• Aucun résultat trouvé

Habilitation à diriger des recherches

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Habilitation à diriger des recherches"

Copied!
423
0
0

Texte intégral

(1)
(2)
(3)

Mémoire d’habilitation à diriger des recherches

APPROCHE NUMERIQUE DU PAYSAGE : FORMALISATION,

ENJEUX ET PRATIQUES DE RECHERCHE

Du Spitsberg à Madagascar entre changement climatique global et maladie à transmission

vectorielle

Volume 3

Soutenu à l’Université de Franche-Comté le 2 décembre 2005 devant le jury constitué de : Thierry Brossard, Directeur de Recherche, Géographie, CNRS Théma Besançon

Claude Kergomard, Professeur de Géographie, ENS Lyon

Jean-Pierre Marchand, Professeur de Géographie, Rennes

Michel Le Bras, Professeur de Médecine, Bordeaux

Marie-José Lefèvre-Fonollosa, Docteur ès science, Responsable du programme de Recherche & Technologies

"Sciences et Observation de la Terre", CNES, Toulouse

Serge Ormaux, Professeur de Géographie, Besançon

(4)
(5)

À Myrtille, Clara et Ninon

(6)
(7)

Remerciements

Mes remerciements s’adressent tout d’abord à Thierry Brossard qui m’a fait l’honneur de superviser mon travail d’habilitation, puis à Marie-José Lefèvre-Fonollosa, Jean-Pierre Marchand, Claude Kergomard, Michel Le Bras et Serge Ormaux qui ont accepté de le juger et de le critiquer en siégeant dans le jury. Je suis sincèrement touché que Marie-José Lefèvre-Fonollosa, Jean-Pierre Marchand et Claude Kergomard aient à nouveau pris le temps de se pencher sur mon travail comme ils l’avaient déjà fait il y a 10 ans pour la thèse. Serge Ormaux quant à lui n’y siégeait pas, mais c’est un juste retour des choses qu’il soit présent aujourd’hui : c’est à lui que je dois mes premiers cours sur le paysage à Besançon, c’était en 1989 et j’étais en maîtrise. Aussi je me félicite qu’il ait accepté l’invitation à participer à mon jury. Michel Le Bras, que je remercie encore sincèrement, n’est ni géographe ni « télédétecteur » : c’est un médecin rencontré pour la première fois à Bordeaux en 2004 alors qu’il m’avait invité à présenter mes travaux sur la maladie du sommeil dans le cadre d’un séminaire de l’Agence Universitaire de la Francophonie. Son discours d’introduction à cette réunion m’a aussitôt convaincu. De tous les médecins rencontrés sur le terrain, c’est un des seuls à insister si lourdement sur la nécessité absolue de repenser les systèmes de soins en introduisant notamment le « paysage » dans l’anamnèse.

D’une manière beaucoup plus personnelle encore, je tiens particulièrement à remercier Thierry Brossard mais également Daniel Joly qui, plus que tout autres, m’ont ouvert les portes de la recherche, du Spitsberg et des méthodes quantitatives… La liste serait trop longue si je devais décliner tout ce que je me remémore d’expériences à leurs cotés : rigueur dans le travail, convivialité des soirées, qualité des vins dégustés et des chansonnettes, embruns glacés et bulles pluriséculaires des glaçons arctiques dans le whisky… Il y eut aussi quelques périodes plus délicates et douloureuses…

(8)

En ce qui concerne plus directement le cadre de cette HDR, j’ai surtout appris avec eux une conception de la recherche où le regard porte plus loin que l’accumulation des données et les querelles de chapelle. J’essaye – mais je ne sais pas si j’y parviens réellement – à m’inscrire dans leurs pas.

D’évoquer ainsi la Science, l’Amitié et le Spitsberg, c’est alors deux autres personnages à part entière qui viennent à mon esprit et que j’aimerais remercier chaleureusement.

Myrtille Moreau, aujourd’hui ma femme, rencontrée dans les moraines du Petit Âge Glaciaire alors qu’elle observait les plantes pour sa thèse, imaginez une petite Myrtille au Spitsberg… Nous partageons la même passion pour ces contrées lointaines, et plus encore vous l’aurez compris. Madeleine Griselin, La Mad, qui m’accompagne depuis bientôt une vingtaine d’années au gré de mes tribulations de chercheur et d’humain. Nous sommes descendus ensemble dans les profondeurs des glaciers en rampant et ahanant au possible.

Elle m’a même sorti d’une crevasse et de bien d’autres situations encore plus délicates.

Merci encore Mad.

Dans un tout autre registre, je ne peux m’empêcher de penser que sans Jean-Claude Wieber et Philippe Cour je ne saurais présenter ce mémoire d’Habilitation à Diriger des Recherches. Le premier m’étonnera toujours par son énergie, sa vivacité d’esprit et sa curiosité sans limite tandis que le second m’a tout appris – ou presque – en télédétection lorsqu’il m’a intégré à Unisfere en 1989. De dix ans mon aîné, nos chemins n’ont cessé de se croiser, adolescents sur les pentes de ski et au chalet du Gros-Morond ; plus tard à la fac, lui en chef d’entreprise associée à un laboratoire CNRS, moi en première année de Géographie ; aujourd’hui au cours de nos rencontres en toute amitié…

Mes pensées vont également à tous mes amis de l’époque pontissalienne – Jean-Luc Saintot, Pierre Saintot, Henri Scheidegger, Philippe Marguet, Marc Essenauer, Vincent Bichet, Pierre Bichet, Didier Aymonin, Dominique Sallard… – puis celle bisontine – Jean- Chrsitophe Foltête, Jean Pinard, François Pierre Tourneux, Alain Gentil, François Armbruster, Eric Berthoz, Pierre Bigré, Agnès Casenove, Gérard Dupont, Laurent Couderchet, Magatte Ba, Guo Renzhong, Sophie Baudoncourt, Denis Mercier… – ainsi

(9)

Jean-Marc Dhoury, Lennart Nilsen, Grezegorz Rachlewicz, Pierre Gascouat, François Carrafancq, Jacques Bladé, Claude Soulas, Frédéric Tesson, Jean-Yves Puyo, Julien Aldhuy, Manola, Jacky Pradet, Raymond Badel… – qui ont tous œuvré, sans le savoir bien souvent, à rendre possible la synthèse réalisée dans cette HDR. Frédéric Tesson et Jean- Yves Puyo sont peut être les seuls à avoir pris véritablement conscience de leur aide, notamment en acceptant de relire mon travail au quotidien, qu’ils en soient doublement remercié.

Enfin, à l’image du livre de B. Cyrulnik Un merveilleux malheur, le déchirement que j’ai vécu en 1995 en quittant Besançon pour m’installer à Pau où j’avais obtenu un poste de Maître de Conférences, m’a finalement apporté un regard différent sur la Géographie et la démarche scientifique. À Pau, on ne parle pas du paysage comme à Besançon et les méthodes quantitatives étaient plus tolérées qu’autre chose ! Imaginez le choc que cela a été, non vous ne pouvez pas. Pour survivre deux solutions s’offraient à moi : soit je me coupais la patte pour m’échapper du piège ; soit je devais bien admettre qu’il n’y avait pas de piège mais plutôt une autre manière d’éclairer un même objet d’étude. Les lumières de Jean-Jacques Lagasquie et de Vincent Berdoulay ont été à cet égard salvatrices, qu’ils en soient sincèrement remerciés.

Je sais plus que par le passé pourquoi je reste inscrit dans une démarche nourrie du Paysage-système et des méthodes quantitatives.

Qui remercier alors dans ces circonstances ? Le hasard de la vie de m’avoir projeté à Pau ? Bien sûr, la vie c’est-à-dire mes parents, mes chers parents et mes adorables filles, Clara et Ninon.

(10)
(11)

Sommaire

Introduction générale p. 17

Première Partie

Paysage et information numérique : éléments de formalisation

Introduction p. 33

1.1. Du diagnostic spécialisé au paysage : mise en place d’une

démarche expérimentale p. 34

1.1.1. Définition systémique du paysage p. 35 1.1.2. Éléments de formalisation du système paysage p. 39 1.2. L’information paysagère : comment traduire le paysage sous

forme numérique p. 50

1.2.1. Les données endogènes et leur représentativité p. 51

1.2.2. Les données exogènes p. 59

Conclusion p. 86

Deuxième Partie

Mise en ordre de l’information sur le paysage et modes d’investigation

Introduction p. 93

2.1. Les données endogènes, analyse descriptive et analyse spatiale p. 98 2.1.1. Analyse descriptive et cartographie statistique p. 99 2.1.2. L’analyse spatiale des données endogènes p. 103

(12)

2.1.3. Analyses multivariées et classification p. 105 2.2. L’analyse des informations exogènes, MNT et autres données

maillées p. 110

2.3. L’analyse des informations exogènes, le cas particulier des

données satellitaires p. 117

2.3.1. Nomenclature et interprétation d’images p. 118 2.3.2. Pixels et classification p. 124

2.3.3. Analyser la texture p. 137

2.3.4. Mesurer les changements temporels p. 152 2.4. Du point à la surface ou comment lier données endogènes et

exogènes p. 159

Conclusion p. 171

Troisième Partie

Analyse opérationnelle des paysages

Introduction p. 177

3.1. Biotopes de la faune sauvage : le grand tétras dans le Jura p. 178 3.1.1. Typologie des biotopes selon l’occupation du sol p. 181 3.1.2. Typologie des biotopes et texture d’images p. 184 3.2. Le pastoralisme et la cartographie pastorale des estives

béarnaises p. 187

3.2.1. Le diagnostic pastoral comme outil de gestion p. 189 3.2.2. Analyse d’image et cartographie des ressources

fourragères p. 192

3.3. Modéliser la reconquête végétale depuis la fin du Petit Âge

Glaciaire dans les moraines du Spitsberg p. 201

(13)

3.3.1. Les modalités de la reconquête végétale des moraines

déglacées depuis la fin du PAG p. 203 3.3.2. L’influence du relief et des conditions environnementales

locales dans la mise en place de la végétation

intramorainique p. 206

3.3.3. Modélisation probabiliste de la reconquête végétale

intramorainique p. 211

Conclusion p. 216

Quatrième Partie

L’information géographique, l’analyse spatiale et les

« paysages épidémiologiques »

Introduction p. 223

4.1. Des facteurs de risque pathologique aux indicateurs

environnementaux du risque d’une pathologie p. 229 4.1.1. Jamot, un précurseur de la « géographie médicale » p. 229 4.1.2. Les cartes, l’épidémiologie et la Géographie de la santé p. 233 4.2. Les lieux ne sont pas neutres : du facteur de risque à

l’indicateur environnemental du risque p. 236 4.3. Les paysages et les maladies à transmission vectorielle :

études de cas p. 241

4.3.1. De l’image à la perception du risque pesteux sur les hautes

terres malgaches p. 242

4.3.2. La trypanosomiase humaine africaine sous « haute »

surveillance p. 262

Conclusion p. 290

(14)

Conclusion générale p. 299

Bibliographie p. 307

Annexes p. 347

Tables p. 407

(15)
(16)
(17)

La lune dans le bougeoir Aquarelle de Ninon

« Chaque fois qu’il regardait par la fenêtre, il se disait ˝Je n’ai jamais été aussi loin de la maison˝ et après avoir lu ou écrit pendant un petit moment, il regardait à nouveau et se disait ˝Non, maintenant, je n’ai jamais été aussi loin de la maison˝.

Chaque fois qu’il regardait le paysage, il ressentait une pointe de nostalgie pour le Iouri d’antan – c’est-à-dire celui qui, quarante minutes auparavant, ignorait ce que voyait le Iouri de cet instant. Il se dépouilla ainsi d’identités successives, et lorsque quatre jours plus tard il changea de train à Novossibirsk, il se considérait comme un homme bien plus expérimenté que le garçon de Iamoskvarétché qui, une centaine d’heures plus tôt, avait quitté son foyer. »

Jon Fasman, La bibliothèque du géographe

(18)
(19)

« […] S’ils pouvaient jouer ce rôle, c’est qu’ils [les livres des savants] avaient en commun deux caractéristiques essentielles : leurs accomplissements étaient suffisamment remarquables pour soustraire un groupe cohérents d’adeptes à d’autres formes d’activité scientifique concurrentes ; d’autre part, ils ouvraient des perspectives suffisamment vastes pour fournir à ce nouveau groupe de chercheurs toutes sortes de problèmes à résoudre.

Les performances qui ont en commun ces deux caractéristiques, je les appellerai désormais paradigme, terme qui a des liens étroits avec celui de science normale.

En le choisissant, je veux suggérer que certains exemples reconnus de travail scientifique réel – exemples qui englobent des lois, des théories, des applications et des dispositifs expérimentaux – fournissent des modèles qui donnent naissance à des traditions particulières et cohérentes de recherche scientifique […]. C’est l’étude des paradigmes […] qui prépare principalement l’étudiant à devenir membre d’une communauté scientifique particulière avec laquelle il travaillera plus tard. Comme il se joint à des hommes qui ont puisés les bases de leurs connaissances dans les mêmes modèles concrets, son travail l’amènera rarement à s’opposer à eux sur des points fondamentaux. Les hommes dont les recherches sont fondées sur le même paradigme adhèrent aux mêmes règles et aux mêmes normes dans la pratique scientifique. Cet engagement et l’accord apparent qu’il produit sont des préalables nécessaires de la science normale, c’est-à-dire de la genèse et de la continuation d’une tradition particulière de recherche. »

Khun, « La structure des révolutions scientifiques »

Le paysage constitue une référence commode pour aborder dans leur complexité les interrelations spatiales. À ce titre, le paysage est souvent défini comme le signe sensible de systèmes en interactions fonctionnelles, qu’il s’agisse de systèmes à composantes naturelles, anthropiques ou mixtes. Ainsi conçu, le paysage se pose tour à tour comme le résultat d’une production matérielle comme un spectacle donné à voir ou encore comme une représentation mentale construite dans l’esprit de celui qui, en l’observant, cherche à l’interpréter et à le comprendre. Selon que l’on mette l’accent sur telle ou telle acception du paysage, on peut avancer une multitude d’approches complémentaires voire contradictoires au point de susciter parfois la polémique. G. Bertrand a bien montré l’opposition de nature entre le paysage matériel que l’on a « devant les yeux » et le paysage

(20)

immatériel représenté que l’on a « derrière les yeux ». Il précise encore1 : « Remarquez la différence des interprétations du paysage […] C'est une entrée particulière dans le territoire qui est fonction de chacun. Proposons pour cela trois entrées : naturaliste (anthropisation), socio-économique et territoriale, socio-culturelle. » Ainsi, la demande de type naturaliste telle qu’elle est partagée par l’écologie ou la géographie physique s’oppose à celle que conduisent, par exemple, les psychologues ou les sociologues. On pourrait tout aussi bien opposer l’approche esthétique des architectes du paysage à celle très restrictive des économistes qui cherchent à définir la part qui revient au paysage dans le prix d’un bien immobilier. Plus que d’autres, les géographes ont cherché à dépasser le cadre apparemment irréductible des différents discours sur le paysage pour asseoir la légitimité de chacun. Parmi les efforts de formalisation qui ont été accomplis, nous retiendrons plus particulièrement ceux de T. Brossard et J.-C. Wieber qui ont cherché, à travers une formulation systémique, à définir les différents champs conceptuels dévolus au paysage en insistant sur les différentes approches et pratiques qui en découlent. En replaçant nos travaux de recherche dans le champ du paysage, nous tenterons de montrer que beaucoup de questionnements actuels, d’ordre environnementaux comme le changement climatique ou d’ordre sociétaux comme la prévention sanitaire, peuvent être valablement abordés par le biais du « paysage » mais au prix d’un effort de formalisation tant d’ordre théorique, méthodologique que technique. Ce rapport au paysage où l’espace donne du sens est une spécificité du géographe qui le place à la croisée de chemins et qui l’amène à pratiquer des itinéraires dans des réseaux pluridisciplinaires. Donner du « sens » à l’espace suppose une appréhension raisonnée du paysage qui repose, au-delà du concept lui-même, sur la mise en forme de l’information géographique et la maîtrise des techniques quantitatives.

Ainsi, la réflexion développée au cours de cette Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) est née de mon itinéraire personnel de la géographie en général et plus particulièrement de la géographie quantitative depuis une vingtaine d’années. Il ne s’agit pas d’un exposé théorique sur le paysage mais d’une présentation relative à la formalisation des approches, des méthodes, des outils et des informations utiles à l’analyse des paysages.

(21)

En 1985 lorsque j’ai commencé à m’intéresser au sujet, la micro-informatique et les méthodes quantitatives appliquées à la Géographie – en France – avaient toutes les deux approximativement le même âge... M. Le Berre se remémore (Brouillon Dupont n°27) l’intervention de B. Marchand en 1970 au cours des Journées Géographiques d’Aix-en- Provence, « Il montra qu’il existait dans les pays anglo-saxons, en Scandinavie, en URSS une autre Géographie, moins pointilliste, moins intuitive que celle qui se faisait en France ; cette Géographie se voulait plus efficace dans la recherche de la généralisation.

Il dressa une sorte d’inventaire des principales techniques utilisées : de la statistique descriptive et inférentielle à l’analyse multivariée ; des problèmes originaux posés par les phénomènes de répartition et auto-corrélation spatiales aux statistiques bayésiennes. […]

Vaste programme pour un auditoire effrayé par toute dérive mathématique ! ».

B. Marchand demandait « au lecteur de ne pas opposer a priori une géographie qualitative et humaine à une autre qui serait quantitative et technocrate, de ne pas croire que la paraphrase d’un recensement est concrète mais qu’une moyenne est abstraite. » Cette intervention consacrait l’avènement de la « nouvelle géographie2 » aussitôt contrebalancé par un axe de résistance illustré par l’article de P. Georges3 L’illusion quantitative en Géographie. Par delà ce débat, le mouvement quantitatif français était lancé et au prix d’un effort d’appropriation de la statistique et de l’informatique (« Nous entreprîmes donc un énorme travail de formation […] », M. Le Berre, ibid.) les premières applications en géographie quantitative prirent forme. Il convient de se replacer dans le contexte technologique d’alors, D. Mathieu et J.-C. Wieber en 1972 précisaient4 : « Nous avons travaillé avec l’ordinateur IBM 1 130 de la faculté des Sciences de Besançon. Ses capacités sont assez réduites et nous ont obligés à prendre un découpage grossier de 19 caractères seulement ». Ils ont omis de préciser que le nombre d’individus était également réduit et l’absence de sortie graphique les obligeant de dessiner à la main l’espace factoriel à partir des tableaux de coordonnées, mais le pas de l’expérimentation raisonnée sur les grands nombres était franchi. Fort heureusement les progrès de l’informatique venaient soutenir cette démarche. Dès 1977, la micro-informatique commence à révolutionner le

2 En référence à l’article de P. Gould paru en 1968 « The new Geography, where the movment is ».

3 P. Georges, L’illusion quantitative en Géographie, in La pensée géographique française contemporaine, mélanges offerts à A. Meynier, Saint-Brieuc, Presses Universitaires de Bretagne, 1972, pp. 121-32.

4Recherches sur les structures des paysages, actes du colloque sur l’analyse des données en géographie, pp.31-43.

(22)

petit monde de la géographie quantitative, les laboratoires peuvent s’équiper facilement et développer des applications informatiques5 qui les affranchissent des cartes perforées et de la « grosse » informatique.

Dix-huit ans plus tard (lorsque j’arrive à l’université) malgré l’investissement d’un nombre croissant d’équipes, la micro-informatique et les méthodes quantitatives restent encore bien discrètes dans le paysage de l’enseignement et de la recherche en Géographie6. Aujourd’hui, à première vue, le saut s’est réalisé tant la micro-informatique est omniprésente et assortie d’une profusion de données numériques et de logiciels : quelles en sont les conséquences sur la discipline d’une manière générale ? Au-delà de la performance technologique, comment la recherche en Géographie a-t-elle évoluée grâce à ces apports ? Il est indéniable que les avancées technologiques et la diminution des coûts encouragent le développement de l’instrumentalisation en géographie. Avec une mise de fond modeste, il est possible de s’équiper pour faire du traitement d’images satellites au meilleur niveau alors qu’il y a 20 ans c’était le privilège d’utilisateurs fortunés. Un retour critique sur cette évolution permettra de mettre en perspective la part d’innovations qui en a résultée.

Mon objectif est d’apporter quelques éléments de réponse à cette question en tirant profit de l’expérience acquise depuis mes premiers pas scientifiques, notamment dans le domaine de la télédétection et des données géographiques de type maillé appliquées à l’analyse de l’espace géographique et des paysages. Ma thèse, soutenue en 1995, était consacrée à la

« recherche de méthodes par télédétection » pour l’analyse des paysages, j’y reprenais à mon compte la réflexion de A. Frémont (1984) sur le sujet, « Mais les géographes, et particulièrement les géographes français, étaient-ils faits pour la télédétection spatiale… ? Sans sombrer dans un pessimisme excessif ou dans un esprit critique trop aiguisé, il semble bien que la réponse négative s’impose […]. Elle [la géographie] recueille

5 Tout est à faire, du logiciel de saisie de données à celui de l’Analyse Factorielle des Correspondances…

6 En 1985, grâce à l’impulsion d’une équipe d’enseignants-chercheurs nous avions la chance de disposer d’une salle informatique à la Faculté des Lettres et Sciences Sociales de l’Université de Franche-Comté équipée de… 10 micro-ordinateurs de type Phillips MO5 (programme Informatique Pour Tous initié par

(23)

maintenant les désavantages lorsque ses « spécialistes » sont considérés comme techniquement sous-qualifiés […] Face aux enjeux actuels, les géographes des années 1980 ne me semblent plus avoir le choix des hésitations, sous peine d’accompagner leur discipline dans le déclin des archaïsmes. Avec l’informatique pour le traitement des données, la cartographie automatique et l’infographique, la télédétection spatiale constitue sans nul doute un des instruments de mutation technologique de la discipline.

[…] Refuser ces perspectives et les conséquences qu’elles impliquent, c’est très probablement se résoudre définitivement à des dimensions provinciales pour l’école ou les écoles françaises ».

Trente ans après les remarques inquiètes de A. Frémont – alors que la télédétection spatiale avait déjà une vingtaine d’années en 1984 – le moment semble venu de faire le point et de voir comment le défi a été relevé et s’ouvre à de nouvelles perspectives.

Figure 1 : Le sentiment de paysage… (modifié d’après Schuiten & Peeters, « La frontière invisible »)

(24)

La performance accrue des outils amène à d’autres interrogations (figure 1). Superposer les couches thématiques pour en faire de « beaux » posters sur un traceur A07 n’offre pas forcément un gain dans la compréhension des espaces étudiés. Doit-on nécessairement accumuler les logiciels et les données pour affiner notre approche ? Est-il vraiment utile d’avoir recours au krigeage ou à une interpolation spline lame mince pour obtenir un MNT ou une surface d’ajustement qui coïncide au besoin ? Face à l’abondance sans cesse accrue des ressources qui sont offertes, la Géographie, comme les autres disciplines scientifiques sans doute, est en recherche d’un meilleur ajustement de sa démarche dont le souci de renouvellement ne doit pas être aspiré par l’offre instrumentale.

À cet égard il convient de revenir au questionnement géographique lui-même tel que l’abordait en 1652 le père jésuite Jean François qui écrivait dans un livre intitulé La science de la Géographie, « La géographie n’ayant eu jusqu’à présent pour tout emploi que de faire la distribution et le dénombrement des parties qui composent le globe terrestre, [passe] jusqu’à présent pour un art de mémoire plutôt que pour un discours de raison. Or l’entendement, au contraire, a besoin d’un maître qui lui apprenne à voir et à comprendre. » Dans la lignée de ce discours, vieux de trois siècles, les géographes

« quantitativistes » du groupe Chadule8 (1974) assuraient que « la géographie est l’étude scientifique de l’organisation de l’espace terrestre par les sociétés humaines ».

G. Bertrand développe l’idée d’une géographie traversière : « Traverser veut dire ˝ne pas s'arrêter˝. C'est une étape, c'est un moyen de rassembler des informations, de sortir d'une certaine forme de géographie sectorielle qui ne répondait plus aux besoins de notre société. Il faut bâtir un système à partir des différents éléments. C'est au delà du simple agrégat. Il faut écarter la césure entre géographie physique et humaine, renouer avec l'histoire. Il faut utiliser la géographie pour traverser les autres disciplines à condition de tracer un chemin. Comme le dit Antonio Machado : ˝le chemin, on le fait en marchant˝. Il faut considérer que lorsqu'on parle de paysage, d'environnement, d'aménagement ou de territoire, on parle toujours du même objet. C'est un ensemble que l'on ne peut pas utiliser avec une seule méthodologie. C'est un paradigme qui prend en considération tous les

7 Encore faut-il disposer de la bonne extension (payante) du logiciel, de suffisamment de mémoire morte, d’espace libre sur les disques durs… pour espérer imprimer un poster composé avec des images ! Ceux qui

(25)

éléments et hybride les contraires (exemple : nature/société, individuel/collectif, ordinaire/

extra-ordinaire) »

Faisant nôtre cette assise théorique, nous appréhendons l’espace terrestre dans ces composantes « naturelles » et « anthropiques » telles qu’elles s’expriment dans leur relation sensible au paysage. Nous reprenons le fil des travaux de G. Rougerie, N. Beroutchachvili et G. Bertrand qui ont exploré le concept de géosystème, puis de T. Brossard et J.-C. Wieber qui proposèrent au début des années 80 une définition du

« Paysage-Système » (1981, 1984). Celle-ci, bien que déjà ancienne, en prenant appui sur la systémique, promeut le jeu des données intégrables qui préfigurait les ressources maintenant offertes par les SIG

Concrètement, les données géographiques numériques en général et les images satellites en particulier seront utilisées pour l’analyse de paysages. Notre démarche a pour but également, au delà des exemples thématiques abordés, d’illustrer différents modes d’utilisation des données et des méthodes. De la télédétection qui donne à voir une portion d’espace sous forme d’image dont il suffit de régler la dynamique des couleurs, nous arriverons à l’obtention de modèles plus complexes reposant, par exemple, sur le calcul bayésien de probabilités conditionnelles. Les différents aspects techniques et statistiques seront éclairés : nous commencerons par des rappels fondamentaux en matière d’informations géographiques, de données numériques, de niveaux d’observation et d’échelle de restitution.

Dans un contexte où apparaissent les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC), nous tenterons de mettre en place les termes d’une certaine pratique de la Géographie : témoignages d’expériences et d’opportunités menées en équipe9 depuis les côtes occidentales du Spitsberg jusqu’aux hauts plateaux malgaches en

9 Je remercie ici mes collègues et amis sans lesquels toutes ces expériences n’auraient jamais pu être menées : Myrtille Moreau, Madeleine Griselin, Manola, Thierry Brossard, Daniel Joly, Denis Mercier, Philippe Barthez, Élisabeth Joantauzy, Pierre Gascouat, François Carrafancq, Claude Soulas, Muriel Harguindeguy, Pascal Handschumacher, Jean-Marc Duplantier, Philippe Cour, Jean-Christophe Foltête, Francois Pierre Tourneux, Jean-Jacques Girardot, Gérard Dupont, Jean-Claude Wieber, Jean-Pierre Hervouët, Samuel Étienne, Dominique Sellier, Alain Vaguet, Éric Berthoz, Lennart Nielsen, Ralf Nielsen, Arve Alveback, Marc Montadert, Bernard Leclercq, Gérard Desservy, Marie-Françoise André…

(26)

passant par les forêts du haut-Jura, les estives Pyrénéennes, les plaines et sierras andalouses, le versant oriental de la cordillère des Andes Bolivienne, les plantations de café-cacao en Côte d’Ivoire et les mangroves de Guinée Conakry. Ce périple est en rapport avec plusieurs expériences et thématiques géographiques : la progradation des littoraux et la reconquête végétale depuis la fin du Petit Ậge de Glace (PAG) dans un contexte de changement climatique global au Spitsberg ; l’observation des écotopes de la faune sauvage et de leurs dynamiques – essentiellement grand tétras et pigeon ramier – dans le haut-Jura, en Andalousie et dans les Pyrénées occidentales ; mise à jour thématique détaillée de la cartographie des estives de deux vallées béarnaises pour l’aide à la gestion des milieux de montagne et le développement du territoire ; recherche d’indicateurs paysagers de facteurs de risque soit de maladie à transmission vectorielle en Côte d’Ivoire (Trypanosomiase Africaine Humaine – THA), en Guinée Conakry (THA) et à Madagascar (peste) soit de maladie liée à la méthylation10 du mercure en Bolivie. Pour chacune de ces thématiques, le système paysage est abordé selon différents axes. Les recherches au Spitsberg portent essentiellement sur le système producteur et sont menées de manière expérimentale tant par les informations paysagères intégrées que par les développements méthodologiques. Dans les Pyrénées, on retrouve un thème principalement orienté sur le système producteur mais le diagnostic réalisé est au cœur de la réflexion générale sur le devenir des vallées béarnaises : l’estive est à la croisée des controverses environnementales où la survie de l’ours est souvent confrontée à celle des bergers. Les travaux relatifs aux biotopes du grand tétras s’inscrivent dans la même lignée. D’un point de vue méthodologique nous y trouvons l’occasion d’intégrer les procédures d’analyse de texture.

Enfin, les recherches en géographie de la santé sont certainement celles qui offrent la prise en compte la plus globale du système paysage. Nous verrons que, pour les pathologies à transmission vectorielle considérées, c’est l’homme lui-même qui crée les conditions de transmission en façonnant de véritables paysages épidémiologiques.

10 La contamination par le mercure (Hg) présente deux caractéristiques : elle délivre toute sa toxicité à distance du point de rejet du polluant, cela est dû au fait que le Hg doit être transformé en méthylmercure (MeHg) par un processus microbiologique dépendant de bactéries présentes dans les racines de plantes aquatiques ; le MeHg est,pour l’homme, une puissante toxine cérébrale qui a la propriété de se concentrer et de s’accumuler tout au long de la chaîne trophique aquatique. L’homme se contamine en consommant du poisson. (« Pollution environnementale, exposition au mercure et risques pour la santé des populations

(27)

Cette diversité d’expérience, loin d’être un facteur de dispersion, a été pour nous l’occasion de confrontations enrichissantes entre les divers terrains pour en faire ressortir les termes d’une pratique raisonnée du paysage. Dès lors celui-ci n’est plus conçu seulement comme un objet de spéculations académiques mais comme une entrée vers les thématiques très concrètes faisant questionnement aujourd’hui.

La première partie sera consacrée à une réflexion sur le « Paysage-système » en insistant sur les apports nouveaux de l’approche numérique. Deux temps majeurs sous-tendront ce propos : de l’espace géographique au concept de paysage en insistant sur la notion d’analyse systémique ; l’information géographique et l’information numérique en question pour l’analyse des paysages. Nous ferons le lien entre fondements conceptuels et implications méthodologiques et techniques. Ainsi, le concept « Paysage-système » repose sur la formulation systémique de l’espace géographique et des relations qu’y développent les groupes sociaux. Ce principe induit une mise en œuvre particulière des observations et des mesures, notamment lorsqu’elles s’intéressent aux « actions » et « rétro-actions » qui interférent de manière continue entre les différents éléments du système. C’est une démarche qui a également des limites sémantiques, techniques et conceptuelles. Par exemple, le concept de « Système complexe » – essentiellement développé dans les sciences de la vie – qui cherche à renouveler celui de « Systémique » consiste, dans cet effort, à prendre acte de l’évolution des techniques et principes formels qui les sous- tendent. Au fil de notre itinéraire, nous pourrons faire référence au développement durable, à la démocratie participative et de patrimonialité qui permettent de replacer notre approche dans des questionnements de société qui font débat.

Partant du cadre conceptuel et méthodologique ainsi arrêté, les deux parties suivantes viendront se compléter, les données et les outils seront d’abord envisagés comme éléments de description puis comme support de modélisation.

Ainsi, dans la deuxième partie, les analyses porteront sur les composantes bio-physiques, manifestations sensibles et mesurables des paysages. La dimension « sociale » ne sera pas prise en compte explicitement même si elle est contenue dans les transformations observées. Ces études thématiques s’accompagneront de nécessaires développements

(28)

techniques. Nous aborderons quelques notions liées au mode de visualisation des images, aux principes et méthodes de classifications et d’analyses diachroniques, aux calculs de surface, à l’intégration des données issues de la télédétection dans des bases vectorielles et à la prise en compte de la « texture » spatiale. Nous insisterons tout particulièrement sur des méthodes probabilistes (théorie décisionnelle de Bayes) permettant de coupler des observations ponctuelles et des données couvrant l’ensemble de l’espace géographique.

Chacune des expériences présentées aidera à éclairer un aspect particulier de l’information géographique à mobiliser et les termes méthodologiques à requérir. Reconsidérées dans le système d’ensemble, les expériences conduites contribuent à la formalisation d’une pratique finalisée des paysages.

Dans la troisième partie, nous ferons ressortir plus particulièrement les interactions entre paysage et Géographie de la Santé. Nous traiterons deux cas ciblés sur les espaces à risque liés à des pathologies à transmission vectorielle des pays du « Sud » : le premier sera consacré à la peste à Madagascar, le second traitera de la Trypanosomiase Humaine Africaine (THA). Il s’agit bien de deux expressions spatiales distinctes face à des maladies différentes dans leur mode de transmission mais où la fréquence et la « qualité » des contacts homme/vecteur sont des éléments clés de la propagation. Bien souvent, c’est l’homme lui-même qui crée les conditions géographiques favorables à la transmission de la maladie. Le risque pourrait être considérablement réduit par des moyens de prévention mécanique (type d’habitat, entretien des pièges…) et un système de veille sanitaire malheureusement inopérant. Le sous-développement favorise les conditions de la maladie et l’approche géographique peut apporter un certain secours. En effet, celle-ci, en mettant en évidence des « paysages épidémiologiques » à risque permet d’élaborer des documents de veille sanitaire.

(29)
(30)
(31)

Paysage et information numérique : éléments de formalisation

Vue panoramique de la presqu’île de Brøgger depuis le mont Feiring, 1 070 m, Kongsfjorden, Spitsberg Photo : Myrtille Moreau (2004)

« Le fil aisément perceptible de nos existences aboutit à un malentendu fondamental quand nous cédons à la tentation d’accorder le même poids aux années, aux mois et aux jours. Les instants les plus brefs ont parfois un pouvoir explosif qui anéantit le temps autour d’eux, y compris tout le passé qui les a précédés »

Jim Harrison, De Marquette à Véracruz

(32)
(33)

Introduction

« Parmi les gens qui ne sont pas vraiment des spécialistes d’une science adulte, bien peu réalisent quel travail de nettoyage il reste à faire après l’établissement d’un paradigme, ou à quel point ce travail peut se révéler passionnant en cours d’exécution. Il faut bien comprendre ceci.

C’est à des opérations de nettoyage que se consacrent la plupart des scientifiques durant toute leur carrière. Elle constitue ce que j’appelle ici la science normale qui, lorsqu’on l’examine de près, soit historiquement, soit dans le cadre du laboratoire contemporain, semble être une tentative pour forcer la nature à se couler dans la boîte préformée et inflexible que fournit le paradigme. La science normale n’a jamais pour but de mettre en lumière des phénomènes d’un genre nouveau ; ceux qui ne cadrent pas avec la boîte passent même souvent inaperçus. Les scientifiques n’ont pas non plus pour but, normalement, d’inventer de nouvelles théories, et ils sont souvent intolérants envers celles qu’inventent les autres. Au contraire, la recherche de la science normale est dirigée vers l’articulation des phénomènes et théories que le paradigme fournit déjà. »

Khun, La structure des révolutions scientifiques.

Le paysage est un tout que l’on peut aborder par l’instrumentalisation sous la contrainte des données disponibles pour le décrire ; la prise en compte du paysage est alors partiale et partielle. Ainsi choisi comme concept clé, le paysage constitue une entrée pour traiter des thématiques qui ont une portée pratique. Depuis bientôt quinze ans, mon itinéraire est ainsi tracé des moraines du Spitsberg aux hauts plateaux malgaches en passant par les plantations de café/cacao en Côte d’Ivoire, la mangrove guinéenne (Conakry), le rio Béni en Bolivie, les forêts du haut-Jura, les pâturages d’altitude des Pyrénées… Autant de lieux, autant de thématiques ; cette diversité n’est pas la marque d’une dispersion de ma part au gré des rencontres. Ce parcours a donné lieu à la construction d’une démarche guidée par un fil conducteur fort : l’apport des informations géographiques numériques,

(34)

des outils et des méthodes de l’analyse spatiale dans la modélisation des espaces géographiques considérés comme des « Paysages-systèmes ».

Au-delà des thématiques elles-mêmes, cette première partie est consacrée à la formalisation de l’analyse des paysages, elle s’attellera par conséquent à préciser deux aspects clés de notre démarche. Le premier porte sur la notion de « Paysage-système » et le concept d’analyse systémique en Géographie. Nous ferons un bref bilan historique de la conception systémique du paysage avant de préciser des éléments de formalisation destinés à rendre opératoire le concept. Le second précise les apports et limites de l’information géographique dans leur mise en forme pour l’analyse des paysages en insistant sur la période récente (depuis une vingtaine d’années) marquée par l’omniprésence de l’information numérique.

1.1. Du diagnostic spécialisé au Paysage : mise en forme d’une démarche expérimentale

Le paysage, pour J.-C. Wieber (1984), « [le paysage] est un mot protéiforme, un peu magique dans le discours géographique et dans celui de beaucoup de personnes ». De fait, le statut du paysage en Géographie n’est pas arrêté même s’il est beaucoup utilisé, y faire référence implique d’en préciser le contenu insiste l’auteur. « L’emploi du mot Paysage est-il dans ce cas un abus de langage ? Sans doute pas totalement. Nul ne songerait à dénier au relief un rôle fondamental dans la différenciation des paysages […] par l’influence [qu’il] exerce sur les aptitudes des sols et les adaptations qu’en ont faites hommes et végétation. De la même manière, l’examen des cadastres romains […] d’une organisation ancienne de l’espace que l’on peut parfois percevoir, deviner [est baptisé]

« étude du paysage », il l’est en partie. Dans ces deux cas, on étudie directement, par la mesure des processus, ou indirectement, à travers les traces qui en résultent, comment fonctionnent des ensembles de forces productrices du Paysage ». La place de l’observateur

(35)

est par ailleurs soulignée dans les propos de C. Vidal1, « Le paysage est un arrangement d’objets physiques observables indissociable d’une notion subjective : le regard porté par l’observateur sur cet agencement d’objets. » A. Berque (1990) quant à lui définit le paysage comme un « révélateur de milieu » et la géographie en a fait un de ces objets privilégiés. Il nous met cependant en garde, « [pour] beaucoup de géographes ont substantialisé le paysage, oubliant qu’il n’existe qu’en relations, dans un milieu qui n’est lui-même que relation. Le paysage n’est ni proprement physique ni proprement phénoménal ; [il est] plus précisément : trajectif. À ce titre, on pourra parler de trajet de paysage, comme indice de la trajectivité du milieu. L’analyse du paysage permet en effet de cerner certains mécanismes fondamentaux de la relation mésologique. » De ce fait, le paysage réfère l’homme simultanément à la nature et à la société, à des choses et à des signes, à des localités ponctuelles et à de vastes aires… Le paysage ainsi défini par la notion d’objets, d’empreintes, de flux d’énergie et de processus précise un concept qui peut être abordé selon une démarche systémique.

1.1.1. Définition systémique du Paysage

E. Schwarz (1988) donne une définition concise de l’analyse systémique qui vient en complément de l’approche analytique cartésienne, « l’approche systémique est un état d’esprit, une façon de voir le monde […], de rechercher les régularités (invariants), de dégager les structures, les fonctions, les processus, l’évolution, l’organisation. [elle] se caractérise surtout par la prise en compte de la globalité des phénomènes, de leur structure, leurs interactions, leur organisation et leur dynamique propre. Nouvelle discipline, la systémique regroupe les démarches théoriques, pratiques et méthodologiques relatives à l’étude de ce qui est reconnu comme trop complexe pour pouvoir être abordé de façon réductionniste et qui pose des problèmes de frontières, de relations internes et externes, de structure, de lois ou de propriétés émergentes caractérisant le système comme tel ou des problèmes de mode d’observation, de représentation, de modélisation ou de simulation d’une totalité complexe. ».

1 Du sol au paysage : un patrimoine fondamental de l’UE, http://www.europa.eu.int/comm/eurostat/

(36)

T. Brossard et J.-C. Wieber (1980) proposent un schéma conceptuel de mise en forme systémique du paysage (figure 2). Entre production (système producteur, « physique ») et consommation (système utilisateur, « social ») le paysage s’exprime par ce qu’il a de visible et de non réductible (système « paysage visible ») à l’un ou l’autre des sous- systèmes précédents.

O B J E T S

É L É M E N T S

D ' I M

A G E S BIOTIQUE

ABIOTIQUE

CONSTRUIT

ÉTUDE RECHER-

CHE

AMÉNAGEMENT ACTION

CONSOMMATION VENTE

FiltrePerceptif

ZonedeNon Réductibili SYSTÈME

PRODUCTEUR

SYSTÈME PAYSAGE VISIBLE

SYSTÈME UTILISATEUR

Flux d'images Production d'ob-

jets FLUX D'ACTIONS FLUX D'ÉTUDES

Études

Actions Signaux Apparences

ENVIRONEMENT SUJET(S)

Du modèle paysager classique :

le paysage est une apparence, utile pour approcher l’environnement ; ou une création de l’oeil et de l’esprit, révélatrice du fonctionnement de ceux-ci...

... au poly-système paysage :

une conception globale et interactive avec, au coeur du dispositif, la scène paysagère comme être propre et objet possible d’étude.

Figure 2 : Aux premiers temps du système « Paysage » (modifié d’après Brossard et Wieber, 1984)

À ce concept est lié un mode d’analyse propre au géographe et à ses besoins de spatialiser – dans le sens de couvrir en continu l’espace – l’information manipulée. Le paysage est ici

(37)

s’appuyant sur des cartes et/ou des images, « le paysage est alors un signe incarné des objets spatialement répartis en combinaisons simples ou complexes, animés par des systèmes de forces d’origines diverses » (Wieber, 1985). Par le dedans, via l’observation de terrain en vue tangentielle et par l’enquête, les objets s’agencent alors au gré des volumes et des points de vue pour créer des éléments d’images offerts à la vue.

Plusieurs catégories de discours valident le modèle, T. Brossard (1986) en précise quatre en s’appuyant sur l’analyse du contenu de différents textes selon le schéma conceptuel proposé : l’approche de type paysagiste où le paysage visible est pris en compte comme tel ; l’approche de type écologique où le paysage est conçu comme l’expression spatiale des géosystèmes excluant la dimension visuelle ; l’approche de type aménagiste, sous tendue par la volonté d’action et l’approche de type sub-exhaustif qui est une intégration complète des différents sous-systèmes.

C. Vidal (ibid.) présente, dans une démarche tournée vers l’aménagement, une étude limitée au seul « paysage-objet » mesurable par des variables quantitatives, il définit plusieurs niveaux d’indicateurs :

- « niveau basique : caractérisation géophysique des paysages. […]Il faut toutefois faire attention à ne pas assimiler paysage et biotope ou écosystème.

- Premier niveau : occupation et utilisation des sols et leur évolution. […]

- Deuxième niveau : agencement de l’occupation des sols et son évolution.

L’analyse des grands types d’occupation du sol permet de mettre en évidence l’homogénéité ou la diversité des espaces géographiques. […]

- Troisième niveau : éléments objectifs dans le paysage ayant un impact fort au niveau de la perception qu'en aura l'utilisateur. »

Les « signes » que renvoie le paysage permettent ainsi de constituer une base de données spatiotemporelles et le concept de « paysage-système » sied à une démarche quantitative qui repose sur l’utilisation des outils mathématiques et informatiques considérés comme des moyens d’accéder à la compréhension du monde. M. Le Berre (ibid.) insistait à ce sujet sur l’apport des méthodes quantitatives dans une démarche systémique « Pour paraphraser

(38)

les propos de J. Perrin2, elle consiste à remplacer le ˝visible compliqué˝ des paysages perçus par ˝l’invisible simple˝ des structures spatiales. »

A. Frémont (1984) soulignait que cette spécificité du géographe à appréhender le paysage de manière à donner du sens à l’espace le plaçait à la croisée de chemins scientifiques pluridisciplinaires, « Les spécialistes des autres disciplines savent bien maintenant que la

˝nature˝ n’est jamais tout à fait ˝naturelle˝, ou, à l’inverse, que l’analyse des systèmes sociaux ne peut plus se concevoir détachée des milieux où ils sont localisés. Aussi, souhaitent-ils très souvent l’intervention des géographes, sur le terrain comme dans le traitement des données fournies par les satellites, l’un ne pouvant aller sans l’autre. ». Les seules images satellites citées par l’auteur ne suffisent pas à décrire les paysages, d’autres informations sont par ailleurs accessibles, leur collecte est indispensable tout comme l’est la maîtrise méthodologique et technique pour assurer leur analyse. A. Frémont insistait sur ce point crucial pour asseoir la spécificité du géographe au sein des autres disciplines,

« Encore faut-il que les géographes apparaissent comme compétents. »

L’information et ses protocoles de recueil et d’analyses sont au cœur de l’analyse des paysages considérés en tant que système. Il reste à proposer une nécessaire formalisation quant à l’intégration des données et des chaînes de traitements tout en sachant que la prise en compte du système sera forcément partielle : toute mesure s’accompagne d’une perte d’information mais, comme le précisait J.-P. Massonie en introduction d’un cours portant sur l’analyse des données, « il faut savoir perdre sur les détails pour gagner sur le global… ».

(39)

1.1.2. Éléments de formalisation du système paysage

Au-delà du concept, l’objectif de la formalisation de l’analyse du paysage est qu’elle soit utile à des actions précises, ce qui implique quatre principes :

- la maîtrise de l’espace et du temps et les implications directes sur les échelles et les thématiques ;

- la maîtrise sémantique du contenu de l’information entre la « connaissance » du spécialiste et la « réalité » des paysages ;

- la maîtrise de la constitution de l’information mise au cœur de la démarche ; - la maîtrise des méthodes et de l’instrumentalisation.

La figure 3 présente une vue synthétique d’une approche reprenant ces quatre fondamentaux dans laquelle nous replaçons le « système paysage » en tant que concept fondateur. La figure se lit de haut en bas, elle s’organise en trois enveloppes principales : l’enveloppe géographique, le lieu de tous les paysages ; l’enveloppe conceptuel, la définition systémique du paysage déjà évoquée plus haut ; l’enveloppe des informations, des méthodes et des procédures de mise en forme et d’analyse. Deux flux parcourent ces enveloppes, celui des données endogènes relatives à l’information collectées ponctuellement in situ et celui de l’information endogènes relatives à la description du continuum spatial.

Dans un premier temps nous allons décrire en détail la première enveloppe et mettre en place une formalisation expérimentale assurant le lien entre le concept lui-même et l’espace géographique. Puis, dans un second temps, nous aborderons l’information paysagère tant par la sémantique que par les contraintes techniques. Les questions de localisation, d’échelles et de niveaux d’observations seront au cœur de nos propos, les coordonnées géographiques étant le point commun des informations endogènes et exogènes.

(40)

Figure 3 : Éléments de formalisation du système paysage

(41)

1.1.2.1. Enveloppe géographique, lieu de tous les paysages

L’enveloppe géographique met en lumière la réalité spatiotemporelle qui sous-tend l’organisation de l’espace géographique, lieu de tous les paysages par définition. Le temps à lui seul renvoie à des questionnements fondamentaux, nous l’aborderons ici très humblement. En Géographie, dans la très grande majorité des cas, le temps d’une mesure est celui de sa datation, c’est un état des lieux à un moment donné. Cette collecte statique peut être envisagée à intervalles plus ou moins réguliers de manière à offrir la possibilité de suivre l’évolution des états mesurés (souvent par des calculs de taux d’évolution, de tendances d’ordre n…). Quelquefois, à partir de la connaissance d’états passés, on pourra proposer une simulation. Ici, tendance est associée à corrélation et la simulation temporelle correspond en réalité à une extrapolation de la fonction d’ajustement utilisée pour mesurer la tendance. La démarche renvoie à la statistique descriptive essentiellement pratiquée par les géographes. Il s’agit d’une approche prévisionnelle que résume la formule suivante (1) :

(1) X =a1.E1 +a2.E2 +...+an.En

où : X : état prévisible d’une variable ;

Ei : valeur d’une variable E mesurée au temps i ; ai : constante au temps i.

Le temps n’est donc pas abordé, ou alors très rarement, comme variable dynamique dans un jeu d’équations différentielles (2) fondées sur des modèles d’inférences. Point de cinématique continue en Géographie mais plutôt la description discrète d’états successifs3.

(2) bX cY

dt

dX = . + .

où : X et Y : variables qui peuvent s’accumuler ; b et c : variables instantanées ou constantes.

3 Corrélation n’est pas synonyme de causalité, une équation d’ordre n issue d’un ajustement (principe de la régression) n’est donc pas synonyme de « modèle » d’un point de vue inductif.

(42)

La connaissance d’un état initial permet, par résolution d’équations différentielles, de prédire l’état ultérieur du système élaboré, « mais notre intuition se prête mal à la compréhension des processus complexes, qui font intervenir des boucles de rétroaction positive et négative. Les modèles statistiques prévisionnels sont fondés sur une vision statique des phénomènes et utilisent les principes de la causalité linéaire : les causes sont notamment distinguées des effets, la cause d’un phénomène dynamique est une force extérieure, chaque facteur causal agit de manière indépendante et les effets de ces facteurs s’additionnent… Ces outils ne sont pas plus adaptés que notre intuition à l’étude des systèmes dynamiques, qui mettent en jeu des relations de causalité circulaire entre les phénomènes. C’est la structure interne d’un système – les relations non linéaires entre les facteurs de causalité – qui détermine sa dynamique4, plus que les contraintes extérieures » (Gillet, 2000).

L’espace est l’autre composante majeure de l’enveloppe géographique dont la représentation repose principalement sur la nécessité de prendre en compte la réalité euclidienne de l’espace. La géométrie des éléments décrits est fondamentale, le dessin (graphie) des lieux (topos5), la topographie, est ici un élément clé comme en témoigne

4 Des applications informatiques telle que STELLA II permettent des simulations numériques de systèmes selon quatre types d’objets : le réservoir (stock) symbolise une variable qui peut s’accumuler (continue ou non) ; le flux (flow) représente la dérivée temporelle du réservoir (variable instantanée qui ne s’accumule pas) auquel il est associé (flux entrant – inflow – ou sortant – outflow) ; la variable auxiliaire (converter) qui convertit les flux entrants en flux sortants (variable instantanée qui ne s’accumule pas) ; le lien (connector) est une relation causale entre deux variables ( de type : dépend de…). Notons que la représentation qualitative des réseaux systémiques présente un certain nombre de limitations : elle n’impose pas suffisamment de rigueur lors de son élaboration ; elle ne lie pas rigoureusement la structure au comportement dynamique (Gillet, op. cit).

5 « Dans le Timée de Platon, la chôra intervient dans le rapport entre l'être absolu (on, eidos ou idea), qui relève de l'intelligible, et l'être relatif (genesis), qui relève du monde sensible (kosmos). L'être relatif n'est qu'une une image imparfaite de l'être absolu. Celui-ci est éternel et n'a pas de lieu. Au contraire, l'être relatif est soumis au devenir, et il ne peut exister sans un lieu, qui est la chôra. Sans définir celle-ci, Platon la cerne cependant par une série de comparaisons, dont certaines apparaissent contradictoires ; ainsi celle de mère (mêtêr) ou nourrice (tithênê) d'une part, de porte-empreinte (ekmageion) d'autre part. Or que la chôra soit ainsi à la fois matrice et empreinte de la genesis, cela signifie qu'il y a dans le monde sensible un lien ontologique indissoluble entre les lieux et les choses. C'est le contraire qui ressort de la définition aristotélicienne du topos au livre IV de la Physique. En effet, celui-ci y est assimilé à un "récipient immobile"

(aggeion ametakinêton) qui limite immédiatement la chose. Cela signifie d'une part que la chose et le lieu sont dissociables : si la chose bouge, son lieu devient un autre lieu ; d'autre part, que l'être ou l'identité de la chose ne dépasse pas son lieu : si elle dépassait cette limite (peras), elle serait une autre chose ; car elle aurait une autre forme*, et pour l'aristotélisme, la forme donne l'être à la chose. Cette définition du topos apparaît clairement liée au principe d'identité* (A est A) qui fonde la logique aristotélicienne. Au contraire, dans son

(43)

l’histoire du génie humain pour améliorer ces représentations au fil du temps. De la boussole inventée en Chine au IXème siècle à la cartographie de la planète Mars en passant par les mesures d’Ératosthène, les cartes circum-méditerranéennes des romains, la projection de Mercator, le système métrique sous la Révolution Française6, les générations de Cassini et le GPS (Global Positioning System)… la cartographie marque de son empreinte l’histoire de l’humanité. Le changement récent de système géodésique (ou datum) en France passant du NTF (Nouvelle Triangulation Française) au RGF93 (Réseau Géodésique Français 1993) témoigne des évolutions actuelles.

Aussi précises que puisse être les cartes, il convient de distinguer les notions de niveau d’observation et d’échelles de restitution. Le terme d’échelle prête bien souvent à confusion, particulièrement dans une démarche pluridisciplinaire : la grande échelle du géographe est la petite échelle du sociologue, par exemple. Ce dernier entend par là qu’il observe en détail le fonctionnement des groupes sociaux ou d’individus au sein d’une structure locale bien identifiée alors qu’une grande échelle cartographique renvoie à la valeur d’un ratio entre ce qui est représenté et le terrain. Nous préférons distinguer niveau d’observation et niveau d’échelle. Il est tout à fait possible d’observer à différents niveaux une information et de la généraliser à une même échelle – ce qui peut engendrer des distorsions gênantes. C’est particulièrement vrai en traitement d’images comme l’illustre la

qui est immuable, est la parfaite illustration de ce principe. Le Timée pose par ailleurs que la vérité*

(alêtheia) concerne l'être absolu, tandis que l'être relatif relève de la croyance (pistis). C'est en ce sens que la métaphysique platonicienne est une des origines de la pensée scientifique, laquelle s'appuie aussi sur le principe d'identité qui fonde l'inférence rationnelle. Enfin, le Timée assimile l'être absolu à une forme géométrique. À partir de ces fondements épistémiques se sont déployées deux conceptions possibles du lieu, entre lesquelles oscille encore et toujours la géographie : dans l'une, le lieu est parfaitement définissable en lui-même, indépendamment des choses. C'est le lieu des coordonnées cartésiennes du cartographe, dont l'ordonnée (la longitude), l'abscisse (la latitude) et la cote (l'altitude) s'établissent dans l'espace absolu des Principia mathematica de Newton. Le lieu y est un point abstrait, totalement objectif*. Il relève d'une géométrie qui permet de définir non moins strictement les objets qui peuvent ou non s'y trouver. Un tel lieu n'est autre qu'une synthèse du topos aristotélicien avec l'idea platonicienne ; l'autre conception possible relève de la chôra. C'est la plus problématique, car elle est essentiellement relationnelle. Le lieu y dépend des choses, les choses en dépendent, et ce rapport est en devenir : il échappe au principe d'identité. C'est le lieu du "croître-ensemble" (cum crescere, d'où concretus) des choses dans la concrétude du monde sensible. Il n'est donc pas question pour la géographie de l'ignorer, puisque c'est cela même en quoi elle se distingue d'une pure géométrie. Mais comment en concevoir la logique, si ce n'est pas celle de l'identité ? » in Augustin BERQUE, « Dictionnaire de la Géographie et de l’espace des sociétés », Belin, 2003.

6 « Le mètre du monde », Denis GUEDJ : mesure de la méridienne Dunkerque-Barcelone sous la révolution française afin de proposer la définition du système métrique soit 1/1 000 000 du quart du méridien terrestre.

(44)

figure 4. On y observe des données AVHRR du satellite NOAA7 d’une résolution spatiale de 800 m représentées à la même échelle que des données SPOT P à 10 m. Dans cet exemple, l’échelle de restitution est adaptée aux données panchromatiques alors qu’elle ne convient pas aux autres informations satellitaires.

0 1 km

nord

Figure 4 : Une même échelle pour des niveaux d’observation différents

Niveau d’observation et échelle de restitution entretiennent donc des liens étroits, graphiques d’une part mais également thématiques. La figure 5 illustre à cet égard deux études climatiques réalisées par D. Joly (2003) : les anomalies thermiques sont cartographiées à partir d’images NOAA sur l’ensemble du Spitsberg ; la probabilité des vents dominants est calculée à partir de données maillées à très haute résolution spatiale dans la moraine du Lovèn central d’une surface de moins de 4 km².

(45)

Données NOAA MNT

Températures Pentes Orientations

Grands ensembles climati- ques et anomalies thermiques

< 400 m

> 800 m

anomalies froides

> 4° C 0 à 4° C

< 0° C

< 0 à 4° C anomalies chaudes

< 400 m

CA LM E NORD O U EST

O UE ST

SU D OU ES T

SU D

S UD EST ES T N ORD ES T NO R D

0 22 2 1 3

2 26

0 18

0 53

0 18 0

16

80 0

19

0 Réseaux d’enregistreurs HOBO

(température , pression atmosphéri- que toutes les 2 mins. pendant plu-

sieurs années) Réseaux d’observation des vents

dominants

Analyse du contexte microtopographique local

Analyse des séries chro- nologiques

Intégration dans le con- texte topographique glo- bal m inim um

m axim um

Amplitude thermique

Probabilité des vents dominants MNT

Presqu’île de Brøgger

Figure 5 : Niveaux d’observation et modélisation climatique (modifié d’après Moreau et al., 2004)

Les paysages que nous observons sont inscrits dans la continuité du temps et de l’espace. À ce titre, les images fournies par les satellites illustrent clairement les différents niveaux d’observation envisageables et les seuils critiques à considérer dans une logique d’intégration des données.

C. J. Markon propose un canevas d’intégration d’images satellites pour l’analyse multiscalaire et diachronique des paysages arctiques au nord de l’Alaska, dans la région du lac Teshekpuk (figure 6). Le tableau qu’il propose peut facilement être repris pour d’autres paysages et d’autres sources d’informations puisque la télédétection, aussi importants soient ses atouts, n’est pas la seule source d’informations paysagères.

Références

Documents relatifs

Un corpus composé de centaines de mèmes politiques (N=537) récoltés pendant cette période fut analysé de façon quantitative (statistiques descriptives) et qualitative afm

La classification des colorants peut être faite selon leur domaine d’application (Colorants à mordant , Colorants acides, Colorants métallifères, Colorants directs,

Le spectre moyen à long terme p€ut êtue considéré comme une siomme pondéree des speclres d'amplitude des tmmes avec des coefficients d€ pondération identiques'

Classes de pente et indices attribués Caractéristiques et classement de sensibilités des types de sols Classes de friabilité des matériaux et indices attribués Règles de décision

This oncoprotein might act also as a negative regulator of growth factor receptor signaling and receptor tyrosine kinase (RTK) signaling, which make the ubiquitin

The multiphysical approach I have developed throughout the biosensor application projects aims at combining enough complementary measurement methods (acoustic velocity and loss,

Dans la section 2.2, nous avons expliqué que deux procédés généraux de construction de bases de type canonique étaient connus : la base cristalline globale et la base

Cette recherche rentre dans les orientations Horizon 2020, de la directive cadre sur l'eau (DCE) et de la directive- cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM) de l'Union