Article original
Evolution saisonnière du flux de sève dans un peuplement de pins maritimes
*D Loustau A Granier F El Hadj Moussa
M Sartore M Guedon
1 Station INRA de recherches forestières, laboratoire d’écophysiologie et nutrition, domaine de
l’Hermitage,
Pierroton, 33610 Cestas;2INRA, centre de recherches forestières de Nancy
Champenoux ,,
laboratoire de
bioclimatologie
etd’écophisiologie,
54280Seichamps,
France (Reçu le 20janvier
1990;accepté
le 14 août 1990)Résumé — Le débit de sève d’un échantillon de
pins
maritimes a été suivi en continu au cours detrois saisons de
végétation
dans unpeuplement
adulte. Auprintemps
et au début de l’été, quand le pourcentage d’eau extractible (PEE) est supérieur à 20%, les fluctuations journalières du débit de sève suivent celles de l’ETP. La densité de flux de sèvejournalière
varie entre 15 et 30kg·dm -2 ·j -1 .
Le potentiel de base varie entre -0.3 et -0.5 MPa et la conductance
stomatique
présente des ciné-tiques
journalières décroissantes de 0.3 cm·s-1le matin à 0.1 cm·s-1 l’après-midi. Au cours de l’été,lorsque
le PEE diminue sous le seuil de 20%, le débit de sève descend entre 5 et 10kg·dm -2 ·j -1
etses variations sont surtout liées aux
épisodes pluvieux.
Le potentiel de base diminue de -0.6 à -1.2 MPa selon le niveau hydrique du sol et la conductance stomatique est divisée par 5. Le potentiel hy-drique
minimal, mesuré en milieu de journée, s’est maintenu autour de -1.6 MPa, indépendamment des conditions d’humidité du sol.* Etude réalisée dans le cadre de l’AIP «Fonctionnement hydrique du pin maritime» (INRA) et de
l’ATP-PIREN. «Influence à l’échelle régionale des couvertures
pédologiques
etvégétales
sur les bi-lans
hydriques
et minéraux du sol».**
Correspondance
et tirés à part.Abréviations : A,
énergie disponible (Watts·m -2 ); Cp,
chaleurspécifique
de l’air(J·kg -1 ·K -1 );
DSAT,déficit de saturation de l’air en vapeur d’eau (Pa);
dT h ,
écartthermique
instantané observé entre sonde chaude et sonde froide (°C);dT m ,
écartthermique
maximaljournalier
(°C); ETP,évapotrans- piration (mm·h -1 );
ga, conductanceaérodynamique (m·s -1 );
gs, conductancestomatique (cm·s -1 );
h, hauteur moyenne du couvert (13m); J s ,
densité de flux desève
par unité de surface conductrice à 130 cm (en kg·dm-2 ·j -1 ); J sc ,
densité de flux moyenne dupeuplement
à 130 cm (en kg·dm-2 ·j -1 );
J, flux de sève(kg·h -1 );
k, constante de Von Karman (0.41, sansdimension); L s ,
conductancehydrau- lique spécifique (kg·dm -2 ·h -1 ·MPa -1 );
PEE, contenu du sol en eau extractible par lavégétation,
ex-primé
en pourcentage de la réserve totale(%); Rg,
rayonnementglobal (Watts·m -2 );
R, stock mesu-ré
(mm); R m ,
stock minimum(mm); R cc ,
stock à la capacité auchamp
(mm); s, dérivée de la fonction reliant la pression de vapeur saturante à latempérature (Pa·K -1 );
SA, section d’aubier à la hauteur du point d’insertion des sondes(dm 2 ); SA c ,
section d’aubier totale du peuplement à 130 cm(en dm
2 .ha -1
);
STE, surface terrière(dm 2 );
Tr,transpiration journalière (mm·j -1 ); U z ,
vitesse du vent à lacote z
(m·s -1 ); γ,
constantepsychrométrique (Pa·K -1 );
λ, chaleur latente devaporisation
de l’eau(J·kg
-1
);
ψb,potentiel hydrique
de base desaiguilles
(MPa); ψsr, potentielhydrique
à l’interface ra-cine-sol
(MPa);
ψf, potentielhydrique
foliaire(MPa);
ψo, potentielhydrique
à densité de flux nulle (MPa); p, densité de l’air sec(kg·m -3 ).
La sécheresse
édaphique
a réduit le débit de sève d’une part en réduisant la différence de potentiel sol-feuille et d’autre part, en provoquant une diminution de la conductancehydraulique globale, qui
est divisée par 3.
potentiel hydrique
foliaire / conductancehydraulique
1 déficit hydrique du sol / conductancestomatique
1transpiration
Summary —
Seasonal variations of sap flow In a maritime pine stand. The sap flow density of asample
of trees was measured continuously throughout threegrowing
seasons, in a mature stand of maritime Pine. Inspring
and early summer, the relative extractable water content of soil (REWC) was always greater than 20%. The sap flow density varied between 15 and 30kg·dm -2 j -1
and daily varia-tions of sap flow followed the fluctuations of the
potential
evapo-transpiration. The daily course ofstomatal conductance showed a decrease from 0.3 cm·s-1in the
morning to
0.1 cm·s-1in the after- noon. Predawn waterpotential
of needles remained between -0.3 and -0.5 MPa. From mid-summer to the end of the season, the REWC fell below 20% and sap flow decreased 4-fold. Daily variations of sap flow were mainly related to rainfall. Stomatal conductance was reduced to 0.05 cm·s-1and pre- dawn waterpotential
fell to between -0.6 and 1.12 MPa,according
to the soil water content. Through-out the season, the lowest
daily
values of waterpotential
were maintained around - 1.16 MPa. Soil water deficitappeared
to reduce the sap flowdensity
by decreasing the difference in water potentialbetween the soil and the leaves, and the bulk hydraulic
conductivity
along this circuit by a factor of three.needle water
potential
/hydraulic
conductance / soil water deficit / stomatal conductance /transpiration
INTRODUCTION
Pour
comprendre
les facteursqui
contrô-lent le flux
hydrique qui
traverse unarbre,
il est nécessaire de situer celui-ci dans le continuumsol-plante-atmosphère (Run- ning et al, 1975).
Le flux
transpiratoire,
enphase
vapeur,dégagé
àpartir
de la surface foliaire d’un arbredépend
de facteursclimatiques
etpeut
êtredécrit,
àpartir
de données micro-météorologiques,
par la relation de Pen- man-Monteith. Le contrôlestomatique
estle
principal
facteur derégulation
du fluxtranspiratoire
des arbresforestiers;
de nombreux travaux mentionnent les effets de facteursclimatiques, rayonnement
lu- mineux et déficit de saturation de l’air envapeur
d’eau,
ouédaphiques (déficit hydri-
que du
sol),
sur la conductance stomati- que(Sandford
etJarvis, 1986;
Schulze etal, 1987; Sharkey
etOgawa, 1987)
etleurs
conséquences
sur latranspiration (Jarvis
etMcNaughton, 1985).
Le flux de sève
qui
s’établit entre le sys- tème racinaire et les surfaces foliairestranspirantes, peut
être décrit par deséquations
detransfert,
suivant une analo-gie électrique.
IIdépend
à la fois de l’étathydrique
des surfacestranspirantes,
de ladisponibilité
de l’eau dans le sol et des pro-priétés hydrauliques (conductivité, capaci- té)
des différentesparties
du réseauconducteur de sève. L’état
hydrique
des surfacestranspirantes
et ladisponibilité
del’eau dans le sol sont définis
respective-
ment par le
potentiel hydrique
foliaire et lepotentiel hydrique
du sol. Ces deux va-riables fixent les conditions aux limites du transfert de la sève.
Au cours d’une sécheresse
édaphique,
l’ensemble des
paramètres qui
contrôlentle flux
hydrique
dans saphase liquide
oudans sa
phase
vapeur est modifié. Il estclassique
d’observer une réduction de la conductancestomatique (Schulze
etal, 1987),
et une chute dupotentiel hydrique
de base
(Aussenac
etGranier, 1978).
Unediminution de la conductivité
hydraulique globale
du circuit sol-feuille estégalement
observée par certains auteurs
(Running, 1980;
Pena etGrace, 1986;
Granier etal, 1988).
Il existe relativement peu d’études pro-
posant
uneappréhension synthétique
dufonctionnement
hydrique
de l’arbre dans le continuumsol-plante-atmosphère
etqui prennent
encompte
à la fois les méca- nismesqui
contrôlent le fluxhydrique
danssa
phase liquide
et ceuxqui
interviennenten
phase
vapeur. Seule cetteapproche permet pourtant
de définir les contrainteshydriques subies
par les arbres en condi- tionsnaturelles,
et de décrire les modifica- tionsqu’elles
entraînent dans leur fonction- nementhydrique.
Le but de cet article est de montrer l’effet des
principaux
facteursabiotiques (contenu
en eau dusol, paramètres
clima-tiques)
sur l’évolution saisonnière du débit desève,
de la résistancestomatique
et dela
transpiration
dupin
maritime. Endépit
de son
importance économique
etécologi-
que dans le Sud-Ouest
européen,
où cetteessence couvre
plus
de3,5
millions d’hec- tares, le fonctionnementhydrique
dupin
maritime n’a été abordé que de
façon frag-
mentaire
(Guyon
etKremer, 1982;
Granieret
al,
1989; Loustau et EIHadj Moussa, 1989).
Le déficit estival en eau du sol estpourtant
observé constamment dans cetterégion
et surpratiquement
toute l’aire decette
espèce (Choisnel
etal, 1987;
Bara-dat, 1988).
Parailleurs,
différents travaux(Aussenac
etal,
1982; Donner etRunning,
1986; Linder etal, 1987)
montrent que despratiques sylvicoles
courantes pour lepin maritime,
comme l’éclaircie ou la fertilisa-tion,
modifient le fonctionnementhydrique
des arbres et des
peuplements.
Le débit de sève d’un échantillon de
pins
a été suivipendant
trois saisons con-sécutives de croissance dans un
peuple-
ment adulte. Ces mesures ont été
complé-
tées par des mesures de conductance sto-
matique,
depotentiel hydrique
foliaire etde contenu en eau du
sol,
àpartir
des-quelles
les mécanismes derégulation
desflux
hydriques
chez lepin
maritime et leurseffets sont discutés.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Site
expérimental
Le
régime climatique
de la zoneexpérimentale
est de type océanique, avec des hivers doux et
pluvieux
et des étés relativement secs; les moyennes des totaux annuels(1951-1980)
detempérature
et depluviométrie
sont de 12.5 °Cet 932 mm.
La
parcelle expérimentale
est située à 20 kmau Sud-Ouest de la ville de Bordeaux (latitude
44°42’ Nord,
longitude
0°46’ Ouest), en «Lande humide», unitéécologique régionale
caractéri-sée par une nappe
phréatique
fluctuant annuel- lement entre 0 et 150 cm deprofondeur,
un solpodzolique
sableux à horizon B induré, et unevégétation spontanée
dominée par la Molinie(Molinia coerulea Moench). Elle couvre une su-
perficie
de 16 ha.Le
développement
dessystèmes
racinairesdes arbres et de la Molinie est limité en
profon-
deur par la
présence
de l’horizon B induréqui
constitue un obstacle à la fois structural et chimi- que
(teneur
en aluminiumélevée)
à lapénétra-
tion racinaire.
Le
peuplement
depin,
conduit selon lesnormes de sylviculture intensive, provient d’un
semis en
ligne
de 1970; en 1988, la densité est de 880tiges/ha,
la circonférence et la hauteur moyennerespectivement
de 60 cm et de 12 m (classe I des tables deproduction
de Decourt et Lemoine, 1969);l’espacement
deslignes
est de4 m, la distance moyenne entre deux tiges sur
une
ligne
est de 3 m.La surface foliaire
développée
est estiméeentre 6 et 7 m2/m2de surface au sol, ce
qui
cor- respond à un indice foliaire peu différent de 3(El Hadj
Moussa, 1989).L’ensemble des mesures a été réalisé au sein d’un
placeau expérimental
de 1200 m2,situé au centre de
la parcelle,
afin de minimiser les effets de bordure.L’expérimentation comprend
trois périodesde mesure : 1987, 1988 et 1989. En 1987, la
pluviométrie
et l’ETP mensuelles entre mars et novembre ont été peu différentes des normales.L’année 1988 a été
marquée
par un excédentpluviométrique
important, l’année 1989 s’est aucontraire
singularisée
par un déficit remar-quable.
Mesures de flux de sève
Principe
La méthode de mesure utilisée est décrite par Granier (1985, 1987). Son principe repose sur le fait que l’écart de température entre deux sondes insérées dans le xylème d’un arbre, l’une
dégageant
un flux de chaleur constant par effet Joule, l’autre étant enéquilibre
avec latempérature
du xylème,dépend
de la vitesse de circulation de la sève dans lexylème.
Une for-mule
empirique
établie àpartir
de mesures opé-rées en laboratoire donne :
A
partir
de cette mesure, il estpossible
decalculer le flux de sève total traversant le tronc d’un arbre par la relation :
J = J s x SA
Echantillonnage
En 1988, un échantillon de 10 arbres a été me-
suré en continu de mars à novembre. Les me- sures étaient effectuées toutes les 10 s, les moyennes horaires étant calculées et stockées par une centrale
d’acquisition Campbell
Ltd, 21 X.Ces 10 arbres sont situés à l’intérieur du
pla-
ceau
expérimental;
ils ont été choisis defaçon
àreprésenter
l’ensemble de la gamme des sur- faces d’aubier à 1.30 m dupeuplement.
Leurscaractéristiques
dendrométriques
sont donnéesdans le tableau I.
En 1987 et en 1989, l’effectif de l’échantillon était respectivement de 7 et 8 individus, choisis de la même façon. Les périodes de mesure se
sont
prolongées,
en 1987 dejuillet
à septembre,et en 1989 de mai à novembre.
Les sondes ont toutes été insérées dans le tronc à 130 cm de hauteur dans le secteur azi- mutal Nord-Est/Sud-Est, abrité des vents domi- nants.
Estimation de la densité de flux de sève
journalière
et de latranspiration du peuplement
Les variations du contenu en eau de la partie
aérienne des arbres d’une
journée
à l’autre ontété négligées
et latranspiration journalière
dupeuplement (mm.j -1 )
a été assimilée à son débit de sève total. Cette estimation repose sur la re- lation :Tr = J sc x SA c x 10 -4
Le calcul de cette expression
requiert
l’esti-mation de deux
paramètres :
- l’estimation de la surface totale d’aubier à l’hectare,
SA c ,
a été effectuée par la méthodedu quotient (Snedecor et Cochran, 1956) : la
surface d’aubier de 33 arbres composant un
échantillon
représentatif
de la gamme des cir- conférences de laparcelle
a été estimée par ca- rottage à cœur(3 prélèvements
par arbre)(El Hadj
Moussa,1989);
unerégression
linéaire re-liant la section d’aubier et la surface terrière indi- viduelles des arbres de cet échantillon a été cal- culée; la surface totale d’aubier à l’hectare est ensuire calculée à
partir
de la surface terrière à l’hectare qui a été mesurée sur les 2 ha entou-rant le placeau.
La
régression
linéaire calculée entre la sec-tion d’aubier et la surface terrière des 33 arbres donne la relation suivante :
SA = 0,384·STE+ 32,77
(r=
0,84 n = 33)L’estimation de la surface d’aubier de la par- celle s’élève en 1988 à :
SA
c
= 1280 ± 120 dm2·ha-1(α = 0,05)
- La densité de flux moyenne du
peuplement, J
sc
,
a été estimée par la moyennearithmétique
des
densités de flux de l’échantillon mesuré.Mesures de conductance
stomatique
et de
potentiel hydrique
Les mesures de conductance
stomatique,
g ont été effectuées avec unporomètre LI-COR
1600 opérant à humidité constante. La surface foliaire des portions
d’aiguilles
mesurées a étécalculée à
partir
de leur diamètre en assimilantles
aiguilles
à un demicylindre.
En 1988, un échantillon de 20 à 30
paires d’aiguilles
de différentsâges, réparties
sur 5 ver-ticilles
supérieurs
de l’arbre n° 425, accessiblesdepuis
unéchafaudage,
a été mesuré au cours de 10journées réparties
entre mai et novembre (tableau II), a raison d’unejournée
toutes les 3 semaines environ.Chaque jour,
l’échantillon aété entièrement mesuré toutes les heures, entre 9 h 00 et 18 h 00 TU.
En 1989, l’échantillon a été réduit à 10 paires
d’aiguilles
réparties sur 3 verticilles et compre- nant desaiguilles
de l’année et lesaiguilles
d’unan. Cet échantillon a été mesuré lors de 6
jour-
nées entre 9 h 00 et 11 h 00 TU
(mesures
deconductance maximale) et sur deux
journées,
de 9 h 00 à 18 h 00 TU sur le même arbre.
Ces mesures ont
permis
d’estimer desmoyennes horaires de conductance stomatique pour les différentes
journées
de mesure; laconductance maximale a été définie comme la moyenne des conductances mesurées avant 11 h 00 TU.
Les mesures de
potentiel hydrique
ont été ef-fectuées sur le site
expérimental,
avec unechambre à
pression
de Scholander. Sur le même arbre, un échantillon de 10aiguilles (5 paires)
a été mesuré toutes les heures, lors dechaque journée
de mesures. Lescinq paires
mesurées étaient
réparties
sur lescinq
verti-cilles
supérieurs
et sur lequartier
Sud de la cou-ronne. Des mesures de potentiel en fin de nuit ont été opérées lors de quelques
journées
sup-plémentaires
en 1989. Suivant Aussenac et Granier (1978), le potentiel de base des ai-guilles
est défini comme lepotentiel
mesuré enfin de nuit et le
potentiel
minimumcorrespond
àla valeur la
plus
basse mesurée au cours de lajournée,
sur le même matériel.Le tableau II
présente
le calendrier des me- sures effectuées au cours des trois saisons de mesures(1987, 1988
et 1989).Estimation de la conductance
hydrauli-
queglobale
racine-feuilleSi on
néglige
apriori
laquantité
d’eau mobiliséedans le courant de sève à partir de réservoirs intemes,
l’équation
de transfert de la sève entre les racines et lesaiguilles
peut être écrite en uti-lisant
l’analogie
électrique(Cohen
et al, 1983):La conductance
hydraulique
spécifique,L s
etle potentiel à flux
nul ψ 0
ont été estimés par ré-gression
linéaire àpartir
des valeurs de densité de flux et depotentiel hydrique
mesurés aucours des
journées
de mesurescomplètes (Cohen
et al, 1983; Granier et al, 1988). Les hy-pothèses requises
à l’utilisation de cette relation et àl’interprétation
des résultats de cette esti- mation sont discutéesplus
loin.Mesures de stock
hydrique
de solLes mesures décadaires de stock
hydrique
dusol ont été effectuées par mesure neutronique (humidimètre SOLO 25, CEA, Nardeux) sur un
réseau de 8 tubes d’accès
neutroniques
(attei- gnant uneprofondeur
de 150 cm) etdisposés
sur les inter-rangs suivant une configuration
spatiale optimisée
par krigeage (Brejon, 1988;Granier et al, 1990). A
partir
de la structure spa-tiale d’une variable sur un domaine donné, défi- nie par son
variogramme,
lekrigeage
permetd’interpoler
la valeur moyenne de cette variablesur ce domaine et fournit la
précision
de l’esti-mation réalisée. Pour définir la
configuration
duréseau de mesures
présentant
le meilleur rap- port (précision/nombre depoints
de mesure), différents réseaux ont étécomparés
à partir d’unjeu
de donnéesexpérimentales
collecté sur cedomaine. Cette procédure est décrite plus en
détail par
Brejon
(1988) et Granieret al (1990).
Entre chaque journée de mesure, les valeurs de stock ont été estimées à partir de la mesure
de stock la
plus
proche dans le temps et d’une estimation des variations de stock opérée à par- tir des mesures de flux de sève des arbres, de l’ETR dusous-étage
de Molinie(Cochard,
1988;Granier et al, 1990) et des flux de remontées ca-
pillaires.
La profondeur maximale d’enracinement obs- ervée dans la
parcelle
est de 70 cm; laprofon-
deur maximale de sol utile a été estimée à 75 cm.
La réserve utile du sol a été estimée entre 100 et 110 mm à partir de mesures du stock maximal au
printemps,
sur sol ressuyé(R cc
=140 mm), et minimal, sur sol sec au milieu de l’été 1989, année
exceptionnellement
sèche(R m
= 31 mm).
Cette estimation permet
d’exprimer
lesstocks mesurés en pourcentage d’eau extrac-
tible par la végétation (PEE) :
Mesures
micrometéorologiques
Les moyennes horaires de température, humidi-
té relative, vitesse et direction du vent, rayonne- ment
global, pluviométrie
sont calculées àpartir
de mesures
opérées
toutes les 20 s par une sta- tion météorologique automatiqueCampbell
si-tuée à 15 m au dessus du sol au centre du pla-
ceau expérimental.
A partir de ces donnés, une valeur d’évapo-
transpiration potentielle
horaire a été calculéeavec la relation de Penman,
adaptée
àpartir
dedonnées
plus
récentes sur la résistance aérody-namique
des couverts de résineux :Le terme A,
énergie disponible,
a été estiméempiriquement,
àpartir
des mesures de rayon- nementglobal, Rg,
par :La conductance aérodynamique,
g
a étécalculée en utilisant la relation de
Monteith
(1973)
et les estimations de Jarvis et al(1976)
de hauteur de
plan
de référence (d) et derugosi-
té
(z 0 )
pour les couverts de conifères : z0= 0,075 h; d = 0,78 h (h : hauteur moyenne du
couvert (=13 m))
En 1987, ces mesures n’ont pas été détermi- nées sur le site, et les données
d’évapotranspi-
ration (ETP) utilisées ont été celles de la station de
Mérignac,
distante d’une dizaine de km à vol d’oiseau du siteexpérimental.
En revanche, les donnéespluviométriques
de cette station n’ont pas ététransposées,
la variabilitéspatiale
deschamps pluviométriques
n’étant pas connue.RÉSULTATS
Variabilité de la densité de flux de sève
Quelles que soit l’année
d’expérimentation considérée,
la densité de flux de sève d’un arbre ne semble paspouvoir
être reliée defaçon simple
à l’une de ses caractéristi- ques dimensionnelles(circonférence,
hau- teur, section d’aubier à1,30
m, surface fo-liaire).
La
figure
1présente
la relation obtenue pourquelques journées
dechaque expéri- mentation,
entre la densité de flux de sève(cumul journalier)
et la section d’aubier dechaque
arbre mesuré.La variabilité de la densité de flux de sève est
plus
élevée en condition de fluxélevé et diminue
quand
le flux de sève estplus fàible.
Cette absence d’une relation
marquée
entre densité de flux de sève et dimension d’un arbre se retrouve
quelle
que soit l’échelle detemps (heure, jour, décade)
oula
période
considérée.Le coefficient de variation des mesures
de densité de flux varie entre 20 et 30% au cours des 3 années de mesure et
permet
une
précision
de ± 15% sur l’estimation de la densité de flux de sève moyenne à l’hec- tare.L’estimation de la densité de flux de sève moyenne du
peuplement
a été faiteavec la moyenne
arithmétique
des densi-tés de flux de l’échantillon.
Evolution saisonnière de la densité de flux et de la
transpiration
dupeuple-
ment
En 1988, la densité de flux de sève moyenne du
peuplement augmente
gra- duellement de mi-mai àfin-juin;
ellepré-
sente en
juillet
et août des valeurs maxi- males de 25kg·dm -2 ·j -1 , correspondant
àune
transpiration journalière
de 3 à3,5 mm·j
-1
,
pour des ETP de6,5
à 7mm·j -1
(fig 2). Jusqu’au
mois deseptembre,
les variations de débit de sève sontglobale-
ment
parallèles
aux fluctuations de l’ETPjournalière.
Durant cettepériode,
le stockhydrique
du sol esttoujours supérieur
à140 mm; il diminue
rapidement
àpartir
dumois d’août et atteint des valeurs com-
prises
entre 40 et 50 mm enseptembre.
Au milieu du mois de
septembre,
la den-sité moyenne de flux de sève est réduite brutalement à des valeurs inférieures à 8
kg·dm -2
·j -1
, correspondant
à unetranspi-
ration de 1
mm·j -1 .
Pendant la fin du mois deseptembre,
les variationsjournalières
de
transpiration
sont très atténuées relati-vement à celles de
l’ETP;
enoctobre,
le stockhydrique
remonte entre 50 et 60 mmà la suite d’une série
d’épisodes pluvieux.
Il a fluctué entre ces deux valeurs
jusqu’à
la fin de
l’expérimentation.
Une remontée du débit de sève consécutive auxépi-
sodes
pluvieux
et à cetteaugmentation
dustock
hydrique
est observée durant cettepériode.
En 1987 et 1989, l’évolution saisonnière du débit de sève et de la
transpiration
dupeuplement
diffère essentiellement par la durée et par la date de la réduction de latranspiration.
En1987,
cette réduction est survenue vers le milieu du moisd’août,
ets’est
prolongée jusqu’à
l’arrêt des me-sures, à la
mi-septembre.
Au cours del’année
1989, particulièrement
déficitaireen
précipitations,
cette réduction a eu lieu dès la fin du mois dejuin
et s’estprolon- gée
au delà de la fin octobre. Cette chute de débit de sève a atteint uneampleur
par- ticulière à troisreprises
en 1989 : durantquelques jours précédant
lespluies
de lafin
juillet,
entre le 1eret le 15septembre
etvers la mi-octobre. Le flux de sève indivi- duel varie de 1,5 à 5
kg·j -1
suivant les arbres et latranspiration journalière
atteintdes minima de 0,12 à
0,18 mm·j -1 (31
août-15
septembre).
Ces troispériodes
coïncident avec des stockshydriques
dusol inférieur à 35 mm
(PEE de 5%).
Ces réductions de flux de sève sont en-
registrées
pour tous les arbres mesurés dans le mêmelaps
detemps
de 2 à 3jours,
cequi
traduit une relative simultanéi- té de la réduction du fluxtranspiratoire
pour les différents arbres
composant
les échantillons suivis au cours des trois cam-pagnes de mesure.
En
1988,
comme en 1989, la réduction du flux de sèves’observe quand
lestock hydrique
du sol(0-75 cm)
atteint un seuilsitué entre 50 et 55 mm,
correspondant
àun PEE de 15 à 20%. En
deçà
de ceseuil,
les variationsjournalières
de débit de sèvene suivent
plus
celles de l’ETP maisrépon-
dent surtout à l’occurence des
épisodes
pluvieux qui
sont suivis de remontées deflux de sève. Les valeurs de densité de flux atteintes restent
cependant
inférieuresaux valeurs mesurées sur sol bien pourvu
en eau.
La relation entre
PEE, potentiel
de baseet
potentiel
minimum est illustrée par la fi- gure 3. Pour des PEEsupérieurs
à 25%(stock supérieur
à 60mm),
les valeurs depotentiel
de base varient entre -0.3 MPaet -0.5
MPa;
endeçà
de ceseuil,
lepoten-
tiel de base diminuerapidement
avec ledessèchement du
sol, jusqu’à
un minimumde -1.16
MPa,
mesuré pour un PEE de 1 à2%, équivalent
à un stock de 32 mm, àla fin du mois d’août 1989. En
revanche,
lepotentiel
minimal desaiguilles
varie relati- vement peu; il fluctue autour d’une valeur de -1.5MPa,
et sembleglobalement
indé-pendant
des conditions d’humectation du sol.La
figure
4 montre la relation entre la conductancestomatique
maximale et lepotentiel
debase,
établie àpartir
des don-nées mesurées en 1988 et 1989.
Malgré
ladispersion
des valeurs de conductance mesurées le matin, la diminu- tion de conductancequand
lepotentiel
debase diminue est
manifeste;
elle semble constante tout aulong
de la gamme de po- tentiel observée.L’équation
de la droite derégression (proc
REGlogiciel SAS)
entrela conductance maximale
(en cm·s -1 )
et lepotentiel
de base(en MPa) peut
s’écrire : gs=
0,56·ψ b
+0,49 (n
=182; r 2
=0,42;
α =0,001 )
Cinétiques journalière
des relationshy- driques
Parmi les 12
journées
de mesure réaliséesau cours des
expérimentations
de 1988 et 1989, deuxtypes
d’évolutionjournalière
deconductance
stomatique, potentiel hydri-
que, et flux de sève se différencient nette- ment
(fig 5).
Au
printemps
et au début de l’été(fig
5a), quand
le PEE estsupérieur
à 20%, laconductance
stomatique présente
des va-leurs décroissantes du matin au
soir,
de 0,30 à 0,10cm·s -1 ;
lepotentiel hydrique présente
des valeurs maximales de-0,3
MPa en fin de nuit et atteint des valeurs minimales de-1,5
MPa en milieu dejour-
née.
Le flux de sève horaire varie de
façon parallèle
avec l’ETP etprésente
une aug- mentationrapide
lematin,
unephase
sta-tionnaire en milieu de
journée
et une dé-croissance
plus graduelle
dansl’après-
midi. Il tend à s’annuler vers minuit. Juste avant 16 h 00, un passage nuageux a pro-
voqué
une baisse de l’ETP horairequi
co-ïncide avec une chute du flux de sève et une remontée de
potentiel hydrique
fo-liaire.
A
partir
de la fin de l’été(fig 5b),
pour des PEE inférieurs à20%,
lepotentiel hy- drique
en fin de nuit diminue et atteint-0,7
pour lajournée représentée;
en milieu dejournée
il restecependant compris
entre -1,3 et -1,6 MPa.
La conductance
stomatique présente
des valeurs matinales
plus
faibles quepré- cédemment,
de 0,10 à0,20 cm·s -1 ,
et seréduit
précocement
à des valeurs d’environ 0,05cm·s -1 .
La conductancestomatique
des
jeunes aiguilles
restecependant
éle-vée,
relativement à celle desaiguilles
d’unan.
Les valeurs horaires de densité de flux de sève sont réduites d’un facteur 3 à 4 par
rapport
aux valeurs atteintesprécé-
demment. Elles restent
comprises
entre 0,5 et0,7 kg·dm -2 ·h -1
sur laplus grande partie
de lajournée.
Estimation de la conductance
globale spécifique
racines-feuillesLe tableau III
présente
les valeurs de y0et deL s
pour différentesjournées
de mesurecaractéristiques.
Lesdiagrammes
flux-potentiels
de six de cesjournées, présen-
tant des niveaux variés de réserve
hydri-
que du
sol,
sontreprésentés
dans lafigure
6.
Au cours du dessèchement du
sol,
deuxphénomènes
se manifestent : une diminu- tion dupotentiel
à flux nul ψ0et une réduc- tion de la conductanceglobale
au transfertde sève dans l’arbre. Une bonne corréla- tion est observée entre
potentiel
de baseet
potentiel
à flux nul(fig 7).
La réduction de la conductancehydraulique globale
setraduit par la réduction de la
pente
desdroites de
régression flux-potentiel quand
le PEE diminue. La
figure
8 montre l’évolu-tion de la conductance
hydraulique globale
quand
lepotentiel
de base diminue.DISCUSSION
Variabilité interarbres de la densité de flux de sève
A l’échelle du
peuplement,
la variabilité des mesures de densité de flux de sève in-tègre
deuxcomposantes :
une compo-sante intra-arbre
(variabilité azimutale,
ra-diale,
suivant la hauteur de la sonde sur letronc...)
et unecomposante
inter-arbre. Leprotocole d’échantillonnage
a été conçu defaçon
à réduire au minimum les effets devariabilité intra-arbre. Celle-ci
peut
cepen- dant êtreimportante
comme cela a étémontré chez le
Douglas (Cohen
etal,
1984).
L’absence de relation
simple
entre ladensité de flux de sève et la dimension des arbres
suggère qu’une
tellerelation,
si elleexiste,
ne rendcompte
que d’une faiblepart
de la variabilité des mesuresdans nos conditions
expérimentales.
Cecipeut s’expliquer
à la fois par uneprédomi-
nance de la variation intra-arbre et par la
physionomie
dupeuplement
étudié :- le
placeau expérimental présente
uneforte
régularité d’espacement,
detopogra- phie
et devégétation
desous-étage
et lesstatuts concurrentiels sont relativement peu contrastés.
- la
canopée présente
unaspect
très ou- vert,typique
des couverts depin maritime, qui
atténue les variations de conditions en-vironnementales entre les
houppiers;
leshouppiers
des arbres de faible classe de circonférence et hauteuratteignent
l’enve-loppe supérieure
de lacanopée.
Cette relative
homogénéité
est obser-vée chez le
pin ponderosa (Lopushinsky, 1986),
et par certains auteurs(Kline
etal, 1976)
dans despeuplements
deDouglas.
D’autres auteurs trouvent au contraire une
relation croissante entre la densité de flux
de sève d’un arbre et son statut concurren-
tiel
(Lopushinsky,
1986;Granier, 1987).
Dans un
peuplement
depins
maritimes de 37 ans récemmentéclairci,
Granier et al(1989)
observent une relation faiblement croissante entre densité de flux et circonfé-rence des arbres. Les conditions
expéri-
mentales différentes rendent
cependant
toute
comparaison impossible.
Variations saisonnières du flux de sève et de la
transpiration
Diawara et al
(1990),
ont montré àpartir
de mesures effectuées sur ce même site
en
1988,
que les estimations detranspira-
tion
journalière opérées
àpartir
du flux de sève concordent à 15%près
avec cellesopérées
àpartir
du biland’énergie
du cou-vert. Cet écart rentre dans l’intervalle de confiance des différentes estimations.
Au cours des trois
expérimentations,
lesvariations de la densité de flux de sève
journalière correspondent
à deuxtypes
de facteurs :quand
le PEE estsupérieur
à20% elles