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JOIJDU. Effet dévolutif de l'appel sous l' entpire du Code judiciaire. Analyse et.bilan d'application(*) 4 OCTOBRE e ANNEE - N 5391

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Texte intégral

(1)

JOIJDU

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE ' Edmond Picard

1881-1899 Léon Hennebicq

1900-1940

Charles Van Reepinghen 1944-1966

Jean Dai 1966-1981

Effet dévolutif de l'appel

sous l' entpire du Code judiciaire

Analyse et.bilan d'application(*)

1. -Introduction. - En vertu de l'article t068, alinéa ter, du Code judiciaire, «tout appel d'un jugement définitif ou avant dire droit saisit du fond du litige le juge d'appel ».

Ce texte de principe institue un système d'effet dévolutif complet puisque, même dans les cas où l'appel est interjeté contre un jugement avant dire droit, les juges du second degré sont investis de plein droit de la connaissance du fond du litige.

Ainsi,_ l'effet dévolutif de l'appel n'est limité que par l'acte et par les conclusions d'appel incident;

il peut s'étendre au-delà de ce qui a été jugé au premier degré. Cet effet de l'appel se manifeste de manière particulièrement nette en cas de recours dirigé contre un jugement définitif sur incident ou avant dire droit puisqu'en pareille hypothèse, la juridiction d'appel doit en principe statuer sur des questions non tranchées ou sur des exceptions non soulevées au premier degré. Dans cette mesure, l'article 1068, alinéa ter, cânsacre la disparition de l'adage Tantum devolutum, quantum judicatum. En outre, puisque le juge d'appel est saisi du fond du litige en vertu-même de la loi, il faut souligner qu'il n'existe plus aucune possibilité d'évocation en procédure civile belge.

Le principe énoncé par l'article 1068, alinéa ter, comporte deux exceptions de stricte interpré- tation :

a) En vertu de l'article 1068, alinéa 2, lorsque le jugement entrepris

a

ordonné une mesure d'instruction et que cette dernière est confirmée en appel, les juges du second degré doivent renvoyer l'affaire à la juridiction de première instance pour qu'elle statue au fond.

b) Il résulte a contrario de l'article t069 qu'en cas de confirmation d'une décision d'incompé- tence, la juridiction d'appel doit renvoyer l'af- faire à la juridiction du premier degré estimée compétente.

Les articles .t 07t et t 072 prévoient les règles de procédure à suivre lorsque la juridiction d'appel doit statuer au fond,_ alors qu'elle est saisie de l'appel contre un jugement avant dire droir ou définitif sur incident(cf. à ce sujet infra n° t7).

(*) Texte d'ml. rapport à présenter à la cinquième journée d'études du Centre interuniversitaire de droit judiciaire, consacrée à l'appel (Louvain-la-Neuve, le 24 octobre 1986).

2. - Lignes de force du Code judiciaire en matière d'effet dévolutif de l'appel.-Si le Code Van Reepinghen a étendu le droit au double degré de juridiction en ce que sont devenus susceptibles d'appel tous les jugements avant dire droit (sans distinguer entre les jugements interlo- cutoires et les jugements préparatoires, distinc- tion bannie par le Code judiciaire), à titre de contre-poids à ce qui pourrait constituer une cause de ralentissement du cours du procès, des aménagements ont été prévus sur le plan de la procédure devant les juges d'appel et en ce qui concerne l'effet dévolutif de l'appel.

D'une part, en vertu de l'article 1063, 2°, l'appel contre une décision avant dire droit doit être interjeté à jour fixe, ce qui implique que l'affaire soit retenue et plaidée lors· de son introduction, sinon dans les trois mois au plus tard et à une audience de relevée s'il échet (art. t 066).

D'autre, part, en vertu de l'article t068, alinéa ter, le principe de l'effet dévolutif complet doit en règle jouer en cas d'appel dirigé contre un jugement avant dire droit ou définitif sur· inci- dent.

Edictées dans un souci d'accélération de la procédure, ces règles sont d'interprétation large et les exceptions qui y·sont prévues sont de stricte interprétation (t).

Ainsi qu'on va le voir, ces principes élémentai- res d'interprétation de l'article t068, alinéas ter et 2 ont cependant été méconnus par la Cour de cassation, dès les premiers arrêts qu'elle a rendus en matière d'effet dévolutif de l'appel.

3. - Démantèlement par la Cour de cassation du principe relatif à l'effet dévolutif total de l'appel. - Continuant à raisonner comme si le principe énoncé par l'article t 068' alinéa ter' n'existait pas, par une sorte de vénération incons- ciente de ce que le professeur Storme appelait d'une expression imagée « la vache sacrée de la double instance » (2), dans son arrêt du 13 (1) Au sujet des rapports des nouvelles règles rela- tives à l'appel avec l'accélération de la procédure, cf. C.

Cambier, « Le Code Van Reepinghen et l'accélération de l'administration de la justice », J. T., 1968, pp. 357-362.

(2) Discours prononcé à Mons, le 8 octobre 1977, reproduit in Omnia Fraterne, 1978, p. 23.

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER Rue des Minimes, 39

1000 BRUXELLES

janvier t972, rendu sur conclusions conformes de M. Krings, alors avocat général, la Cour de cassation a considéré que l'effet dévolutif total de l'article t068, alinéa ter, ne joue pas.Jorsque l'appel est dirigé contre un jugement mixte admettant la recevabilité d'une demande tendant au paiement d'une indemnité pour dégâts loca- tifs, et ordonnant, "d'autre part, avant dire droit une expertise aux fins de déterminer ces dégâts, tout en décrétant la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur le fond (3). La Cour a fondé son arrêt sur ce que l'article t068, alinéa 2, ne distingue pas selon que la mesure d?instruction a ou n'a pas été exécutée (en l'espèce, l'expertise avait été exécutée au moment où les juges d'appel avaient été appelés à statuer), ni selon que le jugement entrepris corn- · prend, outre le dispositif ordonnant la mesure d'instruction, des dispositifs de caractère défi- nitif.

Premier arrêt rendu sur un moyen fondé sur la violation de l'article t068 du Code judiciaire, l'arrêt du 13 janvier t972 doit être critiqué sur certains points fondamentaux.

a) La critique la plus grave à formuler à l'encontre de cet arrêt est qu'en définitive, il a fait prévaloir une interprétation large de la règle exceptionnelle énoncée par l'article t068, alinéa 2 (3bis).

En effet, en considérant qu'en l'absence de distinction établie à cet égard par l'article t068, ·.

alinéa 2, il y a lieu à renvoi devant le premier juge, même lorsque le jugement confirmé contient certaines décisions définitives, la Cour a méconnu le principe qu'en vertu de l'article t068, alinéa ter, tout appel dirigé contre une décision définitive produit un effet dévolutif irréversible et entier. Ainsi, en cas d'appel dirigé contre un jugement mixte c'est-à-dire contenant à la fois des dispositions définitives et avant dire droit, le principe de l'effet dévolutif total doit jouer à titre de règle générale, même si la mesure d'instruction est confirmée·, dès lors que l'appel est dirigé exclusivement contre un dispositif de caractère définitif ou à la fois contre un dispositif ordon- nant une· mesure d'instruction et contre un

(3) Pas., 1972, 1, 463 et concl. Krings; J.T., 1972, p. 244; R.C.J.B., 1973, pp. 473-476; R. W., 1972-1973, col. 1576.

(3bis) L'on ne peut partager l'opinion de M. Poupart (in Gerechtelijk recht Artike/sgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Anvers, éd.

Kluwer, art. 1068-1070, p. 10, n° 19) et selon qui l'article 1068 du Code judiciaire devrait être considéré comme un tout dont les deux alinéas sont complémen- taires, l'article 1069 constituant l'unique exception au principe énoncé par cette disposition, ainsi que cela

re~sort du terme « Néanmoins » par lequel commence cet article. Outre son caractère strictement exégétique, cette interprétation est contraire au souci d'accélération de la procédure qui est à la base des règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel.

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(2)

dispositif de caractère définitif, sous cette réserve qu'en ce dernier cas, tout en demeurant saisie du fond, la juridiction d'appel peut, en vertu de l'article 1072, alinéa 2, se charger elle-même de la mesure d'instruction qu'elle a ordonnée ou confier celle-ci au juge du premier degré.

li n'y a lieu à renvoi devant la· juridiction de première instance que lorsque l'appel est dirigé exclusivement contre celuî- des- dispositifs du jugement mixte ordonnant une mesure d'instruc- tion et que ce dispositif est confirmé par les juges du second degré, puisqu'en ce cas, il n'existe pas de motif de dessaisir le premier juge d'un litige qu'il a bien jugé (4).

b) Une autre critique fondamentale susceptible d'être formulée à l'encontre de l'arrêt du 13 janvier 1972 résulte de ce que la solution qu'il a consacrée repose sur le souci de respecter « le double degré de juridiction que le législateur a expressément consacré >> (5).

La règle énoncée par l'article 1068, alinéa Jer, supprime précisément en principe la dualité d'instance dès qu'un jugement est frappé d'ap- pel, pour ce qui est des points non tranchés par le premier juge. Cette solution est compatible avec le_ fait que le principe du double degré de juridiction n'est pas garanti par la Cons- titution (6), n'est pas un principe général de droit (7) et n'est pas d'ordre public mais seule- ment de nature impérative (8), ce qui implique que l'irrecevabilité d'une demande présentée pour la première fois en degré d'appel ne peut être soulevée d'office par le juge, sauf en cas de défaut de l'une des parties (9).

a) Le souci d'éviter que « le juge d'appel ne soit encombré par un trop grand nombre de problèmes de fait, sur lesquels le juge de première instance n'a pas pu se prononcer » (10), ne peut entrer en ligne de compte. En effet, lors de l'examen du projet de Code par la Commission de la justice de la Chambre, un amendement fut voté à l'article 1068, alinéa 2, pour rendre ce texte applicable quelle que soit la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge, et non plus seulement lorsque celui'-ci a ordonné une enquête ou la production d'un document par un tiers, comme le prévoyait le texte initial voté par le Sénat (11).

Ainsi, en raison de sa généralisation à toutes les mesures d'instruction, la règle énoncée par l'article 1068, alinéa 2, suffit en elle-même à éviter que ·les juridictions d'appel n'aient à se pencher sur de trop nombreuses questions de fait.

b) Dans ses conClusions, M. Krings souligne en outre la difficulté pour le juge d'appel de vérifier si le jugement attaqué par un appel libellé en termes généraux, contient seulement des disposi- tions avant dire droit ou s'il comporte aussi des dispositions définitives (12).

L'objection nous parait devoir être écartée puisque, comme on l'a déjà souligné, l'article 1068, alinéa ter, consacre précisément la dispari- tion du principe énoncé par l'adage Tantum devolutum, quantum judicatum. Dès lors, l'étendue de la saisine des juges d'appel est déterminée non par le contenu du jugement entrepris mais par celui de l'acte d'appel. Chaque fois que le jugement attaqué comporte une décision définitive explicite, la lecture suffit pour 4. ·-Critique des conclusions de M. l'avocat constater que l'effet dévolutif total doit jouer.

général Krings - Les considérations pratiques . Comme l'écrit le professeur Fettweis (13), il invoquées par M. Krings dans ses conclusions n'existe guère de difficultés à déterminer qu'un précédant l'arrêt du 13 janvier 1972, pour justi- jugement « a pour objet principal de statuer à fier qu'une ·portée restrictive soit donnée à l'arti- titre définitif soit sur la recevabilité de la de 1068, alinéa 1 ne nous paraissent pas suffi- -demande, soit même de la reconnaître fondée en s'antes pour justifier l'interprétation de l'article

1068 qu'il propose.

(4). Pour une application correcte des règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel, en cas d'appel dirigé contre un jugement mixte, cf. Liège, 20 février 1985, Ann. dr. Liège, 1986, 34, note A. Kohl (en l'espèce, saisie de l'appel dirigé contre un jugement déclarant un tiers professionnel civilement responsable d'un dom- mage, la cour d'appel avait substitué la responsabilité du propriétaire de l'animal à celle du transporteur et confirmé la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge, en vue de déterminer l'étendue du dommage subi par la victime. ·Considérant qu'il n'y avait pas, au sens de l'art. 1068, al. 2, confirmation de la mesure d'in- struction ordonnée en première instance, au motif qu'elle l'avait été en vue des suites d'une décision au fond réformée, la cour d'appel de Liège s'est à juste titre considérée comme saisie de l'ensemble du litige en·

vertu de l'effet dévolutif total et a décidé qu'il n'y avait pas lieu à renvoi aux premiers juges, en application de l'art. 1068, al. 2). .

(5) Termes empruntés aux conclusions de M. Krings (Pas., 1972, 1, 468, col. 1 initio).

(6) Cass., 23 juill. 1849, Pas.; 1, 433; Cass., 19 juill.

1921, Pas., 1, 455; Cass., 14 oct. 1935, Pas., 1936, 1, 1;

Cass., 14 mai 1945, Pas., 1, 260.

(7) Cass., 3 oct. 1983, Pas., 1984, 1, 101.

(8) Dans les litiges étrangers à. l'ordre public, les parties peuvent renoncer au bénéfice du double degré de juridi_ction mais seulement après la naissance du litige.

Cf. en ce sens : Bncielles, 27 juin 1958, R. W., 1958-1959, col. 1960; Van Lennep, Belgisch burgerlijk procesrecht, t. 5, p. 51, n° 11.

(9) Cf. à ce sujet :A. Kohl,« Pouvoirs et devoirs du juge statuant par défaut», J.T., 1972, p. 329. Comp.

Cass. fr. (tre ch. civ.), 20 avril 1977, Bull. Civ., 1, p. 139, n° 178; obs. Raynaud, R.T.D.C., 1972, p. 185.

son principe ».

5. -Interprétation extensive de l'article 1068, alinéa 2 du . Code judiciaire par la· Cour de cassation. - En dépit des critiques qui lui ont été adressées, la Cour de cassation a confirmé à plusieurs reprises son interprétation extensive de la règle exceptionnelle énoncée par l'article 1068, alinéa 2.

Elle a notamment décidé que l'obligation de renvoi prévue par ce texte existe dès qu'il y a confirmation, même seulement partielle, de la mesure d'instruction ordonnée par les premiers juge (14).

(10) Termes empruntés aux conclusions de M.

Krings, loc. cit.

(11) Rapport Hermans, éd., Pasin., p. 976.

- (12) M. Krings écrit à ce sujet : « C'est dire combien minutieuse serait l'analyse à laquelle devrait se livrer le juge d'appel, chaque fois quele jugement dont appel ordonne une mesure d'instruction. C'est dire aussi combien délicate serait cette analyse. Ce travail serait d'autant plus impprtant et lourd de conséquences que la décision que le juge d'appel doit prendre touche à l'ordre public. Il n'a pas le choix. Il n'est saisi que si les conditions légales sont remplies et ne peut renvoyer que si la loi le prescrit( ... ) ».Cf. aussi en ce sens·: Cambier, op. cit., t. 2, p. 689.

(13) Manuel de procédure civile, Liège, Faculté de Droit, 1985, p. 536, n° 823 infine.

(14) Cass., 24nov. 1972, Pas., 1973, 1, 293; Cass., 26 juin 1975, Pas., 1, 1043; Cass., 4 déc. 1975, Pas., 1976, 1, 424.

Dans un arrêt du 10 janvier 1980 (15), la Cour suprême a considéré que, lorsque saisi d'une demande comprenant deux chefs distincts, le prem1er juge, après avoir fait procéder à une expertise, a ordonné un compiément d'expertise, limité au premier chef de la demande, et que le juge d'appel est saisi de l'appel du demandeur tendant à ce qu'il soit prononcé définitivement sur le tout, il peut légalement statuer sur le second chef de la demande ·et, quant au premier chef de demande, modifier la mission de l'expert et renvoyer la cause au premier juge pour qu'il statue au fond.

Une fois de plus, la solution retenue par la Cour dans l'arrêt cité est critiquable puisqu'elle écarte l'application du principe général de l'effet dévolutif, alors que le jugement confirmé conte- nait des dispositions définitives susceptibles de·

servir de base à l'effet dévolutif total.

En ce qui concerne l'interprétation de la notion de « mçsure d'instruction » utilisée à l'article 1068, alinéa 2, une jurisprudence constante de la Cour de cassation considère que ces termes ne visent pas la décision par laquelle le juge ordonne la réouverture des débats. Il en résulte que, saisie du fond du litige par l'appel de pareille décision, une cour d'appel ne peut légalement décider que le premier juge connaîtra de la continuation de la cause (16).

De même, n'est pas une mesure d'instruction au sens de l'article 1068, alinéa 2, la décision par laquelle le premier juge, après avoir ordonné la liquidation et le partage d'une succession, dési- gne deux notaires pour procéder à ces opérations.·

Dès lors, saisie du fond du litige par l'appel de cette décision, la cour d'appel ne peut pas légalement, après confirmation totale ou partielle de celle-ci, renvoyer la cause au premier juge (17).

Dans un arrêt du 3 octobre 1983, la Cour de cassation a d'autre part décidé que ne viole pas l'article 1068', alinéa 2, du Code judiciaire, le juge d'appel qui statue sur la demande reconvention- nelle, tout en confirmant pour partie la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge quant à la demande principale, lorsque les deux actions principale et reconventionnelle ne concernent pas un fait unique et indivisible mais ont des objets distincts (18).

6. -Divergences d'interprétation par les juri- dictions de fond, de l'article 1068, alinéa 2. -Si l'on analyse la jurisprudence des juridictions de fond relativement à l'application de l'article 1068, alinéa 2, on constate que, s'alignant sur les positions adoptées par la Cour de cassation, certaines décisions interprètent cette disposition de manière extensive, considérant par exemple qu'il y a lieu d'appliquer cette dernière sans distinguer selon que la mesure d'instruction a ou n'a pas été exécutée, ou selon qu'elle doit être exécutée par les parties elles-mêmes ou par un tiers (19).

(15) Pas., 1, 541.

(16) Cass., 20 janv. 1977, Pas., I, 545; J.T., p. 305;

R. W., 1976-1977, col. 2615; Cass., 24 déc. 1982, Pas., 1983, 1, 508.

(17) Cass., 12janv. 1979, Pas., 1, 547.

(18) Pas., 1984; 1, 101; Rev. dr. soc., 1983, p. 492.

(19) Bruxelles, 10 mai 1972, Pas., II, 146; Bruxelles, 7 nov. 1973, Pas., 1974, II, 45; Liège, 16 oct. 1974, J.L., 1974-1975, p. 65; C.T. Bruxelles, 15 mars 1978, Rev. dr. soc., p. 287.

(3)

D'autres décisions adoptent une int~rprétation

restrictive de l'article 1068, alinéa 2. Il faut citer, en premier lieu, en ce sens, l'arrêt véritablement exemplaire, rendu par la septième chambre de la cour d'appel de Liège, le 20 février t985, et que l'on a déjà eu l'occasion d'examiner (20). On doit citer aussi un arrêt de la cour du travail de Gand, du t5 juin t973, qui fait prévaloir l'alinéa ter, de l'article t068, sur l'alinéa 2, alors-même que la réformation de la mesure d'instruction ordonnée par le premier juge n'était qu'impli- cite (2t).

7. - Démantèlement par la Cour de cassation du principe relatif à l'effet dévolutif total de l'appel (suite) : l'interprétation erronée de l'arti- cle 1069 du Code judiciaire. - Cohérente avec sa position adoptée dans l'arrêt dl! 13 janvier t972, le 3 janvier t973, saisie d'un pourvoi dirigé contre un arrêt de la cour du travail de Liège, la Cour de cassation a mis à nouveau en échec le principe général énoncé par l'article t068, ali-

néa ter. -

En l'espèce, après avoir réformé la décision par laquelle le tribunal du travail s'était déclaré compétent pour connaître d'un litige opposant un directeur à la société qui l'avait engagé, la cour du travail avait renvoyé l'affaire à la cour d'appel de Liège. La Cour de cassation a cassé cet arrêt au motif qu'après avoir décidé que le tribunal du travail ne pouvait connaître de la contestation, ·1a cour du travail ne pouvait renvoyer l'affaire devant une juridiction d'appel, sans violer les articles 643 et 660 du Code judiciaire (22).

La solution retenue par l'arrêt du 3 janvier t973 pourrait s'expliquer par une transposition, délibérée ou non, du principe consacré par l'article 2t5 du Code d'instruction criminelle, applicable en cas d'annulation fondée sur ce que le premier juge était incompétent, et qui impose aux juges d'appel de faire ce que la juridiction de première instance eût dû faire, c'est-à-dire renvoyer l'affaire à la juridiction du premier degré compétente. Cette transposition est toute- fois exclue en matière civile puisque, en cas d'annulation d'un - jugement pour cause d'incompétence, l'article 1069 du Code judiciaire impose aux juges d.'appel de statuer au fond, en application du principe de l'effet dévolutif total.

Ainsi, l'article t069 s'oppose en réalité à ce que les juges d'appel se bornent à faire ce que la

juridic~ion du premier degré aurait dû faire.

Si, en vertu de l'article t069, la juridiction d'appel doit statuer au fond en cas d'infirmation d'une décision d'incompétence, il serait aussi logique et conforme à la ràtio legis des artiCles t_068, alinéa ter et 1069 qu'en cas d'infirmation d'une décision par laquelle le juge du premier degré s'était déclaré compétent (comme dans l'espèce au sujet de laquelle a été rendu l'arrêt de la Cour de cassation, du 3 janvier t973), il y ait renvoi devant· une juridiction du second degré.

En effet, le premier juge qui s'est déclaré compétent et a examiné le fond du litige, a épuisé le premier degré de juridiction (23). Dès lors, les (20) Cf. supra note. 4. Cf. aussi jugement qu tribunal

civil de Liège du 16 avril 1986 (inédit, en cause de Ramioul c. 13rouns) précisànt qu'un jugement de sursis à statuer n'est pas une mesure d'instruction visée par l'article 1068, alinéa 2.

(21) Rev. belge sée. soc., 1974, p. 104.

(22) Le texte de cet arrêt est reproduit in Pas., 1973, 1, 431; R.C.J.B., 1973, pp. 476-478 et note A. Kohl.

(23) Cf. en ce, sens: Cass., 16 nov. 1894, Pas., 1895, 1, 9; Cass., 7 mai 1896, Pas., 1, 180; Cass., 30 mars

plaideurs pourraient être renvoyés devant un juge du second degré sans être privés d'un degré.de juridiction : même s'il a été rendu par un juge qui s'est déclaré à tort compétent, le jugement existe et a épuisé le premier degré de juridiction.

Cette solution, bien que conforme à l'esprit de la loi et défendue par plusieurs spécialistes (24), aboutit à ce qu'une cour d'appel puisse, le cas échéant, renvoyer à une cour du travail et inversément, èe qui implique que la juridiction à laquelle l'affaire est renvoyée soit amenée à statuer sur un litige dont elle ne pourrait norma- lement connaître en tant que juridiction d'appel, sans violer les articles 602 et 607 du Code.

judiciaire (25). Aussi comprend-on que la Cour de cassation suivie par certains auteurs ait estimé qu'en cas d'infirmation d'une décision par laquelle le premier juge s'est déclaré compétent, le renvoi doit avoir "lieu à un tribunal du premier degré (26).

8. - Position des juridictions de fond en ce qui concerne l'interprétation de l'article 1069. --'- La position adoptée par la Cour de cassation dans son arrêt de principe, du 3 janvier t973, a été suivie par certaines cours d'appel (27). Elle a par contre été rejetée par certains arrêts qui ont ordonné le renvoi devant la juridiction d'appel normalement compétente pour statuer en appel du tribunal du premier degré qui aurait dû être saisi (28), ou qui ont tranché le fond lorsque la juridiction du second degré s'estimait compétente pour statuer en appel de la juridiction à laquelle le litige aurait normalement dû être soumis (29).

Il faut souligner que cette dernière solution est compatible avec les termes mêmes des articles 643 et 660 qui, l'un et l'autre, n'imposent le renvoi au juge compétent que « s'il y

a

lieu », ce qui exclut pareille obligation dans tous les cas où la juridiction d'appel peut statuer elle-même au fond, au motif qu'elle est compétente pour connaître de l'appel des décisions du juge de renvoi qui aurait dû être saisi (30).

Dans cette perspective, il y a lieu d'approuver un arrêt de la cour d'appel de Liège estimant qu'il n'y a point lieu à renvoi au juge du premier degré, en cas d'infirmation d'une décision par laquelle le tribunal de commerce s'est déclaré incompétent au motif que l'acte litigieux n'était

1916, Pas., 1917, 1, 70; Cass., 13 mai 1966, Pas., 1, 1161.

(24) Fettweis, Manuel, cité, p. 538, n° 827; note A.

Kohl, cité, R.C.J.B., 1973, pp. 503 et s., nos 25 et s.; J.

Laenens, « De bevoegdheidsregeling en de versnelling van de rechtsbedeling », T.P.R., 1980, p. 130; note J.

Laenens sous Anvers, 25_mai 1983, R. W., 1983-1984, col. 2554.

(25) La violation de l'article 607 du Code judiciaire était notamment invoquée à l'appui du pourvoi ayant donné lieu à l'arrêt du 3 janvier 1973.

(26) Cambier, pp. 694-695. Droit judiciaire civil,

t. 2, Larder, Bruxelles, 1981, pp. 694 et 695.

(27) Mons, 19 févr. 1980, R.T.D.F., 1981, p. 72;

Gand, 11 mai 1978, R. W., 1978-1979, col. 505; Liège, 5 déc. 1978, J.L., 1978-1979, p. 217

(28) Anvers, 25 mai 1983, R. W., 1983-1984, col.

2554, note J. Laenens; Bruxelles, 22 mars 1973, R. W., 1973-1974, col. 1179; Liège, 11 mars 1974, Pas., 1974, Il, 140.

(29) C.T. Liège, 6 déc. 1973, J.L., 1973-1974, p. 226;

Liège, 18 juin 1974, J.L., 1974-1975, p. 99.

(30) Cf. en ce sens : Le Paige, Précis de droit judiciaire, t. 4, Les voies de recours, Larder, .Bruxelles, 1973, p. 101, n° 116; R.P.D.B., v0 «Appel en matière civile, sociale et commerciale », compl., t. 6, n° 943.

pas réputé commercial par la loi (3t). En ce cas, en effet, il y a infirmation d'une décision d'incompétence et l'article t069 doit s'appliquer.

9. -Combinaison des articles 1069 et 643 du Code judiciaire. - En tant que l'article 643 impose à la juridiction d'appel, statuant sur un déclinatoire de compétence, de renvoyer la cause, s'il y a lieu, devant le jÙge compétent, la question se pose si, en cas de confirmation d'une décision d'incompétence accompagnée d'une réformation de la mesure de renvoi ordonnée par le premier juge, le renvoi doit avoir lieu à la juridiction du premier degré ou à celle d'appel.

A ne considérer que l'esprit de la loi, l'on peut estimer qu'en application du principe général énoncé par 1' ar_ticle 1068, alinéa 1er, il serait souhaitable que le ·renvoi ait lieu devant une juridiction du second degré. En effet, en vue de l'accélération de la solution des litiges, il faut, _dans toute la mesure _ du possible, attribuer la connaissance du litige à une juridiction du second degré dans tous les cas où une décision, même avant dire droit ou définitive sur incident, est frappée d'appel.

Si la juridiction d'appel doit statuer au fond en cas d'infirmation d'une décision d'incompétence (art. t069), il serait logique que le renvoi ait lieu devant une juridiction du second degré en cas d'infirmation de la mesure de renvoi ordonnée par le premier juge, · puisque cette dernière décision n'est que le corollaire de la déclaration d'incompétence qu'elle doit assortir pour assurer le respect de l'article 660.

Comme on l'a déjà constaté au sujet de l'hypothèse de l'infirmation de la décision par laquelle le juge du premier degré s'est déclaré compétent, la solution ici évoquée débouche cependant sur un bouleversement possible de la corrélation entre juridictions d'instance et juri.:.

dictions d'appel, consacrée par les articles 602 et 607. En outre, cette solution est incompatible avec le texte même de l'article t069 dont il ressort a contrario qu'en cas de confirmation de l'incompétence du juge du premier degré, le renvoi doit être fait à une juridiction de première instance (32).

Ainsi, lorsqu'une cour d'appel confirme une décision d'incompétence du tribunal civil puis constate que la juridiction compétente est non pas le tribunal de conùnerce désigné dans le jugement a quo, mais le juge de paix,elle ne·peut statuer au fond mais doit ordonner le renvoi à la juridiction cantonale.

10.- Champ d'application de l'article 1069.

---' Le texte de 1' article 1069 - qui n'a ;pas été modifié par la loi du 24 juin t970, à l'inverse de l'article 643 - vise seulement « la cour d'appel ou la cour du travail ».

La question-s'est posée si cette disposition est aussi applicable au tribunal de première instance ou au tribunal de commerce, statuant en appel de justice de paix.

A une époque où la controverse relative à l'interprétation de l'article t068 n'avait pas encore surgi, le professeur Fettweis avait estimé que l'article 1069 serait aussi applicable en appel de justice de paix en se fondant sur ce que la nouvelle rédaction de l'article 643, issue de la loi du 24 juin t970, avait eu comme ·objectif

(31) Liège, 22 avril 1970, J.L., 1970-1971, p. 58.

(32) Cambier, op. cit., t. 2, p. 698-699; Fettweis, Précis de droit judiciaire, t. 2, Larder, Bruxelles, 1971, p. 26, n° 29.

(4)

principal d'écarter l'application de l'article 1068 et d'imposer le renvoi au juge du premier degré dont la compétence est confirmée par la juridic- tion d'appel (33).

Ecrivant en tenant compte de l'arrêt du 13 janvier 1972, le professeur Le Paige a au con- traire estir!}~ __ ql.l~ l'exception prévue par l'article 1069 doit être limitée aux cours d'appel et aux cours du travail. Lorsque la juridiction du deuxième degré est le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce, le droit commun de l'article 1068 reprend son empire, ce qui débouche souvent sur une solution harmo- nieuse en raison de ce que ces tribunauX sont fréquemment compétents, soit comme juridiction d'appel du juge de paix, soit comme juge au premier degré, auquel cas l'article 1070 peut s'appliquer (34).

Ainsi, si le juge de paix s'est déclaré incompé- tent et a désigné le tribunal de première instance comme compétent, et si, sur appel, ce dernier tribunal réforme la décision d'incompétence du juge de paix, saisi du fond du litige en application de l'article 1068, le tribunal de première instance doit trancher le fond comme juridiction d'appel, tout en réformant sur la compétence.

Si le juge de paix s'est déclaré incompétent et a renvoyé le litige· devant le tribunal de première instance,, et si, sur appel, ce dernier confirme le jugement, en application de l'article 1070, ·il statue au premier degré et à charge d'appel.

11. - L'article 1070 du Code judiciaire. - En vertu de l'article 1070 du Code judiciaire, « le tribunal de pre~ère instance et, le cas échéant, le tribunal de commerce, siégeant au· second degré, statue au fond et à charge d'appel si le litige était de sa compétence ».

Cette disposition. déroge aux règles relatives à la saisine des juges d'appel; elle ne se rattache pas à l'effet dévolutif puisque, si, sur appel porté devant le tribunal de première instance ou le tribunal de commerce, ceux-ci décident que l'affaire aurait dû leur être soumise en tant que juridiction du premier degré, ils statueront à ce titre : l'acte d'appel joue alors le rôle d'acte introductif d'instance.

Dans un arrêt du 4 décembre 1975 (35), la Cour de cassation a précisé que l'application de l'article 1070 « suppose que le tribunal de pre- mière instance saisi par la voie de l'appel, soit infirme la décision par laquelle le juge de paix s'est déclaré compétent, soit confirme la décision d'incompétence rendue par ce magistrat, recon- naissant par là-même sa propre incompétence à statuer en tant que juridiction d'appel, tout en étant tenu de statuer sur le fond ».

L'article 1070 du Code judiciaire ne fait que reprendre la disposition de l'article 473, alinéa 3, du Code de procédure civile et a dès lors la même portée que celui-ci. Ainsi, l'article 1070 ne peut s'appliquer lorsque le tribunal de première ins- tance, statuant en appel de justice de paix, réforme le jugement entrepris en tant qu'il avait déclaré la demande irrecevable et statue au fond comme juge d'appel (36). De même, il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 1070 lorsque la décision

(33) Fettweis, op. cit., (Précis), p. 26, n° 30.

(34) Le Paige; op. cit., p. 103, n° 117.

(35) Pas., 1976, 1, 417; J.T., 1976, p. 277; R. W., 1975-1976, coL 2074.

(36) Cass., 4 déc. 1975, cité.

du juge de paix est seulement réformée quant aù fond (37).

De legejerenda, la règle selon laquelle, dans le cadre de l'article 1070, le tribunal de première instance ou de commerce statue à charge d'appel, devrait être abrogée. En effet, sur un plan théorique , lorsque la juridiction d'appel de justice de paix réforme ·la décision par laquelle cette dernière s'est déclarée compétente, l'ins- tance mue devant le juge de paix incompétent a néanmoins épuisé le premier degré de juridiction;

on ne voit dès lors pas la justification de ce qu'en pareil cas, le tribunal siégeant au second degré statue à charge d'appel. Sur un plan pratique, on observe que, sauf si l'une des parties demande le renvoi devant une chambre à trois juges, les appels de justice d~ paix sont à présent soumis à des chambres ne comportant qu'un ·seul magis- trat {art. 91, al. ter, c. jud. modifié par art. ter, L. 25 juill. 1985); d'autre part, sauf demande de renvoi devant une chambre à trois conseillers, les appels des décisions rendues par une chambre du tribunal de première instance ne comportant qu'un seul juge, sont eux aussi soumis à une chambre à conseiller unique (art. 109bis, § '2, 1°, C. jud., modifié par art. 6, L. 19 juill. 1985). Dès lors, la possibilité d'interjeter appel des décisions par lesquelles le tribunal de première instance ou de commerce a statué au fond, dans ·les condi- tions prévues à l'article 1070, n'aboutit qu'à allonger le cours du procès sans qu'elle implique nécessairement une meilleure justice.

12. -Combinaison des articles 1070 et 568.

- La combinaison des articles 1070 et 568 du Code judiciaire peut aboutir à ce qu'une juridic- tion du second degré connaisse d'un litige qui n'était ni de sa compétence, ni de celle du juge dont le jugement a été attaqué.

Tel est le cas lorsque, tout en confirmant l'incompétence du juge de paix, le tribunal de première instance estime qu'était compétent le tribunal de commerce ou le tribunal du travail.

Malgré les termes de l'article 1070 « si le litige était de sa compétence », par l'effet de la prorogation de compétence consacrée par l'arti- cle 568, le tribunal de première instance doit trancher le fond si aucune des parties ne décline sa compétence et si son incompétence n'est pas d'ordre public, c'est-à-dire si le litige ne relève pas de la compétence exclusive d'un autre tribu- nal, par exemple s'il s'agit de l'appel d'un jugement rendu en matière de faillite, de concordat ou de sursis de paiement.

Lorsque la compétence du tribunal de première instance, statuant en appel de justice de paix, est contestée, ou lorsqu'il estime devoir soulever d'office son incompétence au motif que celle-ci est d'ordre public, ou lorsque le tribunal de commerce infirme un jugement d'incompétence Jui renvoyant le litige, tout en estimant que lè tribunal de première instance est compétent, en vertu de l'article 639, alinéa 4, l'appelant pêut demander le renvoi au tribunal d'arrondisse- ment. Si tel n'est pas le cas, le tribunal de première instance ou de commerce doivent renvoyer directement à la juridiction compétente, en application des articles 643 et 660, dans tous les cas où ils ne peuvent connaître du litige, en vertu de l'article 1070 (38).

(37) Camp. dans le même sens, sous l'empire de l'article 473, alinéa 3, du Code de procédure civile : Cass., 9 mars 1951, Pas., 1, 464; Cass., 28 juin 1962, Pas., 1, 1230; Cass., 1•rmars 1963, Pas., 1, 724.

(38) Cf. eh ce sens : Le Paige, op. cit., p. 108, n° 123bis.

13. -L'effet dévolutif en cas .d'appel d'une ordonnance de référé. - Puisque le juge des référés ne statue pas sur le fond dont il n'est d'ailleurs pas aisi, en cas d'appel d'une ordon- nance décrétant une mesure urgente et provisoire, la juridiction du second degré n'est pas saisie du fond du litige, l'effet dévolutif de l'appel ne pouvant la saisir de ce qui n'aurait pu être soumis au juge inférieur (39). Il en va toutefois autre- ment lorsque le juge des référés a en fait statué au fond, en violation de l'article 1039 ou a statué dans le cadre de l'artiCle 1280. Dans ces cas, s'il y a réformation de l'ordonnance présidentielle du chef d'incompétence, en raison de l'inapplicabi- lité de l'article i069 (puisqu'il ne s'agit pas de l'infirmation d'une décision d'incompétence), la Cour doit statuer au fond, en vertu de l'article 1068. Si la Cour saisie n'est pas compétente pour statuer en appel de la juridiction des référés qui aurait dû être saisie en première instance, en application des articles 643 et 660, il y aura lieu à renvoi à la juridiction d'appel compétente (40).

Ainsi, en cas d'annulation d'une ordonnance du président du tribunal de commerce ayant été saisi à tort du fond d'une contestation relevant de la compétence du tribunal du travail, la cour d'appel doit transmettre le dossier à la cour du travail (41).

La portée ~e l'effet dévolutif en cas d'appel d'une ordonnance de référé a suscité des diffi- cultés quant à la question si le juge des référés peut modifier les mesures provisoires décrétées par lui, alors que l'ordonnance a été frappée d'appel et que la juridiction supérieure n'a pas encore statué, comme en témoigne un arrêt de la Cour de cassation, du 31 octobre 1985 (42).

- Avant de procéder à l'analyse de cet arrêt, il convient de souligner certaines ·particularités du jeu des règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel, en cas d'appel dirigé contre unè ordon- nance de référé.

a) Outre que, saisie de l'appel d'une ordon- · nance de référé ayant statué à titre purement provisoire, la juridiction d'appel n'est pas saisie du fond du litige, il a parfois été admis que la

·cour ne doit pas statuer au fond lorsqu'elle infirme une ordonnance par laquelle un juge des référés s'est déclaré compétent (au lieu d'appli- quer les art. 88, § 2 et 643, C. jud.) (43).

Cette solution débouche en réalité sur une . atteinte à la règle énoncée par l'article 1069 qui ne prévoit d'exception à l'effet dévolutif que si le premier juge s'est déclaré incompétent.

Cette exception en vertu de laquelle la juridic- tion d'appel serait obligée de renvoyer l'affaire en cas de confirmation d'une orqonnance par

(39) Contra mais à tort : C.T. Bruxelles (sect.

Anvers), 19 avril 1972, R. W., 1972-1973, col. 1002.

Selon cet arrêt, l'effet dévolutif de l'àppel impliquerait qu'en cas d'appel d'une ordonnance de référé, la contestation relative à la compétence et fondée sur le défaut de caractère provisoire, perdrait tout intérêt en raison de ce que, si le juge du premier degré n'aurait pu que statuer au fond, l'appel dirigé contre pareil jugement aurait de toute manière dû déboucher aussi sur un examen du fond, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel. Cette manière de voir ne peut être partagée car celle méconnait le particularisme du référé, même en degré d'appel.

(40) Cf. en ce sens : Fettweis, op. cit., (Manuel), p. 530, n° 816.

(41) Exemple cité par Fettweis, loc. cit.

(42) J.T., 1986, p. 75.

(43) Bruxelles, 30 juin 1982, R. W., 1983-1984, col. 1025 êt note critique J. Laenens.

(5)

laquelle le premier juge se serait déclaré incompé- tent, ·en raison du défaut d'urgence· ou de caractère provisoire de la mesure sollicitée, suscite certains problèmes tenant à ce que le juge des référés renvoie rarement au juge du fond, lorsque ces exceptions sont invoquées devant lui (44). Aussi, èn cas de confirmation d'une ordonnanèe par laquelle le juge des référés s'est déclaré incompétent, la juridiction d'appel ne renverra-t-elle pas au juge compétent (45).

b) Une autre particularité du jeu d~s règles relatives à l'effet dévolutif, en cas d'appel d'une ordonnance de référé, tient à ce que l'exception prévue par l'article 1068, alinéa 2, ne concerne que les mesures d'instruction ordonnées par le- juge des référés. Par hypothèse, une ordonnance de référé ne peut jamais contenir cie dispositif de caractère définitif susceptible de justifier l'appli- cation de l'article 1068, alinéa 1er, en cas d'appel d'un jugement mixte (46).

14. - L'arrêt du 31 octobre 1985. - En l'expèce, une· ordonnance de référé refusant à la demanderesse l'autorisation de déplacer son domicile et fixant la contribution alimentaire du défendeur, avait été frappée d'appel. Une ordon- nance subséquente confiant l'administration pro- visoire des enfants au défendeur, accordant un droit de visite à la demanderesse, condamnant celle-ci au paiement d'une contribution ali- mentaire et . mettant fin aux effets de la précé- dente ordonnance, fut elle aussi frappée d'appel.

La cour d'appel avait joint les causes, reçu les deux appels et confirmé la seconde ordonnance.

Le pourvoi en cassation était fondé sur ce que, par l'effet dévolutif de l'appel dirigé contre la première ordonnance, le président du tribunal était, depuis la date de la requête d'appel, dessaisi de l'ensemble du litige portant sur les mesures provisoires pendant l',inst;mce en divorce et était dès lors incompétent pour en connaître après la date de la première ordonnance, en vertu des règles relatives à l'effet dévolutif de l'appel et à l'ordre des juridictions.

La Cour de cassation a rejeté ce moyen au motif que l'appel dirigé contre la première·

ordonnance de référé était limité et ne s'étendait ni au dispositif confiant provisoirement la garde des enfants à la demanderesse, ni à celui ordon- nant une enquête sociale avant de statuer sur les autres chefs de demande, et en outre au motif que l'ordonnance entreprise n'avait pris que des mesures provisoires consécutives à l'attribution au défendeur de 1' administration provisoire des

(44) Un renvoi au juge du fond compétent n'a pas lieu puisque ce dernier n'a aucune compétence complé- mentaire à l'égard d'une mesure provisoire ordonnée en référé. Néanmoins, le renvoi par le juge des référés au juge du fond est quelquefois ordonné. Cf. Réf. Trav.

Charleroi, 4 nov. 1981, J.T., 1982, p. 374; Réf. Civ.

Liège,_ 24 avril1982, J.L., 1982, p. 344, note de Leval;

Réf. Comm. Mons, 28 oct. 1974, Rec. Jur. Hainaut, 1975, p. 17; Réf. Civ. Verviers, 9 juill. 1981, J.T.T., 1982, p. 74; Réf. Trav. Dinant, 28 juin 1984, J.L., 1984, p. 418.

(45) Camp. Liège, 30 janv. 1979, J. T., 1979, 424 (saisie de l'appel d'une ordonnance décidant n'y avoir lieu à référé, la cour conclut à l'incompétence du _président et renvoie l'affaire au tribunal de la jeunesse).

(46) L'on ne partage pas l'opinion de M. Lindemans, selon qui une ordonnance de référé décrétant une mesure d'instruction urgente constituerait en réalité un jugement définitif, de telle sorte qu'en cas de confirma- tion de ce dernier sur appel, il n'y aurait pas lieu à renvoi au juge du premier degré (cf. Lindemans, Kort geding, Kluwer, Anvers, 1985, pp. 173-174, n° 303).

enfants, sans modifier ce qui .avait été décidé par la pre:ritière ordonnance.

Comme les arrêts des 13 janvier 1972 et 3 janvier 1973, celui du 31 octobre 1985 procède de la tendance de la Cour de cassation à réduire la portée de l'effet dévolutif complet, consacré par l'article 1068, alinéa 1er et qui« interdit au juge du provisoire de modifier les mesures par lui décrétées au motif que la situation s'est modifiée depuis que la décision initiale a été frappée d'appel et alors que la juridiction supérieure n'a pas encore statué » (47). Cette solution admise par plusieurs décisions de fond (48) et par le pro- fesseur Fettweis (49), doit toutefois, en l'espèce être tenue en échec par le fait que l'appel avait été limité à certains chefs de l'ordonnance; il faut néanmoins souligner que cela implique une segmentation du litige et débouche sur des « in- stances parallèles soumises l'une au juge infé- rieur, l'autre ·au juge d'appel » (50).

Il faut regretter que, dans son arrêt du

31

octobre 1985," la Cour de cassation n'ait pu statuer de manière telle qu'il soit mis fin à la divergence des solutions jurisprudentielles existantes quant à la réponse à donner à la question, si, alors que la cour d'appel ou la cour du travail est saisie d'un appel dirigé contre une ordonnance de référé, il appartient au juge des référés ou à la juridiction d'appel, de modifier ou de décréter de nouvelles mesures provisoires (51),

(47) Fettweis, op. cit., (Manuel), p. 532, n° 818, in

fine~

(48) Liège, 10 déc. 1959, J.L., 1959-1960, p. 130;

Civ. Liège, 15 févr. 1979, J.L., 1978-1979, p. 271 et Pas., 1979, III, 35; Civ. Bruxelles, 5 avril 1982, R. W., 1982-1983, col. 251; Civ. Liège, 26 janv. 1984, J.L., p. 70; J.P. Berchem, 2 mars 1976, R. W., 1976-1977, col. 1917. Contra: Civ. Liège, 26 juin 1978, J.L., 1978-1979, p. 106; Civ. Namur, 27 janv. 1978, Rev. rég.

dr., 519, note Rouard. Camp. Civ. Anvers, 28 nov.

1980, R. W., 1981-1982, col. 2179 et note Laenens.

(49) Loc. cit.

(50) Fettweis, loc. cit.

(51) Ainsi, certains juges des référés renvoient ces demandes devant la juridiction d'appel (Réf. Comm.

Bruxelles, 2 mars 1973, Jur. comm. Belg., 1973, p. 330 :il s'agissait en l'espèce d'une demande incidente tendant à la publication d'une ordonnance déjà ren- due). D'autres ont rejeté purement et simplement pareille demande (Réf. Civ. Bruxelles, ·10 mars 1954, J.T., 1954, 336; Réf. Civ. Bruxelles, 8 août 1958, J.T., 1959, p. 115; Réf. Comm. Tournai, 11 sept. 1978, Jur.

comm. Belg., 1979, p. 290 et note LV. (cette ordon- nance a été réformée par Mons, 4 a\'ril 1979, Jur.

comm. Belg., 1980, p. 125); Réf. Civ. Bruxelles, 15 févr. 1979, Pas., 1979, III, 35; Réf. Civ. Bruxelles, 5 avril 1982, R. W., 1982-1983, col. 1058, note Linde- mans; Réf. Civ. Malines, 27 mai 1982, R. W., 1983-1984, col. 261; Réf. Civ. Liège, 26 janv. 1984, J.L., 1984, p. 70.

Certains présidents ont par contre considéré que l'urgence justifiait une nouvelle intervention de leur part (Réf. Civ. Liège, 26 juin 1978, J.L., 1978-1979, p. 106 et note d~ Leval; Réf. Civ. Anvers, 28 nov. 1980, R. W., 1981-1982, col. 2179 et note J.L.).

Dans certains cas, le juge des référés a déclaré irrecevable une demande tendant à fàire cesser des mesures provisoires précédemment ordonnées, alors que l'ordonnance décrétant celles-ci avait été frappée d'appel (Réf. Civ. Liège, 15 févr. 1979, Pas., 1979, III, 35).

En ce qui concerne le remplacement d'un expert désigné par le juge des référés, la jurisprudence consi- dère que, même en cas d'appel, le juge du premier degré demeure compétent pour ordonner pareille mesure, en application de l'article 977 du Code judiciaire (Mons, 4 avril 1979, Jur. comm. Belg., 1980, p. 124; Réf. Civ.

Liège, 26 mars 1980, J.L., 1980, p. 197 et note de Leval). Cette solution n'est pas admise de manière

le moyen sur la base duquel la cassation a été prononcée étant fondé sur le défaut de réponse aux conclusions de la demanderesse (52).

15. -L'effet dévolutif de l'appel dans les litiges en matière de faillite. - Plusieurs déci- sions et une partie de la doctrine ont considéré que l'effet dévolutif de l'appel ne peut se produire ·lorsqu'il aurait pour conséquence de soustraire un litige en matière de faillite à la

comp~tence exclusive du tribunal de com- merce (53). Dans la même perspective, la cour d'appel de Bruxelles a considéré que l'article 807 est inapplicable en degré d'appel, lorsqu'il impo- serait à la cour de connaître d'une demande nouvelle « basée sur le droit spécifique de la faillite », au motif que l'« économie du droit de la- faillite » s'oppose à pareille application de l'article 807 (54).

Comme l'écrit le professeur Fettweis, « cette position jurisprudentielle est inadmissible car elle s'analyse en un double refus d'appliquer deux principes importants de la réforme de 1967 qui régissent de plein droit la procédure deoant la cour d'appel » (55).

En effet, d'une part, les articles 1068 et suivants n'autorisent aucune dérogation lors- qu'une cour d'appel est saisie d'un recours en matière de faillite. La cour peut seulement ordonner, sur base de l'article 1072, que des mesures d'instruction soient confiées au tribunal de commerce et qu'il soit sùrsis à statuer sur le fond en attendant. -

D'autre part, l'article 807 a une portée tout à fait générale et s'applique en degré d'appel (art. 1042) en toutes matières, y compris celle touchant à -la faillite.

Dès lors, lorsque saisie de l'appel d'un juge- . ment rendu sur une contestation touchant au droit de'la faillite, la juridiction du second degré estime que le juge d'instance s'est à tort déclaré compétent, il y a lieu d'appliquer l'article 643 sous réserve de ce qu'en vertu de l'article 1068, lorsque le" juge d'appel est compétent pour statuer lui-même sur le litige, le renvoi au juge du premier degré ne doit pas avoir lieu.

Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 mars 1984 est heureusement venu mettre un terme à la jurisprudence critiquable que l'on vient d'évoquer (56). En l'espèce, la Cour a admis que lorsque le prerllier juge a commis une erreur que les juges d'appel ne peuvent rectifier,

unanime par la doctrine (en faveur de l'affirmative, cf.

note LV. sous Réf. Comm. Tournai, 11 sept. 1978, Jur.

comm. Belg., 1979, p. 291. Contra : note de Leval sous Réf. Civ. Liège, 26 mars 1980, J.L., 1980, p. 197).

(52) La question se pose selon quelle procédure de nouvelles mesures peuvent être sollicitées devant le juge du second degré, saisi de l'appel d'une ordonnance de référé. Une demande incidente pourra toujours être introduite à cet effet. La lenteur à obtenir une fixation, en raison de l'encombrement des rôles des cours d'appel, explique peut-être qu'il ait été admis que, par dérogation au principe de l'effet dévolutif, le juge des référés puisse, à titre exceptionnel, être saisi de pareille demande. Cf. Réf. Civ. Gand, 20 mai 1983, R. W., 1983-1984, col. 1303.

(53) Gand, 23 sept. 1981, R. W., 1981-1982, col. 2504 et note critique J. Laenens, « De devolutiekracht van het hoger beroep in faillissementszaken »; Bruxelles, 23 juin 1983, R. W., 1983-1984, col. 1816; Claquet, «Les concordats et la faillite », Les Nove/les, Droit commer- cial, t. IV, 3e éd., Larcier, Bruxelles, 1985, p. 1256bis.

(54) Bruxelles, 15 déc. 1982, J.T., 1983, p. 175.

(55) Op. cit., (Manuel), p. 539, n° 830.

(56) R. W.; 1984~1985, col. 1095.

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