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DENITRIFICATION DES EAUX SOUTERRAINES PAR ADSORPTION SUR CHARBON ACTIF ET PAR
COAGULATION-FLOCULATION AU SULFATE D’ALUMINIUM KHELIEL O.1, OUAKOUAK A.E.K.2, YOUCEF L.1, ACHOUR S.1
1Université de Biskra, Laboratoire de Recherche en Hydraulique Souterraine et de Surface - LARHYSS
2Université d'El Oued
oussamakh88@hotmail.fr
RESUME
En Algérie, les pratiques de fertilisation intense des sols dans certaines plaines agricoles et les rejets d’effluents industriels et domestiques ont augmenté la teneur en nitrates des eaux des nappes dans plusieurs régions durant ces dernières années. Diverses méthodes de dénitrification des eaux sont applicables pour satisfaire aux normes de potabilité.
L’objectif de cette étude est d’observer l’efficacité de deux procédés physico-chimiques pour la dénitrification des eaux souterraines destinées à l’alimentation en eau potable. Le premier étant l’adsorption sur charbon actif en grains (CAG) et en poudre (CAP). Le deuxième procédé est la coagulation-floculation au sulfate d’aluminium.
Les essais d’adsorption des nitrates ont montré que la rétention des nitrates sur le CAG et sur le CAP est plus efficace à pH 4. Quelque soit l’adsorbant testé, en solutions synthétiques, ou en eau de forage, on a constaté une désorption des nitrates au-delà du temps d’équilibre. Ce temps varie selon l’adsorbant.
L’efficacité de dénitrification avec le CAG ou avec le CAP est améliorée avec l’augmentation de la teneur initiale en nitrates et atteint des rendements satisfaisants. Ce qui mène à confirmer que ce procédé semble être efficace pour les eaux chargées en ce polluant.
Mots Clés: Eaux souterraines, Nitrate, Adsorption, Charbon actif, Coagulation-floculation, Sulfated’aluminium
INTRODUCTION
Dans les pays en voie de développement à climat aride, le rôle des eaux souterraines est d’autant plus important qu’elles constituent souvent la seule source d’approvisionnement en eau potable et sont donc vitales pour le développement de ces pays (Travi, 1993).
Dans une région ou l’activité principale tourne autour de l’agriculture et l’élevage, le risque de pollution par les nutriments en général et par les nitrates en particulier menace la ressource hydrique. Ce risque s’accentue davantage dans une zone caractérisée par l’absence de couvert protecteur entrainant, par conséquent, un contact direct entre les formations du réservoir et les polluants (Baali, 2007).
Les nitrates, composés oxygénés de l’azote, sont présents dans les rejets d’eaux usées et dans les engrais. Ils sont le témoin de la dégradation de la qualité de l’eau(Queneau, 2009).
Les nitrates dans l'eau de boisson présentent des risques à la santé suite à l'ingestion des ions nitrate/nitrites tels que la méthémoglobinémie du nourrisson due à l'action des nitrites ainsi que des risques potentiels de cancérogénicité via la formation de composés N-nitrosés (Levallois, 1992).
En Algérie, les pratiques de fertilisation intense des sols dans certaines plaines agricoles et les rejets d’effluents industriels et domestiques ont augmenté la teneur en nitrates des eaux des nappes dans plusieurs régions, durant ces dernières années (Baali 2007; Drouiche, 2011).
Il existe plusieurs procédés conventionnels pour l’élimination des nitrates à partir des eaux contaminées. Les procédés d’adsorption ont prouvé leurs efficacité pour l’élimination des nitrates, surtout si l’adsorbant est peut couteux et de production locale (Bhatnagar, 2011). La coagulation-floculation peut permettre également d’aboutir à une bonne élimination des nitrates (Lacasa, 2011).
L'objectif de cette étude est d’observer l’efficacité de l’élimination de nitrate des eaux par deux procédés physico-chimiques. Les procédés choisis sont l’adsorption sur le charbon actif en grains et en poudre et la coagulation-floculation au sulfate d’aluminium, en étudiant l’effet de plusieurs paramètres réactionnels.
MATERIEL ET METHODES Caractéristiques des eaux testées
Afin de réaliser nos essais, on a testé une eau de forage (Said Bellajlat ) de la région de Biskra, contenant 18 mg/l de nitrates à l’état brut (Tab 1.), et une solution synthétique de nitrate obtenue en dopant cette eau par le nitrate de potassium (KNO3) pour ramener sa teneur en nitrate à 61,05 mg/l.
Tableau 1 : Caractéristiques physico-chimiquesde l’eau de forage Said Belladjlat
Paramètres Eau souterraine
Prof. (m) 280
pH 7,65
Cond. (µs/cm) 1,8
TAC (°F) 8,6
TH (°F) 280
NO3
-(mg/l) 18
Ca2+(mg/l) 368
Mg2+(mg/l) 451,2
SO42-
(mg/l) 399
Cl- (mg/l) 219,93
Solution mère de NO3 -
La solution mère des nitrates a été préparée à 100 mg de N03/l en faisant dissoudre 0,1630 g de nitrate de potassium (KNO3) dans 1 litre d’eau distillée.
Cette solution a été utilisée pour la préparation des solutions étalons pour le dosage de nitrate par spéctrophotométrie en UV.
Solution mère de sulfate d’aluminium
Caractéristiques des charbons actifs
Nous avons utilisé deux types de charbons actifs, un charbon actif en grains (CAG) et un autre en poudre (CAP) dont les caractéristiques sont regroupées dans le tableau 2.
Tableau 2 : Les différentes caractéristiques des charbons actifs utilisés Charbon actif Produit utilisé Granulométrie Surface
spécifique (m2/g) En grains
(CAG)
DARCO, produit
Aldrich 0,3 à 0,5 mm 550
En poudre (CAP)
Laboratoire
Riedell-de Haen 20 μm 658
Méthodes de dosage Mesure du pH
Nous avons utilisé un pH-mètre digital de laboratoire pH 212 HANNA équipé d'une électrode combinée (Bioblock Scientific).
Dosage de NO3 -
Nous avons dosé les nitrates dans les échantillons d’eau par spectrophotométrie en UV (Rejsek, 2002) en utilisant le spectrophotomètre UV (JENWAY 6305 UV). Cette méthode peut être utilisée uniquement pour des eaux contenant une très faible quantité de matières organiques, elle est donc applicable sur des eaux de forage destinées à la consommation humaine (Rejsek, 2002). L’étalonnage de l’appareil est répété avant chaque série d’essais.
Description des essais
Essais de coagulation floculation au sulfate d’aluminium
Les essais de "Jar-test" sont réalisés en suivant trois étapes : une agitation rapide de 3 minutes à une vitesse de 150 tr/min, une agitation lente durant 30 minutes à une vitesse de rotation de 60 tr/min et une phase de décantation de 30minutes.
Essais d’adsorption
Les essais ont été réalisés en réacteur statique par mise en contact de 1000 ml de solutions des nitrates avec une masse constante de charbon actif en poudre ou en grains (1g/l).
Afin d’étudier la cinétique d’adsorption, les solutions ont été agitées pendant 6 heures sur des agitateurs magnétiques. La séparation solide/liquide de l’échantillon prélevé est réalisée par filtration sous vide à l’aide d’une membrane de 0,45 µm de porosité. L’influence de paramètres réactionnels tels que le pH du milieu de dilution et la concentration initiale en nitrate ont été également observées. L'effet du pH a été étudié en ajustant le pH des solutions avec HCl (0,1 N) et NaOH (0,1 N).
RESULTATS ET DISCUSSION
Dénitrification des eaux par adsorption sur charbon actif
Nous avons suivi l’évolution des rendements d’élimination de nitrate en fonction du temps de contact (2 minutes à 6 heures) pour l’eau souterraine(Said Belladjlat) contenant 18 mg/l de nitrate et pour la même eau souterraine dopée en nitrates à 61,05 mg/l. La dose de charbon actif en grains ou en poudre mise en contact avec chaque solution est de 1g/l. Pour chaque adsorbant nous avons réalisé l’étude de la cinétique d’adsorption àpH 4 et 6.
Les résultats obtenus (Fig. 1 et Fig. 2) montrent que les rendements d’élimination de nitrate augmentent avec le temps d’agitation des solutions aqueuses et atteignent des valeurs maximales au temps d’équilibre. Au-delà de ce temps, nous pouvons observer une diminution du ces rendements, pour chaque adsorbant. La diminution du rendement d’élimination au-delà du temps d’équilibre peut être expliquée par la saturation des sites d’adsorption des matériaux adsorbants. L’efficacité de la dénitrification par adsorption sur le charbon actifaugmente avec l’augmentation de la teneur initiale de nitrate (Tab.
3).
Figure 1 : Cinétiques d'adsorption de nitrate sur charbon actif en grains (CAG)
Figure 2 : Cinétiques d'adsorption de nitrate sur charbon actif en grains (CAG)
Tableau 3 : Résultats optima desessais des cinétiques d’adsorption des nitrates sur CAP et CAG
Le maximum d’élimination des nitrates a été obtenu à pH 4 pour le CAP et le CAG. La raison pour laquelle le bon rendement de rétention des nitrates à pH acide est que la charge négative à la surface du CA est réduite due à la minéralisation et l’excès en protons H+ en solution. A cet effet, si le pH des solutions diminue, le nombre de charges positives augmente. Cette charge à la surface du CA favorise l’adsorption des anions nitrate due à l’attraction électrostatique. Les mêmes résultats ont été obtenus par d’autres travaux (Demiral, 2010; Cho, 2011). D’autre part, la diminution du rendement à pH basique peut être attribuée au développement de charges négatives à la surface, qui ne favorisent pas la rétention des anions nitrates.
Dénitrification des eaux par coagulation-floculation Détermination de ladose optimale de sulfate d’aluminium
Nous avons introduit des doses croissantes du coagulant de 10 à 600 mg/l pour les deux eaux de concentrations initiales en nitrates des 18 et 61,05 mg/l respectivement.
Le suivi de la variation des nitrates résiduels en fonction de la dose de sulfate d’aluminium pour les deux eaux a abouti aux résultats présentés sur la figure 3 et dans le tableau 4. Au vu de ces résultats, nous constatons que :
Pour les deux échantillons traités, le rendement d’élimination des nitrates augmente avec l’augmentation de la dose du coagulant jusqu’à une certaine
Adsorbant
(1g/l) pH Teneur initiale en nitrates (mg/l)
Temps d’équilibre
(minutes)
Rendement d’élimination de nitrate (%)
18 32,02
4 61,05 39,89
18 31,35
CAG 6
61,05
180
36,30
18 24,94
4 61,05 35,98
18 26,93
CAP
6 61,05
150
30,25
d’élimination des nitrates sont assez faibles de 19,13 % et 12,42 % repectivement pour chaque eau.
On peut dire que les doses optimales de sulfates d’aluminium augmentent avec l’augmentation de la teneur initiale en nitrates.
Figure 3 : Evolution du rendement d’élimination des nitrates en fonction de la dose du sulfate d’aluminium
Tableau 4 : Résultats optima des essais concernant l’effet de la dose de sulfate d’aluminium sur la dénitrification des eaux par coagulation-floculation.
Utilisation du charbon actif comme adjuvant de la coagulation- floculation La dose de sulfate d’aluminium introduite dans chaque bécher est la dose optimale de sulfate d’aluminium déterminée au préalable. Elle est de 400 mg/l en eau de forage dopée et de 80 mg/l en eau de forage non dopée.
Nous avons testé les deux types du charbon actif (CAP et CAG) à différentes doses. Les doses utilisées sont (20, 40, 80, 100, 200, 300) mg/1. L’ajout de l’adjuvant a été pendant l’étape d’agitation rapide après avoir introduit le coagulant.
Les résultats présentés sur la figure 4 montrent que l’ajout de chaque adjuvant testé a permit d’améliorer légèrement le rendement d’élimination de nitrate dans les deux eaux testées. Ceci peut s’expliquer par un phénomène d’adsorption sur les sites actifs de l’adsorbant. Au-delà d’une dose optimale on constate une diminution du rendement de dénitrification causé probablement par une saturation des sites d’adsorption de l’adjuvant.
[NO3 -] (mg/l)
[Al2 (SO4)3,18 H20]
(mg/l)
Rendement d’élimination de nitrate (%)
pH après traitement
18 80 12,42 7,05
61,05 400 19,13 5,66
L’efficacité de dénitrification des eaux souterraines par coagulation-floculation au sulfate d’aluminium en présence d’un charbon actif augmente avec l’augmentation de la teneur initiale ennitrates.
En comparant entre les rendements optima R(%) obtenus pour chaque adjuvant et pour chaque eau traitée nous pouvons constater que l’efficacité de l’utilisation d’un adjuvant par rapport à l’utilisation du sulfate d’aluminium seul suit l’ordre suivant(Fig. 4):
R (%)CAP > R(%)CAG> R(%)Coagulant seul
Figure 4 :Evolution du rendement d’éliminationde nitrate en fonction de la dose de l’adjuvant de coagulation.
CONCLUSION
Les essais réalisés au cours de cette étude ont eu pour objectif l’application de deux procédés physico-chimiques pour la dénitrification des eaux souterraines destinées à l’alimentation en eau potable. Le premier étant l’adsorption sur charbon actif en grain (CAG) et en poudre (CAP). Le deuxième procédé est la coagulation-floculation au sulfate d’aluminium.
- Les essais d’adsorption des nitrates ont montré que la rétention des nitrates sur le CAG et sur le CAP est plus efficace à pH 4. Quelque soit l’adsorbant testé, en solutions synthétiques, ou en eau de forage, on a constaté une désorption des nitrates au-delà du temps d’équilibre. Ce temps varie selon l’adsorbant.
L’efficacité de dénitrification avec le CAG ou avec le CAP est améliorée avec l’augmentation de la teneur initiale en nitrates et atteint des rendements satisfaisants. Ce qui mène à confirmer que ce procédé semble être efficace pour
être améliorés par ajout du charbon actif en poudre comme adjuvant de coagulation.
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