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Vers une géophilosophie. Les apports de Foucault et de Deleuze-Guattari pour penser avec l’espace

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100 | 2016 Penser l'espace

Vers une géophilosophie

Les apports de Foucault et de Deleuze-Guattari pour penser avec l’espace The Foucaaldo-deleuzo-guattari’s geophilosophy

François Dosse

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/gc/4641 DOI : 10.4000/gc.4641

ISSN : 2267-6759 Éditeur

L’Harmattan Édition imprimée

Date de publication : 1 décembre 2016 Pagination : 15-28

ISBN : 978-2-343-13328-7 ISSN : 1165-0354 Référence électronique

François Dosse, « Vers une géophilosophie », Géographie et cultures [En ligne], 100 | 2016, mis en ligne le 07 juin 2018, consulté le 26 novembre 2020. URL : http://journals.openedition.org/gc/4641 ; DOI : https://doi.org/10.4000/gc.4641

Ce document a été généré automatiquement le 26 novembre 2020.

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Vers une géophilosophie

Les apports de Foucault et de Deleuze-Guattari pour penser avec l’espace The Foucaaldo-deleuzo-guattari’s geophilosophy

François Dosse

1 Dans les grands débats des années 1960 autour du paradigme structuraliste, on peut chercher longtemps, mais en vain, la géographie qui a pourtant sa place bien établie au sein des sciences sociales. Elle a même eu son heure de gloire au début de ce siècle avec le rayonnement de l’école vidalienne. Cette absence est d’autant plus surprenante que le structuralisme a privilégié les notions de relations en termes d’espaces, aux dépens d’une analyse en termes de genèse. À la diachronie s’est substituée la synchronie ; après la recherche des origines, on a fait prévaloir un effort cartographique, l’attention s’est déplacée vers les différents renversements effectués par le regard, et l’on ne peut donc qu’être très étonné de ne pas trouver la géographie au cœur de cette réflexion des années 1960. Une des raisons majeures de ce long sommeil tient à la réussite de l’école des Annales qui a capté au profit de l’histoire le programme vidalien. Lorsque Marc Bloch et Lucien Febvre fondent la revue Annales d’histoire économique et sociale en 1929, ils prennent Albert Demangeon au comité de la revue. Liant leur sort à celui des nouveaux historiens, les géographes vont se voir capter leur dynamisme propre, qui va tout entier bénéficier aux historiens. Au lendemain de la guerre et dans les années 1960, les grandes monographies régionales sont celles des historiens : Emmanuel Le Roy Ladurie, Pierre Goubert, Georges Duby, Maurice Agulhon, Alain Corbin...

2 Dans le milieu des années 1970, deux interventions philosophiques vont accompagner le réveil de la discipline géographique qui sort alors de son sommeil épistémologique.

Sans concertation, même à la même période, tant Foucault que le duo Deleuze et Guattari vont puiser dans le langage de la spatialisation de quoi nourrir un regard nouveau sur le monde qui traverse une crise de son régime d’historicité et substitue à la téléologie hégéliano-marxiste une approche qui entend restituer les divers aspects de ce que Deleuze appellera le plan d’immanence.

3 Il est en effet significatif que le premier numéro de la revue de géographie lancée par Yves Lacoste en 1976, Hérodote invite Michel Foucault à répondre aux questions des

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géographes de la nouvelle équipe rédactionnelle. On comprend l’intérêt stratégique, pour une géographie souvent présentée alors comme le degré zéro de la pensée, de se parer de l’autorité d’un Michel Foucault. Cette rencontre s’explique cependant surtout par la reconnaissance dans l’œuvre de Foucault d’une géographicité au sens large dont certains concepts majeurs permettent une ouverture vers la géopolitique. La revue Hérodote note à cet égard la profusion des métaphores spatiales chez Foucault :

« positions », « déplacements », « lieu », « champ »... ou proprement géographiques :

« territoire », « domaine », « sol », « horizon », « archipel », « géopolitique », « région »,

« paysage »... et s’étonne que Foucault, lorsqu’il se réfère dans ses analyses à quelque aire culturelle, ne justifie pas précisément celles-ci, ne les délimite pas vraiment.

4 Stratigraphe de la discursivité dans ses discontinuités, Foucault emprunte aussi au vocabulaire de la géologie. Dans Les mots et les choses, il est question « d’érosion », de

« plage », de « nappe », de « secousse », de « couche » : « C’est à notre sol silencieux et naïvement immobile que nous rendons ses ruptures, son instabilité, ses failles ; et c’est lui qui s’inquiète sous nos pas » (Foucault, 1966, p. 16). La notion même d’épistémè, envisagée comme vaste socle transversal qui ne peut évoluer, mais seulement basculer sous le coup de séismes ou laisser place à une autre couche qui va se superposer à la première et se sédimenter, trouve son correspondant dans la démarche du géologue. À la même époque, Lévi-Strauss en avait fait l’inspirateur majeur de son anthropologie structurale lorsqu’il affirmait dans Tristes Tropiques qu’il se reconnaissait « trois maîtresses » : Marx, Freud et la géologie. Certes, il ne s’agit pas pour Foucault, comme pour Lévi-Strauss, de naturaliser la culture, mais de substituer à une démarche génétique, historique, une orientation horizontale, synchronique, spatiale.

5 Une revue comme Hérodote, qui veut promouvoir une géopolitique jusque-là délaissée par la discipline géographique, ne peut que se féliciter de voir qu’un philosophe comme Foucault ne se contente pas d’utiliser les concepts géographiques comme métaphores, mais que ceux-ci deviennent de véritables instruments heuristiques. Ainsi, lorsque Foucault donne le panoptique de Bentham comme modèle social dans Surveiller et punir, il évoque même en conclusion une « géo-politique imaginaire » de la ville carcérale.

Depuis le début de ses travaux, Foucault a fait prévaloir toute une dialectique entre savoir et pouvoir fondée sur les notions de stratégies, de tactiques. La rencontre avec des géographes qui mettent l’accent sur le fait que la géographie « sert d’abord à faire la guerre » (Lacoste, 1976) ne pouvait être que fructueuse, et les barrières disciplinaires tombent une nouvelle fois lorsque Foucault convient devant ses interlocuteurs : « Je me rends compte que les problèmes que vous posez à propos de la géographie sont essentiels pour moi (...) La géographie doit bien être au cœur de ce dont je m’occupe » (Foucault, 1976, p. 71-85).

Les formes de l’expérience : rhizomes et agencements

6 Au même moment, en 1975, Gilles Deleuze et Félix Guattari publient leur essai sur Kafka. C’est surtout l’occasion d’expérimenter des concepts clés qu’ils pourront par la suite déplier et déployer dans Mille Plateaux. Leur Kafka est en effet l’occasion de la première occurrence d’un concept qui sera beaucoup utilisé par la nouvelle géographie, celui de « rhizome » que l’on découvre dès les premières lignes de l’ouvrage :

« Comment entrer dans l’œuvre de Kafka ? C’est un rhizome, un terrier. Le Château a

« des entrées multiples » dont on ne sait pas bien les lois d’usage et de distribution.

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L’hôtel d’Amérique a d’innombrables portes, principales et auxiliaires… On entrera donc par n’importe quel bout » (Deleuze & Guattari, 1975, p. 7). Ce principe de la multiplicité des entrées possibles, des connexions en tous points porteuses de significations les plus diverses, ce choix du rhizome à la pousse horizontale contre l’arbre aux ramifications hiérarchiques donnera lieu en 1977 à une publication éponyme (Deleuze & Guattari, 1977) et fournira l’introduction deMille Plateaux. Si le concept de rhizome est particulièrement adéquat pour rendre compte du monde labyrinthique de Kafka, il est aussi une nouvelle arme contre toute forme d’interprétation psychanalytique. L’adversaire est clairement désigné dès la première page de l’ouvrage : « Le principe des entrées multiples empêche seul l’introduction de l’ennemi, le Signifiant, et les tentatives pour interpréter une œuvre qui ne se propose en fait qu’à l’expérimentation » (Deleuze & Guattari, 1975, p. 7).

7 Œuvre de transition entre deux massifs, Kafka voit aussi émerger un autre concept majeur qui ira irriguer les mille plateaux à venir : celui d’agencement qui donne son nom à un chapitre de l’ouvrage. De même que le concept clé de L’Anti-Œdipe était celui de machine désirante Mille Plateaux pourra être lu, quelques années plus tard, comme une véritable théorie de l’agencement. À mi-parcours, Kafka utilise encore fortement le concept de machine, présentant Kafka lui-même comme une machine d’écriture. Mais on a déjà l’amorce du déplacement à venir. L’agencement devient la réalisation même de la machine grâce aux connexions qu’il permet.

8 Les deux concepts fondamentaux de la philosophie de Deleuze et Guattari, l’agencement et le rhizome, prennent donc naissance avec cette lecture de Kafka, dans la confrontation avec la littérature comme lieu même de l’expérimentation. Comme à son habitude, Deleuze prend avec Guattari le contre-pied de toutes les analyses, lectures, exégèses des spécialistes de l’œuvre de Kafka. Il est en effet habituel dans la tradition littéraire de présenter cette œuvre comme l’expression même d’un monde désespéré, absurde, confronté aux logiques bureaucratiques, à l’obsession qui conduit à se heurter sans efficacité au mur de l’incompréhension. Or, tout au contraire, Deleuze et Guattari présentent un Kafka comique, joyeux, toujours du côté du désir, confronté aux logiques infernales de la machine bureaucratique sous ses trois formes, stalinienne, nazie et libérale américaine dans une perspective critique plus efficiente que bien des dénonciations étroitement politiques.

9 Au-delà de l’étude de cas sur Kafka, l’ouvrage se présente comme un manifeste contre toute forme de lecture archétypale qui viserait à imposer au texte telle ou telle interprétation. Il lui substitue le primat de l’expérimentation : « Nous ne croyons qu’à une expérimentation de Kafka, sans interprétation ni signifiance, mais seulement des protocoles d’expérience » (Deleuze & Guattari, 1975, p. 14). Deleuze et Guattari se situent résolument dans le champ de l’expérimentation, et s’érigent contre la littérature qui se tient dans les limites étroites des canons consacrés par la tradition et ils lui opposent la force créative d’une littérature dite « mineure ». Leur démonstration s’appuie sur une analyse du contexte d’un Empire des Habsbourg en pleine déliquescence qui favorise les mouvements centrifuges, accentue les processus de déterritorialisation, et provoque en retour des formes de reterritorialisation. C’est cette tension extrême qui suscite un climat propice à l’éclosion de voix singulières, non seulement celle de Kafka, mais de ses contemporains comme Einstein qui enseigne à Prague, le physicien Philipp Frank, les musiciens dodécaphonistes, les cinéastes expressionnistes comme Robert Wiene ou Fritz Lang, sans compter le Cercle

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linguistique de Prague ou encore Freud à Vienne même avec la naissance de la psychanalyse. Dans cet immense Empire en déclin, où l’allemand est la langue officielle, celle du pouvoir, de l’administration centrale, il est bien d’autres langues, dominées.

Kafka se trouve au croisement de plusieurs langues : la langue tchèque en tant que Praguois, l’allemand qui est la langue officielle de l’Empire austro-hongrois, et le yiddish en tant que juif.

Les Plateaux ou le plan d’immanence

10 Après la phase polémique de L’Anti-Œdipe, Deleuze et Guattari publient en 1980 Mille Plateaux. Ce second volet de « Capitalisme et schizophrénie » est, après la phase critique de L’Anti-Œdipe, la part propositionnelle, positive. Dans ce livre qui déploie une philosophie des logiques spatiales, Deleuze et Guattari rompent radicalement avec l’historicisme du XIXe siècle qui a produit une théodicée, une chronosophie téléologique dominante pendant une bonne partie du XXe siècle. Ils substituent à l’hégélianisation du temps une approche spatialisante des forces multiples qui s’y manifestent.

11 Le champ d’investissement socio-historique fait l’objet de Mille Plateaux à partir d’une géoanalyse, d’une cartographie des micropolitiques qui permettent de restituer les modes d’articulation entre les processus de subjectivation et les appareils institutionnels, en faisant apparaître la productivité potentielle des groupes-sujets. Le titre de l’ouvrage signale une approche géographique, le plateau, comme zone plane, horizon indéfini, sans limites, zone intermédiaire, centrale, zone d’intensité. Deleuze aimait à dire – peut-être comme une boutade – que ce titre correspondait aux paysages de ses terres limousines, le plateau de Millevaches qu’il avait comme vue dans sa propriété de Saint-Léonard-de-Noblat. Mais surtout, cette absence de commencement et de fin du plateau fait écho au conseil souvent répété par Deleuze selon lequel il faut commencer « par le milieu ». Le plateau évoque cet entre-deux. Après avoir brisé les rigidités de l’institution familiale avec L’Anti-Œdipe, Deleuze et Guattari empruntent les chemins non tracés, les lignes de fuite, les parcours nomades pour explorer tout ce qui peut révéler des différences et des connexions inédites. Le titre n’est donc en rien une métaphore, il annonce plutôt une métamorphose : « Plateau a un sens précis en géographie, en mécanique, en scénographie : plateau d’érosion et de sédimentation, plateau du changement de vitesse et de démultiplication, plateau de distribution et de tournage » (Villani, 1985, p. 333).

12 Cette insistance sur la géographicité dans Mille Plateaux n’a pourtant pas pour référence directe la discipline géographique, mais pour horizon une véritable physique « au sens de (méta) physique bergsonienne ou mieux de géographie de la « physis » (Villani, 1985, p. 345).

13 Le traitement de l’information en termes de logiques spatiales a pour effet un mode tout à fait original d’usage du temps. Chaque plateau a une date précise mise en exergue qui renvoie à un événement historique éponyme du chapitre. C’est une manière de rappeler l’importance de l’événement pour leur philosophie, mais selon une logique qui n’a plus rien de chrono-logique ni d’évolutive.

14 Deleuze et Guattari se donnent pour objectif de construire une « mécanosphère » qui puisse changer notre rapport au monde, en adoptant une méthode résolument constructiviste et pragmatique qui part de la délimitation d’un plan de consistance ou

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plateau, se poursuit en inscrivant sur ce plan deux séries de points, pour mettre ensuite en connexion asymétrique certains de ces points de séries différentes. Cette ligne brisée doit fonctionner sur un autre plan, ou plateau connexe, où elle subit l’attraction d’une nouvelle ligne de fuite ; ce réseau d’actions/réactions est indéfini dans le rhizome dont les connexions n’ont pas de finalité prédéterminée. L’affirmation de la productivité de cette diagonale de la pensée, de cette transversalité en acte a pour effet un livre fourmillant, d’une densité rare.

15 S’il est un concept nodal de Mille Plateaux qui fait système, c’est celui d’agencement. Ce concept irrigue en effet chaque plateau, et par sa capacité à connecter les éléments les plus divers, il ouvre sur une logique générale que Guattari qualifie souvent dans ces années de « diagrammatique ». Le concept d’agencement offre l’avantage par rapport à la notion abandonnée de « machine désirante » de sortir du domaine de la psychanalyse pour mettre en rapport toutes les formes de connexions, y compris celles du domaine du non-humain, et en libérer les forces. Il suffit de mettre ensemble des éléments singuliers et hétérogènes, et l’on dispose d’un agencement particulier. Ce peut être la guêpe et l’orchidée, mais aussi bien le cheval, l’homme et l’étrier, ou encore le cheval- homme-arc… Toutes les combinaisons sont possibles entre machines techniques, animaux et humains. Ce sont toujours des processus de subjectivation, d’individuation qui sont à l’horizon. Mais un tel objectif présuppose non seulement des détours, mais de reconnecter l’homme avec la nature, avec la physis. Il n’y a en effet plus de distinction pertinente au niveau des liaisons d’agencement, entre nature et artifice.

16 Deleuze et Guattari vont ainsi donner la plus grande importance à l’éthologie pour restituer la manière dont les animaux construisent leurs agencements avec la nature et entre eux. Ce concept, d’un usage très large, sans limites, est idéal pour construire un système ouvert. Il désigne la mise en relation d’un ensemble de relations matérielles avec un régime de signes correspondant. Loin de se perpétuer, l’agencement est remis en mouvement : il est toujours affecté d’une dose de déséquilibre dans la mesure où il est affecté à un champ de désir sur lequel il se constitue. En ce sens, l’agencement est bien l’équivalent du rôle que jouait dans L’Anti-Œdipe la notion de machine désirante.

C’est aussi une manière d’exprimer que le désir n’est affaire que de rencontres, de coupures de flux.

17 Les agencements ne relèvent donc pas des binarités classiques comme celle qui oppose individu et collectif ou signifiant et signifié, ou encore signe et sens. Deleuze et Guattari définissent deux grands axes d’agencements qui se subdivisent chacun en deux variantes : un axe horizontal comportant le segment du contenu et celui de l’expression. Selon ce niveau, il est agencement machinique de corps, d’actions et de passions et agencement collectif d’énonciation, d’actes et d’énoncés. Un autre axe, vertical comporte des aspects territorialisés et des pointes de déterritorialisation. On est loin des analyses marxiennes althussérisées, encore dominantes à l’époque, qui assignent à l’économique une valeur d’infrastructure déterminante en dernière instance. Ici, tout se connecte entre séries hétérogènes sans jeu de causalité mécanique, sans déterminisme, selon les diverses lignes de fuite du système macro-politique.

Déterritorialisation/reterritorialisation

18 De tous autres types d’agencements, territoriaux ceux-là, définissent la fonction de la ritournelle. Les chants d’oiseaux marquent ainsi leur territoire, et on retrouve cette

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même fonction territorialisante en Grèce antique ou dans les systèmes hindous. Mais

« la ritournelle peut prendre d’autres fonctions, amoureuse, professionnelle ou sociale, liturgique ou cosmique : elle emporte toujours de la terre avec soi » (Deleuze &

Guattari, 1980, p. 384). Les rythmiques qui scandent la vie des animaux comme celle des humains sont une manière de contrer le chaos et ses menaces d’épuisement. De cet agencement entre un milieu qui riposte au chaos, naît un « rythme-chaos ou chaosmos » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 385). Dans le langage commun, une ritournelle est une petite musique qui se répète, un refrain, une rengaine, une forme d’éternel retour qui, en même temps, fabrique du temps, le « temps impliqué » dont parlait le linguiste Gustave Guillaume. Mais elle porte surtout une dynamique contradictoire dans son rapport à la territorialité. Elle est tendue vers un retour au territoire connu pour l’habiter et conjurer ainsi le chaos. C’est le fameux Chant de la terre de Malher avec son final : « La coexistence de deux motifs, l’un mélodique évoquant les agencements de l’oiseau, l’autre rythmique, profonde respiration de la terre, éternellement » (Deleuze &

Guattari, 1980, p. 418). La ritournelle est aussi le signal d’un départ pour une déterritorialisation, un dépaysement, un voyage, effectuant ce va-et-vient entre le partir et le revenir, donnant la tonalité de cet entre-deux, de l’entrelacs entre deux territoires. Sa circularité même évoque le fait qu’il n’y a pas de commencement ni de fin, mais seulement des variations infinies : « La ritournelle va vers l’agencement territorial, s’y installe et en sort » (Deleuze & Guattari, 1990, p. 396). Chaque individu, chaque groupe, chaque nation s’équipe ainsi d’une gamme de base de ritournelles conjuratoires. Ce mode de sémiotisation du temps que pratiquent ces rengaines est aussi perçu l’ethnologue Pierre Clastres qui évoque le chant solitaire d’un Indien face à la nuit, lançant un défi au temps qui passe et au processus d’« assujettissement de l’homme au réseau général des signes » (Clastres, 1974, p. 107 et suiv.). Nos sociétés modernes se sont complexifiées et ont perdu ce rapport d’immédiateté à l’expression de ses angoisses. Elles sont même porteuses d’une illusion de maîtrise du fait de leurs solides équipements machiniques.

19 La notion de territoire peut cependant être trompeuse, comme toutes les notions de Deleuze et Guattari : « Le territoire est en fait un acte, qui affecte les milieux et les rythmes, qui les “territorialise” » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 386). Ce concept est fondamentalement lié à une pragmatique et n’est donc pas passif mais expressif, et c’est en ce sens où il y a bien un rapport endogène entre territoire et rythme : « La ritournelle, c’est le rythme et la mélodie territorialisés, parce que devenus expressifs, – et devenus expressifs parce que territorialisants » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 389). À ce processus de territorialisation il convient, selon nos auteurs, d’opposer un autre pôle, celui d’un déterritorialisation de la ritournelle, un lâcher dans le cosmos, pour

« ouvrir l’agencement sur une force cosmique » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 433). Dans tout agencement la ligne molaire entre en interpénétration avec la ligne de fuite du système grâce à la ligne de déterritorialisation moléculaire.

20 Deleuze et Guattari n’entendent nullement défendre une forme de déterminisme géographique qui considérerait comme inévitable la naissance de la philosophie dans le monde grec. Simplement, ils relient la rencontre de deux phénomènes hétérogènes l’un à l’autre : celui du milieu grec et celui du plan d’immanence de la pensée. Pour que l’agencement prenne forme, il a fallu la rencontre entre ces deux formes de déterritorialisation. Hegel et Heidegger sont restés, aux yeux de Deleuze et Guattari, des historicistes dans leur lecture de la naissance de la philosophie en Grèce. Les

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auteurs de Mille Plateaux situent la géographie du côté du contingent, très loin des orientations de l’école géographique vidalienne et des usages que fait l’historien Braudel de la géographie qui a pour lui plutôt la fonction de faire prévaloir les permanences, les structures, la très longue durée.

21 Au contraire, la géographie, selon Deleuze et Guattari, « n’est pas seulement physique et humaine, mais mentale, comme le paysage. Elle arrache l’histoire au culte de la nécessité pour faire valoir l’irréductibilité de la contingence. Elle l’arrache au culte des origines pour affirmer la puissance d’un “milieu” » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 92). Ils en tirent l’enseignement que si la philosophie est née en Grèce, ce n’est justement pas la résultante d’une nécessité, mais d’une pure contingence. Le rapport au territoire donne un fondement nationalitaire aux divers courants de pensée, aux « opinions » philosophiques. Deleuze et Guattari font état de ces archétypes selon lesquels les Français ont tendance à se reterritorialiser sur la conscience, sur le Cogito, alors que les Allemands ne renoncent pas à l’Absolu pour reconquérir le plan d’immanence grec en déterritorialisant la conscience : « Dans la trinité Fonder-Bâtir-Habiter, ce sont les Français qui bâtissent, et les Allemands qui fondent, mais les Anglais habitent » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 101). L’expérimentation est d’abord philosophique et définit ce qu’est penser. Or elle résulte de cette tension entre territorialisation et déterritorialisation. Comme le train du western bien connu, « la philosophie se reterritorialise trois fois, une fois dans le passé sur les Grecs, une fois dans le présent sur l’État démocratique, une fois dans l’avenir sur le nouveau peuple et la nouvelle terre » (Deleuze & Guattari, 1990, p. 106).

Espaces lisses, espaces striés et machines de guerre

22 Une autre polarisation à l’œuvre dans le dépouillement des logiques spatiales est celle, majeure, entre espaces lisses et espaces striés, entre espace nomade et espace sédentaire. De nature différente, ces espaces n’existent que par leurs relations réciproques de l’un à l’autre. D’un côté, un espace non polarisé, fondamentalement ouvert, non mesurable, peuplé de singularités, et de l’autre un espace surcodé, métrique, hiérarchisé. D’un côté le modèle de la broderie avec son motif central (espace strié) et celui du patchwork (espace lisse) avec ses ajouts successifs de tissu sans limites prédéterminées. L’exemple choisi pour désigner l’espace lisse, le patchwork, révèle que cet espace ne signifie pas qu’il soit homogène.

23 Par ailleurs, cette opposition ne se limite pas au monde terrestre car l’espace maritime est lui aussi traversé par cette binarité : « Espace lisse par excellence, et pourtant celui qui s’est trouvé le plus tôt confronté aux exigences d’un striage de plus en plus strict » (Deleuze & Guattari, 1990, p. 598).

24 Il n’y a donc pas d’opposition simple entre d’un côté le lisse et de l’autre le strié. Il n’y a donc pas surdétermination du lieu pour qualifier l’espace, de sorte que l’on peut voyager sans bouger, sur place – Deleuze se qualifie lui-même de « voyageur immobile ». Cette tension définit deux modalités micropolitiques, et en même temps deux esthétiques, celle haptique propre à l’espace lisse, espace de contact, du toucher, de l’immédiateté, et art optique propre à l’espace strié, renvoyant à une vision du lointain, de la perspective : « Cézanne parlait de la nécessité de ne plus voir le champ de blé, d’un être trop proche, se perdre, sans repère, en espace lisse » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 615).

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25 Dans Mille Plateaux, c’est surtout le volet micropolitique qui est déployé à partir de cette tension entre pôle strié et pôle lisse avec la double polarité qui oppose la machine de guerre d’un côté et l’appareil de capture incarné par l’État de l’autre (plateaux 12 et 13).

26 Deleuze et Guattari ne cessent d’utiliser des oppositions binaires, non pour prôner une pensée dualiste, mais au contraire pour la briser et lui substituer une pensée de la multiplicité parcourue par des binarités pluralisées. Alors que le sens commun a pour habitude de penser que la machine de guerre est un sous-produit de l’appareil d’État, nos auteurs insistent sur la différence radicale de nature entre ces deux pôles. Non seulement la machine de guerre ne relève pas de l’État, mais toute sa dynamique l’oppose à la logique étatique. Création des nomades, les machines de guerre ont été inventées pour résister, pour lutter contre l’appareil d’État conçu comme un appareil de capture. Les machines de guerre ont pris corps sur un type d’espace particulier, l’espace lisse (les déserts, les steppes, les mers).

27 Deleuze et Guattari présentent cette opposition dans un chapitre qui se donne comme l’écriture d’un « Traité de nomadologie : la machine de guerre ». Ce titre fait signe, de manière à la fois sérieuse et ironique à un autre « Traité », celui de Spinoza (Spinoza, 1998), qui revêt ici le statut de source pour une nouvelle discipline. La machine de guerre ne se définit pas, contre toute attente, par la guerre. Elle se caractérise de trois manières. D’une part, la composition arithmétique des hommes qui la composent a contrario de l’organisation territoriale de l’appareil d’État. En second lieu, « l’appareil d’État a inventé un type d’activité : le travail » (Deleuze, 1979). Certes, on travaille aussi dans la machine de guerre, mais l’activité réglée est une action libre. Sur le plan de l’expression, l’appareil d’État se manifeste par les outils et les signes, alors que la machine de guerre se définit plutôt par ses armes.

28 La question fondamentale de l’État est de savoir comment s’approprier la machine de guerre, comment la capturer et se l’asservir, alors que la machine de guerre essaie de résister aux logiques étatiques et de préserver son dynamisme propre. La machine de guerre exprime toute l’ambivalence de la ligne de fuite qui n’est pas vraiment fuir une situation, mais consiste à faire fuir, à exploiter toutes les lignes de déterritorialisation.

Par l’extériorité signifiée de la machine de guerre par rapport à l’État, résulte le fait que l’État ne se conçoit pas sans un rapport à un dehors dont il se nourrit, lors même que la machine de guerre vit d’un agencement social dont le modèle matriciel est le nomadisme, d’où le « Traité de nomadologie ».

29 L’ethnologue Pierre Clastres conforte les thèses de Deleuze et Guattari (Clastres, 1974).

Il montre en effet, à l’inverse du schéma évolutionniste, que l’État ne se trouve pas être la résultante du développement des forces productives ni le résultat de la différenciation des forces politiques. Il surgit d’un coup, faisant effraction, comme un événement pur lorsque le seuil de rassemblement d’une communauté de trois cents individus est atteint. Il montre aussi et surtout que ces sociétés primitives ne sont pas seulement « sans État », mais que leur machine de guerre s’emploie à lutter « contre l’État ». Ce sont des « sociétés contre l’État ». S’il y a bien une omniprésence de la guerre, ce sont les machines de guerre qui contrôlent toutes les formes de violence en se confrontant à l’État en essayant de maintenir la segmentarité des groupes, alors que l’État a toujours besoin de pacifier pour s’installer. La figure du nomade ne renvoie pas seulement au nomadisme classique, mais se présente comme un personnage conceptuel qui permet de restituer la singularité de la machine de guerre. Elle est un espace de

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mobilisation et non d’appropriation. On l’occupe sans s’y installer. On s’y déploie sans capitaliser.

30 L’extériorité de la machine de guerre ainsi conçue, et attestée par les travaux des ethnologues, est aussi repérable dans le domaine de l’épistémologie, avec l’existence d’un certain type de sciences qui se sont perpétuées sur un mode mineur aux côtés et en extériorité par rapport à la physique. Cette science nomade aurait plusieurs caractéristiques : un modèle hydraulique créateur de flux et non pas solide, un modèle de devenir et d’hétérogénéité et non pas de stabilité, un modèle tourbillonnaire dans un espace ouvert et enfin un modèle problématique et non pas théorématique. À partir de cette binarité, deux traditions scientifiques se sont toujours opposées. D’un côté les sciences de la répétition, de l’itération et de l’autre celles de l’itinération, les sciences ambulantes. La créativité se trouverait sur le versant des sciences nomades, ambulantes qui ont pour fonction d’inventer les problèmes, alors que les sciences royales auraient la charge d’y apporter des solutions scientifiques. Il en résulte une complémentarité potentielle mais qui finit par occulter le premier moment, celui de l’innovation, vite recouvert par l’efficacité de la procédure, de la solution trouvée par la science d’État.

31 Les machines de guerre ont aussi la fonction de faire circuler le sens, de transgresser les limites, de sortir des enclos grâce aux lignes de fuite dans une dérive littérale. Les machines de guerre doivent rester actives car elles sont confrontées à l’État défini par nos auteurs comme un appareil de capture. Plutôt que de reprendre la notion marxiste et althussérienne de mode de production, Deleuze et Guattari définissent les formations sociales comme des « processus machiniques » (Deleuze & Guattari, 1980, p. 542). Ils distinguent à cet égard les sociétés primitives dont les mécanismes de fonctionnement sont ceux de la conjuration-anticipation, les sociétés à État définis par leur appareil de capture, les sociétés urbaines par leurs instruments de polarisation, les sociétés nomades par leurs machines de guerre. Alors que l’État s’évertue à capitaliser, à s’approprier, la machine de guerre a une « puissance de métamorphose » (Deleuze &

Guattari, 1980, p. 545). Cette notion de capture, propre aux sociétés à État, trouve son origine lointaine dans la mythologie indo-européenne et désigne le pôle de souveraineté. Cette propension à la capture et au surcodage de l’appareil d’État pose le problème des minorités qui doivent être capables de constituer des machines de guerre pour éviter leur disparition.

Une micropolitique spatialisée

32 L’enjeu en est politique. Il y va de la préservation de micropolitiques plurielles et résistantes pour ne pas disparaître dans l’axiomatique étatique. Pour réguler cette tension entre deux pôles que sont les appareils de capture et les machines de guerre et définir une nouvelle micropolitique à la jonction de la sphère éthique et du champ politique, Deleuze et Guattari insistent sur une notion chère au premier : le contrat social. C’est grâce au contrat que l’appareil de capture avance, assujettit dans une ambivalence qui ne peut être référée à une simple dépendance volontaire ou forcée.

Toute cette articulation du soi à une échelle de plus en plus planétaire, celle de la mappemonde, rend impératif de repenser une micropolitique qui puisse prendre en considération les logiques spatiales, une géophilosophie capable de localiser et de penser la multitude de points constitutifs des diverses forces de vie du rhizome mondial. D’où la nécessité de cartographier ces éléments et non pas de se contenter de

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les calquer sur un état de fait, mais d’expérimenter, de se confronter au réel social en en multipliant les voies d’accès.

33 La philosophe Manola Antonioli a raison de mettre en évidence la pertinence et l’actualité de ces notions de pensée spatialisante de Deleuze et Guattari à l’heure de la mondialisation : « La pensée devra de plus en plus s’ouvrir aux espaces, aux dimensions, aux territoires, reconnaître sa dimension essentielle d’espacement et ne plus se limiter à une méditation sur son histoire et l’histoire des concepts » (Antonioli, 2003, p. 9-10). Dans une période marquée par la fin des certitudes, il convient d’habiter autrement nos espaces lisses et striés, et d’abandonner l’imaginaire des possibles entités closes, qu’elles soient individuelles, organiques, naturelles ou étatiques pour mieux comprendre qu’elles sont toujours ouvertes sur un dehors, n’ont de réalité que fragmentaire et de devenir qu’imprévisible : « L’ouverture de la “mondialité” ne sera possible que dans un monde en archipel, monde aux multiples interfaces, qui multiplie les échanges, les passages et les rencontres » (Antonioli, 2003, p. 256). Dans cette perspective créatrice, Mille Plateaux est une boîte à outils dont Manola Antonioli a raison de souligner la valeur, encore trop peu exploitée, essentiellement éthique et politique (Antonioli, 2005, p. 73-95).

34 Un philosophe américain de l’université de l’État de Louisiane, John Proveti, a travaillé avec un géographe, Mark Bonta, à partir des concepts de Mille Plateaux, et publie un livre sur la géophilosophie de Deleuze et Guattari (Bonta et Proveti, 2004). Ce qui passionne notamment John Proveti est de faire le pont entre les humanités et la culture scientifique qui s’ignorent le plus souvent. Pour John Proveti, chapitre le plus suggestif est « La géologie de la morale » car il exprime le désir de forger une ontologie qui peut avec le même concept traiter de systèmes physiques, organiques et sociaux. Il écrit sur l’ouragan Katrina en utilisant le concept deleuzo-guattarien de moment d’émission de singularités, et en le reliant à la notion américaine de changement de comportement (pattern). Dans ses analyses de géophilosophie, la notion de reterritorialisation sur le pouvoir même de la déterritorialisation, fonctionne très bien sur ces zones d’instabilité au bord du Mississipi fragilisées par l’arrivée régulière de cyclones. L’important est de considérer les zones de sensibilité qui maximisent la possibilité de comportements d’adaptation. Deleuze et Guattari permettent d’élaborer une sorte de physiologie politique, utilisant des données scientifiques, mais dans une perspective non mécaniste.

La géographie est utilisée ici comme une ressource non déterministe, non assignée à des causalités simples, car avec les cartographies virtuelles des systèmes sociaux, il reste toujours un rôle irréductible du hasard et de « l’émission des singularités ». John Proveti et son collègue géographe utilisent aussi bien des facteurs géomorphologiques, climatologiques, océanographiques que des facteurs socio-techniques pour étudier les agencements socio-politiques.

35 Mille Plateaux se présente donc bien comme une pragmatique politique généralisée dont les concepts transversaux constituent l’élément de base dont tout le reste dépend. La micropolitique à construire doit définir les lignes de fuite qui courent sous les segmentarités dures pour les déstratifier. Or, « le modèle de la micropolitique reste les événements de Mai 1968 » (Mengue, 1994, p. 227). Mille Plateaux privilégie, aux dépens de la téléologie historique, des blocs de devenir ancrés en tant que phénomènes moléculaires dans leur environnement spatial, ce que réalise l’événement Mai 68 : « Mai 68 en France était moléculaire et ses conditions d’autant plus imperceptibles du point de vue macropolitique… Tous ceux qui jugeaient en termes de macropolitique n’ont

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rien compris à l’événement, parce que quelque chose d’inassignable fuyait » (Deleuze &

Guattari, 1980, p. 264).

36 La philosophie aura ainsi joué son rôle, en tout cas celui que lui attribue Deleuze, celui de créer des concepts et les géographes peuvent ainsi en faire bon usage en les utilisant comme boîte à outils pour élucider les énigmes politiques et culturelles d’un monde de plus en plus complexe, de moins en moins susceptible d’être réduit à des oppositions binaires. L’enchevêtrement, par exemple, des mécanismes de déterritorialisation propre à la mondialisation et des réactions de reterritorialisation contribue à mieux éclairer les crispations actuelles de notre actualité lourde de potentielles catastrophes.

BIBLIOGRAPHIE

ANTONIOLI Manola, 2005, « La machination politique de Deleuze et Guattari », in Alain Beaulieu (dir.), Gilles Deleuze, héritage philosophique, Paris, PUF.

ANTONIOLI Manola, 2003, Géophilosophie de Deleuze et Guattari, Paris, L’Harmattan.

BONTA Mark, PROVETI John, 2004, Geophilosophy: a guide and glossary, Édimbourg, Edinburgh University Press.

CLASTRES Pierre, 1974, La société contre l’État, Paris Minuit.

DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, 1975, Kafka, Paris, Minuit.

DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, 1977, Rhizome, Paris, Minuit.

DELEUZE Gilles, 6 novembre 1979, cours à l’université Paris 8, archives sonores de la BNF.

DELEUZE Gilles, GUATTARI Félix, 1980, Mille Plateaux, Paris, Minuit.

FOUCAULT Michel, 1966, Les mots et les choses, Paris, Gallimard.

FOUCAULT Michel, 1976, « La géographie doit bien être au cœur de ce dont je m'occupe », Hérodote, n° 1, p. 71-85.

LACOSTE Yves, 1976, La géographie, ça sert d’abord à faire la guerre, Paris, Maspero.

MENGUE Philippe, 1994, Gilles Deleuze ou le système du multiple, Paris, Kimé.

SPINOZA Baruch, 1998, Œuvres III. Traité théologico-politique, Paris, PUF.

VILLANI Arnaud, avril 1985, « Géographie physique de Mille Plateaux », Critique, n° 455.

RÉSUMÉS

Alors que la géographie était une discipline assoupie dans les années 1960 et 1970, Michel Foucault d’un côté, Gilles Deleuze et Félix Guattari de l’autre, se sont servi de la géographie pour construire une géophilosophie plus spatialisante que portée sur des logiques temporelles en un moment où l’on traverse une crise du régime d’historicité. Ces philosophes rejettent alors la vision téléologique dominante au XIXe siècle et qui a prévalu pendant l’essentiel du XXe siècle. Il

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en résulte toute une panoplie de notions particulièrement opératoires pour rendre intelligible notre modernité.

While geography was a dormant discipline in the 1960s and 1970s, Michel Foucault on the one hand, Gilles Deleuze and Félix Guattari on the other, used geography to construct a more spatial geophysics than a temporal logic. At a time when we are going through a crisis of the regime of historicity. These philosophers rejected the dominant teleological view in the nineteenth century and which had prevailed well into the twentieth century. The result is a whole panoply of notions particularly operative to make our modernity intelligible.

INDEX

Mots-clés : géopolitique, territorialisation, micropolitique, monadologie, segmentarité Keywords : géopolitique, territorialisation, microlitique, monadologie, rhizome

AUTEUR

FRANÇOIS DOSSE Université Paris-Est Créteil

Institut d'Histoire du Temps Présent

Centre d'Histoire Culturelle des Sociétés Contemporaines, univ. Saint-Quentin-en-Yvelines francois.dosse@gmail.com

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