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Le principe de sécurité juridique au sens du droit de la Convention européenne des droits de l'homme

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Academic year: 2021

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Convention européenne des droits de l’homme

Helène Hardy

To cite this version:

(2)

1

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Rapport de gestion

2015

THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR

DE L’UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

En droit public

École doctorale Droit et Science politique

Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme (EA 3976)

Présentée par Hélène HARDY

Le 19 novembre 2019

Sous la direction de M. Le Professeur Frédéric SUDRE

Devant le jury composé de

Elsa BERNARD, Professeure, Université de Lille Pascale DEUMIER, Professeure, Université de Lyon III Laure MILANO, Professeure, Université de Montpellier Frédéric SUDRE, Professeur émérite, Université de Montpellier

Françoise TULKENS, Ancien juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, Professeure émérite, Université de Louvain

Rapporteur Présidente du jury Membre du jury Directeur de thèse Rapporteur

Le principe de sécurité juridique

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THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR

DE L’UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

En droit public

École doctorale Droit et Science politique

Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme (EA 3976)

Présentée par Hélène HARDY

Le 19 novembre 2019

Sous la direction de M. Le Professeur Frédéric SUDRE

Devant le jury composé de

Elsa BERNARD, Professeure, Université de Lille Pascale DEUMIER, Professeure, Université de Lyon III Laure MILANO, Professeure, Université de Montpellier Frédéric SUDRE, Professeur émérite, Université de Montpellier

Françoise TULKENS, Ancien juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, Professeure émérite, Université de Louvain

Rapporteur Présidente du jury Membre du jury Directeur de thèse Rapporteur

Le principe de sécurité juridique

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« L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans

cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur »

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REMERCIEMENTS

Je souhaite tout d’abord exprimer ma plus profonde reconnaissance au Professeur Frédéric SUDRE pour avoir accepté de me confier un sujet dense mais passionnant. Je le remercie pour m’avoir guidée et conseillée durant ces cinq années de recherche, pour sa disponibilité ainsi que pour la liberté scientifique qu’il m’a octroyée tout au long de ma réflexion.

Je souhaite ensuite adresser mes remerciements aux membres du jury pour l’intérêt et le temps qu’ils consacreront à la lecture de ce travail.

Je remercie vivement les membres de l’IDEDH – passés ou actuels – pour leurs encouragements. J’adresse en particulier mes remerciements à Madame Béatrice PASTRE-BELDA et au Professeur Jérôme ROUX, pour la confiance qu’ils ont placé dans mes enseignements ; au Professeure Caroline PICHERAL, pour m’avoir accompagnée dans ma première recherche collective ; au Professeure Claire VIAL et Madame Katarzyna BLAY-GRABARCZYK pour leur soutien de leur bienveillance dans les moments difficiles liés à tout travail de thèse. Merci à toi Nina, pour avoir été ma marraine de thèse, et à toi Raphaël, pour être le partenaire de thèse le plus drôle et le plus humain. J’ai conscience que ce travail n’aurait jamais vu le jour sans votre amitié.

Je tiens à remercier également les Professeur(e)s, docteur(e)s et doctorant(e)s lillois(es) pour leur accueil et pour avoir pris le relais en cette fin de doctorat.

Je remercie chaleureusement mes relecteurs(rices) pour le temps qu’ils ont consacré à la relève des nombreuses (et persistantes) scories : Eroan, Ferdi, Irina, Nina, Annabel, Audrey et Morgane.

Enfin, mes pensées vont à tous ceux qui m’ont accompagnée durant toutes ces années. J’adresse ma plus profonde gratitude à Eroan, Alexis, Pierre(s), Irina, Ferdi, Alice, Noël, Jessy, Thibault, Marion, Audrey, Nina(s), Lucie, Nadia et Guillaume. Merci pour votre patience et le réconfort que vous m’avez apportée dans les moments où ma propre insécurité avait atteint son paroxysme.

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LISTES DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

act. Actualité

aff. Affaire

AFDI Annuaire français de droit international

AIJC Annuaire international de justice française

al. Autre

AJDA Actualité juridique de droit administratif

AJ Contrat Actualité juridique du droit des contrats

AJ Famille Actualité juridique du droit de la famille

AJ Pénal Actualité juridique de droit pénal

APC Archive de politique criminelle

APD Archive de philosophie du droit

art. Article

Bull. Civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre civile)

Bull. Crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle)

BVerfGE Bundesverfassungsgericht (décisions de la Cour constitutionnelle fédérale allemande)

c. Contre

CAA Cour administrative d’appel

Cass. Cour de cassation

Cass. Ass. Plén. Cour de cassation réunie en Assemblée plénière

Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation

Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation

Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation

Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation

C.C Conseil Constitutionnel

CCC Cahiers du Conseil Constitutionnel

CDDH Comité directeur pour les droits de l’homme

CDE Cahier de droit européen

CE Conseil d’État

CE. Ass Conseil d’État, Assemblée du contentieux

CE, Sect. Conseil d’État, Section du contentieux

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

Ch. Chambre

Chron. Chronique

Civ. Civil(e)

CIJ Cour internationale de justice

CJCE Cour de Justice des Communautés européennes

CJUE Cour de Justice de l’Union européenne

CM Conseil des Ministres (Conseil de l’Europe)

coll. Collection

Com. EDH Commission européenne des droits de l’homme

comm. Commentaire

concl. Conclusion

CPJI Cour pénale de justice internationale

CREAM Centre de recherche et d’études administratives de Montpellier

CREDOF Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux

(13)

DC Décision de contrôle de constitutionnalité a priori

Déc. Décision

DH Droit(s) de l’homme

dir. Sous la direction de

doctr. Doctrine

Dr. fam. Revue de droit de la famille

Dr. soc. Revue de droit social

Éd./ éd. Édition

Fasc. Fascicule

FIDE Fédération internationale pour le droit européen

FMDH Publications de la fondation Marangopoulos pour les droits de l’homme

GAJA LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la jurisprudence

administrative, Dalloz, 2019, 22ème éd.

GACEDH SUDRE (F.), ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.), GONZALEZ (G.), GOUTTENOIRE (A.), MARCHADIER (F.), MILANO (L.), SCHAHMNECHE (A.), SURREL (H.), SZYMCZAK (D.),

Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,

PUF, 2019, 9ème éd.

Gaz. Pal. Gazette du Palais

Gde. Ch. Grande Chambre

H.S Hors-série

IDEDH Institut de droit européen des droits de l’homme

Ibid. Ibidem.

IRJS Institut de Recherche juridique de la Sorbonne

JCP A La semaine juridique, Administration et collectivités territoriales

JCP E La semaine juridique, Entreprise et affaires

JCP G La semaine juridique, édition générale

JDI Journal du droit international

JEDH Journal européen des droits de l’homme

JT Journal des Tribunaux

jtes. Jointes (affaires)

Juris. Jurisclasseur

LGDJ Librairie général de droit et de jurisprudence

LPA Les Petites affiches

n ° Numéro

NCCC Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel

obs. Observation

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

op. cit. Opere Citatio (par section)

p. Page(s)

par ex. Par exemple (pour un renvoi vers un arrêt ou un article de

doctrine)

Plén. Plénière

Pt. Point

PUAM Presse universitaire d’Aix-Marseille

PUB Presse universitaire de Bordeaux

PUF Presse universitaire de France

(14)

PUSL Presse universitaire de Saint-Louis

QPC Question prioritaire de constitutionnalité

RAE Revue des affaires européenne

RBDI Revue belge de droit international

Rec. Recueil

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de La

Haye

RDF Revue de droit fiscal

RDI Revue de droit international

RDLF Revue des droits et libertés fondamentaux

RDP Revue de droit public

RDSS Revue de droit sanitaire et social

RDT Revue du droit du travail

req. Requête

RevDH Revue des droits de l’homme

Rev. sc. Crim Revue de sciences criminelles

RFAP Revue française d’administration publique

RFDA Revue française de droit administrative

RFDC Revue française de droit constitutionnelle

RFFP Revue française de finances publiques

RGD Revue général du droit

RGDIP Revue générale de droit international public

RIDC Revue international de droit comparé

RIEJ Revue interdisciplinaire d’études juridiques

RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal

RQDI Revue québécoise de droit international

RRJ Revue de la recherche juridique

RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial

RTD Eur. Revue trimestrielle de droit européen et international

RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme

RUDH Revue universelle des droits de l’homme

RUE Revue de l’Union européenne

SFDI Société française pour le droit international

Suiv. Suivant

Spéc. Spécifiquement

t. Tome

TA Tribunal administratif

TCE Traité des Communautés européenne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

Trad. Traduit par

TUE Traité sur l’Union européenne

UE Union européenne

vol. Volume

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SOMMAIRE

Introduction générale

PARTIE I :

LA MUTATION DU PRINCIPE « DE » SECURITE JURIDIQUE

Titre I : Une complexité conceptuelle caractéristique du principe de sécurité juridique

Chapitre 1 : La construction d’« un » principe plurivoque de sécurité juridique Chapitre 2 : La qualification équivoque du « principe » de sécurité juridique

Titre II : Une pluralité fonctionnelle révélatrice du principe « des » sécurités juridiques

Chapitre 1 : Les fonctions objectives Chapitre 2 : Les fonctions subjectives

PARTIE II :

LA PORTEE AMBIVALENTE DU PRINCIPE « DES » SECURITES JURIDIQUES A L’AUNE DE L’OBJECTIF D’EFFECTIVITE DES DROITS ET DU DROIT DE LA CONVENTION

Titre I : Une conciliation perfectible des intérêts étatiques et individuelles de sécurité juridique avec l’effectivité des droits

Chapitre 1 : L’efficacité congruente du principe en faveur de l’effectivité des droits Chapitre 2 : L’efficacité détournée du principe en défaveur de l’effectivité des droits

Titre II : Une conciliation insuffisante entre sécurité juridique in globo et effectivité du droit de la Convention

Chapitre 1 : Les germes de l’ineffectivité du droit Chapitre 2 : Les remèdes à l’ineffectivité du droit

Conclusion générale Bibliographie générale

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INTRODUCTION GENERALE

« Quoique l'on se plaigne sans

cesse de l'incertitude, elle vaut encore mieux quand elle nous fait espérer le bien, que la certitude qui nous ôte les moyens de douter du mal »1

1. « Principe est synonyme de commencement ; et c'est dans cette signification qu'on l'a

d'abord employé ; mais ensuite à force d'en faire usage, on s'en est servi par habitude, machinalement, sans y attacher d'idées, et l'on a eu des principes qui ne sont le commencement de rien […]. Un principe de sécurité juridique risque fort de n’être qu’une coquille vide, accueillant l’impression arbitraire de chacun »2. Cette diatribe du Professeur Patrick

MORVAN adressée à l’objet de notre étude résume la défiance que le principe de sécurité juridique alimente depuis sa reconnaissance. Nul n’ignore que « la sécurité juridique est

devenue le thème central sinon obsessionnel des controverses juridiques et l’objet de toutes les attentions de la part des juges nationaux ou supranationaux »3. Un bref regard sur les travaux

qui lui sont consacrés atteste d’une doctrine unanime sur ses carences conceptuelles et fonctionnelles. C’est ainsi que bon nombre d’auteurs le qualifient de principe « incertain »4, «

gazeux »5, « bonne à tout faire »6, « dangereux »7, « vide de contenu »8, « nébuleux »9. C’est

1 C. DE THEIS, Princesse de SALM-DYK, Pensées, Éd. Firmin Didot, Paris, 3ème éd., 1836, 2ème partie, CXLVII,

p. 56.

2 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ?, Dr. soc., 2006,

n° 7/8, p. 70. L’auteur cite l’Abbé de CONDILLAC, La logique ou les premiers développements de l’art de penser, Hachette, Paris, 2012 (date originale : 1780).

3 P. BRUNET, « La sécurité juridique, nouvel opium des juges ? », in Frontières du droit, critiques des droits. Billets d’humeur en l’hommage à Danièle LOCHAK, LGDJ, Paris, coll. « Droit et société », 2007, p. 247-250,

spéc. p. 247.

4 F. LUCAHIRE, Le principe de sécurité juridique en droit constitutionnel français, CCC, 2001, n° 11.

5 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », in La Sécurité juridique, Actes du colloque

organisé par la conférence du jeune barreau de Liège, 14 mai 1993, éd. du jeune barreau de Liège, 1993, p. 257-265, spéc. p. 265.

6 J-L. BOULOUIS, « Quelques observation à propos de la sécurité juridique », in Du droit international au droit de l’intégration. Liber Amoricum Pierre PESCATORE, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, Berlin, 1987,

p. 53-63, spéc. p. 55.

7 C. NAOME, « La notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés

européennes », in La sécurité juridique, op. cit., p. 69-108, spéc. p. 106.

8 S. CALMES, Le principe de la confiance légitime en droit allemand, communautaire et français, Dalloz, Paris,

coll. « Nouvelle Bibliothèque des thèses », 2001, p. 120.

9 F. HUBEAU,Le principe de la protection de la confiance légitime dans la jurisprudence de la Cour de justice

(19)

dire si le principe de sécurité juridique n’aurait absolument rien d’ « d’idyllique »10, au point

d’inciter certains à lui nier toute existence en droit positif11, voire d’en suggérer sa

suppression12.

2. Les causes qui forgent sa mauvaise réputation sont autant endogènes qu’exogènes.

D’abord, on lui reproche d’être imprécis et inconstant13 en raison d’une interprétation

prétorienne discrétionnaire qui lui fait perdre progressivement sa valeur normative14. À force

d’être invoqué « à tout va », le principe perd en substance et en signification, creusant l’écart entre le discours juridique et la réalité dudit principe15. Surtout, on lui reproche de servir les intérêts de la casuistique, au risque de perdre la cohérence et l’unité de la jurisprudence en « atomisant »16 par ricochet le droit positif. Principe de protection contre l’arbitraire et l’insécurité juridique, il est devenu aujourd’hui les symboles les plus péremptoires17.

3. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme – instaurée le 21 janvier 1959 – ait

consacré précocement ce principe dans sa jurisprudence, son introduction n’a suscité aucune controverse18. Les critiques portent davantage sur l’insécurité juridique émanent de sa jurisprudence plutôt que sur l’utilisation de son principe. L’insécurité juridique se mêle alors aux réprimandes qui sont régulièrement formulées à son endroit19, aux côtés du principe de subsidiarité. Les États membres lui imputent parfois de ne pas dégager des lignes directrices suffisamment claires dans la détermination des obligations étatiques. Ces dernières deviennent alors imprévisibles tant dans leur contenu que dans leur mise en œuvre20. La sécurité juridique

exprime un besoin étatique que les États utilisent volontiers pour se soustraire à leurs obligations conventionnelles, ou pour brider un pouvoir interprétatif extensif. Au-delà des revendications étatiques, la doctrine pointe régulièrement de leur plume le manque de rigueur

10 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ? op. cit., p. 70. 11 E. BENMERZOUK, La sécurité juridique en droit positif, thèse dactyl., Université Paris II, 2003.

12 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, RIEJ, 1990, n° 24, p. 25-42. 13 F. POLLAUD-DULIAN, À propos de la sécurité juridique, RTD Civ., 2001, p. 491.

14 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ?, op. cit., p. 70. 15 J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, op. cit., p. 15.

16 P. PUIG, L’excès de proportionnalité, RTD Civ., 2016, p. 70.

17 Voy. par ex. N-J. MAZEN, L’insécurité inhérente au système juridique, thèse dactyl., Université de Dijon, 1979.

Pour une étude complète sur les différentes idéologies philosophiques et sociologiques qui ont alimenté la conception de la sécurité juridique en Europe, lire J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le

principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, PUSL,

Bruxelles, 2014, p. 35-93.

18 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §56 (GACEDH, 2019, n° 51). 19 Y. LECUYER, Les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme, RDLF, 2019,

chron. n° 53.

20 S. TOUZE, Deux facettes différentes de l’imprévisibilité́ sous l’angle de la Convention européenne des droits

(20)

méthodologique de la Cour européenne dans ses arrêts21. Par exemple, si elle a coutume

d’affirmer qu’il est « dans l’intérêt de la sécurité juridique de ne pas s’écarter de ses

précédents »22, force est de constater qu’elle privilégie très souvent l’interprétation évolutive

au détriment de la sécurité juridique. Plus alarmant, la sécurité juridique sert parfois d’alibi aux revirements involutifs qu’elle présente comme des clarifications de sa jurisprudence antérieure23.

4. Face à un tel constat, « comment croire encore à la sécurité juridique ? »24. Sans doute

en se proposant de faire le réquisitoire inverse, c’est-à-dire en partant à la recherche des effets positifs du principe sur le droit de la Convention. En effet, il y a une forme de paradoxe à se plaindre d’un principe qui, en dépit de sa mauvaise réputation, est très largement reconnu comme un principe constitutionnel ou de valeur supra législative dans les droits nationaux25.

Cette prépondérance se retrouve également en droit de la Convention puisque le principe de sécurité juridique est inscrit au panthéon des valeurs forgeant l’ordre public européen, aux côtés des principes de la prééminence du droit et de l’État de droit26. Ces critiques se révèlent d’autant

plus contradictoires qu’elles occultent les apports positifs du principe sur la protection des droits fondamentaux. Sa reconnaissance dans l’arrêt Marckx contre Belgique27 a accompagné un

courant jurisprudentiel progressiste et audacieux pour la protection des droits successoraux enfants adultérins en Europe. En outre, le non-respect dudit principe par les États parties à la Convention emporte quelques constats de violation. On en relève de nombreux exemples lors de l’examen de la conventionnalité des divergences de jurisprudence en interne28, des

procédures de révision ou de réexamen29, de la légalité d’une détention30 ou en matière de lois

21 F. SUDRE, L’effectivité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, RTDH, 2008/76, p. 941-947. 22 CEDH, Gde Ch., 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni, req. n° 27238/95, Rec. 2001-I , §70 (GACEDH,

2019, n° 48).

23 CEDH, Gde. Ch., 9 nov. 2018, Beuze c. Belgique, n° 71409/10 (JCP G, 2018, n° 48, 1249, veille F. SUDRE ; RTDH, 2019, n° 118, obs. M-A. BEERNAERT) ; CEDH, Gde. Ch., 22 octobre 2018, S., V. et A. c. Danemark,

req. n° 35553/12, 36678/12 et 36711/12 ; voy. aussi S. VAN DROOGHENBROECK, « Retour sur l’interprétation "involutive" de la Convention européenne des droits de l’homme », in Le droit malgré tout. Hommage à François

OST, PUSL, Bruxelles, 2018, p. 417-439. Voy. infra, n° 689.

24 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ? op. cit., p. 70. 25 Infra, n° 72 et suiv.

26 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56 ; CEDH, Gde. Ch., 13

décembre 2016, Béláné Nagy c. Hongrie, req. n° 53080/13, §89.

27 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31 (GACEDH, 2019, n° 51).

28 CEDH, Gde. Ch., 20 octobre 2011, Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie, req. n° 13279/05, §57 (JCP G,

2012, doct. 87, F. SUDRE) ; CEDH, 23 mai 2019, Sine Tsaggarakis A.E.E. c. Grèce, req. n° 17257/13, §48.

29 CEDH, 20 juillet 2004, Nikitine c. Russie, req. n° 50178/99, Rec. 2004-VIII, §§55-57 ; CEDH, Gde. Ch., 11

juillet 2017, Moreira Ferreira c. Portugal (n° 2), req. n° 19867/12, §62 ; CEDH, Gde. Ch., 8 juillet 2019,

Mihalache c. Roumanie, req. n° 54012/10, §§110 et suiv.

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de validation31. Enfin, s’en tenir à une conception négative du principe conventionnel de

sécurité juridique ne rendrait pas hommage à l’influence qu’il a exercée et qu’il exerce encore aujourd’hui sur les droits nationaux. La promotion d’une sécurité juridique flexible et compatible avec la mutabilité du droit par la Cour européenne a certainement contribué à l’acceptation en droit français de l’insécurité juridique du revirement jurisprudentiel, comme le prouve son ouverture au droit transitoire et à la modulation jurisprudentielle32. S’en tenir à une

critique négative ne rendrait pas non plus hommage aux efforts constants de la Cour pour améliorer la qualité de sa norme jurisprudentielle, efforts qui ont pu être relevés lors des différentes Conférences sur l’avenir de l’Europe33 et dans les discours officiels. C’est donc un

tout autre portrait du principe qui émerge en droit de la Convention et qui mérite, à notre sens, d’être davantage valorisé.

5. C’est pourquoi le principe et la notion qu’il concrétise doivent être « reconsidérés »34

dans la jurisprudence de la Cour, en particulier à l’aune des contraintes spécifiques d’un office chargé d’assurer la protection des droits fondamentaux. C’est en ce sens que cette étude visera non seulement à identifier et conceptualiser le principe, mais aussi à étudier ses fonctionnalités, ses changements, ses bienfaits, ses méfaits, et ses enjeux sous l’angle de la protection des droits fondamentaux.

6. Pour parvenir à ces objectifs, il est nécessaire d’établir au préalable quelques directions

d’analyses pour garantir sa propre « sécurité » scientifique. La première idée-force sera de « démystifier »35 la sécurité juridique en relativisant les critiques et autres idées préconçues à

son endroit. D’abord, cela évitera de borner au maximum les sens ou les fonctionnalités du principe en raison d’opinions personnelles ou doctrinales. Ensuite, cela permettra de déterminer ce qu’est réellement le principe de sécurité juridique en droit de la Convention, au-delà du discours prétorien. Cette phase de démystification s’accompagnera d’une phase de « désacralisation » du principe. La sécurité juridique demeure un idéal qui, par définition, ne pourra jamais être atteint. D’une part, il serait vain de considérer qu’une jurisprudence parvienne à un niveau absolu de sécurisation juridique. D’autre part, cela constituerait un frein

31 CEDH, Ch., 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, req. n° 13427/87, série

A. 301-B, §49.

32 En particulier C. MOULY, Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles?, LPA,

1994, n° 33, p. 15.

33 Déclaration de Brighton sur la responsabilité partagée, Conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour

européenne des droits de l’homme du 20 avril 2012, pt. 25, c) ; Déclaration de Copenhague, Déclaration de Copenhague, Conférence à haut niveau du 13 avril 2018, pt. 27.

34 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, op. cit., p. 25 et suiv.

35 Nous reprenons ici la démarche suivie par le Professeur Jérémy VAN MEERBEECK pour analyser le principe

en droit de l’Union européenne, J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité

(22)

délétère à une interprétation évolutive nécessaire pour la garantie des droits fondamentaux en Europe. La difficulté de cette idée-force sera donc de trouver l’équilibre (ou le compromis) entre la déconstruction des mythes et la tentation de la sacralisation du principe. La seconde idée-force sera de proposer des solutions pour renouer avec la sécurité jurisprudentielle dont dépend l’autorité et la légitimité de la Cour européenne36. Comme le souligne un juge belge,

« disserter sur la sécurité juridique, c’est tenir un discours homéopathique. Demander au droit

d’être sûr, c’est le prier d’étendre un baume sur des blessures qu’il a lui-même ouvertes »37.

Ceci nous paraît d’autant plus essentiel que l’insécurité juridique est, paradoxalement, la « bouée de sauvetage » du mécanisme conventionnel. Après tout, l’insécurité juridique n’a-t-elle pas toujours été source d’émulation, en inspirant les révolutions scientifiques les plus importantes ?38 L’analyse des causes de l’insécurité juridique conventionnelle sera alors

l’occasion de proposer des solutions pratiques afin de les résorber.

7. Avant d’entrer dans le cœur de la démonstration, il convient dans un premier temps de

déterminer l’objet de cette étude, d’abord en appréhendant le sens des termes de l’intitulé de la présente thèse, et ensuite en définissant un cadre matériel et temporel adapté (I). Dans un second temps, notre analyse s’attardera à cibler l’enjeu et les intérêts soulevés par le sujet, pour exposer

in fine la problématique sous-jacente à notre démonstration (II).

I-

L’OBJET DE L’ETUDE

8. Puisque « mal nommer les choses juridiques, c’est ajouter aux malheurs du monde

juridique »39, il convient de définir autant que possible l’objet de l’étude pour éviter de tendre

vers l’« insécurité scientifique »40. Nos développements porteront consécutivement dans un

premier temps que la délimitation du champ sémantique (le principe de sécurité juridique « au

36 « La question se pose de la prévisibilité d’une jurisprudence qui obéit au pouvoir discrétionnaire du juge et dont la stabilité et la cohérence doivent être assurées afin de concilier développement des droits et sécurité juridique. Il y va à l’évidence, de l’autorité de l’interprétation délivrée par le juge », F. SUDRE, À propos du

dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme, JCP G, 2001, n° 28, I 335.

37 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », op. cit., p. 258.

38 On pense notamment aux travails menés par le Conseil d’État lorsque l’insécurité législative avait atteint son

paroxysme (De la sécurité juridique, La documentation française, Paris, 1991 ; Sécurité juridique et complexité

du droit, La documentation Française, Paris, 2006,) ou encore au groupe de travail menée par le Professeur Nicolas

MOLFESSIS pour contrer une insécurité jurisprudentielle grandissante, N. MOLFESSIS (dir.), Les revirements

de jurisprudence, Rapport remis à Monsieur le Premier Président Guy CANIVET, LexisNexis, Paris, coll. « Cour

de Cassation », 2005.

39 B. BARRAUD, La science et la doctrine juridiques à l’épreuve de la polysémie des concepts, RIEJ, 2016/1, vol.

76, p. 5-47, spéc. p. 5.

(23)

sens de ») (A), puis par la délimitation du champ matériel (du droit de la Convention européenne des droits de l’homme) (B).

A- Le champ sémantique : le principe de sécurité juridique

9. Comme le relève un article sur cette thématique, « la sécurité juridique n’est acquise

qu’au travers de nombreuses incertitudes »41. Il apparaît donc primordial de se confronter à

celle-ci pour mieux comprendre les sens et les fonctionnalités dudit principe. Son incertitude résulte de deux facteurs : l’indétermination de sa nature principielle (1°) et les paradoxes intrinsèques à la notion de sécurité juridique (2°).

1°) L’indétermination de sa nature principielle

10. Bien que la Cour européenne n’ait pas hésité à le consacrer comme un « principe »42,

sa polymorphie et sa variabilité notoires ont de quoi semer le doute sur l’authenticité de cette qualification, d’autant plus que la sécurité juridique n’aurait pas encore « atteint un degré de

force et de cohérence »43 dans la jurisprudence de la Cour. Cette critique n’est pas en réalité

propre à la jurisprudence strasbourgeoise. Si en droit administratif son acceptation en tant que principe fait l’unanimité44, la doctrine constitutionnaliste oscille entre la qualification de

« principe » et celle de simple « exigence »45, tandis que la Cour de cassation la qualifie

volontiers de « principe », bien que certains universitaires se montrent sceptiques sur véracité de cette qualification46. Le juge belge Paul MARTENS relevait que si la sécurité juridique est

« une valeur que le juge doit avoir souci de servir […], doit-on pour autant l’ériger en un

41 L-P. SUETENS, R. LEYSEN, « Les questions préjudicielles : cause d’insécurité juridique ? », in La Sécurité juridique, op. cit., p. 37-68, spéc. p. 68.

42 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §58 (GACEDH, 2019, n° 51). 43 M. DE SALVIA, La place de la notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour européenne des

droits de l’homme, CCC, 2001, n° 11.

44 La difficulté ne porte pas tant sur la nature principielle que l’ambiguïté d’un principe de confiance légitime

« déguisé » en principe de sécurité juridique qui pose difficulté. En réalité, c’est l’émergence du côté subjectif qui concentre le nœud des controverses doctrinales en droit français : B. BONNET L’analyse des rapports entre administration et administrés au travers du prisme des principes de sécurité juridique et de confiance légitime,

RFDA, 2013, n° 4, p. 71 ; P. FRAISSEIX, La « subjectivisation » du droit administratif, LPA, 2004, n° 207, p.

12.

45 A-L. VALEMBLOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, LGDJ,

Paris, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique », 2005, t. 22.

46 Voy. en ce sens N. MOLFESSIS, La portée des revirements de jurisprudence, RTD Civ., 1998, n° 1, p. 210 ;

(24)

principe général ? ». Selon lui, « on ne portera pas remède à l’insécurité d’un "droit à l’état gazeux" en lui inoculant l’incertitude d’un principe à l’état volatil »47. Certains manuels vont

jusqu’à la qualifier volontiers de « droit »48, tandis que d’autres écrits la relèguent à « un simple

argument »49. De surcroît, l’incertitude s’accentue au regard des incertitudes doctrinales

portant sur la définition même d’un « principe ». L’hétérogénéité des critères doctrinaux d’identification des principes ajoute une dose supplémentaire de complexité, à tel point que la recherche de son identification « relèverait de la poursuite d’un animal fabuleux, d’une chimère

conceptuelle […] d’un être aux formes et aux pouvoirs extraordinaires envahissant l’inconscient collectif »953. Paradoxalement, l’ambiguïté du principe, tant dans sa nature que

dans son expression, n’en reste pas moins caractéristique des principes et en constitue un bon indicateur50. Cela étant, sa normativité aléatoire ainsi que la « nébuleuse de notions

complémentaires »51 qui l’entourent (accessibilité, prévisibilité, confiance légitime …)

pourraient tout autant contrevenir à cette qualification ou la conforter52. En conséquence, ces

flottements confirment l’utilité d’une démonstration approfondie sur ce point qui forme à l’évidence l’un des défis majeurs de la présente thèse.

2°) Les incertitudes entourant la notion de « sécurité juridique »

11. L’absence de définition précise dans la jurisprudence de la Cour impose de partir à la

découverte de ses multitudes acceptions, et ce pour nous permettre de mieux comprendre les différents sens qui l’animent. Cependant, ses défectuosités intrinsèques rendent son analyse

47 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », op. cit., p. 264-265.

48 Par exemple, le Professeur Rémy CABRILLAC définit la sécurité juridique comme « un droit pour un individu d’être fixé sur le contenu des dispositions qui lui sont applicables (c’est-à-dire le droit de ne pas voir ses prévisions remises en cause par un revirement de jurisprudence ou un texte rétroactif) », tout en admettant que « ce droit suscite des discussions », R. CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique 2020, LexisNexis, Paris,

coll. « Objectif droit », 2019, 11ème éd., p. 501. Louis FAVOREAU évoque également « le droit à la sécurité juridique » dans son manuel L. FAVOREAU, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, Paris, 2015, 7ème éd, p.

356 et suiv. Cette qualification apparaît douteuse dans la mesure où la Cour européenne se refuse à consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante, CEDH, 18 décembre 2008, Unedic c. France, req. n° 20153/04, §74 (JCP G, 2009, I 143, obs. F. SUDRE) ; CEDH, 26 mai 2011, Legrand c. France, req. n° 23228/08, §41 (JCP

G, 2011, act. 730, note C. PICHERAL ; JCP G, 201, act. 742, comm. A. MARAIS ; RDP, 2012, p. 785, chron. F.

SUDRE, G. GONZALEZ, L. MILANO et H. SURREL). Voy. ausi infra, n° 515 et suiv.

49 L. FRANÇOIS, « La fiabilité du droit, dite sécurité juridique », in La Sécurité juridique, op. cit., p. 8-20, spéc.

p. 17 et suiv.

50 G. COHEN-JONATHAN, « Le rôle des principes généraux dans l’interprétation et l’application de la

Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en hommage à Louis Edmond PETTITI, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 165-196, spéc. p. 186.

51 J-P. PUISSOCHET, H. LEGAL, Le principe de la sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice

des Communautés européennes, CCC, 2001, n° 11.

(25)

délicate, y compris en droit de la Convention. Ces défectuosités proviennent d’une part du caractère polysémique et pluridisciplinaire de la notion (i) et, d’autre part, de la multitude de paradoxes qui la composent (ii).

a- Une notion polysémique et pluridisciplinaire

12. Comme le précise le Professeur Luc HEUSCHLING, l’étymologie est « un travail de

recherche […] indispensable si l’on veut en saisir la logique, les aboutissements, et les failles »53. Ce faisant, elle peut « nous aider grandement à en fixer le sens et à en préciser ses

limites »54 . Il est communément admis que la généalogie du vocable « sécurité juridique » se

recoupe deux racines latines. La première est securitas, atis55, qui est un principe de

« réalisation »56 signifiant à la fois « l’exemption de souci, tranquillité de l’âme, quiétude

devant la mort », mais également « sûreté, sécurité et la sécurité par la garantie, sécurité des voyages »57. La seconde est certitudo, inis58, qui est un principe d’« orientation »59 signifiant «

certitude », « être bien sûr », ou encore ce qui est fixé d’ « une manière irrévocable »60. Cela

explique qu’en droit romain la « sécurité juridique » comprenait à la fois une dimension « exécutive »61 par l’exécution des normes, et une dimension « normative » par leur

ordonnancement afin que « le sujet de droit sache à l’avance quel comportement juridique est

attendu de lui comme de ses semblables »62. L’analyse menée par le Professeur Robert KOLB

sur la sécurité juridique fournit un éclairage étymologique complémentaire. Selon lui, la

certitudo comprend deux volets : la certitude synchronique63, qui opère à l’intérieur d’un

53 L. HEUSCHLING, État de droit, Rechtssaat, Rule of Law, Dalloz, Paris, 2002, p. 28. 54 F. GENY, Science et technique en droit privé positif, Sirey, Paris 1921, p. 461.

55 Il provient également du nom latin securus, a, um, qui désigne la situation « exempte de souci, sans inquiétude, sans trouble, tranquillité […] exempt de danger, où l’on n’a rien à craindre ». Il recoupe également des acceptions

plus originales comme « les vœux qui ne craignent pas un refus […], les évènements qui tournent mal » ou encore

« tenir de méchants propos sur quelqu’un », Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, Hachette, Paris, 2000,

p. 1412-1413.

56 « Réalisation concrète des normes juridiques afin d’éviter la tyrannie et l’arbitraire », D. SOULAS DE

RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, RIDC, 2003, p. 85-103.

57 Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, op. cit., p.1412-1413.

58 Il est corrélé au terme « certo » qui se définit comme la « certitude » mais aussi, plus largement, comme la

« lutte », « être ferme dans ses résolutions » ou encore comme une « limite précise », ibid. p. 294.

59 Orientation du comportement juridique de l’individu, D. SOULAS DE RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et

racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, op. cit., p. 96.

60 Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, op. cit., p. 293.

61 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, African Yearbook of International Law, 2002, p. 103-142, spéc. p. 110.

62 « À cet égard, la loi ne doit ni être vague, ni laisser de marge trop vaste à ceux qui l'appliquent, ni remettre en cause les droits acquis ou établis, qui fondent particulièrement le sentiment de sécurité juridique », D. SOULAS

DE RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, op. cit., p. 84.

(26)

système donné et qui s’associe à la clarté, à la simplicité et à l’ordre au sein de l’ordonnancement normatif, et la certitude diachronique qui, elle, « marque le besoin de

stabilité et de continuité du droit dans le temps »64. Pour ce qui est de la racine « securitas »,

l’auteur l’assimile au respect de l’autorité de chose jugée, aux procédures de révision, à la règle du précédent, au prospective overruling, ainsi qu’à l’exécution effective des normes65.

13. Rapidement, le principe de sécurité juridique s’est vu enrichi de sens, de conceptions

héritées de la pluridisciplinarité de la notion de sécurité66. Sans nul doute, la sociologie du droit

a constitué la discipline la plus influente67. Preuve de sa prépondérance, elle est la première

acception retenue dans les dictionnaires pour la définir68. Considérée comme la « première

valeur sociale à atteindre » selon Paul ROUBIER, « l’exigence de sécurité juridique naît de l’exigence de la loi de nature […] et de la nécessité de prévoir le droit »69. Elle est même la

« valeur suprême de l’ordre juridique »70, se plaçant avant « la justice et même avant le

progrès »71. Ayant pour objet de pacifier les relations sociales par le biais d’institutions

publiques, la sécurité juridique est alors synonyme de paix et de stabilité. Elle est à l’origine de la dichotomie contemporaine entre sécurité juridique individuelle et collective72. En effet, la

sociologie du droit a influencé ses fondements conceptuels comme la sûreté personnelle, la lutte contre l’arbitraire et les illégalités73. La psychologie et anthropologie ont également inspiré sa

64 Ibid., p. 112. 65 Ibid., p. 113 et suiv.

66 La plupart des thèses relatives au principe effectuent une analyse pluridisciplinaire en introduction, T.

PIAZZON, La sécurité juridique, Defrénois, Paris, coll. « Doctorat & Notariat », 2009, t. 35 ; P. RAIMBAULT,

Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, LGDJ, Paris 2009 ; A-L. VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit. ; C. SALVIEJO, Le principe de sécurité juridique en droit communautaire et européen, thèse dactyl., Université de Montpellier I, 2003. 67 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., spéc. p. 106.

68 « La sécurité est par sa nature et par sa destination… foncièrement vouée à assurer la sécurité […] des relations sociales », B. PACTEAU, « Sécurité́ juridique », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, H. DAUDIN, J-P.

MARGUENAUD, S. RIALS, F. SUDRE (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, PUF, Paris, 2008, p. 709-712, spéc. p. 709.

69 P. ROUBIER, Théorie générale du droit, Sirey, Paris, 1951, p. 323-333. Lire également G. PECES-BARBA

MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, Paris, 2004, p. 222 et suiv.

70 W. SAUER, « Sécurité juridique et justice », in Introduction à l’étude du droit comparé. Recueil d’études en l’honneur d’Édouard LAMBERT. LGDJ, Paris, 1938, t. 3, p. 34-43, spéc. p. 35.

71 J. CARBONNIER Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 8ème éd., 1995. 72 La sécurité est ainsi « un état qui peut concerner une personne (sécurité individuelle), un groupe (sécurité publique) », G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris, coll. « Quadrige dicos poche », 2018, 11ème éd.,

p. 953.

73 « La sécurité, c’est non moins la confiance qu’on peut placer dans l’effectivité de la sauvegarde de l’ordre public et dans la sanction des illégalités ou désordres d’autrui quand ils nuisent à ses propres droits, tout autant bien sûr que l’assurance pour chacun de sa propre sûreté personnelle », B. PACTEAU, La sécurité juridique, un

(27)

conceptualisation74. Habituellement, la sécurité incarne un besoin social, que le Doyen Jean

CARBONNIER qualifiait volontiers de « besoin animal »75. Pour endiguer le sentiment

d’insécurité juridique auto généré par l’ordre juridique76, la sécurité juridique va alors tenter

d’y répondre par une double sécurisation par le droit et du droit. Non seulement elle doit faire régner l’ordre, mais elle doit aussi assurer le bien-être des individus en réduisant les situations juridiques anxiogènes. C’est pourquoi elle doit garantir la stabilité des prévisions juridiques en évitant les bouleversements et autres perturbations juridiques, en évitant donc d’alimenter le sentiment d’insécurité causé par un droit désordonné et chaotique77. Ainsi se greffent à la clarté

et la prévisibilité les notions de la bonne foi de droits acquis, de la confiance ou encore de l’espérance légitime qui grossissent le contenu notionnel de la sécurité juridique. Cette approche subjective s’inscrit dans la continuité de la dimension philosophique du principe. En effet, la sécurité juridique représente un « idéal »78 à atteindre porté par la multitude de

conceptions qui alimentent son devoir-être. Elle est « l’ensemble des qualités que doivent

posséder soit les normes d’un système juridique, soit le système en tant que tel »79. Elle

comprend alors les devoirs d’un système juridique pour asseoir la fides, autrement dit le « respect des attentes légitimes qu’on l’on a créées chez autrui »80. Dernièrement, le droit

économique et commercial81 influence les conceptions de la sécurité juridique. Les objectifs

d’anticipation, de prédictibilité ou encore de probabilité sont topiques de l’influence de ces disciplines82. Elle devient alors un critère de compétitivité axé sur la mesure de l’efficacité

économique et de la performativité des systèmes juridiques83.

74 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit. p. 107.

75 J. CARBONNIER, « La part du droit dans l’angoisse contemporaine », in J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit., p. 188.

76 « Les incertitudes du droit objectif rejaillissent sur le droit subjectif, et font naître chez l’individu un sentiment d’insécurité »,J. CARBONNIER, « La part du droit dans l’angoisse contemporaine », op. cit., p. 188.

77 « La sécurité réduit l’angoisse, l’incertitude et la pression de décisions trop fréquentes, en allégeant l’individu du poids de devoir sans cesse peser toutes les alternatives d’action possibles », R. KOLB, La sécurité juridique

en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 108.

78 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, op. cit., p. 25-42. 79 Ibid., p. 28.

80 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 109.

81 L. BOY, J.-B. RACINE et F. SIIRIAINEN (dir.), Sécurité́ juridique et droit économique, Larcier, Bruxelles,

2008.

82 F. HOFFMANN, Probabilité et droit de la concurrence, RFDA, 2011, p. 531.

83 La sécurité juridique est un indicateur prépondérant du Rapport Doing business publié chaque année par la

Banque mondiale. Le dernier rapport de 2019 est disponible en ligne :

[https://francais.doingbusiness.org/content/dam/doingBusiness/media/AnnualReports/English/DB2019report_we

b-version.pdf]. Pour quelques lectures : A. RAYNOUARD, A-J, KERHUEL, L’évaluation des systèmes

(28)

14. Prévisibilité, accessibilité, confiance … C’est dire si la sécurité juridique « ne rime pas

avec simplicité »84. Elle sert également à démontrer « beaucoup choses et leur contraire »85, ce

qui en fait une notion empreinte de paradoxes.

b- Une notion empreinte de paradoxes

15. La Professeure Patricia POPELIER souligne cinq paradoxes inhérents à la sécurité

juridique : “ the principle of legal certainty demands certainty, whereas uncertainty is an

inherent part of the legal order ; the more the legal aspect of human relations prevails in society, the more accessibility of legislation becomes a basic requirement on the one hand, a “mission impossible” on the other; the review of legislation in the light of the principle of legal certainty is itself unpredictable; objective uncertainty (accessibility) leads to justified subjective uncertainty (respect for legitimate expectations); the legal invalidation of a legal rule, for being contrary to the principle of legal certainty, leads to even more legal uncertainty

”86. Ces paradoxes proviennent à de sa dualité entre sa facette objective et objective. En effet,

la notion comprend « un élément objectif, l'absence de danger ou de menace pour un individu

ou un groupe, et un élément subjectif encore plus important, le sentiment des citoyens d'être en sécurité, c'est-à-dire l'impression qui est éprouvée d'être à l'abri des dangers et la confiance qui en résulte »87. Les facettes objective et subjective se décomposent aussi selon les domaines,

mais aussi les acteurs de l’ordre juridique de référence. Par exemple, la sécurité juridique subjective comprend à la fois la sécurité inter partes (justiciables, personnes physiques ou morales, ainsi que les États parties), mais aussi extra partes (concernant les tiers au litige, les requérants potentiels ou ceux dont l’instance est en cours). Elle est enfin erga omnes en ce qu’elle assure « le fonctionnement de l’ordre juridique dans son intégralité »88, et sauvegarde

à cette fin sa sécurité juridique in globo.

84 B. PACTEAU, « Sécurité́ juridique », op. cit., p. 712.

85 H. ADER., L. IDOT, et F. URBINO-SOULIER, L’insécurité dans le droit communautaire, JCP E, 1990, n° 48,

p. 34.

86 « Le principe de sécurité juridique exige certitude, alors que l’incertitude fait partie intégrante de l’ordre

juridique. Plus l’aspect juridique des relations humaines prédomine dans la société, plus l’accessibilité de la législation devient une exigence fondamentale d’une part, une "mission impossible" de l’autre. La révision de la législation à la lumière du principe de sécurité juridique est en soi imprévisible. L'incertitude objective (accessibilité) conduit à une incertitude subjective justifiée (respect des attentes légitimes). L'invalidation juridique d'une règle de droit, du fait qu'elle est contraire au principe de sécurité juridique, conduit à une insécurité juridique encore plus grande », P. POPELIER, “Five Paradoxes on Legal Certainty and the Lawmaker”, Legisprudence. International Journal for the study of legislation, 2008, n° 2, p. 47-66, spéc. p. 49.

87 J-M. PONTIER, De la sécurité, AJDA, 2006, n° 19, p. 1009.

(29)

16. Si la sécurité juridique défend des intérêts divergents, elle concourt à la conciliation

d’intérêts divergents. Comme le précise le Professeur Michel FROMONT, elle cristallise les conflits unissant « la justice ou l'équité, d'une part, qui incite à modifier les règles et les

situations juridiques pour améliorer constamment l'ordonnancement juridique ou l'adapter à une société changeante et se traduit par le principe de mutabilité ; la sécurité juridique, d'autre part, qui requiert la stabilité et se traduit donc par le principe inverse, celui du respect de l'état existant »89. Cette ambivalence est corrélée par l’opposition traditionnelle entre sécurité

juridique et légalité90, en lien avec l’insécurité juridique91. Elle est également topique de

l’opposition entre sécurité juridique et équité, autrement dit entre l’intérêt général et l’intérêt individuel92, mais aussi entre la stabilité et la mutabilité juridique.

17. Si ce maelström sémantique traduit toute la richesse de l’objet de notre étude, elle

entrave également son identification. Cette difficulté se retrouve dans la conceptualisation conventionnelle de la sécurité juridique. Bien que l’inauguration du principe dans le paysage conventionnel ait été précoce93, aucune définition explicite ne transparaît du texte de la

Convention, ni dans la jurisprudence de la Cour européenne. Le juge se contente de donner quelques bribes de définitions. Il le qualifie de principe « implicite et explicite »94, en lien avec

l’État de droit95 et la prééminence du droit96. Il évoque également l’incertitude résultant d’un

revirement de jurisprudence97, la confiance dans l’appareil de la justice98 ou encore la nécessité

de respecter les standards de prévisibilité et d’accessibilité99. Les textes européens n’offrent pas

plus de résultats100. Mis bout à bout, ces différents éléments fournissent une première ébauche

89 M. FROMONT, Le principe de sécurité juridique, AJDA, 1996, n° spéc., p. 178.

90 « Le premier vise à assurer la stabilité des situations juridiques, c'est-à-dire la permanence au moins relative de celles-ci dans le temps ; le second exige la certitude des règles et des situations juridiques, c'est-à-dire la clarté et la précision des règles et des décisions étatiques, et donc une certaine qualité dans leur formulation », ibidem. 91 A. MAZEAUD, La sécurité juridique et les décisions du juge, Dr. soc., 2006, n° 7, p. 744.

92 Pour plus de détails, voy. P-H. NEUHAUS, “Legal certainty versus equity in the conflict of laws”, Law and Contemporary Problems, 1963, p. 795-803.

93 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31 (GACEDH, 2019, n° 51).

94 CEDH, Gde. Ch., 9 juillet 2009, Mooren c. Allemagne, req. n° 11364/03, §72 ; CEDH, 16 avril 2019, Alparslan Altan c. Turquie, req. n° 12778/17, §101.

95 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56. 96 CEDH, Gde. Ch., 11 décembre 2018, Lekić c. Slovénie, req. n° 36480/07, §94.

97 CEDH, Gde. Ch., 20 octobre 2011, Nejdet Şahin et Perihan req. n° 13279/05, §§51-56 (JCP G, 2012, doct. 87,

F. SUDRE). Pour une application récente, CEDH, 23 mai 2019, Sine Tsaggarakis A.E.E. c. Grèce, req. n° 17257/13, §48.

98 CEDH, 31 mars 2015, S.C. Uzinexport S.A. c. Roumanie, req. n° 43807/06, §30.

99 CEDH, Gde. Ch., 15 novembre 1996, Cantoni c. France, req. n° 17862/97, §35 ; CEDH, Gde. Ch., 8 juillet

2019, Mihalache c. Russie, req. n° 45012/10, §§110-115.

100 La Déclaration de Brighton du 20 avril 2012 célébrait le fait que « la Cour a reconnue de longue date que, par souci de sécurité juridique, de prévisibilité et d’égalité devant la loi, elle ne devrait pas s’écarter sans raison valable de ses propres précédents », Déclaration de Brighton sur la responsabilité partagée, Conférence à haut

(30)

du principe, sans toutefois permettre à eux seuls d’effectuer une systématisation satisfaisante pour parvenir à l’appréhender dans sa globalité. Ces incertitudes imposent d’orienter préalablement notre travail de recherche sur l’identification sémantique du principe en droit de la Convention.

B- Le champ matériel : « au sens du droit de la Convention »

18. Les sources textuelles de la Convention constitueront le matériau premier de nos

recherches (a). Puisque l’interprétation ne peut être valablement dissociée de son interprète, la jurisprudence de la Cour européenne sera également placée au cœur de la présente étude. « Ministre du sens »101, son interprétation se montre essentielle pour combler les lacunes de la

Convention et l’incertitude qui pourrait en résulter102. C’est pourquoi la base de la recherche

portera principalement sur l’œuvre jurisprudentielle strasbourgeoise, c’est-à-dire sur les arrêts et les décisions rendus par la Cour européenne des droits de l’homme103. Le recours à d’autres

jurisprudences (nationales, européennes et internationales) parachève la délimitation du champ jurisprudentiel (b). A contrario, le cadre temporel ne fera l’objet d’aucune limitation particulière à cause de la nature implicite du principe dans la jurisprudence (c).

a- La délimitation du champ textuel

19. À l’instar de la plupart des textes fondamentaux de protection des droits de l’homme104,

le principe de sécurité juridique brille par son absence dans le texte de la Convention européenne, que ce soit dans son contenu ou dans son préambule. À notre connaissance, aucun document ne s’interroge sur une telle lacune. Il est tout à fait plausible qu’il s’agisse d’une omission volontaire des rédacteurs, puisqu’à l’époque, le principe de la sécurité juridique ne

simplement « la qualité et en particulier la clarté et la cohérence des arrêts de la Cour », Déclaration de Copenhague, Conférence à haut niveau du 13 avril 2018, pt. 27.

101 F. RIGAUX, La loi des juges, Éd. Odile Jacob, 1997, p. 233.

102 « Ses arrêts servent non seulement à trancher le cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les États parties, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de Parties contractantes », CEDH, Plén., 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, req. n° 5310/71, série A. 25, §154 (JDI, 1980, 449, obs. P. ROLLAND).

103 Nous retenons en ce sens une acceptation matérielle de la jurisprudence comprenant « l’ensemble des décisions de justice rendues par une juridiction », M. DEGUERGUE, Jurisprudence, Droits, 2001/2, n° 34, p. 95-104, spéc.

p. 95.

104 Par exemple, la sécurité juridique n’est pas mentionnée expressis verbis dans la Charte des droits fondamentaux

(31)

faisait pas l’unanimité dans les ordres juridiques nationaux105. Ces derniers auraient pu

également craindre que la mention textuelle du principe ne vienne brider le pouvoir interprétatif de son organe de contrôle, la stabilité inhérente au principe s’opposant alors à l’assurance d’une protection effective et progressiste des droits fondamentaux. De notre point de vue, cet oubli relèverait plutôt d’une maladresse rédactionnelle. Si la sécurité juridique n’est pas mentionnée, il ne fait nul doute qu’elle imprègne l’esprit des rédacteurs. Pour Pierre Henri TEITGEN, il était indispensable de sécuriser de manière globale le droit de la Convention par la codification préalable du catalogue des droits et des libertés pour préserver une garantie collective des droits de l’homme alors en construction contre les potentielles dérobades des États parties106. De plus,

les multiples références à la « loi » dans les dispositions conventionnelles sont significatives de cette sécurisation implicite par le droit107. Bien qu’innomée, la sécurité juridique n’en reste pas

moins « consubstantielle »108 à la Convention européenne. Les formulations employées par la

Cour européenne à son endroit finissent d’emporter notre conviction. « Implicite »109, la

sécurité juridique est, aux yeux de la Cour, un principe « nécessairement inhérent au droit de

la Convention »110. Elle appartient au patrimoine des « valeurs fondamentales

sous-jacentes »111 à la Convention qui forge l’ordre public européen112. L’inclusion du texte de la

Convention européenne et de ses protocoles nous paraît dès lors pleinement justifiée.

20. Parallèlement, la consubstantialité du principe lui offre l’assise nécessaire pour se

développer en dehors du cadre spécifique la Convention. Alors qu’elle est reconnue comme l’un des défis majeurs du système conventionnel113, la notion transparaît assez peu dans les

textes européens. Malgré cela, ces documents seront inclus dans le champ de notre étude, car

105 On pensera notamment aux réticences du droit français à consacrer le principe de sécurité juridique, voy. infra,

n° 107 et suiv.

106 P-H. TEITGEN, Aux sources de la Cour et de la Convention européenne des droits de l’homme, Éd.

Confluences, 2000, coll. « Voix de la cité », p. 25. La codification du droit est l’un des plus anciens procédés de sécurisation objective d’un droit, voy. N. MOLFESSIS, Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique, op. cit., p. 186.

107 On note ainsi 31 occurrences pour le terme « loi » en droit de la Convention. Source HUDOC :

[https://hudoc.echr.coe.int/fre].

108 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 103.

109 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56. Son caractère implicite

qui a été réaffirmé dans l’arrêt CEDH, Gde. Ch., 28 novembre 2017, Merabishvili c. Géorgie, req. n° 72508/13, §199.

110 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §58 (GACEDH, 2019, n° 51) ;

CEDH, Gde. Ch., 7 février 2013, Fabris c. France, req. n° 16574/08, Rec. 2013-I, §57 (JCP G, 2013, act. 242, obs. F. SUDRE).

111 CEDH, Gde. Ch., 13 décembre 2016, Béláné Nagy c. Hongrie, req. n° 53080/13, §89.

112 F. SUDRE, « Existe-t-il un ordre public européen ? », in P. TAVERNIER (dir.), Quelle Europe pour les droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 39-80, spéc. p. 56 et suiv.

113 Notamment la Déclaration de Bruxelles sur la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de

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