• Aucun résultat trouvé

ETUDES et REFLEXIONS POUR UNE POLITIQUE EN FAVEUR DE L'ENVIRONNEMENT

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "ETUDES et REFLEXIONS POUR UNE POLITIQUE EN FAVEUR DE L'ENVIRONNEMENT"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

POUR UNE POLITIQUE EN FAVEUR

DE L'ENVIRONNEMENT

I

l y a maintenant plus de trente ans, seules quelques voix s'élevaient pour dénoncer les risques que courait l'huma- i I nité, en raison de son indifférence pour l'environnement.

Depuis lors, l'opinion publique a évolué et l'aspiration à voir l'environnement protégé est devenue une donnée politique dont la plupart des Etats industrialisés doivent tenir compte. Cette prise de conscience progressive des populations a eu des conséquences politiques : création de ministères spécialisés dans de très nom- breux pays, implantation durable de partis écologistes en Europe... Les Etats ont également tenté d'apporter des réponses, à l'échelle internationale, à la dégradation de l'environnement, sou- cieux d'aborder ensemble des problèmes qui engagent la planète et l'humanité entière (pollution des océans, effet de serre, défores- tation, destruction de la couche d'ozone...). La Déclaration sur les

(2)

responsabilités des générations présentes envers les générations futures, signée à la Conférence générale de l'Onu pour l'éducation, la science et la culture, le 12 novembre 1997, à Paris, fait, dans ses articles 3, 4 et 5, de la défense de l'environnement un devoir de l'humanité. De même, les conférences internationales se sont mul- tipliées : au sommet de Stockholm, en 1972, le premier sommet organisé par l'Unep (Programme pour l'environnement des Nations unies) a succédé, plus récemment, celui de Rio (1992) puis celui de New York (1997). D'autres sommets ont réuni les organisations non gouvernementales (à Paris en 1991, à Manchester en 1993). Il est certes réconfortant que ces sommets existent car ils prouvent l'évolution des mentalités. Pour autant, textes, rencontres et discus- sions n'ont jamais constitué une politique, et le bilan que l'on peut aujourd'hui en tirer est bien insuffisant. Ainsi, les engagements, pris par la plupart des Etats à Berlin (1995), en matière de réduc- tion de la production de gaz à effet de serre, risquent très vraisem- blablement de ne pas être suivis d'effets, en raison des fluctuations des politiques énergétiques nationales.

Des risques déplus en plus sérieux

Les risques n'ont cessé de s'accroître et, presque chaque mois, nous sont fournies des données nouvelles sur la gravité de la situation en France et dans le monde. De dramatiques accidents écologiques ont marqué les esprits : l'explosion, le 26 avril 1986, de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, reste dans toutes les mémoires. Même s'il est moins spectaculaire, l'assèchement par- tiel de la mer d'Aral, sous l'effet du déversement excessif de pesti- cides, doit lui aussi être considéré comme une catastrophe écologique majeure. Enfin, l'amenuisement progressif des grandes forêts, notamment en Amazonie, risque de bouleverser l'équilibre général de la planète. Hélas ! aucune mesure appropriée susceptible d'enrayer cette menace n'a encore été prise. La déforestation conti- nue de progresser en Amazonie au rythme de 10 000 à 30 000 kilo- mètres carrés par an, selon les estimations, malgré la mise en place du programme pilote de protection des forêts tropicales du Brésil par les pays du G7, en 1990, et les déclarations du « Sommet sur la

(3)

Terre » de Rio, en 1992. Des inquiétudes sont également nées des risques encourus par les populations, en raison de la consommation de produits alimentaires dénaturés : ainsi, l'épidémie, très média- tisée, d'encéphalopathie spongiforme, dite maladie de la « vache folle ».

Bien que l'épidémie soit considérée comme enrayée par les autorités européennes, de nouveaux cas sont, hélas ! encore constatés, entraînant l'abattage de troupeaux, même en France. D'autres faits, plus alarmants, passent trop souvent inaperçus. Dans leur récent rapport sur la sécurité sanitaire environnementale en France, les députés Aschieri et Grzegrzulka prennent comme base de départ de leur réflexion des données prouvant l'effet néfaste sur la santé de l'homme de la dégradation de son environnement. En dix ans, le nombre des lymphomes a augmenté de 67 % et celui des tumeurs du cerveau de 46 %. De telles augmentations rapides ne peuvent être imputées qu'à l'accentuation des agressions subies par l'homme du fait de l'accroissement des pollutions, notamment dans le cadre des régions de forte concentration urbaine. Ces mêmes espaces voient constamment se multiplier les maladies de type allergique.

Dangers et limites du « tout-nucléaire »

Face aux problèmes liés à l'environnement, la politique de la France, depuis des décennies, est demeurée le plus souvent triste- ment insuffisante. Sa politique nucléaire en est une parfaite illustra- tion et pose sans cesse des problèmes nouveaux.

Depuis la première moitié des années soixante-dix, notre pays a fait le choix du « tout-nucléaire », en réponse à la hausse du prix du pétrole et afin d'assurer notre indépendance énergétique.

Sous l'effet de cette politique volontariste, l'énergie produite par les cinquante-six centrales nucléaires françaises représente aujourd'hui 75 % de l'énergie consommée dans l'Hexagone.

Quel bilan tirer de tant d'efforts ? Les propos apaisants, tenus par les experts depuis des années, cachent mal les incidents que l'on découvre de plus en plus nombreux au fil du temps. Pour ne citer qu'un exemple très récent, succédant à bien d'autres (par exemple, parmi les plus graves, à Marcoule en 1959, à Chinon en 1965, à Forbach en 1 9 9 1 . ) , l'incident survenu dans la centrale

(4)

nucléaire de Golfech (Tarn-et-Garonne) montre que les risques en matière nucléaire sont loin d'être négligeables. EDF a d'ailleurs reconnu l'existence de quatre cent vingt et un incidents dans ses centrales nucléaires pour l'année 1997.

Nul ne pourrait assurer que la France soit à l'abri d'un acci- dent nucléaire grave. L'argument majeur des défenseurs du nucléaire était lié à la hausse du coût du pétrole, survenue en 1973. Or, depuis 1986, le prix du baril de pétrole a connu une baisse très importante - si l'on excepte la période de la guerre du Golfe -, à tel point qu'au début de l'année 1999 le baril coûtait moins cher en francs constants qu'avant le premier choc pétrolier.

Cette baisse du prix du pétrole est liée à des phénomènes structu- rels, donc prévisibles, comme le disait déjà François-Xavier Ortoli, le 20 mai 1996, devant l'Académie des sciences morales et poli- tiques. La politique nucléaire française est incontestablement remise en cause par la baisse du prix du pétrole car, dans le même temps, elle a coûté entre 800 et 1 000 milliards de francs à la col- lectivité nationale.

L'argument majeur des partisans du nucléaire, qui a toujours été d'affirmer qu'il constituait la source d'énergie la moins coûteuse, se trouve singulièrement affaibli. D'autant plus que, dans le même temps où baisse le coût du pétrole, le rapport des députés Robert Galley et Christian Bataille conclut que certaines centrales au gaz sont maintenant plus rentables que les centrales nucléaires. D'autre part, selon la Cour des comptes, le coût du démantèlement et d'assainissement des sites nucléaires actuellement actifs serait très largement sous-estimé. Enfin, le coût de l'énergie nucléaire ne prend généralement pas en compte l'aide massive de l'Etat (25 mil- liards de francs), notamment en faveur de la recherche. Ce soutien financier devra s'amenuiser ou prendre fin quand le marché euro- péen de l'électricité sera entièrement libre, ce qui aura pour consé- quence d'accroître d'autant le coût du nucléaire.

Le problème des déchets radioactifs

Un des problèmes constants que pose l'énergie nucléaire est la production de déchets radioactifs, dont une partie

(5)

peut être retraitée pour donner des matériaux fissiles réutilisables comme le plutonium ou l'uranium 235 et 238. Après les opérations de retraitement subsiste une masse de déchets définitifs qui doi- vent être enterrés sur des sites prévus à cet effet. En raison de la très longue durée de nocivité de ces déchets, il est difficile d'être assuré que cette forme de stockage n'entraînera pas à terme de graves nuisances pour les régions qui les accueillent. Rien ne garantit par ailleurs que l'installation des sites de stockage soit un phénomène réversible, et l'enquête d'utilité publique, qui a conduit au choix du site de Bure (Meuse) pour enfouir les déchets, ne pre- nait pas en compte un tel principe. Cette décision risque donc d'engager les générations futures.

Les déchets radioactifs sont à l'origine de la crise politique franco-allemande du début de l'année. La nomination de Gerhard Schrôder au poste de chancelier en Allemagne a entraîné la partici- pation des Verts au gouvernement, en particulier de Joschka Fischer, ministre des Affaires étrangères, et de Jùrgen Trittin, ministre de l'Environnement et représentant de la ligne dure du parti écologiste allemand. Leur présence pourrait signifier la sortie, à court ou moyen terme, du nucléaire. Il est difficile aujourd'hui de savoir avec certitude si le gouvernement allemand envisage d'abandonner cette idée, de la reporter ou d'en étaler l'application.

Au cas où l'exploitation des centrales nucléaires outre-Rhin cesse- rait, fût-ce dans vingt-cinq ans, cela risquerait d'avoir des consé- quences directes en France, à moins que le gouvernement français n'ait d'ici là modifié sa politique. Les effets seraient de deux ordres.

Cet arrêt poserait le problème de l'existence du centre de retraitement des déchets nucléaires de la Hague. Les deux usines UP2 et UP3 retraitent les combustibles irradiés, issus des centrales françaises pour la première, et des centrales étrangères (surtout allemandes et japonaises) pour la seconde. Le retrait allemand compromettrait fortement l'équilibre du site exploité par la Cogema car, sur les 9 385 tonnes de déchets qui y ont été retraités, 3 840 provenaient d'Allemagne, soit plus du tiers. Enfin, le site normand entrepose des déchets étrangers que leurs propriétaires ne semblent pas empressés de venir reprendre. Depuis l'ouverture du centre, seuls cinq convois de retour des déchets ont eu lieu, trois vers le Japon et deux vers l'Allemagne, occasion de violentes manifesta-

(6)

tions antinucléaires sur le site d'enfouissement de Gorleben (Basse- Saxe). En France même, le centre de retraitement est contesté en raison des nuisances qui l'entourent. A la suite d'une plainte contre le stockage des déchets radioactifs étrangers, la Cogema vient d'être mise en examen par la justice pour « mise en danger de la santé d'autrui » sous les termes de l'article 3 de la loi Bataille du 30 décembre 1991.

La seconde conséquence majeure de l'abandon du nucléaire par l'Allemagne serait la remise en cause des programmes de recherche communs, notamment celui qui, associant Framatome et le groupe Siemens, visait à mettre au point une nouvelle généra- tion de réacteurs, dits EPR, qui auraient pu être alimentés par les déchets retraités.

Pour une politique de l'énergie et des transports, respectueuse de l'environnement

Au lieu de dépendre presque exclusivement du nucléaire, la politique énergétique de la France devrait diversifier ses sources d'approvisionnement, comme le préconisait dernièrement Benjamin Dessus, directeur du programme de recherche interdisci- plinaire sur les technologies pour l'éco-développement au CNRS.

Développer les énergies nouvelles et renouvelables, reprendre une politique drastique d'économie d'énergie, renouer avec une maîtrise stricte de la consommation électrique, délaisser l'idéologie de

« l'indépendance énergétique » de la France, largement dépassée, pour une meilleure insertion sur le marché international ou créer une politique européenne de l'énergie, telles sont quelques-unes des pistes intéressantes qui pourraient être envisagées au début du XXIe siècle.

De même que la politique énergétique de la France devrait être plus diversifiée, il serait nécessaire d'opérer une semblable diversification dans le domaine des transports. En la matière, la France a trop favorisé la route par rapport aux autres moyens de transport des personnes et surtout des marchandises. Il est incontes- table que cette orientation unique de la politique française a eu des répercussions sur la pollution de l'air. La France n'a jamais eu

(7)

de politique complémentaire à celle de la route. Un vrai engage- ment dans le développement des voies fluviales et des canaux réduirait les taux de pollution de l'air et permettrait de réaliser des économies d'énergie. La consommation d'énergie est de quinze grammes d'équivalent pétrole par kilomètre pour le fleuve contre trente-deux pour la route.

Quelques chiffres suffisent à montrer que la France, contrai- rement à ses voisins, délaisse le fleuve au profit du rail et de la route. En termes de longueur, les voies navigables représentent 119 118 kilomètres en Russie, 7 480 en Allemagne, 5 717 en France et 5 046 aux Pays-Bas. Si l'on compare la part du fret transportée par voie fluviale dans les trois derniers pays, la faiblesse du trans- port fluvial français devient patente : 2,45 % du fret global en France contre 20 % dans l'ouest de l'Allemagne et 50 % aux Pays- Bas. En effet, l'infrastructure des canaux français remonte pour l'essentiel au plan Freycinet de la fin du siècle dernier. L'absence de modernisation de ces canaux les rend inaptes à la circulation des transporteurs de grande taille que peuvent, au contraire, accueillir les canaux rhénans. La faiblesse des investissements fran- çais dans ce domaine est responsable de la situation : quand l'Allemagne dépense annuellement 3 milliards de francs, la France n'investit tout au plus dans ses infrastructures que la somme de 600 millions. De plus, depuis la loi de Finances pour 1991, l'Etat a délégué la majeure partie de ses compétences en matière de voies navigables à un établissement public, les Voies navigables de France (VNF), dont le budget total en 1998 est de 1 257,86 millions de francs, soit presque trois fois moins que la totalité des investis- sements allemands pour une seule année.

De ce point de vue, l'abandon du projet de canal Rhin- Rhône, exigé par les Verts, ne va pas dans la bonne direction et creuse plus encore le retard pris par la France sur les pays rhénans et de l'est de l'Europe. Le but du projet était de relier la Méditerranée, et au-delà le Moyen-Orient et l'Asie via le canal de Suez, à l'axe rhénan et à la mer du Nord. La réalisation du canal aurait donc permis d'aménager un des axes majeurs de l'économie européenne, ce dont aurait profité tout l'est de la France. La créa- tion du port de Fos-sur-Mer et l'aménagement de l'étang de Berre, à l'une des extrémités de cet axe, auraient directement relié toute

(8)

cette région aux grands ports de l'Europe du Nord et aurait stimulé son activité économique. D'énormes investissements ont été réali- sés dans ce but. La somme estimée de ces investissements, à l'arrêt du projet, est, pour l'instant, de 2,72 milliards de francs. A ce coût provisoire, il faudra bien entendu ajouter ceux de l'aménagement des régions qui devaient être traversées par le canal et de la construction d'une voie ferrée à grande vitesse, appelée à rempla- cer la voie d'eau.

Ces exemples montrent que la France n'a pas eu, hélas ! depuis des décennies, de politique suffisamment diversifiée en matière de transport ou d'énergie. Elle y sera cependant contrainte si elle désire se doter d'une grande politique de préservation de l'environnement. Le nucléaire n'est pas la seule politique possible de l'énergie et sans doute n'est-elle pas la meilleure ni la moins coûteuse. Le développement continu du transport routier n'est pas la seule solution envisageable ; elle n'est ni la plus économique ni la moins polluante.

Au moment où nous entrons dans une phase décisive de la construction européenne, la France doit repenser sa politique de l'énergie, celle des transports et celle de l'environnement.

Edouard Bonnefous

Chancelier honoraire de l'Institut

Références

Documents relatifs

Afin de sensibiliser les municipalités à l’accroissement significatif du nombre de personnes aînées au sein de leur communauté et de les aider à s’outiller pour faire face

• NOTTE Olivier (CERTOP, CNRS et Université de Toulouse 2 Le Mirail). La construction de l'accountability dans l'action publique, la gestion de l'eau en France et

Droits d’inscription : 60 € ou tarif étudiant à 30 € comprenant l’entrée au colloque, les déjeuners des 25 et 26 juin 2007, le livret des résumés du colloque ainsi que les

Les pré-requis pour un accès à la vie sociale sont-ils réunis sur l’ensemble du territoire parisien et pour l’ensemble des publics en situation de handicap.

La crise sanitaire de la Covid-19 et son origine probable nous montre encore plus, et avec une ampleur jusque-là inégalée l’interdépendance entre santé humaine, vie animale

Pour la CFDT, cette résolution constitue un passage de témoin au futur CESE pour qu’il s’empare de ce sujet, o combien transversal, et ainsi pour qu’il pèse, avec la légitimité

Avec cette crise sanitaire, nous nous sommes donc rendu compte que la santé dépasse les prises en charge hospitalières, dépasse la médecine de ville, dépasse le soin tout court..

Toutefois, compte tenu des enjeux du sujet et de la nécessité de l’étudier, le groupe Entreprises a voté favorablement