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VIOLAINE ET VICTOR, Raymonde DESCôTEAUX

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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- Violaine! Violaine! aboie Victor à sa femme. Je suis pressé, où as-tu rangé ma chemise rouge à pois blancs?

Essoufflée, elle arrive en courant, ayant tout juste eu le temps de raccrocher le téléphone, qu'elle accaparait depuis plus de quarante minutes. Un téléphone, au demeurant très compromettant pour elle...

- Voyons! Qu'est-ce qui se passe, ce matin? s'informe-t-elle, agacée en entrant dans la cuisine.

- Ça fait une demi-heure que je fouille pour trouver ma chemise rouge à pois blancs et... - Pas besoin de faire tout ce boucan, l'interrompt-elle en la sortant de la garde- robe et en la lui lançant au visage.

Méfiant, il inspecte le vêtement et hurle de plus belle.

- Mais j'en ai besoin tout de suite! rage-t-il, en la lui balançant au visage, à son tour, ce qui barbouille son rouge à lèvres.

- Hey, hey, qu'as-tu, toi? Tu m'as demandé de la laver? C'est quoi le problème?

- Est-ce que l'on possède, par hasard, un petit appareil en métal, se moque-t-il d'une voix féminine, avec une poignée sur le dessus, et il devient très chaud, après l'avoir branché, naturellement? Si tu cherches la réponse, on appelle ça un fer à repasser!

- Le fer? questionne-t-elle, de mauvaise foi, en lui relançant le vêtement.

- On sait bien, tu n'as pas remarqué qu'elle était atrocement fripée, n'est-ce pas? ajoute-t-il en attrapant vivement la chemise.

- Victor! Victor! Victor! Ton impatience m'étripe jusque dans la moelle des os! Lis donc l'étiquette.

Et Violaine sait très bien qu'il ne peut pas lire sans ses lunettes. En outre, elle sait que ladite étiquette est cousue sur une des coutures latérales et non au col, là où il va la chercher. Aussi de le voir exaspéré de la sorte, elle défoule et s'amuse comme une gagnante à la loto.

- Bon, où as-tu déposé mes lunettes, encore une fois?

- Est-ce que j'ai tes lunettes comme prescription? lui demande-t-elle en collant son nez au sien.

- Belle réplique de vaudeville! la nargue-t-il en se reculant. Par ta faute je vais être en retard à la réunion du conseil d'administration, une rencontre provinciale, de la plus haute importance, d'ailleurs. Tu te rappelles que j'en suis le président, non?

- Victor! Victor! Victor! As-tu remarqué que c'est toujours de ma faute, hein? De ma faute, mais juste quand ça cloche dans ta vie, par exemple! Ding, ding, ding, allume! ajoute-t-elle en pointant sa tête.

Furieux, il chamboule nerveusement partout pour retrouver ses verres. Il soulève les journaux, les coussins, et même les napperons. Tout à coup, elle les aperçoit près de la cafetière et se tait avec un sourire jouissif, qui l'enlaidit, d'autant plus avec sa bouche de clown. En fin de compte, harassé, il s'assoit à la table, le regard fixe, le dos rond, mais

(2)

pour le moment, elle n'a aucune pitié. En effet, là, elle n'en peut plus de sa jalousie et de son égoïsme. Alors elle a décidé de rompre, et pour ce faire, il n'y a que ce chemin: le pousser à bout. Attendu que son mari ne connaît que les rapports de force, Violaine, maintenant, veut autre chose dans sa vie.

- Envoie, cherche mon noir! murmure-t-elle, cynique.

- Quoi? Qu'est-ce que tu as dit? demande-t-il en se retournant. - Rien, rien...

Il se lève et finalement trouve ses lunettes, les chausse et cherche impatiemment les instructions à l'intérieur du col, comme elle le prévoyait. Et elle l'observe encore, puis dissimule un sourire de satisfaction.

- Es-tu en train de me rire dans la face? Vois-tu une étiquette, toi? lui demande-t-il en lui plantant la chemise sous les yeux.

- Si tu regardais sur une des coutures de coté! lui indique-t-elle, malgré tout, un peu attendrie.

- Bon enfin, j'ai trouvé! dit-il soulagé. Je crois que c'est marqué:" Pas de repassage." - Alors...

- Alors? Elle est froissée, tout de même.

- Ça ne fait pas une grande différence pour toi! Si j'ai bonne mémoire, quand on sortait ensemble, tu portais pas mal de tenues qu'on aurait juré sorties d'un encan.

- Hum, c'est gentil, ça! Alors, parlons-en de ta mémoire! raille-t-il. Tu te souviens facilement de la seule fois où j'ai oublié notre anniversaire de mariage, mais... - Tu veux dire de nos 4 anniversaires! le coupe-t-elle en se croisant les bras. - 4 anniversaires déjà? Es-tu certaine de ça?

- Oh que oui, parce que l'on s'est mariés le jour où Jack est mort! - C'était qui Jack? questionne-t-il, soudain furieux et très jaloux.

Elle éclate de rire comme une demeurée, puis elle s'essuie les yeux, et s'approche de lui. - Miaou! Miaou! chantonne-t-elle d'une voix suraiguë en le fixant.

- Qu'est-ce qui te prend? lui reproche-t-il en s'éloignant, un peu apeuré. - Jack, c'était le chat de mon amie Priscille!

- Oh! Oh!... - Hey, où vas-tu, là?

- Il faut absolument que je téléphone à ma secrétaire, je vais être en retard, répond-il en se dirigeant vers leur chambre. L'avantage d'être président c'est que c'est moi qui fixe les règles.

- Alors, informe-la que tu as une crevaison. D'ailleurs c'est vrai, notre vie de couple est complètement à plat.

---

Elle prête l'oreille et l'entend s'expliquer. Et finalement elle le voit apparaître avec sa valise.

(3)

- Est-ce que tu pars pour Ouagadougou? Non, attends! Tu retournes chez ta mère? l'interroge-t-elle en se moquant.

- Ben, comme convenu, c'est mon congrès de 3 jours, je t'en ai parlé la semaine dernière! - Oh que non, ça suffit, là! Tu m'as parlé d'une réunion, pas d'un congrès, je suis certaine de ça.

- Oh, encore ta si merveilleuse mémoire, hein? la ridiculise-t-il en branlant la tête, façon bibelot d'auto.

Aussi pour le contrarier, elle sort la planche à repasser et branche le fer. - Envoie! Donne-moi ta chemise, puisque tu as du temps, maintenant!

Il la saisit, la chemise rouge à pois blancs, pas Violaine.

- Tiens, ma chère épouse! grince-t-il en la lui envoyant au visage, ce qui enlève le reste de son rouge à lèvres.

Elle lui décoche un sourire féroce en attrapant le vêtement qu'elle commence à repasser. Et à chaque fois qu'il se détourne pour regarder dehors, elle imprime un faux pli, en riant sous cape. Et quand elle a terminé, elle l'enfonce au fond de la valise et désordonne tout. Au bout du compte, elle a sa petite vengeance.

- Heu, à quelle heure reviens-tu, dimanche?

- D'après mon expérience, se rengorge-t-il, en empoignant ses bagages, ça devrait se terminer vers 22h, après le goûter de fin de soirée. Alors ne m'attends pas, tu sais comment c'est, on va sûrement discuter de la fin de semaine.

- En ce cas, bon congrès! Victor!

- C'est ça, bye! rétorque-t-il en claquant la porte.

Et Violaine saute immédiatement sur le téléphone pour parler à Priscille.

- Ouf, il vient de partir! Ce matin j'ai failli me faire prendre pendant que je te confiais mes déboires avec lui. Il va falloir que je sois plus prudente. Hein? Qu'est-ce que tu dis? ---

- Oh non, tu n'as pas le temps de jaser! D'accord, on se rappelle, propose-t-elle avant de raccrocher, très désappointée.

Ailleurs, le congrès va bon train avec d'admirables projets à venir et cela dans un futur rapproché. Victor est content du déroulement de ces 3 jours, qu'il qualifie d'harmonieux. Et là, c'est le retour. Il lance sa valise sur le siège arrière de sa BM, s'assoit, démarre et met le CD de Céline Dion. Et le pauvre chante à tue-tête, "L'amour existe encore", de son horrible voix de fausset. Finalement il arrive plus tôt que prévu, car tous ses amis avaient hâte de rentrer. Il extirpe sa valise, verrouille l'auto, sort ses clés et se précipite chez lui. - Violaine! Violaine! Je suis de retour! crie-t-il comme s'il avait un doigt coincé.

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- Vi-o-lai-ne! Hou! Hou! Violaine? ---

Il avise un papier sur la table. Victor,

Je suis partie car je n'en peux plus de cette vie-là. Inutile de me chercher, je ne reviendrai pas. J'en ai ma claque de ton égoïsme, de ta jalousie et surtout de la chicane. Quand ça va mal pour toi, c'est toujours de ma faute et j'en ai marre de me sentir manipulée. Il y a un problème entre nous, et j'en ai un aussi, parce que je te laisse faire, tout le temps. Alors, tant qu'à avoir de la peine parce que notre couple est une risée, je préfère vivre seule... Violaine, libérée.

- Oh, non!... Non! Non! Non! hurle Victor, sous le choc, en éclatant en sanglots et en arpentant le salon. Nonnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn! Pardon! Violaine! Pardon! Où es-tu, ma douce?... Je t'ai causé beaucoup de chagrin, mais je ne pensais pas que c'était à ce point!

Il sanglote de toute son âme, puis il continue son monologue comme s'il lui parlait, or, pendant ce temps, un ange passe.

- J'aurais tant voulu t'avouer que je t'aime plus fort, de jour en jour, pleure-t-il avec toute la force de son désespoir. Mais je suis incapable de te le dire, parce que j'ai peur de mes émotions, je n'ai appris à dialoguer, et c'est pour ça qu'on se chamaille...En fin de semaine, j'ai réfléchi et je suis d'accord pour qu'on consulte comme tu le souhaitais, tu as raison ça n'a plus de sens... Malgré ça, j'ai toujours été fidèle...Et si c'était à refaire, là, tout de suite, je te choisirais encore parmi toutes les femmes de la terre, parce que tu es ma Violaine...Je ne veux personne d'autre que toi... Tu es la femme de ma vie, tu es la femme pour moi, de tout temps, ma femme que j'ai enfin trouvée, et je l'ai su dès la première fois que je t'ai vue.

- Merci mon cher Victor! chuchote amoureusement Violaine en s'approchant, émue, avec de grosses larmes qui coulent sur ses joues.

Il sursaute, encore secoué de spasmes, et s'approche d'elle, le visage tout plein d'espoir. - Tu es là! sourit-il à travers son chagrin.

Et dans un long, long moment, ils se regardent, les yeux dans les yeux, comme une âme à âme, dans un silence qui les rapproche encore plus que des mots.

- Je me suis réfugiée au sous-sol, mais je n'ai pas pu partir, sanglote-t-elle à son tour. J'ai tout entendu, c'était si beau, mon mari qui m'avoue son amour. Je veux vivre avec toi parce que, moi aussi, je t'aime de plus en plus. Une vie sans toi, rien qu'à y penser, ça serait un perpétuel manque, un monde tellement triste et vide. Et je sais très bien que mon coeur ne peut pas vivre cette indigence, parce qu'il est plein de toi, Victor.

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Alors, ils s'étreignent et s'embrassent avec la fougue de la joie et aussi celle de la peur d'avoir passé si près de se perdre.

- Ensemble, on va apprendre à se parler comme deux personnes qui s'aiment, promet-il, avec une infinie tendresse.

- Oh, oui, trésor! lui sourit-elle.

- On va avoir une vie de couple merveilleuse, ma douce, et c'est ce que je veux le plus au monde!

- Moi aussi, trésor! Moi aussi!

Et ils ont appris à se comprendre. Aussi, aujourd'hui, ils vivent un amour profond, comme ils le voulaient, et il y a maintenant 15 ans de cela...

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