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La Comédie Française au 18 e siècle étude économique

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La Comédie Française au 18 e siècle étude

économique

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É C O L E P R A T I Q U E D E S H A U T E S É T U D E S • S O R B O N N E V/« SECTION-.SCIENCES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES

CENTRE DE RECHERCHES HISTORIQUES

Civilisations et Sociétés 3

MOUTON A CO P A R I S • L A H A Y E M C M L X V I I

(3)

Claude ALASSEUR

La Comédie Française

au 18 e siècle étude

économique

PRÉFACE DE J . FOURASTIÉ

MOUTON & CO P A R I S • LA H A Y E MCMLXVII

(4)

© 1967 Mouton & O et École Pratique des Hautes Études

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Sommaire

Pages

PRÉFACE 1 INTRODUCTION 5 I. — Rappel général de la mentalité et de» attitudes de la société vis-à-vis

du théâtre, au 18* siècle, & Parle 7

1. Le roi et l'aristocratie 9 2. La bourgeoisie 13 3. L'Eglise 16 4. Le peuple 19 5. Les théâtres de la Foire 23

0. Le déroulement du spectacle 27

II. — Evolution administrative et Juridique de la Oomédle Française 35

III. — La recette 45 1. Sources-Evolution générale 45

2. Influence des événements politiques et économiques sur la recette 50

3. La recette à l'entrée et le prix du blé 52 4. La recette de la Comédie Française et l'évolution des salaires et des revenus

au 18« siècle 57 5. La recette totale et les pièces à succès 61

6. La recette des petites loges 71

(6)

•ni La Comédie Française au 18* siècle

7. La recette de la Comédie Française et celle de la Comédie Italienne 73

8. Le prix des places 76 9. Conclusion 78 IV. — Les dépense« 79

1. Présentation des comptes 80 2. Les trais Journaliers 89 3. Evolution annuelle des dépenses 91

4. L'éclairage 97 5. Les salaires 102 V. — Le revenu des aoteure 111

1. Les vingt-trois parts d'acteurs (recette à l'entrée) 113 2. Le revenu total d'un acteur à part entière 115 3. Comparaison de la part totale avec le salaire du manœuvre 123

4. Les revenus d'Adrienne Lecouvreur à la Comédie Française et son niveau

de vie 129 CONCLUSION 133 ANNEXE STATISTIQUE 135

BIBLIOGRAPHIE 201 TABLE DES TABLEAUX 205 TABLE DES GRAPHIQUES 207

(7)

Adi'ii-mii' I . i : c o r v i i i : i n cu c o s t u m e (le ville.

Silura' : C.omédie l-'iancaise.

{¡'buio Studio llenri).

(8)

7'V.w/V.v/ </// «•»'/<• de l 'ailrse du Ihihnwitldtda (,>/»ed/e//

( C o m é d i e l ' i a n y a i s c ( l ' a y a d u ) . Source : B i b l i o t h è q u e d e l ' A r s e n a l . F o n d s H o n d e l .

(Photo ./. Colomb-Cérard).

(9)

Comédie Française ( 1 " étage).

Source : Bibliothèque ite l'Arsenal. Fonds Kondel.

(l'holà J. Colomb- (iérnrd).

(10)

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P a g e de c o m p t e s mensuels.

Source : Comédie F r a n ç a i s e .

(Photo Studio Henri|.

(11)

Préface

Dès ma jeunesse, la comédie française a pris pour moi un grand pres- tige. C'est pourquoi j'ai été heureux d'orienter vers elle, les travaux de Mlle Claude Alasseur.

Le point de départ de ces recherches se trouve dans nos études sur les prix.

Le théâtre est sans conteste un bon exemple des activités économiques « ter- tiaires », pour le double fait que l'on n'y produit ou transforme aucun objet matériel, et que le progrès technique n'y joue pas un râle prépondérant.

Ici, comme dans l'enseignement, dans l'art, dans la justice, l'homme agit directement sur l'homme ; il lui rend un service intellectuel par une repré- sentation immédiatement sensible.

Il s'agissait donc de savoir si le théâtre était plus ou moins cher au 18e siècle qu'aujourd'hui. Cela nous conduisit d'abord à rechercher les prix courants des places au 18e siècle. Mais qu'est-ce que la monnaie de Louis XV quant à la nôtre ? Que conclure du fait qu'en 1700 l'entrée au parterre coûtait 15 sous ?

La question prend un sens si l'on peut rapprocher ces prix des salaires ou plus généralement, des revenus de la même époque. Mais cela conduit à rechercher d'autres informations dans les mêmes grimoires...

Avec l'encouragement et les conseils de Mme Sylvie Chevalley conser- vateur des Archives de la Comédie Française, l'étude s'étendit ainsi pro- gressivement du tarif des places aux salaires du petit personnel, des figu- rants, des musiciens, à celui des acteurs, aux rétributions des pension-

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2 La Comidie Française au 18* tilde

naires, aux revenus des sociétaires. La recherche en vint peu à peu à dépouiller et à confronter, à travers tout le siècle, les principaux postes des documents comptables de la Comédie. Ceci ne pouvait être fait sérieusement, sans une étude technique des procédés comptables utilisés par l'administration du théâtre...

Mlle Alasseur fut ainsi amenée, non pas à faire une étude exhaustive dans cette séculaire comptabilité, ce qui, évidemment aurait été une entreprise sans issue prévisible, du moins à jeter les premières bases d'un tel examen, et à exhumer de ces milliers de pages les informations les plus frappantes.

Aussi le lecteur trouvera-t-il ici non seulement les relevés du prix des places de 1680 à 1793, mais une étude générale des recettes et des dépenses de la Comédie, au cours de ce premier siècle de son existence.

L'intérêt de ces recherches pour l'histoire du théâtre et pour l'histoire littéraire est évident ; on y trouve en effet non seulement le mouvement de l'intérêt du public pour le théâtre, mais la mesure des succès de chaque acteur, de chaque pièce, de chaque grand acteur.

Par exemple, on prendra ici conscience de la place croissante prise, au cours du siècle, par le théâtre, dans la vie parisienne ; on lira la liste des succès enregistrés de 1701 à 1772, avec le nombre de leurs représentations au cours du premier exercice, le nombre de spectateurs et la recette (le record est allé à Houdart de la Motte, suivi par la Touche) ; de même on pourra suivre les fluctuations des modes qui affectèrent Molière vers le milieu du siècle-

Mais, en comparant les recettes nouvelles aux salaires, aux revenus, aux prix des places, au prix du blé, l'auteur a relié l'histoire du théâtre à l'ensemble de l'histoire économique et sociale de ce siècle encore si mal connu. Pour la première fois se trouvent confrontées l'histoire des famines et celle des loisirs littéraires. Le lecteur sera, fe pense, étonné et passionné par ces éclairages que les comptes d'un théâtre donnent de la vie sociale, et qu'à l'inverse les événements économiques donnent de la vie du théâtre.

Par ailleurs, la description critique des procédés utilisés par les comptables de la Comédie intéressera les spécialistes, et fera comprendre le bien fondé du fameux procès intenté par Beaumarchais aux comédiens...

Avec l'auteur, je remercie tous ceux qui ont encouragé ces recherches, les ont améliorées par leur critique, ou aidées par leur propre travail ; au nom de Mme Sylvie Chevalley que fe viens de citer, je n'ajouterai ici que ceux de M. Ernest Labrousse, professeur d la Sorbonne, dont on peut dire qu'il est à la fois le fondateur et le plus grand spécialiste de l'histoire économique du 18e siècle, et de M. Paul Blanchard, bibliothécaire à la société des Auteurs qui a consacré un article du « Bulletin de la société des Auteurs et Composi- teurs Dramatiques » à cette étude et a ainsi hâté l'impression de ce livre.

Enfin, nos remerciements vont à notre collègue, M. Ruggiero Romano, directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes et à M. Fernand

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Préface 3

Braudel, Professeur au Collège de France et Président de l'Ecole, qui ont imprimé l'ouvrage dans la collection qu'ils dirigent.

J'ajoute que Mlle Alasseur prépare dès maintenant un second livre, auquel les mêmes archives servent de sources, sur le niveau de vie et le genre de vie des comédiens au 18e siècle ; nul doute que ce second et futur livre ne nous apporte autant d'informations originales et autant d'agrément que celui-ci. Ne sont-ce pas là les fécondes noces de la petite histoire et de la grande ?

Jean FOURASTIÉ.

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Introduction

Ce livre a pour origine une recherche dont l'objectif était limité : étudier le prix des places à la Comédie Française du 18e au 20e siècle >. Dès le premier contact avec les archives de la Comédie, il s'est révélé qu'il était possible de faire une étude beaucoup plus large, les documents étant très nombreux, au moins pour le 18e siècle. Notre recherche s'est donc poursuivie par une étude des revenus des comédiens, publiée dans Prix de Vente et Prix de Revient ». Mais, bientôt cette étude se révéla inséparable de celle de l'ensemble de la comptabilité du théâtre. C'est alors qu'avec l'aimable permission de l'Archiviste de la Comédie Française, Mme Chevalley, le projet s'est formé d'étudier en détail les registres comptables du 18e siècle.

Je dois remercier ici, tous ceux qui m'ont aidée de leurs conseils et de leurs remarques, mais surtout Mme Chevalley, et ses deux assistantes qui, malgré les difficultés matérielles que présentent pour elles l'accueil des lecteurs, m'ont toujours reçue avec bienveillance et ne m'ont pas ménagé leurs conseils ; elles ont de plus pris beaucoup de leur temps pour découvrir les documents intéressant ma recherche et souvent inédits.

1. Prix de Vente et Prix de Revient, Recherches sur l'évolution des prix en période de progris technique, sous la direction de M. Jean Fourastié, 10* série, Ed. Montchrestien.

2. Op. cit., 11« série.

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6 La Comédie Française au 18* tiiele

M. Blanchard, conservateur de la bibliothèque de la Société des Auteurs et Compositeurs m'a communiqué des documents très intéressants sur le théâtre italien et a éclairé des problèmes qui me restaient obscurs.

Je suis également redevable d'une aide très substantielle à mes collègues et camarades du laboratoire d'économétrie du Conservatoire des Arts et^ Métiers et surtout à son directeur, M. Fourastié qui m'a soutenue et~encouragée tout au long de cette étude après m'avoir appris à décou- vrir l'homme derrière les chiffres, apparemment austère, qui le décrivent pourtant de façon si évocatrice si l'on y regarde d'un peu plus près.

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C H A P I T R E PREMIER

Rappel général de la mentalité et des attitudes de la société vis-à-visdu théâtre,

au 18 e siècle, à Paris

La conception que la société du 18e siècle se faisait du théâtre a beaucoup évolué et dans le cours du siècle, et surtout, par rapport au siècle précédent.

Peu à peu, le théâtre se dégagea des dernières attaches qu'il avait conser- vées avec les bateleurs et les forains.

Àu cours du siècle, le théâtre prend forme : à la Comédie Française les règlements s'élaborent ; les théâtres de la Foire eux-mêmes deviennent sédentaires sous le nom des théâtres des boulevards. Lors de leurs visites à la Cour ou chez les particuliers, les acteurs trouveront désormais de vraies salles de théâtre, chose inconnue du 17e à de très rares exceptions près, même à Versailles. Les salles parisiennes ou provinciales s'adaptent peu à peu à leur fonction propre ; on ne joue plus dans un jeu de Paume ; les architectes pensent leurs plans en fonction de la destination de la salle.

Ces signes extérieurs sont l'expression d'un changement de mentalité.

Le théâtre peu à peu est considéré comme une institution sociale, alors qu'il était auparavant un épisode accidentel ; on cherche donc à l'entourer de fastes. Dans la haute société, tout le monde est passionné de théâtre, va au théâtre, fait du théâtre ; il faut donc rendre la chose facile et habi- tuelle et pour cela il est nécessaire d'avoir de bonnes salles et d'en avoir beaucoup.

Les acteurs n'échappent pas à cette faveur. Si le comédien est toujours frappé d'excommunication par le fait même qu'il monte sur la scène,

(18)

ô Mentalité et attitudes de la Socitti vis-à-vis du thiâtre

du moins entre-t-il peu à peu dans la société non seulement en tant qu' « amuseur », mais également en tant que personne. Il était de bon ton, dès le milieu du 18e siècle de fréquenter les acteurs, de les recevoir dans les salons, de jouer, même, la comédie avec eux. Le plus à la mode des théâtres privés est, peut-être, celui de la Guimard, danseuse de l'Opéra.

Cette évolution, il est nécessaire de la suivre dans toutes les couches de la société.

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1. Le roi et l'aristocratie.

La prospérité ou le déclin des théâtres dépendait en grande partie, au 18e siècle, de la faveur ou de la défaveur que la noblesse manifestait à son égard. Les gentilshommes de la Chambre du Roi avaient, en effet, la haute main sur tout ce qui regardait les théâtres et en particulier la Comédie Française. Il est donc assez naturel que l'histoire des rapports entre la haute société et le théâtre soit en réalité, l'histoire même du théâtre.

A la fin du règne de Louis XIV, les relations entre le théâtre et le pouvoir étaient plutôt mauvaises. Malgré l'intérêt que le Grand Roi manifestait auparavant pour celui-ci, il se laissa gagner par l'influence de Mme de Maintenon. Il semble que celle-ci travaillât à prouver à son époux que le théâtre était un foyer d'immoralité et que le plus grand service qu'il pouvait rendre à ses sujets était de leur supprimer cette occasion de perdition. Louis XIV vieillissant se laissa convaincre, et sans prendre les comédiens de front, leur créa toutes sortes de difficultés.

On peut penser que la réunion des troupes du Marais et de l'Hôtel de Bourgogne devait constituer une première difficulté. Il n'est pas impos- sible, en effet, que certains aient souhaité que cette réunion de deux troupes longtemps rivales provoque tant de dissensions internes que la Compagnie s'effondrerait d'elle-même. C'est en tous cas le résultat inverse qui fut obtenu, puisque le groupement des deux troupes fut, au contraire, l'occa- sion d'une grande prospérité pour la Comédie.

L'acte suivant ne fut nullement équivoque et porte de façon plus certaine la marque de Mme de Maintenon : le Roi chasse ses comédiens de la rue Guénégaud. Le 20 juin 1687, ceux-ci reçoivent de Louvois, l'ordre de déménager dans les trois mois. Nous reviendrons plus loin sur les péripéties de ce déménagement; qu'il suffise, pour l'instant, de savoir qu'il en résulta un endettement considérable pour la troupe. Là, les ennemis des comédiens avaient vu juste, car il s'en fallut de peu que la Comédie condamnée à se tirer d'affaire par ses propres moyens, ne soit contrainte de s'avouer vaincue. Seule la volonté de ses membres de sur- vivre à tout prix et l'esprit de corps qu'ils montrèrent à cette occasion,

Claude A L A S S E U R . 2

(20)

10 Mentalité et attitudes de la Société vis-à-vis du théâtre

groupés autour de La Grange et de Champmeslé, leur permit de surmonter les obstacles.

L'opposition de Louis XIV ne se manifestait pas seulement à l'égard de la Comédie Française. Les comédiens italiens eurent, eux aussi, maille à partir avec l'autorité. En 1697, ils mirent à l'affiche La Fausse Prude qu'on disait être une satire de Mme de Maintenon. Avant même que la pièce soit jouée, les comédiens étaient chassés de France. Tout le monde fut navré de ce départ.

Cette période, dure pour les comédiens et qui n'annonce pas du tout une ère prospère pour le théâtre, se termine avec la mort de Louis XIV.

La régence du duc d'Orléans apporte des compensations aux difficultés de l'époque précédente. Le Régent aimait le plaisir et les fêtes ; il rappela bientôt les comédiens italiens. Leur vogue fut cependant de courte durée.

On avait perdu l'habitude d'entendre l'italien, et bientôt il fallut jouer en Français.

C'est sous la Régence que l'Opéra essaya de renflouer ses finances en donnant des bals publics. Un grand plancher était placé au-dessus du parterre au niveau de la scène. Un orchestre à chaque extrémité ani- mait la danse. On pouvait soit danser, soit voir danser du haut des loges. Ces bals, donnés pendant le Carnaval, avaient un énorme succès dans toutes les classes de la société et le duc d'Orléans lui-même ne dédaignait pas d'y assister. Un jour un danseur lui cria « descends, Rcgent » et il s'cxccuta ; jusqu'à l'aube, il se mêla à la foule.

Cette époque est également relativement prospère pour la Comédie Française. La faveur du Régent se manifeste en faisant jouer les comé- diens deux fois par semaine au Palais Royal, domaine de l'Opéra. La haute aristocratie et même la famille royale viendra de temps en temps à la Comédie. Le plaisir ne faisait pourtant pas oublier au Régent ses devoirs de chef d'État; et comme il avait besoin d'argent, il taxa les comédiens. Louis XIV les avait déjà taxés du sixième de leur recette au profit des pauvres. La troupe avait purement et simplement trans- féré cette somme sur le prix des places. En 1716, le Régent perçut en plus le dixième des 5/6 restant au profit de l'Hôtel-Dieu. Ces taxes étaient lourdes.

En contrepartie, cependant, en 1753, Louis XV fit décorer le théâtre et en 1757 il aida la troupe à payer une dette de 480 000 Ll, somme très forte, puisqu'à cette époque un manœuvre ne gagnait que 250 L par an et que la Comédie n'avait encore jamais atteint un chiffre de recette annuelle aussi élevé. Il l'aida également à rétablir sa situation financière en l'autorisant à louer des loges à vie ou à l'année, ce qui fut la source de gros profits et de contestations sans nombre.

1. Monnaie de l'Ancien Régime (1 livre = 20 sous ; 1 sou = 12 deniers).

(21)

Le roi et l'aristocratie 11 Tout ce que la haute société du 18e siècle comprenait de grands person- nages vint à la Comédie Française. La duchesse de Berry y venait souvent et en grande pompe, puisqu'à la première représentation d'Œdipe on la vit sous un dais ; quatre de ses gardes étaient sur la scène, d'autres dans la salle et les comédiens lui offrirent l'hommage d'une salle exceptionnelle- ment éclairée. Le duc d'Orléans venait souvent au théâtre et on avait coutume de réserver une soirée à la Comédie Française à tous les souverains étrangers venant à Paris ainsi qu'à leurs représentants. Le théâtre était réputé dans toute l'Europe et personne ne pouvait rêver de distraction plus agréable. Les registres indiquent, souvent, la présence de grands personnages aux représentations.

On voit ainsi très nettement que la Comédie Française a eu deux périodes de prospérité séparées par une longue époque de marasme. La première période de prospérité, si l'on considère celle où la noblesse se presse au théâtre, va de 1680 à 1722 environ. Durant cette période, on note à plusieurs reprises la présence du duc d'Orléans et de sa fille, la duchesse de Berry, de la duchesse du Maine, du prince et de la princesse de Conti, de la duchesse de Bourgogne, du duc de Mantoue, de la duchesse de Bouil- lon et du comte de Ponchartrain. Lors de leur séjour à Paris, les envoyés turcs vinrent deux fois à la Comédie, les 13 et 25 juin 1706. On vit éga- lement au théâtre le duc de Bavière, l'héritier du trône d'Angleterre et le duc de Montera.

De 1757 et jusqu'à la Révolution, nouvelle période de prospérité.

1757 est également la date à laquelle Louis XV renfloue, nous l'avons vu, les finances des comédiens, ce qui n'est probablement pas une simple coïncidence. A cette époque, le jeune duc d'Orléans vint souvent à la Comédie ainsi que le duc et la duchesse de Chartres, le duc de Bourbon et le maréchal de Biron. On y vit également Christian VII, roi de Dane- mark. Cette période a ceci de caractéristique par rapport à la précédente, que les comédiens paraissent beaucoup plus souvent jouer au dehors.

On va à la Cour comme par le passé mais également dans des maisons comme celle de la duchesse de Mazarin, du duc de Duras (gentilhomme de la Chambre et l'un des trois « supérieurs » des comédiens), de la duchesse de Villeroy...

L'intérêt de la haute aristocratie pour le théâtre est donc évident.

Il allait même souvent plus loin que le simple intérêt intellectuel, puis- qu'on vit des personnes telle que Mme de Sauvigny prendre parti pour Mlle Clairon dans l'affaire Dubois. Cette affaire, dont on a beaucoup parlé et qu'on a peut-être exagérée, est pourtant significative. Dubois, médiocre acteur de la Comédie, était accusé de non-paiement de dettes.

Les comédiens et le maréchal de Richelieu décident de le mettre à la retraire avec 1 500 L de pension, ce qui était déjà une faveur, car il n'avait droit en réalité qu'à 1 000 L. Mlle Dubois, médiocre artiste mais fort jolie fille, sut alors tirer parti de la passion qu'elle avait inspirée au duc de Fronsac, fils du duc de Richelieu, pour faire réintégrer son père dans la

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12 Mentalité et attitudes de la Société ois-à-ois du théâtre

troupe. Lekain et Clairon menèrent la cabale et refusèrent de paraître sur la scène avec Dubois. La salle, habilement maniée par la jeune Dubois, prend parti contre Clairon, crie, trépigne, ne veut pas écouter la semainier qui propose une autre pièce. On fut obligé d'évacuer la salle. Cet incident se termina pour les comédiens au Fort l'Évêque, la prisôn des comédiens.

C'est alors que Mme de Sauvigny intervint : elle était si offusquée' de l'outrage fait à sa très chère amie Mlle Clairon, qu'elle tint à la conduire elle-même au Fort l'Évêque, dans sa propre voiture et sur ses genoux.

La suite fut conforme aux prémices : le tout Paris vint aider Clairon à supporter sa captivité, lui portant des meubles, des aliments et autres douceurs.

Pour significatifs que soient ces faits, ils ne sont que des marques sporadiques et souvent superficielles d'intérêt ; dans la réalité quotidienne, les comédiens durent subir les tracasseries des gentilshommes de la Cham- bre, leurs ordres et contre-ordres au sujet de l'admission et du renvoi d'un acteur, l'acceptation ou le refus d'une pièce, la prise de position à l'égard d'un conflit interne, et, ce qui les scandalisait le plus, le maintien de l'excommunication. Un grand seigneur qui ne dédaignait pas d'avoir un acteur pour ami prenait souvent occasion de lui rappeler durement son origine roturière.

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