HAL Id: tel-02890546
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02890546
Submitted on 6 Jul 2020
HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.
L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.
Convention européenne des droits de l’homme
Helène Hardy
To cite this version:
1
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects. Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects. Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et l'emplacement corrects.
Impossible d'afficher l'image liée. Le fichier a peut-être été déplacé, renommé ou supprimé. Vérifiez que la liaison pointe vers le fichier et
Rapport de gestion
2015
THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR
DE L’UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER
En droit public
École doctorale Droit et Science politique
Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme (EA 3976)
Présentée par Hélène HARDY
Le 19 novembre 2019
Sous la direction de M. Le Professeur Frédéric SUDRE
Devant le jury composé de
Elsa BERNARD, Professeure, Université de Lille Pascale DEUMIER, Professeure, Université de Lyon III Laure MILANO, Professeure, Université de Montpellier Frédéric SUDRE, Professeur émérite, Université de Montpellier
Françoise TULKENS, Ancien juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, Professeure émérite, Université de Louvain
Rapporteur Présidente du jury Membre du jury Directeur de thèse Rapporteur
Le principe de sécurité juridique
THÈSE POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR
DE L’UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER
En droit public
École doctorale Droit et Science politique
Institut de Droit Européen des Droits de l’Homme (EA 3976)
Présentée par Hélène HARDY
Le 19 novembre 2019
Sous la direction de M. Le Professeur Frédéric SUDRE
Devant le jury composé de
Elsa BERNARD, Professeure, Université de Lille Pascale DEUMIER, Professeure, Université de Lyon III Laure MILANO, Professeure, Université de Montpellier Frédéric SUDRE, Professeur émérite, Université de Montpellier
Françoise TULKENS, Ancien juge à la Cour européenne des droits de l’Homme, Professeure émérite, Université de Louvain
Rapporteur Présidente du jury Membre du jury Directeur de thèse Rapporteur
Le principe de sécurité juridique
« L’Université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans
cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur »
REMERCIEMENTS
Je souhaite tout d’abord exprimer ma plus profonde reconnaissance au Professeur Frédéric SUDRE pour avoir accepté de me confier un sujet dense mais passionnant. Je le remercie pour m’avoir guidée et conseillée durant ces cinq années de recherche, pour sa disponibilité ainsi que pour la liberté scientifique qu’il m’a octroyée tout au long de ma réflexion.
Je souhaite ensuite adresser mes remerciements aux membres du jury pour l’intérêt et le temps qu’ils consacreront à la lecture de ce travail.
Je remercie vivement les membres de l’IDEDH – passés ou actuels – pour leurs encouragements. J’adresse en particulier mes remerciements à Madame Béatrice PASTRE-BELDA et au Professeur Jérôme ROUX, pour la confiance qu’ils ont placé dans mes enseignements ; au Professeure Caroline PICHERAL, pour m’avoir accompagnée dans ma première recherche collective ; au Professeure Claire VIAL et Madame Katarzyna BLAY-GRABARCZYK pour leur soutien de leur bienveillance dans les moments difficiles liés à tout travail de thèse. Merci à toi Nina, pour avoir été ma marraine de thèse, et à toi Raphaël, pour être le partenaire de thèse le plus drôle et le plus humain. J’ai conscience que ce travail n’aurait jamais vu le jour sans votre amitié.
Je tiens à remercier également les Professeur(e)s, docteur(e)s et doctorant(e)s lillois(es) pour leur accueil et pour avoir pris le relais en cette fin de doctorat.
Je remercie chaleureusement mes relecteurs(rices) pour le temps qu’ils ont consacré à la relève des nombreuses (et persistantes) scories : Eroan, Ferdi, Irina, Nina, Annabel, Audrey et Morgane.
Enfin, mes pensées vont à tous ceux qui m’ont accompagnée durant toutes ces années. J’adresse ma plus profonde gratitude à Eroan, Alexis, Pierre(s), Irina, Ferdi, Alice, Noël, Jessy, Thibault, Marion, Audrey, Nina(s), Lucie, Nadia et Guillaume. Merci pour votre patience et le réconfort que vous m’avez apportée dans les moments où ma propre insécurité avait atteint son paroxysme.
LISTES DES PRINCIPALES ABREVIATIONS
act. Actualité
aff. Affaire
AFDI Annuaire français de droit international
AIJC Annuaire international de justice française
al. Autre
AJDA Actualité juridique de droit administratif
AJ Contrat Actualité juridique du droit des contrats
AJ Famille Actualité juridique du droit de la famille
AJ Pénal Actualité juridique de droit pénal
APC Archive de politique criminelle
APD Archive de philosophie du droit
art. Article
Bull. Civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre civile)
Bull. Crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle)
BVerfGE Bundesverfassungsgericht (décisions de la Cour constitutionnelle fédérale allemande)
c. Contre
CAA Cour administrative d’appel
Cass. Cour de cassation
Cass. Ass. Plén. Cour de cassation réunie en Assemblée plénière
Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation
Cass. crim. Chambre criminelle de la Cour de cassation
Cass. soc. Chambre sociale de la Cour de cassation
C.C Conseil Constitutionnel
CCC Cahiers du Conseil Constitutionnel
CDDH Comité directeur pour les droits de l’homme
CDE Cahier de droit européen
CE Conseil d’État
CE. Ass Conseil d’État, Assemblée du contentieux
CE, Sect. Conseil d’État, Section du contentieux
CEDH Cour européenne des droits de l’homme
Ch. Chambre
Chron. Chronique
Civ. Civil(e)
CIJ Cour internationale de justice
CJCE Cour de Justice des Communautés européennes
CJUE Cour de Justice de l’Union européenne
CM Conseil des Ministres (Conseil de l’Europe)
coll. Collection
Com. EDH Commission européenne des droits de l’homme
comm. Commentaire
concl. Conclusion
CPJI Cour pénale de justice internationale
CREAM Centre de recherche et d’études administratives de Montpellier
CREDOF Centre de recherches et d'études sur les droits fondamentaux
DC Décision de contrôle de constitutionnalité a priori
Déc. Décision
DH Droit(s) de l’homme
dir. Sous la direction de
doctr. Doctrine
Dr. fam. Revue de droit de la famille
Dr. soc. Revue de droit social
Éd./ éd. Édition
Fasc. Fascicule
FIDE Fédération internationale pour le droit européen
FMDH Publications de la fondation Marangopoulos pour les droits de l’homme
GAJA LONG (M.), WEIL (P.), BRAIBANT (G.), DELVOLVE (P.), GENEVOIS (B.), Les grands arrêts de la jurisprudence
administrative, Dalloz, 2019, 22ème éd.
GACEDH SUDRE (F.), ANDRIANTSIMBAZOVINA (J.), GONZALEZ (G.), GOUTTENOIRE (A.), MARCHADIER (F.), MILANO (L.), SCHAHMNECHE (A.), SURREL (H.), SZYMCZAK (D.),
Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme,
PUF, 2019, 9ème éd.
Gaz. Pal. Gazette du Palais
Gde. Ch. Grande Chambre
H.S Hors-série
IDEDH Institut de droit européen des droits de l’homme
Ibid. Ibidem.
IRJS Institut de Recherche juridique de la Sorbonne
JCP A La semaine juridique, Administration et collectivités territoriales
JCP E La semaine juridique, Entreprise et affaires
JCP G La semaine juridique, édition générale
JDI Journal du droit international
JEDH Journal européen des droits de l’homme
JT Journal des Tribunaux
jtes. Jointes (affaires)
Juris. Jurisclasseur
LGDJ Librairie général de droit et de jurisprudence
LPA Les Petites affiches
n ° Numéro
NCCC Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel
obs. Observation
OCDE Organisation de coopération et de développement économiques
op. cit. Opere Citatio (par section)
p. Page(s)
par ex. Par exemple (pour un renvoi vers un arrêt ou un article de
doctrine)
Plén. Plénière
Pt. Point
PUAM Presse universitaire d’Aix-Marseille
PUB Presse universitaire de Bordeaux
PUF Presse universitaire de France
PUSL Presse universitaire de Saint-Louis
QPC Question prioritaire de constitutionnalité
RAE Revue des affaires européenne
RBDI Revue belge de droit international
Rec. Recueil
RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de La
Haye
RDF Revue de droit fiscal
RDI Revue de droit international
RDLF Revue des droits et libertés fondamentaux
RDP Revue de droit public
RDSS Revue de droit sanitaire et social
RDT Revue du droit du travail
req. Requête
RevDH Revue des droits de l’homme
Rev. sc. Crim Revue de sciences criminelles
RFAP Revue française d’administration publique
RFDA Revue française de droit administrative
RFDC Revue française de droit constitutionnelle
RFFP Revue française de finances publiques
RGD Revue général du droit
RGDIP Revue générale de droit international public
RIDC Revue international de droit comparé
RIEJ Revue interdisciplinaire d’études juridiques
RPDP Revue pénitentiaire et de droit pénal
RQDI Revue québécoise de droit international
RRJ Revue de la recherche juridique
RTD Civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD Com. Revue trimestrielle de droit commercial
RTD Eur. Revue trimestrielle de droit européen et international
RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme
RUDH Revue universelle des droits de l’homme
RUE Revue de l’Union européenne
SFDI Société française pour le droit international
Suiv. Suivant
Spéc. Spécifiquement
t. Tome
TA Tribunal administratif
TCE Traité des Communautés européenne
TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne
Trad. Traduit par
TUE Traité sur l’Union européenne
UE Union européenne
vol. Volume
SOMMAIRE
Introduction générale
PARTIE I :
LA MUTATION DU PRINCIPE « DE » SECURITE JURIDIQUE
Titre I : Une complexité conceptuelle caractéristique du principe de sécurité juridique
Chapitre 1 : La construction d’« un » principe plurivoque de sécurité juridique Chapitre 2 : La qualification équivoque du « principe » de sécurité juridique
Titre II : Une pluralité fonctionnelle révélatrice du principe « des » sécurités juridiques
Chapitre 1 : Les fonctions objectives Chapitre 2 : Les fonctions subjectives
PARTIE II :
LA PORTEE AMBIVALENTE DU PRINCIPE « DES » SECURITES JURIDIQUES A L’AUNE DE L’OBJECTIF D’EFFECTIVITE DES DROITS ET DU DROIT DE LA CONVENTION
Titre I : Une conciliation perfectible des intérêts étatiques et individuelles de sécurité juridique avec l’effectivité des droits
Chapitre 1 : L’efficacité congruente du principe en faveur de l’effectivité des droits Chapitre 2 : L’efficacité détournée du principe en défaveur de l’effectivité des droits
Titre II : Une conciliation insuffisante entre sécurité juridique in globo et effectivité du droit de la Convention
Chapitre 1 : Les germes de l’ineffectivité du droit Chapitre 2 : Les remèdes à l’ineffectivité du droit
Conclusion générale Bibliographie générale
INTRODUCTION GENERALE
« Quoique l'on se plaigne sans
cesse de l'incertitude, elle vaut encore mieux quand elle nous fait espérer le bien, que la certitude qui nous ôte les moyens de douter du mal »1
1. « Principe est synonyme de commencement ; et c'est dans cette signification qu'on l'a
d'abord employé ; mais ensuite à force d'en faire usage, on s'en est servi par habitude, machinalement, sans y attacher d'idées, et l'on a eu des principes qui ne sont le commencement de rien […]. Un principe de sécurité juridique risque fort de n’être qu’une coquille vide, accueillant l’impression arbitraire de chacun »2. Cette diatribe du Professeur Patrick
MORVAN adressée à l’objet de notre étude résume la défiance que le principe de sécurité juridique alimente depuis sa reconnaissance. Nul n’ignore que « la sécurité juridique est
devenue le thème central sinon obsessionnel des controverses juridiques et l’objet de toutes les attentions de la part des juges nationaux ou supranationaux »3. Un bref regard sur les travaux
qui lui sont consacrés atteste d’une doctrine unanime sur ses carences conceptuelles et fonctionnelles. C’est ainsi que bon nombre d’auteurs le qualifient de principe « incertain »4, «
gazeux »5, « bonne à tout faire »6, « dangereux »7, « vide de contenu »8, « nébuleux »9. C’est
1 C. DE THEIS, Princesse de SALM-DYK, Pensées, Éd. Firmin Didot, Paris, 3ème éd., 1836, 2ème partie, CXLVII,
p. 56.
2 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ?, Dr. soc., 2006,
n° 7/8, p. 70. L’auteur cite l’Abbé de CONDILLAC, La logique ou les premiers développements de l’art de penser, Hachette, Paris, 2012 (date originale : 1780).
3 P. BRUNET, « La sécurité juridique, nouvel opium des juges ? », in Frontières du droit, critiques des droits. Billets d’humeur en l’hommage à Danièle LOCHAK, LGDJ, Paris, coll. « Droit et société », 2007, p. 247-250,
spéc. p. 247.
4 F. LUCAHIRE, Le principe de sécurité juridique en droit constitutionnel français, CCC, 2001, n° 11.
5 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », in La Sécurité juridique, Actes du colloque
organisé par la conférence du jeune barreau de Liège, 14 mai 1993, éd. du jeune barreau de Liège, 1993, p. 257-265, spéc. p. 265.
6 J-L. BOULOUIS, « Quelques observation à propos de la sécurité juridique », in Du droit international au droit de l’intégration. Liber Amoricum Pierre PESCATORE, Baden-Baden, Nomos Verlagsgesellschaft, Berlin, 1987,
p. 53-63, spéc. p. 55.
7 C. NAOME, « La notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés
européennes », in La sécurité juridique, op. cit., p. 69-108, spéc. p. 106.
8 S. CALMES, Le principe de la confiance légitime en droit allemand, communautaire et français, Dalloz, Paris,
coll. « Nouvelle Bibliothèque des thèses », 2001, p. 120.
9 F. HUBEAU,Le principe de la protection de la confiance légitime dans la jurisprudence de la Cour de justice
dire si le principe de sécurité juridique n’aurait absolument rien d’ « d’idyllique »10, au point
d’inciter certains à lui nier toute existence en droit positif11, voire d’en suggérer sa
suppression12.
2. Les causes qui forgent sa mauvaise réputation sont autant endogènes qu’exogènes.
D’abord, on lui reproche d’être imprécis et inconstant13 en raison d’une interprétation
prétorienne discrétionnaire qui lui fait perdre progressivement sa valeur normative14. À force
d’être invoqué « à tout va », le principe perd en substance et en signification, creusant l’écart entre le discours juridique et la réalité dudit principe15. Surtout, on lui reproche de servir les intérêts de la casuistique, au risque de perdre la cohérence et l’unité de la jurisprudence en « atomisant »16 par ricochet le droit positif. Principe de protection contre l’arbitraire et l’insécurité juridique, il est devenu aujourd’hui les symboles les plus péremptoires17.
3. Bien que la Cour européenne des droits de l’homme – instaurée le 21 janvier 1959 – ait
consacré précocement ce principe dans sa jurisprudence, son introduction n’a suscité aucune controverse18. Les critiques portent davantage sur l’insécurité juridique émanent de sa jurisprudence plutôt que sur l’utilisation de son principe. L’insécurité juridique se mêle alors aux réprimandes qui sont régulièrement formulées à son endroit19, aux côtés du principe de subsidiarité. Les États membres lui imputent parfois de ne pas dégager des lignes directrices suffisamment claires dans la détermination des obligations étatiques. Ces dernières deviennent alors imprévisibles tant dans leur contenu que dans leur mise en œuvre20. La sécurité juridique
exprime un besoin étatique que les États utilisent volontiers pour se soustraire à leurs obligations conventionnelles, ou pour brider un pouvoir interprétatif extensif. Au-delà des revendications étatiques, la doctrine pointe régulièrement de leur plume le manque de rigueur
10 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ? op. cit., p. 70. 11 E. BENMERZOUK, La sécurité juridique en droit positif, thèse dactyl., Université Paris II, 2003.
12 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, RIEJ, 1990, n° 24, p. 25-42. 13 F. POLLAUD-DULIAN, À propos de la sécurité juridique, RTD Civ., 2001, p. 491.
14 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ?, op. cit., p. 70. 15 J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, op. cit., p. 15.
16 P. PUIG, L’excès de proportionnalité, RTD Civ., 2016, p. 70.
17 Voy. par ex. N-J. MAZEN, L’insécurité inhérente au système juridique, thèse dactyl., Université de Dijon, 1979.
Pour une étude complète sur les différentes idéologies philosophiques et sociologiques qui ont alimenté la conception de la sécurité juridique en Europe, lire J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le
principe de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, PUSL,
Bruxelles, 2014, p. 35-93.
18 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §56 (GACEDH, 2019, n° 51). 19 Y. LECUYER, Les critiques ataviques à l’encontre de la Cour européenne des droits de l’homme, RDLF, 2019,
chron. n° 53.
20 S. TOUZE, Deux facettes différentes de l’imprévisibilité́ sous l’angle de la Convention européenne des droits
méthodologique de la Cour européenne dans ses arrêts21. Par exemple, si elle a coutume
d’affirmer qu’il est « dans l’intérêt de la sécurité juridique de ne pas s’écarter de ses
précédents »22, force est de constater qu’elle privilégie très souvent l’interprétation évolutive
au détriment de la sécurité juridique. Plus alarmant, la sécurité juridique sert parfois d’alibi aux revirements involutifs qu’elle présente comme des clarifications de sa jurisprudence antérieure23.
4. Face à un tel constat, « comment croire encore à la sécurité juridique ? »24. Sans doute
en se proposant de faire le réquisitoire inverse, c’est-à-dire en partant à la recherche des effets positifs du principe sur le droit de la Convention. En effet, il y a une forme de paradoxe à se plaindre d’un principe qui, en dépit de sa mauvaise réputation, est très largement reconnu comme un principe constitutionnel ou de valeur supra législative dans les droits nationaux25.
Cette prépondérance se retrouve également en droit de la Convention puisque le principe de sécurité juridique est inscrit au panthéon des valeurs forgeant l’ordre public européen, aux côtés des principes de la prééminence du droit et de l’État de droit26. Ces critiques se révèlent d’autant
plus contradictoires qu’elles occultent les apports positifs du principe sur la protection des droits fondamentaux. Sa reconnaissance dans l’arrêt Marckx contre Belgique27 a accompagné un
courant jurisprudentiel progressiste et audacieux pour la protection des droits successoraux enfants adultérins en Europe. En outre, le non-respect dudit principe par les États parties à la Convention emporte quelques constats de violation. On en relève de nombreux exemples lors de l’examen de la conventionnalité des divergences de jurisprudence en interne28, des
procédures de révision ou de réexamen29, de la légalité d’une détention30 ou en matière de lois
21 F. SUDRE, L’effectivité des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, RTDH, 2008/76, p. 941-947. 22 CEDH, Gde Ch., 18 janvier 2001, Chapman c. Royaume-Uni, req. n° 27238/95, Rec. 2001-I , §70 (GACEDH,
2019, n° 48).
23 CEDH, Gde. Ch., 9 nov. 2018, Beuze c. Belgique, n° 71409/10 (JCP G, 2018, n° 48, 1249, veille F. SUDRE ; RTDH, 2019, n° 118, obs. M-A. BEERNAERT) ; CEDH, Gde. Ch., 22 octobre 2018, S., V. et A. c. Danemark,
req. n° 35553/12, 36678/12 et 36711/12 ; voy. aussi S. VAN DROOGHENBROECK, « Retour sur l’interprétation "involutive" de la Convention européenne des droits de l’homme », in Le droit malgré tout. Hommage à François
OST, PUSL, Bruxelles, 2018, p. 417-439. Voy. infra, n° 689.
24 P. MORVAN, Le principe de sécurité juridique : l'antidote au poison de l'insécurité juridique ? op. cit., p. 70. 25 Infra, n° 72 et suiv.
26 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56 ; CEDH, Gde. Ch., 13
décembre 2016, Béláné Nagy c. Hongrie, req. n° 53080/13, §89.
27 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31 (GACEDH, 2019, n° 51).
28 CEDH, Gde. Ch., 20 octobre 2011, Nejdet Şahin et Perihan Şahin c. Turquie, req. n° 13279/05, §57 (JCP G,
2012, doct. 87, F. SUDRE) ; CEDH, 23 mai 2019, Sine Tsaggarakis A.E.E. c. Grèce, req. n° 17257/13, §48.
29 CEDH, 20 juillet 2004, Nikitine c. Russie, req. n° 50178/99, Rec. 2004-VIII, §§55-57 ; CEDH, Gde. Ch., 11
juillet 2017, Moreira Ferreira c. Portugal (n° 2), req. n° 19867/12, §62 ; CEDH, Gde. Ch., 8 juillet 2019,
Mihalache c. Roumanie, req. n° 54012/10, §§110 et suiv.
de validation31. Enfin, s’en tenir à une conception négative du principe conventionnel de
sécurité juridique ne rendrait pas hommage à l’influence qu’il a exercée et qu’il exerce encore aujourd’hui sur les droits nationaux. La promotion d’une sécurité juridique flexible et compatible avec la mutabilité du droit par la Cour européenne a certainement contribué à l’acceptation en droit français de l’insécurité juridique du revirement jurisprudentiel, comme le prouve son ouverture au droit transitoire et à la modulation jurisprudentielle32. S’en tenir à une
critique négative ne rendrait pas non plus hommage aux efforts constants de la Cour pour améliorer la qualité de sa norme jurisprudentielle, efforts qui ont pu être relevés lors des différentes Conférences sur l’avenir de l’Europe33 et dans les discours officiels. C’est donc un
tout autre portrait du principe qui émerge en droit de la Convention et qui mérite, à notre sens, d’être davantage valorisé.
5. C’est pourquoi le principe et la notion qu’il concrétise doivent être « reconsidérés »34
dans la jurisprudence de la Cour, en particulier à l’aune des contraintes spécifiques d’un office chargé d’assurer la protection des droits fondamentaux. C’est en ce sens que cette étude visera non seulement à identifier et conceptualiser le principe, mais aussi à étudier ses fonctionnalités, ses changements, ses bienfaits, ses méfaits, et ses enjeux sous l’angle de la protection des droits fondamentaux.
6. Pour parvenir à ces objectifs, il est nécessaire d’établir au préalable quelques directions
d’analyses pour garantir sa propre « sécurité » scientifique. La première idée-force sera de « démystifier »35 la sécurité juridique en relativisant les critiques et autres idées préconçues à
son endroit. D’abord, cela évitera de borner au maximum les sens ou les fonctionnalités du principe en raison d’opinions personnelles ou doctrinales. Ensuite, cela permettra de déterminer ce qu’est réellement le principe de sécurité juridique en droit de la Convention, au-delà du discours prétorien. Cette phase de démystification s’accompagnera d’une phase de « désacralisation » du principe. La sécurité juridique demeure un idéal qui, par définition, ne pourra jamais être atteint. D’une part, il serait vain de considérer qu’une jurisprudence parvienne à un niveau absolu de sécurisation juridique. D’autre part, cela constituerait un frein
31 CEDH, Ch., 9 décembre 1994, Raffineries grecques Stran et Stratis Andreadis c. Grèce, req. n° 13427/87, série
A. 301-B, §49.
32 En particulier C. MOULY, Comment rendre les revirements de jurisprudence davantage prévisibles?, LPA,
1994, n° 33, p. 15.
33 Déclaration de Brighton sur la responsabilité partagée, Conférence à haut niveau sur l’avenir de la Cour
européenne des droits de l’homme du 20 avril 2012, pt. 25, c) ; Déclaration de Copenhague, Déclaration de Copenhague, Conférence à haut niveau du 13 avril 2018, pt. 27.
34 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, op. cit., p. 25 et suiv.
35 Nous reprenons ici la démarche suivie par le Professeur Jérémy VAN MEERBEECK pour analyser le principe
en droit de l’Union européenne, J. VAN MEERBEECK, De la certitude à la confiance. Le principe de sécurité
délétère à une interprétation évolutive nécessaire pour la garantie des droits fondamentaux en Europe. La difficulté de cette idée-force sera donc de trouver l’équilibre (ou le compromis) entre la déconstruction des mythes et la tentation de la sacralisation du principe. La seconde idée-force sera de proposer des solutions pour renouer avec la sécurité jurisprudentielle dont dépend l’autorité et la légitimité de la Cour européenne36. Comme le souligne un juge belge,
« disserter sur la sécurité juridique, c’est tenir un discours homéopathique. Demander au droit
d’être sûr, c’est le prier d’étendre un baume sur des blessures qu’il a lui-même ouvertes »37.
Ceci nous paraît d’autant plus essentiel que l’insécurité juridique est, paradoxalement, la « bouée de sauvetage » du mécanisme conventionnel. Après tout, l’insécurité juridique n’a-t-elle pas toujours été source d’émulation, en inspirant les révolutions scientifiques les plus importantes ?38 L’analyse des causes de l’insécurité juridique conventionnelle sera alors
l’occasion de proposer des solutions pratiques afin de les résorber.
7. Avant d’entrer dans le cœur de la démonstration, il convient dans un premier temps de
déterminer l’objet de cette étude, d’abord en appréhendant le sens des termes de l’intitulé de la présente thèse, et ensuite en définissant un cadre matériel et temporel adapté (I). Dans un second temps, notre analyse s’attardera à cibler l’enjeu et les intérêts soulevés par le sujet, pour exposer
in fine la problématique sous-jacente à notre démonstration (II).
I-
L’OBJET DE L’ETUDE
8. Puisque « mal nommer les choses juridiques, c’est ajouter aux malheurs du monde
juridique »39, il convient de définir autant que possible l’objet de l’étude pour éviter de tendre
vers l’« insécurité scientifique »40. Nos développements porteront consécutivement dans un
premier temps que la délimitation du champ sémantique (le principe de sécurité juridique « au
36 « La question se pose de la prévisibilité d’une jurisprudence qui obéit au pouvoir discrétionnaire du juge et dont la stabilité et la cohérence doivent être assurées afin de concilier développement des droits et sécurité juridique. Il y va à l’évidence, de l’autorité de l’interprétation délivrée par le juge », F. SUDRE, À propos du
dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de l’homme, JCP G, 2001, n° 28, I 335.
37 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », op. cit., p. 258.
38 On pense notamment aux travails menés par le Conseil d’État lorsque l’insécurité législative avait atteint son
paroxysme (De la sécurité juridique, La documentation française, Paris, 1991 ; Sécurité juridique et complexité
du droit, La documentation Française, Paris, 2006,) ou encore au groupe de travail menée par le Professeur Nicolas
MOLFESSIS pour contrer une insécurité jurisprudentielle grandissante, N. MOLFESSIS (dir.), Les revirements
de jurisprudence, Rapport remis à Monsieur le Premier Président Guy CANIVET, LexisNexis, Paris, coll. « Cour
de Cassation », 2005.
39 B. BARRAUD, La science et la doctrine juridiques à l’épreuve de la polysémie des concepts, RIEJ, 2016/1, vol.
76, p. 5-47, spéc. p. 5.
sens de ») (A), puis par la délimitation du champ matériel (du droit de la Convention européenne des droits de l’homme) (B).
A- Le champ sémantique : le principe de sécurité juridique
9. Comme le relève un article sur cette thématique, « la sécurité juridique n’est acquise
qu’au travers de nombreuses incertitudes »41. Il apparaît donc primordial de se confronter à
celle-ci pour mieux comprendre les sens et les fonctionnalités dudit principe. Son incertitude résulte de deux facteurs : l’indétermination de sa nature principielle (1°) et les paradoxes intrinsèques à la notion de sécurité juridique (2°).
1°) L’indétermination de sa nature principielle
10. Bien que la Cour européenne n’ait pas hésité à le consacrer comme un « principe »42,
sa polymorphie et sa variabilité notoires ont de quoi semer le doute sur l’authenticité de cette qualification, d’autant plus que la sécurité juridique n’aurait pas encore « atteint un degré de
force et de cohérence »43 dans la jurisprudence de la Cour. Cette critique n’est pas en réalité
propre à la jurisprudence strasbourgeoise. Si en droit administratif son acceptation en tant que principe fait l’unanimité44, la doctrine constitutionnaliste oscille entre la qualification de
« principe » et celle de simple « exigence »45, tandis que la Cour de cassation la qualifie
volontiers de « principe », bien que certains universitaires se montrent sceptiques sur véracité de cette qualification46. Le juge belge Paul MARTENS relevait que si la sécurité juridique est
« une valeur que le juge doit avoir souci de servir […], doit-on pour autant l’ériger en un
41 L-P. SUETENS, R. LEYSEN, « Les questions préjudicielles : cause d’insécurité juridique ? », in La Sécurité juridique, op. cit., p. 37-68, spéc. p. 68.
42 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §58 (GACEDH, 2019, n° 51). 43 M. DE SALVIA, La place de la notion de sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l’homme, CCC, 2001, n° 11.
44 La difficulté ne porte pas tant sur la nature principielle que l’ambiguïté d’un principe de confiance légitime
« déguisé » en principe de sécurité juridique qui pose difficulté. En réalité, c’est l’émergence du côté subjectif qui concentre le nœud des controverses doctrinales en droit français : B. BONNET L’analyse des rapports entre administration et administrés au travers du prisme des principes de sécurité juridique et de confiance légitime,
RFDA, 2013, n° 4, p. 71 ; P. FRAISSEIX, La « subjectivisation » du droit administratif, LPA, 2004, n° 207, p.
12.
45 A-L. VALEMBLOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, LGDJ,
Paris, coll. « Bibliothèque constitutionnelle et de science politique », 2005, t. 22.
46 Voy. en ce sens N. MOLFESSIS, La portée des revirements de jurisprudence, RTD Civ., 1998, n° 1, p. 210 ;
principe général ? ». Selon lui, « on ne portera pas remède à l’insécurité d’un "droit à l’état gazeux" en lui inoculant l’incertitude d’un principe à l’état volatil »47. Certains manuels vont
jusqu’à la qualifier volontiers de « droit »48, tandis que d’autres écrits la relèguent à « un simple
argument »49. De surcroît, l’incertitude s’accentue au regard des incertitudes doctrinales
portant sur la définition même d’un « principe ». L’hétérogénéité des critères doctrinaux d’identification des principes ajoute une dose supplémentaire de complexité, à tel point que la recherche de son identification « relèverait de la poursuite d’un animal fabuleux, d’une chimère
conceptuelle […] d’un être aux formes et aux pouvoirs extraordinaires envahissant l’inconscient collectif »953. Paradoxalement, l’ambiguïté du principe, tant dans sa nature que
dans son expression, n’en reste pas moins caractéristique des principes et en constitue un bon indicateur50. Cela étant, sa normativité aléatoire ainsi que la « nébuleuse de notions
complémentaires »51 qui l’entourent (accessibilité, prévisibilité, confiance légitime …)
pourraient tout autant contrevenir à cette qualification ou la conforter52. En conséquence, ces
flottements confirment l’utilité d’une démonstration approfondie sur ce point qui forme à l’évidence l’un des défis majeurs de la présente thèse.
2°) Les incertitudes entourant la notion de « sécurité juridique »
11. L’absence de définition précise dans la jurisprudence de la Cour impose de partir à la
découverte de ses multitudes acceptions, et ce pour nous permettre de mieux comprendre les différents sens qui l’animent. Cependant, ses défectuosités intrinsèques rendent son analyse
47 P. MARTENS, « La sécurité juridique : rapport de synthèse », op. cit., p. 264-265.
48 Par exemple, le Professeur Rémy CABRILLAC définit la sécurité juridique comme « un droit pour un individu d’être fixé sur le contenu des dispositions qui lui sont applicables (c’est-à-dire le droit de ne pas voir ses prévisions remises en cause par un revirement de jurisprudence ou un texte rétroactif) », tout en admettant que « ce droit suscite des discussions », R. CABRILLAC, Dictionnaire du vocabulaire juridique 2020, LexisNexis, Paris,
coll. « Objectif droit », 2019, 11ème éd., p. 501. Louis FAVOREAU évoque également « le droit à la sécurité juridique » dans son manuel L. FAVOREAU, Droit des libertés fondamentales, Dalloz, Paris, 2015, 7ème éd, p.
356 et suiv. Cette qualification apparaît douteuse dans la mesure où la Cour européenne se refuse à consacrer un droit acquis à une jurisprudence constante, CEDH, 18 décembre 2008, Unedic c. France, req. n° 20153/04, §74 (JCP G, 2009, I 143, obs. F. SUDRE) ; CEDH, 26 mai 2011, Legrand c. France, req. n° 23228/08, §41 (JCP
G, 2011, act. 730, note C. PICHERAL ; JCP G, 201, act. 742, comm. A. MARAIS ; RDP, 2012, p. 785, chron. F.
SUDRE, G. GONZALEZ, L. MILANO et H. SURREL). Voy. ausi infra, n° 515 et suiv.
49 L. FRANÇOIS, « La fiabilité du droit, dite sécurité juridique », in La Sécurité juridique, op. cit., p. 8-20, spéc.
p. 17 et suiv.
50 G. COHEN-JONATHAN, « Le rôle des principes généraux dans l’interprétation et l’application de la
Convention européenne des droits de l’homme », in Mélanges en hommage à Louis Edmond PETTITI, Bruylant, Bruxelles, 1998, p. 165-196, spéc. p. 186.
51 J-P. PUISSOCHET, H. LEGAL, Le principe de la sécurité juridique dans la jurisprudence de la Cour de justice
des Communautés européennes, CCC, 2001, n° 11.
délicate, y compris en droit de la Convention. Ces défectuosités proviennent d’une part du caractère polysémique et pluridisciplinaire de la notion (i) et, d’autre part, de la multitude de paradoxes qui la composent (ii).
a- Une notion polysémique et pluridisciplinaire
12. Comme le précise le Professeur Luc HEUSCHLING, l’étymologie est « un travail de
recherche […] indispensable si l’on veut en saisir la logique, les aboutissements, et les failles »53. Ce faisant, elle peut « nous aider grandement à en fixer le sens et à en préciser ses
limites »54 . Il est communément admis que la généalogie du vocable « sécurité juridique » se
recoupe deux racines latines. La première est securitas, atis55, qui est un principe de
« réalisation »56 signifiant à la fois « l’exemption de souci, tranquillité de l’âme, quiétude
devant la mort », mais également « sûreté, sécurité et la sécurité par la garantie, sécurité des voyages »57. La seconde est certitudo, inis58, qui est un principe d’« orientation »59 signifiant «
certitude », « être bien sûr », ou encore ce qui est fixé d’ « une manière irrévocable »60. Cela
explique qu’en droit romain la « sécurité juridique » comprenait à la fois une dimension « exécutive »61 par l’exécution des normes, et une dimension « normative » par leur
ordonnancement afin que « le sujet de droit sache à l’avance quel comportement juridique est
attendu de lui comme de ses semblables »62. L’analyse menée par le Professeur Robert KOLB
sur la sécurité juridique fournit un éclairage étymologique complémentaire. Selon lui, la
certitudo comprend deux volets : la certitude synchronique63, qui opère à l’intérieur d’un
53 L. HEUSCHLING, État de droit, Rechtssaat, Rule of Law, Dalloz, Paris, 2002, p. 28. 54 F. GENY, Science et technique en droit privé positif, Sirey, Paris 1921, p. 461.
55 Il provient également du nom latin securus, a, um, qui désigne la situation « exempte de souci, sans inquiétude, sans trouble, tranquillité […] exempt de danger, où l’on n’a rien à craindre ». Il recoupe également des acceptions
plus originales comme « les vœux qui ne craignent pas un refus […], les évènements qui tournent mal » ou encore
« tenir de méchants propos sur quelqu’un », Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, Hachette, Paris, 2000,
p. 1412-1413.
56 « Réalisation concrète des normes juridiques afin d’éviter la tyrannie et l’arbitraire », D. SOULAS DE
RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, RIDC, 2003, p. 85-103.
57 Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, op. cit., p.1412-1413.
58 Il est corrélé au terme « certo » qui se définit comme la « certitude » mais aussi, plus largement, comme la
« lutte », « être ferme dans ses résolutions » ou encore comme une « limite précise », ibid. p. 294.
59 Orientation du comportement juridique de l’individu, D. SOULAS DE RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et
racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, op. cit., p. 96.
60 Dictionnaire Latin-Français : le Grand Gaffiot, op. cit., p. 293.
61 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, African Yearbook of International Law, 2002, p. 103-142, spéc. p. 110.
62 « À cet égard, la loi ne doit ni être vague, ni laisser de marge trop vaste à ceux qui l'appliquent, ni remettre en cause les droits acquis ou établis, qui fondent particulièrement le sentiment de sécurité juridique », D. SOULAS
DE RUSSEL, P. RAIMBAULT, Nature et racines du principe de sécurité juridique : une mise au point, op. cit., p. 84.
système donné et qui s’associe à la clarté, à la simplicité et à l’ordre au sein de l’ordonnancement normatif, et la certitude diachronique qui, elle, « marque le besoin de
stabilité et de continuité du droit dans le temps »64. Pour ce qui est de la racine « securitas »,
l’auteur l’assimile au respect de l’autorité de chose jugée, aux procédures de révision, à la règle du précédent, au prospective overruling, ainsi qu’à l’exécution effective des normes65.
13. Rapidement, le principe de sécurité juridique s’est vu enrichi de sens, de conceptions
héritées de la pluridisciplinarité de la notion de sécurité66. Sans nul doute, la sociologie du droit
a constitué la discipline la plus influente67. Preuve de sa prépondérance, elle est la première
acception retenue dans les dictionnaires pour la définir68. Considérée comme la « première
valeur sociale à atteindre » selon Paul ROUBIER, « l’exigence de sécurité juridique naît de l’exigence de la loi de nature […] et de la nécessité de prévoir le droit »69. Elle est même la
« valeur suprême de l’ordre juridique »70, se plaçant avant « la justice et même avant le
progrès »71. Ayant pour objet de pacifier les relations sociales par le biais d’institutions
publiques, la sécurité juridique est alors synonyme de paix et de stabilité. Elle est à l’origine de la dichotomie contemporaine entre sécurité juridique individuelle et collective72. En effet, la
sociologie du droit a influencé ses fondements conceptuels comme la sûreté personnelle, la lutte contre l’arbitraire et les illégalités73. La psychologie et anthropologie ont également inspiré sa
64 Ibid., p. 112. 65 Ibid., p. 113 et suiv.
66 La plupart des thèses relatives au principe effectuent une analyse pluridisciplinaire en introduction, T.
PIAZZON, La sécurité juridique, Defrénois, Paris, coll. « Doctorat & Notariat », 2009, t. 35 ; P. RAIMBAULT,
Recherche sur la sécurité juridique en droit administratif français, LGDJ, Paris 2009 ; A-L. VALEMBOIS, La constitutionnalisation de l’exigence de sécurité juridique en droit français, op. cit. ; C. SALVIEJO, Le principe de sécurité juridique en droit communautaire et européen, thèse dactyl., Université de Montpellier I, 2003. 67 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., spéc. p. 106.
68 « La sécurité est par sa nature et par sa destination… foncièrement vouée à assurer la sécurité […] des relations sociales », B. PACTEAU, « Sécurité́ juridique », in J. ANDRIANTSIMBAZOVINA, H. DAUDIN, J-P.
MARGUENAUD, S. RIALS, F. SUDRE (dir.), Dictionnaire des droits de l’homme, PUF, Paris, 2008, p. 709-712, spéc. p. 709.
69 P. ROUBIER, Théorie générale du droit, Sirey, Paris, 1951, p. 323-333. Lire également G. PECES-BARBA
MARTINEZ, Théorie générale des droits fondamentaux, LGDJ, Paris, 2004, p. 222 et suiv.
70 W. SAUER, « Sécurité juridique et justice », in Introduction à l’étude du droit comparé. Recueil d’études en l’honneur d’Édouard LAMBERT. LGDJ, Paris, 1938, t. 3, p. 34-43, spéc. p. 35.
71 J. CARBONNIER Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, Paris, 8ème éd., 1995. 72 La sécurité est ainsi « un état qui peut concerner une personne (sécurité individuelle), un groupe (sécurité publique) », G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF, Paris, coll. « Quadrige dicos poche », 2018, 11ème éd.,
p. 953.
73 « La sécurité, c’est non moins la confiance qu’on peut placer dans l’effectivité de la sauvegarde de l’ordre public et dans la sanction des illégalités ou désordres d’autrui quand ils nuisent à ses propres droits, tout autant bien sûr que l’assurance pour chacun de sa propre sûreté personnelle », B. PACTEAU, La sécurité juridique, un
conceptualisation74. Habituellement, la sécurité incarne un besoin social, que le Doyen Jean
CARBONNIER qualifiait volontiers de « besoin animal »75. Pour endiguer le sentiment
d’insécurité juridique auto généré par l’ordre juridique76, la sécurité juridique va alors tenter
d’y répondre par une double sécurisation par le droit et du droit. Non seulement elle doit faire régner l’ordre, mais elle doit aussi assurer le bien-être des individus en réduisant les situations juridiques anxiogènes. C’est pourquoi elle doit garantir la stabilité des prévisions juridiques en évitant les bouleversements et autres perturbations juridiques, en évitant donc d’alimenter le sentiment d’insécurité causé par un droit désordonné et chaotique77. Ainsi se greffent à la clarté
et la prévisibilité les notions de la bonne foi de droits acquis, de la confiance ou encore de l’espérance légitime qui grossissent le contenu notionnel de la sécurité juridique. Cette approche subjective s’inscrit dans la continuité de la dimension philosophique du principe. En effet, la sécurité juridique représente un « idéal »78 à atteindre porté par la multitude de
conceptions qui alimentent son devoir-être. Elle est « l’ensemble des qualités que doivent
posséder soit les normes d’un système juridique, soit le système en tant que tel »79. Elle
comprend alors les devoirs d’un système juridique pour asseoir la fides, autrement dit le « respect des attentes légitimes qu’on l’on a créées chez autrui »80. Dernièrement, le droit
économique et commercial81 influence les conceptions de la sécurité juridique. Les objectifs
d’anticipation, de prédictibilité ou encore de probabilité sont topiques de l’influence de ces disciplines82. Elle devient alors un critère de compétitivité axé sur la mesure de l’efficacité
économique et de la performativité des systèmes juridiques83.
74 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit. p. 107.
75 J. CARBONNIER, « La part du droit dans l’angoisse contemporaine », in J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit sans rigueur, op. cit., p. 188.
76 « Les incertitudes du droit objectif rejaillissent sur le droit subjectif, et font naître chez l’individu un sentiment d’insécurité »,J. CARBONNIER, « La part du droit dans l’angoisse contemporaine », op. cit., p. 188.
77 « La sécurité réduit l’angoisse, l’incertitude et la pression de décisions trop fréquentes, en allégeant l’individu du poids de devoir sans cesse peser toutes les alternatives d’action possibles », R. KOLB, La sécurité juridique
en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 108.
78 F. TULKENS, La sécurité juridique, un idéal à reconsidérer, op. cit., p. 25-42. 79 Ibid., p. 28.
80 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 109.
81 L. BOY, J.-B. RACINE et F. SIIRIAINEN (dir.), Sécurité́ juridique et droit économique, Larcier, Bruxelles,
2008.
82 F. HOFFMANN, Probabilité et droit de la concurrence, RFDA, 2011, p. 531.
83 La sécurité juridique est un indicateur prépondérant du Rapport Doing business publié chaque année par la
Banque mondiale. Le dernier rapport de 2019 est disponible en ligne :
[https://francais.doingbusiness.org/content/dam/doingBusiness/media/AnnualReports/English/DB2019report_we
b-version.pdf]. Pour quelques lectures : A. RAYNOUARD, A-J, KERHUEL, L’évaluation des systèmes
14. Prévisibilité, accessibilité, confiance … C’est dire si la sécurité juridique « ne rime pas
avec simplicité »84. Elle sert également à démontrer « beaucoup choses et leur contraire »85, ce
qui en fait une notion empreinte de paradoxes.
b- Une notion empreinte de paradoxes
15. La Professeure Patricia POPELIER souligne cinq paradoxes inhérents à la sécurité
juridique : “ the principle of legal certainty demands certainty, whereas uncertainty is an
inherent part of the legal order ; the more the legal aspect of human relations prevails in society, the more accessibility of legislation becomes a basic requirement on the one hand, a “mission impossible” on the other; the review of legislation in the light of the principle of legal certainty is itself unpredictable; objective uncertainty (accessibility) leads to justified subjective uncertainty (respect for legitimate expectations); the legal invalidation of a legal rule, for being contrary to the principle of legal certainty, leads to even more legal uncertainty
”86. Ces paradoxes proviennent à de sa dualité entre sa facette objective et objective. En effet,
la notion comprend « un élément objectif, l'absence de danger ou de menace pour un individu
ou un groupe, et un élément subjectif encore plus important, le sentiment des citoyens d'être en sécurité, c'est-à-dire l'impression qui est éprouvée d'être à l'abri des dangers et la confiance qui en résulte »87. Les facettes objective et subjective se décomposent aussi selon les domaines,
mais aussi les acteurs de l’ordre juridique de référence. Par exemple, la sécurité juridique subjective comprend à la fois la sécurité inter partes (justiciables, personnes physiques ou morales, ainsi que les États parties), mais aussi extra partes (concernant les tiers au litige, les requérants potentiels ou ceux dont l’instance est en cours). Elle est enfin erga omnes en ce qu’elle assure « le fonctionnement de l’ordre juridique dans son intégralité »88, et sauvegarde
à cette fin sa sécurité juridique in globo.
84 B. PACTEAU, « Sécurité́ juridique », op. cit., p. 712.
85 H. ADER., L. IDOT, et F. URBINO-SOULIER, L’insécurité dans le droit communautaire, JCP E, 1990, n° 48,
p. 34.
86 « Le principe de sécurité juridique exige certitude, alors que l’incertitude fait partie intégrante de l’ordre
juridique. Plus l’aspect juridique des relations humaines prédomine dans la société, plus l’accessibilité de la législation devient une exigence fondamentale d’une part, une "mission impossible" de l’autre. La révision de la législation à la lumière du principe de sécurité juridique est en soi imprévisible. L'incertitude objective (accessibilité) conduit à une incertitude subjective justifiée (respect des attentes légitimes). L'invalidation juridique d'une règle de droit, du fait qu'elle est contraire au principe de sécurité juridique, conduit à une insécurité juridique encore plus grande », P. POPELIER, “Five Paradoxes on Legal Certainty and the Lawmaker”, Legisprudence. International Journal for the study of legislation, 2008, n° 2, p. 47-66, spéc. p. 49.
87 J-M. PONTIER, De la sécurité, AJDA, 2006, n° 19, p. 1009.
16. Si la sécurité juridique défend des intérêts divergents, elle concourt à la conciliation
d’intérêts divergents. Comme le précise le Professeur Michel FROMONT, elle cristallise les conflits unissant « la justice ou l'équité, d'une part, qui incite à modifier les règles et les
situations juridiques pour améliorer constamment l'ordonnancement juridique ou l'adapter à une société changeante et se traduit par le principe de mutabilité ; la sécurité juridique, d'autre part, qui requiert la stabilité et se traduit donc par le principe inverse, celui du respect de l'état existant »89. Cette ambivalence est corrélée par l’opposition traditionnelle entre sécurité
juridique et légalité90, en lien avec l’insécurité juridique91. Elle est également topique de
l’opposition entre sécurité juridique et équité, autrement dit entre l’intérêt général et l’intérêt individuel92, mais aussi entre la stabilité et la mutabilité juridique.
17. Si ce maelström sémantique traduit toute la richesse de l’objet de notre étude, elle
entrave également son identification. Cette difficulté se retrouve dans la conceptualisation conventionnelle de la sécurité juridique. Bien que l’inauguration du principe dans le paysage conventionnel ait été précoce93, aucune définition explicite ne transparaît du texte de la
Convention, ni dans la jurisprudence de la Cour européenne. Le juge se contente de donner quelques bribes de définitions. Il le qualifie de principe « implicite et explicite »94, en lien avec
l’État de droit95 et la prééminence du droit96. Il évoque également l’incertitude résultant d’un
revirement de jurisprudence97, la confiance dans l’appareil de la justice98 ou encore la nécessité
de respecter les standards de prévisibilité et d’accessibilité99. Les textes européens n’offrent pas
plus de résultats100. Mis bout à bout, ces différents éléments fournissent une première ébauche
89 M. FROMONT, Le principe de sécurité juridique, AJDA, 1996, n° spéc., p. 178.
90 « Le premier vise à assurer la stabilité des situations juridiques, c'est-à-dire la permanence au moins relative de celles-ci dans le temps ; le second exige la certitude des règles et des situations juridiques, c'est-à-dire la clarté et la précision des règles et des décisions étatiques, et donc une certaine qualité dans leur formulation », ibidem. 91 A. MAZEAUD, La sécurité juridique et les décisions du juge, Dr. soc., 2006, n° 7, p. 744.
92 Pour plus de détails, voy. P-H. NEUHAUS, “Legal certainty versus equity in the conflict of laws”, Law and Contemporary Problems, 1963, p. 795-803.
93 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31 (GACEDH, 2019, n° 51).
94 CEDH, Gde. Ch., 9 juillet 2009, Mooren c. Allemagne, req. n° 11364/03, §72 ; CEDH, 16 avril 2019, Alparslan Altan c. Turquie, req. n° 12778/17, §101.
95 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56. 96 CEDH, Gde. Ch., 11 décembre 2018, Lekić c. Slovénie, req. n° 36480/07, §94.
97 CEDH, Gde. Ch., 20 octobre 2011, Nejdet Şahin et Perihan req. n° 13279/05, §§51-56 (JCP G, 2012, doct. 87,
F. SUDRE). Pour une application récente, CEDH, 23 mai 2019, Sine Tsaggarakis A.E.E. c. Grèce, req. n° 17257/13, §48.
98 CEDH, 31 mars 2015, S.C. Uzinexport S.A. c. Roumanie, req. n° 43807/06, §30.
99 CEDH, Gde. Ch., 15 novembre 1996, Cantoni c. France, req. n° 17862/97, §35 ; CEDH, Gde. Ch., 8 juillet
2019, Mihalache c. Russie, req. n° 45012/10, §§110-115.
100 La Déclaration de Brighton du 20 avril 2012 célébrait le fait que « la Cour a reconnue de longue date que, par souci de sécurité juridique, de prévisibilité et d’égalité devant la loi, elle ne devrait pas s’écarter sans raison valable de ses propres précédents », Déclaration de Brighton sur la responsabilité partagée, Conférence à haut
du principe, sans toutefois permettre à eux seuls d’effectuer une systématisation satisfaisante pour parvenir à l’appréhender dans sa globalité. Ces incertitudes imposent d’orienter préalablement notre travail de recherche sur l’identification sémantique du principe en droit de la Convention.
B- Le champ matériel : « au sens du droit de la Convention »
18. Les sources textuelles de la Convention constitueront le matériau premier de nos
recherches (a). Puisque l’interprétation ne peut être valablement dissociée de son interprète, la jurisprudence de la Cour européenne sera également placée au cœur de la présente étude. « Ministre du sens »101, son interprétation se montre essentielle pour combler les lacunes de la
Convention et l’incertitude qui pourrait en résulter102. C’est pourquoi la base de la recherche
portera principalement sur l’œuvre jurisprudentielle strasbourgeoise, c’est-à-dire sur les arrêts et les décisions rendus par la Cour européenne des droits de l’homme103. Le recours à d’autres
jurisprudences (nationales, européennes et internationales) parachève la délimitation du champ jurisprudentiel (b). A contrario, le cadre temporel ne fera l’objet d’aucune limitation particulière à cause de la nature implicite du principe dans la jurisprudence (c).
a- La délimitation du champ textuel
19. À l’instar de la plupart des textes fondamentaux de protection des droits de l’homme104,
le principe de sécurité juridique brille par son absence dans le texte de la Convention européenne, que ce soit dans son contenu ou dans son préambule. À notre connaissance, aucun document ne s’interroge sur une telle lacune. Il est tout à fait plausible qu’il s’agisse d’une omission volontaire des rédacteurs, puisqu’à l’époque, le principe de la sécurité juridique ne
simplement « la qualité et en particulier la clarté et la cohérence des arrêts de la Cour », Déclaration de Copenhague, Conférence à haut niveau du 13 avril 2018, pt. 27.
101 F. RIGAUX, La loi des juges, Éd. Odile Jacob, 1997, p. 233.
102 « Ses arrêts servent non seulement à trancher le cas dont elle est saisie, mais plus largement à clarifier, sauvegarder et développer les normes de la Convention et à contribuer de la sorte au respect, par les États parties, des engagements qu’ils ont assumés en leur qualité de Parties contractantes », CEDH, Plén., 18 janvier 1978, Irlande c. Royaume-Uni, req. n° 5310/71, série A. 25, §154 (JDI, 1980, 449, obs. P. ROLLAND).
103 Nous retenons en ce sens une acceptation matérielle de la jurisprudence comprenant « l’ensemble des décisions de justice rendues par une juridiction », M. DEGUERGUE, Jurisprudence, Droits, 2001/2, n° 34, p. 95-104, spéc.
p. 95.
104 Par exemple, la sécurité juridique n’est pas mentionnée expressis verbis dans la Charte des droits fondamentaux
faisait pas l’unanimité dans les ordres juridiques nationaux105. Ces derniers auraient pu
également craindre que la mention textuelle du principe ne vienne brider le pouvoir interprétatif de son organe de contrôle, la stabilité inhérente au principe s’opposant alors à l’assurance d’une protection effective et progressiste des droits fondamentaux. De notre point de vue, cet oubli relèverait plutôt d’une maladresse rédactionnelle. Si la sécurité juridique n’est pas mentionnée, il ne fait nul doute qu’elle imprègne l’esprit des rédacteurs. Pour Pierre Henri TEITGEN, il était indispensable de sécuriser de manière globale le droit de la Convention par la codification préalable du catalogue des droits et des libertés pour préserver une garantie collective des droits de l’homme alors en construction contre les potentielles dérobades des États parties106. De plus,
les multiples références à la « loi » dans les dispositions conventionnelles sont significatives de cette sécurisation implicite par le droit107. Bien qu’innomée, la sécurité juridique n’en reste pas
moins « consubstantielle »108 à la Convention européenne. Les formulations employées par la
Cour européenne à son endroit finissent d’emporter notre conviction. « Implicite »109, la
sécurité juridique est, aux yeux de la Cour, un principe « nécessairement inhérent au droit de
la Convention »110. Elle appartient au patrimoine des « valeurs fondamentales
sous-jacentes »111 à la Convention qui forge l’ordre public européen112. L’inclusion du texte de la
Convention européenne et de ses protocoles nous paraît dès lors pleinement justifiée.
20. Parallèlement, la consubstantialité du principe lui offre l’assise nécessaire pour se
développer en dehors du cadre spécifique la Convention. Alors qu’elle est reconnue comme l’un des défis majeurs du système conventionnel113, la notion transparaît assez peu dans les
textes européens. Malgré cela, ces documents seront inclus dans le champ de notre étude, car
105 On pensera notamment aux réticences du droit français à consacrer le principe de sécurité juridique, voy. infra,
n° 107 et suiv.
106 P-H. TEITGEN, Aux sources de la Cour et de la Convention européenne des droits de l’homme, Éd.
Confluences, 2000, coll. « Voix de la cité », p. 25. La codification du droit est l’un des plus anciens procédés de sécurisation objective d’un droit, voy. N. MOLFESSIS, Les illusions de la codification à droit constant et la sécurité juridique, op. cit., p. 186.
107 On note ainsi 31 occurrences pour le terme « loi » en droit de la Convention. Source HUDOC :
[https://hudoc.echr.coe.int/fre].
108 R. KOLB, La sécurité juridique en droit international : aspects théoriques, op. cit., p. 103.
109 CEDH, 28 mars 2000, Baranowski c. Pologne, req. n° 28358/95, Rec. 2000-III, §56. Son caractère implicite
qui a été réaffirmé dans l’arrêt CEDH, Gde. Ch., 28 novembre 2017, Merabishvili c. Géorgie, req. n° 72508/13, §199.
110 CEDH, Plén., 13 juin 1979, Marckx c. Belgique, req. n° 6833/74, série A. 31, §58 (GACEDH, 2019, n° 51) ;
CEDH, Gde. Ch., 7 février 2013, Fabris c. France, req. n° 16574/08, Rec. 2013-I, §57 (JCP G, 2013, act. 242, obs. F. SUDRE).
111 CEDH, Gde. Ch., 13 décembre 2016, Béláné Nagy c. Hongrie, req. n° 53080/13, §89.
112 F. SUDRE, « Existe-t-il un ordre public européen ? », in P. TAVERNIER (dir.), Quelle Europe pour les droits de l’homme, Bruylant, Bruxelles, 1996, p. 39-80, spéc. p. 56 et suiv.
113 Notamment la Déclaration de Bruxelles sur la mise en œuvre de la Convention européenne des droits de