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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC

MÉMOIRE PRÉSENTÉ À

L’UNIVERSITÉ DU QUÉBEC EN OUTAOUAIS

COMME EXIGENCE FINALE

DE LA MAITRISE EN SCIENCES INFIRMIÈRES

PAR

JOSÉE TREMBLAY

L’EXPÉRIENCE DES PÈRES LORS DE LA NAISSANCE DE LEUR ENFANT

AVRIL 2014

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Sommaire

La naissance est de plus en plus considérée comme un événement familial où les hommes sont encouragés à participer activement. Les pères d’aujourd’hui désirent être présents à la naissance de leur enfant, ce moment étant significatif dans leur transition à la paternité ou encore, pour soutenir leur partenaire. Cependant, certains déplorent le fait de ne pas avoir pu participer activement à la naissance et d’avoir été confiné dans un rôle de spectateur passif. Bien que l’on note de nombreux bénéfices à la présence du père lors de la naissance, très peu d’études traitent l’expérience de ces pères lors de la naissance au Québec. Dans une perspective de mieux accompagner et impliquer les pères lors de la naissance, il devient important de mieux connaitre leurs perceptions de cet évènement. Cette étude qualitative phénoménologique a pour but de décrire l’expérience vécue des pères lors de la naissance de leur enfant, dans l’un des trois milieux de naissance suivants, l’unité de naissance en milieu hospitalier, la maison de naissance et le domicile. Les données ont été recueillies à l’aide de cinq entretiens collectifs auprès de 20 pères. L’analyse des résultats a permis de comprendre les perceptions des pères de la naissance en ce qui a trait à leurs émotions, leurs attentes, leurs croyances et leur rôle, ainsi que d’émettre des recommandations pour la pratique professionnelle, la formation, la gestion et la recherche.

Mots-clés : Pères, naissance, perception, expérience des pères.

Keywords: Fathers, childbirth, perception, father’s experience.

(3)

Table des matières

Sommaire ... ii

Liste des tableaux ... viii

Liste des figures ... ix

Remerciements ...x

Introduction ...1

Problématique ...5

But de l’étude ...13

Question de recherche ...14

Contexte théorique ...15

Cadre de référence ...17

La théorie intermédiaire de la transition ...17

Le modèle « Illness Beliefs » (Modèle des croyances envers la maladie) ...21

Recension des écrits ...23

La transition à la paternité ...24

La grossesse ...24

La naissance ...25

L’expérience de la naissance ...27

La présence des pères à la naissance ...27

L’absence du père à la naissance ...29

La pression exercée sur les hommes ...31

(4)

Les rôles des pères lors de la naissance ...32

La perception de la naissance ...34

Les sentiments des pères ...36

L'impact sur la santé mentale du père ...40

L'impact sur le couple ...42

La préparation prénatale reçue ...44

Le rôle des professionnels à l’égard des pères lors de la naissance ...47

La réponse des professionnels à l’égard des besoins des pères ...50

Méthodologie ...55

La phénoménologie en termes de philosophie ...57

La phénoménologie en termes de méthodologie ...59

La réduction phénoménologique...60

La description...61

La réduction eidétique...62

Le milieu ...63

La population cible ...65

L’échantillonnage...65

Les critères d’inclusion et d’exclusion...67

Le déroulement de l’étude...68

Le recrutement des participants ...68

La collecte de données ...69

Les instruments de collecte de données ... 69

(5)

Les considérations éthiques ...71

L'analyse des données ...73

La collecte des données verbales ...73

La lecture des données ...74

La division des données en unités de signification ...74

L’organisation et l’énonciation des données brutes dans un langage disciplinaire ...75

La synthèse des résultats ...76

Les forces et limites de l’étude ...76

Résultats ...79

Le profil sociodémographique des pères ...80

Les caractéristiques des pères ...81

La situation familiale du père ...81

Les caractéristiques de la naissance ...83

L’expérience de la naissance...86

Se préparer à la naissance ...87

Façonner ses attentes ...87

Construire des croyances ...96

Définir son rôle ...98

Le père organisateur ...99

Le père accompagnateur ...99

Exercer son rôle de père auprès de son enfant ...102

Vivre des émotions ...103

(6)

Émotions de bien-être ...103

Émotions de détresse ...104

Être en relation avec des professionnels ...111

Être en relation avec des professionnels compétents ...111

Être en relation avec du personnel qui limite leur pouvoir d’agir ...115

Rencontrer son enfant ...118

Le moment de transition ...118

Rencontrer sa conjointe...119

Le renforcement des liens du couple ...120

Un tremplin vers la parentalité ...121

Discussion ...123

L’expérience des pères lors de la naissance ...124

L’expérience nourrissante de la naissance ...125

L’expérience traumatisante de la naissance ...129

La théorie de la transition de Meleis et l’expérience des pères ...133

Recommandations ...137

La pratique clinique ...138

La gestion ...141

La formation...142

La recherche ...143

Conclusion ...144

Références ...148

(7)

Appendice A. Choix de la directrice et de la co-directrice de mémoire ...160

Appendice B. Approbation du projet de recherche ...162

Appendice C. Lettre de publicité ...164

Appendice D. Questionnaire sociodémographique ...166

Appendice E. Guide d’entretien collectif ...170

Appendice F. Certificat éthique ...173

Appendice G. Formulaire de consentement ...176

Appendice H. Arbre thématique des unités significatives ...180

(8)

Liste des tableaux Tableau

1 Raisons de non-participation à la naissance ... 30

2 Peurs des pères ... 38

3 Sentiments vécus par rapport à la naissance ... 39

4 Situation familiale ... 82

5 Caractéristiques de la naissance ... 83

6 Degré de satisfaction globale des services ... 86

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Liste des figures Figure

1 Symbole du modèle des croyances envers la maladie de Wright et

Bell (2009). ... 22

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Remerciements

La rédaction d’un mémoire de maitrise est un travail de longue haleine qui ne peut être réalisée sans l’aide d’un mentor. Ma rencontre avec madame Francine de Montigny lors de la journée d’accueil de l’université a été déterminante dans l’aboutissement de mes études de deuxième cycle. Partageant le même intérêt pour la périnatalité et la paternité, celle-ci a su bien me guider tout au long de ma maitrise, autant dans mon cheminement scolaire que dans le monde de la recherche par la participation à des conférences et des projets de recherche en tant qu’auxiliaire de recherche. Depuis 2010, elle m’a laissée cheminer à mon gré, a fait preuve de patience, de soutien et a su bien me conseiller, m’encourager et être disponible, en particulier lors de la finalisation de ma rédaction. Elle m’a permis tout au long de mon parcours de découvrir l’importance de la recherche ainsi que son apport à la pratique et de comprendre ce que sont vraiment la rigueur, la persévérance et la débrouillardise pour parvenir à réaliser un mémoire. Elle a su éveiller en moi un potentiel insoupçonnable qui se traduit maintenant en une plus grande passion et une curiosité face au monde de la recherche et de la périnatalité et m’a rendue plus confiante envers mes moyens comme agente de changement.

Je tiens aussi à remercier ma codirectrice, madame Christine Gervais, qui a été mon soutien terrain. Grâce à son aide et son accompagnement lors des entretiens collectifs et dans l’analyse des résultats, cette recherche a pu obtenir des résultats intéressants en ce qui concerne l’expérience des pères lors de la naissance. Son écoute et ses encouragements ont été appréciés lors des moments de désarroi ou de découragement.

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Un remerciement sincère aux pères qui ont accepté de partager avec générosité et intérêt leur vécu de la naissance. Sans votre participation, cette étude n’aurait pu exister.

Vos témoignages ont confirmé la pertinence de ce projet de recherche et m’ont donné l’énergie pour terminer cette étude et émettre des recommandations afin d’améliorer la pratique envers les pères dans les moments entourant la naissance.

Un grand merci au ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS), à l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et à la Banque TD pour votre soutien financier. Grâce à vous, j’ai pu entreprendre mes études sans souci financier et terminer plus rapidement la rédaction de mon mémoire.

Finalement, merci à mon amoureux Tony qui m’a sans cesse soutenue et encouragée dans mon parcours de maitrise. Merci pour ton soutien, ton écoute et ton intérêt envers mon projet et surtout, pour ta compréhension lors de périodes plus difficiles. À mes chers parents qui depuis mon jeune âge, ont su faire grandir en moi une détermination inestimable afin de me réaliser personnellement et professionnellement. Sans vous, je ne serais pas devenue la personne que je suis maintenant. Je tiens aussi à souligner les encouragements ou l’aide de mes amis et collègues de travail. Vous avez été une source d’énergie incroyable dans l’aboutissement de mon projet.

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Introduction

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Traditionnellement en Occident, la naissance était un événement qui se déroulait entre femmes. Aujourd’hui, on constate que les femmes sont généralement accompagnées de leur conjoint lorsqu’elles donnent naissance. En effet, selon l’Agence de la santé publique du Canada (2009), 94,6 % des femmes canadiennes étaient accompagnées de leur conjoint lors du travail et 92,3 % l’étaient lors de la naissance. Ce phénomène est plutôt récent en Occident, considérant le fait que les pères sont invités à assister à la naissance de leur enfant que depuis le début des années 70 et à y participer activement que depuis les années 90 (Reed, 2005).

Ce phénomène a fait émerger, depuis les vingt dernières années, plusieurs recherches sur la présence du père lors de la naissance. Ces études s’entendent sur les nombreux bénéfices qu’apporte la participation du père lors de la naissance de son enfant, tant pour le père en termes de soutien au développement de son identité paternelle (Baker, Miron, de Montigny, & Boilard, 2007) que pour la mère dans ses perceptions de l’accouchement, de son contrôle de la douleur lors du travail et de sa confiance en soi (Gungor & Beji, 2007).

Cependant, on note que les pères ressentent souvent une forme de pression sociale pour assister à l’accouchement en tant que spectateur passif plutôt que comme un participant actif (Eriksson, Westman, & Hamberg, 2006). Ils sont donc nombreux à se

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sentir mis de côté (Premberg & Lundgren, 2006). Au Québec, l’expérience des pères lors du moment de la naissance reste à ce jour très peu connue. Ainsi, cette étude phénoménologique descriptive a pour objectif de décrire l’expérience vécue de ces pères lors de la naissance de leur enfant, selon trois différents milieux où les pères peuvent vivre cette expérience, soit le centre hospitalier, la maison de naissance et le domicile.

Ce choix de milieux permet une représentation des différentes expériences vécues dans la société québécoise. Bien que les infirmières ne côtoient que les couples qui donnent naissance en contexte hospitalier, il demeure pertinent pour elles d’être informées à propos du vécu de l’ensemble des pères. L’objectif de cette étude permettra d’identifier les perceptions de ces pères de l’évènement, de leur rôle et de leurs besoins et d’en arriver à proposer des interventions personnalisées permettant de mieux les accompagner, peu importe le lieu de naissance.

Ce mémoire se divise en cinq chapitres. Le premier décrit la problématique entourant l’expérience des pères québécois lors de la naissance de leur enfant. L’objectif de l’étude et les questions de recherche y sont détaillés.

Le second chapitre concerne les connaissances actuelles sur les moments critiques de la transition vers la paternité telles que la grossesse et la naissance et sur l’expérience des pères de la naissance. Les thèmes abordés sont : leur perception de leur présence, de l’évènement en tant que tel, de leur rôle, de la préparation prénatale reçue et des professionnels à leur égard. Les cadres de référence y sont introduits, soit la théorie de la

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transition de Meleis (2010) et le modèle des croyances envers la maladie de Wright et Bell (2009). Ces derniers permettent de mieux saisir sous quelles influences théoriques cette étude a été conduite.

Le contenu du troisième chapitre décrit la méthodologie utilisée, soit la phénoménologie descriptive. La première partie du chapitre explique la philosophie et la méthodologie de la phénoménologie. La seconde partie se consacre à la description du déroulement de l’étude.

Les résultats de l’analyse des données recueillies lors des entretiens collectifs font l’objet du quatrième chapitre. Le profil sociodémographique des pères y est présenté, de même que les thèmes qui découlent de l’étude, soit : se préparer à la naissance, définir son rôle, vivre des émotions, être en relation avec des professionnels, rencontrer son enfant et rencontrer sa conjointe.

Finalement, le cinquième chapitre expose la discussion, les limites et les forces de cette étude. Puis, des recommandations pour la pratique clinique, la gestion, la recherche et la formation en sciences infirmières y sont émises.

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Problématique

(17)

Près de 88 700 enfants naissent au Québec chaque année selon l’Institut de la statistique du Québec (2012), soit 1,73 enfant par famille (ISQ, 2011). Les femmes québécoises ont maintenant le choix de donner naissance à l’hôpital, à la maison de naissance ou à domicile. L’hôpital offre aux femmes une prise en charge par une équipe médicale, formée de médecins et d’infirmières, tandis qu’à la maison de naissance ou à domicile, ce suivi est offert par une équipe de sages-femmes.

Tant au plan international que national ou provincial, des études sont parvenues à décrire l’expérience des femmes lors de la naissance, indiquant que l’événement de la naissance est significatif pour celles-ci. Ainsi, on sait qu’une expérience maternelle positive ou satisfaisante de l’accouchement peut faciliter l’adaptation de la mère au rôle parental, influer positivement sur l’autogestion en matière de santé et accroitre les chances qu’elle respecte les futures recommandations en matière de soins de santé et de suivi (Peterson, Charles, DiCenso, & Sword, 2005). À l’inverse, celles qui qualifient négativement leur expérience de la naissance ont moins d’enfants subséquents ou attendent plus longtemps avant d’en avoir un autre (Gottvall & Waldenström, 2002).

Une mauvaise expérience antérieure entraine plus d’anxiété, de douleur, d’utilisation d’analgésiques et d’interventions médicales comme le déclenchement artificiel des contractions lors d’un accouchement ultérieur (Lundgren, 2005; Waldenström, 1999b).

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En ce qui concerne l’expérience des pères lors de la naissance de leur enfant, plusieurs études exploratoires démontrent que la naissance est de plus en plus considérée comme un évènement familial où les hommes sont encouragés à participer activement (Vehviläinen-Julkunen & Liukkonen, 1998). De nombreux pères expriment un désir d’être présents à la naissance (Chan & Paterson-Brown, 2002; Gungor & Beji, 2007;

Johnson, 2002; Madsen & Munck, 2001), en particulier lorsqu’ils ont le sentiment d’être invités à faire partie de cet évènement (Chandler & Field, 1997). Cette participation leur permettent de soutenir leur partenaire (Gungor & Beji, 2007; Madsen & Munck, 2001;

Wielgos et al., 2007) ou encore, de vivre un moment significatif de transition vers la paternité (Vehviläinen-Julkunen & Liukkonen, 1998) et de construire leur identité paternelle (Baker et al., 2007). Les pères se considèrent d’ailleurs comme la meilleure personne pour soutenir leur conjointe dans cet évènement (Martin, 2008) en jouant quatre rôles distincts dont celui d’entraineur, de coéquipier, de témoin ou d’avocat (Chapman, 1991). Or, certains disent avoir besoin de se sentir encouragés et guidés par leur partenaire dans le but d’avoir l’impression de jouer un rôle actif (Bäckström &

Hertfelt Wahn, 2011).

Par contre, des pères demeurent encore réticents à être présents lors de la naissance en raison de leur aversion à l’égard de la souffrance de leur partenaire et de leur manque de préparation affective. Diverses peurs, telles que celles de se sentir inutile, d’être une source de dérangement pour les intervenants ou que l’expérience de la naissance soit déplaisante, sont aussi des sources de découragement (Wielgos et al., 2007). Leur désir

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d’être présents à la naissance est influencé par la conjointe, la famille, le contexte social et la préparation reçue. Certains pères mentionnent également ressentir une forme de pression sociale à être présents (Chalmers & Meyer, 1996; Wielgos et al., 2007).

De plus, le sentiment de ne pas être bien préparés émotionnellement face à l’expérience du travail et de l’accouchement se manifestent chez plusieurs d’entre eux (Hallgreen, Kihlgren, Forslin, & Norberg, 1999; Johnson, 2002; Premberg & Lundgren, 2006), en ce qui a trait à la durée du travail et à la douleur de leur partenaire (Hallgreen et al., 1999; Johnson, 2002; Nichols, 1993). Certains mentionnent ressentir de l’anxiété, de la peur et un sentiment de manque de contrôle (Erlandsson & Lindgren, 2009). Ce manque de contrôle peut engendrer une difficulté à identifier le rôle qu’ils désirent jouer lors de la naissance (Longworth & Kingdon, 2011). Aussi, les pères avouent refouler leurs peurs par souci de ne pas en générer chez leur conjointe (Eriksson, Salander, &

Hamberg, 2007).

Au Canada, on ne trouve qu’une seule étude traitant de l’expérience des pères lors de la naissance. Chandler et Field (1997) ont mené une étude descriptive exploratoire en Alberta à l’aide d’entrevues ethnographiques sur l’expérience des pères lors du travail et de l’accouchement. Cette étude révèle que l’expérience de la naissance a été perçue comme plus exigeante que prévue. Bien que la force démontrée par leur conjointe pour parvenir à donner naissance ait suscité chez eux un sentiment de surprise et de respect, les pères ont également perçu un manque d’inclusion et de renforcement positif à l’égard

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de leurs actions de la part des professionnels. La transmission d’informations sur les moyens de soulagement de la douleur a aussi été soulignée comme manquante. La façon dont le professionnel parvient à rehausser l’importance de l’implication du père lors de ce moment est donc déterminante dans la perception que le père aura de l’évènement.

Au Québec, très peu d’études traitant spécifiquement de l’expérience des pères lors de la naissance ont été répertoriées. Les auteurs Steinberg et Kruckman (2000) ont réalisé une étude mixte sur la perception de la grossesse et de la naissance de pères montréalais, d’origines japonaise ou québécoise. Cette étude démontre que la majorité des hommes des deux groupes étaient présents lors de la naissance. Pour certains, l’expérience s’est déroulée plus facilement que ce qu’ils avaient prévu tandis que pour d’autres, l’expérience a été plus difficile. Selon eux, leur principal rôle était d’être présents ou de soutenir émotionnellement leur conjointe. Plusieurs d’entre eux se sont sentis activement impliqués dans le processus de la naissance. Malgré l’importance accordée à la présence du père lors de la naissance par les professionnels, on constate que ce phénomène a été peu exploré, tant au Québec qu’au Canada. Force est de constater qu’on en connait davantage sur l’expérience des mères que celles des pères, de même que sur les bénéfices de la participation du père pour la mère.

C’est ainsi que les recherches ont démontré que pour la mère, la présence du conjoint a un effet positif sur sa perception de l’accouchement, en particulier lorsque le conjoint joue un rôle actif (Gungor & Beji, 2007). D’ailleurs, les femmes évaluent de

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façon plus positive l’utilité des hommes que ce que ces derniers perçoivent d’eux- mêmes (Chan & Paterson-Brown, 2002). Cette présence aide la femme à se sentir en contrôle et confiante face au processus de la naissance et à la douleur, tout en atténuant la détresse émotionnelle et les inquiétudes, et en favorisant la communication avec la sage-femme (Sabitri, Toshio, & Miyuki, 2011). Le soutien pratique et psychologique apporté par le conjoint diminue les peurs liées à l’accouchement et augmente le bien-être durant le travail (Somers-Smith, 1999). La présence continue du père offre ainsi un sentiment de sécurité et d’apaisement à la femme tout au long du processus de la naissance (Kainz, Eliasson, & von Post, 2010). De plus, on sait que l’offre d’un soutien continu à la femme en travail, soit une personne constamment à ses côtés pour répondre à ses différents besoins physiques et affectifs, augmente les chances d’un accouchement spontané, diminue le taux d’utilisation d’analgésie locale, d’intervention obstétricale et de césarienne (Hodnett, Gates, Hofmeyr, & Sakala, 2012). Une aide de cette nature permet entre autres de diminuer la durée de l’accouchement (Hodnett et al., 2012) et d’augmenter la satisfaction de la femme par rapport à l’expérience de son accouchement (Hodnett et al., 2012; Yuenyong, O'Brien, & Jirapeet, 2012).

Selon Odent (1996), la présence du père pourrait cependant rendre la naissance plus difficile, dans la mesure où le père a tendance à transmettre ses peurs et ainsi à augmenter l’anxiété chez la mère. Sabitri et ses collègues (2011) abondent dans ce sens en affirmant que la majorité des femmes de leur étude réalisée au Népal aurait exprimé le désir ne pas être accompagnées par leur conjoint lors de la naissance. Celles-ci

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mentionnaient craindre d’être distraites par la détresse émotionnelle de leur conjoint.

Ces mêmes femmes considèrent les sages-femmes comme les mieux placées pour répondre à leurs besoins physiques.

Ces études démontrent les bienfaits pour la mère de la participation du père lors de la naissance, mais aussi les limites, s’il est particulièrement stressé. Il s’avère donc essentiel de mieux comprendre comment l’expérience de la naissance est vécue chez les pères, de manière à pouvoir mieux les soutenir dans celle-ci.

La participation du père comporte aussi des avantages pour l’enfant. Les pères qui s’engagent précocement auprès de leur enfant, soit dès la naissance, sont plus enclins à être disponibles et engagés dans les soins et l’éducation de leur enfant deux ans plus tard (Lamb, Hwang, Broberg, & Bookstein, 1988). Des bénéfices sont aussi ressentis chez le couple. La présence et la participation du conjoint à l’accouchement contribuent positivement à la relation conjugale (Chan & Paterson-Brown, 2002; Waldenström, 1999b), car elle permet le partage d’une expérience unique en couple et comme nouveaux parents (Kainz et al., 2010; Waldenström, 1999a; Wielgos et al., 2007).

Considérant les bénéfices de la présence et de la participation du père lors de la naissance, de nombreuses démarches ont été entreprises au Québec et au Canada afin de faciliter l’implication des pères dans les aspects qui entourent la naissance, et ce, dès le début des années 80. En 1980, l’Association de la santé publique du Québec a tenu le

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colloque Accoucher ou se faire accoucher afin d’encourager le pouvoir d’agir des femmes et de leur partenaire sur les événements entourant la mise au monde de l’enfant.

En 2000, l’Agence de la santé publique du Canada a émis des lignes directrices soulignant l’importance d’une approche centrée sur la famille lors du travail et de l’accouchement. En 2006, on voit apparaitre l’ajout du congé paternel de cinq semaines par le gouvernement du Québec (Emploi et Solidarité sociale Québec, 2009). En 2008, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a fait une mise à jour de sa politique de périnatalité de 1993, soulignant que l’implication du père au cours de la période pré, per et post-natale doit être reconnue, favorisée et soutenue. Toujours en 2008, le Conseil de la famille et de l’enfance du Québec a souligné l’importance de l’accompagnement des pères au cours de la période périnatale afin de les inciter à prendre leur place auprès de leur enfant. Ces différentes démarches font en sorte que les intervenants du Québec œuvrant en périnatalité encouragent maintenant la présence et la participation du père lors de la naissance de leur enfant (Rivard & de Montigny, sous presse).

Force est de constater que bien que la participation des pères soit encouragée et que les bénéfices qui en découlent soient connus, des pères rapportent encore se sentir mal préparés (Hallgreen et al., 1999; Johnson, 2002; Premberg & Lundgren, 2006) et mal accompagnés (Chandler & Field, 1997) lors de la venue de leur enfant. Comme le père s’avère souvent la source de soutien la plus prisée par les femmes lors de l’accouchement (Chalmers & Meyer, 1996; Wielgos et al., 2007) et que la qualité du

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soutien est cruciale dans le déroulement et la perception que la femme aura de son accouchement (Gungor & Beji, 2007), c’est toute la famille qui pourrait bénéficier d’un soutien mieux adapté et inclusif des pères. Il est reconnu que la relation que crée le père avec le personnel soignant durant l’accouchement revêt une signification importante à ses yeux (Lacharité, 2009). Afin de favoriser une expérience paternelle positive, les intervenants doivent être en mesure d’encourager et de soutenir la participation du père et surtout de reconnaitre son rôle au-delà de la forme simpliste de soutien à la mère (de Montigny & Lacharité, 2004).

But de l’étude

En résumé, bien que l’on note de nombreux bénéfices de la présence des pères lors de la naissance de leur enfant et que les études aient discuté des défis qui méritent d’être revisités, on en connait toujours peu sur l’expérience vécue par les pères québécois.

Ainsi, si l’on souhaite favoriser davantage l’implication active ainsi que la satisfaction des pères et des mères lors du moment de la naissance, il s’avère nécessaire de chercher à mieux comprendre comment les pères perçoivent leurs émotions, attentes, croyances et leur rôle lors de cet évènement. Ceci permettra aux professionnels de la santé de découvrir de nouvelles façons de les préparer, de les accompagner et de les impliquer lors de la naissance.

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Question de recherche

Cette étude vise à répondre à la question suivante : Comment les pères décrivent-ils l’expérience de la naissance de leur enfant en termes de perception de l’évènement et de leur rôle? La chercheuse tente de répondre aux questions sous-jacentes :

 Quelles sont les émotions, les attentes et les croyances des pères à l’égard des événements entourant la naissance?

 Comment les pères se représentent-ils leur rôle (celui qu’on leur demande de jouer, celui qu’ils acceptent ou non de jouer) au moment de la naissance?

Le prochain chapitre présente le contexte théorique retenu pour cette étude, soit la théorie de Meleis (2010) et le modèle de Wright et Bell (2009). Puis, les connaissances actuelles sont exposées à l’égard de la transition à la paternité ainsi que sous l’angle de l’expérience des pères de la naissance.

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Contexte théorique

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La transition vers la paternité est une importante étape dans la vie d’un homme. La naissance d’un enfant est reconnue comme un évènement marquant dans cette transition (Bridges, 1980, 1991). Toutefois, on en sait encore très peu sur l’expérience des pères lors de la naissance et sur la façon dont ceux-ci désirent s’impliquer et exercer leur rôle.

Le but de cette étude est donc de décrire l’expérience des pères lors de la naissance de leur enfant.

Ce deuxième chapitre présente le contexte théorique en lien avec les deux thèmes principaux de l’étude, soit la transition à la paternité et l’expérience des pères de la naissance. La théorie intermédiaire de la transition de Meleis (2010) et le modèle des croyances envers la maladie de Wright et Bell (2009) servent de cadre de référence pour cette étude et sont présentés dans la première partie de ce chapitre. Ceux-ci contribuent dans l’élaboration des questions du guide d’entretien collectif afin de bien cibler les thèmes et sous-thèmes fondamentaux à la compréhension des moments entourant l’expérience de la naissance chez les pères. La deuxième partie de ce chapitre fait le point sur l’état des connaissances concernant la transition à la paternité et l’expérience de la naissance chez les pères.

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Cadre de référence La théorie intermédiaire de la transition

Chaque individu vit des périodes de transition au courant de sa vie. Ces périodes sont provoquées par des changements sur les plans développementaux (ex.

l’adolescence), situationnels ou de conditions de santé (ex. la maladie). De tels changements exigent, pour la personne touchée, une certaine réorganisation de sa vie et des ajustements au niveau cognitif, affectif et comportemental (Palkovitz & Palm, 2009). Ces changements peuvent provoquer de profondes répercussions dans le bien-être et la santé de la personne ainsi que sur son entourage immédiat, en particulier lorsque la personne éprouve de la difficulté à se réorganiser (Meleis, 2010). La théorie de la transition apporte une vision holistique des situations et des contextes particuliers que la personne peut vivre au cours de sa vie. Selon cette théorie, la transition se définit comme le passage d’une phase de vie, d’une condition ou d’un statut vers un autre. La transition est un processus en soi, se déroulant sur une période de temps et variant selon la personne, la situation et son environnement.

Selon cet auteur, cinq propriétés sont essentielles à la reconnaissance d’une transition. La première est la prise de conscience, qui est liée à la reconnaissance de l’expérience de transition. Cette prise de conscience est essentielle afin de pouvoir comprendre son expérience ainsi que les conséquences qui s’y rattachent. Il s’agit, pour les hommes, de réaliser que la naissance de leur enfant constitue une phase de transition dans leur vie.

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La deuxième propriété se situe dans le niveau d’engagement, soit le degré de participation de la personne au processus de transition. Concrètement, le niveau d’engagement est démontré par la recherche d’information, par exemple auprès d’une personne vivant la même situation et faisant lieu de modèle. Ainsi, le père démontre son engagement en se préparant activement à la naissance, par exemple en participant aux rencontres prénatales.

La troisième propriété est le changement et la différence. Chaque transition engendre un lot de changements afin que l’individu puisse s’adapter à une nouvelle situation. Le changement aura des conséquences diverses sur la personne et sa famille selon sa nature, sa temporalité, son importance et sa gravité. La différence permet de mieux comprendre si la personne a vécu des attentes insatisfaisantes ou divergentes face à la transition et de voir si elle perçoit la vie d’une façon différente ou si cette personne est perçue différemment par l’extérieur. Il est donc important de connaitre les attentes du père face à son expérience de la naissance et les répercussions que cet évènement a provoqué sur sa vie.

La quatrième propriété est en lien avec le temps. Toute transition se déroule sur une période de temps, a un début et une fin. Le début d’une transition apparait dès les premiers signes d’anticipation ou d’instabilité face à une situation. Selon une revue de littérature de Genesoni et Tallandini (2009), la transition à la paternité s’amorce dès le début de la grossesse, puis se concrétise à la naissance, pour se poursuivre lors de

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l’arrivée de l’enfant à la maison. La fin d’une transition se traduit plutôt par une période de stabilité entrainant un sentiment de bien-être.

Finalement, la cinquième propriété est le moment critique. Les transitions sont déclenchées par des évènements critiques d’ordre individuel ou environnemental. Draper (2002) précise que la transition à la paternité serait influencée par plusieurs moments critiques, soit l’annonce et la confirmation de la grossesse, l’écoute du cœur fœtal, l’échographie, la palpation des mouvements fœtaux et la naissance de l’enfant. Ces moments incitent le père à apporter des changements et à s’engager plus activement dans sa vie. La fin de cette transition se caractérise par un nouvel équilibre dans la vie.

De ce fait, certaines conditions au niveau personnel et environnemental (communautaire et sociétal) exercent une influence négative ou positive sur le déroulement de la transition à la paternité (Meleis, 2010). Certaines d’entre elles influent plus directement sur l’expérience de la naissance.

Au niveau personnel, on retrouve le sens qu’accorde le père à la naissance de son enfant. Cette condition se rattache à ses attentes, à son niveau de planification et à ses connaissances à l’égard de cet évènement. Elle concerne notamment le rôle qu’il désire jouer et les émotions vécues. Les expériences antérieures peuvent influencer les attentes et provoquer de la surprise si l’expérience ne correspond pas à celles déjà établies. Le niveau de planification, de connaissances et d’habileté sont souvent une condition

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gagnante au succès d’une transition. Finalement, l’état émotionnel et physique de la personne est aussi important. Plusieurs émotions sont vécues lors d’un processus de transition. Celles-ci peuvent occasionner de la détresse émotionnelle qui s’exprime souvent par de l’anxiété, de l’insécurité, de la frustration, de la dépression, de l’appréhension de l’ambivalence et de la solitude.

Du côté des conditions communautaires, on retrouve le soutien de la conjointe, de la famille et des professionnels de la santé, de même que les valeurs véhiculées par ces personnes. Il a été remarqué que lorsque la communication avec les professionnels est défaillante, cela peut provoquer des sentiments d’impuissance, de confusion et de frustration. De leur côté, les conditions sociétales se réfèrent aux valeurs de la société et au contexte socioéconomique et politique tels que la place accordée au père dans la période périnatale et celle qu’on lui reconnait pour son enfant.

Ainsi, la transition à la paternité évolue selon le rythme du père vivant de profonds changements sur le plan développemental. Cette transition peut être plus laborieuse pour certains pères ayant une difficulté à réaliser les ajustements nécessaires à la venue d’un enfant dans leur vie (Devault & Dubeau, 2012). Lorsque la transition se déroule bien, un point final à la transition se manifeste. Il s’exprime par une nouvelle organisation de la pensée et des comportements du père et par le retour à un état d’équilibre (Palcovitz &

Palm, 2009). À l’aide de la théorie de Meleis (2010), on peut penser que la transition de devenir père se termine au moment où celui-ci parvient à se sentir compétent dans son

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rôle et qu’il l’assume. Il devient donc important dans le cadre de cette étude de se pencher davantage sur l’un des moments critiques de la transition à la paternité, soit la naissance, sachant que celle-ci a une incidence sur le déroulement de cette transition.

Le modèle « Illness Beliefs » (Modèle des croyances envers la maladie)

Le modèle « Illness Beliefs » en sciences infirmières de Wright et Bell (2009) reconnait que tout être humain vit avec une multitude de croyances qui évolueront ou disparaitront pour laisser la place à d’autres croyances au court de sa vie. Ces croyances sont fondamentales dans la façon dont une personne voit le monde, fait des choix, agit et ressent les évènements qui se présentent à elle. Ces croyances résident dans notre cognition, nos émotions et nos comportements. Elles facilitent ou font obstacle à notre façon de faire face à une situation particulière. Ce modèle s’applique non seulement aux personnes vivant des maladies, mais aussi aux personnes vivant une situation particulière de vie, comme la naissance d’un enfant. Ainsi, ce modèle contribue à la compréhension de l’expérience des pères lors de la naissance en permettant de mieux saisir les croyances qui peuvent influencer le vécu de cet évènement. La figure suivante présente l’interrelation entre les différentes croyances, soit celles de la personne, de la culture, des membres de la famille et des professionnels qui peuvent influencer la situation de vie de la personne (voir Figure 1).

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Croyances des professionnels

Croyances culturelles de la

société

Croyances de la personne

Croyances des membres de la

famille

Figure 1. Symbole du modèle des croyances envers la maladie de Wright et Bell (2009).

Pour la plupart des pères, le vécu de la naissance est une expérience très significative (Genesoni & Tallandini, 2009). L’expérience globale de ce moment sera influencée par une gamme de croyances (Wright & Bell, 2009). Plus précisément, la façon dont il expérimentera la naissance de son enfant sera influencée par ses croyances personnelles, celles de sa partenaire, de sa famille, de ses amis et du personnel soignant (infirmières, médecins, sages-femmes, aides natales). Toutes ces croyances sont en réalité aussi influencées par un système plus large de croyances, soit celles véhiculées par la culture et la société lors des moments entourant la naissance.

Les croyances peuvent être facilitantes ou contraignantes lors d’une expérience de santé (Wright & Bell, 2009). Les croyances facilitantes procurent de nouvelles solutions afin de faire face à la situation problématique et de réduire la souffrance physique,

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morale ou spirituelle. À l’opposé, les croyances contraignantes diminuent les possibilités de découvrir des solutions qui peuvent améliorer la situation et alléger la souffrance.

Ce modèle apporte donc un complément à cette étude afin d’identifier les croyances qui influencent l’expérience des pères lors de la naissance. En effet, les croyances exercent une influence directe sur le père lors de la naissance en ce qui concerne ses attentes, sa perception de l’évènement et son rôle lors de la naissance et envers son enfant suite à la naissance. L’identification et la compréhension de ces croyances guident les professionnels dans l’accompagnement des pères lors de la période périnatale afin de favoriser une expérience positive de la naissance et par le fait même, faciliter la transition à la paternité.

Recension des écrits

Cette section présente la recension des écrits, à l’échelle internationale, nationale et provinciale, en ce qui concerne l’expérience des pères lors de la naissance de leur enfant.

La transition à la paternité lors de la grossesse et la naissance est exposée en premier lieu. Puis, l’expérience des pères de la naissance, sous l’angle des perceptions des pères de leur présence, de leur rôle, de l’évènement et de leurs sentiments sont présentées dans un deuxième temps. Les impacts de leur participation au niveau de leur santé mentale et pour leur couple ainsi que leurs perceptions face aux professionnels de la santé concluent cette recension des écrits.

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La transition à la paternité

La grossesse. La grossesse est vécue d’une façon différente chez les hommes et les femmes, ce qui peut engendrer une différence dans le déroulement de la transition de l’homme à la paternité. En fait, la littérature affirme que la grossesse est une période non tangible pour le père contrairement à ce que vit la mère (Finnbogadóttir, Svalenius, &

Persson, 2003; Genesoni & Tallandini, 2009). Le père vit donc une certaine ambivalence quant au fait de savoir qu’il sera bientôt père et le fait de ne rien voir ou sentir de l’enfant à venir (Devault & Dubeau, 2012). Selon les propos de 18 pères recueillis lors d’une étude longitudinale ethnographique en Suède, la grossesse est perçue comme irréelle, le père étant dans l’impossibilité de la vivre physiquement comme la mère.

Cette perception peut engendrer pour certains pères une distance face à la grossesse et à l’enfant à naitre, ainsi qu’un décalage face à leur transition à la paternité par rapport à celle vécue par la future mère (Draper, 2002). Le décalage que vivent les hommes lors de la période de la grossesse serait relié à un sentiment de manque de connaissance par rapport à la grossesse en général, à de l’isolement et à une difficulté à s’engager dans cette nouvelle réalité de devenir père. Certains pères expriment vivre une frustration face au fait qu’ils ne peuvent ressentir les aspects physiologiques de la grossesse contrairement à leur partenaire (Draper, 2003). Ces propos sont corroborés dans une deuxième étude suédoise réalisée par Longworth et Kingdon (2011).

L’annonce de la grossesse constitue toutefois un moment d’ancrage dans cette transition, projetant l’homme vers un nouveau rôle à venir (Draper, 2002). D’autres

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auteurs suédois (Ekelin, Crang-Svalenius, & Dykes, 2004) attestent plutôt que l’échographie serait davantage significative pour les pères que l’annonce de la grossesse.

Leur étude en théorisation ancrée réalisée auprès de 22 pères révèle que l’échographie est un moment très excitant pour les futurs pères. Ils affirment que le fait de voir l’enfant et que sa présence soit confirmée par un professionnel concrétisent chez le père le sentiment qu’il sera papa et qu’il aura bientôt une famille.

En Afrique du Sud, Chalmers et Meyer (1996) ajoutent que la grossesse provoque chez les pères l’apparition de nouvelles émotions ou d’émotions plus intenses, reliée à la nouvelle transition de vie. Les 150 pères participants à leur étude quantitative ont vécu, durant cette période, de l’excitation (47,8 %), de la joie (43,5 %), de la fierté (41,3 %), de l’anxiété (30,4 %), de l’émotivité (13,4 %), de l’irritabilité (8,7 %), de la désorganisation (8,7 %) et de l’insécurité (8,7 %).

La naissance. Tout comme la grossesse, la naissance constitue un moment marquant de la transition à la paternité. En effet, selon Chalmers et Meyer (1996), les pères vivent un sentiment immédiat d’amour envers leur enfant à la première vue de celui-ci (69,7 %). Une petite proportion des pères affirment avoir ressenti ce sentiment après quelques heures (6,1 %) et une très minime proportion après quelques jours (3 %) (Chalmers & Meyer, 1996).

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Ce moment serait plus significatif chez les pères ayant reçu une préparation prénatale. En effet, une étude randomisée suédoise réalisée auprès de 1143 pères (n = 558, groupe expérimental, ayant une préparation prénatale et participant à la naissance et n = 519, groupe contrôle) aurait révélé que la préparation prénatale et la participation du père lors de la naissance favorisent des sentiments positifs immédiats envers leur enfant (Waldenström, 1999a). Dans cette même étude, l’acte de couper le cordon aurait permis aux pères de passer d’un rôle d’observateur passif à celui de plus actif (Waldenström, 1999a). Cette opportunité a également été rapportée par les pères comme un évènement marquant dans une étude quasi expérimentale réalisée au Portugal auprès de 105 pères (Brandão & Figueiredo, 2012) dans une étude auprès de 55 hommes en Angleterre (Johnson, 2002). Cet acte a permis aux pères de créer un rite de passage, en coupant le lien entre la mère et l’enfant et en prenant une position égale à la mère par rapport à l’enfant (Johnson, 2002).

Finalement au Canada, plus précisément en Alberta, une étude descriptive exploratoire réalisée il y 15 ans auprès de 14 pères démontre que la participation des pères lors de la naissance, par exemple le fait de couper le cordon ombilical, leur permet de concrétiser la transition vers la paternité (Chandler & Field, 1997). Ce moment éveille des sentiments immédiats envers leur enfant et permet d’établir un premier contact affectif avec celui-ci.

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L’expérience de la naissance

L’expérience des pères lors de la naissance est en général décrite en fonction de leur désir d’être présents ou non et selon la forme de pression qu’ils ont subie pour être présents. On y retrouve aussi la perception de leur rôle et de l’évènement, les sentiments qu’ils ont vécus ainsi que les impacts sur leur santé mentale et leur couple suite à la naissance. Puis, les professionnels étant importants dans leur satisfaction de l’évènement, les perceptions des pères de la préparation prénatale, du rôle des professionnels et la réponse de ceux-ci à leur égard lors de la naissance sont exposées.

La présence des pères à la naissance. Au niveau international, on remarque une présence accrue des pères lors de la naissance. Par exemple, au Royaume-Uni, le taux de présence des pères est de 77,4 % (n = 53) (Johnson, 2002). Au Danemark, on retrouve un taux de 88,1 % (n = 698) (Madsen & Munck, 2001) et en Afrique du Sud un taux de 90,9 % lors du travail et de 87,9 % lors de la naissance (n = 50) (Chalmers & Meyer, 1996). En Suède, ce taux est de 98 % (n = 567 pères) (Waldenström, 1999a).

L’Allemagne affiche un taux de présence de 95 % (n = 100 couples) (Wöckel, Schäfer, Beggel, & Abou-Dakn, 2007). Du côté canadien, 94,6 % des femmes ont été accompagnées par leur conjoint lors du travail et 94,9 % lors du moment de la naissance (n = 6421 femmes), selon une enquête canadienne de l’Agence de la santé publique du Canada (2009).

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Cinq études dans différents pays ont ciblé les raisons pour lesquelles les pères désirent être présents ou participer à la naissance. Selon l’étude de Martin (2008) menée au Royaume-Uni, les pères (n = 78) se considèrent comme étant la meilleure personne pour soutenir leur partenaire dans le processus de la naissance. De son côté, Johnson (2002) révèle dans son étude quantitative (n = 53 hommes) que la présence des pères est reliée au désir d’offrir du soutien à sa partenaire (70,7 %) et de créer un lien d’attachement envers son enfant dans les moments suivants la naissance (17,1 %).

Certains pères étaient incapables de préciser les raisons quant à leur désir d’être présents (12,2 %).

Une troisième étude quantitative (n = 384 pères), mais cette fois réalisée en Pologne, révèle que la motivation des pères à participer à la naissance est liée à un désir d’aider leur conjointe dans le processus de la naissance (73,9 %), à répondre à un besoin personnel (47,4 %), à la volonté de leur partenaire (34,3 %), à la curiosité (19,5 %), à l’influence des cours prénataux (11,9 %), à la tendance sociale (1,8 %) et à la pression exercée par la famille de la conjointe (1,6 %) (Wielgos et al., 2007).

Une quatrième étude originaire de la Turquie affirme que la participation des pères est en lien avec un désir de soutenir leur partenaire dans le processus de la naissance (n = 23). Deux autres pères voulaient surtout s’assurer que leur conjointe et leur enfant se portaient bien (Gungor & Beji, 2007). Cette étude expérimentale et prospective s’est effectuée auprès de 50 femmes et leur conjoint, dont la moitié du groupe d’hommes était

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participant à la naissance (n = 25) et l’autre non-participant (n = 25). Finalement, sur le territoire canadien, l’étude de Chandler et Field (1997), décrite précédemment, explique que le processus de décision de l’homme à participer à la naissance de son enfant s’effectue en couple.

L’absence du père à la naissance. Certains pères préfèrent ne pas participer à la naissance. Plusieurs raisons sont invoquées par ceux-ci selon les résultats des études de Wielgos et ses collègues (2007), de Wöckel et ses collègues (2007) et de Madsen et Munk (2001). Ces raisons sont présentées sous forme de tableau synthèse (voir Tableau 1).

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Tableau 1

Raisons de non-participation à la naissance Raisons sous jacentes à la non

participation

Wielgos et ses collègues (2007)

(n = 121 pères)

Wöckel et ses collègues (2007) (n = 100 couples)

Madsen et Munk (2001) (n = 83 pères) Peur de voir leur compagne

souffrir

39,7 % N/A N/A

Vivre une perte de conscience 17,3 % N/A N/A

Peur d’une vision déplaisante de la naissance (sang et autres fluides)

5 % 1 % N/A

Manquer de préparation

émotionnelle 15,7 % N/A

N/A

Se sentir inutiles 13,2 % N/A N/A

Être une source de

dérangement pour l’équipe médicale

13,2 % N/A N/A

Ne pas se sentir à sa place comme la naissance est une affaire de femmes

9,9 % N/A N/A

Décision de la conjointe 42,8 % 2 % N/A

Conséquences négatives sur la vie sexuelle

5,8 % N/A N/A

Convictions religieuses N/A N/A 51,8 %

Circonstances particulières de l’accouchement (césarienne, accouchement rapide, prématurité, mortinaissance)

N/A N/A 24,1 %

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Il est précisé dans l’étude de Wöckel et ses collègues (2007) que la raison des mères de ne pas désirer la présence du père lors de la naissance est en lien avec la croyance que l’aile des naissances n’est pas une place pour les hommes. Celles-ci croient que ce moment pourrait révulser le conjoint, provoquant la possibilité de répercussions négatives sur la vie sexuelle du couple. Certaines mères ne souhaitent pas la présence de leur conjoint simplement pour pouvoir se concentrer entièrement à donner naissance au lieu de s’inquiéter pour celui-ci.

Ces différentes études démontrent que les pères peuvent vivre certaines réticences à participer à la naissance. Ces réticences devraient être discutées avec les pères lors de la période prénatale afin d’évaluer l’ensemble des croyances qui peuvent réprimer leur désir de participation.

La pression exercée sur les hommes. Certains hommes disent vivre une forme de pression à accompagner leur conjointe lors de la naissance. En Angleterre, Johnson (2002) a révélé que 57,1 % des 53 hommes interrogés ont exprimé avoir ressenti de la pression pour être présents à la naissance de la part de leur conjointe et de la sage- femme. Cette forme de ressenti se trouve dans les résultats de l’étude qualitative de Kunjappy-Clifton (2008) réalisée auprès de 16 pères. Cet auteur révèle que les pères sont heureux d’avoir participé à la naissance de leur enfant, même s’ils ont vécu une certaine réticence ou un sentiment d’avoir été contraints. Ils ont considéré la naissance comme un moment positif pour établir un premier contact avec leur enfant.

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Finalement en Nouvelle-Zélande, l’étude phénoménologique descriptive de White (2007) suggère plutôt que cette forme de pression à participer à la naissance provient des professionnels et de la société. En fait, les pères rapportent avoir ressenti que leur présence est nécessaire, mais seulement en tant que spectateur. Des attentes non définies envers le rôle du père lors de la naissance sont véhiculées par la société, les médias et les cours prénataux. Ceci suscite un questionnement et une difficulté à bien reconnaitre le rôle qu’ils désirent jouer lors de cet évènement, ce qui peut les conduire à négocier avec le personnel. L’expérience devient alors, pour certains, déshumanisée et dépersonnalisée.

Les rôles des pères lors de la naissance. D’autres études sont parvenues à mieux comprendre le rôle qu’exerce le père lors de la naissance. Chapman (1991), un chercheur américain reconnu, a mis en lumière à l’aide d’une étude qualitative en théorisation ancrée réalisée auprès de 20 couples, que le père adhère à quatre principaux rôles lors de la naissance de son enfant, soit l’entraineur, le coéquipier, le témoin et l’avocat. Il décrit ces rôles comme suit :

 l'entraineur, activement impliqué, guide sa partenaire et l’assiste dans les respirations et techniques de relaxation;

 le coéquipier se voit comme un aidant et répond aux demandes de soutien physique et émotionnel;

 le témoin observe la naissance sans être activement impliqué;

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 l’avocat se soucie de ses propres droits et de ceux de sa femme. Il est la personne qui se bat pour obtenir ce que le couple avait planifié par rapport à la naissance.

En Turquie, Gungor et Beji (2007) ont davantage étudié les rôles des pères proposés par Chapman (1991). Selon les résultats de leur étude expérimentale et prospective effectuée auprès de 25 hommes, 28 % ont adopté le rôle d’entraineur, 36 % le rôle de coéquipier et 36 % le rôle de témoin.

Deux études suédoises et une canadienne ajoutent des constats intéressants en ce qui concerne le rôle du père durant la naissance. Premberg, Carlsson, Hellström et Berg (2011) affirment que les pères éprouvent une difficulté à assumer et à jouer leur rôle au moment de la naissance. Les pères de l’étude rapportent une tendance à éviter la démonstration de toutes formes d’inquiétudes ou d’émotions négatives devant leur femme par souci de lui offrir de la force et la sécurité et d’éviter de la perturber. Pour ce faire, ils évitent toutes discussions au sujet d’irrégularités ou signes d’inquiétudes et dissimulent toutes informations négatives provenant des professionnels. Bäckström et Hertfelt Wahn (2011) ajoutent que les hommes ont besoin d’être encouragés et guidés par leur femme sur ce qu’ils doivent faire, pour se sentir utiles et soutenants lors de la naissance. Les professionnels doivent rassurer le père que son rôle est important auprès de sa partenaire et le guider sur les façons d’être aidant afin de favoriser son implication.

Steinberg et Kruckman (2000) précisent dans une étude mixte, auprès d’un échantillon de 33 pères montréalais d’origine japonaise, que 60,6 % des pères ont considéré avoir

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joué un rôle actif lors de la naissance et 33,4 % ont adopté le rôle d’entraineur. Le rôle de soutien auprès de leur partenaire faisait partie des attentes des pères, mais malheureusement, ce rôle a été difficile à jouer par manque de modèle et de stratégie pour le faire.

La perception de la naissance. Plusieurs études recensées décrivent la perception des pères de la naissance comme étant en général positive. Par exemple, selon l’étude danoise de Madsen et Munk (2001), 95 % des pères étaient heureux d’être présents lors du processus de la naissance. D’après l’étude de Wielgos et ses collègues (2007), 95,5 % des 384 pères polonais ont apprécié l’expérience de la naissance, se sont sentis à l’aise et ont eu du plaisir à y participer. Les pères affirment à 83,3 % l’atteinte de leurs attentes et à 96 % le désir de participer à l'accouchement suivant. Le moment de la naissance a été le meilleur moment de leur vie chez 36,5 % des pères.

Du côté canadien, les pères ont trouvé beaucoup plus difficile que prévu la pratique des méthodes de soulagement auprès de leur femme en travail enseignées lors des cours prénataux. Ils ont été ébranlés par la douleur de leur conjointe et ont trouvé le processus du travail et de la naissance beaucoup plus difficile que ce qu’ils croyaient (Chandler &

Field, 1997).

Du côté québécois, la naissance a été vécue positivement chez 84 % des pères et a été marquante sur le plan psychologique chez 67 % d’entre eux selon une étude

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descriptive quantitative réalisée auprès de 160 pères de premier enfant (de Montigny &

Lacharité, 2005). Toujours au Québec, l’étude de Steinberg et Kruckman (2000) indique que seulement 9 des 33 pères rencontrés ont considéré que la naissance s’est déroulée selon leurs attentes. Certains ont trouvé le processus plus facile que ce qu’ils croyaient (30,3 %) et d’autres ont vécu l’inverse (27,2 %). Pour certains, l’expérience a été enrichissante sur le plan émotionnel (27,2 %). Par contre, la procédure de l’épidurale exécutée sur leur conjointe a provoqué, pour d’autres, des inquiétudes face aux effets secondaires possibles de l’intervention (48,5 %).

Dans l’ensemble, les résultats sont donc positifs face à la perception générale des pères lors de la naissance. Toutefois, cette perception peut être négative si des sentiments comme la peur, l’anxiété et l’impuissance sont vécus par les pères lors de cet évènement (Vehviläinen-Julkunen & Liukkonen, 1998).

Ainsi, on retrouve différentes études traitant de cette perception négative. Tout d’abord, une étude qualitative transversale de Deave et Johnson (2008) menée au Royaume-Uni auprès d’un échantillon de 20 pères d’un premier enfant, révèle qu’un grand nombre de pères ont été marqués par l’expérience de la naissance, en particulier par la durée du travail, l'anxiété et le sentiment d’avoir été exclus par les professionnels.

Certains se sont sentis épuisés, à la fois mentalement et physiquement face à la durée du travail et au séjour passé à l'hôpital. Quelques pères ont ressenti de l’anxiété lors de la

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naissance allant jusqu’à effacer le sentiment d’émerveillement que procure habituellement le moment de la naissance.

Johnson (2002) explique que l’expérience de la naissance peut être perçue plus stressante chez les pères qui ont subi une pression extérieure pour être présents à la naissance ou s’ils ont eu l’impression de ne pas avoir répondu aux attentes de leur conjointe en termes de soutien. Les résultats proviennent d’entrevues auprès de 20 pères des 53 ayant préalablement répondu à un questionnaire.

En Nouvelle-Zélande, White (2007) indique que la détresse chez les pères est reliée à une mauvaise interprétation de ce qui se passe pendant le processus de la naissance.

Ces derniers ont tendance à exagérer la gravité de la situation, ce qui engendre souvent de la détresse, de l’inquiétude et de la peur.

Les sentiments des pères. Cinq études d’origine suédoise se sont intéressées aux peurs des pères lors de la naissance. Tout d’abord, Hildingsson, Johansson, Fenwick, Haines et Rubertsson (2013) rapportent qu’une certaine proportion de pères appréhende le moment de la naissance. En effet, leur étude de cohorte précise que sur 1047 pères, 13,6 % ont obtenu un score de 50 et plus selon l’échelle de peur face à la naissance (FOBS-scale de Haines et ses collègues, 2011). Ce score (0-100) est considéré élevé lorsqu’il est plus grand que 50 et indique une plus grande peur.

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Eriksson et ses collègues (2006) corroborent les résultats de cette étude, en affirmant que 72 à 80 % des pères de leur étude ont vécu des peurs lors de la naissance de leur enfant (n = 194). Plus précisément, 13 % des hommes ont vécu un degré intense de peur et 59 % un degré léger à moyen. Dans la même veine, ces mêmes auteurs ont réalisé une étude en théorisation ancrée en 2007. Les résultats de l’étude révèlent que la peur est difficilement extériorisée lors de la naissance. Ils affirment avoir l’impression que leurs peurs n’intéressent personne et que d’en parler ne les aidera pas ou pourrait rendre la situation plus difficile. Ils refoulent et conservent leurs peurs pour eux-mêmes par crainte de générer des peurs chez leur conjointe. Ils craignent entre autres de devenir un fardeau pour leur partenaire, de lui causer de la déception ou de lui donner l’impression qu’elle ne recevra pas le soutien désiré.

De leurs côtés, Vehviläinen-Julkunen et Liukkonen (1998) expliquent que l’inconfort vécu lors de la naissance est plus marqué chez les pères d’un premier enfant (n = 107 pères). Hildingsson et ses collègues (2013) rapportent dans ce sens que les pères qui attendent un premier enfant obtiennent un score de peur plus élevé que 50 (7,9 %) que les pères qui ont déjà vécu la naissance (5,4 %).

Un tableau synthèse (voir Tableau 2) présente les différentes peurs vécues par les pères lors de la naissance selon les résultats de l’étude de Vehviläinen-Julkunen et Liukkonen (1998) et de celle d’Eriksson et ses collègues (2006). Un second tableau

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synthèse (voir Tableau 3) affiche les sentiments vécus des pères lors de la naissance et le degré d’inconfort qui s’y rattache selon Vehviläinen-Julkunen et Liukkonen (1998).

Tableau 2 Peurs des pères

Peurs Vehviläinen-Julkunen et

Liukkonen (1998) (n = 107)

Eriksson et al. (2006) (n = 329) Santé et sécurité de l’enfant (bébé

avec anomalies, handicaps ou décès)

55 % 79 %

Santé et sécurité de la mère (blessure et mort)

62 % 49 %

Processus de la naissance (durée du travail, douleur de sa

partenaire et interventions) N/A 37 %

Propres capacités et réactions face à la naissance

N/A 24 %

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Tableau 3

Sentiments vécus par rapport à la naissance

Sentiments vécus Fortement Légèrement

Excitation 53 % 30 %

Anxiété 6 % 30 %

Impuissance 22 % 30 %

Inquiétude 21 % 39 %

Culpabilité face à la douleur de la partenaire 8 % 30 %

Incertitude 12 % 43 %

Peur que la conjointe décède 3 % 27 %

De plus, davantage de craintes seraient ressenties chez les pères d’âge avancé. En effet, Schytt et Bergström (2013) précisent que les pères plus âgés craignent davantage l'événement de la naissance que les pères plus jeunes (p < 0,001; 43,3 % âge avancé;

42,9 % âge moyen; 38,7 % jeunes). Notamment, les pères plus âgés perçoivent en plus grand nombre le travail et la naissance comme plus difficiles (p = 0,005; 43 % âge avancé; 41 % âge moyen; 32 % jeunes). En conclusion, l’expérience est plus positive chez les jeunes pères contrairement aux plus âgés (p < 0,001; 30 % âge avancé; 36 % âge moyen; 43 % jeunes). Ces résultats ont été obtenus selon un échantillon de 777 pères de premier enfant.

Finalement au Canada, Chandler et Field (1997) soulignent que les peurs des pères seraient momentanées lors de la naissance. En fait, les pères de l’étude rapportent que

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lorsque le moment de la naissance devient imminent, leurs peurs et émotions négatives se dissipent pour laisser la place à l’excitation, ce qui leur permet de pouvoir vivre, lors du moment de la naissance, un grand sentiment de fierté.

L’impact sur la santé mentale du père. Le vécu de la naissance chez les pères peut provoquer des effets sur la santé mentale. On remarque en Norvège, selon une étude longitudinale prospective de Skari et ses collègues (2002), différentes répercussions sur la santé mentale des pères suite au vécu de la naissance de leur enfant.

L’étude indique qu’un état de détresse psychologique a été signalé chez 13 % des pères (15/115), d'anxiété chez 11 % (12/114) et de dépression chez 2 % (2/115). Ces résultats ont été obtenus entre 0 et 4 jours suivant la naissance à l’aide du questionnaire « General health questionnaire-28 » (Goldberg & William, 1988), « State-Trait Anxiety Inventory » et « Impact of Event Scale » (Horowitz, Wilner, & Alvarez, 1979). De plus, en lien avec l’état d’anxiété des pères, 2 % de ceux-ci ont fait état d’un stress envahissant sévère et 18 % d’un stress modéré à sévère. Des symptômes d'évitement sévères ont été rapportés chez 2 % des pères. Lors de la phase aiguë, l’irritabilité a été ressentie chez 9 % des pères et l'hypervigilance chez 6 % d’entre eux. De l’hyperexcitation a aussi été rapportée chez 3 % des pères immédiatement après la naissance.

En Finlande, dans une étude quantitative, les auteurs Kurki, Toivonen et Ylikorkala (1995) sont parvenus à démontrer que l’anxiété des pères augmente considérablement

Références

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