• Aucun résultat trouvé

Pour une structure des prix

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Pour une structure des prix "

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

Point de vue

Jean-Yves Godbout

Pour une structure des prix

qui favorise une production laitière

«allégée»

Dans les pays développés, et notamment au Canada et dans la Commu- nauté européenne, les politiques des prix de soutien du secteur laitier ont favorisé depuis plusieurs décennies la production de matières grasses, tout en négligeant celle des protéines et des minéraux. Cela va non seule- ment à l'encontre du bien-être général et des intérêts supérieurs des consommateurs mais déstabilise également le commerce mondial. Les professionnels de la santé pourraient puissamment contribuer à persuader producteurs, consommateurs et pouvoirs publics de la nécessité d'inflé- chir le soutien au secteur laitier, de manière à produire moins de matières grasses et le plus possible de protéines.

Pour la première fois dans l'histoire de l'Accord général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (GATT), l'agriculture est au centre des négociations dont elle constitue d'ailleurs la principale pierre d'achoppe- ment. Les problèmes y sont posés par les pays riches où le secteur laitier occupe sou- vent une position prééminente. D'impor- tants moyens ont été consacrés à l'améliora- tion de la production et de la consommation de matières grasses d'origine laitière alors

L' auteur prépare une maîtrise en relations internatio- nales à l'Université Laval. Sainte-Foy (Québec), GIK 7P4 (Canada).

78

que l'on a négligé celle des protéines et des minéraux.

La production laitière au Canada Depuis longtemps, les différents gouverne- ments canadiens ont considéré les produits laitiers comme essentiels et ont puissamment protégé et soutenu le secteur laitier, d'une façon telle qu'ils ont agi au détriment de la santé et du bien-être de la population.

Malgré des mises en garde lancées il y a 25 ans (1), le secteur se consacre toujours à la production de matières grasses parce que c'est celle-ci qui, artificiellement, rapporte le

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

t

! !

~ ~

~

~

plus. On a ainsi perdu des décennies pen- dant lesquelles on aurait pu produire du lait à teneur accrue en protéines et réduite en matières grasses.

Dans la société, la raison d'être du secteur laitier est de fournir à la population des pro- téines et des minéraux, principalement du calcium qui est lié aux protéines. Hormis l'eau et le lactose (l'un des principaux solides non-gras), le seul autre type de com- posant est la matière grasse qui ne contient pas de calcium. Le lait et les produits laitiers autres que le beurre et la crème constituent une catégorie particulière dans le Guide alimentaire canadien. S'ils ne contenaient pas de calcium, ils seraient probablement regroupés avec les viandes et leurs succé- danés. La production de matières grasses ne justifie pas l'existence d'un secteur des pro- duits alimentaires d'origine animale, et encore moins d'un soutien massif des pou- voirs publics. Or, il en va peut-être autre- ment dans le cas des protéines et du calcium d'origine laitière.

Si l'Etat souhaite abaisser le prix des matières grasses à la consommation, il doit le faire avec efficacité. Pour cela, il faudrait qu'il soutienne la production de matières grasses d'origine végétale qui, à valeur nutri- tionnelle égale, sont généralement moins chères à produire que les matières grasses d'origine animale.

Pour le beurre et le lait écrémé en poudre, représentant respectivement la matière grasse et la protéine du lait, le ratio des prix de soutien favorise la production et la consommation de matières grasses laitières, alors même que les experts recommandent de réduire le plus possible la part des matiè- res grasses dans l'alimentation, surtout celles d'origine animale. Une partie du secteur lai- tier reconnaît que celui-ci produit trop de matières grasses, compte tenu de la désaffec- tion grandissante des consommateurs. Pour-

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

Une production laitière «allégée»

tant, on incite encore actuellement les agri- culteurs à accroître (et non à réduire) la teneur du lait en matières grasses. Le secteur laitier ne semble pas vouloir privilégier davantage la consommation des solides non gras car il craint qu'ils se substituent aux matières grasses laitières dans l'alimentation

Le désordre des secteurs laitiers des pays développés a des effets néfastes sur la santé et le bien-être de la population des pays en déve- loppement dont il désorganise les industries laitières.

des individus. Le déséquilibre du ratio des prix de soutien fait en sorte qu'une partie de la protéine produite par le cheptel laitier est déclarée en excédent, obligeant par là-même les Canadiens qui veulent se les procurer à débourser plus du double du prix auquel ces excédents sont bradés sur le marché interna- tional ou sur celui des aliments pour le bétail. Observant que les solides non gras sont déjà en excédent, le secteur se refuse à produire de plus grandes quantités de protéi- nes, c'est-à-dire les meilleurs éléments nutri- tifs du lait.

L'orientation vers la matière grasse affaiblit la productivité, la rentabilité et la compétiti- vité du secteur laitier. Les prix et/ou les subventions publiques augmentent, à cause:

de la baisse de revenus des producteurs qui se débarrassent de leurs excédents à perte;

de coûts de production unitaires plus éle- vés pour les matières grasses, car leur concentration en énergie est plus de deux fois supérieure à celle des protéines et du lactose;

du blocage du marché des produits allégés.

79

Iii

"

(2)

Point de vue

Jean-Yves Godbout

Pour une structure des prix

qui favorise une production laitière

«allégée»

Dans les pays développés, et notamment au Canada et dans la Commu- nauté européenne, les politiques des prix de soutien du secteur laitier ont favorisé depuis plusieurs décennies la production de matières grasses, tout en négligeant celle des protéines et des minéraux. Cela va non seule- ment à l'encontre du bien-être général et des intérêts supérieurs des consommateurs mais déstabilise également le commerce mondial. Les professionnels de la santé pourraient puissamment contribuer à persuader producteurs, consommateurs et pouvoirs publics de la nécessité d'inflé- chir le soutien au secteur laitier, de manière à produire moins de matières grasses et le plus possible de protéines.

Pour la première fois dans l'histoire de l'Accord général sur les Tarifs douaniers et le Commerce (GATT), l'agriculture est au centre des négociations dont elle constitue d'ailleurs la principale pierre d'achoppe- ment. Les problèmes y sont posés par les pays riches où le secteur laitier occupe sou- vent une position prééminente. D'impor- tants moyens ont été consacrés à l'améliora- tion de la production et de la consommation de matières grasses d'origine laitière alors

L' auteur prépare une maîtrise en relations internatio- nales à l'Université Laval. Sainte-Foy (Québec), GIK 7P4 (Canada).

que l'on a négligé celle des protéines et des minéraux.

La production laitière au Canada Depuis longtemps, les différents gouverne- ments canadiens ont considéré les produits laitiers comme essentiels et ont puissamment protégé et soutenu le secteur laitier, d'une façon telle qu'ils ont agi au détriment de la santé et du bien-être de la population.

Malgré des mises en garde lancées il y a 25 ans (1), le secteur se consacre toujours à la production de matières grasses parce que c'est celle-ci qui, artificiellement, rapporte le

t

! !

~ ~

~

plus. On a ainsi perdu des décennies pen- dant lesquelles on aurait pu produire du lait à teneur accrue en protéines et réduite en matières grasses.

Dans la société, la raison d'être du secteur laitier est de fournir à la population des pro- téines et des minéraux, principalement du calcium qui est lié aux protéines. Hormis l'eau et le lactose (l'un des principaux solides non-gras), le seul autre type de com- posant est la matière grasse qui ne contient pas de calcium. Le lait et les produits laitiers autres que le beurre et la crème constituent une catégorie particulière dans le Guide alimentaire canadien. S'ils ne contenaient pas de calcium, ils seraient probablement regroupés avec les viandes et leurs succé- danés. La production de matières grasses ne justifie pas l'existence d'un secteur des pro- duits alimentaires d'origine animale, et encore moins d'un soutien massif des pou- voirs publics. Or, il en va peut-être autre- ment dans le cas des protéines et du calcium d'origine laitière.

Si l'Etat souhaite abaisser le prix des matières grasses à la consommation, il doit le faire avec efficacité. Pour cela, il faudrait qu'il soutienne la production de matières grasses d'origine végétale qui, à valeur nutri- tionnelle égale, sont généralement moins chères à produire que les matières grasses d'origine animale.

Pour le beurre et le lait écrémé en poudre, représentant respectivement la matière grasse et la protéine du lait, le ratio des prix de soutien favorise la production et la consommation de matières grasses laitières, alors même que les experts recommandent de réduire le plus possible la part des matiè- res grasses dans l'alimentation, surtout celles d'origine animale. Une partie du secteur lai- tier reconnaît que celui-ci produit trop de matières grasses, compte tenu de la désaffec- tion grandissante des consommateurs. Pour-

Une production laitière «allégée»

tant, on incite encore actuellement les agri- culteurs à accroître (et non à réduire) la teneur du lait en matières grasses. Le secteur laitier ne semble pas vouloir privilégier davantage la consommation des solides non gras car il craint qu'ils se substituent aux matières grasses laitières dans l'alimentation

Le désordre des secteurs laitiers des pays développés a des effets néfastes sur la santé et le bien-être de la population des pays en déve- loppement dont il désorganise les industries laitières.

des individus. Le déséquilibre du ratio des prix de soutien fait en sorte qu'une partie de la protéine produite par le cheptel laitier est déclarée en excédent, obligeant par là-même les Canadiens qui veulent se les procurer à débourser plus du double du prix auquel ces excédents sont bradés sur le marché interna- tional ou sur celui des aliments pour le bétail. Observant que les solides non gras sont déjà en excédent, le secteur se refuse à produire de plus grandes quantités de protéi- nes, c'est-à-dire les meilleurs éléments nutri- tifs du lait.

L'orientation vers la matière grasse affaiblit la productivité, la rentabilité et la compétiti- vité du secteur laitier. Les prix et/ou les subventions publiques augmentent, à cause:

de la baisse de revenus des producteurs qui se débarrassent de leurs excédents à perte;

de coûts de production unitaires plus éle- vés pour les matières grasses, car leur concentration en énergie est plus de deux fois supérieure à celle des protéines et du lactose;

du blocage du marché des produits allégés.

79

Iii

"

(3)

~ ... ~ .... ---

Point de vue

Cette orientation aboutit également à consa- crer à chaque unité de produits laitiers consommée une part plus grande des reve- nus des consommateurs et des contribuables que ce ne serait le cas en d'autres circons- tances, et à vendre moins de protéines et de

Les pays développés écoulent leurs excédents laitiers dans les pays en développement, leur faisant ainsi une concurrence déloyale.

calcium d'origine laitière qu'on ne devrait.

En conséquence, la consommation de matiè- res grasses, surtout celle des graisses saturées, est plus élevée et la consommation de pro- téines et de calcium est plus faible, et l'on observe un gaspillage de ressources qui, si les choses n'étaient pas ainsi, pourraient ser- vir à améliorer la santé.

Historiquement, les matières grasses laitières, et plus particulièrement le beurre, consti- tuaient une part beaucoup plus grande du secteur, probablement à cause du besoin énergétique supérieur des individus et d'une moindre disponibilité des matières grasses végétales. Par conséquent, dès le départ, le secteur laitier s'est attaché à produire des matières grasses. Cette orientation s'est maintenue malgré le renversement des ten- dances de la consommation qui s'est pro- duite il y a environ une vingtaine d'années, tendances qui se sont manifestées à cause de l'intérêt primordial accordé à la matière grasse. Les quotas national, provinciaux et individuels se fondent actuellement sur les matières grasses, tout comme le subvention- nement direct par l'Etat. Selon le mode actuel de paiement du lait, les revenus des producteurs sont avant tout fonction du volume de lait livré, le principal autre fac- teur qui influe sur le prix du lait étant sa teneur en matières grasses.

80

Périodiquement, le quota national de production est grosso modo aligné sur la consommation de matières grasses laitières, plus ou moins indépendamment des quanti- tés non consommées de solides non gras, prenant essentiellement la forme de lait écrémé en poudre.

Les revenus des producteurs sont donc pres- que directement proportionnels à la quantité totale de matières grasses laitières consom- mées. Du même coup, les quotas individuels de production constituent un facteur écono- mique déterminant de grande importance, probablement plus important encore que le prix du lait. Pour un quota déterminé, exprimé en kilogrammes de matières grasses, le volume maximal de lait dont la livraison est autorisée est d'autant plus grand que la teneur en matières grasses de ce lait est faible. Comment dès lors s'étonner que les producteurs souhaitent maintenir le prix de soutien du beurre à un niveau proportion- nellement plus faible que celui du lait écrémé en poudre;

• Le prix de soutien du lait écrémé en poudre est maintenu relativement plus élevé que celui du beurre, ce qui aboutit à une plus faible consommation de soli- des non gras et à l'existence durable d'excédents dits «structurels» de lait écrémé en poudre (du fait de cette distor- sion, les répercussions financières sont beaucoup plus faibles qu'elles ne le seraient si la consommation de matières grasses laitières diminuait dans les mêmes proportions).

• La société est très largement touchée mais, comme cette atteinte n'est pas immédiatement perceptible, la politique du secteur laitier reste intacte.

• De grandes quantités des meilleurs élé- ments nutritifs du lait servent à nourrir le bétail ou sont exportés et, du coup, ne

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

sont pas consommées par une population qui n'en a pas moins chèrement soutenu la production.

Au cours d'une période de 25 ans,

le secteur laitier n'a pas appliqué les recom- mandations tendant à réorganiser la produc- tion laitière de manière à augmenter la teneur en protéines du lait (1).

Le panorama laitier mondial

La Communauté européenne, qui exerce une influence décisive sur l'industrie laitière mondiale, connaît une situation apparem- ment analogue à celle du Canada. Chaque année, environ 20% seulement des 1,5 mil- lion de tonnes de lait écrémé en poudre pro- duites dans ces pays vont à la consommation humaine; le bétail en consomme le double à des conditions très avantageuses par rapport au prix auquel les solides non gras du lait sont offerts à la population dans les divers produits laitiers. Comme au Canada, les consommateurs des pays de la Communauté européenne sont ainsi privés de quantités impressionnantes des meilleurs éléments nutritifs du lait, et surtout des protéines et du calcium, dont ils ont pourtant si chère- ment subventionné la production.

La distorsion de la demande réelle de solides non gras par rapport aux matières grasses à laquelle on assiste au Canada semble être également le lot du marché européen. Elle ne peut qu'avoir de graves répercussions sur le commerce international laitier de la Com- munauté, lequel représente quelque 50% du total mondial et exerce probablement une influence majeure sur les politiques et les prix dans les secteurs laitiers de nombreux pays.

Dans la grande majorité des pays occiden- taux, les pouvoirs publics ont depuis long- temps garanti les revenus de leurs produc-

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

Une production laitière «allégée»

teurs de lait à un niveau très supérieur aux cours internationaux. Cela a obligé à payer aux industries de transformation laitière des prix de soutien qui sont également considé- rablement plus élevés que ceux qui peuvent être obtenus sur le marché international.

D'une manière générale, on pourrait dire que la somme des prix de soutien nationaux pour les deux produits laitiers de base (beurre et lait écrémé en poudre) équivaut au prix national protégé du lait versé aux producteurs. Or, dès qu'on détermine le prix accordé aux producteurs de lait, il faut aussi décider de la répartition de ce montant entre les deux prix de soutien; c'est ce qu'on appelle le ratio. Dans un tel système, les deux prix de soutien équivalent au prix minimal de vente et, en corollaire, au coût d'approvisionnement en matières premières des usines qui transforment tous les types de produits laitiers. Tant au Canada que dans la Communauté européenne, où les prix pro- tégés des produits laitiers nationaux sont de loin supérieurs aux cours internationaux, il nous semblerait que le critère logique de fixation du ratio devrait être celui de la demande interne de ces deux types de com- posants.

Le

«

bradage» des matières grasses laitières ne devrait pas augmenter lorsque leur consommation diminue dans les pays producteurs.

A moins d'être richissime, un pays ne peut normalement consacrer des sommes impor- tantes à un secteur économique dès lors que la population nationale n'obtient que la moins bonne part de la production de ce secteur et que le cheptel national ou la population d'autres pays en consomment, à très grand rabais, les meilleures parties.

81

(4)

~ ... ~ .... ---

Point de vue

Cette orientation aboutit également à consa- crer à chaque unité de produits laitiers consommée une part plus grande des reve- nus des consommateurs et des contribuables que ce ne serait le cas en d'autres circons- tances, et à vendre moins de protéines et de

Les pays développés écoulent leurs excédents laitiers dans les pays en développement, leur faisant ainsi une concurrence déloyale.

calcium d'origine laitière qu'on ne devrait.

En conséquence, la consommation de matiè- res grasses, surtout celle des graisses saturées, est plus élevée et la consommation de pro- téines et de calcium est plus faible, et l'on observe un gaspillage de ressources qui, si les choses n'étaient pas ainsi, pourraient ser- vir à améliorer la santé.

Historiquement, les matières grasses laitières, et plus particulièrement le beurre, consti- tuaient une part beaucoup plus grande du secteur, probablement à cause du besoin énergétique supérieur des individus et d'une moindre disponibilité des matières grasses végétales. Par conséquent, dès le départ, le secteur laitier s'est attaché à produire des matières grasses. Cette orientation s'est maintenue malgré le renversement des ten- dances de la consommation qui s'est pro- duite il y a environ une vingtaine d'années, tendances qui se sont manifestées à cause de l'intérêt primordial accordé à la matière grasse. Les quotas national, provinciaux et individuels se fondent actuellement sur les matières grasses, tout comme le subvention- nement direct par l'Etat. Selon le mode actuel de paiement du lait, les revenus des producteurs sont avant tout fonction du volume de lait livré, le principal autre fac- teur qui influe sur le prix du lait étant sa teneur en matières grasses.

Périodiquement, le quota national de production est grosso modo aligné sur la consommation de matières grasses laitières, plus ou moins indépendamment des quanti- tés non consommées de solides non gras, prenant essentiellement la forme de lait écrémé en poudre.

Les revenus des producteurs sont donc pres- que directement proportionnels à la quantité totale de matières grasses laitières consom- mées. Du même coup, les quotas individuels de production constituent un facteur écono- mique déterminant de grande importance, probablement plus important encore que le prix du lait. Pour un quota déterminé, exprimé en kilogrammes de matières grasses, le volume maximal de lait dont la livraison est autorisée est d'autant plus grand que la teneur en matières grasses de ce lait est faible. Comment dès lors s'étonner que les producteurs souhaitent maintenir le prix de soutien du beurre à un niveau proportion- nellement plus faible que celui du lait écrémé en poudre;

• Le prix de soutien du lait écrémé en poudre est maintenu relativement plus élevé que celui du beurre, ce qui aboutit à une plus faible consommation de soli- des non gras et à l'existence durable d'excédents dits «structurels» de lait écrémé en poudre (du fait de cette distor- sion, les répercussions financières sont beaucoup plus faibles qu'elles ne le seraient si la consommation de matières grasses laitières diminuait dans les mêmes proportions).

• La société est très largement touchée mais, comme cette atteinte n'est pas immédiatement perceptible, la politique du secteur laitier reste intacte.

• De grandes quantités des meilleurs élé- ments nutritifs du lait servent à nourrir le bétail ou sont exportés et, du coup, ne

sont pas consommées par une population qui n'en a pas moins chèrement soutenu la production.

Au cours d'une période de 25 ans,

le secteur laitier n'a pas appliqué les recom- mandations tendant à réorganiser la produc- tion laitière de manière à augmenter la teneur en protéines du lait (1).

Le panorama laitier mondial

La Communauté européenne, qui exerce une influence décisive sur l'industrie laitière mondiale, connaît une situation apparem- ment analogue à celle du Canada. Chaque année, environ 20% seulement des 1,5 mil- lion de tonnes de lait écrémé en poudre pro- duites dans ces pays vont à la consommation humaine; le bétail en consomme le double à des conditions très avantageuses par rapport au prix auquel les solides non gras du lait sont offerts à la population dans les divers produits laitiers. Comme au Canada, les consommateurs des pays de la Communauté européenne sont ainsi privés de quantités impressionnantes des meilleurs éléments nutritifs du lait, et surtout des protéines et du calcium, dont ils ont pourtant si chère- ment subventionné la production.

La distorsion de la demande réelle de solides non gras par rapport aux matières grasses à laquelle on assiste au Canada semble être également le lot du marché européen. Elle ne peut qu'avoir de graves répercussions sur le commerce international laitier de la Com- munauté, lequel représente quelque 50% du total mondial et exerce probablement une influence majeure sur les politiques et les prix dans les secteurs laitiers de nombreux pays.

Dans la grande majorité des pays occiden- taux, les pouvoirs publics ont depuis long- temps garanti les revenus de leurs produc-

Une production laitière «allégée»

teurs de lait à un niveau très supérieur aux cours internationaux. Cela a obligé à payer aux industries de transformation laitière des prix de soutien qui sont également considé- rablement plus élevés que ceux qui peuvent être obtenus sur le marché international.

D'une manière générale, on pourrait dire que la somme des prix de soutien nationaux pour les deux produits laitiers de base (beurre et lait écrémé en poudre) équivaut au prix national protégé du lait versé aux producteurs. Or, dès qu'on détermine le prix accordé aux producteurs de lait, il faut aussi décider de la répartition de ce montant entre les deux prix de soutien; c'est ce qu'on appelle le ratio. Dans un tel système, les deux prix de soutien équivalent au prix minimal de vente et, en corollaire, au coût d'approvisionnement en matières premières des usines qui transforment tous les types de produits laitiers. Tant au Canada que dans la Communauté européenne, où les prix pro- tégés des produits laitiers nationaux sont de loin supérieurs aux cours internationaux, il nous semblerait que le critère logique de fixation du ratio devrait être celui de la demande interne de ces deux types de com- posants.

Le

«

bradage» des matières grasses laitières ne devrait pas augmenter lorsque leur consommation diminue dans les pays producteurs.

A moins d'être richissime, un pays ne peut normalement consacrer des sommes impor- tantes à un secteur économique dès lors que la population nationale n'obtient que la moins bonne part de la production de ce secteur et que le cheptel national ou la population d'autres pays en consomment, à très grand rabais, les meilleures parties.

(5)

Point de vue

Pourtant, c'est ce qui semble se produire en réalité dans les secteurs laitiers étudiés. Il est tout aussi évident que les excédents structu- rels de solides non gras et leurs conséquen- ces désastreuses sont dus au déséquilibre délibéré des prix de soutien. Certes, on peut comprendre pourquoi les Etats concernés choisissent d'être autosuffisants en matière de production laitière. Ce choix n'en est pas moins très coûteux si l'on tient compte du soutien direct de la production, des frais de recherche, de développement et de distribu- tion, etc. et, surtout, de l'impossibilité pour les nationaux de ces pays de se procurer des produits laitiers aux cours internationaux nettement plus bas. C'est la population nationale qui devrait consommer la plus grande partie, voire la totalité de la produc- tion laitière d'un pays et notamment les meilleurs composants nutritionnels. La meil- leure façon d'y parvenir, sans fausser davan- tage l'économie du secteur, est de revoir fré- quemment le ratio des prix de soutien, en fonction de la demande relative d'au moins trois des principaux composants: les matières grasses, les protéines et le lactose.

Le contexte politico-économique et les circonstances particulières des négociations du GATT ébran- lent les fondations du secteur laitier mondial.

L'économie laitière privilégie à tort la pro- duction de matières grasses. L'élevage est organisé de manière à maximiser la teneur du lait en matières grasses, alors qu'il fau- drait la réduire. La demande de matières grasses est tombée à un niveau tel que sa valeur marchande réelle ne couvre probable- ment plus le seul coût de l'alimentation sup- plémentaire dont les vaches ont besoin pour la produire.

82

Les secteurs laitiers nationaux ont besoin d'un soutien populaire suffisant pour qu'une réorientation politiquement rentable puisse s'opérer à brève échéance. Logiquement, les acteurs de la santé et du bien-être devraient contribuer à une telle évolution.

Bien entendu, il est difficile de soutenir un courant de réforme qui risque de «déranger»

un des secteurs de l'économie.

II faut inciter le secteur laitier à produire du lait contenant la plus forte proportion possi- ble de protéines par rapport aux matières grasses. La sélection génétique, entre autre, doit être radicalement réorientée dans ce sens. Il ne faut jamais perdre de vue qu'il existe une corrélation génétique positive entre les protéines et les matières grasses.

Autrement dit, la sélection intensive appli- quée aux protéines produit inévitablement une augmentation simultanée, bien que moindre, des matières grasses. Quoi qu'il en soit, une plus grande concentration du lait en éléments nutritionnels (composants secs) contribuerait à améliorer la productivité réelle.

En utilisant, pour l'insémination artificielle, des taureaux présentant des qualités généti- ques plus appropriées, la production de matières grasses devrait croître moins rapi- dement. La corrélation génétique positive entre les rendements protéiniques et lipidi- ques devrait rassurer ceux qui sont inquiets d'une éventuelle disparition de la matière grasse. Il convient de noter que cette corré- lation permet d'éviter une chute spectacu- laire de la production de protéines laitières depuis que progresse la sélection en faveur des matières grasses.

Il ne faut pas priver de matières grasses lai- tières ceux qui souhaitent en consommer.

Cependant, étant donné que ce n'est pas la meilleure source d'énergie ou même de matières grasses, le prix à payer pour sa pro- duction devrait être acquitté par ceux qui les

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

consomment et non par la société toute entière. Une volte-face immédiate et éner- gique s'impose. Il faut lancer une campagne d'information de grande envergure, axée sur les producteurs laitiers, étant donné qu'ils auront probablement tendance à contrer une telle évolution.

II faut faire disparaître les éléments qui sont à l'origine de la situation actuelle. Les reve- nus du secteur devront provenir tout autant des solides non gras que des matières grasses. Pour parvenir à un équilibre, il est nécessaire de promouvoir une consomma- tion proportionnellement plus élevée de solides non gras que de matières grasses.

Pour faire baisser le prix relatif des solides non gras, il faut leur attribuer une propor- tion plus faible du prix du lait garanti aux producteurs. Un effort doit être fait pour accroître la variété, la qualité et la promo- tion des produits à faible teneur en matières grasses et/ou des produits auxquels sont ajoutés des solides non gras.

Lorsque ces interventions auront porté leurs fruits, le nouveau dessein des secteurs laitiers nationaux sera de vendre une quan- tité maximale de tous les solides du lait.

Il deviendra alors profitable de vendre le plus possible du type de produits dont la production est susceptible d'être aussi la moins chère, et cela devrait correspondre à ce que les gens recherchent le plus. Une fois le système réformé, les perspectives

s'ouvrant à la consommation de tous les solides du lait devraient être très bonnes. Le meilleur moyen d'y parvenir sera d'offrir des produits allégés, notamment du lait frais, partiellement ou totalement écrémé, et des fromages allégés. Ceux-ci, parce qu'ils sont faciles à conserver et à utiliser, pourraient aider le secteur laitier à se tailler une large part du marché des protéines animales desti- nées à la consommation humaine. A cet égard, il ne faut jamais perdre de vue l'effet d'équilibrage du ratio des prix de soutien,

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

Une production laitière «allégée»

c'est-à-dire de la réduction des prix relatifs des produits à teneur proportionnellement plus élevée en solides non gras qu'en matiè- res grasses.

On pourrait soutenir qu'il serait irrationnel de relever le prix des matières grasses et d'abaisser celui des solides non gras, d'autant

Le but à moyen et à long terme doit être de concurrencer les autres secteurs qui fournissent des pro- téines animales aux consomma~

teurs.

plus qu'avec l'effondrement du marché des produits gras, la valeur réelle des matières grasses laitières est en chute libre. Toutefois, les consommateurs se tournent résolument vers des produits écrémés en dépit du fait que les matières grasses qui en ont été extraites représentent une perte de 25 %, et parfois plus, des composants du lait écrémé autres que l'eau. Les prix sont maintenant très souvent semblables, quelle que soit la concentration en matières grasses, ce qui montre que le consommateur leur accorde désormais peu de valeur économique sauf, bien entendu, dans le beurre et dans la crème. A preuve, sur le marché internatio- nal, le lait écrémé en poudre se vend désor- mais plus cher que le lait entier en poudre.

En situation normale de concurrence, toute baisse de la demande doit entraîner une chute des prix. Or, les mesures dont l'adop- tion est recommandée ici tendent à instaurer une situation normale. Ce n'est que lorsque la consommation aura été ramenée à une situation d'équilibre que l'évolution du ratio des prix de soutien devra être inversée, vu que, selon toute vraisemblance, la désaffec- tion pour les produits gras n'est pas près de cesser.

83

(6)

Point de vue

Pourtant, c'est ce qui semble se produire en réalité dans les secteurs laitiers étudiés. Il est tout aussi évident que les excédents structu- rels de solides non gras et leurs conséquen- ces désastreuses sont dus au déséquilibre délibéré des prix de soutien. Certes, on peut comprendre pourquoi les Etats concernés choisissent d'être autosuffisants en matière de production laitière. Ce choix n'en est pas moins très coûteux si l'on tient compte du soutien direct de la production, des frais de recherche, de développement et de distribu- tion, etc. et, surtout, de l'impossibilité pour les nationaux de ces pays de se procurer des produits laitiers aux cours internationaux nettement plus bas. C'est la population nationale qui devrait consommer la plus grande partie, voire la totalité de la produc- tion laitière d'un pays et notamment les meilleurs composants nutritionnels. La meil- leure façon d'y parvenir, sans fausser davan- tage l'économie du secteur, est de revoir fré- quemment le ratio des prix de soutien, en fonction de la demande relative d'au moins trois des principaux composants: les matières grasses, les protéines et le lactose.

Le contexte politico-économique et les circonstances particulières des négociations du GATT ébran- lent les fondations du secteur laitier mondial.

L'économie laitière privilégie à tort la pro- duction de matières grasses. L'élevage est organisé de manière à maximiser la teneur du lait en matières grasses, alors qu'il fau- drait la réduire. La demande de matières grasses est tombée à un niveau tel que sa valeur marchande réelle ne couvre probable- ment plus le seul coût de l'alimentation sup- plémentaire dont les vaches ont besoin pour la produire.

82

Les secteurs laitiers nationaux ont besoin d'un soutien populaire suffisant pour qu'une réorientation politiquement rentable puisse s'opérer à brève échéance. Logiquement, les acteurs de la santé et du bien-être devraient contribuer à une telle évolution.

Bien entendu, il est difficile de soutenir un courant de réforme qui risque de «déranger»

un des secteurs de l'économie.

II faut inciter le secteur laitier à produire du lait contenant la plus forte proportion possi- ble de protéines par rapport aux matières grasses. La sélection génétique, entre autre, doit être radicalement réorientée dans ce sens. Il ne faut jamais perdre de vue qu'il existe une corrélation génétique positive entre les protéines et les matières grasses.

Autrement dit, la sélection intensive appli- quée aux protéines produit inévitablement une augmentation simultanée, bien que moindre, des matières grasses. Quoi qu'il en soit, une plus grande concentration du lait en éléments nutritionnels (composants secs) contribuerait à améliorer la productivité réelle.

En utilisant, pour l'insémination artificielle, des taureaux présentant des qualités généti- ques plus appropriées, la production de matières grasses devrait croître moins rapi- dement. La corrélation génétique positive entre les rendements protéiniques et lipidi- ques devrait rassurer ceux qui sont inquiets d'une éventuelle disparition de la matière grasse. Il convient de noter que cette corré- lation permet d'éviter une chute spectacu- laire de la production de protéines laitières depuis que progresse la sélection en faveur des matières grasses.

Il ne faut pas priver de matières grasses lai- tières ceux qui souhaitent en consommer.

Cependant, étant donné que ce n'est pas la meilleure source d'énergie ou même de matières grasses, le prix à payer pour sa pro- duction devrait être acquitté par ceux qui les

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

consomment et non par la société toute entière. Une volte-face immédiate et éner- gique s'impose. Il faut lancer une campagne d'information de grande envergure, axée sur les producteurs laitiers, étant donné qu'ils auront probablement tendance à contrer une telle évolution.

II faut faire disparaître les éléments qui sont à l'origine de la situation actuelle. Les reve- nus du secteur devront provenir tout autant des solides non gras que des matières grasses. Pour parvenir à un équilibre, il est nécessaire de promouvoir une consomma- tion proportionnellement plus élevée de solides non gras que de matières grasses.

Pour faire baisser le prix relatif des solides non gras, il faut leur attribuer une propor- tion plus faible du prix du lait garanti aux producteurs. Un effort doit être fait pour accroître la variété, la qualité et la promo- tion des produits à faible teneur en matières grasses et/ou des produits auxquels sont ajoutés des solides non gras.

Lorsque ces interventions auront porté leurs fruits, le nouveau dessein des secteurs laitiers nationaux sera de vendre une quan- tité maximale de tous les solides du lait.

Il deviendra alors profitable de vendre le plus possible du type de produits dont la production est susceptible d'être aussi la moins chère, et cela devrait correspondre à ce que les gens recherchent le plus. Une fois le système réformé, les perspectives

s'ouvrant à la consommation de tous les solides du lait devraient être très bonnes. Le meilleur moyen d'y parvenir sera d'offrir des produits allégés, notamment du lait frais, partiellement ou totalement écrémé, et des fromages allégés. Ceux-ci, parce qu'ils sont faciles à conserver et à utiliser, pourraient aider le secteur laitier à se tailler une large part du marché des protéines animales desti- nées à la consommation humaine. A cet égard, il ne faut jamais perdre de vue l'effet d'équilibrage du ratio des prix de soutien,

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

Une production laitière «allégée»

c'est-à-dire de la réduction des prix relatifs des produits à teneur proportionnellement plus élevée en solides non gras qu'en matiè- res grasses.

On pourrait soutenir qu'il serait irrationnel de relever le prix des matières grasses et d'abaisser celui des solides non gras, d'autant

Le but à moyen et à long terme doit être de concurrencer les autres secteurs qui fournissent des pro- téines animales aux consomma~

teurs.

plus qu'avec l'effondrement du marché des produits gras, la valeur réelle des matières grasses laitières est en chute libre. Toutefois, les consommateurs se tournent résolument vers des produits écrémés en dépit du fait que les matières grasses qui en ont été extraites représentent une perte de 25 %, et parfois plus, des composants du lait écrémé autres que l'eau. Les prix sont maintenant très souvent semblables, quelle que soit la concentration en matières grasses, ce qui montre que le consommateur leur accorde désormais peu de valeur économique sauf, bien entendu, dans le beurre et dans la crème. A preuve, sur le marché internatio- nal, le lait écrémé en poudre se vend désor- mais plus cher que le lait entier en poudre.

En situation normale de concurrence, toute baisse de la demande doit entraîner une chute des prix. Or, les mesures dont l'adop- tion est recommandée ici tendent à instaurer une situation normale. Ce n'est que lorsque la consommation aura été ramenée à une situation d'équilibre que l'évolution du ratio des prix de soutien devra être inversée, vu que, selon toute vraisemblance, la désaffec- tion pour les produits gras n'est pas près de cesser.

83

(7)

I!

1,

Point de vue

Incidences internationales

Le désordre des secteurs laitiers des pays développés a des effets néfastes sur la santé et le bien-être de la population des pays en développement dont il désorganise les indus- tries laitières.

Le protectionnisme et le subventionne ment des secteurs agricoles des pays développés entravent les négociations commerciales multilatérales qui se déroulent actuellement.

C'est principalement parce que le calcium associé aux protéines laitières est considéré comme indispensable que le secteur laitier occupe une place si importante et solide- ment tenue dans de nombreux pays déve- loppés, ce qui fait obstacle à la libéralisation des marchés. Le secteur laitier est en grande partie responsable de la stagnation des négo- ciations du GATT.

Les pays développés écoulent leurs excé- dents laitiers dans les pays en développe- ment, leur faisant ainsi une concurrence déloyale. Certes, il arrive qu'une aide ali- mentaire sous la forme de lait écrémé en poudre soit nécessaire mais, d'une manière

De nouveaux accords multilatéraux sont nécessaires pour corriger les défauts fondamentaux du secteur laitier, tout en minimisant, grâce à l'entraide, les efforts pénibles de la transition.

générale, il serait cent fois préférable que les pays développés consacrent l'argent dépensé à produire des excédents pour développer les industries agricoles et alimentaires des pays pauvres. Le «bradage» des matières grasses laitières ne devrait pas augmenter lorsque leur consommation diminue dans les pays 84

producteurs. Raison de plus pour rééquili- brer fréquemment et régulièrement les ratios nationaux des prix de soutien, ce que le GATT pourrait exiger, même pour les sec- teurs laitiers nationaux relativement fermés à la concurrence internationale.

Le matériel génétique exporté par les pays développés sert souvent à constituer la base de la structure moderne de l'élevage laitier dans les pays en développement. Le fait que l'évolution génétique ait été jusqu'ici mal orientée constitue un problème pour les pays importateurs.

Dans les pays développés, la rationalisation des dépenses est d'abord subie par l'aide publique au développement, alors même que la guerre agricole internationale et l'absur- dité des politiques laitières nationales contri- buent à dilapider des sommes faramineuses.

Tout cela concourt à maintenir des centaines de millions de gens dans le monde dans des conditions tellement précaires leur faisant repousser bien loin - et on les comprend - les préoccupations liées à l'environne- ment, à la surpopulation et aux autres pro- blèmes mondiaux. En conséquence, on peut s'attendre que l'ensemble des problèmes de développement viennent compromettre l'harmonie de l'avenir de l'humanité si rien n'est fait pour y porter remède.

La Communauté européenne et le Canada pèsent très lourdement sur le fonctionne- ment et l'évolution du secteur laitier mon- dial. L'une et l'autre ont des secteurs laitiers fortement orientés vers la production de matières grasses laitières, et l'une et l'autre répugnent à regarder l'avenir en face et à intervenir. En fait, leurs efforts tendent à susciter une forte demande de matières grasses d'origine laitière. Pourtant, il existe une demande importante de solides non gras et elle serait certainement plus grande encore si on la laissait s'exprimer.

Forum mondial de la santé Vol. 13 1992

Il faut de toute urgence prendre des mesures pour sortir les secteurs laitiers nationaux de ce bourbier. Le secteur de la santé semble particulièrement bien placé pour engager un tel processus. Celui-ci comporte deux volets.

D'une part, au niveau des élevages, une réorientation énergique de la production en direction des protéines et en aversion de la matière grasse, et, d'autre part, un équilibre dans la production et la consommation de protéines et de matières grasses. A cette fin, il conviendrait de se préoccuper tout parti- culièrement d'élargir le marché des produits dérivés du lait écrémé, et les premières mesures dans ce sens devraient tendre à rééquilibrer les prix de soutien. Les modifi- cations devraient s'opérer aussi rapidement que possible, de manière à éviter un boule- versement prolongé du secteur laitier. Tous les groupes sociaux profiteront de la réforme proposée, dont la société dans son ensemble doit assumer le coût. Le monde laitier, pro- ducteurs compris, n'est pas responsable de l'aberration des politiques laitières et c'est donc la société tout entière, et non pas le seul secteur laitier, qui doit faire les frais d'une remise à l'heure. D'autant plus qu'une telle correction constitue le seul moyen acceptable d'un développement et d'une plus grande prospérité de l'industrie laitière.

Ce nouveau contexte pourrait favoriser une intensification de la recherche sur les moyens d'améliorer les revenus agricoles, notamment grâce à une meilleure valorisa- tion de

Forum mondial de la santé Vol 13 1992

Une production laitière «allégée))

la viande bovine produite par le secteur lai- tier. De véritables perspectives d'améliora- tion sensible de la productivité pourraient alors s'ouvrir.

Le contexte politico-économique et les cir- constances particulières des négociations du GATT ébranlent les fondations du secteur laitier mondial. De nouveaux accords multi- latéraux sont nécessaires pour corriger les défauts fondamentaux du secteur laitier, tout en minimisant, grâce à l'entraide, les effets pénibles de la transition. Toutefois, si l'on néglige les questions nutritionnelles fonda- mentales, les négociations ne pourront donner des résultats satisfaisants.

* * *

Il faut réformer complètement le secteur laitier mondial. Sa finalité à moyen et à long terme doit être de concurrencer les autres secteurs qui fournissent des protéines anima- les aux consommateurs. Les pays qui réalise- ront cette réforme accroîtront rapidement leur compétitivité dans ce domaine.

D

Référence

1. Commission royale d'Enquête sur l'Agriculture au Québec. L'industrie laitière au Québec.

Montréal, Gouvernement du Québec, 1967.

85

(8)

I!

1,

Point de vue

Incidences internationales

Le désordre des secteurs laitiers des pays développés a des effets néfastes sur la santé et le bien-être de la population des pays en développement dont il désorganise les indus- tries laitières.

Le protectionnisme et le subventionne ment des secteurs agricoles des pays développés entravent les négociations commerciales multilatérales qui se déroulent actuellement.

C'est principalement parce que le calcium associé aux protéines laitières est considéré comme indispensable que le secteur laitier occupe une place si importante et solide- ment tenue dans de nombreux pays déve- loppés, ce qui fait obstacle à la libéralisation des marchés. Le secteur laitier est en grande partie responsable de la stagnation des négo- ciations du GATT.

Les pays développés écoulent leurs excé- dents laitiers dans les pays en développe- ment, leur faisant ainsi une concurrence déloyale. Certes, il arrive qu'une aide ali- mentaire sous la forme de lait écrémé en poudre soit nécessaire mais, d'une manière

De nouveaux accords multilatéraux sont nécessaires pour corriger les défauts fondamentaux du secteur laitier, tout en minimisant, grâce à l'entraide, les efforts pénibles de la transition.

générale, il serait cent fois préférable que les pays développés consacrent l'argent dépensé à produire des excédents pour développer les industries agricoles et alimentaires des pays pauvres. Le «bradage» des matières grasses laitières ne devrait pas augmenter lorsque leur consommation diminue dans les pays

producteurs. Raison de plus pour rééquili- brer fréquemment et régulièrement les ratios nationaux des prix de soutien, ce que le GATT pourrait exiger, même pour les sec- teurs laitiers nationaux relativement fermés à la concurrence internationale.

Le matériel génétique exporté par les pays développés sert souvent à constituer la base de la structure moderne de l'élevage laitier dans les pays en développement. Le fait que l'évolution génétique ait été jusqu'ici mal orientée constitue un problème pour les pays importateurs.

Dans les pays développés, la rationalisation des dépenses est d'abord subie par l'aide publique au développement, alors même que la guerre agricole internationale et l'absur- dité des politiques laitières nationales contri- buent à dilapider des sommes faramineuses.

Tout cela concourt à maintenir des centaines de millions de gens dans le monde dans des conditions tellement précaires leur faisant repousser bien loin - et on les comprend - les préoccupations liées à l'environne- ment, à la surpopulation et aux autres pro- blèmes mondiaux. En conséquence, on peut s'attendre que l'ensemble des problèmes de développement viennent compromettre l'harmonie de l'avenir de l'humanité si rien n'est fait pour y porter remède.

La Communauté européenne et le Canada pèsent très lourdement sur le fonctionne- ment et l'évolution du secteur laitier mon- dial. L'une et l'autre ont des secteurs laitiers fortement orientés vers la production de matières grasses laitières, et l'une et l'autre répugnent à regarder l'avenir en face et à intervenir. En fait, leurs efforts tendent à susciter une forte demande de matières grasses d'origine laitière. Pourtant, il existe une demande importante de solides non gras et elle serait certainement plus grande encore si on la laissait s'exprimer.

Il faut de toute urgence prendre des mesures pour sortir les secteurs laitiers nationaux de ce bourbier. Le secteur de la santé semble particulièrement bien placé pour engager un tel processus. Celui-ci comporte deux volets.

D'une part, au niveau des élevages, une réorientation énergique de la production en direction des protéines et en aversion de la matière grasse, et, d'autre part, un équilibre dans la production et la consommation de protéines et de matières grasses. A cette fin, il conviendrait de se préoccuper tout parti- culièrement d'élargir le marché des produits dérivés du lait écrémé, et les premières mesures dans ce sens devraient tendre à rééquilibrer les prix de soutien. Les modifi- cations devraient s'opérer aussi rapidement que possible, de manière à éviter un boule- versement prolongé du secteur laitier. Tous les groupes sociaux profiteront de la réforme proposée, dont la société dans son ensemble doit assumer le coût. Le monde laitier, pro- ducteurs compris, n'est pas responsable de l'aberration des politiques laitières et c'est donc la société tout entière, et non pas le seul secteur laitier, qui doit faire les frais d'une remise à l'heure. D'autant plus qu'une telle correction constitue le seul moyen acceptable d'un développement et d'une plus grande prospérité de l'industrie laitière.

Ce nouveau contexte pourrait favoriser une intensification de la recherche sur les moyens d'améliorer les revenus agricoles, notamment grâce à une meilleure valorisa- tion de

Une production laitière «allégée))

la viande bovine produite par le secteur lai- tier. De véritables perspectives d'améliora- tion sensible de la productivité pourraient alors s'ouvrir.

Le contexte politico-économique et les cir- constances particulières des négociations du GATT ébranlent les fondations du secteur laitier mondial. De nouveaux accords multi- latéraux sont nécessaires pour corriger les défauts fondamentaux du secteur laitier, tout en minimisant, grâce à l'entraide, les effets pénibles de la transition. Toutefois, si l'on néglige les questions nutritionnelles fonda- mentales, les négociations ne pourront donner des résultats satisfaisants.

* * *

Il faut réformer complètement le secteur laitier mondial. Sa finalité à moyen et à long terme doit être de concurrencer les autres secteurs qui fournissent des protéines anima- les aux consommateurs. Les pays qui réalise- ront cette réforme accroîtront rapidement leur compétitivité dans ce domaine.

D

Référence

1. Commission royale d'Enquête sur l'Agriculture au Québec. L'industrie laitière au Québec.

Montréal, Gouvernement du Québec, 1967.

Références

Documents relatifs

10 Ces pressions sur les prix des matières premières se manifestaient depuis plusieurs mois mais ne se sont répercutées dans les prix à la consommation qu’en fin

Tout comme elle a été celle d’une ex- pansion permanente dans les territoires accordés par l’ONU aux Palestiniens, et leur occupation, au point de les réduire à la bande

Pour la France (le seul pays voisin pour lequel des données sur les indices de prix à la consommation sont disponibles pour cette période), l’évolution du prix des pâtes et

Despite the fact that these factors or leverages are pertinent for a large number of goods and services in national and international trade, products of rent such as cocoa

J'ai raconté un épisode, mais ce qui a été le plus important pour moi c'est d'avoir connu le monde de la coopération, le travail de groupe, qui m'a aidé dans mes rapports avec

Toujours selon l'OFS, le niveau des prix par rapport au mois précédent a progressé de 0,3% pour les produits du pays, alors qu’il a reculé de 2,8% pour les produits importés en

Le recul de 0,5% de l’indice des prix en juillet 2005 est principalement dû à la baisse de l’indice du groupe habillement et chaussures (-17,6%), baisse qui s’explique par les

Avant de se lancer dans une baisse de prix, vérifier que la demande est élastique et qu’il existe un potentiel de croissance : SINON guerre des prix avec baisse du profit pour