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Journée du GFHGNP – Doit-on dissuader une famille de végétaliens d'imposer leur régime à leur enfant ?

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Médecine

& enfance

novembre 2017 page 264

J O U R N É E D U G R O U P E F R A N C O P H O N E D ’ H É P A T O - G A S T R O E N T É R O L O G IE E T N U T R IT IO N P É D IA T R IQ U E S

Zoé, un mois, tète six à sept fois pendant la journée et dort de 22 h à 6 h. La ma- m a n e s t i n q u i è t e , c a r Z o é n ’ a p a s d e selles depuis trois jours et n’a pris que 500 g en un mois. Pourquoi Zoé ne boit- elle pas suffisamment ? Est-ce un problè- me d’allaitement ?

PHYSIOLOGIE DE LA LACTATION

Pour mieux comprendre les difficultés de l’allaitement, M.C. Marchand propo- se en préambule un petit rappel sur la physiologie de la lactation.

La lactation est sous le contrôle d’une double régulation : endocrine et auto- crine. La chute de la progestérone à l’ac- couchement enclenche le processus qui aboutit à une sécrétion de lait abondan- te faisant suite au colostrum.

La succion stimule les récepteurs ner- veux de l’aréole et déclenche :

la sécrétion d’ocytocine, hormone de la tétée qui a pour effet de contracter les cellules myoépithéliales et d’élargir les canaux galactophores pour faciliter le transfert de lait ;

puis la sécrétion de la prolactine, qui entretient la production de lait.

La sécrétion d’ocytocine est favorisée par la sensation de bien-être et dimi- nuée en cas de stress ou de douleur.

Le bébé, bouche grande ouverte sur l’aréole, crée une dépression et aspire le lait. C’est le volume de lait transféré qui détermine le volume de lait produit (ré- gulation autocrine). La synthèse du lait est continue dans les alvéoles, avec un rétrocontrôle local. La capacité de stoc- kage du lait dans les seins est variable se- lon les femmes. Si elle est faible, le bébé doit téter souvent. La vitesse de synthèse du lait est inversement proportionnelle au degré de remplissage des alvéoles.

CE QU’IL FAUT FAIRE

Pour répondre aux questions de la ma- man de Zoé, il faut conjuguer trois élé- ments : anamnèse, examen clinique et observation de la tétée. Cette observa- tion est un outil de prévention des diffi- cultés d’allaitement et permet d’obser- ver les interactions mère-bébé.

La grossesse s’est bien passée, l’accou- chement a eu lieu à 38 SA par voie basse.

Compte rendu du 2

e

congrès ECHANGE (Echange de Consensus Hôpital-Ambulatoire en Nutrition, Gastro-entérologie et hEpatologie) organisé par le Groupe francophone d’hépato-gastroentérologie et nutrition pédiatriques (GFHGNP) en novembre 2016 Rédaction : M. Joras

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts

Comment relancer la lactation ?

D’après la présentation de M.C. Marchand, pédiatre, consultante en lactation IBCLC, formatrice Co-Naître

Insuffisance lactée ou perception de manque de lait ?

Bébé ne grossit pas Bébé va bien

mais crises de pleurs et tétées plus fréquentes

Perception de manque de lait – Informer – Soutenir

– Restaurer la confiance de la mère

Très fréquent

Insuffisance lactée secondaire à un problème chez le bébé (examen médical)

ou de gestion de l’allaitement – Engorgement

– Transfert de lait insuffisant : problème de succion, de position, tétées peu fréquentes

Insuffisance lactée secondaire à un problème

chez la mère – Insuffisance glandulaire – Chirurgie

– Hémorragie postpartum – Rétention placentaire – Syndrome des ovaires polykystiques

– Tabagisme

Rare

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La deuxième nuit, Zoé a reçu un biberon car elle pleurait beaucoup. La montée de lait a eu lieu à J3. La maman n’a pas d’antécédent particulier et ne prend pas de médicaments. Elle n’a pas de douleur pendant la tétée, ni de lésions des mame- lons. La maman ne donne qu’un sein à chaque tétée. La tétée est courte et Zoé s’endort rapidement.

L’interrogatoire vérifie le nombre et l’as- pect des selles, la prise de biberons, la tétine…

L’examen clinique de Zoé permet d’éli- miner un trouble de la motricité buccale et un frein de langue. L’examen médical est normal.

L’observation d’une tétée permet de vé- rifier l’installation et le confort de la mè- re, la position de Zoé, la prise du sein et la fréquence des déglutitions, et de montrer à la mère comment reconnaître ces dernières.

Le diagnostic le plus probable est une insuffisance lactée secondaire à des té- tées peu fréquentes et peu efficaces.

CE QU’IL FAUT PROPOSER

➜ Augmenter l’extraction efficace du lait :

portage peau à peau en journée ;

tétées à chaque éveil, au moins huit fois par 24 h, avec tétée la nuit ;

améliorer la prise du sein ;

proposer les deux seins, deux fois, avec compression ;

si les tétées ne sont pas efficaces, tirer le lait après la tétée.

➜ Proposer éventuellement un complé- ment, en fonction de l’état du bébé et/ou si ces mesures n’ont pas entraîné une augmentation du poids.

Il faut aussi apprécier le contexte et l’en- vironnement : la maman bénéficie-t-elle d’un soutien pratique et émotionnel ?

CE QU’IL NE FAUT PAS FAIRE

Prescrire un complément sans analy- se de la situation.

Se contenter de dire « reposez-vous, buvez plus et mangez bien… ».

Penser que ça ne va pas parce que la mère n’est pas motivée. 첸

Références

GREMMO FÉGER G. : « Actualisation des connaissances concer- nant la physiologie de l’allaitement », Arch. Pédiatr., 2013 ; 20 : 1016-21.

ACADEMY OF BREASTFEEDING MEDICINE PROTOCOL COM- MITTEE : « ABM Clinical Protocol 9 : use of galactogogues in ini- tiating or augmenting the rate of maternal milk secretion (First Revision January 2011) », Breastfeed Med., 2011, 6 : 41-9.

GREMMO FÉGER G. : « Allaitement maternel, l’insuffisance de lait est un mythe culturellement construit », Spirale, 2003 ; 27 : 45-59.

KENT J.C., HEPWORTH A.R., SHERRIFF J.L. et al. : « Longitudi- nal changes in breastfeeding patterns from 1 to 6 months of lac- tation », Breastfeed Med., 2013 ; 8 : 401-7.

Dan, treize ans, est végétalien depuis plusieurs années, comme sa mère. Il est h o s p i t a l i s é p o u r u n e p a r a p l é g i e d e s membres inférieurs. L’EMG montre des signes en faveur d’une sclérose combi- née de la moelle. Le dosage de la vita- mine B12 sérique donne le diagnostic : le taux est nul. Une recharge en vitami- ne B12 par voie intramusculaire per- mettra une récupération de la motrici- té des membres inférieurs, mais celle-ci sera incomplète, et Dan ne pourra plus pratiquer l’athlétisme.

Ces deux cas cliniques illustrent bien les risques graves auxquels sont exposés les enfants soumis à un régime végétalien.

DES CARENCES MULTIPLES

Chez le nourrisson, les carences sont multiples : protéines, fer, calcium, zinc, vitamines B12, D et K [1] . La poursuite d’un régime exclusif à base de boisson végétale peut être responsable de décès.

Chez l’enfant et l’adolescent, un régime végétalien est également responsable de carences en fer, calcium et vitami- ne B12, qui ont bien été identifiées, mais d’autres carences s’y associent pro- bablement, en particulier en DHA, zinc et vitamine D [2, 3] .

QUE FAIRE ?

Chez le nourrisson :

montrer aux parents que la composi- tion des boissons végétales est inadap- tée (tableau I) ;

leur rapporter les complications sé- vères observées chez les nourrissons vé- gétaliens. Une étude réalisée récemment sur 34 nourrissons végétaliens âgés en moyenne de huit mois a montré que 82 % d’entre eux présentaient une cassu- re staturo-pondérale, 60 % une anémie avec un taux d’Hb inférieur à 10 g/dl, 55 % une hypoalbuminémie et 18 % des œdèmes diffus. Plus de la moitié ont été hospitalisés pour des complications nutri- tionnelles, dont 10 sévères : état de mal convulsif, taux d’Hb inférieur à 6 g/dl, détresse respiratoire par alcalose méta- bolique, troubles de la conscience dus à une hyponatrémie, fracture osseuse [5] . Médecine

& enfance

novembre 2017 page 265

Doit-on dissuader une famille

de végétaliens d’imposer leur régime à leur enfant ?

D’après la présentation de P. Tounian, service de nutrition et gastroentérologie pédiatriques, hôpital Armand-Trousseau, Paris

Shirel, sept mois, est hospitalisée pour une cassure pondérale. Elle est alimen- tée depuis l’âge de un mois par une boisson végétale à base de riz. A l’exa- men, on observe une dermatose généra- lisée. Le bilan sanguin montre une ané- mie avec un taux d’Hb à 8,7 g/dl, un fer

sérique à 15 µ mol/l, des protides à 35 g/l avec une albuminémie à 20 g/l.

Le temps de Quick est abaissé (44 %).

Le zinc est effondré, ainsi que la vitami- ne B1. Une alimentation par un lait in- fantile standard assurera la guérison de cette enfant en un mois.

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Ces complications sévères sont d’autant plus fréquentes que la boisson végétale a été administrée précocement, avant quatre mois. Il est à noter que 20 de ces nourrissons n’étaient pas vaccinés ou l’étaient incomplètement…

proposer des alternatives végétales adaptées aux nourrissons : Modilac

®

riz, Picot

®

riz, Novalac

®

riz, Bébé Man- dorle

®

Riz Bio. Prémiriz

®

Bio est à évi-

ter car c’est une formule très pauvre en calcium et en fer. Prémiamande

®

Bio (dont la fabrication est actuellement suspendue) n’est pas une préparation infantile, mais une boisson végétale inadap tée au nourrisson.

Chez l’enfant et l’adolescent, il convient également de montrer aux parents les apports insuffisants observés chez les jeunes végétaliens (tableau II) . Si cette in-

formation ne parvient pas à les convaincre de changer de régime, des supplémentations sont nécessaires pour éviter les carences :

fer : 3 mg/kg/j de fer métal ;

calcium : 500-900 mg/j chez l’enfant, 1 200 mg/j chez l’adolescent ;

vitamine B12 : 250 µ g/10 j ;

vitamine D : 100 000 UI/3 mois.

À NE PAS FAIRE

Tenter de convaincre les parents que le lait n’est pas un poison, car ils sont ré- fractaires à tous les arguments.

Faire d’emblée un signalement, sauf en cas de complication grave, car les pa- rents sont aussi les victimes des gourous du végétalisme.

Céder aux menaces des ayatollahs du végétalisme… 첸

Références

[1] LE LOUER B., LEMALE J., GARCETTE K. et al. : « Consé- quences nutritionnelles de l’utilisation de boissons végétales in- adaptées chez les nourrissons de moins d’un an », Arch. Pédiatr., 2014 ; 21 : 483-8.

[2] LARSSON C., JOHANSSON G. : « Dietary intake and nutritio- nal status of young vegans and omnivores in Sweden », Am. J.

Clin. Nutr., 2002 ; 76 : 100-6.

[3] PAWLAK R., LESTER S.E., BABATUNDE T. : « The prevalence of cobalamin deficiency among vegetarians assessed by serum vitamin B12 : a review of literature », Eur. J. Clin. Nutr., 2014 ; 68 : 541-8.

[4] TOUNIAN P., JAVALET M., SARRIO F. : Alimentation de l’en- fant de 0 à 3 ans, Masson, collection Pédiatrie au quotidien, 3

e

édition, 2017.

[5] LEMALE J., SALAUN J.F., ASSATHIANY R. et al. : « Nutritional consequences of vegetable beverage consumption in infants » (soumis).

Médecine

& enfance

novembre 2017 page 266 Tableau I

Composition des boissons végétales par rapport à celle des laits infantiles 1 er âge, formulés pour répondre aux besoins des nourrissons [4]

/100 ml Lait 1 er âge Riz Soja Amande Noisette

Protéines (g) . . . 1,4. . . 0,2 . . . 3,8 . . . 1,2 . . . 0,8. . . . . Glucides (g) . . . 7,6. . . 8,0 . . . 1,0 . . . 5,9 . . . 6,5 . . . . . Lipides (g) . . . 3,4. . . 1,0 . . . 2,1 . . . 2,6 . . . 2,4 . . . . . Energie (kcal) . . . 67 . . . 53 . . . 38 . . . 58 . . . 51 . . . . . Fer (mg). . . 0,8. . . 0 . . . 1,0 . . . 0,5 . . . ? . . . . Calcium (mg) . . . 51 . . . 2 . . . 0 . . . 40 . . . 0 . . . . Sodium (mg) . . . 19 . . . 30. . . 30 . . . 55 . . . 50 . . . . .

Tableau II

Apports nutritionnels chez des adolescents végétaliens des deux sexes par rapport à de jeunes « omnivores » [2]

Adolescents Adolescents Adolescentes Adolescentes

végétaliens omnivores végétaliennes omnivores

Protéines (g/j) . . . 72 . . . 117 . . . 55 . . . 80. . . .

Vitamine B12 (µg/j) . . . 0,1. . . 5,9 . . . 0,0 . . . 5. . . .

Vitamine D (µg/j). . . 3,7. . . 7,7 . . . 2 . . . 5,1 . . . .

Calcium (mg/j) . . . 517 . . . 1697 . . . 538 . . . 1328. . . .

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Références

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