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Rapport de l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), données de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanie (OFDT) [1] : tous les...

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Le Courrier des addictions (20) – n° 1 – janvier-février-mars 2018

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MON TÉMOIGNAGE

Je vais commencer par vous raconter un week-end et une semaine classiques à Hong Kong. Nous sommes vendredi en fin d’après-midi, vous recevez le texto suivant :

“TGIF” (Thanks God It’s Friday). C’est le début du week-end, pour aller boire un premier verre avec les collègues, afin de décompresser de la semaine, puis un deuxième, puis d’autres.

Ensuite, il est temps de rejoindre d’autres amis dans un bar voisin. Le diner est souvent optionnel. On se dirige enfin vers un autre bar, ou une discothèque, et ce jusqu’au bout de la nuit. On boit, on bavarde et on danse avec des personnes que l’on connait plus ou moins, qui sont souvent alcoolisées et/ou droguées. On finit par rentrer au petit matin en taxi. À Hong Kong, le prix d’un taxi est imbattable, comparé aux tarifs pratiqués en France. Ce qui n’aide pas vraiment à limiter la consommation d’alcool.

Le lendemain, le réveil est difficile : une douche, un café et il faut repartir car on a réservé un brunch avec des amis, avec free flow (sans limite) de nourriture et d’alcool : vu le prix du brunch et la qualité (excellente) du champagne, on ne va pas se priver. C’est déjà la fin d’après-midi et il est temps d’aller rejoindre des amis qui font une fête de départ pour un collègue ou ami qui part de Hong Kong (les gens restent souvent quelques

Les consommations des expatriés à Hong Kong : un soignant français raconte

Sébastien Salin*

années et partent vers une autre destination) . On reprend une bière et c’est reparti comme la nuit dernière : bar, boîte de nuit, etc.

Le dimanche est une journée compliquée : il faut à tout prix récupérer des forces avant la reprise du travail. En se réveillant, le temps est ensoleillé, un ami propose d’aller à la plage avec d’autres amis que l’on n’a pas vus depuis longtemps.

C’est très tentant, surtout que l’on se dit que l’on pourra dormir sur le sable et prendre quelques couleurs. Là-bas, on mange un bout accompagné d’un verre, puis d’un deuxième – jamais deux sans trois. L’après-midi est finie, il est temps de rentrer, de dormir, car le lendemain il faut travailler. Le week-end est passé tellement vite, on a fait plein de choses, on a rencontré beau- coup de personnes et on a surtout bien bu et, pour certains, consommé de la drogue pour tenir pendant les deux jours.

C’est lundi et le travail : les réunions, les emails, les appels téléphoniques, les messages, Facebook et les autres applications où il faut être pour être sûr de ne pas louper une information, un évènement et/ou une invitation importante.

Mardi, après le travail, on va faire une séance de sport pour se faire du bien physiquement et moralement, avant d’enchaîner sur un dîner professionnel. Ce sont des clients importants et l’alcool coule à flot. Dans la culture asiatique, le fait de boire est un moyen de relâcher la pres- sion du travail, de mieux connaitre l’autre, de faciliter la signature de contrats. Dans de telles circonstances, refuser de boire peut être gênant,

voire de faire rater des deals importants pour une entreprise. Le mercredi, des amis jouent de la musique dans un bar où l’on peut se poser accompagné d’un verre. La semaine continue et l’idée d’arrêter de boire est reportée à plus tard.

Surtout que ce week-end, il y a un gros festival avec des groupes internationaux ! Puis, un jour, un ami propose de faire comme lui et de “sniffer”

un peu de cocaïne pour tenir la soirée ou le week-end. De plus, il vous l’offre ! Ici, les salaires sont parmi les plus élevés au monde. Certaines personnes n’ont donc pas de problème à offrir des bouteilles ou de la drogue. L’effet ressenti vous permet d’oublier vos soucis amoureux, de travail ou votre famille loin de vous, en France.

Cela vous permet aussi d’être plus communicatif, de vous ouvrir, de vous sentir écouté, alors, que jusque-là, personne ne vous voyait au cours de la soirée, car vous êtes trop réservé.

Or, il faut assurer au travail. Mais l’alcool et la fatigue nous rendent peu efficaces. Un jour, un collègue nous offre un petit sachet pour nous aider à avoir de l’énergie, être meilleur et pouvoir tenir ce rythme effréné.

Depuis toujours, l’addiction a été présente, parfois avec des conséquences désastreuses sur la population locale. Rappelons les guerres de l’opium en Chine, de 1839 à 1860, où une population est devenue dépendante et le pouvoir politique a progressivement perdu de influence sur son propre territoire, à l’avantage des pays occidentaux présents (France, Royaume-Uni, Pays-Bas, États-Unis, etc.).

LA FONCTION SOCIALE DE L’USAGE DE DROGUES

Franz Rosenzweig décrit la fonction sociale du psychotrope utilisé pour créer “du lien social, influencer l’humeur et faciliter le contact avec l’autre” (1). Lors de mes entretiens avec des consommateurs, cette fonction est ressortie.

Ils ont tous commencé à consommer à l’adoles- cence, en groupe. Souvent avec la même bande de jeunes, où le joint (cannabis, herbe, etc.) est le premier produit testé. Par la suite, ils sont tous passés par des essais de drogues différentes, avec une consommation plus ou moins intense de certaines. Chacun va rechercher un effet diffèrent : l’ecstasy ou la cocaïne, par exemple, permettent une meilleure interaction avec autrui (confiance en soi).

LA THÉORIE DE L’ADDICTION RATIONNELLE (TAR) [2]

Au cours de mes recherches, j’ai découvert que les sociologues, comme G. S. Becker et K. M. Murphy, les fondateurs de cette théorie dans les années 1980, ont révolutionné

Hong Kong, région administrative spéciale de la République populaire de Chine, est un territoire extrêmement dynamique, en perpétuelle effervescence. Cette ancienne colonie britannique constitue une place boursière et économique majeure en Asie ainsi que dans le monde. De ce fait, elle attire de nombreuses entreprises internationales - et leurs salariés. Par ailleurs, le capitalisme à outrance qui s’y développe explique un fort esprit de compétition, doublé d’un droit du travail particulièrement pauvre. Enfin, Hong Kong est une société très moderne, hyper connectée, où se développe une culture centrée sur l’obligation de réussite et l’efficacité au travail. Depuis quelques années, j’habite Hong Kong et j’y exerce en tant qu’infirmier coordinateur dans un centre médical privé. C’est dans ce cadre que j’ai rencontré de nombreux expatriés assujettis à des addictions, notamment aux drogues dures. À travers les différents entretiens que j’ai menés, j’ai identifié le processus qui mène à l’addiction tout au long d’une vie et le lien qui peut exister entre travail et consommation de drogue dure.

* Cadre infirmier, Hong Kong

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Le Courrier des addictions (20) – n° 1 – janvier-février-mars 2018 28 la manière de concevoir l’addiction. Elle  n’appa-

raît plus comme un comportement subit, mais comme le résultat d’un calcul coût/avantage à long terme, une attitude par conséquent parfai- tement volontaire et maitrisée. Cette théorie s’est imposée, rapidement et durablement, comme une référence incontournable. Les personnes dépendantes anticipent leurs comportements futurs et s’y adaptent au moment présent. Ils ne sont pas totalement ignorants des contraintes futures générées par leur comportement présent.

Il est loin d’être prouvé que leur anticipations soient parfaites et leur comportement cohé- rent. Le cercle vicieux est lancé et on apprend à maitriser parfaitement chaque drogue qui “fait monter et descendre” en fonction du moment, du lieu, des personnes autour, etc.

LA CONSOMMATION À HONG KONG

L’alcool peut couler à flot et il est possible de boire tous les jours de la semaine.

Un des facteurs de cette consommation est celui du déplacement. Les trajets sont courts et les moyens de transports ne manquent pas : taxi, bus, minibus, métro, tram, etc.

Un autre facteur est que les parents sont secondés, le plus souvent, par une femme de maison qui s’occupe de tout, même des enfants, ce qui permet de sortir sans trop de difficultés.

Enfin, les salaires sont plus élevés. Des sorties régulières n’affectent pas forcément le porte-monnaie, sans compter les nombreuses personnes qui n’hésitent pas à vous inviter.

Les drogues dures : le fait d’être à l’étranger est un facteur permettant de les consommer plus facilement et moins discrètement que dans son pays d’origine. On se croit parfois intouchable et le fait que tout le monde en consomme paraît être normal et/ou légal. Un simple coup de fil et la drogue arrive devant sa porte, presque aussi facilement qu’avec un service de livraison à domicile. À Hong Kong (beaucoup de pays d’Asie du Sud sont pourtant intransigeants sur le sujet), tout le monde consomme, quel que soit le milieu professionnel. Que l’on soit célibataire, marié ou parent, les difficultés familiales ou profession- nelles contraignent à modifier (augmenter ou diminuer) sa consommation.

La Chine continentale est devenue en quelques années un producteur primordial s’agissant des drogues de synthèse. Nous connaissons tous les cartels de Colombie. Il en existe aussi en Chine : la petite ville de Boshe, à seulement 100 km de Hong Kong, a été pendant de nombreuses années un lieu où la production de drogue était omnipré- sente. L’argent y coulait à flot, avec des salaires plus importants que la moyenne nationale, permettant “soumission” et secret de la popu- lation. Les trafiquants avaient repoussé la police grâce à des complicités au sein même du parti au pouvoir. Mais, début 2017, le gouvernement a tapé fort et a arrêté les responsables locaux : toute la ville a dû rentrer dans le rang. Malheureuse- ment, l’attrait de l’argent fait que de nouveaux fabricants, de nouveux endroits apparaissent et que le trafic perdure, voire s’intensifie.

Un autre problème à Hong Kong est la qualité de la cocaïne, laquelle provient le plus souvent d’Amérique du Sud, traversant l’océan Atlan- tique, l’Europe, plusieurs pays asiatiques avant

d’arriver dans l’ex-colonie britannique : elle est donc coupée plusieurs fois avec des risques sani- taires importants à la clé.

Une autre drogue souvent utilisée est la méthadone, ou “ice”, qui est fabriquée juste à côté de Hong Kong, en Chine. Les utilisateurs décrivent une sensation de bien-être (libéra- tion de quantité importante de dopamine dans le cerveau) et dure bien plus longtemps que la cocaïne (8 heures contre seulement 2 pour la poudre blanche). Selon le professeur Karen Joe Laidler, l’ice est fumée en grande partie et injectée pour 25 %. Le problème de cette drogue est une addiction très forte. Une des raisons pour lesquelles son utilisation est en forte hausse à Hong Kong est son prix, 4 à 5 fois moins élevé que la cocaïne. Hong Kong est une place où la consommation de drogues est bien présente.

Les comportements de maîtrise de la consom- mation sont importants, car ils permettent de continuer de travailler et de conserver ainsi une vie sociale et familiale.

Mon étude est surtout valable pour les expatriés à Hong Kong, pas les locaux. Je dois préciser que je n’ai pas étudié le retour d’expatriation et une éventuelle augmentation ou diminution de la consommation.

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Références bibliographiques

1. Escots S. Le Subutex® une drogue, mais qu’est-ce qu’une drogue ? Esquisse d’une anthropologie sémio- tique des psychotropes”, Psychotropes 2014;20:51-78.

2. Massin S. La notion d’addiction en économie : la théorie du choix rationnel à l’épreuve. Revue d’économie politique 2011;121:713-50.

COCAÏNE ET CRACK, L’EXPANSION CONTINUE

Rapport de l’Agence nationale de sécu- rité du médicament (ANSM), données de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanie (OFDT) [1] : tous les indicateurs signalent une expansion des consommations de cocaïne, y compris basée, comprenant une extension élargie et plus dense des points de vente, une augmentation du nombre de consom- mateurs, une plus grande pureté en cocaïne assortie d’une variabilité de la qualité des produits vendus aux usagers. Le crime organisé se modernise autant dans l’organisation du deal de rue, de la livraison à domicile, que dans les produits vendus, en s’appuyant sur le maillage du deal de cannabis. Aussi, malgré l’augmen- tation des tarifs, la demande se maintient.

Cette expansion des usages et l’augmentation de la pureté ne sont pas sans conséquences.

Les observations du dispositif Trend rendent compte d’avis partagés sur cette pureté du produit de la part des usagers, entre l’aspect positif qu’il puisse être de qualité, mais aussi des inquiétudes quant aux effets non attendus et nouvellement perçus.

L’ANSM a publié le 25 janvier 2018 (2) une information sur l’augmentation des intoxi- cations à la cocaïne enregistrées entre janvier 2010 et juin 2017.

On a observé huit fois plus de décès en 2016 qu’en 2010, de même qu’une augmentation des cas graves (psychiatriques, cardiovasculaires, neurologiques, infectieux, respiratoires, etc.). On relève aussi une augmentation de la part de la cocaïne basée dans cette mor- bimortalité : 33 % en 2 017 contre 20 à 25 % entre 2013 et 2016.

Commentaire

La part d’usage de cocaïne dans nos files actives en addictologie augmente. Sa forme basée est sortie des Antilles et de la scène parisienne pour se répandre en Île-de-France et dans les grandes villes de Métropole. Elle s’étend aussi à différentes strates de la société et à de nouveaux profils d’usagers.

Nous devons intégrer cette expansion des usages dans nos pratiques ainsi que dans nos modalités d’accueil et de suivi des patients. A.D.

Références

1. Cadet-Taïrou A, Gandilhon M, Martinez M, Milhet M, Néfau T. Substances psychoactives, usagers et marchés : les tendances récentes (2016-2017). Tendances n° 121, OFDT;Déc 2017.

2. http://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Aug- mentation-des-signalements-d-intoxication-liee-a- la-consommation-de-cocaine-et-de-crack-Point-d- Information. Publication du 25/01/2018

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