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La protection des usagers des transports : une approche biomécanique de la prédiction du risque lésionnel

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Academic year: 2021

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Submitted on 8 Feb 2018

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La protection des usagers des transports : une approche

biomécanique de la prédiction du risque lésionnel

Philippe Vezin

To cite this version:

Philippe Vezin. La protection des usagers des transports : une approche biomécanique de la prédiction du risque lésionnel. Biomécanique [physics.med-ph]. Université Claude Bernard Lyon 1, 2017. �tel-01635141v2�

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N° d’Ordre : 051-2017 Année 2017

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ESIONNEL

Soutenue le 9 Octobre 2017 devant le Jury

Prof. Olivier Monneuse, Université Claude Bernard Lyon 1 Président

Prof. Mathias Brieu, Ecole Centrale Lille Rapporteur

Prof. Patrick Chabrand, Aix-Marseille Université Rapporteur Prof. Sébastien Laporte, Ecole Nationale Supérieure des Arts & Métiers Paris Rapporteur Dr. Sabine Compigne, Toyota Motor Europe Examinatrice Prof. Erik Marckiewiz, Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis Examinateur

Dr. David Mitton, Ifsttar Examinateur

Dr. Stephen Ridella, National Highway Traffic Safety Administration US DoT Examinateur

Département Transport Santé Sécurité TS2, Ifsttar

Laboratoire de Biomécanique et Mécanique des Chocs,

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Remerciements

” La science moderne est un admirable monument qui fait honneur à l'espèce humaine et qui compense (un peu) l'immensité de sa bêtise guerrière „ [Hubert Reeves, astrophysicien, franco-canadien, 1932- ]

Il est de bon aloi de remercier un certain nombre de personnes dans ce type de document et à ce genre d’occasion. Alors, je vais faire comme tout le monde, enfin presque. Plusieurs personnes très importantes dans ma carrière sont nommées et remerciées dans l’Avant-Propos qui va suivre. Je n’en remettrais donc pas une couche, leur modestie et gentillesse n’ayant d’égale que leurs qualités professionnelles, humaines et le respect que j’ai pour eux.

Par contre, je vais chaleureusement remercier, et j’espère qu’ils auront apprécié le repas et le vin, les trois, non pas mousquetaires, mais rapporteurs de ce mémoire, Professeurs des Universités, collègues brillants, amis et épicuriens. Je n’aurais sûrement pas écrit ces pages sans la motivation, c’est un euphémisme, qu’ils m’ont insufflé et l’attention qu’ils ont porté à ces quelques pages avec la franchise et l’honnêteté qui les caractérisent. Patrick, Mathias et Sébastien… Un immense merci à vous trois.

Je vais également remercier, très amicalement, David, excellent Directeur de Recherche s’il en est, à qui j’ai confié les clés du camion LBMC sans aucune hésitation, d’avoir participé au repas et au jury (mais ce n’est pas le plus important dans l’histoire). J’ai la faiblesse de penser qu’en fait de camion je lui ai légué une bonne voiture, j’espère qu’il en fera une Ferrari, quoi que je préfère les belles anglaises.

Continuons avec les autres convives et commençons par un autre amateur de bon vin et autres plaisirs gustatifs bien que venant d’Outre-Atlantique, son action au sein de la NHTSA en sécurité routière est remarquable, et sa présence à ce jury un honneur pour moi. Un grand merci à toi, Cher Ami, Steve.

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Il fallait un mécanicien des structures dans ce jury, j’en connais plusieurs, tous de grandes qualités, Eric est l’un d’eux. Professeurs des Université, vice-président recherche et études doctorales de l’Université de Valenciennes, expert en dynamique, ses qualités ne s’arrêtent pas qu’à la mécanique, je suis donc ravi de le compter parmi nous.

Poursuivons par un(e) très sympathique collègue avec qui j’ai partagé les premières années de ma carrière au LMBC, tous deux en tant que contractuels, puis à travers cette fructueuse collaboration avec Toyota Motor Europe, merci à Sabine d’apporter un œil averti d’utilisateur final de mes recherches.

Enfin, terminons par celui qui a accepté la lourde charge de mener de main de maître les débats lors de la soutenance, le Président de ce Jury, Olivier Monneuse. Professeur des universités, éminent praticien hospitalier urgentiste, spécialiste en traumatologie et en accidentologie, et collègue de l’Umrestte. J’espère qu’il ne me tient pas rigueur d’avoir taquiné les accidentologues et épidémiologistes au cours de ce mémoire. Leur travail est précieux.

Un mot pour les thésards et contractuels qui ont travaillé avec moi pendant ces années. En espérant qu’ils ne m’en veulent pas trop, car je ne pense pas avoir été un très bon encadrant, mais la plus grande partie des résultats présentés dans ce mémoire sont les leurs, je n’ai fait que diriger, guider et orienter leur travail du mieux que j’ai pu avec mes moyens, mais toujours avec sincérité et passion. Les doctorants sont les pépites des laboratoires, il faut en prendre soin.

Merci également à Virginie Etienne, très chère collègue avec qui c’est un plaisir de travailler et réaliser de belles choses, et également de partager de bon moments en dehors, pour sa précieuse relecture et les corrections apportées à ce document.

Une pensée évidemment à mes parents, je ne suis pas sûr qu’ils aient toujours compris ce que je faisais, ne le sachant pas toujours moi-même, mais ils m’ont toujours soutenu et aidé avec leurs moyens. Et donné le goût de la cuisine et des bonnes choses (merci Maman), de la culture, du golf et une conscience politique (merci Papa) ; et surtout du travail bien fait.

Après, il est certain qu’on pense beaucoup aux gens qui nous accompagnent au cours de la vie. L’équilibre extérieur est très important pour se réaliser professionnellement. Bon soyons sérieux, j’adore faire de la recherche, mais le travail n’est pas une fin en soi, je m’en passe très bien, et mes centres d’intérêt sont ailleurs, ROCK ‘N’ ROLL !, [du calme Philippe])… Alors ma Famille, mes Chats, mes Amis Grenoblois, mes Amies Lyonnaises… On se retrouve toujours autour d’un bon repas et d’un bon vin ou une bonne bière… C’est dingue ce que je peux parler de bouffe, mais comme le dit Karadoc (Chevalier de la Table Ronde) : " Qu'est-ce que c'est que ce

style de bouffer des petits machins tout secs et trois gallons de flotte par jour ? [...] Si la jeunesse se met à croire à ces conneries, on se dirige tout droit vers une génération de dépressifs ! Le gras, c'est la vie. " (Kaamelott, Livre II, Corpore sano).

Je ne vais pas remercier plus de monde, pardon à ceux que j’aurais pu lister, je ne vous oublie pas pour autant. Il y a aussi ceux que je ne remercie pas… Mais comme dit la chanson " […] Il y a bien des cas où. Mais même dans ces cas où. Il ne faut pas

souhaiter la mort des gens. Ça n'est jamais assez méchant […] " (Dominique A, La Mémoire

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Avant de rentrer dans le vif du sujet, et puisqu’il s’agit ici de biomécanique, je vais citer un de ses pionniers, peut-être le plus grand génie humain : Léonard de Vinci.

“[…] Mais j'ai voulu aussi passionnément connaître et comprendre la nature humaine, savoir ce qu'il y avait à l'intérieur de nos corps. Pour cela, des nuits entières, j'ai disséqué des cadavres, bravant ainsi l'interdiction du pape. […]

Ce que j'ai cherché finalement, à travers tous mes travaux et particulièrement à travers mes peintures, ce que j'ai cherché toute ma vie, c'est à comprendre le mystère de la nature humaine […]”

Léonard de Vinci, Carnets, XVe siècle.

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Sommaire

Avant-propos 1

Une approche biomécanique de la sécurité des transports 5

Quelle sécurité ? 5

Protéger l’usager : une question de choix et de priorités 9

Ce que l’on apprend aussi de l’accidentologie 13

A quoi nous sert l’anatomie ? 16

De l’importance de l’expérimentation 19

Ce que l’on va trouver plus loin 21

Comprendre et modéliser la déformation du thorax 23

Un peu de géométrie 23

Une structure mécanique articulée 26

Comment mesurer la déformation thoracique 3D ? 31

Au-delà du réel pour mieux le comprendre 38

Modéliser le thorax autrement 45

Le retour du THOR 51

Un petit (re)tour du côté expérimental 54

Evaluer le risque lésionnel de l’abdomen 63

Et pourquoi l’abdomen à présent ? 63

Quelles lésions et mécanismes de blessures ? 65

Une approche couplée numérique/expérimentale 68

Un modèle analytique pour comprendre 79

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~ ii ~

Vers l’évaluation virtuelle du risque dans les transports 93 Mannequin versus modèle : le combat des substituts 94 Des tests virtuels pour la sécurité passive ? 101

Le Voyageur Virtuel 105

Véhicule autonome : La fin des accidents ? Vers un nouveau paradigme de la

mobilité 113

Une vision du pilotage de la Recherche 119

Une stratégie de développement 120

Un terrain de jeu : l’Europe de la recherche 125

Sciences et société : un partage des savoirs à développer et une éthique partagé 128 Recherche et innovation quels liens développer ? 132

Curriculum Vitae 135 Etat civil 135 Diplômes et titres 136 Activités professionnelles 136 Thèmes de recherches 137 Enseignements 138

Formation par et à la recherche 140

Rayonnement scientifique 142

Collaborations, activités de valorisation et de transfert 146

Administration et animation de la recherche 150

Médiation scientifique, communication grand public 154

Production Scientifique 157

Articles dans des revues internationales ou nationales avec comité de lecture

répertoriées dans des bases de données internationales 159 Ouvrages scientifiques (ou Chapitres d’ouvrages) 160 Conférences données à l’invitation du comité d’organisation dans un congrès

international ou national 160

Communications avec actes dans un congrès international ou national 161 Communications sans actes dans un congrès international ou national 165 Rapports de recherche sur convention et contrats 166

Rapports d’expertise 171

Autres productions 171

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Avant-propos

” Des millions de gens ont vu tomber une pomme, Newton est le seul qui se soit demandé pourquoi „ [Bernard Baruch, Homme d’Etat américain, 1870-1965]

Cette citation de Bernard Baruch illustre à mon avis, ce qui fait la différence entre un chercheur et le reste de la population : comprendre et modéliser le monde qui nous entoure et nous anime. C’est aussi la différence entre faire de la Recherche et faire de la Science. Un scientifique, un ingénieur utilise la connaissance existante, un chercheur crée cette connaissance.

La carrière d’un chercheur est jalonnée d’étapes importantes, certaines fondamentales, l’Habilitation à Diriger des Recherches représente une de ces importantes étapes. C’est le moment pour lui de regrouper et compiler les travaux menés jusque-là, de synthétiser quelques années de sa vie d’après-thèse et d’obtenir le sésame permettant de régner seul et tyranniquement sur un cheptel de doctorants et de s’affranchir, enfin le croit-il, avec plus ou moins de succès de la tutelle d’un chercheur plus expérimenté. Evidemment cet ultime titre universitaire n’est pas indispensable pour encadrer des doctorants, nombreux sont les chercheurs codirigeant des thèses sans lui, d’autres le possédant mais n’en ayant pas l’usage, d’autres encore dirigeant un nombre incommensurable de thèses tout en étant quasiment inconnu des doctorants concernés. En fait, les diverses combinaisons sont nombreuses, et ma propre carrière fourmille d’exemples à ce sujet…

Cette Habilitation est aussi la clé qui ouvre la porte à d’autres fonctions telle que Directeur de Recherche ou encore Professeur des Universités. A titre personnel, j’ai pu être nommé Directeur de Recherche sans le dit sésame et j’encadre de fait et de pleins droits des thèses. Je me suis donc lancé dans cette aventure avec une motivation quelque peu différente qui m’est chère. En effet, bien que présentant un mémoire de Biomécanique [du moins, j’espère qu’il sera considéré comme tel…] je ne suis pas biomécanicien d’origine.

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Avant-propos

~ 2 ~

Ma première famille scientifique est la Mécanique des Fluides, au sein de laquelle j’ai obtenu mon doctorat, sur un sujet de thèse qui ne sera pas détaillé dans ce mémoire, et où j’ai développé ma propre vision de ce métier et de la recherche. Là, où j’ai acquis un certain nombre de certitudes, pris également de bonnes et aussi pas mal de mauvaises habitudes [au grand dam de mes collègues et thésards…]. Ce mémoire est donc pour moi l’occasion rêvée de mettre à plat la petite étendue des connaissances et compétences que j’ai acquises au sein de cette nouvelle maison, la Biomécanique des chocs, qui m’a accueilli voici maintenant dix-huit ans. Dix-huit ans, c’est l’âge de la maturité et il était donc temps pour moi de devenir adulte.

J’ai tout d’abord découvert l’Inrets, l’Institut National de Recherche sur les Transports et leur Sécurité, cet EPST qui se voulait si particulier et revendiquait sa différence [pour être honnête, je n’ai toujours pas vraiment compris ni le pourquoi, ni ce besoin…] par rapport à ses collègues plus renommés du CNRS ou de l’Inserm, par exemple. Aujourd’hui, cette EPST a disparu pour laisser place à l’Ifsttar (Institut Français des Sciences et Technologies du Transports, de l’Aménagement et des Réseaux) qui va lui-même bientôt disparaitre pour se dissoudre dans une structure plus conséquente, [je ne serais pas un peu chat noir moi ?]. Nous voyons ici l’évolution et les aléas des politiques nationales de recherche de ces dernières années, au gré de regroupement et autres mille-feuilles administratifs, qui font le plaisir de nos collègues étrangers amusés, mais je m’égare.

Puis, j’ai découvert ce domaine de la Protection des Usagers, qui n’est pas à proprement parler une discipline scientifique, mais plutôt un agrégat de compétences multidisciplinaires au service la sécurité des personnes au sein des systèmes de transports. J’ai également abordé à bras-le-corps [si j’ose dire], celui non moins étrange de l’Expérimentation Biomécanique sur sujets humains. J’ai également « traîné mes guêtres » dans les arcanes des projets et réseaux européens. Bref, j’ai découvert un univers de recherche très appliquée, on dit parfois finalisée, [bien que je sois convaincu

que l’on y fasse aussi de la Science, voir même de la Recherche…], scientifiquement et

intellectuellement passionnant, et riche en rencontres, amitiés et autres.

Cette carrière s’est effectuée au sein du Laboratoire de Biomécanique et Mécanique des Chocs, le LBMC, qui s’est dénommé un court moment Laboratoire de Biomécanique et de Modélisation Humaine, feu LBMH. J’ai vu et participé à l’évolution de ce laboratoire de recherche. Il est, depuis 2007, devenu l’UMR_T9406, c’est-à-dire, pour les non-initiés, une Unité Mixte de Recherche entre l’Ifsttar et l’Université Lyon 1 (Claude Bernard). J’ai eu l’honneur d’assurer sa direction de 2007 à 2015 [nous en reparlerons plus loin], et je profite, au passage, pour remercier ceux qui m’ont accordés leur confiance et leur soutien au moment de postuler à cette lourde fonction, c'est-à-dire Jean-Pierre Verriest et Dominique Cesari, de fameux prédécesseurs à cette mandature et surtout mes mentors dans le domaine de la biomécanique appliquée à la sécurité des transports. Puisque j’en suis aux remerciements je ne saurais oublier Pierre Lapelerie avec qui j’ai partagé de nombreux moments à préparer et réaliser les expérimentations biomécaniques décrites dans cette HDR. Ainsi que, bien évidemment, le Docteur Michelle Ramet sans qui je ne serais rien dans ce métier et d’ailleurs n’y serais tout simplement pas. Et enfin, Jean-Pierre Medevielle pour sa bienveillance, que je ne suis pas sûr de mériter, à mon égard. La confiance de personnes aussi remarquables m’aide chaque jour à avancer.

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Avant-propos

Il fallait au milieu de tout cela un thème scientifique fédérateur de mes activités, par opportunités, un peu, et par choix, beaucoup, ce fut l’étude du comportement biomécanique tronc, à savoir le thorax et l’abdomen, lors d’un choc pour améliorer la protection des usagers des transports, d’où le titre de ce mémoire. Il parait en effet, qu’il faut une certaine cohérence dans ses thématiques de recherche pour être un bon chercheur [au moins jusqu’ici tout va bien…]. Mes divers travaux sur ce thème sont développés dans la suite du mémoire que j’ai souhaité écrire d’une manière telle qu’il soit agréable à lire, didactique, parfois drôle et en tout cas utile aux futurs lecteurs. J’espère y être arrivé. La forme pourra, peut-être, surprendre, j’espère que mes amis rapporteurs ne m’en tiendront pas rigueur. En même temps, si vous, lecteurs, parcourez ces lignes, c’est que la réponse à l’interrogation précédente fut positive.

J’ai dit que je ne parlerai pas de ma thèse dans ce mémoire. Parfois, il m’arrive de dire des bêtises. Alors pour les curieux voici son titre : Caractéristiques spatiales et

spectrales d’un écoulement turbulent instationnaire en canal. Il s’agit de turbulence [de la vraie Science et vraie Recherche…], et bien que la biomécanique humaine puisse traiter aussi de

problèmes de fluides, et que le mot « biomécanique » apparaisse dans le premier paragraphe de l’introduction de ma thèse [comme quoi, c’était écrit…] on est bien loin du sujet qui nous intéresse.

Dans ce travail de thèse, on y parle de tourbillons, de leur naissance, de leur vie et de leur mort, de l’énergie qu’ils créent, qu’ils dissipent et qu’ils transfèrent aux plus petits. Cela ressemble beaucoup à la vie d’un chercheur qui crée de la connaissance et la transfère aux plus jeunes. Je voulais donc en profiter ici pour remercier les personnes que j’ai côtoyées là-bas au pied des montagnes iséroises et sans qui non plus je n’aurais probablement pas pu écrire ces lignes.

Comme on dit dans les génériques de film, dans l’ordre d’apparition à l’écran : Paul Attané [le monde étant petit, j’ai ensuite collaboré avec sa fille, dans plusieurs projets

européens traitant de sécurité passive] qui a ouvert mes yeux et mon esprit de jeune

étudiant sans but en m’intéressant à la mécanique ; l’immense Jean-Pierre Germain, mathématicien, physicien, mécanicien des fluides et pêcheur à la ligne, et l’inénarrable Yves Gagne qui m’ont donné le goût de la mécanique des fluides et transmis un savoir toujours très utile au moment d’aborder un problème complexe de mécanique, et croyez-moi la biomécanique humaine en est un ; les passionnés et passionnants Gilbert Binder et Sedat Tardu, mes directeurs de thèse, qui m’ont donné le goût de la recherche et surtout de l’expérimentation. A vous tous un grand merci !

Mais trêves de balivernes, il est temps d’entrer dans le vif du sujet. Alors, à vous qui êtes tombés par hasard ou par choix sur ce document, je vous souhaite une bonne et agréable lecture.

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Chapitre 1

Une approche biomécanique de

la sécurité des transports

” Un conducteur dangereux, c'est celui qui vous dépasse malgré tous vos efforts pour l'en empêcher „ [Woody Allen, réalisateur, scénariste, acteur et humoriste américain, 1935- ]

Quelle sécurité ?

L’Ifsttar, et précédemment l’Inrets où j’ai commencé ma carrière, a plusieurs missions liées aux transports, dont l’une principale touche à leur sécurité, la prévention des accidents et, particulièrement, la sécurité de la circulation routière. Cette mission de service public a été continument mise en exergue à travers les axes de recherche des divers contrats d’objectifs et de performance de l’Institut qui ont jalonné ma carrière et auxquels j’ai contribué. Ces axes et objectifs ou domaines, selon les modes, se sont appelés : « Transports et Santé - Accidentologie, biomécanique, santé » (2010-2013), « Analyser et innover pour une mobilité durable et responsable - Renforcer la sécurité et le confort dans les transports et minimiser les impacts sur la santé » (2013-2016) et, enfin, « Transporter efficacement et se déplacer en sécurité - Renforcer la sécurité et l’ergonomie des déplacements, pour une mobilité sereine et respectueuse de la vie humaine » (2017-2020).

On voit bien à travers ces différents intitulés les diverses évolutions de la société vis-à-vis de la sécurité routière, mais celle-ci reste une préoccupation majeure. Certains collègues utilisent parfois la terminologie d’insécurité en lieu et place de sécurité. Cela m’a et fait parfois sourire mes collègues étrangers et a donné lieu à des débats internes animés dont les Sciences Humaines ont le secret, mais c’est symptomatique de l’ampleur que ce problème représentait (et représente encore) en France et ailleurs. On voit bien également le lien étroit entre sécurité routière et santé. En effet, protéger les usagers des transports contre les conséquences d’un accident, et d’une manière générale améliorer la mobilité des personnes d’un point de vue de l’accessibilité, du confort et de leur sécurité, est un moyen d’améliorer la santé et le bien-être des personnes au quotidien.

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Une approche biomécanique de la sécurité des transports

~ 6 ~

Cette parenthèse refermée, et puisque que l’on aime bien les catégories, je me situe, disciplinairement dans le domaine de la Biomécanique où je m’occupe d’ailleurs seulement, en tant que chercheur, d’une petite partie de la biomécanique, celle dite des chocs. En fait, pour être totalement honnête, j’utilise la biomécanique (des chocs) pour faire de la sécurité passive ou secondaire (c’est selon) par opposition, amicale, avec la sécurité active ou primaire.

J’avoue humblement que ces distinctions me sont encore, parfois, quelque peu absconses. Je ne dois pas être le seul et pour [ne pas] résoudre ce conflit intellectuel [sic], on parle, de plus en plus à présent, de sécurité intégrée surtout avec l’arrivée prochaine des véhicules autonomes. Toutefois, pour éclairer le lecteur éventuel [que je

remercie…], je ne résiste pas au plaisir de citer le Professeur Claude Got, et son très

détaillé site Internet, www.securite-routiere.org, qui traite de cette importante question de la sécurité routière. Sa définition, rapportée telle que, est la suivante :

« Sécurité : terme général caractérisant l’absence de danger. En pratique, le risque nul n’existe pas et un ensemble de dispositions tente de le réduire. Il est commode de diviser les actions humaines dans ce domaine en trois classes en fonction du moment où l'on agit par rapport à l'accident : sécurité primaire, secondaire ou tertiaire. D'autres modes de classification ont leur intérêt en attirant l'attention sur les mécanismes utilisés pour réduire le risque. La distinction entre la sécurité active et la sécurité passive recoupe en grande partie les notions de sécurité primaire et de sécurité secondaire. La sécurité peut impliquer une action qui intervient pour prévenir l'accident, par exemple une amélioration de la formation du conducteur ou un dispositif mécanique prévenant le blocage des roues au freinage.

La sécurité est passive quand le mécanisme n'implique pas une action mais est la conséquence d'un état de fait. Avoir un véhicule dont l'habitacle résiste bien aux déformations lors d'un choc, porter un casque relève de la sécurité passive. […]

Sécurité primaire : réduction du risque produite par une diminution du risque d’accident. Elles concernent aussi bien l’usager, (formation, réglementation encadrant son comportement, expérience), que le véhicule (freinage, tenue de route, réduction de puissance) et l’environnement (feux, ronds-points, séparation des chaussées). […]

Sécurité secondaire : réduction du risque produite par la protection de l’usager qui n’a pu éviter l’accident. Une modification de la structure du véhicule (habitable rigide et avant déformable, meilleure conception du volant et de la colonne de direction), une ceinture de sécurité, un sac gonflable, un casque, améliorent la sécurité secondaire. Malgré les progrès considérables effectués par les constructeurs depuis une trentaine d'années il y a encore des progrès possibles en sécurité secondaire, aussi bien dans les chocs frontaux que latéraux, ainsi que dans la réduction de l'agressivité des véhicules vis-à-vis des usagers extérieurs. […]

Sécurité tertiaire : réduction du risque produite par une meilleure prise en charge de l’usager accidenté. Le développement des secours, l’amélioration de leur qualité améliorent la sécurité tertiaire. La réduction porte à la fois sur la mortalité, sur le risque d’aggravation des lésions au cours du transport et sur le risque de séquelles. […]. »

Ainsi donc, à l’instar de Monsieur Jourdain1, je ferais de la sécurité passive et

secondaire. Au final, ce qui m’a intéressé au cours de mes recherches, ce sont les, soyons généreux, 300 à 500 millisecondes que durent le choc lors d’un accident. A force, de réduire ainsi le périmètre de mes recherches, on va finir par penser que je suis un peu fainéant, ceci étant, comme on va le voir dans la suite, et selon le principe d’Heisenberg, ce périmètre va encore se restreindre mais sa complexité s’accroître. Revenons à nos accidents et voyons comment nous en sommes arrivés là.

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Quelle sécurité ?

Comme le souligne Claude Got, les progrès en termes de diminution des tués et blessés graves de la route sont surtout liés aux effets de la sécurité primaire. Par exemple, on est prompt en France à associer la chute soudaine, continue et importante des tués sur la route à l’introduction massive des radars automatiques le long des routes. Pour autant l’apport de la sécurité passive n’est certainement pas négligeable. J’ajouterais, cependant, qu’il est très difficile d’évaluer précisément la contribution de cette sécurité passive. Toutefois, certains ont essayé.

Jean-Yves Le Coz, qui a longtemps dirigé le LAB, le laboratoire d’accidentologie et de biomécanique commun à PSA et à Renault, avec lequel j’ai collaboré, et qui traite de ces questions pour les deux constructeurs français, suggère par exemple, que l’introduction d’un limiteur d’effort dans les ceintures de sécurité à réduit de 20 % le nombre de blessures thoraciques graves ou mortelles pour un effort exercé sur le thorax limité à 6 kN et cette réduction atteindrait près de 80 % si l’on diminue encore l’effort jusqu’à 4 kN ! Le réseau européen EVPSN2 auquel j’ai

contribué, a estimé dans son agenda stratégique « Roadmap of future automotive passive

safety technology development » à 36 % la réduction possible de l’ensemble des blessures,

toutes catégories de choc confondus, grâce uniquement à des mesures de sécurité passive, et ce, à l’horizon 2030 (EVPSN, 2004).

[Entre parenthèses, ce réseau EVPSN a donné suite à un réseau d’excellence APSN3, qui

lui-même a donné vie au Centre Virtuel d’Excellence ISN4 que j’ai présidé de 2010 à 2013 en

succession de Jean Pierre-Verriest (encore lui !)].

Une étude menée dans 3 pays européens (Pays-Bas, Royaume-Uni et Suède) a estimé que, entre 1980 et 2000, le nombre de décès sur la route a diminué de 15 à 20 % grâce à la mise en œuvre de mesures de sécurité passive (SUNFLOWER, 2002).

Cet impact de la sécurité passive est à comparer avec les autres types de mesures misent en œuvre par les pouvoirs publics. Par exemple, d’après cette étude, le contrôle de l’alcoolémie aurait un taux similaire, les actions sur les infrastructures seulement un impact de 5 à 10 %. Les mesures de prévention, éducation ou formation auraient contribué pour 7 à 18 %. S’il fallait, enfoncer le clou, ce même rapport donne des contributions à la réduction des tués de 15 à 20 % pour le port de la ceinture, qui est évidemment une mesure de sécurité passive.

Ces quelques données illustrant l’efficacité des systèmes de protections en sécurité passive viennent du terrain, des études d’accidents. Un moyen, [j’allais dire

plus objectif], d’évaluer la qualité de la protection offerte par ces systèmes aux

occupants des véhicules, ou aux usagers vulnérables agressés par les véhicules en cas de choc, est la réalisation d’accidents reproduits en laboratoire. Des « crash-tests » si vous préférez. Par exemple, les programmes NCAP, pour « New Car Assessment Programme », dont le premier fut créé en 1978 par la NHTSA5, développent un

système de notation de la protection des véhicules vis-à-vis des occupants, mais aussi des usagers vulnérables (piétons) heurtés par le véhicule. Cette notation (matérialisé par les étoiles NCAP), à destination des consommateurs, permet ainsi de mieux appréhender et comparer la protection offerte par chaque véhicule.

2 EVPSN : European Vehicle Passive Safety Network. Thematic Network GTC1-2001-43021, 5e PCRD 3 APSN : Advanced Passive Safety Network. Network of Excellence TNE3-CT-2003-506257, 6e PCRD 4 ISN : Integrated Safety Network. Center of Excellence

(19)

Une approche biomécanique de la sécurité des transports

~ 8 ~

Ceci est différent de l’homologation qui est une procédure oui/non pour un véhicule et non pas d’évaluation entre véhicules. Toutefois, dans les deux cas des crash-tests sont réalisés avec des mannequins à bord (Fig. 1-1). Ces mannequins, dont nous verrons plus loin que j’ai largement contribué à développer et améliorer, sont des outils d’évaluation du risque lésionnel. Ils sont instrumentés afin d’extraire des grandeurs physiques issues du choc et intrinsèques au corps humain. Ceci afin de calculer des critères de blessures et de déterminer le risque lésionnel associé (correspondant à une probabilité de survenue de blessures de gravités supposées a

priori). Tout ceci repose, évidemment, sur des recherches en biomécanique des chocs,

dont certaines (les miennes) seront présentées dans les chapitres suivants. Mais revenons à l’impact de la sécurité passive sur la santé des personnes.

Barrière déformable, 40 % de recouvrement Barrière rigide, 100 % de recouvrement Fig. 1-1 : Euro NCAP tests frontaux (Source : www.euroncap.com).

Il existe à présent des programmes NCAP dans plusieurs pays : USA, Amérique du Sud, Japon, Chine, Corée du Sud, Australie et bien sûr l’Europe. En 1997, l’Euro NCAP a lancé ses premiers tests en choc frontal à 64 km/h, soit un an avant l’application de la réglementation européenne réglementation qui elle se contente de 56 km/h. Malgré la sévérité et la rigueur accrue des crash-test, rapidement, les constructeurs ont perçu l’intérêt et les bénéfices commerciaux à tirer d’un bon score aux tests Euro NCAP (les fameuse 5 étoiles). La Commission européenne a estimé que ces tests ont « fait avancer de 5 années les bénéfices attendus de la

nouvelle législation » (EUROPEAN COMMISSION,2000) et, en 2003 (EUROPEAN COMMISSION,

2003), a noté que « les voitures évaluées à cinq étoiles ont un risque d'accident mortel intrinsèque

de 36 % moindre que les véhicules qui sont simplement conçus pour répondre à la réglementation ».

En 2002, il a été estimé qu’une amélioration de la protection des occupants (sécurité passive) de 4 à 5 étoiles réduit le risque de blessures fatales de 12 % (LEE etTINGVALL,

2002). Une mise à jour en 2010 de cette publication montre que les véhicules 5 étoiles à l’Euro NCAP entrainent un risque de blessures fatales très largement inférieures à celles notées 2 étoiles. La réduction du risque serait, pour des collisions entrainant le décès ou des blessures sérieuses, de 23 % (KULLGREN et coll.,2012).

On peut, en tout cas, c’est parfois mon cas, rester quelque peu circonspect ou dubitatif devant de tels chiffres issus soit de la bonne volonté politique assimilable parfois à de la méthode Coué, soit de l’accidentologie qui comme on va le comprendre bientôt n’est pas ma tasse de thé. De multiples facteurs interviennent dans les mécanismes des accidents et à leur diminution, qu’ils soient comportementaux ou liés à des évolutions technologiques de sécurité active ou passive. Faire la part de chaque chose est une tâche délicate, dont je ne suis d’ailleurs pas expert.

(20)

Protéger l’usager : une question de choix et de priorités

Toutefois, j’ai acquis, la conviction qu’une part non-négligeable de l’amélioration de la sécurité des moyens de transport est liée directement à la sécurité passive et donc à la biomécanique des chocs. De toute façon, accidents ou pas, mes [nos] recherches en biomécanique des chocs servent avant toute autre chose à développer des outils d’évaluation de la protection des usagers des transports. En effet, tout système de protection se doit d’être efficace même, et c’est souhaitable, s’il ne sert jamais. Comme on dit « mieux vaut prévenir que guérir…». C’est pourquoi ce mémoire s’intitule : la protection des usagers des transports : une approche biomécanique de la prédiction du risque lésionnel.

Protéger l’usager : une question de choix et de priorités

Traiter de sécurité passive ou secondaire est un domaine très large et une carrière de chercheur ne suffirait pas. Développer des recherches dans ce domaine est, tout d’abord, un problème de choix, de décision en fonction de priorités. Quelle(s) configuration(s) d’accident(s) nous étudier ? Quel(s) usager(s) allons-nous tenter de protéger au mieux ? Quelle(s) partie(s) de son corps ? Quelle(s) typologie(s) de blessures allons-nous, si ce n’est éradiquer, du moins diminuer ?

Plus la connaissance avance sur ces questions, plus l’échelle d’observation se réduit, plus la difficulté s’accroît. Enfin, il faut utiliser ces connaissances pour développer des outils. Ces outils serviront à prédire et simuler le comportement de l’individu lors de l’accident ou du choc, et à évaluer le risque lésionnel qu’il ou elle pourra encourir. Ah oui, j’ai oublié de préciser, mais on l’aura compris, ce qui nous intéresse dans notre domaine d’investigation, c’est l’individu, l’être humain, et non pas le véhicule. Je suis toujours très amusé lorsqu’après avoir dit où je travaille qu’on me demande : « Quelle est la voiture [qu’il ou elle] doit acheter ? ». En fait, je n’en sais rien ! Un indice : le nombre d’étoiles obtenues aux crash-tests de l’Euro cap, vous l’aurez compris, est un indicateur fiable de la qualité d’un véhicule en terme de sécurité, car basé sur une évaluation de critères de blessures. J’ai longtemps participé au Groupe de Travail 12 « Biomechanics & Dummies » du EEVC6, j’étais même le

« champion » du choc frontal, dont les travaux servaient de recommandations et d’aide à la décision de la Commission Européenne ou de l’ONU pour les réglementations UNECE7 en matière de protection des usagers et d’homologation

des véhicules. Les résultats de ce groupe de travail européen étaient également très utiles pour le programme NCAP afin de définir leur procédure de tests. Malheureusement, aujourd’hui faute de volontés politiques fortes et coordonnées des états sur la protection des personnes, ce comité EEVC est plongé dans un sommeil profond au point qu’on pourrait le rebaptiser « la belle au bois dormant ». Bref…

Pour nous, le véhicule, son comportement, n’est que la condition d’entrée de notre problème de (bio)mécanique que l’on va tenter de résoudre. Nous y voilà, il s’agit donc bien ici de résoudre un problème de mécanique appliquée à l’être vivant, c'est-à-dire de traiter de Biomécanique8 et contrairement à certains collègues, j’attache

dans ce terme, une plus grande attention au mot mécanique qu’au préfixe bio.

6 EEVC : European Enhanced Vehicle-Safety Committee 7 UNECE : United Nations Economic Commission for Europe

8 Bio : Du grec ancien bios, « la vie en soi, l'existence ». Mécanique : Du latin mechanicus, mechanica, du grec

μηχανικός, μηχανική, « art de construire les machines » : a) Branche de la physique concernant le mouvement des corps

solides,[…] , c) Mécanisme de fonctionnement de tout corps Source : Centre National de ressources textuelles et lexicales. CNRS

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Protéger l’usager : une question de choix et de priorités

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Quand j’étais sur les bancs de l’Université de Grenoble, à écouter les cours de mécanique, j’ai retenu qu’un problème de mécanique « bien posé » est : un problème où l’on connaît la géométrie du système considéré, la loi de comportement des matériaux composant les solides impliqués, les conditions aux limites et initiales. Parfois, il manque certaines informations, on peut s’en sortir par des méthodes numériques telles que l’identification, l’optimisation, les méthodes de tir ou de Monte-Carlo, les méthodes inverses, que sais-je encore… La difficulté s’accroît dès lors que l’on ne connaît pratiquement aucune de ces informations, ce qui très souvent le cas en biomécanique des chocs et dans l’étude de la tolérance humaine aux chocs.

En résumé, la biomécanique des chocs appliqués à la sécurité dans les transports est un « problème de mécanique très mal posé ». Mais nous reviendrons plus loin sur ce point, concentrons-nous d’abord sur la définition de nos priorités et de nos choix. L’étude des accidents de la route, c'est-à-dire l’accidentologie, nous permet de définir nos priorités de recherche avec comme critères de choix, la fréquence ou la sévérité des accidents, la gravité des blessures ou leur coût sociétal voire l’impact sur l’opinion publique. Ces paramètres évoluent au cours du temps, grâce aux progrès des véhicules et de la sécurité primaire [ces empêcheurs de chercher en

rond qui veulent supprimer les accidents]. Personnellement, je me suis focalisé sur le choc

frontal plus par opportunité d’ailleurs que par choix, car c’est pour collaborer à des projets européens traitant de ce problème que j’ai initialement rejoint le LBMC. Toutefois, ce choix, fait par les instigateurs de ces projets, a été dicté par des considérations d’accidentologie.

En effet, le choc frontal représentait, en 2001 dans l’Union Européenne 46 % des tués lors de collisions de véhicules (KLANNER,2001) et 28 % lorsque l’on inclut

les tués liés aux accidents piétons et deux roues (ETSC9, 2001 cité dans EVPSN2

« Roadmap of future automotive passive safety technology development », 2004). KLINICH et coll. (2010)

rapportent qu’il y a 1,5 plus de blessures en choc frontal qu’en choc latéral. Aux USA des valeurs similaires sont également observées, à savoir 43 % des décès arrivent lors de collisions frontales, ce qui en fait la configuration de choc créant le plus de décès (RUDD et coll. 2009). Pour toutes ces personnes touchées, le thorax reste, en dépit des

progrès notable en matière de protection offert aux usagers des transports, l’un des segments corporels le plus fréquemment et sévèrement touché.

Les données d’accidents collectées à travers le monde montrent que les lésions thoraciques comptent pour environ 20-25 % des décès liés à des séquelles d’accidents10. Au sein de l’Union Européenne (celle des 17), l’étude d’accidentologie

d’un des projets auquel j’ai participé (le projet européen FID11) a montré que les

blessures thoraciques représentent 30 % des décès sur la route (VAN DON et coll.

2003 a12). Ce taux élevé corrobore les données américaines, où les lésions du thorax

arrivent en second pour les blessures les plus fréquentes lors des accidents de la route et représentent approximativement 29 % de toutes les blessures (qualifiable de sérieuses et plus) AIS ≥ 3 observées (MULLIGAN et coll. 1994).

9 ETSC : European Transport Safety Council

10 http://www.worldwidewounds.com/2002/october/Bowley/Patterns-Of-Injury-MVAS.html

11 FID: Improved frontal impact protection through a world Frontal Impact Dummy. Collaborative Project

GRD1-1999-10559, 5e PCRD

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Protéger l’usager : une question de choix et de priorités

Les observations de FID ont été mises à jour par les projets européens PRISM13 (2003) et VC-Compat14 (2006), qui ont confirmé l’importance de ces lésions

thoraciques lors d’accidents avec décès ou blessures graves, ceci tant pour les conducteurs que pour les passagers avants, tout en soulignant le sur risque rencontré par les femmes comparativement aux hommes.

L’accidentologie nous indique donc que le thorax est un segment corporel très fréquemment et sévèrement touché (Fig. 1-2) et est une priorité des recherches de notre communauté scientifique. A tel point que l’Europe a financé lors du 7e PCRD

un projet collaboratif, nommé à juste titre « THORAX15 » ayant pour objectif des

avancées majeures tant en modélisation qu’en mannequin de crash tests, le mannequin THOR en particulier.

Ce projet, dans la partie à laquelle j’ai contribué, couplait expérimentation– simulation pour décrire précisément les mécanismes lésionnels du thorax en choc frontal en tenant compte de la variabilité inter-individu. En effet, au-delà des considérations purement technologiques sur la capacité et l’efficacité de systèmes de protection en vigueur, le thorax est encore mal protégé de par les lacunes, encore importantes, sur la connaissance scientifique de son comportement aux chocs et c’est bien essentiellement cette question qui me préoccupe aujourd’hui. Les résultats de ces travaux sont présentés dans la suite.

Fig. 1-2 : Distribution des blessures codifiées AIS+2 (gauche) et AIS+4 (droite) par segment corporel pour les occupants avant d’automobile construite entre 1996 et 2004 (Source base de données du Royaume Uni CCIS : Co-operative Crash Injury Study).

La fréquence des blessures n’est pas le seul critère pour définir nos priorités, la gravité des blessures est également un élément important à prendre en compte. Au cours de mes recherches, je me suis également intéressé aux blessures de l’abdomen. Pourquoi cet intérêt pour l’abdomen, qui est assez peu fréquemment lésé ?

13 PRISM: Proposed Reduction of car crash Injuries through improved SMart restraint development technologies.

Collaborative Project G3RD-CT-2002-00848, 5e PCRD

14 VC COMPAT: Improvement of Vehicle Crash COMPATibility through the development of crash test procedures.

Collaborative Project GRD2-2001-50083, 5e PCRD

15 THORAX: Thoracic injury assessment for improved vehicle safety. Collaborative Project SST-2012-RTD-1 GA 218516,

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Une approche biomécanique de la sécurité des transports

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Tout simplement parce que la proportion des blessures abdominales augmente avec la gravité des blessures. En d’autres termes plus les blessures sont graves, plus on trouve des blessures de l’abdomen (environ 20 % des blessures critiques). LEE et YANG (2002) observent que l’abdomen passe du 7e rang (toutes blessures) au 3e rang si

l’on se restreint aux blessures sévères (AIS 3 et plus, la notion d’AIS sera introduite plus loin soyez patient). YAGUCHI et coll. (2011) eux aussi donnent ce même classement

(les champions restant la tête et le thorax), ce qui est intéressant dans leurs données, c’est qu’ils ont regardé le nombre de décès divisé par la totalité des blessures de toutes gravités. Dans ce classement, l’abdomen devient le 1er segment corporel. Ce

qui est également intéressant, et d’intérêt pour les constructeurs, c’est que ce sont les passagers arrières qui sont les plus touchés, 1,9 fois plus que le conducteur et 1,5 fois plus que le passager avant (MARTIN et coll., 2010).

Et là où cela devient vraiment intéressant, c’est qu’il n’existait pas de mannequin de chocs suffisamment bien instrumenté et avec un critère de blessure pertinent pour prédire ce risque abdominal. Cette lacune a guidé mes travaux sur l’abdomen et sur le mannequin THOR [encore lui] à travers deux collaborations industrielles fructueuses. D’une part avec le LAB PSA-Renault et d’autre part avec Toyota Motor Europe, qui s’est finalement concrétisé en 2016 par un projet commun entre ces constructeurs et le LBMC.

Afin de faciliter la compréhension de ce qui vient d’être dit et de ce qui va suivre, il est nécessaire d’introduire à ce stade la notion de gravité de blessure et les échelles permettant de la qualifier, à défaut de la quantifier. Il existe plusieurs manières de coder les blessures en fonction des différentes chapelles d’accidentologie ou de traumatologie et je ne rentrerais pas dans ces querelles, pardon, détails ici. Pour ce qui nous concerne et d’une manière générale et très simplifiée, la gravité des blessures va de « modérée » à « sévère », selon l’échelle, a priori la plus courante, l’AIS (AAAM, 1990) qui donne une cotation de la « qualité » des blessures de 0 (indemne) à 6 (décès sûr) :

Valeurs de Gravité des blessures avec quelques exemples pour le thorax: 1 – mineure : contusion cage thoracique ; 2 – modérée : plaie de la plèvre ;

3 – sérieuse : 2 à 3 fractures de côtes ; 4 – sévère : volet thoracique instable ; 5 – critique : lésion d’une coronaire ;

6 – mortelle : perforation ou rupture d’aorte.

La typologie des blessures observées, et par conséquent, la classification de leur sévérité, vont être fonction de la configuration de l’accident (le choc frontal pour nous), des organes lésés et des mécanismes lésionnels mis en œuvre. En des termes plus Mécanique, on doit connaître la direction et l’amplitude des efforts exercés, le type (c'est-à-dire la loi de comportement ou la réponse biomécanique) des matériaux biologiques concernés et les modes d’endommagement des structures impactées ou plus généralement soumises à un chargement dynamique.

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Ce que l’on apprend aussi de l’accidentologie

Ces quelques données de l’accidentologie montrent l’ampleur du problème qui dure depuis plusieurs décennies. Au point qu’on peut se demander depuis le temps ce que l’on fout ! Plus sérieusement, la perception sur le terrain des améliorations de la sécurité est une question qui prend du temps. En effet, il faut tout d’abord qu’une flotte suffisante de véhicules équipés de nouveaux systèmes de sécurité soit en circulation. Il faut, ensuite, un nombre suffisant d’accidents mortels ou graves pour que les statistiques sur les blessures soient significatives et ceci, fort, heureusement, prend en effet un certain temps. On peut espérer qu’avec les progrès de la sécurité primaire et active et notamment les véhicules à délégation de conduite (ou, autrement dit, autonome) le nombre d’accidents va diminuer drastiquement. Nous en reparlerons plus loin dans ce mémoire. Une alternative ou, plutôt, un complément, que je défends ardemment, aux études détaillées d’accidents consisterait en une approche virtuelle systémique qui permettrait de simuler les accidents avant qu’ils n’arrivent et vérifier a priori l’efficacité des systèmes de protection, d’aide à la conduite et d’aménagement. Nous en reparlerons également au moment où j’aborderais le « Voyageur Virtuel ».

Voilà ainsi notre priorité définie, à savoir : réduire le risque lésionnel du

thorax et de l’abdomen en choc frontal. J’ai fait le choix, d’abord dicté par les

circonstances puis par l’intérêt scientifique que cela représente de traiter cette priorité selon deux axes de recherche : la caractérisation expérimentale du comportement biomécanique

et de la tolérance au choc de l'être humain et le développement de modèles humains, mécanique ou numérique, pour la simulation du comportement aux chocs et l’évaluation des systèmes de protection.

Ces deux axes seront abordés de concert dans ce tapuscrit [ben oui, car tapé et non pas

écrit à la main…].

Pour poser correctement ce problème de mécanique, nous avons besoin des informations nécessaires, à savoir : conditions initiales et conditions aux limites, géométrie et lois de comportement. Les premières d’entre elles sont données avec plus ou moins de précisions par l’étude des accidents dont je dirais quelques mots dans la prochaine section. Les suivantes seront développées, entre autres, en détails dans les divers chapitres de ce mémoire.

Ce que l’on apprend aussi de l’accidentologie

J’aurais pu appeler cette section « ce que l’on n’apprend pas de l’accidentologie » mais j’aurais été taxé de mauvais esprits, et ce n’est pas mon genre [sic]. Comme je l’ai laissé entendre, je ne suis pas un fan de l’accidentologie, même si je dois reconnaître qu’elle fournit des indications précieuses et utiles, mais n’est pas, comme on veut trop souvent nous le faire croire, le point d’entrée incontournable et indispensable de nos recherches en biomécanique des chocs. Et non ce n’est pas contradictoire avec la section précédente. L’accidentologie fournit des renseignements sur la position des blessés ou tués, leur âge, leur genre, etc. Ou encore sur le nombre de blessures, leur localisation, leurs typologies (ici, on est plus dans le domaine de l’épidémiologie). Toutefois, et finalement, c’est leur rendre hommage, il est extrêmement difficile d’analyser ces données collectées sur le terrain, les « real life data » comme disent mes collègues étrangers. Les méthodes de collecte sont variées, contradictoires (parfois) et obscures (souvent, en tout cas pour moi).

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Une approche biomécanique de la sécurité des transports

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On a vu précédemment que l’accidentologie nous a permis d’identifier un certain nombre de priorités en termes de segments corporels à étudier par la fréquence ou la sévérité des lésions consécutives à un accident. Ces segments ainsi identifiés, la première question que l’on se pose pour étudier la réponse du thorax ou de l’abdomen d’un point de vue mécanique en dynamique est : quelles sont les conditions de chargement, c'est-à-dire les conditions aux limites et initiales. Ou pour l’accidentologue : quelles sont les conditions de l’accident qui ont ou vont entraîner des blessures. Cela peut être la vitesse du véhicule au moment de l’impact, sa décélération moyenne ou maximale. Ici, nous avons à faire aux paramètres physiques de l’accident que l’on connaît avec plus ou moins de précisions. Mais les conséquences d’un accident sont aussi fortement influencées par de nombreux autres paramètres que l’on peut qualifier « d’extérieures » à l’accident : le véhicule est-il équipé de dispositifs de retenue (ou de système de sécurité ou de protection), lesquels ? Sont-ils utilisés de manières optimales ? L’habitacle est-il intact, y a-t-il eu intrusion, c'est-à-dire pénétration ou remontée d’une partie mécanique du véhicule dans l’habitacle ? Etc.

Au cours de mes recherches, je ne réponds pas à ces questions, mais ces paramètres doivent être gardés à l’esprit lors de la définition des conditions de chargement, les fameuses conditions aux limites et initiales de notre problème de mécanique « bien posé » que l’on va reproduire en laboratoire. L’élément fondateur de mes recherches étant bien évidemment l’établissement du paradigme le plus complet et efficace possible. Le problème est que, en fonction des divers développements technologique liés à nos recherches ou aux progrès de la sécurité active ou, encore, à l’imagination sans fin des concepteurs et autres designers, ces conditions de chocs évoluent. Il faut donc sans cesse remettre à plat notre compréhension et revoir les niveaux de sollicitations rencontrées réellement et par conséquent celles à reproduire dans nos laboratoires.

Par exemple, le mannequin de choc réglementaire actuel, l’Hybrid III (Fig. 1-3), a été imaginé dans les années 70 et le comportement de son thorax validé pour des sollicitations de l’ordre de 4,5 à 6 ms-1 avec impact direct sur le sternum (KROELL et

coll. 1971). En effet, à cette époque, les airbags n’existaient presque pas et le port de la ceinture de sécurité était plus que marginal. Le choc rencontré était donc un impact direct et violent avec le volant et la colonne de direction. Aujourd’hui, avec la combinaison airbags – ceinture de sécurité à effort limité, les conditions de chocs sont totalement différentes. Les vitesses de sollicitations sont plus proches de 1 à 2 ms-1 et le chargement est plus distribué sur le thorax et au cours du temps.

L’Hybrid III est donc incapable de faire la différence, de discriminer, entre les différents systèmes de retenue. On observe même la situation incongrue que des systèmes de protection, à l’efficacité démontrée par l’accidentologie, peuvent avoir une note moindre lors des crash-tests Euro NCAP à cause du mannequin utilisé. C’est pourquoi un programme a été lancé dans les années 1990 par la NHTSA, puis avec le soutien de l’Europe, pour développer ce fameux mannequin de crash-test THOR qui m’a tenu compagnie de longues années (projets FID, Aprosys16,

THORAX, collaboration avec Toyota, activités pré-réglementaires à l’EEVC, …). Ce mannequin plus adapté aux véhicules actuels devrait être utilisé en réglementation (au moins aux USA) et dans les tests Euro NCAP.

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Ce que l’on apprend aussi de l’accidentologie

Fig. 1-3 :Mannequin de Crash testsHybrid III (Gauche) et THOR (Droite) (Source : www.humaneticsatd.com).

Un autre point important que nous apprennent les accidentologues et surtout les épidémiologistes, ce sont les typologies des blessures observées sur le terrain. Les informations obtenues recouvrent les descriptions AIS des blessures, mais d’une manière plus fine et détaillée que le simple tableau de la section précédente qui ne donne que la sévérité de la blessure.

L’épidémiologie nous renseigne également sur des statistiques mettant en regard nos conditions d’accidents (conditions initiales et limites) et les blessures ou lésions réelles qui sont finalement les résultats de notre problème de mécanique. Il est peut-être mal posé ce problème de mécanique, mais au moins on connaît le résultat, [ce qui au passage est l’inverse d’un problème de mécanique des fluides, bien posé lui, mais

dont on ne peut donner la réponse à cause de l’imprédictibilité de la turbulence, mais je m’égare…].

En outre, les médecins grâce à leur expérience de praticien clinique nous aident à formuler un certain nombre d’idées et de suppositions sur les mécanismes lésionnels susceptibles de générer ces blessures. Idées et suppositions que nous tentons de vérifier ou d’invalider par une approche scientifique et expérimentale en laboratoire.

En des termes plus scientifiques donc, il s’agit de définir les hypothèses sur les mécanismes de rupture et d’endommagement des matériaux et structures biologiques sous chargements dynamiques. Ceci va nous donner des pistes pour le choix des modèles à développer et à utiliser, ainsi que pour l’établissement de nos protocoles expérimentaux permettant l’étude et la compréhension physique et mécanique du comportement du corps humain lors d’un choc. Tout ceci constitue donc mon fameux problème de mécanique que nous devons résoudre ou ce que j’ai appelé et qui donne son titre à ce chapitre introductif : l’approche biomécanique de la sécurité dans les

transports.

L’accidentologie nous fournit donc des informations précieuses et des pistes d’investigation. Toutefois, elle est essentiellement dans le rétrospectif et fournit moult données statistiques pas toujours correctement interprétées et interprétables17

pour les non-initiés. De plus, les informations sur les conditions de chocs doivent être transformées en données utilisables pour l’expérimentateur. C'est-à-dire traduites en des paramètres physiques reproductibles et contrôlables en laboratoire.

17 « Par la statistique, je pourrais prouver l'existence de Dieu » [George Gallup, statisticien et sociologue américain

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Ce que l’on apprend aussi de l’accidentologie

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Enfin, les hypothèses sur les mécanismes de blessures doivent être vérifiées expérimentalement et formulées de manière physique et formelle (ou « analytique »). Enfin, il faut dans tout cela tenir compte d’autres paramètres tels que la position de l’occupant dans le véhicule, la direction du choc, l’âge et le genre du blessé ou tué, sa morphologie et sa posture, etc. Le décor étant planté, revenons à notre problème de mécanique : les conditions initiales et limites définies, [ça, c’est fait...], les lois de comportements et les réponses biomécaniques seront abordées plus loin. Intéressons-nous à la géométrie du système à étudier. L’anatomie quoi.

A quoi nous sert l’anatomie ?

L’approche courante en modélisation, influencée par le monde médical, consiste à reconstruire fidèlement le segment corporel à partir de l’acquisition de sa géométrie par imagerie médicale (coupes sériées, radiographie, scanner, IRM, etc.) afin de coller au plus près à l’anatomie. Bien que ces modèles aient une représentation anatomique précise, leur validation et les lois matérielles utilisées sont trop souvent négligées ou discutables, car généralement la difficulté d’obtenir ces informations et des relations exactes croit avec la complexité de la géométrie et le niveau de détail anatomique, c'est-à-dire finalement avec l’échelle d’observation. Or, validation et lois matérielles sont, selon moi, indispensables et indissociables d’un modèle biofidèle.

De plus, ces modèles ainsi établis ne correspondent qu’à un seul individu, parfois atypique, or on verra bientôt que la variabilité inter-individu est un élément fondamental de la compréhension du comportement humain aux chocs et que sa prise en compte par des méthodes de « personnalisation » et de « mise à échelle » est indispensable. Il s’agit, en fait, à mon avis, d’une sale manie qui traîne dans notre domaine et notre communauté de la biomécanique des chocs qui est de se focaliser, j’allais dire plonger la tête la première, sur l’acquisition de la géométrie humaine au détriment des modèles génériques paramétrés ou d’une approche plus stochastique. L’exemple typique est le développement du modèle corps entier en éléments finis HUMOS18, première version, pour lequel j’ai rejoint l’Inrets (ROBIN, 2001). Un temps

considérable du projet a, en effet, été dédié à trouver un sujet suffisamment proche de la cible anthropométrique visée. A en acquérir et reconstruire sa géométrie au détriment du développement du modèle lui-même. C'est-à-dire établir et valider son comportement. Le résultat final fut si décevant que lors du projet suivant HUMOS219,

coordonné par le LBMC et en grande partie par moi-même (VEZIN et VERRIEST,

2005), puis du projet intégré Aprosys, nous avons passé un temps non-négligeable à modifier cette géométrie initiale pour la rendre plus « standard », plus « moyenne » et donc moins « personnelle » (à ne pas confondre avec la personnalisation pour développer des modèles patient-spécifique). En particulier, un de mes doctorants (BERTHET et VEZIN, 2006) a mis en œuvre des méthodes de transformation de maillages par fonctions d’interpolations (RBF : Radial Basis Function, BUHMANN et

MARTIN, 2003) pour améliorer grandement, (Fig. 1-4), le thorax du modèle HUMOS2

Version Pam-Crash® (ESI Group éditeur). [Entre parenthèses, un autre exploit des projets

HUMOS a été d’arriver à 3 versions différentes du modèle (pour 3 éditeurs de codes) alors que l’ambition initiale était d’arriver à un standard harmonisé ... !].

18 HUMOS : HUman MOdel for Safety. Collaboratoive Project BE96 – 4169, 4e PCRD

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A quoi nous sert l’anatomie ?

Fig. 1-4 :Thorax du modèle HUMOS2 initial (Gauche) et modifié dans Aproys (Droite) sur la géométrie moyenne déterminée à partir de la base de données HUMOS2 de 64 personnes.

Outre les modèles HUMOS, dans leurs diverses versions, il existe aujourd’hui quelques modèles numériques du corps humain pour évaluer le risque lésionnel et la protection des usagers des transports. Parmi ceux-ci, deux sont particulièrement utilisés. Le modèle THUMS™20 (IWAMOTO et coll., 2002), développé par Toyota, que

nous avons utilisé dans le cadre de la thèse de Romain Desbats (DEBATS, 2016,

collaboration Toyota) et le modèle GHBMC21 (GAYZIK et coll., 2012). Le LMBC a,

pour ce dernier, créé l’abdomen. Je suis assez fier, en tant que directeur à l’époque, d’avoir lancé mon laboratoire dans ce projet et qu’il fut le seul centre de recherche non nord-américain sélectionné, (c’était un appel à projet fermé sur invitation), par ce consortium privé de constructeurs automobiles pour réaliser ce segment corporel particulièrement complexe.

Fig. 1-5 :Modèles numériques du corps humainHUMOS2 (Gauche), THUMS (Centre) et GHBMC (Droite).(Sources : BERTHET et VEZIN, 2006 ; SHIGETA et coll., 2009 ; GAYZIKet coll.,

2012).

20THUMS : Total Human Model for Safety, développé par Toyota Motor Corporation et Toyota Central R&D Labs 21

GHBMC : Global Human Body Model Consortium. Membre : General Motors Corp., FCA US LLC, Honda R&D Co., Hyundai Motor Co., Nissan Motor Corp. Ltd., PSA Peugeot-Citroën, Renault s.a.s., et Takata Corp. Participants : Ford Motor Co., PDB (Partnership for Dummy Technology and Biomechanics) et NHTSA. www.ghbmc.com

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Une approche biomécanique de la sécurité des transports

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Revenons à l’anatomie, je ne veux pas dire que la connaissance de l’anatomie n’est pas indispensable, mais elle n’est utile que si une analyse l’accompagne et si des paramètres géométriques ou structurels sont définis et quantifiés. En d’autres termes, le niveau de détail anatomique nécessaire dépend avant toute chose des phénomènes que l’on cherche à simuler, étudier et comprendre. Enfin, dans certains cas, il n’est pas toujours nécessaire de « sortir l’artillerie lourde » de l’imagerie médicale pour faire de bon modèle biomécanique.

Une méthode alternative et complémentaire, qui est privilégiée ici, consiste à appréhender le problème du point de vue des sciences pour l’ingénieur, principalement de la mécanique des structures, en considérant le segment comme une structure mécanique complexe composée de corps déformables interagissant entre eux. Cette approche utilise les méthodes élaborées, validées et utilisées couramment pour l’étude des systèmes mécaniques, et permet, entre autres exemples, de fournir des informations fondamentales pour valider à une échelle intermédiaire les modèles « anatomiques » cités précédemment. Par échelle intermédiaire, j’entends, une échelle située entre la validation globale traditionnelle, par exemple le développement de « corridors », et les lois de comportements des matériaux biologiques, c’est-à-dire la rhéologie.

Par exemple, une simulation correcte de la réponse dynamique des cotes peut être atteinte simplement à l’aide de la théorie des poutres (NIU et coll., 2007). La thèse de Michel Youssef (YOUSSEF, 2012), que j’ai codirigée, reprend ces résultats et

l’applique à l’ensemble de la cage thoracique comme on le verra plus loin. De même, certains résultats obtenus sur le comportement structurel et fonctionnel du thorax, par un de mes doctorants, relèvent aussi de cette approche méthodologique (VEZIN

etBERTHET ,2009).

Un autre exemple, l’influence viscoélastique du contenu intrathoracique peut être estimée très fidèlement (Fig. 1-6) grâce à des modèles analytiques de type masse-ressort plus ou moins complexes (KALEPS et VON GIERKE, 1971 ; LOBDELL et coll., 1973).

J’ai, avec deux doctorants (LAMIELLE,2008 ; DEBATS,2016), utilisé ce type de modèle analytique pour étudier le comportement de l’abdomen qui est anatomiquement un segment extrêmement complexe. Ces modèles seront présentés dans la suite. Ou encore, comme on le verra aussi dans ce mémoire, les articulations costo-vertébrales modélisées de manière précise grâce à la détermination d’une loi moments-rotations ou d’un axe hélicoïdal sans pour autant introduire les ligaments qui composent cette articulation dans les modèles.

De plus, cette approche permet de développer des outils efficaces, simples à mettre en œuvre à l’intention des concepteurs de systèmes de protection. En revanche, modéliser fidèlement l’anatomie est fondamental lorsque l’on veut aborder la problématique de la médecine virtuelle par exemple en traumatologie ou en orthopédie où dans ce cas l’on cherche à développer des modèles spécifiques aux patients pour optimiser l’intervention chirurgicale. C’est d’ailleurs pour cela que j’avais engagé le LBMC dans le Laboratoire d’Excellence, LabEx, PRIMES22 où les

chercheurs du LBMC ont pu développer des méthodes et modèles basés sur l’imagerie médicale.

Figure

Fig. 1-5 : Modèles numériques du corps humain HUMOS2 (Gauche), THUMS (Centre) et  GHBMC (Droite)
Fig.  2-7 : Influence de l’inclinaison des côtes sur le mécanisme de déflexion de la cage  thoracique
Fig. 2-9 : Distribution de l’inclinaison des côtes et de l’inclinaison moyenne standardisée
Fig. 2-13 : Vue schématique de la position des 4 caméras numériques rapides et exemple d’un  thorax instrumenté vu simultanément par les 4 caméras
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Références

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