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Interstices du droit et ressources d’acteurs pour construire en zone inondable. Regards croisés sur les communes de Lattes (34) et Piolenc (84)

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Interstices du droit et ressources d’acteurs pour

construire en zone inondable. Regards croisés sur les

communes de Lattes (34) et Piolenc (84)

To cite this version:

Interstices du droit et ressources d’acteurs pour construire en zone inondable. Regards croisés sur les communes de Lattes (34) et Piolenc (84). Sciences de l’environnement. 2011. �hal-02598428�

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Rapport de stage

Master 2 Recherche Science Politique

Spécialité Politique et Action publique comparées

Université de Montpellier 1

Année 2011-2012

Interstices du droit et ressources d’acteurs pour

construire en zone inondable.

 

Regards croisés sur les communes de Lattes (34) et Piolenc (84).

Eugène Ebodé

Encadrement : Séverine Durand et Joana Guerrin

Direction : Gabrielle Bouleau et Audrey Richard

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Sommaire 

1. Les évolutions du droit sur la prévention des risques ... 7 

1.1 Une panoplie juridique à la disposition des autorités nationales et déconcentrées ... 7 

1.1.1 La procédure PPRI et les effets de la loi Barnier ... 7 

1.1.2 Les conséquences du PPRI ... 8 

1.1.3 Les brèches ou interstices du droit ... 9 

1.2 Les outils réglementaires à la disposition des collectivités locales ... 10 

1.2.1 Les outils mobilisables par les communes à court et moyen termes ... 10 

1.2.2 Les outils de planification urbaine tournés vers le long terme ... 11 

1.2.3 Les autres éléments structurant les arrangements locaux ... 12 

1.2.4 Transfert de dossiers au cabinet du préfet ... 12 

1.2.5 Quelques critères pour obtenir du foncier constructible en zone inondable ... 13 

2. Les petits et grands arrangements dans les communes ... 14 

2.1 Piolenc, une commune qui cultive ruralité et modernité ... 14 

2.1.1 Les échecs en matière de planification intercommunale et les différentes délibérations liées à la l’urbanisation ... 17 

2.1.2 Les visites sur le terrain des agents instructeurs dans la logique d’arrangement local ... 18 

2.1.3 Les petits arrangements locaux ... 19 

2.1.4 Le grand arrangement en cours à Piolenc ... 19 

2.2 Le territoire de Lattes et la rivalité Frêche-Vaillat ... 21 

2.2.1 Controverses techniques et scientifiques ... 22 

2.2.2 L’approche technique et décisive du SCOT dans l’urbanisation ... 23 

2.2.3 Les avantages de l’intercommunalité à Lattes ... 25 

2.2.4 Port Ariane, dossier emblématique des arrangements exceptionnels et partisans ... 26 

2.2.5 Les élites programmatiques et technocratiques ... 27 

Annexe 1 Descriptifs des entretiens réalisés ...  

Annexe 2 Grille d’entretiens utilisée ...  

Annexe 3 Eléments sur l’urbanisation de Piolenc et le SDAU avorté ...  

Annexe 4 Eléments sur l’historique de Port Ariane ...    

(4)

Résumé

La multiplication récente des catastrophes naturelles en France a suscité une série de réactions de la part de l’Etat pour répertorier les zones fragilisées par les crues, organiser l’indemnisation des victimes et prévenir le risque. Un important arsenal juridique a ainsi été progressivement mis à la disposition des autorités régaliennes, chargées de la sécurité publique, et des élus locaux afin de réduire la vulnérabilité et limiter les constructions dans les territoires exposés aux risques.

Cependant, la poursuite des constructions en zone inondable pose la question de l’efficacité des outils, et notamment des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI). Quels interstices du droit, entendus comme « brèches, petits espaces ouverts dans un cadre coercitif », permettent-ils d’urbaniser malgré les rigueurs de la loi ?

Le PPRI, à la disposition du préfet, et les instruments d’urbanisation comme le SCOT (Schéma de cohérence territoriale) et le PLU (Plan local d’urbanisme) qu’utilisent les collectivités locales, apparaissent davantage comme des éléments de négociation dans l’aménagement des territoires. Dans les territoires étudiés, le couple foncier et inondation, au cœur de cette étude, apparaît ainsi capital pour comprendre les arrangements (petits et grands) qui conditionnent la constructibilité. Plusieurs acteurs, l’Etat, les collectivités territoriales, les entreprises et le citoyen y participent.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(5)

 

Introduction

Dans son avant-propos sur les désastreuses inondations qu’a connu la France depuis le VIème siècle, Maurice Champion (1864) relève le caractère périodique de celles des années 1840, 1846 et 1856. S’en est suivi la loi du 28 mai 1858 qui prévoyait les PZS (plans de zone submersibles) et qui visait la construction des digues, la volonté de l’Etat de prévenir les catastrophes, de garantir la sécurité des personnes et des biens et de maîtriser l’urbanisation sur le territoire national a été suivie par un important arsenal juridique en France.

Ces trente dernières années, on a déploré entre autres les catastrophes de Nîmes en 1988 (9 victimes et 625 millions d’euros de dégâts), de Vaison-la-Romaine en 1992 (46 victimes et 460 millions d'euros de dégâts), du Rhône (7 victimes et 1 milliard d’euros de dégâts) en 20031, de la Vendée due à la tempête Xynthia en 2010 (29 morts et 1,5 milliards d’euros de dégâts)2.

Malgré la multiplication des textes interdisant ou autorisant sous conditions la constructibilité dans les secteurs à risque, la faible efficacité des politiques publiques devant l’urbanisation locale est souvent relevée. Le constat est plus sévère quand on observe qu’ « entre 1999 et 2006, près de 100 000 logements ont été construits dans les zones inondables de 424 grandes communes. Les nouvelles implantations en zones inondables ont contribué à densifier les territoires déjà urbanisés plutôt qu’à les étendre» (Laporte, 2009)3

De ces constats est né le sujet de ce travail de recherche sur les interstices du droit et les ressources d’acteurs pour construire en zone inondable. Il se situe dans la continuité des études réalisées au sein de l’UMR GEAU du Cemagref et particulièrement les thèses en cours de Séverine Durand (anthropologie) et de Joana Guerrin (Sciences Politique) qui ont encadré ce travail de stage. Les deux terrains d’études choisis pour cette étude correspondent aux deux terrains d’investigation de leur thèse, ce qui a permis un gain informationnel de départ important.

De plus, ce travail fut précédé par deux travaux ayant facilité sa réalisation. Tout d’abord un travail bibliographique sur la réglementation du risque inondation (réalisé par Mériem Labas dans le cadre du Mastère spécialisé Gestion de l’eau de l’Engref, AgroParisTech, 2010-2011), commandité par les encadrantes de ce stage pour mieux le préparer ; ainsi que d’un travail de recherche de 4 mois sur « L’articulation entre gestion de l’eau et aménagement sur le SAGE Lez-Mosson-étangs palavasiens » (accompli par Thibault Juvénal dans le cadre d’un contrat à durée déterminé, 2010).

Le terme « interstices du droit » que nous utiliserons ici concerne les espaces tenus, les brèches ouvertes dans l’arsenal réglementaire, c’est à dire tout mécanisme institutionnel à travers lequel devient possible la construction ou l’aménagement en zone inondable. S’ajoutent aussi à cette option circonstancielle, les décisions de justice et du contentieux administratif qui participent également à la constructibilité. « Parler des interstices du droit dans le contexte qui nous préoccupe, oblige en effet les services instructeurs de l’Etat à

1

Les sources du bilan humain et matériel sont tirées du : « Plan De Prévention Des Risques Inondation de L’Aygues, de Lla Meyne et du Rieu », document sur la réunion de concertation avec la population en décembre 2009. Site internet : www.vaucluse.equipement-agriculture.gouv.fr

2

Sources AFP du 29 avril 2010

3

Revue du Commissariat général au développement durable, N°6, février 2009.

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prendre en compte la jurisprudence des tribunaux voire les revirements jurisprudentiels», remarquait un agent de DDTM du Vaucluse.

Toutefois, depuis la loi Barnier de 1995, le rôle central et décisionnel du préfet et de ses services, en étant dans l’obligation d’effectuer la consultation-négociation durant la phase d’élaboration et même d’application du PPRI, a considérablement modifié les projets d’urbanisation. Le couple foncier/inondation est ainsi devenu, au fil du temps et des pressions diverses pour prévenir le risque ou pour cohabiter avec lui un enjeu capital dans les communes inondables. La négociation, utilisée comme cadre pour créer des brèches dans le droit et lotir, a du reste été identifiée dans les années soixante-dix comme facteur de « régulations croisées » par les travaux menés par Grémion (1976)4. L’ouvrage « L’acteur et le système » (Crozier, Friedberg, 1977) ainsi que d’autres travaux en sciences politique, en s’écartant de l’analyse structuraliste, partent de l’individu pour remonter au système pour expliquer le fonctionnement de la société. La démarche des deux auteurs précités a ainsi rendu compte de la manière dont les politiques publiques, dans un Etat centralisé comme la France, trouvent leur adaptation localement par le biais d’arrangements entre acteurs.

Nous désignons sous l’expression zone inondable les espaces soumis à une cartographie règlementaire, comprenant celles qualifiées de zone à aléa fort (qualifiées de zones rouges) jusqu’à celles où le risque est qualifié de moins élevé ou résiduel (zones bleues ou blanches)5. Est-il possible dans ces espaces de concilier le couple foncier et inondation? Autrement dit, comment parvient-on, malgré un appareil juridique contraignant, à construire en zone inondable ? Nous discuterons cette problématique à travers l’étude de cas de deux communes situées en zone inondable : Piolenc (84) et Lattes (34). Contrairement aux idées toutes faites, ces deux villes du sud de la France bien que situées en zone inondable, sont soumises à une pression foncière forte, même si le prix des terrains constructibles n’est pas de valeur identique. La première commune, située en zone rurale, se trouve dans un bassin versant à fort enjeu intercommunal autour des villes d’Orange et d’Avignon. La seconde, située entre Montpellier et la mer, connaît une pression foncière exceptionnelle. Comme la plupart des territoires du sud méditerranéen, ces deux collectivités connaissent une pression démographique importante ayant des répercussions sur le foncier. Pour autant, rendre un terrain constructible, dans une zone soumise au risque inondation, requiert des stratégies variées dans le bras de fer souvent tendu entre le préfet et les maires. Dans un contexte hydraulique préoccupant, le foncier, le terrain disponible à la construction, est devenu un enjeu central pour la gouvernance urbaine car elle « renvoie à une vision élargie du gouvernement des villes, au-delà des autorités locales et de l’Etat» (Le Galès, 1995). L’aménagement urbain, réunissant en effet à la fois l’Etat prescripteur et censeur, le maire initiateur de projets de construction, les acteurs économiques intervenant dans le bâti, les associations et le citoyen (acteur de l’urbanisation et contestataire de celle-ci) invite à considérer l’enjeu autour de l’espace constructible en zone inondable comme essentiel pour rendre compte des évolutions ou des reculs de la décentralisation. Nous l’examinerons à partir d’une approche juridique et transactionnelle6.

Quelle est la situation de Lattes et de Piolenc en matière d’urbanisation ? Comment parvient-on à y cparvient-onstruire malgré l’inparvient-ondabilité ? Nous rendparvient-ons compte dans ce rapport de deux situations locales contrastées par le biais de l’analyse de contenu d’une vingtaine d’entretiens

4

Dans son livre « Le pouvoir périphérique. Bureaucrates et notables dans le système politique français », il montre que les relations entre élus et agents déconcentrés de l’Etat participent à la co-production concertée de l’action publique.

5

Selon les découpages les plus usuels des PPRI

6

(7)

d’acteurs réalisés dans les deux communes7 ainsi que par l’analyse des archives urbanistiques municipales des deux villes.

La première partie de ce rapport s’attachera à rendre compte de l’évolution du droit et des outils réglementaires à la disposition des communes pour l’aménagement local. La deuxième partie rendra compte des deux études de cas en montrant les différents types d’arrangements qui, par la négociation, créent des brèches donnant lieu à autorisation à construire en zone inondable.         7

Voir annexe 1 p 34 pour le descriptif des entretiens. Les entretiens ont fait l’objet d’un enregistrement et d’une retranscription intégrale pour leur analyse.

(8)

1. Les évolutions du droit sur la prévention des risques

« La politique française de lutte contre les inondations a été, depuis deux décennies, très influencée par une série de crue brutales qui ont affecté le Sud de la France » (Brugnot, 2008). Trois points prolongent cette affirmation et la renforcent : La large panoplie juridique ainsi adoptée d’une part, les conséquences de la loi Barnier d’autre part et le rôle central du préfet qui en découle.

1.1 Une panoplie juridique à la disposition des autorités nationales et déconcentrées

Le droit français couvre plusieurs aspects de la prévention des risques d’inondation depuis la promulgation du décret-loi du 30 octobre 1935, et l’instauration des plans se surface submersibles (PSS) favorisant le libre écoulement des eaux. L’article 4 du décret d’application de ce plan prévoit d’ailleurs qu’il est approuvé par un décret rendu en Conseil d'Etat, sur le rapport du ministre des travaux publics et après avis des ministres intéressés8. Après les autorités nationales, ça sera aux autorités déconcentrées, le préfet, de voir ses attributions rehaussées.

Il a néanmoins « fallu attendre la loi du 22 juillet 1987 pour que soit retenue dans la loi l’obligation de prendre en compte les risques et leur prévention dans les documents d’urbanisme » (Ledoux, 2006). Le préfet, d’abord censeur au plan local, est devenu à la fois aménageur et parfois perçu comme « plus royaliste que le roi »9 en sa qualité d’initiateur de la prévention et autorité décisionnelle des plans de prévention des risques d’inondation (PPRI) depuis la loi Barnier de 1995. Tour de contrôle de la légalité des actes des collectivités territoriales, (la déclaration préalable – pour les travaux de faible importance dans les communes-, les permis de construire, les projets d’aménagement, les PLU et SCOT…), le préfet a donc pris une position décisive et arbitrale en matière d’urbanisme. Cette position arbitrale du préfet et celle de porteur de projets de la commune obligent chacun des deux partenaires privilégiés (mais non exclusifs) de l’aménagement local à recourir à un mécanisme principal de participation du public en matière d’urbanisation de la zone inondable : la consultation. Elle concerne les personnalités qualifiées, alors que l’enquête publique s’adresse plutôt aux citoyens. La procédure du PPRI induit donc par le mécanisme de la consultation/négociation un système d’arrangements. La procédure PPRI et ses conséquences vont donc s’avérer déterminantes sur l’aménagement urbain.

1.1.1 La procédure PPRI et les effets de la loi Barnier

Présenté par les services de l’Etat comme un outil renforçant le rôle de l’Etat et « qui impose un aléa de référence non négociable avec les collectivités territoriales »17, le PPRI serait, à l’usage, plutôt négociable. La procédure de PPRI est sommairement la suivante : les services déconcentrés de l’Etat instruisent le dossier, consultent les personnalités qualifiées et le soumettent à l’avis des conseils municipaux. Lorsque les services de l’état et l’équipe municipales sont parvenus à se mettre d’accord, le document ainsi réalisé est soumis à

8

Voir Décret du 20 octobre 1937 portant règlement d'administration publique pour l'application du décret du 30 octobre 1935 sur le libre écoulement des eaux

9

Expression du maire de Lattes, déplorant ainsi la posture maximaliste de l’Etat en matière de risque d’inondation lors des rencontres interprofessionnelles de Montpellier du 21 avril 2011, sur : « Construire et aménager. Prise en compte des risques ».

17

Selon la synthèse bibliographique cité en introduction : Mériem Labbas: « Que connaît-on en France du lien entre risque inondation et foncier ? Cemagref, 2010.

(9)

enquête publique. Ce dispositif est tourné vers l’amélioration de l’information et de la participation du public aux questions d’intérêt collectif. Cette participation du public est elle-même « issue d’une réglementation destinée à protéger la propriété privée contre l’expropriation ; l’enquête publique s’est inscrite dans l’objectif de protection de l’environnement à partir de la loi Bouchardeau de 1983 »10. Ce n’est qu’après cette enquête publique que le PPRI est approuvé par le préfet, après d’éventuelles modifications. Une fois validé, le document crée des servitudes d’utilité publique annexées au PLU, s’impose au SCOT et conditionne la délivrance du permis de construire. Ce PPRI, qui prend en compte la situation hydrologique, géographique et le relief particulier de chaque territoire, établit, d’une manière générale, un zonage généralement tricolore :

Les zones rouges classées en aléa fort et en zones d’expansion des crues ne sont pas urbanisables et la réglementation interdit toute construction dans ce secteur,

Les zones bleues, se trouvent en aléa modéré et peuvent être aménagées sous certaines conditions,

Les zones blanches où l’aléa est établi comme faible, sont urbanisables.

Elément de dissuasion en termes d’aménagement urbain, le PPRI peut être pris par anticipation lorsque la situation l’exige à la seule appréciation du préfet.

L’idée prépondérante ici est d’associer et de sensibiliser le citoyen à son cadre de vie. L’ensemble de cette procédure PPRI a des conséquences sur l’urbanisation et notamment le leadership du préfet en cette matière.

1.1.2 Les conséquences du PPRI Le PPRI est donc considéré comme :

« L’unique instrument réglementaire en matière de maîtrise de l’occupation des sols dans les zones soumises aux inondations. Son élaboration est de la compétence de l’Etat qui soumet aux communes, par arrêté préfectoral, une note de présentation récapitulative des risques et des règlements applicables aux zones considérées», insiste Labbas (2010).11

Ce document opposable, dont l’initiative revient au préfet, est à la fois préventif et dissuasif. Dans cette seconde acceptation, il est pris par anticipation et vaut servitude d’utilité publique. Ses effets sont multiples et le respect de ses prescriptions conditionne l’éligibilité aux remboursements éventuels en cas de sinistre. Le régime assurantiel est donc particulièrement attentif, en zone inondable, au PPRI. Ici la méthode d’établissement du risque résulte de la combinaison de deux facteurs : l’aléa (« probabilité d’apparition d’un phénomène naturel d’intensité et d’occurrence données, sur un territoire »12) et les enjeux exposés correspondant à l’ensemble des personnes et des biens susceptibles d’être affectés.13

De plus, le PPRI a renforcé le rôle de l’Etat dans l’initiative et la capacité à dire le dernier mot en matière d’aménagement du territoire. Le maire, autre partenaire important de l’aménagement local, est contraint avant et après l’adoption du plan14. L’Etat n’exerce pas

10

Sources : L’enquête publique aujourd’hui. Document introductif de la troisième conférence, cycles de conférences du Conseil d’Etat 2010/2011 – La démocratie environnementale, 2 mars 2011.

11

Labbas, M, (2010), op. cit.

12

PPRI de la commune de Lattes, 25 avril 2007, lexique, p7

13

Sources : PPRI du bassin versant de l’Aygues (dont la commune de Piolenc), rapport de présentation, enquête publique, P.25

14

Il doit notamment réaliser un PCS (plan communal de sauvegarde institué par la loi du 13 août 2004, dite de modernisation de la sécurité civile) après l’approbation du PPR. Mais il peut aussi à son tour l’adopter par anticipation.

(10)

seulement la sauvegarde des plans ou projets d’intérêt général (PIG), il est aussi le maître de la gouvernance des collectivités territoriales. Cette amplification du rôle de l’Etat a donné aux préfets une fonction d’aménageur de facto. Le PPRI peut ainsi apparaître comme un mécanisme de fabrication d’un « pouvoir autonome » au sens où l’entend Michael Mann (1984) dans « The Autonomous Power of the State ». Il y a donc en conséquence une nouvelle centralité territoriale, un mouvement de recentralisation qui reprend d’une main étatique le pouvoir qui avait été concédé aux collectivités locales par les lois de décentralisation du 2 mars 1982. Malgré l’énoncé assurant que le zonage n’est pas le corset que dénoncent les élus locaux, il est parfois mentionné, dans certains PPRI, comme le montre celui de la Marne, que l’objectif en zone verte est de « limiter le risque pour les personnes et les biens exposés tout en préservant l’activité et le développement du territoire concerné.»15. Dans le même document relatif au règlement du PPRI, revient l’idée que la zone jaune «doit être urbanisée de manière limitée et raisonnée ». Cette formulation laisse ouverte la possibilité d’urbaniser dans une zone ou l’aléa est modéré mais elle suscite néanmoins des critiques. Ces dernières insistent sur le fait que « le diagnostic de vulnérabilité est appréhendé de façon distincte selon les cibles »16 En général, l’idée de gestion raisonnable des zones inondables ou celle visant à ne pas entraver le développement local donne aux autorités administratives un pouvoir d’appréciation unique.

1.1.3 Les brèches ou interstices du droit

En pratique, le poids donné au préfet lui permet de jouer un rôle d’arbitre. Ses arbitrages ouvrent l’accès à ces brèches, des interstices du droit, offrant après négociation la possibilité de construire. La réalisation d’équipements des ERP (équipements recevant du public) comme les terrains de sport ou les parkings, même dans les zones de forts aléas, y reste donc réalisable. Une interrogation mérite examen : Cette concession de taille, laissée à la libre appréciation des préfets, résistera-t-elle au principe de précaution17 ? A mesure que se développe la judiciarisation de la vie publique et la mise en accusation des responsables lors de catastrophes, l’usage de ce principe tend à s’accroître. En outre, la pression foncière, la gentrification18 (notion discutée par Alain Bourdin, 2008), bouleversent-elles le jeu des interdictions ? Elles modifient la donne et accroît la recherche de précaution, du réflexe qu’on peut qualifier de tous aux abris. Il peut aussi y avoir, dans les communes inondables, une difficulté à faire prévaloir la densification et lutter contre l’étalement urbain peu conforme aux objectifs du Grenelle II de l’environnement du 12 juillet 2010.

Les politiques publiques de lutte contre l’étalement urbain au profit de la densification « ne se font pas sans la protestation des habitants souvent hostiles à la création d’un PPRI »19.

L’étalement combattu résulte d’ailleurs de facteurs techniques, mais on peut aussi le comprendre comme un « malthusianisme foncier » (Charmes, 2007), alimenté, en périurbain,

15

Voir PPRI de la Marne, novembre 2010, P.8

16

Enquête de l’Ifop sur la perception du risque inondation par les acteurs socio-économiques du bassin de la Loire, Ifop note de synthèse, janvier 2010.

17

Entériné en juin 1992 dans la convention du sommet de la terre à Rio (principe 15), le principe de précaution est en effet entré dans le droit français via la loi Barnier de 1995. Valentine Erne Heintz, analysant les effets de ce principe, s’interroge sur son applicabilité. Elle observe celui-ci se référant à des dommages graves et irréversibles, la question de son application. Si les dégâts sont réparables via des mesures de dépollution par exemple, interroge-t-elle, faut-il appliquer le principe ? (voir article « Le principe de précaution rend-il l’évaluation incontournable ?

18 Processus d’ « embourgeoisement » et d’appropriation des quartiers centraux par les classes moyennes 19 Mériem Labas, Op. Cit

(11)

par le syndrome du dernier arrivé et le dit réflexe « NIMBY »20, lequel consisterait à juger négativement toute opération lancée dans l’aire la plus proche de chez soi.

Justement, l’institution communale - les maires en particulier-, est plébiscitée à 72% par les français pour leur proximité21. Ces maires disposent d’outils réglementaires pour participer, sous l’œil du censeur-aménageur qu’est le préfet, à l’aménagement concerté du territoire.

1.2 Les outils réglementaires à la disposition des collectivités locales

Doté de pouvoirs de police dans sa collectivité, le maire a aussi de « larges pouvoirs dans le domaine de la prévention des risques naturels, puisque la compétence générale d’urbanisme relève maintenant des communes » (Ledoux, 2009, p333). Effectivement, la loi du 22 juillet 1987 (modifiée par la loi n°95-101 du 2 février 1995 - article 16) relative à « l’organisation de la sécurité civile, à la protection de la forêt contre l’incendie et à la prévention des risques majeurs » stipule que tous les citoyens ont un droit à l’information sur les risques majeurs auxquels ils sont soumis ainsi que sur les mesures de sauvegarde (moyens de s’en protéger). Le maire est obligé d’informer la population. D’une manière générale, deux catégories d’outils sont indispensables aux communes pour l’urbanisation : les outils de court ou moyen termes et les outils de long terme.

1.2.1 Les outils mobilisables par les communes à court et moyen termes

Trois outils principaux d’aménagement local sont à la disposition des maires : les permis de construire, les cartes communales et les PLU (anciennement POS). Les maires peuvent également recourir, pour urbaniser leurs cités, à plusieurs autres outils :

- La ZIF (zone d’intervention foncière et ancêtre du droit de préemption), - Le droit de préemption (pour précisément renouveler l’urbanisme local),

- La DIA (déclaration d’intention d’aliéner transmis aux commune par les propriétaires d’un bien immobilier qui informe la commune de son projet de vente) - et l’expropriation pour cause d’utilité publique.

S’agissant des permis de construire, leur délivrance a été transférée aux communes depuis la loi de décentralisation de 1982. Par ce biais, l’autorité communale participe pleinement à l’action d’urbanisation du territoire, même si, par le contrôle de légalité, le préfet exerce ici une autorité lui permettant d’annuler avec des arguments de droit, un permis accordé par le maire.

L’autre aspect important de l’outillage communal en matière d’urbanisme est contenu dans le PLU (plan local d’urbanisme) qui remplace les POS issus de la loi d’orientation foncière de 1967. La loi du 22 juillet 1987, qui exige que soient pris en compte au plan communal les risques naturels, a modifié la place de cet instrument d’aménagement local qui doit aujourd’hui s’ajuster au PPRI qui lui est opposable. La loi SRU (Solidarité et renouvellement urbain) du 13 décembre 2003, en réformant le POS, a également introduit une procédure nouvelle à vocation offensive contre l’étalement (la périurbanisation) et facilitatrice de la rénovation urbaine : le SCOT (Schéma de Cohérence Territoriale). Si le SCOT est un document d’orientation et de planification à vocation intercommunale, le PLU sert ainsi de

20 « Not in my back yard ». Voir “La ville à trois vitesses », de D. Béhar, C. Bidou-Zachaariasen, J. Donzelot in Revue Esprit de mars-avril 2004.

21 Sondage Sofrès, 2008, « Les français et les maires Sources : MAIREinfo, 6 février 2008, sondage portant sur « les enjeux du quotidien » et 72% des français se disent satisfaits de leur maire. 

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transposition du SCOT. Il met donc en œuvre, à l’échelle d’une commune, les axes d’urbanisation retenus par ce schéma de cohérence territoriale.

Le PLU comprend deux grandes parties : le PADD (Projet d’Aménagement et de Développement Durable) et le règlement. Ce dernier prend en compte les prescriptions du PPRI et présente le découpage de la commune en zones urbaines (U), à urbaniser (AU), agricoles (A) ou naturelles et forestières (N). Les secteurs soumis à des risques d’inondation conservent le code graphique qui leur a été affecté par le PPRI et sont ainsi identifiables par leur couleur ou graphisme spécifique. Puisque les PPR sont opposables aux documents d’urbanisme, les maires sont ainsi contraints de réviser leur ancien POS ou PLU s’ils veulent poursuivre l’aménagement de leur collectivité. Comme l’observe une urbaniste et sociologue, « Les instruments juridiques façonnent ou figent le paysage urbain » (Thomas, 2009). Le PLU est ainsi devenu l’instrument structurel par lequel une commune se donne, par la négociation avec l’autorité préfectorale et la participation ou la confrontation avec ses administrés, la possibilité plus ou moins large de construire, d’aménager son territoire22. Instrument de court ou moyen terme, révisable de manière parcellaire ou globale, il n’est pas aussi lourd à mettre en œuvre que le sont les SCOT. Ceux-ci sont effectivement, en tant qu’outils de long terme, ceux qui façonnent le plus la ville de demain et requièrent la mobilisation de plusieurs collectivités pour penser et organiser la ville du futur.

1.2.2 Les outils de planification urbaine tournés vers le long terme

« Outil de planification de l’espace » (Ledoux, 2009), le SCOT s’est quant à lui substitué à l’ancien SDAU (Schéma Directeur d’Aménagement Urbain). L’article Ier de la loi SRU précise d’ailleurs que les SCOT, les PLU et les cartes communales déterminent les conditions d’une gestion des eaux, d’une prévention des risques naturels prévisibles et des pollutions et nuisances de toute nature. S’agissant des SCOT, ils requièrent la mobilisation d’une volonté politique plus large qui dépasse le cadre communal. Dans une agglomération, le SCOT oblige à une grande négociation et à une logique fédérative de l’aménagement territorial. Cette logique n’est pas toujours facile à réunir dans le jeu des ambitions personnelles et des choix partisans qui influencent fortement les politiques publiques intercommunales. Cependant, on peut également voir à travers cet outil, la réduction de la capacité du conseil communal à administrer le territoire duquel il tire sa légitimité. Mais cette réduction est négociée et acceptée au nom d’un intérêt mutualiste, d’une cogestion avec d’autres conseils communaux des territoires librement associés.

Instrument d’anticipation, le SCOT a aussi l’avantage, pour les collectivités qui en sont dotées et qui font donc l’effort de gérer leur continuité territoriale dans un sens moins consommateur d’espaces et plus coordonné en matière d’infrastructures de transport, de se faire entendre des « élites programmatiques » sensibles à la densification et opposées à l’étalement urbain. Par élite programmatique, nous désignons les membres de la haute fonction publique, issus des grands corps de l’Etat et ne disposant d’aucun mandat électif. Ils forment un groupe de « nouveaux gardiens de l’Etat » qui programment, au-delà du contexte partisan et du balancier électoral, la réalisation de politiques publiques dans des secteurs déterminés.» (Genieys, 2010). La mobilisation des acteurs locaux, des outils de prévision et de prospective permet alors de bénéficier d’une sorte de « bonus » accordées par les programmateurs des politiques publiques d’aménagement urbain.

L’approche négociée de la constructibilité en zone inondable semble ainsi être favorable aux collectivités disposant d’un SCOT. Dans la recherche des interstices du droit qui nous préoccupe ici, le SCOT ou le PLU ne sont pas les seuls outils à disposition des acteurs. Les

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décisions des tribunaux administratifs, tranchant les litiges entre les justiciables et l’administration, tant sur les PPRI que sur les autorisations de construire délivrées par les communes, peuvent modifier, élargir ou restreindre les possibilités de construire. Les interstices du droit, reçus au sens large du terme, recouvrent donc aussi cette production normative qui émane des juridictions administratives.

« Nous tenons en effet grand compte des décisions émanant du tribunal administratif ou des arrêts du conseil d’Etat dans le conseil que nous apportons au préfet. Nous prenons ces décisions comme des guides orientant le sens de nos propres décisions lors de la phase d’instruction des plans de prévention des risques d’inondation»

Un agent de DDTM. 1.2.3 Les autres éléments structurant les arrangements locaux

« Comme il est difficile au maire de s’attaquer aux causes du risque, car elles sont imprévisibles » (Douvinet et Denolle, 2010), il lui est ainsi demandé, dans la négociation à venir avec les services déconcentrés de l’Etat, une bonne connaissance du couple foncier/inondation. La connaissance du danger est importante comme l’est la mobilisation d’une expertise technique. En règle générale, le PPRI, pourtant complexe dans son élaboration technique, doit être rapidement assimilé par le maire s’il veut bénéficier de l’écoute des agents instructeurs. C’est le sentiment qui se dégage des entretiens avec les agents de la DDT interviewés lors d’un colloque sur le SCOT qui s’est tenu à Lyon le 21 juin 201123. La négociation territoriale semble reposer sur deux échelons : l’échelon purement administratif et technique, et le niveau politique et technocratique.

Contrairement à l’idée répandue, sur la gestion « politique » ou partisane des dossiers sensibles, elle n’est pas immédiate. Cet échelon politique auquel on fait allusion concerne le passage d’un dossier de la filière normale par la sphère technique et administrative, à un traitement hors de cette filière régulière pour celle du « cabinet du préfet ». C’est ce déclassement du mode de gestion d’un dossier, son étiquette supposée « sensible » qui en fait un dossier politique ou relevant de la sphère technocratique.

1.2.4 Transfert de dossiers au cabinet du préfet

Le déclassement ou transfert de dossier ne paraît pas avoir lieu au premier round des négociations, mais plus tard au fur et à mesure que les négociations avancent ou qu’un changement de personnel au plus haut niveau de la hiérarchie préfectorale intervient. En recoupant les dires des acteurs interrogés, il semblerait que lorsque les examens techniques deviennent plus précis et exigeants sur un dossier, -mais également controversés, car les données scientifiques peuvent être contradictoires- le préfet peut s’en saisir pour un arbitrage qui ne sera pas uniquement fondé sur les critères techniques et scientifiques mais sur des arguments d’opportunité ou sur un accord partisan.

Il est donc difficile d’évoquer, pour obtenir une « brèche » ou une autorisation de construire en zone inondable, la seule pression démographique ou exposer la nécessité pour la commune de répondre aux objectifs du 20% de logement social fixé par de la loi SRU.

Certains agents de la DDTM rencontrés estiment cependant que les communes disposent d’outils tels le ZIF (zone d’intervention foncière), ancêtre du droit de préemption, mais également des outils tels les DIA pour y répondre. Par ailleurs, les PLU et les SCOT pèsent d’un poids égal dans la fabrication du foncier disponible à l’urbanisation. Les coûts de ces

23

30 Juin 2011 et 1er juillet 2011 à Lyon - 7èmes Rencontres nationales des SCoT (Lyon, 69) organisé par la Fédération des SCoT. Avec pour thème central "la place et le rôle des Scot dans le nouveau paysage institutionnel".

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opérations ne sont pas neutres et les différents acteurs mobilisés pour participer à l’adoption de ces outils jouent un rôle influent. Autrement dit, une commune rurale doit d’abord, par-delà sa propre capacité à convaincre les services décentralisés de l’Etat, maîtriser ses dossiers et se servir de tous les instruments scientifiques ou techniques apportant un crédit substantiel à sa démarche. Ce critère paraît fondamental dans la relation entre l’Etat déconcentré et les maires. A entendre les agents de l’Etat rencontrés dans le cadre de cette étude et instruisant les dossiers PPRI, la possibilité d’arrangements locaux, pour dégager du foncier disponible en zone inondable, paraît donc liée à quelques critères auxquels les maires doivent satisfaire. 1.2.5 Quelques critères pour obtenir du foncier constructible en zone inondable

Selon les impressions collectées auprès des agents des DDTM rencontrés, les maires auraient davantage de chance d’emporter la conviction du préfet ou de ses services s’ils font preuve :

- d’une bonne connaissance des questions hydrauliques et font montre d’une évaluation acceptable de la dangerosité de la menace,

- d’une volonté de réduire la vulnérabilité (remplissant alors la règle non-écrite et portant sur les conditions préalables à satisfaire localement pour bénéficier du droit à urbaniser certaines zones (conditionnalité en matière de construction dans les zones à aléa fort ou modéré). Ceci suppose qu’on ne peut être autorisé à construire que sous réserve d’avoir participé à la réduction de la vulnérabilité. Un élu local a ainsi confié dans un entretien qu’un permis de construire d’un bâtiment en zone bleue du PPRI a été délivré avant que le PPRI ne soit plus précis sur les autorisations de ce type. « La zone passera à la blanche », assure l’élu. Il suggère ainsi que les conditions requises pour ce passage ont été remplies.

- d’une capacité à mobiliser des moyens financiers

- d’anticipation sur toute entreprise concourant à sensibiliser la population et à sécuriser le territoire et ses enjeux,

- et enfin, de la détermination nécessaire pour se doter d’un outil réglementaire jugé comme pertinent et décisif par les élites administratives et programmatiques : le PLU et le SCOT.

La philosophie du PLU et du SCOT, leur mise en œuvre et leurs effets semblent ainsi correspondre aux vues d’une élite programmatique dans le secteur de l’urbanisme. Les concepteurs de la loi SRU, qui visaient en effet à « faire passer l’urbanisme à une autre échelle »24 semblent plus prompts à valider, à travers le PLU et davantage encore avec le SCOT –dispositif issu de la même loi SRU- un modèle privilégié : la densification contre l’étalement urbain.

Malgré le droit et la rigueur supposée des préfets à travers l’utilisation des PPRI, on parvient néanmoins à construire, notamment par la négociation.

Comment s’effectuent-elles concrètement ? C’est ce que vont nous permettre d’investiguer les deux cas retenus pour ce travail de recherche : les villes de Lattes et de Piolenc.

Nous procéderons d’abord à la présentation des deux villes avant d’illustrer sur ces deux cas les petits et grands arrangements qui donnent lieu à la poursuite de l’urbanisation en zone inondable.

24

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2. Les petits et grands arrangements dans les communes

Lattes et Piolenc ont toutes deux connues des événements climatiques importants ces dix dernières années. Depuis 2007, le PPRI a été pris par anticipation par les préfets de ces deux départements (respectivement l’Hérault et le Vaucluse). Traversés par des réseaux hydrauliques importants qui y font peser un risque inondation officiellement reconnu, les deux villes jouissent également d’un environnement naturel privilégié, un atout environnemental conséquent. Lattes, commune que l’on peut qualifier d’urbaine et Piolenc, de rurale, ont par leur importance démographique, leur situation géographique, leur projet d’aménagement et les outils mobilisés, des caractéristiques distinctes et sont soumises à différents types de pressions urbanistiques. Avant d’examiner la manière dont s’y opèrent de petits et grands arrangements pour bâtir, procédons d’un peu plus près à la présentation de ces zones d’étude.

2.1 Piolenc, une commune qui cultive ruralité et modernité

Le prieuré de Piolenc fut en 99425 l’un des premiers à être rattaché, par donation, à l’abbaye de Cluny et à sa puissante communauté monastique. Située dans le département de Vaucluse, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, entre le Rhône et un de ses affluents, l’Aygues, la commune de Piolenc est adossée au massif d’Uchaux. Cette proximité du fleuve et de la forêt vaut à la cité clunisienne de cumuler aujourd’hui deux Plans de Prévention des Risques: l’un contre les feux de forêt (PPRIF) et l’autre contre le risque inondation (PPRI). Par ailleurs, la proximité de la centrale nucléaire de Marcoule n’est pas sans peser, en termes de risque industriel, sur la commune. Piolenc offre cependant, à l’entrée de la Provence, un charme certain dont elle tire profit touristiquement entre la commune d’Orange (32000 habitants) au sud et celle de Mornas, sa proche voisine au nord.

Piolenc compterait aujourd’hui près de 5200 habitants26 pour une superficie de 2480 hectares dont 44% sont utilisés pour l’agriculture, laquelle représentant cependant seulement 2% des emplois de la commune. Sur le plan de l’habitat, 87% des logements sont de type maison individuelle et 92% d’entre elles sont des résidences principales27. Les élus déplorent, dans le PADD (projet d’aménagement et de développement durable inclus dans le PLU), la présence d’une offre urbanistique peu diversifiée qui n’est pas de nature à attirer ni maintenir dans la zone de jeunes ménages aux revenus modestes, alors que 25,3% des habitants ont moins de 20 ans.

L’urbanisation récente de Piolenc, longtemps handicapée par les faibles ressources de la commune28, a commencée dans les années 1975 avec l’adoption d’un Plan d’Occupation des Sols (demandé au préfet par la commune29, suivi de l’autorisation de construction en 1976 d’un lotissement de 19 parcelles dans la zone « la Rocantine »)30. La municipalité fait également appel à l’outil ZIF (zone d’intervention foncière) en 198431. Néanmoins, après une tentative de création d’un SDAU (schéma directeur d’aménagement urbain) avec l’agglomération d’Orange avortée en 1976, c’est avec l’arrivée à la tête de la mairie de Louis

25

Sources : rapport de présentation du PLU de Piolenc édité le 12/10/2010

26

Selon le dernier recensement, encore non publié

27

Toutes les indications et chiffres sont extraits du rapport de présentation du PLU de Piolenc édité le 12/10/2010

28

Voir les annexes et lettre du maire de Piolenc au préfet, en date du 1er juillet 1974 dans laquelle il écrit : « Nous avons un grave problème financier pour les acquisitions de terrains et nous demandons l’aide de la région »

29

Idem, voir la même lettre

30

Voir Annexes, Arrêté préfectoral du 12 janvier 1976

31

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Driey en 1995 que Piolenc va dynamiser son urbanisation. Celle-ci va se prolonger vers d’autres quartiers, celui des Mians puis celui des Etangs, la commune passant ainsi de 3500 habitants à près de 5200 aujourd’hui, soit une augmentation de 48% en 15 ans. Les épisodes climatiques ont freiné cette urbanisation, selon le maire, qui fait référence aux inondations qu’a connues la municipalité. Néanmoins ce dernier souhaite qu’elle soit encore possible. Dans cette optique, le maire actuel est aujourd’hui en conflit avec les plans de la préfecture, souhaitant découper un nouveau schéma intercommunal et lier Piolenc à l’agglomération d’Avignon. C’est la perte de la maitrise de son pouvoir d’urbanisation que craint le maire de Piolenc, qui souhaiterait être associée plutôt autour de l’agglomération d’Orange, ce qui selon lui s’explique aussi par une cohérence territoriale historique :

« En l’an 1001, nos archives l’attestent, les Piolençois allaient à Orange. Les moines quittaient Piolenc pour aller commercialiser leurs produits chez les Comtes d’Orange.32

Le Maire construit sur cet argument la revendication de reconnaissance du bassin de vie qui lierait les deux communes, pour une intercommunalité Orange-Piolenc qui serait plus favorable à une gestion concertée des compétences obligatoires dans le domaine économique et l’urbanisme et qui ne favoriserait pas les découpages qu’il qualifie de « technocratiques ». Cette position du maire concentre la contestation locale sur les nouveaux périmètres intercommunaux au centre desquels se trouve la question de la « nouvelle donne urbanistique ». Elle conditionne les futurs arrangements locaux relatifs à la constructibilité. En effet, des tentatives urbanistiques de ce type ont déjà montré leurs limites.

32

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Comme nous pouvons le voir sur la cartographie règlementaire ci-dessous, il paraît clair que l’exposition au risque inondation limite beaucoup les projets d’urbanisation de la commune, surtout au cœur de village.

Figure 1 : Cartographie règlementaire du PPRI de Piolenc

Figure 2 : Légende de la cartographie règlementaire du PPRI de Piolenc

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2.1.1 Les échecs en matière de planification intercommunale et les différentes délibérations liées à la l’urbanisation

Il faut souligner que la première esquisse de SDAU dans le secteur date de 1976. Ce SDAU d’Orange, document de prospective de l’urbanisme intercommunal33 comprenait alors Piolenc et portait sur une réflexion préalable autour de trois groupes de travail :

- démographie-économie-emploi - superstructures-infrastructures - urbanisme et coordination »34

La question hydraulique et celle du risque inondation étaient déjà abordées dans la partie relative à la « Liste de questions particulières ». Il en ressortait des préoccupations sur : la protection des bords de l’Aygues et de l’Ouvèze, l’urbanisation interdite (et les mesures à traduire dans les POS), de même que le champ d’inondation du Rhône et les zones inondables de l’Aygues et de l’Ouvèze.

L’une des particularités de Piolenc, sur le plan foncier, est donc de n’avoir pas pu bénéficier d’un outil d’urbanisation à long terme, stratégique et prospectif sur lequel auraient pu reposer les axes de l’urbanisation future. La dernière tentative de réalisation d’un SCOT a échoué en 2009, ainsi que le constate le maire de Piolenc :

« Il y a deux ans, notre SCOT a d’ailleurs été invalidé au motif qu’Orange aurait dû y figurer. »   

L’urbanisation de Piolenc s’est faite autour du cœur de village, pourtant inondable. Cette urbanisation s’est peu appuyée sur les outils de politique foncière comme les ZIF et le droit de préemption jusqu’aux années 80 pour cause de problèmes financiers, comme l’atteste la lettre du maire de l’époque, demandant ainsi l’aide de la région35.

Mais en octobre 1975, est prise la délibération en conseil municipal de créer un lotissement de 19 parcelles dans le quartier de la Rocantine. Jusqu’en 1977 comme le montrent les tableaux joints en annexes, le nombre de certificats d’urbanisme demandés ou de permis de construire déposés va de manière massive faire l’objet d’un rejet par les services de la DDE entre 1975 et 1977, même si 90% de ces dossiers, une fois modifiés, vont être repris et acceptés. Les motifs essentiels du rejet portaient sur : le manque de surface et la non-conformité au POS. A partir du début des années 80, une politique d’aménagement plus volontariste va se mettre en place avec modification du POS en 1983, adoption d’une zone d’intervention foncière36 concernant le périmètre du vieux village37. Avec l’aide de la Safer38, sous plusieurs dans les décennies 1980-1990, des droits de préemption vont donc être adoptés, même si de nombreuses DIA ne seront pas suivies d’effet. C’est aussi durant les années quatre-vingt-dix  que s’urbanise le quartier des Mians, inondable, et que se développe une politique d’aménagement urbain. L’augmentation de 48% de la population en 15 ans qui en résultera « montre un dynamisme du solde démographique » (selon le Commissaire enquêteur du PLU,

33

Voir livre blanc du SDAU d’Orange en annexes

34

Idem, page 4

35

Lettre au préfet de Vaucluse du 1er juillet 1974

36

Délibération du conseil municipal du 9 novembre 1983

37

Délibération du 26 sept 1984 portant sur le plan de découpage de ladite ZIF, « afin d’avoir un droit de préemption sur les mutations d’immeubles en ruines constituant ici et là des îlots insalubres que la commune souhaiterait faire disparaître ».

38

Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, permet à tout porteur de projet de pouvoir s’installer dans le milieu rural. Elle est également partenaire des collectivités de leur champ de compétences pour

dynamiser leurs politiques de réserves foncières ou d’aménagement. Sources : Safer :

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2011) mais ne manque pas d’interroger ou de surprendre ceux qui estiment que cette montée en puissance de la démographie aura inévitablement des conséquences sur la pression foncière et sur l’environnement local.

Pour les acteurs interrogés à Piolenc, des avis s’opposent entre logiques clientélistes (point de vue des opposants au maire) et l’argument de la méconnaissance du danger dans le contexte de l’époque que suggère un élu quand il dit :

« On ne referait pas les choses à l’identique avec les connaissances d’aujourd’hui. Avec ce que nous avons vécu, ça été clair pour moi : on ne construit plus où il y a un risque. » 

Aujourd’hui, ce sont d’abord les visites de terrain des agents de l’Etat, dans le cadre du PPRI, qui permettent de desserrer l’application rigoureuse du zonage et les interdictions de construire en zone inondable.

2.1.2 Les visites sur le terrain des agents instructeurs dans la logique d’arrangement local Dans leur étude sur « La remise en eau de la plaine de Piolenc-Mornas », Marie Anckière et Julien Langumier notaient dans leur résumé que « localement, les habitants ont appris à jouer avec les contraintes et les grands projets d’aménagement »39. Par ailleurs, les pressions que les citoyens exercent sur les élus les conduisent à solliciter les agents instructeurs et les réclament sur le terrain. Ils leur demandent de ne pas se cantonner à l’observation des plans de masse et des seules données scientifiques. Ces visites facilitent une douce administration du dossier PPRI par la preuve à l’œil nu. Ces visites s’inscrivent aussi dans le cadre de la consultation avant approbation du PPRI. Pour un agent de la DDT,

« Entre le plan de prévention, son zonage et la réalité du terrain, il y a des marges. Ces marges font partie du dialogue état/bureau d’études des collectivités. Il peut y avoir une butte, pas évidente à saisir en cartographie. La connaissance intime des territoires est importante, parfois plus importante que les règlements et les relevés techniques. » 

Des rencontres avec les habitants et d’anciens élus nous ont en effet permis de noter que selon eux les visites de terrain permettaient d’affiner le zonage. Mais il la simple présence d’une butte, constatée de visu par un agent instructeur de l’Etat ne suffit pas à déclassifier une parcelle. L’Etat considère dans la faisabilité d’un déclassement de zone les coûts éventuels des secours à porter pour les résidents en cas d’inondation.

Un cas de confrontation entre le préfet de Vaucluse et le maire de Piolenc concernant la règle dite de « la reconstruction à l’identique » lorsqu’une construction située en zone rouge nécessite des travaux de réparation après inondation éclaire aussi les rapports tendus entre administration préfectorale et communes. En effet, le maire de Piolenc, après les inondations de 2002, avait dû effectuer des fondations avant d’élever le mur de la mairie, détruit. Or, ces fondations n’existant pas dans le précédent plan, et le bâtiment municipal situé en zone rouge, le maire avait été sommé de se conformer à la règle de « la reconstruction à l’identique ». D’où sa colère publiquement exprimée face au préfet40 dans laquelle il disait qu’un mur sans fondation cèderait à la première bourrasque et qu’il valait mieux réaliser les fondations oubliées ou évacuées par le maître d’œuvre précédent. Les arguments du maire avaient été confortés par la visite sur le terrain de l’agent instructeur commis à Piolenc concluant que : « Le travail avait été fait dans les règles de l’art. » Les visites de terrain des agents instructeurs peuvent donc permettre de créer des brèches dans le bloc du refus de construire auquel renvoie souvent le principe de précaution.

39

Dans Vertigo, la revue en sciences de l’environnement, volume 9, N°1, mai 2009

40

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2.1.3 Les petits arrangements locaux

D’autres petits arrangements, à l’échelle locale, concernent souvent les agriculteurs retraités. Les enjeux fonciers nécessitent de choisir entre protection des espaces agricoles et nécessité de bénéficier d’une rente pour les retraités, ou d’un capital financier à transmettre, possible en revendant les parcelles sur lesquelles l’urbanisation est possible. Le propos d’un agriculteur rencontré, rapportant lui-même un mot d’un maire de Piolenc, peut éclairer les actions des élus acceptant (par compassion ou par clientélisme) d’affecter une partie des terres agricoles à l’urbanisation (sur la base de la «complainte du citoyen agriculteur retraité»). Il rapporte les paroles de l’élu qui lui aurait lancé :

«Quand je mets les terres à bâtir à Piolenc, j’aide aussi les agriculteurs ». L’agriculteur poursuivant :

« Ça veut dire que des terres agricoles sont transformées en terrains à construire à la demande de certains qui pensent à leur retraite ou qui n’ont personne qui peut reprendre l’activité derrière. »

 

Néanmoins, la problématique d’aménagement à Piolenc, en rapport avec ses caractéristiques propres et celles du PPRI, est mise en mots à peu près comme cela par la municipalité : ne pouvant poursuivre la densification du cœur de village, en zone rouge, la commune, n’aurait plus de choix, pour poursuivre son urbanisation, que de s’étaler, s’étirer au nord (par le quartier des étangs où 80 parcelles sont prévues dans un lotissement déjà programmé dans un ancien étang qui a reçu 1m 50 d’eau lors des dernières inondations, selon un agriculteur41) et à l’est (le quartier du Crépon Nord).

Le conseil municipal et le maire ont donc dû inventer des options alternatives pour proposer une offre de logements et de constructions adaptées à une commune qui a un faible pourcentage de logements sociaux - qu’elle affirme vouloir résorber dans les programmes de constructions des 15 ans à venir contenu dans son nouveau PLU. La stratégie particulière de négociation de Piolenc se serait, selon le maire, appuyée sur la prise en compte maximale de la menace inondation d’une part et sur la volonté politique de déclassification d’une partie de la zone naturelle. Cette stratégie d’anticipation d’une part et de la déclassification de parcelles situées en zone naturelle d’autre part, constituerait donc, par l’intermédiaire du PLU, le grand arrangement en cours entre la commune et l’administration préfectorale. 

2.1.4 Le grand arrangement en cours à Piolenc

Après les inondations de 2002, le maire affirme avoir acquis la conviction que « l’eau qui est venue peut revenir »42. Sur ce, il précise qu’il a d’abord fallu parer au plus pressé et organiser les secours. 

« Le conseil municipal, dit-il, a accepté l’embauche d’un géomètre expert pour évaluer les dégâts et consigner la mémoire de la catastrophe dans un album souvenir avec mention visible de la hauteur des eaux, secteur par secteur. Pour assister la population et les sinistrés dans les démarches de remboursement, un avocat a été payé au forfait pour leur procurer une aide efficace».

 

41

Entretien avec monsieur F. C qui, sur la question de savoir où reste-t-il encore des terres constructibles à Piolenc, répond vivement : «Là, devant chez moi où se trouvent les chevaux, il y a 80 parcelles prévues, donc en fait tout ce qui était l’étang ! Il est aussi prévu un bassin de rétention, une base de loisirs pour la jeunesse. On a voulu nous acheter 10 hectares, mais nous avons résisté pour ne céder qu’une partie ! »

42

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La stratégie de la commune semble avoir pris une position nette : suspendre les instructions de permis de construire et réaliser l’album de l’inondation par le géomètre. Cet album ayant vocation, disent les élus locaux interrogés, à chaque fois qu’une demande de permis de construire parvenait en mairie, de montrer au requérant, photos à l’appui et indicateur de la hauteur d’eau bien visible en rouge sur l’iconographie, le risque encouru. Parallèlement, des estimations des travaux ont été entreprises à la mairie, pour corriger les dégâts, restaurer les murets sur les abords du Rieu Foyro (la rivère passant en centre ville, affluent de l’Aygues, et en partie la source des inondations de 2002) en centre ville et renforcer le libre écoulement des eaux de ruissellement. Enfin, dans les quartiers ou subsistaient des espaces potentiels à urbaniser, des mesures de mitigation spécifiques ont été prises dans le quartier des Etangs et dans le Puvier Nord où des dispositifs compensatoires, que sont les bassins de rétention, ont été créés, des réseaux d’assainissement implantés et l’écoulement des eaux préservé. Le maire, dans sa présentation, insiste aussi sur les idées de l’urbaniste auquel il fait appel pour conseiller la commune, qui viserait à considérer la prévention de façon dynamique. Il s’agissait d’intégrer les problématiques hydrauliques dans l’aménagement des lotissements en veillant par exemples à l’obligation d’installer des cuves à réservoirs d’eau dans chaque parcelle, de prévoir des toits « végétalisés », permettant ainsi d’absorber une partie des eaux de pluie qui n’irait pas grossir les torrents. C’est cette stratégie de l’anticipation du PPRI, basée sur la réactivité de la commune, qui a poussé la commune à exprimer, par délibération du 22 sept 2010, « un avis favorable avec réserves de modifications de ce plan de prévention des risques naturels d’inondation du bassin versant de l’Aygues, de la Meyne et du Rieu en cas de travaux hydrauliques, et de créations de bassins de rétention. » En clair, la commune adresse ainsi un message au préfet afin qu’il prenne en compte, dans ses décisions urbanistiques futures concernant Piolenc, les efforts faits pour agir sur la prévention et réduire la vulnérabilité. Cette stratégie d’acceptation du risque, mais laissant ouverte la porte aux grands arrangements dans le zonage global, aurait ainsi aboutie à la mise en enquête publique d’un nouveau PLU. Dans celui-ci, 40 hectares ont été ouverts à l’urbanisation dans les espaces naturels dont 6 hectares concerneront la construction de logements sociaux. Mais le PLU prévoit aussi la rétrocession de 56 hectares (situés dans la plaine) à la zone agricole. En clair, la poursuite d’une urbanisation maîtrisée à Piolenc, telle qu’elle se traduirait dans le PLU actuel, n’aurait pu se faire sans l’aval de l’autorité préfectorale.

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2.2 Le territoire de Lattes et la rivalité Frêche-Vaillat

Avec une population de 16 586 habitants43, Lattes est la deuxième ville de l’agglomération en termes de population après Montpellier (257 092 habitants, 8ème ville de France)44, la ville phare du département de l’Hérault et de la région Languedoc-Roussillon dont elle est limitrophe. La commune compte 27,8km2 et a connu une nette hausse de sa population, de l’ordre de 22,8% par rapport au recensement de 1999.

 

Figure 3 : Carte de la zone d’étude de Lattes. Réalisation : Nathalie Saint-Geours 

 

Le PLU de la commune de Lattes, même s’il demeure l’instrument privilégié de la négociation pour lotir, est avant tout une transposition du SCOT de l’agglomération montpelliéraine et ainsi un instrument non de régulation urbanistique purement locale, mais d’aménagement à vocation intercommunale.

Historiquement, le site de Latara, selon des relevés historiques45 a abrité un centre urbain et portuaire majeur du 6ème siècle avant J-C et au 2ème siècle de l’ère moderne. Plus récemment, Lattes et Montpellier se sont affronté pour la restauration d’un port sur leur commune en référence à ce passé portuaire lointain ; et les opportunités stratégiques qu’offrent une connexion directe à la mer. Arrivés à la tête de leurs villes la même année, en 1977, Georges Frêche (maire de Montpellier de 1977 à 2004) et Michel Vaillat (Maire de Lattes de 1977 à 2001) ont nourri une rivalité permanente fondée sur les divergences liées aux appartenances politiques des deux maires, idéologiquement opposés ; des affrontements assez classiques de type centre – périphérie (notamment concernant le site de la décharge ou encore de la station d’épuration de l’agglomération située sur la commune de Lattes) ; ainsi qu’à leur tempérament respectif. Ils se sont particulièrement opposés sur ce dossier de la

43

Sources internet : Annuaire-mairie.fr

44

Sources : site de la ville de Montpellier, 28 septembre 2011

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création d’un port sur le Lez et le justifiaient par le recours à l’histoire, l’un voulant rétablir l’antique port de Latara et Frêche pensant faire de même de l’ancien port de commerce Juvénal. Il s’agissait aussi de réintégrer le Lez dans l’aménagement urbain comme une composante urbanistique et non simplement comme un danger potentiel dus à ses débordements. La volonté de créer un port à Montpellier et de lier la ville à la mer, a été explicitement exprimée par Georges Frêche comme une « nouvelle frontière ». Le maire de Lattes a également fondé le renouveau et l’attractivité de sa commune sur cette idée pour faire de Port Ariane la vitrine de son urbanisation. Il est surprenant que ce quartier ait été construit dans les années 90, juste après les inondations de Nîmes en 1988 et tout contre la digue du Lez érigée après les inondations de 1976. Lors des épisodes climatiques de 2002 et 2003, il y a eu évacuation de Port Ariane par l’armée puis une forte mobilisation citoyenne. C’est dans ce contexte qu’est intervenu le rapport de l’inspection générale de l’environnement de février et juillet 2006. L’inspecteur Quèvremont a conclu à la dangerosité de la situation actuelle et au risque « de pertes de vies humaines jusqu’à 8200 personnes »46 et notamment autour du quartier de ce quartier de Port Ariane. Le maire actuel, qui avait fait des inondations son cheval de bataille contre l’ancienne équipe (celle-là même qui a défendue la construction de Port-Ariane) a remporté les élections de 2001, et a su mobiliser l’agglomération de Montpellier ainsi que les service s de l’Etat sur les préoccupations hydrauliques et collecté des sommes importantes pour la restauration de la digue et l’écoulement plus préventif des eaux de ruissellement ou de débordement du Lez.

2.2.1 Controverses techniques et scientifiques

Ces travaux, souvent qualifiés de « colossaux » ne font cependant pas totalement l’unanimité localement et quelques acteurs (principalement des représentants d’associations de riverains) et suscitent des controverses. Elles ont concerné plusieurs aspects : la solidité des digues, la crue de référence et son mode de calcul, le rôle des étangs en cas de conjonction des facteurs (épisodes cévenols, plus inondations par les eaux torrentielles et de ruissellement, plus submersion marine…). En 2008, Les travaux entrepris sur les digues du Lez (réfection des digues et création d’un déversoir en amont de la ville) sont revendiquer par les autorités comme protégeant la ville de Lattes jusqu’au niveau estimé de la crue centennale. La controverse technique sur ces données demeure et opacifie le débat sur les politiques publiques à l’œuvre localement. Relativement « ouvertes » à Piolenc, elles paraissent plus « serrées » voire « plus fermées » dans l’Hérault. Cependant, « les études hydrologiques et hydrauliques ont une précision relative et ne peuvent pas prétendre déterminer des limites d’inondation au niveau de la parcelle. » (Ledoux, 2006).

Depuis la construction du quartier de Port Araine dans les années 90, l’urbanisation de Lattes ne s’est pas poursuivie, sauf avec la construction d’un immeuble à but locatif et social dans ce même quartier sur un précédent parking. L’immeuble a suscité des mouvements d’humeur de riverains et des contestations de l’opposition au sein du conseil municipal. Ces oppositions s’expliquent cependant davantage, selon un élu local par le fait que ces personnes sont « horrifiées » par le social que par des inquiétudes vis-à-vis du risque inondation. Ce bâtiment compte une cinquantaine de logements « social » selon cet élu. Sa construction, en zone bleue du PPRI, montre que d’une municipalité à l’autre, le quartier de Port Ariane, dont le projet a été introduit par une délibération du conseil municipal de Lattes du 5 mai 1988, a vu sa densification se poursuivre nonobstant sa vulnérabilité aux inondations et les changements de majorité politique. Ceci s’expliquant toutefois par le manque de logements sociaux dans la commune et la grande difficulté devant laquelle se trouvent les Lattois modestes pour accéder

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à un logement abordable. Il faut aussi noter que dès 2009, un nouveau PLU a été élaboré pour prendre acte du PPRI appliqué par anticipation en 2007 après annulation du précédent -par le tribunal administratif- qui datait de 1997. Pourquoi urbanise-t-on ? En raison du manque de logements dans un département qui reçoit plus de 1200 personnes nouvelles tous les mois, résume un élu de Lattes. Il dit sa satisfaction de régler des problèmes : « Avec le maire actuel, on fait du bon travail au niveau de l’assainissement, de la dépollution… (…) L’élu précise durant notre entretien : « Le Scot était une priorité ! En arrivant en 2001, le maire et moi avons fait partie des élus qui ont participé au SCOT, en donnant chacune des 31 communes, nos contraintes ; nos refus, nos besoins, et le SCOT a été élaboré. »

Pourquoi le Scot de l’agglomération montpelliéraine a-t-il aujourd’hui une grande influence dans l’urbanisation lattoise ?

2.2.2 L’approche technique et décisive du SCOT dans l’urbanisation

Cette influence est d’abord technique, car un SCOT est mis en place pour le long terme et le territoire auquel il s’applique doit, pour le réaliser, opérer une transposition du SCOT dans le PLU. Cet outil est celui par lequel Georges Frêche est parvenu à mobiliser ses pairs en mettant en avant les avantages d’une urbanisation concertée et centrée sur : la diminution de la consommation d’espaces urbanisables, la sauvegarde des surfaces agricoles, une densification située dans des zones aménagées et disposant de réseaux de transports collectifs moins polluants et moins énergétivores, des économies d’échelle réalisées grâce à la mutualisation des moyens et non dans une compétition permanente entre collectivités. Séduite par cette approche et négociant également les contreparties de sa nouvelle politique de partenariat avec Montpellier, la ville de Lattes a donc opté, après le changement de majorité en 2001 et la victoire de Cyril Meunier, le nouveau maire de Lattes, pour une coopération intercommunale plus intégrée à Montpellier. La ville-capitale de l’agglo a fait de l’urbanisme son axe structurant et le SCOT l’outil préférentiel de sa construction « agglotropolitaine ». Elle se veut à la fois agglomération et métropole. Le graphique ci-dessous montre l’avantage du SCOT illustrant les différents scénarios en termes de consommation d’espace.

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Figure 4 : Schéma tiré du SCOT de l'agglomération de Montpellier

Le SCOT de Montpellier fut le premier SCOT de France, élaboré en trois ans autour d’un réel consensus politique. »47 Il porte en effet sur trois aspects décisifs dans l’aménagement local : le plan de déplacement urbain (PDU), le programme local d’habitat (PLH) et le plan local d’urbanisme (PLU) - qui est pourtant de la compétence des villes. Mais c’est la recherche de la « cohérence » et par conséquent la vision concertée et à long terme (horizon 20 ans) de l’urbanisation qui va l’emporter à travers ce SCOT. Autrement dit, ce que reconnaît comme pertinent notamment l’élu Lattois que j’ai rencontré sur ce point particulier, c’est l’aspect technique des dossiers, dépouillés de la charge émotionnelle et des influences perçues comme localistes ou chauvines.

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Le schéma ci-dessus et cette phrase, issue du discours de Frêche sont extraits du Dossier de presse du SCOT de l’agglomération de Montpellier, mercredi 15 février 2006

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Figure 2 : Légende de la cartographie règlementaire du PPRI de Piolenc
Figure 3 : Carte de la zone d’étude de Lattes. Réalisation : Nathalie Saint-Geours 
Figure 4 : Schéma tiré du SCOT de l'agglomération de Montpellier
Figure 5 : photo de Port Ariane à Lattes (source : site officiel de la mairie de Lattes)

Références

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