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MES-RIDS NO117, Vol. 1, avril-juin 2021 www.mesrids.org

LA SURVIVANCE DU PRINCIPE DE LA GESTION MARITALE EN PRESENCE DU PRINCIPE DE

L’EGALITE DES EPOUX EN DROIT POSITIF CONGOLAIS

par

Jean-Claude TSHIBANGU MWAMBA

Professeur Associé

Iris MASSA GAFUTSHI et KADIMA NTEKESHA

Assistants

Faculté de Droit, Université de Kinshasa

RESUME

Le but de la présente étude est de faire observer au législateur congolais l’ambigüité législative constatée dans la lecture combinée de la loi n°87-010 portant code de la famille d’Août 1987 et de la loi n°16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°87-010, en matière des pouvoirs domestiques des époux.

En même temps dans la nouvelle loi (n°16/008), le législateur congolais consacre le principe d’égalité des époux, il maintient certaines règles de l’ancienne loi (n°87-010) qui placent le mari dans une situation prépondérante par rapport à son épouse, mettant ainsi en mal le principe d’égalité consacré.

Nous lui suggérons de faire un choix législatif conséquent en tenant compte d’une part de la conception africaine en générale et congolaise en particulier de la famille, et d’autre part de l’évolution des sociétés.

INTRODUCTION

« Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois »,1 stipule l'article 12 de la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11 /002 du 20 janvier 2011 ; cette évidence juridique nous parait contradictoire avec certaines règles du mariage en droit congolais.

En raison du mariage, la femme mariée perd certains de ses droits au profit de son mari. Cette situation s'explique par le fait que le mariage en droit congolais est basé sur ses propres principes, au nombre desquels il est prévu le principe de la gestion maritale qui est un pouvoir exclusif du mari dans le ménage.

Au constat de ce paradoxe sus-évoqué, il s'avère indispensable de confronter le principe de la gestion maritale et le celui de l'égalité des

1Article 12 de la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 Janvier 2011 portant révision de quelques articles de la constitution, in journal officiel, numéro spécial du 5 février 2011.

époux afin d'en tirer les conséquences qui permettront d'éclairer ces perceptions.

I. Définitions des termes clés

1.1. Notions du mariage 1.1.1. Définition

D'après l'article 330, du code de la famille, le mariage est un acte civil, public et solennel par lequel un homme et une femme qui ne sont engagés ni l'un ni l'autre dans les liens d'un précèdent mariage enregistré établissent entre eux une union légale et durable dont les conditions de formation, les effets et la dissolution sont déterminés par la loi.2

1.2. Conditions de formation

Pour sa formation, le mariage requiert, d'une part les conditions de fond et d'autre part, les conditions de forme.

1.2.1. Conditions de fond

S'agissant des conditions de fond il faut souligner que le code de la famille distingue trois types de conditions de fonds à savoir : le consentement des futurs époux de contracter mariage, la capacité des futurs époux de contracter mariage et le versement de la dot. La doctrine va plus loin en dégageant dans les conditions de fond celles positives d'une part et celles négatives.3

- Conditions de fonds positives : ces conditions sont de deux sortes d'une part, les conditions naturelles d'aptitude, le consentement des époux y compris celui conditionnelle des parents et la dot d'autre part ;

- Conditions de fonds négatives : ces conditions visent les empêchements au mariage, elles se regroupent en trois (art 353 à 355 CF), la parenté ou l'alliance, le délai de viduité et le mariage antérieur non dissous.

1.2.2. Conditions de forme

Les conditions de forme du mariage concernent les cérémonies qui entourent le mariage, celui-ci étant un acte social ; il faut donc qu'il soit entouré d'une certaine solennité.

Ces conditions se trouvent énumérées au sein de l'article 368 du code de la famille, qui distingue deux types de mariage, notamment le mariage célébré en famille selon les formalités prescrites par les coutumes d'une part, dans ce cas l'officier de l'état civil, est tenu d'enregistrer le mariage et d'en dresser acte ; et le mariage célébré par l'officier de l'état civil selon les formalités prescrites par la loi d'autre part.

2Article 330 Code de la Famille.

M.E.S., Numéro 117, Vol. 2, Avril-Juin 2021 https://www.mesrids.org

Dépôt légal : MR 3.02103.57117 Mise en ligne le 18 janvier 2022

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1.2. Notions de régime matrimonial

1.2.1. Définition

Le régime matrimonial est l'ensemble des règles qui régissent les effets patrimoniaux du mariage, dans les rapports des époux entre eux d'une part, et avec les tiers d'autre part. Ces règles visent essentiellement la gestion des biens des époux, les économies du ménage, le règlement du passif, c'est-à-dire le sort des biens des époux durant le régime et à la dissolution de celui-ci.4

1.2.2. Sortes

D’une façon générale, nous avons les régimes séparatistes et les régimes communautaires. Ainsi, la loi limite à trois le nombre des régimes matrimoniaux, à savoir :

- le régime de séparation des biens ;

- le régime de communauté réduite aux acquêts

- le régime de la communauté universelle (article 487 CF)5.

1.3. Notions de gestion 1.3.1. En Droit des sociétés

En droit de sociétés, parler de la gestion, renvoie à l'administration d'une affaire sociétale. Ainsi, dans toute société commerciale, il existe toujours une sorte de gestion ; à ce titre, les sociétés commerciales et même en quelque sorte les associations civiles, disposent des organes de gestion, lesquels assurent la bonne marche de la société. Ces organes sont composés des administrateurs ou des gérants chargés principalement à administrer ou gérer les affaires sociétales.

1.3.2. En droit du mariage

Le code de la famille ne définit pas clairement la notion de gestion, en son article 490 il se contente d'énumérer tout simplement les types des pouvoirs que comporte ladite gestion ; mais au sens de droit du mariage, la gestion maritale suppose l'administration du patrimoine familial.

1.4. Notions d'Egalité 1.4.1. Sur le plan général

D'une manière générale, l'égalité est un principe constitutionnel qui vise le traitement de tous les êtres humains d'une même façon devant la loi.

La constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11 /002 du 20 janvier 2011, consacre l'égalité de tous dans ses articles 11 et 12.

Dans l’entreprise, elle désigne l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes en termes d’accès à l’emploi, à la formation, à la mobilité et à la promotion ou en termes d’égalité salariale.

1.4.2. En droit du mariage

5 Article 478 du code de la famille.

En droit du mariage, l'égalité suppose une répartition équitable des pouvoirs et des charges.6

1.5. Notions de la femme

La femme désigne l’être humain de sexe féminin ; le terme s’emploie généralement quand il s’agit d’une adulte. La femme est réputée pour être plus sensible et plus pacifique que l’homme. La femme signifie aussi « épouse, qui est mariée à l’homme ».

Justification

L'égalité de tous, partant de celle des époux, constitue un des droits fondamentaux consacrés par diverses législations dans le monde.

Face à cette évidence législative, il s'avère important de ne pas faire abstraction de la conception de la société congolaise qui reconnait au mari, un pouvoir exclusif, faisant de lui chef du ménage ; ce constat sociologique n'est pas sans conséquence sur le législateur congolais qui a consacré la gestion maritale engendrant implicitement une inégalité entre les époux.

Certes, à l'ère actuelle, le droit connait une énorme évolution dans les domaines beaucoup plus diversifiés de la vie juridique, en l'occurrence celui des droits humains, particulièrement dans celui de la promotion de l'égalité entre l'homme et la femme à tous les niveaux, que l'on désigne généralement sous l'expression « promotion du genre ».

En effet, cette évidence juridique quoiqu'affirmée ; ilse constate par ailleurs que ce souci contemporain d'égaliser ou de mettre juridiquement l'homme et la femme sur un même pied d'égalité est sans issue semble-t-il dans l'esprit du législateur du code de la famille qui a consacré en matière de gestion de biens des époux, le principe de la gestion maritale engendrant ainsi une situation prépondérante du mari par rapport à son épouse.

Partant de ce paradoxe législatif, les questions suivantes s'avèrent importantes d'être posées à ce niveau : pourquoi le législateur congolais admet-il cette inégalité juridique des époux, quant à la gestion de leurs biens, dès lors que l'égalité entre l'homme et la femme demeure un des droits fondamentaux reconnus à tous les êtres humains ? Cette inégalité ne-t-elle pas une entorse au principe d'égalité consacré à l'article 12 de la constitution du 18 février 2006?

Lorsque le législateur parle d’égalité entre l’homme et la femme, il la veut au sein de la société globale (société humaine) ou de la société spéciale (le ménage) ?

Faisant suite à la problématique relevée ci- haut, il convient de noter que, dans le souci de mettre la loi en conformité avec la tradition congolaise et africaine en générale, qui tendent à considérer le mari comme le chef de la famille, le législateur congolais s'engage dans la même voie en accentuant l'inégalité juridique des époux, aussi bien dans leur communauté de vie en générale, que dans leur communauté de biens en particulier.

Au regard de droit du mariage, cette inégalité des époux dans la gestion de leurs biens est fondée dès lors que celui-ci organise dans l'intérêt de la famille et de l'ordre public, des règles favorisant le mari

6E. MWANZO IDIN’AMIYE, L’égalité des époux en droit congolais de la famille, Thèse doctorale, UCL, Louvain-la-Neuve, 2009, p.345 inédit.

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et plaçant la femme mariée dans une situation de collaboration juridique fonctionnelle dans le souci de consolider l'unité et la stabilité du ménage. Ce genre de règles, notamment la gestion maritale (art. 490 CF), l’autorité domestique (art.712 CF) ne violent en rien le principe de l'égalité des époux dans le mariage, car ce dernier est une institution spéciale qui exige pour son bon fonctionnement une hiérarchisation fonctionnelle. La situation matrimoniale de la femme devra être comprise sous les angles fonctionnel et institutionnel.

II. FONDEMENT DES PRINCIPES DE LA

GESTION MARITALE ET DE L'EGALITE DES EPOUX

2.1. FONDEMENT DU PRINCIPE DE LA GESTION MARITALE

2.1.1. Fondement Sociologique

En effet, tout remonte de la tradition africaine où on constate que depuis plusieurs époques, l'image du masculin, plus précisément du mari, a toujours été au centre de la vie familiale. Cette situation s'explique par le fait que la plupart des sociétés africaines consacre le système patriarcal comme un mode d'organisation de la famille au sommet de laquelle le mari est investi comme chef de celle-ci.

Cette réalité sociologique africaine n’est pas sans conséquence en République Démocratiques du Congo où la coutume congolaise consacre dans son essence le patriarcat comme un régime d'organisation familiale.

Il faut noter que dans ce régime, le mari exerce une pleine et prépondérante autorité dans l’association conjugale. Il détient le pouvoir exclusif en sa qualité de chef de famille tant dans la communauté de vie des époux que dans la communauté de biens époux.

Il est réputé à ce titre comme le seul seigneur et maitre absolu des biens de la communauté. Selon Depage, il pouvait à son gré perdre les biens sans être comptable de qui que ce soit, tuer par brutalité ses chevaux et d'autres animaux dépendant de la communauté sans être comptable vis à vis de sa femme.7

Cette perception sociologique d'organisation de la famille conduit sans doute à se rendre compte à quel niveau les sociétés africaines traditionnelles, en général, et congolaise, en particulier, consacrent sans ambigüité le privilège de masculinité dans le mariage.

Considérant cet état des choses, il faut cependant noter que du point de vue purement social, la main mise exclusive du mari sur les biens de la communauté conjugale apparait justifiée au regard de la femme mariée, car celle-ci voit en cela une norme sociale ;8une vérité supérieure à laquelle elle adhère librement. Au-delà de cet impact traditionnel patriarcal qui influe sur les rapports des époux dans le mariage africain en générale et congolais en particulier, il faut reconnaitre également que le mariage dans les sociétés bantou est une grâce pour la femme, un facteur d'ascension sociale.9

7H. DEPAGE, Traité élémentaire de Droit civil belge : les régimes matrimoniaux, Tome 1, vol. Bruxelles bruyant. p.469.

8E. DURKHEIM, L'éducation morale, paris, P.U.F, 1963, p.76.

On peut comprendre cet état des choses à travers ces adages congolais, les quels à plus d'un titre traduisent la supériorité du mari et son importance pour la femme : « lokumuyamuasimponamobali », ce qui signifie littéralement que : la femme n'a de valeur que si elle a un mari ; « linzanzalibonga na langi, muasiabonga na mobali » ; ce qui veut dire : comme un récipient raillé resplendit grâce à la peinture, une femme trouve tous ses éclats quand elle trouve un mari.

Nous pouvons, au regard de ces évidences sociologiques, déduire que le mariage, dans les traditions congolaises, est un fait qui consiste à honorer la femme et à lui accorder une place dans la société.

Cependant les questions en rapport avec la gestion des biens des époux sont absurdes dans un contexte pareil, car il est évident que c'est le mari qui prend la femme en mariage, c'est à lui et lui seul de gérer son foyer, la femme faisant partie.

En définitive, il y a lieu de souligner que la prépondérance du mari, dans la gestion des biens de l'association conjugale, relève de la culture patriarcale adoptée par une certaine coutume dominante congolaise ayant un sens d'unité et d'indivisibilité de la famille.

Toutefois, dans sa perception sociologique, le principe de la gestion maritale signifie tout simplement la limitation de pouvoir d'agir de la femme mariée dans l'association conjugale. Seul le mari fixe le train de vie du ménage, en concertation avec sa femme.

2.1.2. Fondement juridique.

Considérée par certains auteurs comme un véritable lieu d'élaboration des règles de droit, il sied de reconnaitre que la coutume a inévitablement pût jouer le rôle inspirateur du législateur congolais dans le domaine de la famille. En effet, il va sans dire que la prééminence du mari dans l'association conjugale n'est pas seulement un plagiat du code civil livre I, hérité de la colonisation comme le prétend une certaine tendance, mais également elle est l'héritage du mode d'organisation traditionnelle de la famille africaine.10

Ce faisant, remarquons tout de suite qu'avec le code de la famille, le traitement différencié dont la femme a fait l'objet dans le mariage traditionnel tel que nous l'avons relevé dans les analyses précédentes, n'a pas été abandonné par le législateur congolais qui, à l'instar de la tradition, place les époux dans les rapports hiérarchiques.

Cet état des choses se justifie de la lecture de l'article 444 al.1 du code de la famille, aux termes duquel le code déclare que : « le mari est le chef de ménage ».

En sa qualité de chef du ménage, le mari conserve sur le plan moral, la direction du ménage, et sur le plan juridique, le pouvoir de gestion et de décision, en concertation avec son épouse.

Aux termes des articles 443 et 700 du code de la famille, le ménage désigne « les époux, les enfants non mariés à charge ainsi que tous ceux envers qui les époux sont tenus d'une obligation alimentaire, à condition que ces derniers soient inscrits au livret de ménage ». Le ménage ainsi défini, constitue l'étendue du pouvoir marital au sein de laquelle le mari exerce son autorité.

9 E. DURKHEIM, Du droit africain bantou, télé esprit éd, Rome, 2004, p.373.

10 E. MWANZO IDIN'AMINYE, Op.cit. p.347.

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Comme nous l'avons précédemment souligné, la qualité de chef de ménage confère au mari, sur le plan moral, la direction du ménage, et sur le plan matériel, le pouvoir de gestion et de décision. C'est ce qui ressort des articles 444 alinéa 1, 490, 520 alinéa 1 et 712 du code de la famille. Par conséquent, le mari devrait conserver de ce point de vue sur, le pouvoir d'autoriser sa femme d'agir sur la scène juridique. Supprimer le principe d’autorisation maritale, et en même temps maintenant les articles ci-dessus, c’est entretenir une contradiction législative.

Somme toute, il est important de souligner que la prépondérance du mari dans l'association conjugale est une réalité aussi bien sociale que juridique dans la mesure où elle devra apparaitre en droit congolais comme un gage d'union et d'harmonie de la famille. Etant inspirés par la coutume et la tradition, les rédacteurs du code de la famille, doivent avoir de façon permanente à l'esprit, la défense, la protection, ainsi que la cohésion de la famille, cellule de base de la société.

2.2. FONDEMENT DU PRINCIPE DE L'EGALITE DES EPOUX

2.2.1. Fondement Sociologique

Plus de deux décennies, après l'entrée en vigueur du code de la famille, et sous la pression des nécessités sociales et économiques actuelles, on constate que la situation de la femme congolaise a évolué et semble ne plus cadrer avec la position adoptée par le législateur.

On assiste peu à peu à une remise en cause des « contraintes traditionnelles qui pèsent de manière spécifique ou préférentielle sur les femmes » ; cette conception des choses s'explique par le fait que la femme moderne se différencie énormément de la femme traditionnelle dans presque tous les domaines de la vie, tant économique, social, culturel que politique.

Aujourd'hui, la femme n’est plus non seulement cantonnée aux travaux ménagers dans son foyer comme c'était à l'époque, elle travaille de plus en plus en dehors de celui-ci ; ce qui entraine évidement des profonds changements dans le chef de la femme moderne. Dans le même sens, une certaine doctrine soutient que les comportements des femmes évoluent autant que la société congolaise s'ouvre. Sous cette perspective, elle estime que les femmes remplissent, tant sur le plan social que familial, des fonctions traditionnelles réservées aux hommes, elles sont devenues, note-t- elle au même rang que leurs partenaires masculins, responsables de la substance et du maintien de la famille.

Toujours, au regard de cette réalité sociale, certaines autres sources doctrinales féministes, estiment que l'évolution actuelle des mœurs et de la société congolaise militent en faveur de la suppression de discriminations contenues dans le code de la famille et de l'affirmation de l'égalité entre les époux ; l'égalité dans leurs rapports personnels, comme dans leurs rapports avec leurs enfants et dans leurs rapports patrimoniaux.

11Article 1 paragraphe3, Charte des Nations Unies.

12Article 2, pacte international relatif aux droits civils et politiques.

2.2.2. Fondement juridique

Jetant un regard analytique sur l'ensemble des systèmes juridiques actuels dans le monde en général, on constate que le principe d'égalité des individus, partant des époux, occupe une bonne place : on trouve l'affirmation du principe d'égalité dans bon nombre d'instruments tant internationaux que régionaux et nationaux.

Au plan international, il faut rappeler que l'égalité pour les femmes a constitué un des objectifs des travaux de l'organisation des Nations Unies dès sa fondation en 1945, et la création en 1946 d'un organe spécifiquement chargé de s'occuper des questions concernant les femmes, la commission de la condition féminine, témoigne du souci de cette organisation d'œuvrer pour l'égalité des droits des hommes et de femmes.

Aussi, le paragraphe 3 de l'article 1er de sa charte précise-t-il d'ailleurs que l'objectif poursuivi par l'organisation est de favoriser le respect des droits de l'homme « pour tous sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion ».11

L'article 2 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,12recommande aux Etats de garantir sur l'ensemble de leur territoire les droits reconnus dans le pacte « sans distinction aucune

».

L'article 26 de ce même pacte prévoit en outre que : « Toutes les personnes sont égales devant la loi et ont droit sans distinction à une égale protection ... ». Les articles 2 et 7 de la Déclaration universelle des droits de l'homme consacrent également le principe d'égalité des sexes.

Toujours au niveau international, plus importante est la convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, conclue en décembre 1979. Au plan africain, il y a lieu de citer l'article 2 de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples qui consacre également le principe d'égalité. Au niveau national en fin, le principe d'égalité des sexes est affirmé à l'article 12 de la constitution du 18 février 2006 : « Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

Sur le plan national, il a paru nécessaire d’adapter le code de la famille aux innovations apportées par la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée à ce jour et la loi n°15/013 du 1er août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité.

Eu égard à l'analyse faite ci-dessus, il ressort que le principe de l'égalité a un rôle important à jouer dans la société contemporaine ; qu'à cela ne tienne, il y a lieu dès lors de s'interroger sur la réception de ce principe dans les rapports des époux dans une association conjugale.

A notre estime, et comme on peut bien le constater, ces textes tant internationaux que nationaux qui garantissent l'égalité s'expriment, sur le plan textuel, de manière inconditionnelle ; ils donnent en ce sens l'impression de prohiber de manière absolue les différences de traitement entre les êtres humains.

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Mais en réalité, cette inconditionnalité n'est qu'apparente dans certains domaines, et non des moindres, comme celui de la famille où le législateur n'a pas voulu s'écarter de la tradition quand il maintient le mari dans une situation prépondérante par rapport à sa femme.

Si l'égalité de l'homme et de la femme fut réalisée d'abord, et sans encombre sur le terrain de droit public, les progrès de l'égalité des sexes en droit privé sont lents et plus difficiles.13 Ce principe met, en effet, en cause la structure traditionnelle de la famille et de l'ingérence de l'Etat dans les affaires internes de la famille et il implique des modifications des techniques habituelles.

III. MAINTIEN DU PRINCIPE DE LA GESTION MARITALE

3.1. Principe de gestion d’après la loi n°87-010 du 1er août 1987 portant code de la famille : idée de collaboration Sans établir la direction conjointe du ménage ni l'égalité de l'homme et de la femme dans le ménage, les rédacteurs du code de la famille ont néanmoins réaménagé les rapports des époux pour une grande participation de la femme mariée à la vie économique du ménage (art.

445 et 447 CF).

D’après l’article 490 alinéa 2 du code de la famille, « quel que soit le régime matrimonial qui régit les époux, la gestion des patrimoines propres et commun des époux est présumée être confiée au mari ».

Ce texte consacre le principe de la gestion maritale. Il établit au profit du mari une présomption pour tous les biens qui appartiennent aux époux en commun ou en propre.

Le code de la famille limite les pouvoirs de décision du mari dans certains cas dont les six ci-après méritent d'être relevés :

- la femme concourt avec son mari dans l'intérêt du ménage, à assurer la direction morale et matérielle du ménage, sous la direction du mari (art. 445 CF). Dans ce cas, les époux se comportent comme des associés, l’idée de collaboration est désormais née (445 et 448 CF);

- il en est de même si l'un des époux est frappé d'incapacité ou s'il est absent, l'autre exerce seul les attributions prévues à l'article 445 du code de la famille. « De même si l'un des époux abandonne volontairement la vie commune en raison de son éloignement ou pour toute autre cause » (art.446 CF) ;

- L'autorité parentale se substitue à l'autorité paternelle. Elle est exercée conjointement par les deux parents qui sont chargés de la direction de l'enfant mineur (art. 326 CF) ;

- les époux contribuent aux charges du ménage selon leurs facultés et leur état (art. 447 CF) ;

- Les époux peuvent, dans l'intérêt supérieur du ménage, convenir de vivre séparés pendant une durée déterminée ou indéterminée (art. 456 CF) ;

- la loi a augmenté le nombre des cas dans lesquels le tribunal peut intervenir au profit de la femme. Celle-ci obtient un

13MWANZO INDIN'AMINYE E, Op. Cit., p.17.

statut juridique justifié par l'évolution des esprits, même si, d’après cette loi, elle reste encore juridiquement incapable.

Mais cette incapacité doit être non point assimilée à celle du mineur, mais comprise comme une interdiction de passer des actes qui relèvent de la compétence du mari, chef du ménage.

3.2. Principe de gestion sous l’égide de la loi n° 16/008 du 15 juillet 2016 modifiant et complétant la loi n°87-010 portant code de la famille. Survivance du principe avec idée de concertation

L’évolution législative, ici, est motivée par le souci d’introduire des règles consistant en l’affirmation du principe de la participation et de la gestion concertées du ménage par les époux, particulièrement quant à leurs biens et charges ; alors que déjà à travers la loi du 1er août 1987 cette idée de collaboration était déjà née (art.545 CF).

La famille est et doit être une société hiérarchique, c’est-à-dire une communauté dont le maintien exige, sans préjudice de l’idée de collaboration, que le mari détienne un pouvoir de décision en dernier ressort (art.445 CF ancien). Il ne s’agit pas là de brimer la femme, mais de garantir l’intérêt fondamental de la famille : cet intérêt est double, unité et stabilité.

Les défenseurs de cette conception invoquent fréquemment l’unité de la famille, que seul un mari responsable peut incarner. Pourtant, ni le droit français ni le droit allemand, incitateurs de cette notion d’égalité, n’expriment sur le plan juridique cette idée d’unité de la famille. Elle demeure cependant latente : la famille représente une unité morale, une unité économique également (de production et de consommation). Cette donnée sociale de la vie familiale reste une exigence morale, voire spirituelle.

La famille étant conçue comme une société hiérarchique, son unité est représentée par les deux époux sous la conduite du mari qui doit avoir en conséquence, tant sur le plan moral que matériel, une prépondérance au sein du ménage, qui doit lui permettre d’afficher aux yeux des tiers, l’unité qu’il fait régner entre les membres.

Ainsi, la suppression de l’autorisation maritale paraît entrainer la destruction de l’unité du ménage ; on s’accorde pour en admettre les tempéraments qu’exige la reconnaissance de la personnalité de la femme, mais à condition qu’ils n’atteignent pas à la structure hiérarchique de la communauté conjugale.

La stabilité du ménage exige, sous réserve de l’abus de droit, que le mari détienne la prépondérance (art.444 al.1, 490, 520 et 712 CF).

Dans cette conception, la notion d’égalité est vidée de son sens, c’est une idée dérangeuse. La nouvelle loi par conséquent est dangereuse, car elle supprime les dispositions essentielles compromettant ainsi l’unité et l’ordre qui doivent régner au sein de la famille. Nous savons tous que le principe de dyarchie (deux personnes qui commandent à la fois ; veut dire que personne ne commande) est le prélude de l’anarchie (art.508 al.1 CF).

Pour mieux cerner cette réalité juridique propre au droit congolais du mariage, il sied de reconnaitre d'ors et déjà que la famille est la cellule de base de toute société, dont la bonne marche requiert un

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chef au sommet ; Telle est également la volonté de Dieu. En effet, la Bible déclare, à 1 Corinthiens 11 : 3 que : « je veux cependant que vous sachiez que christ est le chef de tout homme, que l'homme est le chef de la femme, et que Dieu est le chef de christ »14; et dans Éphésiens 5 : 22-23, la Bible déclare : « femmes, soyez soumises à vos maris, comme au seigneur ; car le mari est le chef de la femme, comme christ est le chef de l'Église qui est son corps, et dont il est le sauveur ».15 Il nous revient de constater à la lumière de ces passages bibliques que l'accent est mis entre autres sur la qualité du chef que doit avoir le mari dans une association conjugale mieux, dans le ménage.

Cela démontre que la hiérarchisation des rapports entre l'homme et la femme date de la création. A l'instar de cet aspect biblique qui détermine la hiérarchisation des époux dans leurs rapports, il faut noter que la position prépondérante de l'homme dans le ménage, découle également des cultures qui ont caractérisé nos coutumes ancestrales ; qui dans leur essence, consacraient l'homme à la tête de la famille.

S'inspirant aussi bien de la bible que de la coutume, le législateur congolais a résolu aux articles 444 alinéa 1et 712 du code de la famille, d'investir le mari au premier plan dans le ménage, en qualité de chef.

Les rédacteurs du code de la famille ont considéré le mari comme étant apte à porter les poids des responsabilités du ménage, capable de gérer les patrimoines communs et propres des époux et ce aussi bien dans l'intérêt de chacun d'eux que du ménage.16 Cette analyse démontre en clair que, la gestion du patrimoine familial est la conséquence qui découle des notions « de chef de ménage et d’autorité domestique ».

En élevant le mari au sommet de la gestion du patrimoine du ménage, le législateur congolais, entend consacrer l'unité et la stabilité du ménage ; le souci de ce dernier, n'énerve en rien l'esprit de l'article 40 alinéa 2 de la constitution de la République Démocratique du Congo, qui dispose : « la famille, cellule de base de la communauté humaine, est organisée de manière à assurer son unité, sa stabilité, et sa protection. Elle est placée sous la protection des pouvoirs publics

».17

Il découle de l'analyse de la disposition sus évoquée que, l'institution mariage, qui crée le ménage, n'a de sens en droit congolais que dans la durée (idée de stabilité). C'est le sens même de l'institution du mariage que consacre le droit congolais. L'idée du partage d'un destin commun va jusqu’à l'infini.

Pour mieux se rendre compte de sa stabilité, il importe de souligner qu'en Afrique, en général, et en République Démocratique du Congo, en particulier, à l'instar de la protection que lui apportent les pouvoirs publics, le mariage bénéficie également d'une autre protection, c'est-à-dire celle de l'homme et de la femme, qui veillent à sa protection et à sa promotion. Aussi, pour tout conflit conjugal,

141 corinthiens 11 :3, la sainte bible.

15Ephésiens 5 :22-23 Idem

16TSHIBANGU TSHIASU KALALA F, Op.cit. p.17

17Article 40 de la Constitution du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n° 11/002 du 20 Janvier 2011 portant révision de quelques articles de la constitution, in journal officiel, numéro spécial du 5 février 2011

on ne privilégie pas le divorce, mais l'intérêt supérieur du couple qui est son unité et sa stabilité.

Voilà pour quoi en Afrique, et partant en République Démocratique du Congo, le mariage n'est pas l'affaire tout simplement de l'homme et de la femme, mais aussi de toute la communauté. De cette analyse, il y a lieu de déduire l'intérêt qu'il y a à sauvegarder les valeurs sacrées du mariage, eu égard de la conception congolaise du mariage ; ceci se résume en ce que, tout citoyen doit s'assigner l'objectif de barrer la route aux idéologies et pratiques déviantes qui seraient à la base de l'instabilité du mariage tenant compte de la valeur sacrée de celui-ci.

Il ressort de ce qui précède que la gestion maritale est l'un des principes protecteurs de l'unité et de la stabilité du ménage. La gestion maritale dont question à l'article 490 du code de la famille a un contenu qu'il convient à ce niveau d’élucider.

Elle comprend, le pouvoir d'administration, le pouvoir de jouissance et le pouvoir de disposition.

1°. Pouvoir d'administration

Le lexique des termes juridiques définit l’administration comme

« une clause du contrat de mariage par laquelle les époux étendent la cogestion à l'ensemble des biens de la communauté »18 c'est l'idée d'une administration conjointe. Mais l'esprit de l'article 490 du code de la famille ressort l'idée d'une administration non conjointe qui cadre de ce fait avec le présent chapitre. En effet, administrer consiste à protéger et gérer une institution, en l'occurrence le ménage.

Cette dernière définition de l'administration correspond, sans doute au rôle que la loi reconnait au mari dans la gestion du patrimoine familial. Les actes d'administration, visent à conserver les biens, en y apportant des soins nécessaires à leur usage ; ce pouvoir, est la conséquence qui découle de la gestion reconnue exclusivement au seul mari.

Toutefois, il y a lieu de relever que, par la volonté des époux, la gestion des biens propres peut être attribuée à chacun des époux et dans ce cas, chacun administre ses biens et en perçoit les revenus, c'est l'esprit de l'article 508 du code de la famille qui stipule que « Lorsque par la volonté des époux, la gestion des biens n'est pas attribuée au mari, chacun des époux administre ses biens et en perçoit les revenus ».19 Dans la pratique, la femme connait de par la coutume que le mari est le seul maitre du ménage et que par conséquent, c'est à lui seul que revient tout pouvoir d'administration, tant sur les biens, que sur les personnes, et cela quel que soit le régime matrimonial choisi ; cela rencontre le principe de la gestion maritale soutenu à l'article 490 alinéa 2, et consacre par ce fait son application, telle que voulu par le législateur. Le mari administre les biens communs et propres de la femme, en qualité de chef de ménage et représentant légal de celui-ci.

18Juridictionnaire, recueil des difficultés et des ressources du français juridique, Faculté de droit, Université de Moncton, Edition 2005, p. 110.

19Article 508 code de la famille

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Mais, il est essentiellement important de rappeler que, certains biens de la femme, qualifiés des réservés constituent une exception à ce pouvoir d'administration, en ce sens que la loi confère à la femme mariée, la libre administration de ses biens réservés.

2°. Pouvoir de jouissance

Au sens du droit civil, la jouissance se définit comme le droit de percevoir les fruits d'un bien et d'en disposer librement. Dans un sens plus large, la jouissance est entendue comme le droit de se servir personnellement d'une chose et d'en tirer profit. Tel qu'il est défini, le droit de jouissance confère au mari le pouvoir de bénéficier des avantages attachés à la gestion du patrimoine familial. Ce droit s'étend, tant sur le patrimoine commun que sur les propres des époux.

Certains auteurs estiment, au regard de cette situation, que cet attribut reconnu au seul propriétaire d'un bien, mais dont est bénéficiaire le mari en sa qualité de chef de ménage, en vertu de la loi, peut conduire à un certain orgueil dans le chef de ce dernier.

3°. Pouvoir de disposition

En sa qualité de chef de ménage, le mari jouit de ce pouvoir. De tous les pouvoirs ci-haut analysés, une certaine doctrine estime que celui de disposition est le plus dangereux, en ce qu'il vise non seulement la modification de la composition du patrimoine par l'aliénation d'un bien ou par l'acquisition d'un autre, mais aussi, il présente une menace pour les biens propres de la femme.20

La gestion maritale, trouve tout son sens dans ces trois pouvoirs ci- dessus analysés. Mais il est indispensable de signaler que depuis la fin du XIXème siècle, et surtout au XXème siècle, les législations de différents pays accordent progressivement à la femme des pouvoirs de plus en plus étendus. En ce qui concerne la gestion du patrimoine conjugal, elles prônent la suppression de la prépondérance maritale, en visant conséquemment l'égalité des époux qui aboutirait à la gestion conjointe des biens des époux. Cette perception de chose se contraste sans doute avec la conception congolaise de la famille qui, selon elle, la femme est placée sous l'autorité de son mari, si elle a choisi le mariage. Les époux ne sont non point égaux mais complémentaires.21

La « gestion maritale » reconnue au mari, n'est pas non plus un pouvoir absolu, dès lors qu'il connait des limitations.

3.3. Limitations au pouvoir de gestion maritale

En prévoyant le principe de la gestion maritale, le législateur congolais n'entend pas faire de celui-ci une règle absolue au seul profit du mari, dans la mesure où il prévoit en même temps des limites à l'exercice de cette gestion qui, en réalité, sont des contrepoids à ce principe.

3.3.1. Dimension de collaboration entre époux

Le code de la famille, en donnant au mari, une situation particulière qui se traduit par une position prépondérante, ne considère pas celui-

20LAURENT F, Principe de droit civil français, T.1, Bruxelles Bruylant, 1978, p.159

21TSHIBANGU TSHIASU KALALA F, Op.cit. p.17

22 TSHIBANGU TSHIASU KALALA F, Op.cit. p.17

23Article 508 du code la famille

ci comme un « monarque » comme c'était le cas en droit traditionnel et dans le code civil livre 1er.

Il le maintien dans sa qualité du chef de ménage seulement pour garder la stabilité de celui-ci, mais consacre également une gestion conjointe en mettant l'accent sur l'idée de collaboration, en appelant la femme à participer dans ses actions, dans l'intérêt commun.22 C'est ce qui ressort de l'article 499 du code la famille, lorsque la loi oblige l'accord commun des époux pour la passation de certains actes importants dans l'intérêt du ménage.

Ici, les époux, sont au regard de cette disposition légale, considérés comme associés dans leurs rapports ; le mari, n'agit pas non plus seul, mais conjointement avec sa femme. Cette dimension de collaboration prévue par le législateur congolais, est l’une des exceptions (art 490 al 3 CF) au principe de la gestion maritale.

3.3.2. Gestion personnelle des biens par chacun des époux Outre cette dimension de collaboration, la loi prévoit une gestion séparée des biens par chacun des époux, qui découle de la seule volonté de ces derniers. Aux termes de l'article 508 du code de la famille, la loi décide que, lorsque par la volonté des époux, la gestion des biens n'est pas conjointe, chacun des époux administre ses biens et en perçoit les revenus.23 Toutefois, chacun des époux, peut librement donner mandat à son conjoint de gérer tout ou une partie de ses biens.

3.3.3. Gestion des biens réservés

Le principe consacré en droit congolais de la famille est que, « quel que soit le régime matrimonial choisi, c'est le mari qui gère les biens des époux ». Toutefois, le législateur a jugé opportun de détacher et de laisser au pouvoir de chacun des époux, un ensemble des biens qui sont qualifiés de réservés ou personnels (art. 490 al.2 et 509 al.1 CF).

3.4. Prématurité du principe de l’égalité en droit congolais de la famille.

Il y a lieu de souligner que la notion d'égalité entre l'homme et la femme ne constitue pas un concept clairement défini, il présente un caractère tronqué et flou qui couve potentiellement, mais non explicitement plusieurs autres notions d'usage dans le cadre des réflexions sur les rapports sociaux de sexe.24 L'utilisation de ce concept s'avère donc problématique, si elle n'est pas accompagnée des précisions permettant de situer le discours.25

Le concept égalité, est susceptible de recevoir différentes tonalités, selon les domaines dans lesquels il est usité ; il peut s'agir entre autres : de l'égalité des individus en général, égalité civile et politique, égalité dans l'accès à l'emploi ou à l'école, etc.

Quelle que soit la diversité des tonalités que peut revêtir le concept « égalité », il nous importe de noter que dans toutes ses variantes ci- haut énumérées, peu importe le domaine, le principe d'égalité vise la

24MWANZO IDIN'AMINYE E, Op.cit. p.17.

25 Idem.

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garantie d'un traitement équitable de tous les êtres humains. Il symbolise la justice dans un pays.

Cependant, on admet généralement au nom de ce principe que l'homme et la femme bénéficient des mêmes conditions pour jouir pleinement de leurs droits fondamentaux, des mêmes aptitudes pour contribuer au développement, tant politique, économique, social, que culturel d'une nation.

Il importe d'observer que ce principe justifie son avantage en ce qu'il s'assigne l'objectif non moins négligeable dans tous les domaines de la vie, qu'est le traitement égal de tous les êtres humains. Sous ce prétexte, il convient de souligner que l'égalité suppose un bouleversement réel dans certains domaines de la vie, en ce qu'il met en évidence, la transformation du rôle de la femme contemporaine.

Le souci d'égaliser l'homme et la femme, revêt tout son sens, dès lors que nous sommes dans un temps où les femmes affirment comme jamais leur volonté d'autonomie, leur aspiration à l'existence sociale.26

La situation de la femme moderne a évolué, on assiste peu à peu à une remise en cause de certaines contraintes dont celle-ci a fait l'objet dans le passé. Contrairement à son passé, la femme moderne travaille de plus en plus en dehors de son foyer, ce qui entraine évidement de profonds changements dans sa vie.27

Ce constat, au regard de l'évolution des mœurs en faveur de la femme, justifie pour certains auteurs, la nécessité de revoir absolument le statut juridique de la femme. L'égalité doit désormais commander les rapports entre l'homme et la femme dans tous les domaines.

Prenant en compte cette évidence, il y a lieu dès lors de s'interroger sur la perception de ce principe en droit congolais de la famille, où en effet, celle-ci se trouve indubitablement le premier cercle social dans lequel sont établies les premières relations juridiques avec les autres humains en l'occurrence les rapports entre époux.

Envisagée dans le domaine du mariage, l'égalité viserait une plus juste répartition des charges et des pouvoirs entre les époux ; elle tendrait incontestablement, à mettre les époux sur un même pied d'égalité.

Or, dans le domaine du mariage, comme nous l'avons démontré précédemment, le principe demeure que le mari est le chef du ménage et cette qualité lui confère en fait et en droit la prépondérance ou mieux la prééminence dans cette petite société.

L'idée est d'observer que la hiérarchisation des époux se révèle en contraste avec le droit moderne dès lors que ce dernier se veut égalitaire, c'est-à-dire qu'il accorde à la femme un statut qui ne soit plus fait de soumission et de subordination.

La promotion de l'égalité entre l'homme et la femme dans la vie conjugale est de nos jours perçue au monde comme un facteur important à prendre nécessairement en compte pour tout Etat qui aspire à son développement complet. Ce principe s'inscrit, à l'instar de tout autre, dans un cadre plus vaste du respect des droits de l'homme.

26 Ibidem, p.331.

Toutefois, malgré ces aspirations au développement qui se veut par ledit droit moderne, il faut reconnaitre que la tradition congolaise du mariage demeure forte comme le démontrent certaines sources.

Appelée à se marier, la femme est éduquée de manière à demeurer sous l'autorité de son mari. Cette perception persiste même de nos jours dans notre société, cela à différents degrés, à la fois parmi les femmes instruites et les analphabètes. Cette réalité justifie à suffisance que la société congolaise en matière de mariage est plus régie par les mœurs que par le droit.

Sous ces rapports, sans préjudice des analyses précédentes, il importe de faire observer que la femme est obligée toutes les fois qu'elle voudra exercer une activité économique ou professionnelle, d'obtenir l'autorisation de son mari, au regard des pouvoirs domestiques que le code de la famille reconnaît à ce dernier en ses articles 444 alinéa 1 et 712.

A ce propos, certains auteurs pensent que, cette situation contraint non seulement l'homme à assumer la direction morale et matérielle du ménage, en collaboration avec sa femme.

Il ressort de cette analyse que, si la femme a été longtemps considérée comme inférieure à l’homme, de nos jours, il est établi que celle-ci est incontournable dans toute vie sociétale. Une certaine tendance va dans le même sens en soutenant que la RDC ne peut sortir de son sous-développement que s'il favorise les conditions d'émergence sociale, économique, et même politique dont la femme est capable.

Cela, appelle une réflexion sur les conditions d'implication plus effective de la femme dans la gestion ainsi que dans la prise des décisions touchant la bonne marche de la société, en général, et de la famille, en particulier.

L'égalité telle que prônée par le législateur répond à un souci de jouissance équitable des droits reconnus à tout citoyen, toutefois cela doit s'accommoder avec l'idéal de maintenir la stabilité du ménage et permettre aux conjoints de partager un destin commun et harmonieux.

La suprématie que peut engendrer l'égalité des époux dans le chef de chacun de ces derniers est susceptible de générer une situation a fortiori désastreuse et préjudiciable à la stabilité du ménage.

L'idée est celle de voir deux chefs au sommet d'une même et seule institution ; n'y aura-t-il pas superposition dans la prise des décisions

? Lequel aura primauté sur l'autre ? Telles sont des questions que l'on peut également extrapoler dans le ménage dès lors que l'on veut rigoureusement appliquer l'égalité de tous, en l'occurrence des époux.

Faire application « de l'égalité de tous dans le ménage » ne doit pousser la société à faire abstraction ou passer outre nos pratiques sociales qui, certes n'ignorent pas ce principe, mais l'admet au degré de ne point mettre en péril la stabilité du ménage et maintenir l'homme (le mari) à la tête de cette institution. Le souci de l'équilibre social est sans doute à la base de l'atténuation de l'égalité sans conséquence d'inégalité.

27MWANZO IDIN'AMINYE E, Op.cit. p.17.

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La crainte de l’abus, l’instabilité, la contrariété dans la prise des décisions, sans exhaustif, sont autant d’inconvénients que peut engendrer la notion d’égalité des conjoints dans le ménage. La sauvegarde de nos valeurs permet d'asseoir et pérenniser la stabilité du ménage.

Le législateur congolais a consacré implicitement le principe d’égalité avant le temps indiqué, considérant que la femme congolaise, en général, demeure encore dépendante de l’époux sur le plan économique et social.

CONCLUSION

Au terme de cette étude qui a porté sur «la survivance du principe de la gestion maritale en présence du principe de l’égalité des époux en droit positif congolais », nous avons retenu que l'application des principes, ci-dessus, dans la sphère du mariage, aboutit à des résultats très contradictoires en ce que leur coexistence dans ce domaine s'avère impossible.

Deux principales raisons justifient cet état des choses, à savoir, d'un côté le législateur congolais s'inspire d’ordre purement social dont l'essence préétablit donne une prééminence au mari sur sa femme.

Cette alternative suppose la hiérarchisation fonctionnelle dans le ménage. De l'autre côté, la modernité des droits exprimés à travers la constitution du 18 février 2006 telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011 et par certaines conventions internationales œuvrent cependant en faveur de l'éradication de toute discrimination entre individus, en l'occurrence celle basée sur le sexe

; cette dernière alternative, dégage l'idée d'une répartition équitable des pouvoirs et des charges au sein du ménage. Face à cette impasse, lequel de deux principes s'adapte mieux dans le domaine du mariage congolais ?

Ayant confronté les deux principes, c'est-à-dire le principe de la gestion maritale et le principe de l'égalité des époux, il ne souffre d'aucun doute que l'égalité de tous est certes consacrée en vue d'assurer une jouissance équitable des droits à tous. Toutefois, envisagée dans le domaine du mariage (société conjugale), l'égalité doit s'accommoder avec la stabilité et l'harmonie du ménage qui requièrent, pour leur maintien, un chef au sommet. Cette perception justifie même l'intérêt qu'il y a à sauvegarder les valeurs socioculturelles congolaises.

Mettre les époux sur un même pied d'égalité dans leurs rapports constitue non seulement une ouverture à l'instabilité du ménage, mais aussi une contradiction aux principes de la gestion maritale et de la direction morale du ménage qui veulent que l'homme soit le chef de la famille. La dyarchie est le prélude de l’anarchie.

BIBLIOGRAPHIE

I. INSTRUMENTS JURIDIQUES ET TEXTES LEGAUX

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- Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 23 mars 1976

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II. OUVRAGES

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- MWANZO IDIN'AMINYE E, L'égalité des époux en Droit congolais de la famille, Thèse doctorale, U.C.L, Louvain-la- Neuve, 2009 inédit.

IV. ARTICLE

- TSHIBANGU TSHIASU KALALA F, « Les droits et obligations des conjoints » in Revue juridique du zaïre, Kinshasa 1987.

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