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Référent de processus de formation à la Haute école de travail social à Genève (HETS) : une fonction d'accompagnement en tension

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Master

Reference

Référent de processus de formation à la Haute école de travail social à Genève (HETS) : une fonction d'accompagnement en tension

GIRARDIN, Alain

Abstract

L'accompagnement se développe. Sa pratique se multiplie. Les publications qui traitent de cette pratique sont nombreuses depuis maintenant plusieurs années. Pourtant, dans les institutions qui mettent sur pied ce dispositif, les prescriptions sont rares. Cette recherche a pour objectif de comprendre comment les accompagnants vivent leur activité, particulièrement en termes de relation avec les étudiants. Elle a pour cadre l'activité des référents de processus de formation (RPF) de la HETS. Suite à des entretiens avec des professionnels, les tensions qu'ils vivent au quotidien sont mises en évidence et analysées à l'aide d'éléments conceptuels en lien avec l'accompagnement, la reconnaissance, le don, la posture professionnelle et l'identité personnelle. La fonction d'accompagnement s'apprend, mais ne s'enseigne pas. Comment les accompagnants apprennent-ils cette activité? Cette recherche en apporte un éclairage en montrant les ressources et les références mobilisées par les professionnels pour définir leur fonction et leur pratique.

GIRARDIN, Alain. Référent de processus de formation à la Haute école de travail social à Genève (HETS) : une fonction d'accompagnement en tension. Master : Univ.

Genève, 2010

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:13240

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Référent de processus de formation à la Haute école de travail social à Genève (HETS) : une fonction d'accompagnement en tension.

MEMOIRE REALISE EN VUE DE L’OBTENTION DE LA

MAITRISE UNIVERSITAIRE EN SCIENCES DE L’EDUCATION ORIENTATION FORMATION DES ADULTES (FA)

PAR

Alain Girardin

DIRECTEUR DU MEMOIRE Laurence Türkal

JURY

Jean-Michel Baudouin Stéphane Castelli

GENEVE, août 2010

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’EDUCATION SECTION SCIENCES DE L’EDUCATION

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RESUME

L'accompagnement se développe. Sa pratique se multiplie. Les publications qui traitent de cette pratique sont nombreuses depuis maintenant plusieurs années. Pourtant, dans les institutions qui mettent sur pied ce dispositif, les prescriptions sont rares.

Cette recherche a pour objectif de comprendre comment les accompagnants vivent leur activité, particulièrement en termes de relation avec les étudiants. Elle a pour cadre l'activité des référents de processus de formation (RPF) de la HETS.

Suite à des entretiens avec des professionnels, les tensions qu'ils vivent au quotidien sont mises en évidence et analysées à l'aide d'éléments conceptuels en lien avec

l'accompagnement, la reconnaissance, le don, la posture professionnelle et l'identité personnelle.

La fonction d'accompagnement s'apprend, mais ne s'enseigne pas.

Comment les accompagnants apprennent-ils cette activité? Cette recherche en apporte un éclairage en montrant les ressources et les références mobilisées par les professionnels pour définir leur fonction et leur pratique.

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Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’éducation (FAPSE) Section Sciences de l’éducation

Orientation Formation des adultes (FA)

Référent de processus de formation à la Haute école de travail social à Genève (HETS) : une fonction d’accompagnement en tensions.

Mémoire de Master présenté par Alain Girardin

Directrice de mémoire :

Mme Laurence Türkal, chargée d’enseignement, FAPSE, Genève

Membres du jury:

M. Jean-Michel Baudouin, professeur adjoint, FAPSE, Genève M. Stéphane Castelli, adjoint scientifique HES, HETS, Genève

Genève, août 2010

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A la présence dans l’absence, au temps voulu.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à exprimer mes remerciements à :

Laurence Türkal, ma directrice de mémoire, qui m’a donné à vivre un accompagnement précieux et de qualité. C’est bon d’être si bien accompagné en travaillant sur le concept d’accompagnement.

Jean-Michel Baudouin, membre du jury, avec lequel je termine une boucle de sept années de parcours à l’université.

Stéphane Castelli, membre du jury, pour sa disponibilité et son expertise.

Caroline Dayer, pour la qualité de son enseignement et pour l’intérêt porté à ma recherche.

Letizia, Theresa, Viviane, Corinne et Thibault, mes collègues qui ont accepté de participer aux entretiens avec beaucoup de franchise et avec lesquels j’ai tant de plaisir à travailler.

Simon et Tania pour le partage des vertiges de la phase exploratoire.

Les étudiantes et étudiants du DUFA 2009 – 2011 pour m’avoir donné les premières bases de cette aventure.

André Longchamp, mon compagnon, pour sa belle patience, sa compréhension et son humour malgré mon indisponibilité, ma mauvaise humeur parfois et la trop grande place prise par ce mémoire dans notre quotidien. Avec lui, j’y suis arrivé.

Carmen et Denis Girardin, mes parents, pour leur présence à la fois solide et discrète.

Ivan Rougemont, mon ami, pour son soutien et sa confiance indéfectible en mes capacités. Il m’a donné l’envie et le courage de commencer mes études universitaires et l’énergie pour les poursuivre jusqu’au bout.

et aussi….

la plage de la Barceloneta, les falaises de Pen Men, la vallée du Drâa, les bords de la Neva, les îles de Kerkennah, la terrasse du Café du Marché à Paris, l’oasis de Midès, la maison de Claudine et Yvon à l’île de Groix, le château de Linderhof, la terrasse du Cul du Tonneau à Nantes, la caldeira de Santorin et tous les endroits – remplis de souvenirs et de personnes que j’aime - auxquels je pensais parfois, souvent, devant mon ordinateur.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

CHAPITRE 1

Cadre théorique 8

1. L’accompagnement 8

2. La socialité primaire et la socialité secondaire 14

3. La posture professionnelle et l’identité personnelle 16

4. La reconnaissance et le don 19

CHAPITRE 2

Epistémologie et méthodologie de la recherche 25

1. Questionnements et hypothèses 25

2. Démarche compréhensive et entretiens de recherche 25

3. Construction du canevas d’entretien 26

4. Personnes interviewées 28

5. Analyse 28

CHAPITRE 3

Analyse des données 30

1. Socialité primaire et socialité secondaire 30

2. Amour et loi 40

3. Posture professionnelle et identité personnelle 43

4. Référence professionnelle et référence scolaire 48

5. Individuel et collectif 53

6. Pouvoir et impuissance 58

7. Egalité et inégalité 60

8. Reconnaissance et anonymat 64

9. Accompagnement et ? 75

CHAPITRE 4

Synthèse 77

1. Retour sur les hypothèses et connaissances nouvelles 77

2. Limites 85

3. Mise en perspective 85

POSTFACE 87

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 88

ANNEXES 90

Les avis émis dans cette recherche n’engagent que leur auteur. L’orthographe épicène n’a

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INTRODUCTION

Tout a commencé par une invitation lancée au terme d’un débat sur le thème de l’insertion socioprofessionnelle organisé à la Maison de quartier de la Jonction à l’automne 2004 : « Est-ce que tu aurais un peu de disponibilité ? On cherche des conseillers aux études et je suis certaine que tu ferais ça très bien ! ».

J’ai tout de suite répondu par l’affirmative. Tout d’abord en raison de la sympathie et de l’estime que je porte à la chargée d’enseignement qui m’a fait cette proposition. Ensuite car la perspective de m’engager davantage à la Haute école de travail social de Genève (HETS1) me réjouissait particulièrement : j’y ai fait ma formation d’assistant social et j’ai toujours eu le souhait d’y travailler un jour. Enfin, sans vraiment connaître cette fonction de conseiller aux études, je pensais y trouver l’opportunité d’exercer une activité en lien avec ma formation pour l’obtention du Diplôme universitaire de formation des adultes (DUFA2) débutée en août 2003.

J’ai travaillé pendant 17 ans à l’association Réalise, entreprise d’insertion, qui propose à des adultes exclus de l’emploi un stage de remise au travail et de formation. Les différentes fonctions que j’ai occupées dans cette association m’ont amené à faire de l’accompagnement individuel de personnes en situation d’exclusion et également de donner des conférences, de participer à des débats et d’intervenir dans des cours, notamment à la HETS. C’est dans ce contexte que j’ai fait la connaissance de la chargée d’enseignement qui m’a lancé cette invitation à devenir conseiller aux études.

En février 2005, j’ai rencontré le groupe d’étudiants qui m’avait été confié. Ils étaient une quinzaine et débutaient leur quatrième semestre, qui correspond au début de la phase

« orientation » de la formation. En effet, le Bachelor en travail social s’obtient au terme de trois années, réparties sur trois semestres de formation générale et trois semestres selon la filière choisie (service social, éducation sociale ou animation socioculturelle3).

J’avais en ma possession le calendrier du semestre sur lequel figuraient les horaires et, en quelques lignes, les contenus pédagogiques qui devaient être développés en classe. J’ai également été informé qu’il fallait organiser des rencontres individuelles avec chaque étudiant, au minimum une fois par semestre.

La documentation sur cette fonction est quasiment inexistante. il n’est fait mention qu’une fois du conseiller aux études dans le Plan d’études cadre Bachelor de 2006, à la page 38 :

Conseil aux études

Partenariat avec des enseignants et d’autres étudiants, pratique réflexive de la formation

Enseignants, conseil aux études

1 Cette abréviation sera utilisée dans la suite du texte.

2 Cette abréviation sera utilisée dans la suite du texte.

3 Une présentation de l’organisation de cette formation est proposée en annexe.

(9)

Cette seule référence ne reflète que très partiellement les activités du conseiller aux études dont la nouvelle dénomination, depuis 2006, est référent de processus de formation (RPF4).

Les fonctions principales du RPF sont :

suivi individuel des étudiants (un forfait annuel d’heures est attribué)

co-évaluation avec les terrains des formations pratiques (deux périodes de 24 semaines au 3ème et au 6ème semestre)

enseignement sur des thèmes tels que : rapport au savoir, le métier d’étudiant, la méthodologie de projet et la pratique réflexive, dans des modules dénommés A1, module d’intégration 1 et module d’intégration 2.

Ces activités représentent un temps de travail d’environ 15%. La fonction de RPF est assumée par des chargés d’enseignement et par des chargés de cours de la HETS.

Cependant, depuis plusieurs années, la HETS est obligée d’avoir recours à des externes qu’elle engage, avec des contrats de vacataires, pour assurer uniquement cette fonction.

Lorsqu’une nouvelle volée d’étudiants commence son parcours de formation à la HETS elle est répartie en groupes d’environ 16 étudiants chacun. Chaque groupe est attribué, pour les trois ans, à un RPF. Selon les effectifs, il peut y avoir entre 8 et 9 groupes par volée.

Le groupe avec lequel j’ai débuté venait donc de terminer une période de formation pratique de presque six mois. Les objectifs des cours étaient de leur permettre de capitaliser leur récente expérience. Pour pallier à l’absence de prescription, j’ai pu utiliser le savoir- faire issu de ma pratique professionnelle dans le champ de l’insertion.

A la rentrée de septembre 2005, un deuxième groupe m’est proposé. J’accepte avec plaisir. J’aime cette fonction. Je me sens bien dans ce rôle. Pourtant, sans autre engagement à la HETS que celui de RPF, ma présence dans les locaux et les interactions avec mes collègues sont rares. Les réunions formelles avec eux le sont aussi.

Les premiers doutes apparaissent lorsque plusieurs étudiants rencontrent des difficultés, en particulier lors des formations pratiques. D’accompagnant du parcours de l’étudiant, j’endosse également la fonction de médiateur et de garant du cadre du site de formation. Puis les doutes font naître des questions : est-ce que je suis d’abord là pour

« défendre » l’étudiant ? Sur quoi est-ce que je peux me baser pour trancher lorsqu’il y a désaccord entre un praticien formateur (PF5) et moi pour la notation d’une période de formation pratique ? Suis-je toujours équitable ? Est-ce que je n’en fais pas trop pour certains parce qu’ils me sont sympathiques et parce que je suis convaincu de leur potentiel ?

J’ai eu plusieurs fois l’occasion de partager ces questionnements avec des collègues et j’ai pu constater que nous avions tous des difficultés à trouver des réponses satisfaisantes.

Cette recherche est née de ces interrogations. Elles s’articulent autour de la qualification du lien avec l’étudiant, de l’influence de ce lien sur l’accompagnement, de l’importante autonomie – pour ne pas dire solitude – du RPF, de l’égalité de traitement entre étudiants et de la difficulté liée à l’évaluation. A cela s’ajoute un questionnement autour de l’identité professionnelle de cette fonction.

4 Cette abréviation sera utilisée dans la suite du texte.

5 Cette abréviation sera utilisée dans la suite du texte. Le praticien formateur est un professionnel qui travaille dans une

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La phase exploratoire de la recherche débute lorsqu’il m’est demandé, au cours d’une journée de formation dans le cadre du module « accompagnement » du DUFA, de raconter une situation vécue en tant que RPF. Ce récit décrit la relation pédagogique avec un étudiant qui, au cours de sa dernière période de formation pratique, se voit licencié par l’institution, après quelques jours seulement, pour absences et retards. J’ai exposé les questions que je me suis posées et aussi mes inconforts et mes doutes. Suite à ce récit, les participants ont été invités à mettre en exergue, à travers cette situation, les tensions dans lesquelles je me suis trouvé en tant qu’accompagnant6 afin de m’aider à mieux comprendre cette situation et les raisons pour lesquelles je l’ai vécue avec si peu de sérénité.

Lors de la restitution des travaux effectués en sous-groupes, j’ai constaté avec étonnement la complexité de ce qui peut se jouer dans cette relation d’accompagnement. J’ai donc ressenti l’envie et le besoin d’analyser la manière dont les RPF vivent leur travail d’accompagnement et particulièrement la relation développée avec les étudiants.

Cette recherche propose tout d’abord un cadre théorique qui permet d’éclairer les premiers questionnements par des éléments conceptuels en lien avec l’accompagnement, les socialités primaire et secondaire, la posture professionnelle et l’identité personnelle. Ce premier chapitre se poursuit avec les concepts de reconnaissance et de don.

Le deuxième chapitre détaille la méthodologie utilisée pour mener ce travail, en particulier la conception du canevas d’entretien et de la grille d’analyse.

Il est suivi du chapitre d’analyse des données issues des entretiens de recherche.

Le dernier chapitre de synthèse générale opère un retour sur la question et les hypothèses de recherche, en mettant en exergue les connaissances nouvelles et les limites, avant de se conclure par une mise en perspective.

Enfin, une postface, les références bibliographiques et des annexes sont proposées.

6 Les résultats de ces travaux sont exposés dans le chapitre « Epistémologie et méthodologie » car ils ont été particulièrement utilisés comme des données lors de la phase exploratoire et dans le travail d’analyse.

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Chapitre 1

Cadre théorique

Pour parvenir à mieux préciser les interrogations et les questionnements initiaux, le cadre théorique proposé aborde les éléments conceptuels en lien avec l’accompagnement, les socialités primaire et secondaire ainsi que la posture professionnelle et l’identité personnelle.

Il développe ensuite les concepts de la reconnaissance et du don.

1.1 L’accompagnement

L’accompagnement est en vogue. N’étant plus cantonné à des pratiques médicales – l’accompagnement de fin de vie – religieuses – l’accompagnement spirituel – ou d’assistance – l’accompagnement social – il investit désormais d’autres sphères, parmi lesquelles, le champ de l’éducation et celui de la formation des adultes, notamment, mais pas uniquement, dans les formations en alternance. La démarche d’accompagnement est également désignée par d’autres termes et nous pouvons citer, de manière non exhaustive le coaching, le tutorat ou le mentorat.

La montée en puissance de l’accompagnement est mise en relation avec la disparition des intégrateurs historiques et le délitement du lien social qui peut être vu comme en étant une conséquence avec « l’avènement d’un nouvel individualisme qui signale moins un repli généralisé sur la vie privée que la montée de la norme d’autonomie […] » (Ehrenberg, 1995, p. 19). Davantage livré à lui-même et obligé à un fonctionnement autonome, l’individu ressent le besoin d’être accompagné pour ne plus être seul. La réponse à ce besoin est aujourd’hui donnée par des nouveaux professionnels ainsi que l’explique Pasquier (2001) :

« Cette situation d’anomie et de perte de légitimité des ‘grands intégrateurs’ que notre société traverse a généré des postures d’expertises qui peu à peu se sont professionnalisées pour devenir des tuteurs, médiateurs, parrains, accompagnateurs » (p. 52).

Ce double phénomène d’individuation et de recours à de nouveaux professionnels se retrouve également dans le champ de la formation des adultes où, même si les méthodes pédagogiques s’appuient sur le collectif et les dynamiques et ressources du groupe, les parcours sont liés aux spécificités et aux projets de chacun des membres du groupe, auxquels il sera proposé un accompagnement, comme un fil rouge, gage de cohérence. Car « dans un environnement de plus en plus chaotique et face à un avenir incertain, l’accompagnement va viser à faciliter le passage d’une transition à une autre » (Boutinet, 2007, p. 23). Cet accompagnement, que nous pouvons nommer accompagnement pédagogique dans ce contexte, acquière donc une légitimité de fait : comment contester que l’adulte ait besoin d’être suivi, soutenu, épaulé pour mener à bien son parcours de formation ? L’accompagnement est prévu dans les modalités pédagogiques proposées aux adultes, notamment ceux qui suivent une formation en alternance.

La montée en puissance de cette pratique est largement suivie par l’augmentation de la littérature spécialisée. Pourtant, dans les institutions où l’accompagnement est proposé aux étudiants, la documentation et les référentiels sont rares, parfois même absents.

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Alors que l’accompagnement « est historiquement et idéologiquement inscrit dans l’air du temps, cet apparent enthousiasme collectif qu’il suscite contraste avec le caractère peu défini de la pratique » (Paul, 2009, p. 614). En effet, les professionnels qui se voient confier ce rôle et cette fonction d’accompagnement n’ont que peu accès à des informations claires et des cahiers des charges élaborés. Ils doivent, par eux-mêmes et souvent de manière individuelle, inventer leur fonction d’accompagnant : « moins prescrit que construit, reconstruit, l’accompagnement se pose bien comme étant d’abord l’affaire d’une personne avec une ou plusieurs autres » (Demol, 2002, p. 133).

Prenons le temps pour tenter une définition de ce qu’accompagner signifie, d’abord au sens étymologique, puis dans l’interprétation et la complexification qui en sont faites par différents auteurs.

Au niveau de l’origine du verbe accompagner, Le Bouëdec (2001) et Paul (2009) s’accordent à dire qu’il est issu des mots ac-cum-pagnis ce qui en donnerait la signification de partager quelque chose avec quelqu’un en allant ensemble vers quelque chose : pagnis signifiant le pain comme une valeur symbolique de partage, cum signifie avec et ac signifie vers. Apparaît alors cette double dimension de l’accompagnement qui pourrait en faire sa définition et même une base en l’absence de laquelle nous ne saurions parler d’accompagnement, à savoir « être avec » et « aller vers ». Il s’agit bien ici d’une double posture qui est tout à la fois relationnelle – être avec quelqu’un – et opérationnelle – pour aller vers quelque chose.

Dans cette acception pourtant, l’objet de l’accompagnement se confond avec l’accompagné, il est contenu en lui puisque la fonction de l’accompagnant est d’aller avec l’accompagné vers une destination. L’objectif de la démarche d’accompagnement étant de parvenir – ou de faire parvenir – à cette destination, l’objet de l’accompagnement est donc, a minima, contenu à l’intérieur de la personne accompagnée pour ne pas dire que l’objet se trouve être la personne elle-même. Ainsi que Paul (2004) l’expose, une des pratiques de l’accompagnement est :

une action orientée paradoxalement sans but final : accompagner est savoir qu’une chose est possible tout en ignorant où, quand et comment cette chose adviendra.[…]

Cette action intentionnelle est dirigée vers des fins co-consenties, visant un changement des rapports sociaux personne/environnement ». (p.113)

Même s’il est dit qu’une « chose » est possible, elle ne désigne pas un objet disjoint de la personne elle-même et de son identité puisque la finalité entraînera une modification des rapports de cette personne avec son environnement. En cela, la formation en alternance est une bonne illustration : si l’objet peut être le diplôme, ou plus précisément, l’obtention de celui-ci, nous voyons bien que la finalité de l’accompagnement est de permettre à l’étudiant d’entrer dans un collectif de professionnels, donc de pairs, en possession de la même certification que lui, et d’amorcer dès lors des rapports sociaux d’une nature nouvellement égalitaire. Le rapport social du formé avec son environnement se modifie. Le processus d’obtention du diplôme est un processus de changement identitaire, de production d’une nouvelle identité dont le titre ne représente qu’une preuve socialement reconnue. Sans cette preuve, l’entrée dans le collectif des pairs est impossible, mais, sans la professionnalité, la preuve seule ne peut suffire pour tenir et être reconnu par ce même collectif.

Ce parcours de professionnalisation met en évidence une différence fondamentale entre l’enseignant et l’accompagnant qui va opérer « le déplacement d’une attitude de transmission/réception à celle de compréhension/mobilisation qui place la personne en

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position d’exploration et de réflexivité » (Paul, 2004, p. 112). Cette nouvelle posture est possible si d’autres déplacements ont précédemment eu lieu. Paul (2004) en expose quatre.

En premier lieu, nous évoquons le déplacement de la personne accompagnée d’une posture d’objet à celle d’une triple posture tout à la fois de sujet, auteur et acteur. L’étudiant, qui est ici la personne accompagnée, est le sujet de l’accompagnement, il en est la raison d’être. Il est également auteur, car c’est de lui que provient la matière dont se nourrit l’accompagnement. Enfin, l’accompagné est acteur car il détient un pouvoir d’action et d’inaction de même qu’il peut décider de l’importance de son engagement dans l’accompagnement. Ce triple rôle, assumé par l’accompagné, met le RPF dans une situation de dépendance beaucoup plus forte que celle qu’il vit dans le cadre de son activité d’enseignant, activité qui constitue la majorité de son temps de travail.

Le second déplacement est celui d’une activité qui vise la résolution de problèmes à une activité qui construit des processus ouverts et interactifs les uns avec les autres. Comme nous l’avons vu plus haut, même si l’objectif de l’accompagnement est ici que l’étudiant obtienne son diplôme, cet objectif n’est pas le centre de l’action, il en est la finalité, ou, pour reprendre le terme mentionné, le problème à résoudre. Et, pour parvenir à cette situation envisagée du problème résolu, il s’agit pour l’accompagnant d’ouvrir des processus de développement, d’émancipation et de découvertes, qui vont se nourrir les uns et les autres et produire, chez l’étudiant, les changements nécessaires et utiles à l’obtention de son diplôme, à la résolution de son « problème ».

Pour le professionnel, et c’est le troisième changement présenté par Paul (2004), cette action de constructions de processus ouverts et interactifs le fait passer d’une position d’expert à une position de mise à disposition de ressources. C’est en utilisant et en mobilisant les ressources proposées par l’accompagnant que l’étudiant peut construire, pour lui-même et par lui-même, sa propre expertise.

Enfin, le quatrième et dernier déplacement proposé est de passer d’une action qui vise l’obtention de résultats à un processus, certes orienté vers la réalisation d’un projet, mais susceptible de produire de l’inattendu.

A la lecture des quatre changements présentés, nous nous apercevons que la professionnalité, le rôle et la fonction de l’accompagnant sont questionnés et troublent les rapports habituels qui régissent les relations codifiées dans une institution de formation entre l’enseignant et l’enseigné.

Quelle est donc cette fonction d’accompagnement et comment se construit-elle, s’apprend-elle ? Pour Le Bouëdec (2001), l’accompagnement ne peut être enseigné :

Disons-le d’emblée, l’accompagnement est un art, pas une science : on l’apprend par la pratique, par ajustements successifs. C’est aussi, sans doute, un don ou un charisme, et non pas d’abord le fruit d’un effort personnel. Art et charisme, l’accompagnement ne peut donc s’enseigner, même si on doit en préciser les contours, définir les rôles à remplir et les qualités requises, tout comme on doit décliner les compétences générales (connaissances, savoir-faire et savoir-être) qui sont le terreau sur lequel va fructifier le charisme et s’affiner la pratique. (p. 17)

Même si d’autres auteurs dessinent les contours de la fonction d’accompagnement, nous y reviendrons, la question de la construction de l’identité et de la position du professionnel et de l’enseignement de cette fonction est sujette à discussion.

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L’utilisation par Le Bouëdec de termes comme « don » ou « charisme » a une résonance toute particulière dans le champ du travail social où les professionnels, tant de la formation que ceux du terrain, ont dû se débarrasser d’une représentation liée à une vocation et à une inclinaison naturelle, seuls éléments réellement nécessaires pour l’exercice de ce travail. A quoi bon former les travailleurs sociaux, puisque ces prédispositions sont suffisantes et qu’elles ne peuvent pas s’apprendre? Et nous ne pouvons pas nous interdire de penser que la surreprésentation des femmes dans les métiers du social et dans la fonction7 d’accompagnement, renforce ce postulat du don et de l’inné sur lesquels il n’y pas de prise possible.

Paul (2004) nous parle d’une impression de fragilité vécue par les professionnels et provoquée, en premier lieu, par la nature de leur travail qui oblige à un changement de logique :

Il en résulte une fragilité de l’identité professionnelle puisque les formateurs, qui n’ont pas de contenus spécifiques à transmettre, ne savent plus sur quoi se fondent leurs compétences professionnelles et donc leur identité. Le positionnement du formateur ne s’inscrit plus ‘dans une logique linéaire de transmission’ mais ‘dans une logique spirale de formation et d’accompagnement’. (p. 89)

A cette notion de fragilité, Türkal (2010) va ajouter celle de flou en citant Boutinet (2007) :

« La professionnalité en jeu demeure floue, le statut bien incertain et mal défini au regard de ce que furent voici quelques décennies leurs équivalents professionnels à la posture plus affirmée, qu’il s’agisse du formateur, du thérapeute ou du conseiller » (p. 7). Ce peu de visibilité est abordé par Le Bouëdec (2001) qui parle d’une « posture discrète et de service » (p. 17) et renforcé par Türkal (2010) qui introduit la notion d’invisibilité : « Institutionnalisée ou pas, la fonction accompagnement demeure, dans le réel de ses pratiques, peu ou prou visible. […] cette invisibilité entraîne un déficit de reconnaissance à la fois de l’action et de ses agents » (p. 6).

Il est intéressant dès lors de relever ici que les tentatives de définition de l’accompagnement se font en creux, c’est-à-dire en précisant ce qu’il n’est pas, notamment en le comparant à des métiers stabilisés et reconnus (les figures du formateur et de l’enseignant sont souvent convoquées), à défaut de pouvoir dire ce qu’il est. Ainsi, Boutinet (2007), aborde cette définition en s’appuyant sur la nature de la relation entre l’accompagné et l’accompagnant :

Penser l’accompagnement, c’est donc penser la relation d’accompagnement, cette relation faite d’une quasi-horizontalité entre deux personnes au statut voisin – la personne qui est accompagnée, la personne qui accompagne. En cela la relation d’accompagnement diffère de relations plus hiérarchiques comme la relation pédagogique, la relation thérapeutique ou la relation d’évaluation professionnelle.

(p. 6)

L’idée est même évoquée que le professionnel doit presque s’effacer devant l’accompagnant pour que celui-ci puisse exister :

La fonction d’accompagnement interpelle le professionnel par l’implication qu’elle requiert : c’est en tant que personne qu’il s’engage à vivre l’intensité de cette situation relationnelle. […] Accompagner apparaît donc comme un processus complexe, chargé affectivement, imposant une élucidation de sa relation à autrui, réflexion et

7 Nous avons pris l’option de parler d’une fonction d’accompagnement et pas d’un métier d’accompagnant. Cette décision est prise en tenant compte du contexte de cette recherche où RPF est dénommé comme une fonction. Par ailleurs le débat entre métier et fonction, certainement passionnant, n’est pas l’objet de notre travail.

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distanciation sur sa pratique, implication et engagement, distance et proximité – et où

‘donner le meilleur de soi-même’ ne relève d’aucun apprentissage connu comme tel.

(Paul, 2004, p. 99)

Nous retrouvons ici l’idée développée plus haut par Le Bouëdec que l’enseignement de la fonction d’accompagnement n’est pas possible. Elle s’apprend, mais ne s’enseigne pas.

Résumons-nous. Peu définie et peu enseignée, la fonction d’accompagnement dessine ses contours par petites touches assises souvent sur des valeurs fortes, par des métaphores de positionnement et également par l’exposé des contraires. Le Bouëdec (2001) expose ces postures dans une tension entre la modestie et l’essentiel : « Posture modeste, donc ; à côté de ; de mise en valeur d’un autre ou d’autre chose ; de service ; de retrait, d’ombre, de second plan ; posture essentielle pourtant » (p. 24).

A la position d’être « à côté de », Paul (2009) en ajoute deux autres tout en intégrant celle de Le Bouëdec :

Que disent les synonymes les plus proches ? Conduire, guider et escorter signifient accompagner quelqu’un mais, pour le premier, en prenant la tête du mouvement, pour le second en montrant le chemin et pour le troisième en le protégeant. Qu’il s’agisse de se tenir à côté de l’autre comme éveilleur, éclaireur ou protecteur, la relation y est toujours première. (p. 621)

Nous sommes donc en possession de trois postures physiques de l’accompagnant : être derrière pour soutenir l’accompagné, être à côté de lui pour sécuriser son parcours et être devant pour lui indiquer la direction à prendre. La fonction d’accompagnant serait d’être tour à tour dans ces trois postures au gré des étapes de l’accompagnement. Il est dès lors intéressant de mettre en rapport ces trois postures « être derrière », « être à côté » et « être devant », avec les trois catégories définies par Stahl (2001) : « Nous pouvons discerner trois types de ‘places’ ou catégories de registres ou positions possibles de l’accompagnant : les registres de l’écoute, […] les registres de l’analyse, […] les registres de l’influence […] » (p.

104). Le registre de l’écoute serait celui du soutien en étant derrière, le registre de l’analyse celui de la sécurisation en étant à côté et enfin le registre de l’influence serait celui du devant en indiquant la direction à prendre.

Il s’agit dès lors de passer d’une expertise liée à un métier, à une multiplicité de postures, de registres différents et de méthodes différentes :

Créer les conditions favorables suppose effectivement de renoncer à une expertise technique pour une expertise que l’on peut qualifier de méthodologique au sens littéral du terme : permettre d’entrevoir la diversité des chemins qui sont susceptibles de conduire la personne à ce vers quoi elle tend sans le savoir elle-même ! (Paul, 2004, p. 100)

En stabilisant ces différentes postures, nous abordons la question de l’adaptabilité de l’accompagnant à l’accompagné et celle de la difficulté d’être à la juste place au bon moment, en sachant distinguer les besoins de l’accompagné et les besoins des processus nécessaires au changement souhaité ou imposé, changement qui est à la base de la relation entre le professionnel et l’étudiant. Car, si toutes ces interrogations et ces difficultés de définir ce qu’est la fonction d’accompagnement existent, c’est également parce que les visées et les objectifs du travail d’accompagnement ne sont pas aisés à stabiliser.

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Fustier8 (2000) pose bien cette difficulté de déterminer ce qu’accompagner veut dire et quel est l’aboutissement et le résultat de l’accompagnement : « Accompagner au quotidien, c’est accompagner la question de l’énigme d’autrui, c’est-à-dire essentiellement ne pas en donner réponse qui étoufferait la question » (p. 119). Cette idée que la réponse est bien moins importante que la question et le cheminement est reprise par Du Crest (2001) : « Mais on ne peut pas parler d’accompagnement si l’on attend un résultat précis, défini à l’avance dans le temps et le contenu » (p. 95). Cela ne peut que questionner les professionnels qui accompagnent, dans le contexte de cette recherche, des étudiants vers l’obtention de leur diplôme en travail social. L’objectif est clairement posé, ainsi que les délais pour y parvenir.

Ne serions-nous alors pas dans l’accompagnement tel que nous avons tenté de le définir ainsi ? Il est intéressant de reprendre les mots de Stahl (2001) :

Le formateur qui pratique l’accompagnement met sous ce mot beaucoup d’attitudes qui n’en relèvent pas vraiment : dans le cadre d’une relation en tête-à-tête, entre le formateur-accompagnateur et le formé-accompagné (ou prétendu accompagné), il se situe plus souvent en situation de formation, de conseil, qu’en situation réelle d’accompagnement […]. (p. 99)

Cet apport est intéressant à plus d’un titre. Tout d’abord parce qu’il donne encore davantage de complexité à notre sujet : non seulement il est difficile de définir l’accompagnement, de comprendre ses méthodes et ses postures et d’en cerner les objectifs, mais il apparaît également qu’être accompagnant c’est également adopter des postures d’autres professionnels selon les moments. Ce qui peut signifier, à l’inverse, que d’autres professionnels peuvent, selon leurs activités, se positionner très clairement dans un rôle et une fonction d’accompagnement, sans être vraiment dans ces activités spécifiques à l’accompagnement.

Cet apport est également intéressant, parce qu’il nous oblige à bien se mettre d’accord sur les conditions qui nous permettent d’affirmer que nous sommes, à ce moment-là, dans une démarche d’accompagnement. Mais alors, qu’est-ce que l’accompagnement ?

Nous pouvons nous appuyer sur Paul (2009) pour tenter une définition commune qui permette de reconnaître l’accompagnement : « Il résulte que tout accompagnement œuvre à trois visées : socialisation, autonomisation et individualisation » (p. 615). Et, au niveau du travail d’accompagnement, la même auteure : « Il y a, fondamentalement, une structure profonde, identique et constitutive de toutes les formes d’accompagnement : la double dimension relationnelle et opérationnelle » (p. 635).

La dimension opérationnelle représente ici les différentes postures que nous avons mises en exergue plus haut dans le texte et la dimension relationnelle est, bien entendu, la relation vécue entre l’accompagnant et l’accompagné. Dans ces deux dimensions vont se vivre des tensions entre le directif et le semi-directif, entre la norme et la singularité et aussi entre le contenant et le contenu. Cela illustre l’ancrage de la relation située tout à la fois dans la socialité secondaire, dont le contenant est le cadre de l’institution et dans la socialité primaire, dont le contenu est l’interaction entre les deux personnes.

C’est de cette relation vécue entre l’accompagnant et l’accompagné qu’il sera question dans le prochain chapitre sur la socialité primaire et la socialité secondaire. Car, sans la rencontre, sans la présence, il n’y a pas de relation possible, et, sans relation, il n’y a pas

8Il s’agit de préciser que les travaux de Fustier, dont il est fait référence ici, ont pour terrain l’éducation spécialisée et que les personnes accueillies sont décrites comme étant affectivement carencées. Néanmoins, une fois cette précision apportée, les concepts développés par Fustier nous semblent pertinents dans le cadre de cette recherche.

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d’accompagnement possible. Ce qui se joue et ce qui se vit entre l’accompagné et l’accompagnant est complètement constitutif du travail d’accompagnement.

1.2 La socialité primaire et la socialité secondaire

La socialité primaire recouvre les liens, plus ou moins spontanés, entre des individus au sein d’une communauté ou d’un espace donnés. Ces liens mettent en jeu des personnes et non pas des fonctions professionnelles. La médiatisation de la relation ne passe pas par le statut. Nous sommes ici dans des échanges non-marchands.

La socialité secondaire concerne les rapports ou les échanges, de types marchands et souvent contractuels, qui s’établissent entre des professionnels. Ce ne sont pas les personnes qui sont en jeu, ce sont leurs fonctions. Ainsi que Paul (2004) l’expose :

Ce qui se passe à l’intérieur d’une institution (en tant que communauté) relèverait de l’échange par le don (soit d’une socialité primaire) alors que ce qu’elle donne à voir d’elle-même pour l’extérieur relèverait de l’échange économique (soit d’une socialité secondaire). (p. 16)

Même si nous avons constaté, dans le chapitre précédent, les difficultés pour définir la fonction d’accompagnant, la manière dont cette fonction s’apprend et quels sont les contours de celle-ci, nous relevons qu’un consensus se dégage autour du rôle central de la relation entre l’accompagnant et l’accompagné. En l’absence de ce lien, rien n’est évidemment possible.

Mais de quelle nature est-il et dans quels espaces se construit-il ? Fustier (2000) nous aide à entrer dans ce questionnement :

Du côté de l’observateur, un lien d’accompagnement relève de deux variables : un échange contractuel (en provenance d’une socialité secondaire) et un échange par le don (en provenance d’une socialité primaire). Un lien d’accompagnement particulier est plus ou moins saturé par chacune de ces deux variables. (p. 115)

L’échange contractuel, en ce qui concerne le cadre institutionnel de notre recherche, c’est le cahier de charge négocié entre l’institution et l’accompagnant qui se voit attribuer un certain nombre d’heures, pour lesquelles il est rémunéré pour son travail de RPF. Nous sommes là dans la socialité secondaire. Cet aspect contractuel est également présent entre le RPF et l’étudiant qui, tous les deux, même s’ils ne le souhaitent pas, doivent effectuer des activités imposées par ce dispositif. Pourtant, la relation d’accompagnement, pour permettre l’échange indispensable à sa réalisation, ne peut se limiter à ce cadre strictement contractuel. En disparaissant, cette relation basée dans la socialité secondaire fait place à un échange par le don qui lui s’inscrit de fait dans la socialité primaire. A ce moment, bien qu’il perdure une asymétrie liée aux fonctions différentes entre le RPF et l’étudiant, il advient une parité de nature par cette relation développée entre deux personnes.

Néanmoins, c’est bien parce que ce cadre institutionnel est présent, qu’il peut être enlevé. Türkal (2010) développe cette idée en évoquant une analogie avec l’écran de cinéma :

Ce dont il est question là, d’abord, c’est du regard dans son rapport au visible.

Schlanger (1983) fait une analogie très parlante entre le regard et l’écran de cinéma, chacun constituant un support qui permet de regarder la réalité ou un film d’une certaine manière. A l’instar de l’écran que l’on ne voit plus lorsque le film se déroule, les conventions qui construisent le regard disparaissent devant la réalité qui se joue devant lui. (p. 4-5)

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L’accompagnant s’appuie sur les supports institutionnels – le cadre – dont il a besoin pour exister et dont il est également le garant du respect. S’il n’y pas d’écran, le film ne pourra être vu. Et, partant de ce cadre, il entre dans la relation d’accompagnement – le film se déroule – alors, à l’instar de l’écran, le cadre institutionnel disparaît et tout se joue alors dans la socialité primaire. Au final, mieux le cadre est posé, plus la liberté dont dispose l’accompagnant est grande.

Est-ce si simple et si systématique que cela ? N’existe-t-il pas une relation d’accompagnement qui s’inscrive uniquement dans un rapport entre un « professionnel- accompagnant » et un « professionnel-étudiant-accompagné » en restant dans une socialité secondaire cadrée par le contexte institutionnel ? Et, questionnement consécutif aux deux précédents, qui décide, provoque, permet ou empêche l’ancrage de la relation d’accompagnement dans la socialité primaire ?

Fustier (2000) nous éclaire en précisant la notion d’interprétation déjà évoquée dans l’extrait retranscrit plus haut en ajoutant :

Figure ambiguë, il [le professionnel] est organisé par les personnes prises en charge à la fois comme un réceptacle pour l’imaginaire et comme un individu pesant son propre poids de réalité psychique et sociale. Ainsi ses actes pourront-ils être interprétés comme s’inscrivant dans la norme de l’emploi ou dans l’échange par le don, sans que l’une de ces modalités ne devienne exclusive. (p. 128)

Pour illustrer son propos, Fustier prend, dans son même ouvrage, l’exemple des réactions possibles d’un patient face aux actes d’un soignant. Le patient peut considérer que la qualité des soins lui est prodiguée parce que le soignant fait son travail. Celui-ci exécute ce que son employeur et son client (le patient) sont en droit d’attendre de lui en fonction de son contrat salarial. Nous sommes ici dans une relation de socialité secondaire. A contrario, dans la même situation et face aux mêmes soins prodigués par le même professionnel, le patient peut considérer que ces actes lui sont adressés en tant que personne et non pas en tant que patient et que le professionnel, par l’attention qu’il lui porte, agit en tant que personne également.

Nous sommes ici dans le registre du don, emblématique de la socialité primaire.

Nous voyons par cet exemple que la personne accompagnée, par son interprétation des actes et de l’attitude de l’accompagnant, va tantôt vivre cette relation dans la socialité primaire, tantôt dans la socialité secondaire. Fustier (2000) précise cette notion d’interprétation par l’accompagné et ce qu’elle peut produire :

L’interprétation a valeur performative : qu’elle soit ‘objectivement’ vraie ou fausse, elle a toujours une puissance de création, elle génère ce qu’elle croit seulement repérer, elle produit du lien ou de l’absence de lien. L’interlocuteur (le professionnel) n’est pas le même pour la personne prise en charge selon que celle-ci considère ce qu’il fait comme relevant du don ou du contrat de travail ; donc le lien qui se noue n’est pas identique, ‘affectif’ ou ‘fonctionnel’, banal ou d’importance…. (p. 117) Mais est-ce donc seulement l’accompagné qui, par ses interprétations, a la faculté de placer la relation dans l’une ou l’autre des socialités ou est-ce que le professionnel a aussi sa part d’influence ?

Paul (2004) expose que c’est la relation même nécessaire à l’accompagnement qui véhicule et engendre cette limite ténue entre ces deux socialités :

Au passage, l’idée d’accompagnement ne peut pas éviter d’être entre le fer et l’enclume, à savoir entre le souci de l’autre – quel que soit le nom qu’on lui donne (solidarité, entraide, protection…) – et les instances du pouvoir qui l’utilisent à leurs

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propres fins. Tensions encore pour une notion qui procède du bénévolat (et donc du don de soi) vers la professionnalisation (et l’implication de soi). (p. 18)

Interprétations du côté de l’accompagné, tensions génératrices de flou du côté de l’accompagnant, il semble que la relation ne peut s’inscrire de manière univoque et définitive dans l’une ou l’autre des socialités, ce d’autant que Fustier (2000) explique « que toutes les fois que les professionnels font appel à du privé qui s’introduit dans le travail d’accompagnement, ils favorisent une interprétation par le don chez la personne qui en bénéficie » (p. 96). Il poursuit en indiquant que la manifestation de certaines émotions qui rendent visibles les affects est également déchiffrée par les accompagnés comme étant un indice d’un intérêt privé porté à l’accompagné par le professionnel, de même que le simple fait que le professionnel lui parle de sa famille.

Même si les professionnels parviennent à se prémunir d’apporter des éléments affectifs, émotionnels ou qui relèvent de leur vie privée, il apparaît clairement que l’accompagnement est tout à la fois et en même temps dans la socialité primaire et dans la socialité secondaire. Le Bouëdec (2002) précise ce double ancrage : « L’accompagnement se fait toujours à l’occasion d’une fonction d’autorité, donc au sein d’une institution aux finalités, aux valeurs et aux critères de celle-ci. Mais si la fonction d’autorité est de type institutionnel, l’accompagnement est nécessairement de type personnel » (p.18).

La question de la professionnalité est donc mise à jour. Si la relation d’accompagnement oscille entre une socialité tantôt primaire et tantôt secondaire, qu’en est-il alors de l’identité professionnelle de l’accompagnant ? Qui est-il, quel est son statut dans cette relation ?

1.3 La posture professionnelle et l’identité personnelle

Comme nous le constatons, cette tentative de définition de l’accompagnement apporte beaucoup d’interrogations et ajoute encore du flou sur une pratique déjà très peu documentée et explicitée par les institutions de formation qui la dispensent. Appuyons-nous pourtant sur le postulat de Paul (2004) en introduction à ce chapitre sur la posture professionnelle et l’identité personnelle de l’accompagnant :

Si certaines conditions sont impérativement requises pour que l’on puisse parler d’accompagnement, l’une d’elles est majeure : la posture du professionnel. La seconde : la reconnaissance et la conviction que la personne est capable de changer et d’évoluer constituent la base déontologique de l’accompagnement. (p. 100)

Cette posture est celle de la formation des adultes : toute personne dispose de compétences et de potentialités pour changer et transformer sa situation autant qu’elle-même.

On retrouve d’ailleurs chez Cifali (1997) cette affirmation que rien n’est possible sans la prise en compte des capacités de l’accompagné :

On ne peut être présent que si l’on prend intérêt à ce que l’on vit, si « l’autre » de la relation nous importe malgré qu’il ne nous est rien, sinon professionnellement : on ne le considère pas comme un objet, mais comme un sujet vivant capable de parole.

(p. 126)

Il est intéressant de relever que cette auteure affirme à la fois que l’autre ne nous est rien sinon professionnellement (illustration d’une relation inscrite dans la socialité secondaire) tout en relevant qu’il est nécessaire que l’autre nous importe, sous entendu, l’autre dans sa globalité (relation qui se vit plutôt dans une socialité primaire). Et Cifali poursuit, dans le

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même ouvrage, en précisant que l’accompagnement est un « processus cognitif de prise d’information et un processus affectif de participation à la globalité de la situation » (p. 134).

La posture professionnelle évoquée plus haut nécessite indéniablement la capacité à être dans une relation, mais « une question parmi d’autres est de savoir de quelle nature relève la relation : fusionnelle, distanciatrice ou intégratrice (Lerbet-Séréni, 1997) ? » (Demol, 2002, p.141). Est-ce en trouvant la réponse à cette question que nous saurons dire de quoi doit est faite cette posture professionnelle de l’accompagnant ?

Paul (2009) explique que l’accompagnement, par le rapport d’être humain qu’il implique, est autre chose qu’un dispositif de résolution de problèmes. Elle complète son propos en exposant quelques attitudes entrant dans la posture professionnelle de l’accompagnant :

La plupart des ‘ingrédients’ conceptuels sont déjà réunis : l’idée de l’accompagnement comme accouchement, du professionnel comme maïeuticien, d’une pratique soutenue par la narrativité (histoire et projet) et l’ouverture des choix, centrée sur la personne (le

‘s’éduquant’), sur le respect mutuel et la coopération. (Paul, 2004, p. 14)

Nous trouvons ici la posture du passeur déjà évoquée. L’accompagnant est donc celui qui permet de passer d’une situation à une autre (la métaphore de l’accouchement), d’ouvrir des possibles en étant centré sur la personne et sur ce qu’elle dit. La parole, tout comme chez Cifali citée plus haut, est un ingrédient essentiel dont le professionnel doit permettre l’expression et la libération.

Cette affirmation de la nécessité d’avoir accès à la parole de l’accompagné est encore soulignée par Du Crest (2001) : « Dans l’accompagnement, la parole vient prioritairement (mais non exclusivement bien sûr) de l’accompagné » (p. 91). Et cela fait écho avec les compétences nécessaires et utiles à l’accompagnant élaborées par Paul (2004) : « C’est là une des caractéristiques de l’accompagnement que de devoir aller à la rencontre de l’autre afin de le chercher là où il se trouve. L’une des fonctions de l’accompagnement est d’aider à repérer, élucider, formuler la demande » (p. 128).

A nouveau est présente cette nécessité de permettre la mise en mots pour que le travail d’accompagnement, basé d’abord sur la relation, puisse s’effectuer. Nous évoquons ici des outils professionnels et des techniques car la capacité de re-donner à l’autre le pouvoir d’expliquer, de dire et d’expliciter relève d’une compétence qui s’apprend et qui s’exerce. Au travers de cette nécessaire circulation de la parole, nous pouvons saisir un aspect de cette posture professionnelle qui, dans la relation d’accompagnement, ne sera pas forcément vue par l’accompagné comme une compétence professionnelle affirmée, mais peut-être comme la manifestation d’un intérêt particulier à son égard.

Pour le dire autrement, l’écoute active et les techniques de reformulation ainsi que l’empathie nécessaire à leur mise en œuvre ne seront pas forcément interprétées par l’étudiant comme l’apanage d’un bon professionnel mais comme l’attitude de quelqu’un qui l’apprécie et qui a de l’intérêt pour lui en tant que personne. Fustier (2000) nous propose une synthèse de cette situation peu stabilisée vécue par l’accompagnant :

Dès lors la position du professionnel doit être de tolérer pour son propre compte l’ambiguïté de sa position. Il doit maintenir ensemble et accepter d’être à la fois créé (par l’imaginaire des personnes prises en charge) et trouvé (ayant une réalité propre, une identité qui résiste à n’être que le dépositaire de fantasmes). […] Il s’agit pour lui de produire des actes professionnels stabilisés, indépendants de la personne, qui sont

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dans le trouvé (déterminés par son cadre de travail et par son contrat salarial), tout en acceptant que des personnes accueillies déposent en lui, par l’intermédiaire de l’interprétation par le don, des productions imaginaires, qui ne sont pas de lui mais leur appartiennent, et s’apparentent peut-être au transfert. (p. 136)

Cela pose question : pour être un bon professionnel de l’accompagnement, peut-on, ou pas, aimer les personnes que l’on accompagne ? Fustier parle de ce que l’accompagné peut construire comme sentiment à l’égard de l’accompagnant. Mais qu’en est-il des sentiments ressentis par le RPF pour les étudiants ?

L’accompagnant est tout à la fois construit et aussi affecté par l’autre, l’accompagné, et construit par lui-même. Il en découle alors naturellement que la définition de la posture professionnelle de l’accompagnant est en lien fort et direct avec la personnalité de l’accompagné et même davantage avec la nature affective du lien développé. Ce qui peut signifier que cette posture est à chaque fois réinventée en fonction, non seulement de cet autre de la relation, mais également de la relation elle-même. N’y a-t-il donc aucune constance qui pourrait se retrouver dans chaque relation d’accompagnement quels qu’en soient les protagonistes et la qualité relationnelle ? Boutinet (2007) utilise le contre-pied d’une métaphore familiale pour décrire ce que pourrait être cette permanence dans le rôle et la posture de l’accompagnant :

Si l’enseignant générationnellement parlant se comportait en père vis-à-vis de son élève, l’accompagnateur n’est finalement aujourd’hui qu’un aîné dans l’une ou l’autre expertise, un pair aîné qui fait route avec un plus jeune démuni de cette expertise, l’un et l’autre cherchant l’un par l’autre à conforter leur autonomie en diminuant leur état de dépendance. (p. 33)

Nous retrouvons l’idée du cheminement et de faire route ensemble à laquelle s’ajoute la quête de l’autonomie qui délimite l’aboutissement de l’accompagnement, mais la question de l’affectivité est seulement présente par l’évocation du père et de l’aîné. Cette dimension de l’amour dans la relation d’accompagnement sera présente dans le chapitre d’analyse.

Néanmoins, il est tout de même intéressant de relever chez Boutinet la précision que l’autonomie et la dépendance sont présentes chez les deux partenaires de la relation d’accompagnement. La centralité de la relation est à nouveau évoquée, non pas comme étant la finalité du travail d’accompagnement mais la condition incontournable de sa réalisation :

« la relation n’est pas l’objet de l’accompagnement : elle n’en est que la condition » (Paul, 2004, p. 105).

Récapitulons. La posture professionnelle de l’accompagnant requiert la capacité à créer une relation qui permette une mise en route, la transition d’un état à un autre et la prise d’autonomie de l’accompagné dans un domaine d’expertise donné. Cette posture demande l’instauration d’une proximité forte avec l’accompagné tout en gardant une distance nécessaire pour ne pas entrer dans une confusion qui fait de la relation une finalité et pas un moyen. L’objectif de l’accompagnement, ce n’est pas la relation, c’est un projet, un changement désiré ou l’obtention d’un diplôme par exemple. En ne gardant pas très clairement à l’esprit cette finalité, il y a un risque d’engendrer une situation qui empêche l’accompagnant de tenir sa place : « il n’y a pas d’accompagnement neutre. La question est donc ‘comment utiliser tout ce que je suis, mes compétences, mon histoire, pour accompagner l’autre sans me mettre à sa place ?’ » (Stahl, 2001, p. 104).

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Ce risque de prendre la place de l’accompagné par le biais d’une relation peut-être trop proche et certainement alors trop éloignée du contexte institutionnel dans lequel elle s’inscrit est relativisé par Cifali (1997) :

Comme si l’on se mettait simplement au service de l’autre, en gommant tous les enjeux normatifs de nos professions, tout en faisant comme si l’essentiel étant dans une relation duelle et que les forces extérieures, les forces sociales n’exerçaient aucun champ d’influence. (p. 139)

L’accompagnant, proche et distant de l’accompagné, lié et indépendant par rapport à son employeur tout en étant attentif et prudent aux échos que la relation lui fait vivre, doit adopter une posture professionnelle spécifique. Elle est constituée de réajustements permanents, d’une oscillation continue entre équilibre et déséquilibre, d’une utilisation simultanée de savoirs d’expertise et de compétences relationnelles. Une posture professionnelle dont le manque de définition en est peut-être la caractéristique la plus précise.

Fustier (2000) apporte un éclairage intéressant sur l’importance de pouvoir asseoir une pratique sur une professionnalité définie par un cahier de charge (nommée professionnalité niveau un) pour permettre le développement d’un second niveau de professionnalité (métaprofessionnalité) nécessaire pour appréhender par exemple des situations inattendues par exemple :

Ceci nous amène à considérer qu’il y a deux niveaux de professionnalité : une

‘professionnalité niveau un’ qui est définie par le contrat de travail et les actes qu’il suppose, une ‘professionnalité niveau deux’ que nous nommerons plutôt

‘métaprofessionnalité’, et qui comprend la professionnalité, niveau un, tout en la débordant. Une métaprofessionnalité rend le professionnel capable de laisser venir, de contenir et de mettre au travail des situations qui sont hors ‘professionnalité niveau un’ : il s’agit de leur donner du sens […]. (p. 133)

Dans le contexte de cette recherche, la professionnalité niveau un n’est ni stabilisée, ni partagée entre les professionnels.

Alors, pour développer sa métaprofessionnalité, nécessaire à sa fonction d’accompagnement, le RPF va utiliser ses outils et les développer seul, en profitant de la marge de manœuvre à sa disposition ; avec le risque important de devenir vraiment invisible.

Cette grande part laissée à l’autonomie, à l’ingéniosité et la personnalité est utile et nécessaire à un professionnel qui doit s’adapter à des situations à chaque fois nouvelles et différentes. Mais si le professionnel de l’accompagnement lui-même ne parvient pas à dire précisément quel est l’objet de son travail et quelle est sa professionnalité, comment et vers qui trouvera-t-il l’approbation, la félicitation, la reconnaissance ?

1.4 La reconnaissance et le don

Abordons cette question de la reconnaissance en nous basant sur le concept de socialité primaire et secondaire exposé plus haut. Le professionnel, qui exerce une fonction d’accompagnement, bénéficie d’une reconnaissance de son travail par le contrat qui le lie à l’institution et par le salaire qu’il perçoit pour les tâches effectuées. Dans ce contexte de socialité secondaire, il existe donc une reconnaissance, mais elle est liée à la fonction et non directement à la personne qui l’exerce. En effet, tout professionnel d’une institution donnée aura la même reconnaissance officielle par le biais de son cahier de charge et de sa rémunération.

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Qu’en est-il de la reconnaissance de son travail, de la qualité et de l’utilité de celui-ci ? Nous pouvons raisonnablement penser que c’est auprès des bénéficiaires de son activité que l’accompagnant cherche et souhaite trouver des marques de reconnaissance car elles représentent l’avantage d’être exprimées par ceux-là même qui le voient à l’œuvre. C’est du moins le postulat de Fustier (2000) lorsqu’il écrit : « On peut penser que le professionnel attend de sa pratique un certain nombre d’apports narcissiques. Son ‘client’ aurait en charge de les lui fournir, au travers de satisfaction ou d’admiration » (p. 93).

Pour appréhender justement ces propos il est utile de rappeler que, par sa nature, la relation d’accompagnement se vit, tout ou partie du moins, sur le registre de la socialité primaire où « les personnes sont plus directement en cause, les rôles et les fonctions tendent à perdre leur importance » (Fustier, 2000, p. 11). Ceci peut expliquer l’utilisation ci-dessus du terme ‘narcissique’ car la reconnaissance, dans la socialité primaire, passe par le jugement sur les actes et aussi sur la personne. Un retour, qui valorise l’image de soi, est attendu. Et Stahl (2001) nous rappelle que cette attente ne se trouve pas uniquement chez l’accompagnant : « la personne en formation n’est pas forcément elle-même en attente d’un accompagnement. Mais elle est, comme tout un chacun, en attente d’être reconnue, et cette reconnaissance passe aussi par le fait d’être écoutée » (p. 114).

Les deux partenaires de cette relation d’accompagnement sont en attente de reconnaissance l’un de l’autre, l’un par l’autre. En reprenant la théorisation de la reconnaissance développée par Honneth (2000) suite à ses travaux, nous pouvons distinguer :

• le modèle préjuridique, situé dans les relations affectives et dont le produit est la confiance en soi. C’est la sphère de l’amour et des liens qui unissent les personnes. Il s’agit d’une proximité affective dans un groupe plutôt restreint. Pour obtenir la confiance en soi du modèle préjuridique il est nécessaire que les relations entre les personnes soient solides et que la réciprocité soit fluide. L’échange est fondamental dans cette sphère. L’absence de cette reconnaissance provoque un repli de la personne sur elle-même et l’empêche de se construire une vie sociale épanouissante ;

• le modèle juridique, situé dans l’universalité humaine et dont le produit est le respect de soi. C’est la sphère de la citoyenneté entendue comme la reconnaissance donnée à un être humain d’être membre de la société humaine. Le respect de soi est apporté par la reconnaissance des droits et des devoirs de la personne, qui lui procure la capacité de développer une autonomie pour pouvoir agir ;

• et, pour terminer, le modèle de solidarité, situé dans les rapports des membres de la société entre eux et dont le produit est l’estime de soi. En étant reconnu comme un être singulier, doté de qualités et de compétences qui lui sont propres, la personne aura conscience de sa valeur. Elle aura un rapport valorisant avec elle-même. Ce rapport valorisant est particulièrement nécessaire pour permettre à un adulte d’appréhender des apprentissages nouveaux.

En appliquant ces trois modèles à notre recherche, nous pouvons situer la relation de l’accompagnant à l’institut de formation dans le modèle de solidarité. L’accompagnant attend la reconnaissance de ces qualités professionnelles et va en retirer l’estime de lui-même.

Quand cette reconnaissance fait défaut, les professionnels vont dire se sentir peu considérés, inexistants ou inutiles et leur estime va diminuer.

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