenne 70x200cm.

Source : I.Y. Aissatou Hamadou

3. Méthodes 3.1. Site

La carte climatique du Cameroun est divisée en 5 zones climatiques (MINDUH, 2015, p.87). L’aire d’étude correspond à la zone 4 (figure 6) caractérisée par un climat tropical semi-aride dit de

3 Sorte de fenêtre jalousie avec des lames de verre.

Figure 6 : Case moderne en parpaing de ciment.

Figure 5 : Case moderne en parpaing de ciment.

Figure 4 : Case moderne en briques cuites

Figure 3 : Case moderne en adobes

Figure 2 : Case classique quadrangulaire.

Figure 1 : Case classique circulaire.

(5)

102

mousson. Dans cette zone, la température sèche moyenne de l’air varie entre 25 et 36,2°C. La moyenne des précipitations annuelles est de 1250mm et l’humidité relative moyenne est d’environ 38%. Le rayonnement solaire direct normal varie entre 252 et 269 W/m2 et le rayonnement solaire diffus horizontal entre 111 et 117W/m2 (MINDUH, 2015, p.87).

Figure 7 : Carte climatique du Cameroun. Source : adapté de (MINDUH, 2015, p.87).

Les données climatiques de la station météorologique de Garoua ont été utilisées pour la simulation thermique des 6 modèles de cases recensées. Garoua est caractérisée par deux saisons : une saison sèche de novembre à avril et une saison humide de mai à octobre. La température annuelle moyenne est de 29°C. L’écart annuel de température est de 14°C. De décembre à février les températures diurnes sont très élevées et la nuit elles sont basses descendant jusqu’à 15°C en décembre. La période qui va de mars à mai est la plus chaude de l’année. Les données météorologiques de la station de Garoua sont issues de la base de données de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique4.

Garoua : Latitude : 9,18 - Longitude : 13,24 - Altitude : 249m.

Tableau 1 : Données climatiques de la ville de Garoua (Tmax : température maximales ; Tmin : températures minimales ; Tmoy : températures moyennes ; Hmax : humidité relative maximale ; Hmin : humidité relative minimale ; Pmax : Pression atmosphérique maximale ; Pmin : Pression atmosphérique maximale ; V : vitesse du vent) Source : données tirées de www.Climate.OneBuilding.org

Mois J F M A M J J A S O N D

T max(°C) 41 42,3 43 43 40 37,7 35 34 35 37,4 40 38

T min(°C) 15,8 18,4 22,2 24 22 21 21,6 22 20,5 22 20,5 15 T moy(°C) 28,4 30,35 32,6 33,5 31 29,35 28,3 28 27,75 29,7 30,25 26,5

4 www.climate.onebuilding.org. Les données dérivent de NOAA ISD (Integrated Surface Database de l'Agence américaine d'observation océanique et atmosphérique) sur une période de plus de 5 ans.

(6)

103

Hmax(%) 64 42,3 43 43 40 37,7 35 34 35 37,4 40 38

Hmin (%) 9 18,4 22,2 24 22 21 21,6 22 20,5 22 20,5 15

Pmax (Pa) 98913 98839 98717 98716 98691 98970 98844 98799 99010 98666 98691 98784

Pmin (Pa) 97753 97280 97534 97490 97732 97960 98078 97964 97933 97817 97674 97970

V (m/s) 1,14 1,92 1,95 3,43 2,49 3,01 2,29 2,11 1,66 1,63 0,91 1,21 3.2. Échantillons et Hypothèses de la modélisation

Afin de procéder à la simulation du comportement thermique des modèles nous avons fixé la superficie des cases à 9m2 en reprenant les caractéristiques des enveloppes de chaque typologie conformément à la description précédente. Toutes les ouvertures ont été placées sur la façade nord.

Les modèles classiques ne possèdent qu’une porte de 70x200cm et les modèles modernes une porte de 70x200cm et une fenêtre de 50x50cm.

Tableau 2 : Récapitulatif des caractéristiques utilisées pour la modélisation et la simulation numérique des cases (alu pour aluminium). Source : I.Y Aissatou Hamadou

Typologie Désignation Forme Matériaux

remplissage et couverture

Ouvertures (Matériaux)

Cases classiques

Case Terre/Paille1

Plan circulaire et toiture conique

Banco et Paille

Porte : paille Case

Terre/Paille2

Plan carré et toiture à 4 pans Adobe et paille

Cases modernes

Case Terre/Tôle alu

Plan carré et toiture à deux versants

Adobe et aluminium

Porte et fenêtre : Tôle aluminium et cadre en bois Case Briques

cuites/Tôle alu

Plan carré et toiture à deux versants

Briques cuites pleines et aluminium Case Parpaing/

Tôle alu1

Plan carré et toiture à deux versants

Parpaing creux et

aluminium Porte : tôle acier Fenêtre naco : vitrage simple (U=5,7W/m2K) Case Parpaing/

Tôle alu2

Plan carré et toiture à deux versants avec comble

Parpaing creux et aluminium Plafond en contreplaqué

La simulation a été effectuée à partir du logiciel DesignBuilder et des données météorologiques de la station de Garoua.

Tableau 3 : Propriétés thermiques des enveloppes des six modèles de cases. Source : valeurs du logiciel de simulation Design Builder.

Typologie de cases

Structure Matériaux Epaisseur (m)

Chaleur spécifique (J/Kg.K)

Conductivité thermique (W/m.K)

Masse volumique (Kg/m3) Terre/Paille1 Murs

extérieurs

Terre (banco) 0,30 880 0,75 1730

Plancher Sable 0,2 840 0,36 1840

Toit Paille 0,15 180 0,07 240

(7)

104 Terre/Paille2 Murs

extérieurs (30cm)

Enduit terre 0,025 1500 0,6 1500

Adobes 0,25 880 0,75 1730

Enduit terre 0,025 1500 0,6 1500

Plancher Sable 0,2 840 0,36 1840

Toit Paille 0,15 180 0,07 240

Terre/Tôle alu

Murs extérieurs (30cm)

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Adobe 0,25 880 0,75 1730

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Plancher Sable 0,2 840 0,36 1840

Toit Tôle alu 0,001 880 160 2800

Briques cuites/Tôle alu

Murs extérieurs (30cm)

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Briques cuites

0,25 840 0,85 1500

Enduit ciment

0,025 1000 1 1800

Plancher Chape ciment 0,08 840 0,41 1200

Toit Tôle alu 0,001 880 160 2800

Parpaing/

Tôle alu1

Murs extérieurs (20cm)

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Parpaing creux

0,15 840 0,86 930

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Plancher Chape ciment 0,08 840 0.41 1200

Toit Tôle alu 0,001 880 160 2800

Parpaing/

Tôle alu2

Murs extérieurs (20cm)

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Parpaing creux

0,15 840 0,86 930

Enduit ciment

0,025 1 000 1 1800

Plancher Chape ciment 0,08 840 0.41 1200

Toit Tôle alu 0,001 880 160 2800

Plafond Contreplaqué 0,0025 1880 0,1 450

4. Résultats de la simulation et discussion

La température résultante à l’intérieur des cases a été analysée durant l’année et durant un jour de la semaine la plus chaude.

4.1. Résultats mensuels

En reportant graphiquement les températures opératives mensuelles minimales et maximales pour chaque type de case, on obtient le graphique suivant.

(8)

105

Figure 8: Températures mensuelles minimales et maximales pour chaque modèle de cases (Alu pour aluminium). Source : I.Y. Aissatou Hamadou.

- Les températures les plus hautes sont atteintes durant le mois d’avril ; - Les températures les plus basses sont atteintes en décembre ;

- Dans les cases classiques, les températures sont maintenues entre 24 et 33°C, les variations de températures tout au long de l’année sont faibles avec une amplitude annuelle d’environ 4,5°C ;

- Les variations de températures dans les cases modernes tout au long de l’année sont fortes, les températures oscillent entre 20 et 40°C;

- Les températures opératives diurnes dans les cases classiques en matériaux naturels sont moins élevées que celles dans les cases modernes en matériaux industriels. Par contre, les minimas atteints dans les cases modernes sont plus bas que ceux atteints dans les cases classiques.

La figure 9 est une application de la théorie du confort adaptatif aux six modèles pour les mois de février, avril, juin, août, octobre et décembre qui sont des mois caractéristiques des différentes saisons. L’approche adaptive du confort thermique est un standard récent de confort pour les bâtiments non climatisés à ventilation naturelle. Selon cette approche, les facteurs physiques et physiologiques humains (principe adaptatif) interagissent dans la perception thermique (Brager et al., 1997, p.4). Selon cette théorie, les plages de confort thermique dans un bâtiment ne sont pas des valeurs statiques mais varient en fonction de la capacité d’adaptation de l’occupant à la température intérieure moyenne (changement de vêtement, ajustement des conditions intérieures). Le confort thermique adaptif des bâtiments à ventilation naturelle a été intégré dans le standard ASHRAE-555 en 2004. La température opérative intérieure et la température moyenne extérieure sont les principaux paramètres pour définir les plages de confort adaptatif de l’ASHRAE.

5 Le standard 55 de l’American Society of Heating, Refrigerating and Air-Conditioning Engineersfait référence à

“Thermal Environmental Conditions for Human Occupancy”.

(9)

106

Figure 9: Diagramme de confort adaptatif selon le standard de l’ASHRAE-55 appliqué aux six modèles. Source : I.Y. Aissatou Hamadou.

D’après le diagramme du confort adaptatif :

- Les températures sont dans la plage de confort de 90% d’acceptabilité pour les cases classiques durant les mois de décembre et août et dans la plage de confort de 80%

d’acceptabilité durant les mois d’octobre et février. Cela coïncide avec les propos des habitants des cases en matériaux naturels qui se sentent à l’aise durant cette période appelée

« dabbudé ». Durant la saison sèche chaude de mars à juin, les températures sont dans la plage de confort pendant la nuit.

- Dans les cases modernes, durant la saison sèche froide de décembre à février, les températures aux heures les plus chaudes du jour sont hors de la plage de confort, il en est de même aux heures les plus froides de la nuit. En effet cela justifie le fait que les habitants se plaignent durant cette période du froid intense de la nuit et adaptent leur habillement ou réchauffent la case avec des braises.

- Durant la saison des pluies, allant de juin à septembre, et la saison la plus chaude allant de mars à juin, les températures sont pratiquement dans la plage de confort de 80%

d’acceptabilité pour les cases classiques sauf à certaines heures de la journée. Elles sont en revanche presque entièrement hors de la plage pour les cases modernes.

4.2. Résultats journaliers

La figure 10 présente les températures résultantes de chaque type d’habitat durant un jour de la semaine la plus chaude de l’année.

(10)

107

Figure 10: Températures opératives durant un jour de la semaine la plus chaude pour les six modèles de cases. Sources : I.Y. Aissatou Hamadou.

A partir des différentes courbes de températures, on peut dégager les interprétations suivantes : - La température de l’air à l’intérieur des cases classiques rondes et quadrangulaires est

presque stable et varie entre 30 et 33°C tout au long du jour. Durant la journée la température intérieure est maintenue à environ 32,5°C du fait de l’inertie thermique des murs en terre et le soir elle ne descend pas sous la barre de 30°C par manque de ventilation nocturne. Par ailleurs les graphes des deux cases classiques sont presque confondus, ce qui montre que le changement de forme n’influence pas le climat intérieur.

- On observe un écart de température d’au moins deux degré entre l’air l’intérieur des cases classiques et celui des cases modernes.

- Les températures intérieures des cases classiques durant la période la plus chaude sont hors de la plage de confort adaptatif pratiquement tout le jour même si elles se rapprochent des limites supérieures de confort. Les températures dans les cases modernes sont au dessus des limites supérieures du confort adaptatif de 8h à 12h à 0h environ selon la typologie. Elles sont dans la plage de confort le reste du jour. Le climat intérieur est plus favorable dans les cases classiques durant la journée et dans les cases modernes après 0h.

- La température de l’air à l’intérieur des cases modernes varie entre 27 et 39°C. De 0h à 6h la température descend de 32 à 27°C. De 6h à 18h, la température remonte jusqu’à environ 39°C pour redescendre de nouveau après 18h jusqu'à 31°C. Le climat intérieur des cases modernes suit les variations de températures extérieures et est plus favorable la nuit que le jour.

- De 0h jusqu'à environ 14h, la température de l’air à l’intérieur de la case en terre et tôle aluminium est supérieure à celle des autres cases avec une toiture en tôle. Au-delà de 14h, elle est inférieure à celle des cases en parpaings mais reste supérieure à celle de la case en briques cuites. Elle se comporte le jour comme les cases avec une tôle aluminium et la nuit comme les cases en terre. Le couple terre/tôle aluminium est un mauvais choix climatique, il conjugue les inconvénients de la terre et de la tôle aluminium. Le remplacement de la paille par la tôle ondulée pour la toiture de la case quadrangulaire en adobe entraine une

(11)

108

augmentation de température d’au moins deux degrés à l’intérieur durant le jour, alors que durant la nuit la différence de température entre les deux types est presque négligeable du fait de l’inertie thermique.

- La température à l’intérieur de la case en briques cuites est supérieure à celle des cases en parpaings de 3h du matin jusqu’à 12h. Au-delà de 12h elle devient plus basse.

- La température intérieure de la case en parpaing avec combles est légèrement inférieure durant la journée par rapport à celle de la case en parpaing sans combles. Durant la nuit les deux graphes sont confondus. L’ajout d’un plafond en contreplaqué de 2,5mm dans la case en parpaing réduit la température diurne environ 2°C.

Il ressort que le confort diurne est plus favorable dans les cases classiques à cause de l’inertie thermique de la terre et de la protection solaire de la paille. Par contre l’absence de ventilation empêche leur refroidissement la nuit ; le confort nocturne est alors plus favorable dans les cases modernes en parpaing de ciment qui suivent les variations extérieures de température du fait de leur faible inertie thermique ; les températures minimales extérieures étant confortables une bonne partie de l’année. L’ajout d’un comble réduit sensiblement les températures diurnes. L’association des murs en terre et d’une toiture en tôle aluminium est un choix à éviter.

4.2.1. Influence de l’ajout d’un comble sur le climat intérieur

Figure 11: Comparaison de la température opérative sous comble et à l'intérieur de case. Source : I.Y. Aissatou Hamadou.

- La température sous les combles et à l’intérieur de la case est presque la même la nuit de 20h à 6h.

- Durant le jour, la température sous les combles est plus élevée que la température à l’intérieur de la case. Selon les heures de la journée, on note une différence pouvant atteindre 10°C.

La tôle ondulée augmente significativement la température diurne des cases mais n’influence pas grandement la température nocturne.

(12)

109

Conclusion

Les populations ont adopté la technologie de la tôle ondulée et l’ont utilisée comme la paille pour couvrir leur habitation sans tenir compte des spécificités propres du matériau. Elles ont délaissé la terre aux propriétés thermiques adéquates pour le parpaing de ciment plus résistant. La conséquence en est la surchauffe des cases durant la journée pratiquement toute l’année en plus du bruit lors des pluies. Auparavant, certains auteurs comme Seignobos ont affirmé que cela ne posait pas problème puisque les habitants du nord Cameroun utilisent la case uniquement le soir pour dormir et passent la journée dans la cour à l’air libre (Seignobos, 1977). De nos jours, avec les nouvelles commodités (télévision, internet…) ceux-ci passent de plus en plus de temps à l’intérieur. Par ailleurs, avec la croissance démographique et l’urbanisation galopante (52% en 2010) des villes camerounaises, la cour tend à être réduite ou à disparaitre et est remplacée par le salon familial. La case vestibule traditionnelle en terre et paille appelée « djaoulérou » qui faisait office de lieu de réception et d’espace de vie de jour a été délaissée également. La durabilité des matériaux industriels, comme la brique de ciment et la tôle ondulée, est la principale cause de leur remplacement à la terre et la paille. En effet la fragilité de la terre crue et la paille qui est à l’origine des effondrements parfois mortels durant la saison des pluies, pousse les populations du nord Cameroun à les délaisser au profit du parpaing et de la tôle aluminium plus résistants. Pourtant cette durabilité physique est loin de favoriser le confort thermique notamment diurne. En effet, l’inertie thermique, la protection solaire et la ventilation nocturne sont recherchées dans cette zone climatique. Les cases en terre et paille utilisées le jour et la cour utilisée la nuit offraient une réponse climatique satisfaisante qui n’est plus garantie avec l’évolution des cases. Par ailleurs, le caractère provisoire de la terre et de la paille entrainait l’adaptation de l’habitation en fonction des besoins des familles : on détruisait facilement une case pour en reconstruire d’autres. La durabilité du parpaing et de la tôle ondulée font que l’habitat devient permanent et n’est plus adaptatif. Ainsi, on rajoute d’autres cases pour répondre aux nouveaux besoins au détriment de la cour extérieure, causant l’agglutinement des cases, ce qui ne favorise pas la ventilation naturelle et tel un cercle vicieux tend à augmenter l’effet ilot de chaleur. La conséquence en est l’utilisation croissante de la climatisation mécanique.

Figure 12: Ilots urbains contemporains au nord Cameroun (Maroua). Source : Google map (2019).

A l’ère du développement durable et du réchauffement climatique, les réflexions sur l’architecture en tenant compte des défis démographiques, environnementaux, urbanistiques et socio- économiques auxquels font face les pays en voie de développement, sont plus que nécessaires.

(13)

110

Bibliographie

Beguin J-P. et al., 1952, L’habitation du Cameroun, Paris : Editions de l'union française, 151p.

Boutrais J. et al., 1984, Le nord du Cameroun : des hommes une région, Paris : Editions de l'office de la recherche scientifique et technique outre-mer, 551p.

Brager G. et al., 1997, Developing an Adaptive Model of Thermal Comfort and Preference, Final report ashrae rp- 884, 297p.

Fernandez P. et Lavigne P., 2009, Concevoir des bâtiments bioclimatiques : Fondements et méthodes, Paris : Editions Le Moniteur, 430p.

Givoni B., 1998, Climate considerations in building and urban design, New York: John Wiley &

sons, 464p.

MINDUH, Ministère du Développement Urbain et de l’Habitat, 2015, Intégration des mesures d’efficacité énergétique, d’utilisation des énergies renouvelables, et de conservation des ressources dans les normes de l’habitat au Cameroun : rapport de recommandations de normes de l’éco-habitat, Yaoundé : ONU-Habitat, 144p.

Seignobos C., 1971, « Les transformations de l'habitation traditionnelle au Tchad : du cercle au carré », Cahiers d'outre-mer, n° 95, pp. 294-324.

Seignobos C., 1977, L’habitat traditionnel au nord-Cameroun, Paris : UNESCO, 70p.

Santamouris M., 2006, « Confort thermique adaptatif et ventilation », Ventilation information paper, n°12, Bruxelles : Air infiltration and ventilation centre, pp. 1-8.

Références

Documents relatifs

1981 : François Mitterrand et Jack Lang lancent le projet du Grand Louvre pour affecter tous les bâtiments au musée. 1984 : la maquette de la pyramide est dévoilée et fait scandale

Ce livre raconte comment nous avons pu faire avancer contre vents et marées cette idée que nous pensions juste et belle.. Un gouvernement doit proposer au citoyen des

Sur la figure 3, nous avons représenté l’illustration graphique des résultats de mesures de la conductivité thermique en fonction de la teneur volumique en eau effectués sur

Ce principe simple est surtout utilisé pour détecter des défauts superficiels, dans la mesure où les courants de Foucault ont tendance à se rassembler à la surface des

En vue de construire un mod` ele permettant de d´ ecrire ce ph´ enom` ene nous avons mesur´ e les forces de portance et de traˆın´ ee agissant sur une plaque charriant du sable `

Afin de construire un mod` ele permettant de d´ ecrire ce ph´ enom` ene nous avons mesur´ e les forces de portance et de traˆın´ ee agissant sur une plaque charriant du sable `

Nous avons constat´e que si l’on trace la force de portance en fonction de la quantit´e de sable charri´ee pour diff´erentes vitesses, toutes les courbes se superposent sur une

Nos exp´ eriences ont montr´ e qu’un syst` eme simple, sans suspension, sans couple moteur, ´ etait suffisant pour d´ eclencher le ph´ enom` ene.. Nous avons ´ egalement mis en