ÉVOLUTION DE LA COMPOSITION CHIMIQUE
DU COLOSTRUM CHEZ LA TRUIE
E. SALMON-LEGAGNEUR L. GUEGUEN J. RETTAGLIATI, Colette BAUDRILLART Michelle FRASNIER-LANGLOIS
Station de Recherches sur
l’Élevage
des Poycins et Station centrale de Recherches de Nutrition, Centre national de Recheychesz 30 tethniques, Jouy-en Josas
(Seine et Oise)- -.----
SOMMAIRE
L’étude de l’évolution des
principaux
constituantschimi d ues
de la sécrétion despremiers jours
de lactation(eau,
lactose, matière grasse, azote total, fractions azotées, P, Ca, K, Na, Mg)a été
entreprise
chez la Truie.L’évolution des teneurs de la
plupart
des constituants estanalogue
à celle rencontrée chez les autresespèces,
sauf pour les taux de matière grasse, dephosphore,
de calcium et d’azote non pro-téique.
Cesphénomènes,
ainsi que les relations entre certains constituants, sont discutés.INTRODUCTION
Si l’on
dispose
maintenant d’un certain nombre d’études sur lacomposition
du lait de Truie et son évolution au cours de la
lactation,
lesrenseignements
sont,par contre, moins
nombreux,
ouplus inégaux
sur lacomposition
du colostrum decette même
espèce. Or, précisément,
cequi frappe
dans lesquelques
travaux réa-lisés sur ce
sujet,
c’est lagrande
variabilité des résultats(tableau i),
larapidité
del’évolution de la
composition (P ERRIN ,
1954 -T RAVNICEK , ig6o)
et les différences que l’on observe parrapport
à certainesespèces,
commel’espèce
bovine.De ce
fait,
certainesquestions
sont restéesjusqu’à présent
sansréponse.
Parexemple,
si l’on sait maintenant que la teneur maximum enlipides
du lait de Truiese
situe,
non pas à 3semaines comme on l’avait d’abord cru, mais dans lesquelques
heures
qui
suivent laparturition (SAr,MON-I,EGAG!r!uR, I g 59 »
onignore
toutefoisà
quel
momentprécis
se situe ce maximum. Demême,
dans un travailprécédent,
nous n’avions pas élucidé
pourquoi
les teneurs desprincipaux
minérauxparaissent
suivre au début de la lactation chez la Truie une évolution très différente de celle observée chez la Vache
(Gu!GU!rr
etS ALMON -L,EG A GNEU R , 1959).
Nous avons
pensé qu’une
étude détaillée de lacomposition
duliquide
sécrétépar la mamelle de la Truie au cours des
quelques jours qui
suivent laparturition pouvait
nous éclairer sur certainspoints,
en nouspermettant,
enparticulier,
depréciser
l’évolution desprincipaux
constituants de la sécrétionpendant
cettepériode
mal connue.
A cet
effet,
nous avonsentrepris
l’étude de lacomposition chimique
d’une séried’échantillons de colostrum
( 192
autotal) prélevés
sur 16 truies de notretroupeau expérimental. L’analyse portait
sur lesprincipaux
constituants(eau, lipides
totaux,lactose,
matière azotéetotale, cendres),
les éléments minéraux lesplus impor-
tants
(phosphore, calcium, sodium, potassium, magnésium)
et sur diverses frac-tions azotées
(caséine,
albumine +globuline, proteose-peptone,
azote non pro-téique.)
En outre, comme dans un travail
précédent,
nous avons cherché àsavoir,
par l’étude descorrélations,
s’il existait des liaisons entre la sécrétion des différents constituants.MATÉRIEL
ETMÉTHODES
A. - Animaux
Seize truies adultes de race
Large
White ayantdéjà
effectué une ouplusieurs portées
furentutilisées : douze pour suivre l’évolution des
principaux
constituants et quatre pour l’évolution des fractions azotées.Ces truies, fécondées au cours de l’automne ig6i, étaient élevées en
plein
air au cours de lagestation
et rentrées en cases individuelles enporcherie
deux semaines avant laparturition.
Pendantla
gestation
et la lactation, les truies recevaient une ration, calculée suivant les besoins, d’un aliment concentrééquilibré.
B. - Prélèvement des échantillons
Les échantillons de sécrétion étaient
prélevés
surchaque
truie à des intervalles définis, enexprimant
manuellement tout leliquide
contenu dans les mamelles.Sauf pour les deux
premiers prélèvements, chaque
récolte étaitprécédée
d’uneinjection
intra-veineuse de 2 unités internationales
d’ocytocine
pour provoquer l’éjection de la sécrétion. Cetteinjection
était inutile pour les deuxprélèvements
effectués avant et au cours de laparturition,
car, d’une part la
quantité
d’hormoneposthypophysaire
sécrétée par la truie à ce moment est suffisante pour quel’éjection
ait lieu sans difficulté et que, d’autre part, une dosesupplémentaire d’ocytocine
à ce moment aurait puperturber
le déroulement normal de l’accouchement.Le
premier prélèvement
était effectué en moyenne i à 2 heures avant laparturition,
dèsqu’il
devenait
possible
de faireapparaître quelques
gouttes de sécrétion enpinçant
un trayon entre le pouce et l’index. Le secondprélèvement
avait lieu au moment de la naissance dupremier porcelet,
choisi comme temps zéro de la
parturition.
Le
prélèvement
suivantcorrespondait
à la fin de laparturition (rejet
duplacenta)
et avaitlieu en moyenne 6 heures
après
le temps zéro. Lesprélèvements
se succédaient ensuite de 6 heuresen 6 heures
jusqu’à
36 heuresaprès
le temps zéro,puis
de 12 heures en 12heuresjusqu’à
72 heures.Un dernier
prélèvement
était effectué à 96 heures, soit 4jours après
le temps zéro. Au total, rzprélè-
vements par truie étaient donc
pratiqués.
Le volume de chacun des échantillons récoltés variait suivant les animaux et les
prélèvements
de 5o à i5o ml environ. Il était en
général plus
élevépour
les derniersprélèvements
que pour lespremiers.
Entrechaque prélèvement,
lesporcelets
demeuraient avec leur mère etpouvaient
donctéter librement.
Compte
tenu del’irrégularité
des tétéespendant
cette période du début de lacta-tion, aucune tentative de mesure des
quantités
secrétées ne futentreprise.
Les échantillons issus d’une même truie étaient stockés sans conservateur, à o-4°C à mesure
de leur récolte. Ils étaient ensuite
analysés
par série dès que le dernierprélèvement
avait été effectué.C. - jVJéthodes
d’analyse
Les
techniques
utilisées pour ledosage
desprincipaux
constituants et des éléments minéraux sont celles que nous avonsindiquées
dans nosprécédentes publications
(E. SALMON-LEGAGNEUR,1959
- GuEGUEN et
JOURNET, ig6j),
à savoir :- Eau : dessiccation à 40°C
pendant
48 heures, sous vide,- Matière azotée totale : azote
Kjeldahl
X 6,38,- Lactose :
dosage iodométrique
dupouvoir
réducteur,- Lipides
totaux : extraction éthéro-ammoniacale etévaporation,
- Matières minérales totales : incinération à
55 c°C.
- Phosphore :
méthodecolorimétrique
auvanadomolybdate
d’ammonium,- Potassium, sodium, calcium,
magnésium : spectrophotométrie
de flamme.Les différentes fractions azotées étaient dosées conventionnellement par leur azote
après préci- pitation
sélective. Onprocédait
notamment aux déterminations suivantes :I. - Azote total,
II. - Azote a non-caséine », par
précipitation
de la caséine àpH
4,6(R OWLAND ,
1938),III. - Azote « non-caséine » moins azote « proteose-peptone », par
précipitation
du filtratprécédent
par le sulfate de soude en solution à 12p. 100(ASCHAFFENBURG,1959 ),
IV. - Azote «
non-protéique
», parprécipitation
à o°C par l’acidetrichloracétique
à 15 p. 100(SHAHANI, I95 I).
Par soustraction, on obtenait :
- Azote « caséine » : 1 - II,
- Azote « albumine !-
globuline » :
III - IV,- Azote « proteose-peptone » : II - III.
Les différents résultats étaient
exprimés
en grammes pour Ioo g duproduit
frais pour lesprin- cipaux
constituants, en grammes pour I ooo g pour les éléments minéraux et enmilligrammes
d’azote pour 100 g pour les fractions azotées.
Dans l’exécution des calculs, les déterminations des valeurs moyennes par
animal,
ou par numéro deprélèvement,
ont été faites àpartir
des résultatsd’analyse
sans correction pour la pro- duction laitière réellequi
n’était pas connue avecprécision.
Les valeurs moyennesindiquées
sontdonc des « moyennes non
pondérées
».RÉSULTATS
A. - COMPOSITION MOYENNE DU « COLOSTRUM »
Par
analogie
avec lesbovins,
nous avons réservé conventionnellementl’appel-
lation de « colostrum » à la secrétion des 24 heures
postpartum (R OWLAND , 19 5 3 ).
Dans notre étude le colostrum est donc
représenté
par lesprélèvements
2 à 6 inclus.Nous avons calculé pour
chaque
truie la teneur moyenne du colostrum en sesprinci-
paux constituants
et,
àpartir
de ces résultatsindividuels,
la moyenne et l’écart-type
pour l’ensemble dulot, (tableau 2 ).
Ces résultats nous
permettent
de fairequelques
commentaires : io Comme dans
beaucoup d’espèces,
la matière azotée est le constituantprincipal
de la matière sèche du colostrum(6 0
p.I oo).
De leurcôté,
lephosphore
et le
potassium
sont les éléments minéraux lesplus
abondants.2
° Par
rapport
au lait de Truie(cf.
résultats antérieurs :SAI,MON-I,!GAGN!uR, 1959
), le
colostrum estplus
riche en matière azotée(augmentation
de 137 p.100 ),
en
potassium (+
19 p.ioo),
en sodium(+
86 p.I oo)
et moins riche en matière grasse(diminution
de 24 p.100 ),
en lactose(―
34p.ioo)
en calcium(―
60 p.100 )
et en
phosphore (―
26 p.100 ).
On note aussi que lerapport calcium/phosphore
estinférieur à i dans le
colostrum,
alors que dans le lait il y aplus
de calcium que dephosphore.
3° Comme pour le
lait,
les variabilités individuelles des teneurs desprinci-
paux constituants ne sont pas
identiques.
Le constituant leplus
variable est la matièregrasse.
Après l’eau,
les constituants les moins variables sont le lactose et lephosphore.
On retrouve ici la hiérarchie
habituelle, identique
à celle observée par WAIT! et al.( 195
6)
chez la Vache et par nous-mêmes(SAI,MON-I,!GAGNEUR, 1959 )
sur le lait deTruie.
B. -
ÉVOLUTION
DES PRINCIPAUX CONSTITUANTSLes tableaux 3et 4et les
figures
i à 6rapportent
l’évolution de lacomposition
de la sécrétion mammaire au cours despremiers jours
de lactation.Pour tous les
constituants,
l’évolutionparaît importante
etrapide,
mais elleprésente
un caractère différent suivantchaque
constituant :W Eau et matière sèche
Comme pour le
lait,
l’eau est en valeur relative le moins variable des consti- tuants( 9
p. 100pendant
lapériode considérée). Toutefois,
certaines sécrétions indi- viduellespeuvent présenter
des variationsplus accusées,
surtout si on lesrapporte
à la matière sèche. Dans notre
expérience,
les teneurs extrêmes en matière sècheont été
respectivement
22-30 p. ioo pour le 1erprélèvement
et17 - 2 6
p. 100 pour le dernier. Mais il est surtout curieux de constater que l’évolution de ce taux de matière sèche n’est pasrégulière :
elleprésente
successivement un minimum au bout de 18 heures et un maximum au bout de4 8
heures(Fig. r).
Cephénomène paraît
logique,
car il résulte de l’évolution contraire des deuxprincipaux constituants,
la matière azotée et la matière grasse, dont les teneursl’emportent
tour à tour.2
0 Matière azotée
Entre la
parturition
et le 4ejour qui suit,
la sécrétions’appauvrit
en azoted’environ 300 p. 100, ce
qui
estconsidérable,
mais semble-t-il du même ordre quece que l’on observe chez
beaucoup d’espèces.
Cette évolution se fait à une vitessedécroissante,
suivant lephénomène
queJouRNE ’ r
etJ ARRIGE ( 19 6 0 )
ont décritpendant
lepremier
mois de lactation chez la Vache.3
0 Matière grasse
Initialement, pendant
un peu moins de 24heures,
le taux de matière grasse est très bas et évolue assez lentement avec toutefois d’assezgrandes
variations individuelles(extrêmes
au bout de 18 heures : 2,1-10,5 p.ioo).
Durant les 24 heuresqui suivent,
le taux s’accroît trèsrapidement
etpeut dépasser
16 p. IOOpour cer- taines truies. Le moment exact où le taux maximum est atteintvarie,
selon lesanimaux,
entre le Ier et le 3ejour après
laparturition.
Ceci
explique parfaitement
que, dans certaines études où le nombre deprélè-
vements était
insuffisant,
ce maximum ait pu souvent passerinaperçu.
En outre,cela montre
également
que, pour une même date deprélèvement,
onpuisse
rencontrer, suivant lesanimaux,
des sécrétions trèsriches,
ou relativement pauvres enlipides.
Par
exemple,
les extrêmes à4 8
heures sont6,5
et1 6, 7
p. 100.Par la
suite,
le taux de matière grasse semble décroître assezrégulièrement.
4
0
Lactose et matières minéralesCes constituants
présentent
une évolutionanalogue,
avec uneaugmentation régulière
des teneurs au cours desjours qui
suivent laparturition. Toutefois,
cesaugmentations
n’ont pas la mêmevaleur ;
elles sontrespectivement
de 66 p. ioo pour le lactose et de 14 p. 100 pour les matières minérales.5
0
Phosphore
et calciumLa teneur en
phosphore augmente
relativement lentement( 30
p. 100en 4jours)
alors que la teneur en calcium
augmente beaucoup plus pendant
la mêmepériode (
130
p.ioo).
Ceci a pourconséquence qu’au
bout de4 8
heuresenviron,
le taux de calcium devientsupérieur
au taux dephosphore.
6! Potassium et
sodium, magnésium
Les teneurs en
potassium
et en sodium décroissent trèssensiblement,
respec- tivement de ig p. 100et de 50p. ioo. Lalégère augmentation
de la teneur en sodiumpendant
lespremières
12 heures n’est passignificative.
La teneur en
magnésium
est très faible et ne varie pas defaçon apparente.
C. - FRACTIONS AZOTÉES
La
composition
azotée moyenne du colostrum(sécrétion
despremières
2!
heures)
pour lesquatre
truies étudiées estindiquée
au tableau 5.L’évolution
des différentes fractions au cours de l’ensemble de lapériode
consi-dérée est
rapportée
en valeurs absolue et relative aux tableaux 6et et
auxfigures
7 et 8.On
peut souligner
lespoints
suivants :W La fraction non
protéique
est la seule dont la teneur ait tendance à aug-menter au cours du début de la lactation.
2
0 Parmi les
protéines,
ce sont lesglobulines,
les albumines et lesprotéose- peptones qui
diminuent leplus (8 0 - 92
p.zoo),
alors que la caséine variebeaucoup
moins
( 3 6
p.100 ).
Il s’en suitqu’à partir
d’un certain moment,généralement
aubout de
3 6 heures,
la sécrétion de la caséinel’emporte
sur celle des autresprotéines,
alors
qu’auparavant
les albumines et lesglobulines
constituaient la fractionla plus importante.
D. - RELATIONS ENTRE CONSTITUANTS
Par
analogie
avec un travail antérieur sur le lait de Truie(SA LM O N -L E G A G N E UR , ig6i),
nous avons cherché àsavoir,
à l’aide du calcul decorrélations,
s’il existait des liaisons entre certains constituants de la sécrétion et si ces liaisons étaient les mêmes que celles que nous avions trouvées pour le reste de la lactation.Toutefois,
ne
disposant
pas de données suffisammentprécises
sur le volume de lasécrétion,
nous avons dû nous limiter au calcul des corrélations
totales,
au lieu des corrélationspartielles (indépendantes
desquantités sécrétées) qui
nous auraientapporté
davan-tage
derenseignements.
Nos résultats devront donc êtreinterprétés
avecprudence.
a)
Relations intra-lactatio1tElles se
rapportent
aux évolutions relatives des constituants au cours de lapériode
considérée. Nous avons trouvé entre les teneurs moyennes dechaque
consti- tuant, au cours des différentsprélèvements,
les corrélationssuivantes,
choisiesparmi
les
plus caractéristiques :
Toutes ces corrélations sont
significatives
au seuil P = 0,01.Dans
l’ensemble,
comme pour le lait deTruie,
il y a des liaisons étroites entre l’évolution desprincipaux
constituants et ceux-ci ne varient donc pas defaçon indépendante.
On notera enparticulier, qu’il
existe une liaison inverse très nette entre la teneur en matière azotée et la teneur des autres constituantsorganiques
et mêmede certains minéraux
(P, Ca).
La liaison inverse entre le lactose et les métaux al- calins(Na
+K)
n’est pas nonplus
sans intérêt.b)
Relations inter-individuellesLe tableau 8
rapporte
les valeurs trouvées pour les coefficients de corrélation entre les constituants des sécrétions individuelles à un même stade deprélèvement.
Les calculs ont été faits à 3 moments différents et les résultats sont
comparés
à ceuxque nous avions trouvés antérieurement sur l’ensemble de la lactation.
Vu le faible nombre de
données,
ces coefficients de corrélations sont peusigni- ficatifs,
mais ilsapportent cependant quelques
indications : on retrouve engénéral
au début de la
lactation,
les mêmes liaisons que celles que nous avions trouvées aucours de la lactation
proprement
dite.Mais ces liaisons sont
beaucoup
moins nettes et souvent sanssignification
pour les toutpremiers
stades(mise bas,
24heures),
cequi
semble montrer une certaineévolution dans les
rapports
entre constituants.Parmi les liaisons les
plus
constantes, il faut surtout retenir les corrélations inverses entre le lactose et les matières azotées et entre le lactose et le sodium.DISCUSSION
A. - COMPOSITION DU COLOSTRUM
Il y
a peu de remarques à faire en cequi
concerne lacomposition
moyenne du colostrum. Les valeurs que nous avons trouvées sont assezproches
de celles rap-portées
par les autres auteurs(tableau r), compte
tenu du fait que les dates depré-
lèvements ne coïncident pas
toujours.
Lagrande
variabilitéindividuelle
des teneursen certains constituants
explique également
unepartie
desdifférences,
notammentcelles
qui
ont trait aux taux de matière grasse et de calcium.B. - EVOLUTION DES PRINCIPAUX CONSTITUANTS
Cette évolution offre
plusieurs points
à considérer :Tout d’abord elle
paraît
suivre pourchaque
constituant des loisapparemment
biendéfinies,
mais dont l’étude nous entraînerait malheureusementtrop
loin. On retiendra toutefois l’allure trèsparticulière
de l’évolution du taux de matière sèche dont la courbeparaît s’apparenter
à une fonction du 3edegré
et que l’on trouvedéjà
dans le travail de TRAVNICEK( 10 6 0 ).
A
côté,
l’évolution du taux de matière azotéeparaît
trèsclassique,
alors que celle du taux de matière grasseparaît caractéristique
del’espèce porcine.
’
La
plupart
de ces courbesprésentent
toutefois un trait commun,qui
est larapi-
dité de l’évolution entre la 6eet la
3 6 e
heureaprès
laparturition.
Certaines courbesprésentent
unpoint
d’inflexion(matière
grasse,calcium, phosphore, sodium)
etd’autres un
changement
depente important (matière azotée),
situés engénéral
versla
24 e
heure.Il est vraisemblable que cette
phase
d’évolution accéléréecorrespond
àl’aug-
mentation de l’activité sécrétoire
générale
de la mamelle et, enparticulier,
àl’aug-
mentation du volume de la sécrétion. Peut-être faut-il voir dans cette courte
période
les limites de la «
période
colostrale »qui
sontprécisément fixées,
selon HOUDINIERE(1944),
par la « vitesse de variation des constituants ». Dans ce cas, onpourrait
admettre que la sécrétion du colostrum n’excède pas
4 8
heures chez la Truie.Mais c’est surtout la
comparaison
avec les autresespèces qui paraît
intéres-sante. Si l’on s’en tient aux
espèces
dont la sécrétion mammaire est la mieux connue, c’est-à-dire essentiellement lesespèces bovine,
ovine etcaprine,
on constate une similitude d’évolution avec les Truies pour les teneurs enlactose,
en matièreazotée,
en sodium et en
potassium (S AV rn-r,
1927-P ARRISH ,
etal., 1950 -BE R G M AN,
Ig37-
P ERRIN , 195 8
- SUGAI etK URAMOTO ,
1959-JoURN!T
etJARRIG!, I g6 0 ).
Parcontre, les évolutions sont très différentes pour les
lipides,
le calcium et lephosphore.
Peut-on en déduire que le mécanisme de la sécrétion de certains constituants est différent chez la Truie ?
Constatons tout d’abord
qu’il
existe d’autresespèces qui
secomportent
commela
Truie,
parexemple
laJument :
LINTON( I g 3I )
et FIADE( I955 )
ont en effet montré que le colostrum deJument
s’enrichissait enlipides pendant
lespremières
heureset que le taux maximum de
lipides
n’était atteintqu’au
bout de4 8
heures. Chez laFemme
également,
la sécrétion s’enrichit en matière grassependant
lespremiers jours
de lactation(D AVIS , 1953 ). Enfin,
même chez laVache,
il n’est pas rare que la teneur en matière grasse du colostrum soit inférieure à celle du lait despremiers jours (J OURN ET
etJ ARRIG E, 19 6 0 ).
Par contre, chez la Ratte(GLASS, 1957 ),
laChienne
(A NDERSON
etal., 194 o)
et même chez uneespèce
sauvage voisine duPorc,
le Pécari àcollier, pecari tajacu (SoLws
etal., I g6i)
la teneur du colostrum enlipides paraît plus
élevée que celle du lait. Mais on a vu que chez le Porc la teneur en matière grasse de la sécrétion montait trèsrapidement
dans les heuresqui
suivaient la misebas et il a pu en être ainsi chez ces dernières
espèces.
Nous en venons donc à penser que ce
qui pourrait
varier entre ces différentesespèces
serait moins le sens de l’évolution des constituants que lachronologie
decette évolution. Cette
hypothèse
semble confirmée enparticulier
par les études surla
composition
de la sécrétionantepartum
de la Vache. PIETRE( I g 34 )
avaitmontré,
en
effet,
l’existence chez cetteespèce
d’un « miel colostral » pauvre en matière grasse et encalcium,
mais riche ensodium, apparaissant
dans la mamelle dès le 5! mois.En outre, les études de ROWLANDet
al., ( 1953 )
sur la traiteantepartum
montrent bienqu’il
y a chez la Vache une évolution de lacomposition
de la sécrétion tout à faitcomparable
à celle que noussignalons
chez la Truieaprès
la mise bas(fig.
g etio).
Il y aurait en définitive undécalage
d’une dizaine dejours
entre ces deuxespèces.
Tout semblerait se passer comme si laphase
de sécrétionprécolostrale
était retardée et réduite chez la Truie.
Ceci a été
l’objet
d’une autre confirmation. Endépit
du fait que la mamelle estapte
à sécréter bien avant la fin de lagestation (M AYER , I g6 I ),
on sait mainte- nant que la Truie est une desespèces
chezlaquelle
cephénomène
est leplus
tardif.Selon GRoss et al.
( I g5 7 ),
la sécrétionn’apparaît
que 24 heures avant lepart
chezla
Truie,
alorsqu’elle apparaît
60jours
avant chez la Chèvre et 5 mois avant chez la Vache(T URN E R , 1952).
Tout semble donc concourir à
expliquer
la différence d’évolution de la compo- sition de la sécrétion mammaire de la Truie et de celle des autresespèces.
Contrai-rement à ce que l’on a
parfois avancé,
la Truie ne fait pasexception
aux mécanismeshabituels de la sécrétion
iactée ;
ce sont seulement les modalitésqui
diffèrent.C. - FRACTIONS AZOTÉES
En ce
qui
concerne la teneur du colostrum de Truie en azote de différente nature, nos résultats sont sensiblement en accord avec ceux de SHEFFYet al.( 1952 )
et ceux de TpAVNicEK
( I g6o),
les seuls que nous ayons pu trouver dans la littérature.Ils sont
également comparables
à ceux que BERGMAN et TURNER( 1937 )
trouventchez la Chèvre et à ceux que RowLAND et al.
( I953 ) indiquent
pour le « colostrum normal » deVache,
à uneexception près :
l’azote nonprotéique, qui
est sensiblementplus
élevé chez la Truie.Par contre,
lorsque
l’onpoursuit
lacomparaison
entreespèces
sur l’évolution de larépartition
des fractionsazotées,
on trouverapidement quelques
différences.Par
exemple,
notretravail,
confirmé par celui de TRAVNICEK sur cepoint,
montreque la caséine semble se stabiliser autour de 50 à 55 p. Ioo de l’azote total au bout de 3 ou
4 jours.
Chez la
Vache,
ou chez laChèvre,
l’évolution est à la foisplus rapide
etplus importante puisque
dès le 2ejour
de lactation la caséinereprésente plus
de 70 p. Ioo de l’azote total(J OURN E T
etJ ARRIGE , 19 6 0
- BERGMAN etT URN E R , 1937).
Ilsemblerait donc que
l’aptitude
àfabriquer
de la caséine soit moins élevée chez la Truie que chez les Ruminants.L’hypothèse
d’unecompétition
entre lesprécurseurs
de la caséine et la!-lactoglobuline
n’est pas nonplus
à écarter(B ARRY , I g6 I ).
Enfin,
il n’est pas sans intérêt de noter que la fraction nonprotéique
du colos-trum de Truie
augmente
très sensiblement à la fois en valeur absolue et en valeur relative(elle représente
9 p. 100 au bout de 3jours),
cequi
n’est pas le cas chez la Vache(PA RRI Sx, 194 8).
Comme cette fraction est constituée enparticulier
par les déchets du métabolisme azoté(S HEFFY
etal., I g5 2 ),
il n’est pasimpossible
que chez la Truie en lactation unepart
croissante des matériaux azotésd’origine
alimentaireou tissulaire soit
dégradée
et utilisée à d’autres fins que laprotéinogenèse,
parexemple
à des finsénergétiques,
ou à lagluconéogenèse (F OUEY
etG R E ENBAUM , I947) !
Cecisupposerait,
l’existence d’un «cycle
de l’urée » dans la mamelle de laTruie,
cequi, avouons-le,
n’a pu être démontréjusqu’à présent.
D. - RELATIONS ENTRE CONSTITUANTS
L’existence
d’unecorrélation,
même de coefficient trèsélevé,
entre deux variablesne
signifie
pas forcémentqu’il
y ait une liaison fonctionnelle entre ces variables.Le fait que les taux de la
plupart
des constituants de la sécrétion lactée de la Truiesoient liés par des corrélations intra ou interindividuelles ne prouve donc pas forcé- ment
qu’il
y aitdépendance,
maispeut-être
seulement variations concomitantes.Aussi ne discuterons-nous ici que les relations
qui
ont faitl’objet d’hypothèses
anté-rieures.
La
plus
intéressante a trait au lactose et à la matière azotée. Eneffet,
la corrélationnégative
entre les teneurs de ces deux constituants pour une même truie à différents stades deprélèvement,
se double d’une autre corrélationnéga-
tive entre individus. Autrement
dit, plus
la sécrétion est riche en matière azotée et moins elle contient delactose, quel
que soit le moment. Il n’en est pas de même pour les autres constituants de la matièreorganique ;
parexemple,
lamatière azotée et la matière grasse varient en sens inverse au début de la lacta-
tion,
mais au bout de4 8
heures il n’en estplus
ainsi. Cette situationparticulière
du lactose et de l’azote nous avait conduit à
envisager, après
LODGE( 1959 ),
une
possibilité
de concurrence entre ces deuxconstituants,
autrement dit àreprendre l’hypothèse
de lagluconéogenèse
àpartir
desprécurseurs
desprotéines,
émise par GxnHnM
( 1937 ).
Cette
hypothèse
reste donc valable et trouve unappui supplémentaire
dansl’augmentation,
que nous avonssignalée,
de l’azote nonprotéique
de la sécrétionparallèlement
à celle du taux de lactose.On a aussi
invoqué
le rôlecomplémentaire
que le lactose et le sodium pour- raientjouer
dans le maintien de lapression osmotique
de la sécrétion lactée(RooK
et
Woo D , 195 8
-Dw· 9MU a, ig6i).
Selon cettehypothèse,
la sécrétion des ions Na+réglerait
le métabolisme de l’eau dans la mamelle et le taux de lactose seréajus-
terait pour assurer l’isotonicité de la sécrétion. Rien ne
s’oppose
ici à la validité de cettehypothèse, puisque
nous avons trouvé chez la Truie une corrélationnégative
entre les teneurs individuelles en ces constituants etqu’au
cours dela lactation la richesse en sodium et
potassium
diminuelorsque
la teneur en lactoseaugmente.
Onpeut,
en outre, tirerargument
du fait que la concentration enlactose
augmente, pendant
lapériode considérée,
à peuprès
IO foisplus
viteque ne baisse celle du sodium et du
potassium,
cequi correspond
sensiblement aurapport
des activitésosmotiques.
L’évolution en sens inverse des teneurs en
phosphore
et en calcium d’unepart
et de la teneur en caséine d’autrepart,
est par contreplus surprenante.
Eneffet,
ilest bien connu que la caséine existe normalement dans le lait sous forme d’un com-
plexe
de caséinate de calcium et dephosphate tricalcique
et que, de cefait,
la ma-jeure partie
du calcium et duphosphore
de la sécrétion lui est étroitement associée.Or,
chez laTruie,
lerapport Ca/N
caséine varielargement pendant
lapériode
considérée(
0 , 0
8
ào, 3 6).
Cecipeut indiquer
que lespossibilités
de fixation du calcium par la caséine ne sont pas constantes. Parcomparaison
avec les valeurs trouvées pour laVache,
il y aurait un déficit de calcium dans le colostrum de Truie et unléger
excès dansla sécrétion ultérieure. Comme
parallèlement
lerapport
calciumphosphore
s’accroîtlargement
dans le lait(il
passe deo,6
à 1,2enquatre jours),
onpeut
émettrel’hypo-
thèse d’une
augmentation
de laproportion
dephosphate tricalcique
associé à lacaséine
(en
admettant que lephosphore organique
et le calcium du caséinate de- meurent enproportions
biendéfinies) jusqu’à
la formation ducomplexe
caséini-que définitif du lait normal. On
peut
aussi penser à une modification des teneursdes autres combinaisons du calcium
(citrate, chlorure).
CONCLUSION
L’évolution de la
composition chimique
de la sécrétion despremiers jours
delactation chez la Truie nous a
permis
de constater :W
Que
certains constituants varient dans uneproportion
trèsimportante
et avec une
grande rapidité.
C’est le cas de l’azotetotal,
des matières grasses et du calcium. De cefait,
certainsphénomènes,
comme laprésence
d’un maximum pour la teneur en matière grasse au bout de3 6
heures(avec
un minimumcorrespondant
pour la teneur en
eau)
ont pujusqu’à présent
passerparfois inaperçus.
Les autresconstituants de la sécrétion varient
également,
mais d’unefaçon
moinsimportante
et
plus classique
2
0
Que, toutefois, les
différences avec l’évolution des sécrétions lactées d’autres es-pèces s’expliquent
aisément si l’on admet que le déclenchement de lalaëtogenèse
n’a paslieu au même moment par
rapport
à laparturition
chez cesespèces.
Parexemple, la
sé-crétion débute
plus
tôt chez les Ruminants que chez la Truie.Ainsi, lés
contradictions que l’on note pour l’évolution des teneurs en matière grasse ou en certains minérauxne sont
qu’apparentes,
car les mêmes variations se retrouvent dans letemps.
3
0
Que
les différentes fractions azotées de lasécrétion,
àl’exception peut-être
de la fraction non
protéique,
suivent une évolutionanalogue
chez la Truie et chez les autresespèces.
L’effondrement du taux de matières azotées est dûprincipale-
ment aux
protéines
du sérum(albumines, globulines, protéose peptones).
Par compa-raison,
le taux relatif de caséine tend à remonter(il
passe de 26 à 55 p.100 ),
mais iln’atteint pas une valeur aussi élevée chez la Truie que chez les bovins.
4
0 Que
les secrétions de certains constituantspeuvent
ne pas se faire defaçon indépendante. Notamment,
l’existence de corrélationsnégatives élevées, jointes
àla variation de l’azote non
protéique,
accréditentl’hypothèse
d’unegluconéogenèse partielle, peut
êtreplus importante
chez la Truie. Par contre, l’évolution de la teneur en calciumindépendante
de celle de l’azote etpartiellement
de celle duphos-
phore peut prêter
à différentesinterprétations.
Reçu pour
publication
enjuillet
i962SUMMARY
TIIE CHEMICAL COMPOSITION OF SOW’S COLOSTRUM
The
study
of variations in water, lactose, fat totalnitrogen
andnitrogenous
fractions, P, Ca, K, Na,Mg
contents of milkduring
the first fourdays
of lactation has been carried out with 16 sows
( 192 samples).
Average
results for each constituent are shown in tables 2-7 andfigures
1-8.Besides the well known trends of several constituents
(lactose, nitrogen,
K,Na),
the moststriking
features are thechanges
in fat percentage, which shows a maximum towards 36 hours andthe calcium content, which