HAL Id: hal-00894234
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Ressources génétiques animales et logiques sociales : le maintien d’une race rustique en Savoie, la brebis Thônes
et Marthod
Jacques Godet, Thierry Joly
To cite this version:
Jacques Godet, Thierry Joly. Ressources génétiques animales et logiques sociales : le maintien d’une
race rustique en Savoie, la brebis Thônes et Marthod. Genetics Selection Evolution, BioMed Central,
1998, 30 (Suppl), pp.S91-S99. �hal-00894234�
Article original
Ressources génétiques animales
et logiques sociales :
le maintien d’une race rustique
en Savoie, la brebis Thônes et Marthod
Jacques Godet* Thierry Joly
Institut
supérieur d’agriculture Rhône-Alpes (Isara),
31, PlaceBellecour,
69288Lyon
cedex 02, FranceAbstract - Social network and genetic resources: the ’Thônes et Marthod’
sheep husbandry in Savoia. The management of local
genetic
resourcesimplies
the
development
of thepossibilities.
This requires that theproducers
be involved.However, they
are not ahomogeneous
group and theirgoals
varygreatly.
The Th6nesand Marthod
sheep husbandry,
in Savoia(a
Frenchalpine area),
is agood example.
This
hairy
breed ofsheep
is very useful for range management, but its carcass hasno value. Its survival can be
explained by
the local economy, as two-thirds of the Savoian peasants arepart-time
farmers. Such apluriactivity
allows these smallholders tokeep
a few ewes as currency. As well, some breeders rear flocks for commercialcrossing
and others have starteddairy farming.
Thisdiversity
has led the localassociation of
sheep
owners to consider the best way toorganise
andexchange. Thus,
an
adaptive, participatory
research was launched toprovide
them with useful data.The
demographic study
of thisendangered
breed wascompleted by
asociological
survey, as it is essential to understand the criteria and practices of the various
producers. Although acting
in distinctive ways, these farmers form a network that could bedeveloped.
Providedthey
would not becompelled
tointegrate
apyramidal
system,they
would be interested in improving ramexchanges through
a kind of stud.It would be a very open system, each stock farmer will get the opportunity to become
a breeder. It does not aim at a selection scheme but rather a
social, organisational
process which would allow the breeders to
adapt
the management of the breed ina sustainable way. Thus, the fact that these breeders
reject integration
does notnecessarily
meanthey
do not approve ofpartnership. © Inra/Elsevier,
Paris endangered breed/
ovine/
farming systems/
ram breeding/
genetic resources management/
social researchRésumé - La
gestion
in situ des ressourcesgénétiques dépend
despossibilités
devalorisation. Elle
implique
une concertation avec les éleveurs.Or,
c’est un milieu*
Correspondance
et tirés à partsouvent
hétérogène,
auxobjectifs
diversifiés. Le cas de la brebis Thônes etMarthod,
en
Savoie,
résume bien ces contraintes. Cette racerustique
valorisel’espace
maisun manque de conformation restreint ses débouchés. Son maintien est lié à la
pluriactivité, qui
permet à depetites
structures de conserverquelques
bêtes enappoint,
pour un marché de proximité, bienqu’il
y ait de grosélevages
orientésvers le croisement industriel et des installations en
production
laitière. Cette diversité amène l’association des éleveurs à réfléchir sur les formespossibles d’organisation
et àaméliorer sa communication tant interne
qu’externe.
Une recherchepluridisciplinaire
a
complété
l’étudedémographique
de la race par uneenquête sociologique : typologie
des éleveurs et
analyse
de leurslogiques
de fonctionnement. Le schéma deséchanges
de
reproducteurs
laisse entrevoir une maîtrisepossible
de la voie mâle. D’où leprojet
d’un parc à béliers qui permette à tout éleveur de devenir fournisseur sans pour autant
qu’on
lui impose de rotationobligatoire.
Ils’agit
de favoriser un fonctionnement naturel en réseau, à l’exclusion de toute formed’intégration. © Inra/Elsevier,
Parisovin
/
population à petit effectif/
gestion in situ/
typologie des éleveurs/
approche sociologique1. INTRODUCTION
Le maintien de la diversité
génétique
par maintien des races àpetits
effectifsimplique
unegestion
concertée avec les éleveurs. Ce choixpolitique
est motivépar des considérations
économiques
et sociales enplus
des motifspatrimoniaux
et environnementaux. L’évolution vers la recherche d’une
agriculture durable,
lavalorisation de la ressource
paysagère
et les attentesqualitatives
du consomma-teur redonnent de l’intérêt à
l’aspect proprement génétique
et aux orientations de sélection des races àpetits
effectifs. Cela pose toutefois leproblème
de l’ac-tualisation des
systèmes
deproduction
et del’application
d’un programme degestion génétique compatible
avec leurs contraintes de fonctionnement.La sensibilisation des éleveurs ne
signifie
pas pour autant convergence de leurs intérêts dans un contexte où lesenjeux
sontinégaux,
les moyens réduits et les débouchés incertains. L’information sur les races, lesélevages
et les éleveurseux-mêmes,
reste àpréciser.
Etquand
bien même lesobjectifs
deproduction
seraient clairement
identifiés,
toute uneorganisation
est à mettre aupoint qui
surmonte contraintes et
disparités
dans un milieuhétérogène qui
ne regroupe pas que desprofessionnels.
Si elles’appuie
sur unedynamique agricole,
elle nese limite pas à cette seule dimension et nécessite un
partenariat élargi.
C’est dans cette
perspective
que s’inscrit ce travail derecherche, entrepris
en Savoie avec des éleveurs ovins concernés au
premier
chef par une telleproblématique. A quelles
conditions est-ilpensable
dedévelopper
la race locale ? 7Quelle
serait la formed’organisation
laplus pertinente? Quelles préconisations techniques
pour lagestion génétique
de cettepopulation
sontsusceptibles
d’êtreappropriées
par les éleveurs ? 72.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Notre choix s’est
porté
sur une racelocale,
la Thônes etMarthod,
une raceà
petits
effectifsqui
résume l’essentiel desenjeux
en matière de conservation.La Thônes et
Marthod,
élevéeprincipalement
dans les deuxdépartements
deSavoie et
Haute-Savoie,
apris
son nom en1955,
suite à la fusion de deuxpopulations
voisines : la Marthod oumauriennaise, proche
des racesalpines d’Italie,
et laThônes,
enpartie
dérivée du Nez Noir du Valais. C’est un animalrustique,
auxaptitudes
de marche à hautes altitudes reconnues, etcapable
de
s’adapter
à unrégime
« accordéon sévère.Cependant,
sonpoint
faibleréside dans sa conformation bouchère où les carcasses sont essentiellement classées en 0 ou P. La
plupart
des éleveurs sont adhérents à l’union des éleveurs de Thônes etMarthod,
une association desauvegarde qui
définit sesobjectifs indépendamment d’organismes spécialisés.
La relance d’un programme de conservation en 1992 apermis
d’initier un certain nombred’actions,
cequi
contribue au
rapprochement
des acteurs : marquage desbéliers, gestion
deprimes,
mise en relation de vendeurs et d’acheteurs.Cette étude repose sur une double
approche.
La caractérisation desélevages
consiste aussi bien à décrire la
population
ovinequ’à
saisir lalogique
defonctionnement des éleveurs et mieux les identifier. L’étude
démographique
deseffectifs ovins s’est vue
complétée
par l’interview deprès
de3/4
des éleveurs de Thônes etMarthod,
cequi représente
un atoutméthodologique
pour étudiercette
population
àpetits
effectifs.L’enquête démographique
s’est faite à l’échelle dutroupeau
et à l’échelle desreproducteurs
en suivant uneapproche
transversale etlongitudinale (Vu
ThienKhang, 1983).
L’absence d’identification des brebis et de carnetsd’agnelage
rendait
impossible
une étudegénétique précise. L’objectif
a donc été un bilanà dires d’éleveurs combinés à l’observation in situ d’une
partie
desélevages.
Le recueil de
témoignages
d’unecinquantaine
d’éleveurs apermis
deréaliser,
d’une
part,
l’inventaire et ladescription
desélevages
et d’autrepart, l’historique
des
échanges
dereproducteurs
entreélevages. L’enquête sociologique,
basée surl’entretien
semi-directif,
a ciblé un échantillonplus réduit,
d’une trentaine de personnes, mais incluant des éleveurs non encore visités. Cetteapproche quali-
tative se
justifie
à la fois par le matériau visé(les représentations
autant que lesfaits)
et par lanon-pertinence
d’unereprésentativité statistique.
Les discours des éleveurs ont faitl’objet
d’uneanalyse
decontenu, recoupée
par l’observa- tion despratiques
et dusystème d’exploitation. L’objectif
est derepérer
lesdifférentes
catégories
d’éleveurs et decomprendre
leurlogique
de fonctionne-ment,
ycompris
en s’intéressant aux déterminantsnon-professionnels.
Ces travaux ont fait
l’objet
d’une restitution aux éleveurs de Thônes et Marthod. Le but est d’entamer avec eux unerecherche-action, qui catalyse
leurs différentes attentes et leur
permette
de construire un outil endialoguant mieux,
entre eux comme avec leurspartenaires.
Leprincipe
est de leur renvoyerune vision
globale
de cequ’ils
sont oupourraient être,
defaçon
à ce que chacundépasse
la visionfragmentaire qu’il
a des choses et se situe mieux parrapport
à unprojet
commun. Il nes’agit
pas de casser ce fonctionnement en réseau- dont les études du
Gerdal l
montrent combien il estopératoire
-, mais aucontraire de
l’optimiser.
1
Gerdal :
Groupe d’expérimentation recherche développement et actions localisées. Socio-logie appliquée au développement rural. J-P. Darré et son équipe travaillent sur la production
de connaissance dans les groupes professionnels locaux et sur les relations entre le discours
scientifique et technique et les formes de connaissance des agriculteurs. Cf. Ci-après références bibliographiques.
3. RÉSULTATS
3.1. Situation
démographique
L’enquête
apermis
derepérer près
de 80élevages
dont une soixantaine sont membres de l’association des éleveurs de Thônes et Marthod. Cesélevages
sontde taille variable et pour
plus
de 90%
localisés dans les payssavoyards.
Après
une forte diminution des effectifs debrebis, passant
de 32 000 avant-guerre à moins de 2 500 en
1980, l’enquête porte
le nombre d’animauxrepérés
à 3 300
(Philit
etal., 1996). L’âge
moyen des brebis(4,0 ans)
et le fort tauxde renouvellement
d’agnelles (25 %),
endépit
d’une traditionnellelongévité
decarrière
(10 %
ontplus
de 10ans), indique
des installations ou des relancesd’élevages
récentes. La forteproportion
de béliers(un
pour 55femelles)
s’ex-plique
par l’éclatement desélevages
en unités de taille variable et aux vocations deproduction
différentes.Les éleveurs de Thônes et Marthod sont
jeunes
avec une moyenned’âge
de 40 ans, mais
présentent
unegrande
diversité. L’étude révèle desobjectifs
de sélection
divergents,
des identités différentes et une attitude variable parrapport
à la fonction deproduction.
Bien que trèsimportante,
la dimensionéconomique
ne favorise pas pour autant la convergence des orientations et unelogique
de filière. Laplupart
de ces éleveurs sont despluriactifs,
soit parcequ’ils
ne sont pas
agriculteurs,
soit parcequ’ils pratiquent
uneagriculture
saisonnièreou diversifiée
(agritourisme),
soit encore parcequ’en
tantqu’éleveurs,
peu sont vraimentspécialisés
ovins.3.2.
Types d’élevages
identifiésUn
premier clivage
s’observe entre la Maurienne et unerégion
pour l’essentielhaut-savoyarde
autour deThônes,
cequi confirme,
sur leplan zootechnique,
ladistinction que les éleveurs font du
type
mauriennais parrapport
au standardgénéral.
Cette distinctionreprend l’opposition
des auteurs du XIXe siècle entrela Thônes élevée dans les vallées
préalpines
et la Marthodplus montagnarde
conduite en
alpage.
Cestypes
confirment deux histoires différentes sur leplan socio-économique.
Pour la
Maurienne,
sa désindustrialisation la renvoie à uneagriculture
saisonnière et confirme sa vocation à
l’élevage
extensif. Lesystème d’élevage,
basé sur des
agnelages
deprintemps
et la montée enestive,
ne nécessitequ’une
surveillanceépisodique.
L’éleveur de Thônes et Marthod a ici levisage
d’unjeune
de 35 ans,pratiquant
le croisement industriel avec untroupeau
de150 brebis.
Cette situation contraste avec les
petits élevages
de larégion
de Thônes(entendue
au senslarge d’Annecy
au Vald’Arly).
Cetterégion
estmarquée
par la
proximité
du tissu industriel eturbain,
la faible altitude et l’étroitesse des structures.L’élevage
ovin yreprésente
unespéculation
annexe, pour unepopulation
d’éleveursâgée
d’unecinquantaine
d’annéesqui
rassemble despluriactifs,
desretraités,
des loueurs degîte,
des salariés travaillant en villeou à l’usine...
Cependant, quelle
que soit la modicité du revenuoccasionné,
laplupart
tirentparti économiquement
de leurélevage, profitant
d’un marché deproximité. Tous, enfin,
obéissent à un réflexe identitaire trèsfort,
« paysan » ausens propre du terme. La
petite
taille destroupeaux,
pour laplupart
conduitsen race pure, ainsi que la
disponibilité
deséleveurs,
autorisentl’agnelage
d’automne.
Entre ces deux
archétypes, élevage
extensif de Maurienne etpetit élevage
des
pluriactifs
ou « urbains dunord-Savoie,
s’intercalent d’autreslogiques plus spécialisées
tant sur leplan géographique qu’en
tant quesystèmes.
D’uncôté, quelques
grosélevages
viande confrontés aux limites des filièresclassiques décapitalisent
leurcheptel.
Del’autre,
desélevages
laitiers sedéveloppent
dansune nouvelle voie
qui
retrouve la vocationfromagère
de cette racerustique,
tout en
jouant
de sa dimensionpatrimoniale
pourexploiter
le créneau « vente fermière ». Les éleveurs laitiers visent l’étalement des mises-bas sur l’année.Enfin, quelques élevages
extérieurs à larégion
sontapparemment
très divers(exploitations, élevages
deloisirs,
fermespédagogiques,...)
mais restent à mieuxidentifier.
Comme toute
typologie,
celle-ci estschématique.
Maispar-delà
lesspécifi-
cités
savoyardes
etl’importance
de lapluriactivité,
elle n’est pas sans confirmer d’autres études(Audiot
etal., 1983;
Flamant etal., 1989; Quéméré, 1993).
3.3. Le
rejet
d’uneintégration
Les débats au sein de l’Union des éleveurs de Thônes et Marthod sont de bons indicateurs des
disparités
et surtout des tensions résultant d’une situationsocio-économique
instable.Les discussions sur le standard reflètent
plus qu’une
diversitérégionale.
Aux
rapports
de forceclassiques
entre lessélectionneurs,
soucieux de contrôlerl’offre,
et les utilisateursplus pragmatiques, s’ajoute
la montée de nouvelleslogiques,
pas nécessairementconvergentes,
etqu’incarnent
les éleveurs laitiersou les
jeunes agriculteurs
de Maurienne. Par leur côtéprofessionnel,
ces débatspeuvent indisposer
ceuxqui
s’intéressent à cette raceprécisément
en tant que valeur ou activitémarginale.
Un débat tout aussi révélateur porte sur l’aide de la Communauté eu-
ropéenne
auxélevages
en race pure deplus
devingt
têtes. Plus que ses effets réels comme octroi de moyen, les mesuresagri-environnementales
ont révéléostensiblement les
clivages
et ont été ressenties comme un instrument de sélec- tion et denzarginalisation, reléguant
lespetits élevages
dans l’amateurisme.Derrière ces
tensions,
se cache leproblème d’enjeux économiques
et sociauxdifféremment perçus. Un
grand
nombre d’éleveurs ne sont pas dans unelogique
de
production spécialisée,
voire même dans unelogique
deproduction
strictosensu, la Thônes et Marthod
symbolisant
avant tout unepart
d’identité irréductible. Il est révélateur que le tondeur soit le seulpartenaire
« extérieur »spontanément évoqué
dans les interviews. Cela nesignifie
nullementqu’il n’y
ait pas une
logique économique
dans l’attitude deséleveurs,
mais on doit tenircompte
de deux facteurs. D’unepart,
leur attachement à la racesymbolise
la résistance des éleveurs à une forme de
développement
et d’encadrementprofessionnel.
D’autrepart,
lesystème
repose sur uneadaptation
trèssouple
au contexte
socio-économique
local basé sur la vente directe à une clientèle deproximité.
L’efficacité de cesystème
alongtemps
résidé dans le faitqu’il
est
précisément marginal
et fondé sur un réseauparallèle plutôt
que sur uneorganisation
formalisée.Dans les
Alpes
duNord, l’élevage
du mouton atoujours joué
traditionnel- lement un rôled’appoint,
detrésorerie,
de valeurrefuge
aux côtés del’élevage
bovin et des ressources du
colportage
et autres métiers saisonniers. Mais cetélevage,
dans sonensemble,
ne relevait pas d’unelogique professionnelle.
4. DISCUSSION
4.1. De
quelles
marges de manoeuvredispose-t-on
pourgérer
la diversité
génétique ?
La tenue du carnet
d’agnelage
estincomplète,
les contrôles deperformance
sont très peu
pratiqués
et le nombre de fournisseurs est réduit.Cependant,
lestrois
principaux
offreurs de mâles ne sont pasapparentés
entre eux, les casd’utilisation
prolongée
de béliers restent limités et lapratique
de l’allottement est suffisamment maîtrisée pour atténuer lesrisques
d’uneaugmentation rapide
de la
consanguinité
de cette race.Cependant,
même si la situation de la Thônes et Marthod ne semble pascatastrophique,
il esturgent
d’accroître le nombre d’éleveurs fournisseurs dereproducteurs.
Les troisprincipaux
fournisseurs sontreprésentatifs
de latypologie
d’ensemble : l’un estspécialisé lait,
l’autre axé sur laproduction
de carcasses, le troisième un
pluriactif
attaché auphénotype
traditionnel du pays de Thônes. Ces deux derniersélevages décapitalisent,
cequi peut
êtreune chance de
positionnement
pour depetits élevages qui perdurent
du faitd’un marché de
proximité
autant que d’unepassion
d’amateurs. Lesystème
n’a donc pas
trop souffert, jusqu’à présent,
du rétrécissement des débouchés industriels mais cette situation restealéatoire,
car les normes communautairesen matière
d’abattage risquent
d’affecter ce marché deproximité.
Lespetits élevages représentent
un vivier de fournisseurspotentiel important
à valoriser.Mais ceux-ci sont-ils
prêts
à endosser ce rôle7 Quels
sont les relais à assurer et à mettre en ceuvre ? 7La coexistence même de
plusieurs options zootechniques permet
de maintenir la diversité mais avive leproblème
d’unegestion globale
de cettepopulation
àpetits
effectifs.Le
système agraire d’avant-guerre,
tout autant que l’économiemarginale permise
ensuite en Savoie par lapluriactivité,
favorisaient lanon-spécialisation
de la race.
À
l’encontre de lapolitique
de « fixation desgènes
» occasionnée par la modernisation del’élevage,
ces économiesdomestiques
ont faitpersister
un certain
polymorphisme
despopulations
locales.Qu’en
est-il maintenant ? 7Jusqu’à quel point peut-on
actualiser cette ressource « traditionnelle » ?Quels
sont les déterminants
socio-économiques qui pèsent
à terme dans la définition desobjectifs
de sélection? 7La
question
n’est pas que des intérêts forcément divers deviennent vraiment communs, maisqu’ils puissent
s’articuler commecomplémentarités.
Pour lesproducteurs
deviande,
la crise actuelleoblige
àoptimiser
lesperformances
deproduction,
la rusticité de la Thônes ne suffisant pas à entraîner des économies d’échelle. Les éleveurs laitiers cherchent àredévelopper
lepotentiel
de la racesur ce
plan. Parallèlement,
ce contextepeut
détourner les purs amateurs des finalitéséconomiques
auprofit
d’une collection dephénotypes
idéaux.Enfin,
lavalorisation de
l’élevage
comme activité de service réhabilitel’exploitant
comme« entrepreneur » passant
contrat avec unecollectivité,
la Thônesjouant déjà
lesdébroussailleuses dans le cadre d’un accord avec le Parc
Régional
de Chartreuse.Le défi
qui
se pose à l’Union estdonc,
pour lesprochaines
années et sur la based’un effectif réduit et
dispersé, d’anticiper
et degérer
cette diversification.4.2. Une affaire de communication pour l’Union des éleveurs Cette situation est
précisément
l’occasion d’enclencher unedynamique
deconcertation. L’idée d’un parc à béliers situé en
alpage
apermis
d’initier des discussions où lesrisques
sanitaires et lesproblèmes pratiques (éloignement,
coût de
l’opération, agnelages tardifs...)
ont étéinvoqués. Cependant,
le fonddu débat n’est pas dans un
problème
d’informationtechnique;
les éleveursexpriment
leurs craintes d’uneimposition,
d’unelogique
collectiveanticipant
les choix à faire sur leplan économique
et social.L’exemple
du moutonBoulonnais,
sauvé in
extremis,
montre que, depierre d’achoppement,
le parc à bélierspeut
devenir unpoint
deralliement,
un élémentfédérateur,
pour peuqu’on respecte
certaines
règles
de communication. Parcommunication,
on entend ici autantun
comportement
socialqu’une
diffusion d’information.Pour le
Boulonnais,
un schéma de rotation des familles avait d’abord étéenvisagé (Stievenard, 1993).
Ce schéma a été abandonné pour unsystème plus simple
autorisant tout éleveur à devenirfournisseur,
alorsqu’auparavant
lesreproducteurs provenaient
de troisélevages sur-représentés.
En1986,
l’Uniondes éleveurs de Thônes et
Marthod
a elle aussi tiré lesenseignements
durejet
d’un schéma collectif basé sur une rotation
obligatoire
des béliers(Rochambeau, 1983),
schéma alorspréconisé
par leGroupement régional
desproducteurs
ovins. Le
principe
est depréserver
des marges de manoeuvre et de rassurer en évitant tout excès deprogrammation
et d’encadrement. Ils’agit
autant dedonner à tout éleveur l’occasion de devenir un fournisseur de
génétique
que de lui laisser le libre choix dureproducteur, quels
que soient les conseils donnés et la sélection d’améliorateursproposée
par lesgestionnaires
du parc.L’objectif
est bien de faire du parc à béliers un cadred’échanges,
et d’abordau sens social du
terme,
un lieu de rencontres et un outil de communication.Cette fonction
pédagogique,
enjouant
laparticipation plutôt
quel’imposition,
devrait
permettre
au parc deremplir
auplus
vite son rôletechnique
et informa-tif. Sur ce
plan,
c’est aussi se donner la chance d’une construction en commun,progressive
etnégociée,
desobjectifs
de sélection. Par« sélection »,
on entendici le
compromis
à trouver pour actualiser unsystème domestique
sans pour autantintégrer
un programme de sélection stricto sensu, défini comme « forme industrielle» (Casabianca
etVallerand, 1994).
Toutepériode
dechangement
ac-croît le souci de l’éleveur de contrôler les incertitudes. L’innovation
génétique
doit faire
l’objet
d’unapprentissage
de groupe, d’uneréappropriation paritaire,
au
risque
d’être perçue comme un transfert d’autorité.Cela renforce l’Union dans son rôle de médiateur et la nécessité
qu’il
y a detravailler sa communication tant interne
qu’externe. L’enjeu
estimportant
caril
s’agit
de l’activation d’un réseau en tant quetel,
et non pas d’unproblème
institutionnel de
vulgarisation.
La mobilisation de l’éleveur n’est pas affaire decompréhension
littérale du messagetechnique.
Il raisonne àpartir
de sasituation
générale,
de l’ensemble de ses contraintes et d’uneappréciation
desrisques
à ce niveau. Le technicien ou lescientifique
raisonnent lapréservation
dupatrimoine génétique
à l’échelle de lapopulation
sansintégrer
ces déterminantssocio-économiques
quebeaucoup
résument par desidéologies
ou comme desmentalités. Comme le
rappelle Darré,
« les gens usent des mots pour dire nonles choses mais leur relation aux choses»
(Darré, 1985).
Il y a variation dessens selon les groupes sociaux. C’est d’autant
plus
vrai dans le cas des éleveurs de Thônes etMarthod, qu’ils
ne forment pas vraiment un groupeprofessionnel
local au sens ou l’entend Darré.
5.
CONCLUSIONS,
PERSPECTIVESRentrer dans les
systèmes
depensée
des éleveurs n’est pas affaire dephi- losophie,
mais lepréalable
à desapplications
concrètes. D’unefaçon générale,
ces observations confirment
qu’on
nepeut
raisonner lagestion
des ressourcesgénétiques indépendamment
des facteurs structurels etconjoncturels qui
condi-tionnent les
logiques
sociales d’un territoire donné. Lastratégie
de l’Unionvise à renforcer le sentiment de
parité
entre éleveurs etélargir
son audiencesans
imposer
de relationpyramidale.
Ledéveloppement
departenariats
ponc- tuels avec des interlocuteursscientifiques
ettechniques,
estpartie intégrante
decette
stratégie
de concertation. Laconception
de schémas degestion génétique adaptés
à cettedynamique locale,
dans le cadre de réseaux dedialogue,
estun défi stimulant pour les
généticiens. Cependant,
elleimplique
aupréalable,
la reconnaissance d’une culture
technique locale,
d’une formepré-existante
degestion,
etl’acceptation
d’unelogique
denégociation
et de traduction mutuelle desreprésentations.
C’est à ces conditions quepeut
s’élaborer une culture de transitionqui préserve
les éleveurs dans leur identitésociale,
celle des pre- miersgestionnaires
des ressourcesgénétiques animales,
tout en favorisant unereprésentation globale, incarnée, concrètement,
par cet outild’apprentissage
encommun
qu’est
le parc à béliers.REMERCIEMENTS
Ces
enquêtes
menées en Savoie et Haute-Savoie durant l’été 1996 ont faitl’objet
d’un mémoire de fin d’études
(La
Thônes et Marthod :historique, caractéristiques zootechniques
et étudedémographique)
soutenu par M. Philit(24 e promotion)
sousla
responsabilité
de T.Joly,
et d’un rapport d’étude(Thônes
et Marthod : une race àfaible
effectif,
les conditionséconomiques
et sociales de sonmaintien)
par un grouped’élèves-ingénieurs
de 4e année(P. Bernard,
B.Chareyron,
C. Gamon et L.Gisquet),
sous la
responsabilité
de J. Godet. L’investissement des étudiants sur le terrain a été facilité par l’accueil cordial et motivé des éleveurs de Thônes et Marthod.Les auteurs sont redevables à Clovis
Chatel,
secrétaire de l’Union deséleveurs,
del’appui précieux qu’il
aapporté
à cette étude et à AnnickAudiot,
del’Inra,
de sesremarques et
critiques
attentives, qui ontlargement
contribué à la rédaction de cet article.Cette étude a été réalisée
grâce
au soutien financier du ministère del’enseignement
supérieur
et de la recherche(Décision
d’aide n° 95 G0092).
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