• Aucun résultat trouvé

ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2023

Partager "ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?"

Copied!
14
0
0

Texte intégral

(1)

LE

STAGE

EN

ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?

MîcheLVILLETTE*

Résumé Les étudiantssont deplusenplus incitésà fairedesstages enente prise aucoursde leur formation. Cependant, l'absence d'instruments intellectuelsadaptés à cegenre d'exercice pose problème.Livrés à eux-mêmesou encombrésde préceptes et de méthodologies inadap¬

tés,lesétudiantsnetirentpas lemeilleurpartideleur expérience de stage.En m'appuyantsur mes expériences de recherche en ente¬

prise, surla traditiondesétudes deterrain en sociologieet surdes expériences pédagogiques conduites dans plusieurs écoles d'ingé¬

nieuretdegestion,je propose une voie pratique, explicite etdiscu¬

tabled'étudedirectedesprocessus ensituationdetavail.

Abstact Students aremoreandmoreincitedtocarryoutworkplacements in firms during their taining.However, the lack

of

intellectual instru¬

mentsadapted tothiskind

of

exerciseraisesaproblem.Lefttotheir owndevicesoroverburdenedwith ill-suited preceptsandmethodolo¬

gies,the studentsdo nottakefulladvantage

of

theirworkexperience.

Byrelying onmyresearch experiences in firms, on the tradition

of

fieldstudies insociologyandonteaching experimentscarriedout in severalschools

of

engineeringandmanagement,Ipropose a practi¬

cal,explicitanddebatablemethod

of

directstudy

of

theprocesses

of

thework situation.

95

* - Michel Villette,Écolenationalesupérieure desindustriesalimentaires,Massy.

LE

STAGE

EN

ENTREPRISE PEUT IL DEVENIR UN PROGRAMME D'APPRENTISSAGE FORT?

MîcheLVILLETTE*

Résumé Les étudiantssont deplusenplus incitésà fairedesstages enente prise aucoursde leur formation. Cependant, l'absence d'instruments intellectuelsadaptés à cegenre d'exercice pose problème.Livrés à eux-mêmesou encombrésde préceptes et de méthodologies inadap¬

tés,lesétudiantsnetirentpas lemeilleurpartideleur expérience de stage.En m'appuyantsur mes expériences de recherche en ente¬

prise, surla traditiondesétudes deterrain en sociologieet surdes expériences pédagogiques conduites dans plusieurs écoles d'ingé¬

nieuretdegestion,je propose une voie pratique, explicite etdiscu¬

tabled'étudedirectedesprocessus ensituationdetavail.

Abstact Students aremoreandmoreincitedtocarryoutworkplacements in firms during their taining.However, the lack

of

intellectual instru¬

mentsadapted tothiskind

of

exerciseraisesaproblem.Lefttotheir owndevicesoroverburdenedwith ill-suited preceptsandmethodolo¬

gies,the studentsdo nottakefulladvantage

of

theirworkexperience.

Byrelying onmyresearch experiences in firms, on the tradition

of

fieldstudies insociologyandonteaching experimentscarriedout in severalschools

of

engineeringandmanagement,Ipropose a practi¬

cal,explicitanddebatablemethod

of

directstudy

of

theprocesses

of

thework situation.

95

* - Michel Villette,Écolenationalesupérieure desindustriesalimentaires,Massy.

(2)

Aucoursdesannées 1980-1990,enFranceet dans d'autres pays européens(1),un nombre croissant de formations universitaires et d'écoles d'enseignement supérieur aenvoyélesétudiantsenstagedanslesentreprises,afinqu'ilsseformentsur le tas.

Grâceàcetteformulepédagogique,tout lemonde a l'impression defaireunebonne affaire. Les établissements d'enseignement diminuent leurs heures de cours, donc leursfrais de fonctionnement;lesentreprisesrécupèrentunemain

d'uvre

trèsbon marchéet pleine de bonne volonté; les représentants des ministères trouvent une réponseaureproched'inadéquationdel'enseignementauxbesoinsdel'économie;

les familles se persuadent que la période de stage facilitera l'embauche de leur enfant; les étudiants sont ravisd'échapper enfin à vingt années assises dans une sallede classe;quand aux pédagogues etauxphilosophes, ils rêventde disposer d'uneformule qui iraitde lapratique aux livres etnon plus des livresàlapratique.

Cependant, cette solution qui semble satisfaire tout le monde est un miroir aux alouettes. En réalité, un travail intellectuel sérieuxautour de l'expérience de stage accroît le coût de l'enseignement au lieu de le diminuer parce qu'elle exige aes enseignants un travail sur mesure, élève par élève; la généralisation des stages aboutitàune baisseduniveaumoyen derémunération desjeunesaudébutde leur vieactive;denombreusesentreprisesmultiplientlesstagespourréduireleurscoûts salariauxsanscréerpour autant d'emplois etsans être aesmodèlesde«bonneges¬

tion» dignesd'inspirerla jeunesse;danscertainssecteurscomme lagrandedistri¬

bution,desnoriasde stagiairessesubstituentauxemplois permanents. Enfin etsur¬

tout, faute d'instruments intellectuels adéquats et à défaut d'un travail personnel importantaccomplipar l'étudianten plusetà côtédestâchesdemandéesparl'en- treprise,l'étudiant risque denerienapprendre aucoursdesonstage,parce que rien 96 | n'estplusdifficileque de tirerdesenseignementsvalidesdu flux continuetindiffé¬

rencié de l'expériencequotidienneautravail.

Faut-ilpour autant condamnerle systèmedesstages?Non,puisqu'ilestlesymptôme plutôt que lacausedu sous-emploi desjeunes. Non encore, parce quedupointde vue de la connaissance, il est en principe fructueux de mettre entension lesavoir livresqueetl'expériencepratiqueet deforgerdesoutilspour penserlepassagedu gesteà la parole,de l'exécution àla réflexion. Non enfin, puisque c'estune occa¬

sionpotentielle deproduiredesconnaissances aulieudelesreproduire.

Quellessontlesconditionspourquel'expérience destagepuissedevenirunmoment deproduction de connaissances originales? Commentfaire pour que lesétudiants ramènent du stage vers les sallesdeclasseun « savoir »authentique, justifiant du mêmecoupl'inscriptiondu stagedans un cursusd'enseignementetde recherchedit

«supérieur » ?Commentfairedustage un programme«fort»?

1 - Actes du colloque « La formation enalternance dans l'enseignement universitaire », Bruxelles,3-5 décembre1998,GroupeIchecetDGXXIIde laCommissioneuropéenne.

Aucoursdesannées 1980-1990,enFranceet dans d'autres pays européens(1),un nombre croissant de formations universitaires et d'écoles d'enseignement supérieur aenvoyélesétudiantsenstagedanslesentreprises,afinqu'ilsseformentsur le tas.

Grâceàcetteformulepédagogique,tout lemonde a l'impression defaireunebonne affaire. Les établissements d'enseignement diminuent leurs heures de cours, donc leursfrais de fonctionnement;lesentreprisesrécupèrentunemain

d'uvre

trèsbon marchéet pleine de bonne volonté; les représentants des ministères trouvent une réponseaureproched'inadéquationdel'enseignementauxbesoinsdel'économie;

les familles se persuadent que la période de stage facilitera l'embauche de leur enfant; les étudiants sont ravisd'échapper enfin à vingt années assises dans une sallede classe;quand aux pédagogues etauxphilosophes, ils rêventde disposer d'uneformule qui iraitde lapratique aux livres etnon plus des livresàlapratique.

Cependant, cette solution qui semble satisfaire tout le monde est un miroir aux alouettes. En réalité, un travail intellectuel sérieuxautour de l'expérience de stage accroît le coût de l'enseignement au lieu de le diminuer parce qu'elle exige aes enseignants un travail sur mesure, élève par élève; la généralisation des stages aboutitàune baisseduniveaumoyen derémunération desjeunesaudébutde leur vieactive;denombreusesentreprisesmultiplientlesstagespourréduireleurscoûts salariauxsanscréerpour autant d'emplois etsans être aesmodèlesde«bonneges¬

tion» dignesd'inspirerla jeunesse;danscertainssecteurscomme lagrandedistri¬

bution,desnoriasde stagiairessesubstituentauxemplois permanents. Enfin etsur¬

tout, faute d'instruments intellectuels adéquats et à défaut d'un travail personnel importantaccomplipar l'étudianten plusetà côtédestâchesdemandéesparl'en- treprise,l'étudiant risque denerienapprendre aucoursdesonstage,parce que rien 96 | n'estplusdifficileque de tirerdesenseignementsvalidesdu flux continuetindiffé¬

rencié de l'expériencequotidienneautravail.

Faut-ilpour autant condamnerle systèmedesstages?Non,puisqu'ilestlesymptôme plutôt que lacausedu sous-emploi desjeunes. Non encore, parce quedupointde vue de la connaissance, il est en principe fructueux de mettre entension lesavoir livresqueetl'expériencepratiqueet deforgerdesoutilspour penserlepassagedu gesteà la parole,de l'exécution àla réflexion. Non enfin, puisque c'estune occa¬

sionpotentielle deproduiredesconnaissances aulieudelesreproduire.

Quellessontlesconditionspourquel'expérience destagepuissedevenirunmoment deproduction de connaissances originales? Commentfaire pour que lesétudiants ramènent du stage vers les sallesdeclasseun « savoir »authentique, justifiant du mêmecoupl'inscriptiondu stagedans un cursusd'enseignementetde recherchedit

«supérieur » ?Commentfairedustage un programme«fort»?

1 - Actes du colloque « La formation enalternance dans l'enseignement universitaire », Bruxelles,3-5 décembre1998,GroupeIchecetDGXXIIde laCommissioneuropéenne.

(3)

Michel VIliETTE

Diversité des formules pédagogiques et unité de la problématique

Stagesouvriers et stagesintégrésdesécoles d'ingénieurs, formation enalternance du CNAM, apprentissage àl'ESSEC,reprisedes étudesaprès uneexpériencepro¬

fessionnelleàl'INSEADouàHEC ISA,PraktikumdesHocnschuleallemandes, Tech¬

nicalplacementdesdépartementsd'engineringdesuniversitésanglaises, autant de corps professoraux, de populations d'étudiants, de champs disciplinaires, de contraintes organisationnelles (nombre d'étudiants par enseignant) et financières (coûtde laformationpartête/J'étudiant),d'intentions politiques(2),d'étatde larela¬

tion entre les employeurs, l'Etat, les familles et les institutions d'enseignement. Un sociologuequi prétendraitdégageruneproblématique commune et sous-jacenteà toutescesexpériencespédagogiques pourproposerunedémarcheunificatricepas¬

seraitsansnuldoutepourun naïf

Pourtant, le problème est toujours le même : apprendre en travaillant. Passerdu geste àlaparole.Acquérirunminimumdemaîtrise intellectuelled'une situation dans laquelle onestprisefsurlaquelle ontented'avoirprise. Extraired'un engagement temporaire dansunesituationde travailuncertain«savoir»qu'onn'avaitpaslors¬

qu'on yestentré,dontl'intérêtdépasse lecadreétroit de la situation où ils'estéla¬

boré,etdont lavaliditéestproblématique et mérited'êtrediscutée.

Sil'école a un sens, c'est parcequ'on admetqu'il estpossibledetransformerdes savoirs ésotériques,locauxet implicitesensavoirsgénéraux discutables ettransmis¬

sibles et que réciproquement, on pense que des savoirs généraux pourront être mobilisésutilement dansl'action.

Assumercetteprétention,c'estrépondreàlaquestion:commentextraired'unenga¬

gementtemporaire dansunesituationdetravail quelques«connaissances»acadé- miquement acceptables,c'est-à-dire,composéesd'énoncés(d'images,d'objets)suf¬

fisamment « décontextualisés » pour être transportables, compréhensibles, discutables,vérifiables, utilisablesparlesautresélèvesdel'école,lesprofesseurs,les chercheurs, et des professionnels qui n'étaient pas impliqués dans la situation de référence?

Siunepériode de travailenentreprise mérited'être inclue dansuncursuspédago¬

giquedel'enseignement supérieur,c'estparcequ'onchercheeffectivementàaccom¬

plirceprogrammeambitieux etqu'ons'endonnelesmoyens. Renonceràceprojet, c'estadmettrequele systèmedes stagesn'estriendeplusqu'uneopération promo¬

tionnellepour vendreensoldedesdiplômésen surnombre.

2 - Lespremiersstagesorganisés après-guerreparBertrandSchwartz, àl'École des mines deNancy avaientpour but defairedécouvrirlacondition ouvrièreauxfutursingénieursafin d'abaisserunpeula barrière d'incompréhension entrelesclassessociales.

97

Michel VIliETTE

Diversité des formules pédagogiques et unité de la problématique

Stagesouvriers et stagesintégrésdesécoles d'ingénieurs, formation enalternance du CNAM, apprentissage àl'ESSEC,reprisedes étudesaprès uneexpériencepro¬

fessionnelleàl'INSEADouàHEC ISA,PraktikumdesHocnschuleallemandes, Tech¬

nicalplacementdesdépartementsd'engineringdesuniversitésanglaises, autant de corps professoraux, de populations d'étudiants, de champs disciplinaires, de contraintes organisationnelles (nombre d'étudiants par enseignant) et financières (coûtde laformationpartête/J'étudiant),d'intentions politiques(2),d'étatde larela¬

tion entre les employeurs, l'Etat, les familles et les institutions d'enseignement. Un sociologuequi prétendraitdégageruneproblématique commune et sous-jacenteà toutescesexpériencespédagogiques pourproposerunedémarcheunificatricepas¬

seraitsansnuldoutepourun naïf

Pourtant, le problème est toujours le même : apprendre en travaillant. Passerdu geste àlaparole.Acquérirunminimumdemaîtrise intellectuelled'une situation dans laquelle onestprisefsurlaquelle ontented'avoirprise. Extraired'un engagement temporaire dansunesituationde travailuncertain«savoir»qu'onn'avaitpaslors¬

qu'on yestentré,dontl'intérêtdépasse lecadreétroit de la situation où ils'estéla¬

boré,etdont lavaliditéestproblématique et mérited'êtrediscutée.

Sil'école a un sens, c'est parcequ'on admetqu'il estpossibledetransformerdes savoirs ésotériques,locauxet implicitesensavoirsgénéraux discutables ettransmis¬

sibles et que réciproquement, on pense que des savoirs généraux pourront être mobilisésutilement dansl'action.

Assumercetteprétention,c'estrépondreàlaquestion:commentextraired'unenga¬

gementtemporaire dansunesituationdetravail quelques«connaissances»acadé- miquement acceptables,c'est-à-dire,composéesd'énoncés(d'images,d'objets)suf¬

fisamment « décontextualisés » pour être transportables, compréhensibles, discutables,vérifiables, utilisablesparlesautresélèvesdel'école,lesprofesseurs,les chercheurs, et des professionnels qui n'étaient pas impliqués dans la situation de référence?

Siunepériode de travailenentreprise mérited'être inclue dansuncursuspédago¬

giquedel'enseignement supérieur,c'estparcequ'onchercheeffectivementàaccom¬

plirceprogrammeambitieux etqu'ons'endonnelesmoyens. Renonceràceprojet, c'estadmettrequele systèmedes stagesn'estriendeplusqu'uneopération promo¬

tionnellepour vendreensoldedesdiplômésen surnombre.

2 - Lespremiersstagesorganisés après-guerreparBertrandSchwartz, àl'École des mines deNancy avaientpour but defairedécouvrirlacondition ouvrièreauxfutursingénieursafin d'abaisserunpeula barrière d'incompréhension entrelesclassessociales.

97

(4)

Un programme pour les stages

DansL'art du staaeenenteprise(Ladécouverte, 1994),j'ai proposéunprogramme d'apprentissagefortpourlesétudiantsdel'enseignement supérieur quivontfoireun stageenentreprise.J'emploie l'expression« apprentissagefort»paropposition au programme quimeparaît leplusfréquentaujourd'hui :celuid'un étudiant qui vaen entrepriseavecpour intention suffisantede« bien s'intégrer »,de« fairecequ'on luidemande»et,si possible,desefaireembaucheraprèsavoirrédigé àlahâteun

«rapportdestage»depureconvenance. Ceprogramme minimum m'a paruinsuf¬

fisant parcequelacapacité àadoptersansexamendescroyancesetpratiquespro¬

fessionnellesconsidéréeslocalementcommevalidesn'estriendeplusqu'un exercice deconformisme intellectuel, insuffisantsil'entrepriseestexcellente

-

cegenred'en¬

trepriseest en quête d'employés imaginatifs

-

etcatastrophique si l'entreprise est médiocre, puisque l'étudiant aura apprisà reproduirelamédiocrité.

Fairedu stage unprogramme d'apprentissagefortsupposede poserquatreques¬

tionssurl'expérienceautravailquel'onavécu:Qu'ai-jeappris?Quelleestlavali¬

dité decesavoir?Dans^quellesconditions et avecquellesprécautionspourrai-jel'uti¬

liserdemain, ailleurs?Àquellesconditions puis- je le transmettreàquelqu'und'autre pourson propre usage?

Ce travail d'examen critique et de « remontée en généralité » à partir d'une séquenced'événementsdans laquelleona étésoi-même impliquéneva pasdesoi (3).C'estunexercice intellectueldifficile qui supposeuntravaild'une natureun peu spéciale et que malheureusement,trèspeu d'enseignantsonteul'occasion deprati-

. quereux-mêmes,parce quecegenre d'exercicenefaitpaspartiedestravaux requis y8 | pour atteindreà l'excellenceacadémique:agrégationet thèse(4).

3 - «Oui,lesacteursfontcequ'ils fontetsavent cequ'ilssaventmieux que quiconque.Oui, ilssont sansdoutelesmieuxplacéspour direcequ'ils fontet savent.Mais,non,ilsnedispo¬

sentpas immédiatementdesmoyens deperception etd'expression qui leurpermettraient de livrercetteexpérience spontanément. »BernardLahire, «Logiques pratiques,le"faire" et le

"diresur lefaire"»,RechercheetFormation, n°27, 1998,p.27.

4 - Ensciences degestion, par exemple, la majoritédesthèses de doctorat sefont sans qu'aucun engagementprolongé dans l'activité de gestion d'une entreprisenesoitrequisde l'étudiant.On considère encore qu'une approche à distancedumondedesaffairesest suffi¬

sante.Onsecontentede questionnaires, d'entretiens, destatistiquesetdemodèlesthéoriques.

Pouruneprisedepositionrécente, mais encore trèstimoréesur ceproblèmevoirV.Chanat, H. LescaetA.C. Martinet, « Versune ingénieriedela recherche en sciencesdegestion », RevueFrançaisedeGestion,nov.-déc. 1997.

Un programme pour les stages

DansL'art du staaeenenteprise(Ladécouverte, 1994),j'ai proposéunprogramme d'apprentissagefortpourlesétudiantsdel'enseignement supérieur quivontfoireun stageenentreprise.J'emploie l'expression« apprentissagefort»paropposition au programme quimeparaît leplusfréquentaujourd'hui :celuid'un étudiant qui vaen entrepriseavecpour intention suffisantede« bien s'intégrer »,de« fairecequ'on luidemande»et,si possible,desefaireembaucheraprèsavoirrédigé àlahâteun

«rapportdestage»depureconvenance. Ceprogramme minimum m'a paruinsuf¬

fisant parcequelacapacité àadoptersansexamendescroyancesetpratiquespro¬

fessionnellesconsidéréeslocalementcommevalidesn'estriendeplusqu'un exercice deconformisme intellectuel, insuffisantsil'entrepriseestexcellente

-

cegenred'en¬

trepriseest en quête d'employés imaginatifs

-

etcatastrophique si l'entreprise est médiocre, puisque l'étudiant aura apprisà reproduirelamédiocrité.

Fairedu stage unprogramme d'apprentissagefortsupposede poserquatreques¬

tionssurl'expérienceautravailquel'onavécu:Qu'ai-jeappris?Quelleestlavali¬

dité decesavoir?Dans^quellesconditions et avecquellesprécautionspourrai-jel'uti¬

liserdemain, ailleurs?Àquellesconditions puis- je le transmettreàquelqu'und'autre pourson propre usage?

Ce travail d'examen critique et de « remontée en généralité » à partir d'une séquenced'événementsdans laquelleona étésoi-même impliquéneva pasdesoi (3).C'estunexercice intellectueldifficile qui supposeuntravaild'une natureun peu spéciale et que malheureusement,trèspeu d'enseignantsonteul'occasion deprati-

. quereux-mêmes,parce quecegenre d'exercicenefaitpaspartiedestravaux requis y8 | pour atteindreà l'excellenceacadémique:agrégationet thèse(4).

3 - «Oui,lesacteursfontcequ'ils fontetsavent cequ'ilssaventmieux que quiconque.Oui, ilssont sansdoutelesmieuxplacéspour direcequ'ils fontet savent.Mais,non,ilsnedispo¬

sentpas immédiatementdesmoyens deperception etd'expression qui leurpermettraient de livrercetteexpérience spontanément. »BernardLahire, «Logiques pratiques,le"faire" et le

"diresur lefaire"»,RechercheetFormation, n°27, 1998,p.27.

4 - Ensciences degestion, par exemple, la majoritédesthèses de doctorat sefont sans qu'aucun engagementprolongé dans l'activité de gestion d'une entreprisenesoitrequisde l'étudiant.On considère encore qu'une approche à distancedumondedesaffairesest suffi¬

sante.Onsecontentede questionnaires, d'entretiens, destatistiquesetdemodèlesthéoriques.

Pouruneprisedepositionrécente, mais encore trèstimoréesur ceproblèmevoirV.Chanat, H. LescaetA.C. Martinet, « Versune ingénieriedela recherche en sciencesdegestion », RevueFrançaisedeGestion,nov.-déc. 1997.

(5)

MichelVILLETTE

L'art du stageen enteprise, publiéen 1994,étaità l'époque etreste undes seuls livres français (5) qui abordeau fond les difficultés de la production de connais¬

sancesàpartir d'uneexpérience au travailenentreprise.Cefait editorialest symp¬

tômatique. Lapratiquedesstages s'estdéveloppée commesielleallaitdesoi etne nécessitaitpasdetravail intellectuelspécial. Ni les sociologues, nileschercheursen gestion ne s'étaient sérieusement penchés sur les redoutables difficultés que l'on demandaitaux étudiants de surmonter.On considérait lestagecomme une simple variante de la recherched'emploi (6). On se préoccupait surtout d'éviter les pos¬

sibles débordements en plaçant chaque stagiaire sous la responsabilité d'un

«tuteur», qualificatifquienditassez surlesintentionspaternalistesd'un projetqui visait« l'intégration»plutôtque l'analyse.

L'étude directe des processus en situation de gestion

DansL'Artdu stageen enteprise, jepropose unedémarche intellectuellepour les stages : « l'étude directedesprocessus ensituation de gestion ». Cette métnodede travail s'inspire dela traditionsociologique de l'école deChicago notamment Eve¬

rett Hughes,Anselm Strauss (7), Merville Dalton (8), de l'enquêteethnographique, enparticulierMarcel Mauss et Marcel Maget (9), et de la recherche cliniqueenges¬

tion(10).Elleestaussi lefruitdemespropresexpériencespour comprendrelessitua¬

tions professionnelles que jevivais, d'abord en tantque doctorant en sociologie, élèvede PierreBourdieu et deLuc Boltanski, puis entant quemanager (11).

5 - Voiraussi lelivre deFlorenceHunot-Clairefond,Formerlesnouveauxmanagers (Éditions Liaisons, Paris, 1996) quisuitunedémarchetrèsdifférente,puisqu'ilpartd'une définition du

« manager idéal » supposée répondre auxattentesdes entreprisesdu XXIesiècle pouren déduireunprojet pédagogique.

6 - Ilexistedenombreux guides pratiquesdonnantdesconseilsaux étudiants pour trouver unstageetbien s'intégrer dans l'entreprise:« Pointsderepèrepour unstage»,ANACT, INRS, Paris, 1990. J.-M. Colombeau,Chercherettouverunstage,Éditionsd'Organisation, Paris, 1993.M.Audry, Trouver,exploiter,réussir sonstageenenteprise,Éd.Foucher,Paris, 1990;T. Gascheauet D. Riols, LeStage enenteprise,Paris, Nathancol. 128, 1993.L.Loi- seau,Trouvervotre stageenenteprise,Paris,L'Étudiant, 1reéd., 1992.

7 - SchatzmanL.StraussA.L.,Fieldresearch.Statégiesfor a NaturalSociology, Englewood Cliffs,PrenticeHall, 1973.

8 - Melville Dalton,Men Who Manage.FusionsofFeelingandTheory inAdministation, NewYork,JohnWiley, 1959.

9 - Marcel Mauss, Manuel D'ethnographie, Paris, Payot, 1947. Marcel Maget, Guide d'étude directedescomportementsculturels,Éd.duCNRS, Paris, 1953.

10 - J.Girin,« l'analyseempiriquedessituationsde gestion» inA.C. Martinet, Épistémo- logiesetsciencesde gestion, Economica,Paris,1990.

1 1 - M. Villette, L'hommequi croyaitau management, Paris, Seuil, 1988et LeManager jetable,LaDécouverte, 1996.

99

MichelVILLETTE

L'art du stageen enteprise, publiéen 1994,étaità l'époque etreste undes seuls livres français (5) qui abordeau fond les difficultés de la production de connais¬

sancesàpartir d'uneexpérience au travailenentreprise.Cefait editorialest symp¬

tômatique. Lapratiquedesstages s'estdéveloppée commesielleallaitdesoi etne nécessitaitpasdetravail intellectuelspécial. Ni les sociologues, nileschercheursen gestion ne s'étaient sérieusement penchés sur les redoutables difficultés que l'on demandaitaux étudiants de surmonter.On considérait lestagecomme une simple variante de la recherched'emploi (6). On se préoccupait surtout d'éviter les pos¬

sibles débordements en plaçant chaque stagiaire sous la responsabilité d'un

«tuteur», qualificatifquienditassez surlesintentionspaternalistesd'un projetqui visait« l'intégration»plutôtque l'analyse.

L'étude directe des processus en situation de gestion

DansL'Artdu stageen enteprise, jepropose unedémarche intellectuellepour les stages : « l'étude directedesprocessus ensituation de gestion ». Cette métnodede travail s'inspire dela traditionsociologique de l'école deChicago notamment Eve¬

rett Hughes,Anselm Strauss (7), Merville Dalton (8), de l'enquêteethnographique, enparticulierMarcel Mauss et Marcel Maget (9), et de la recherche cliniqueenges¬

tion(10).Elleestaussi lefruitdemespropresexpériencespour comprendrelessitua¬

tions professionnelles que jevivais, d'abord en tantque doctorant en sociologie, élèvede PierreBourdieu et deLuc Boltanski, puis entant quemanager (11).

5 - Voiraussi lelivre deFlorenceHunot-Clairefond,Formerlesnouveauxmanagers (Éditions Liaisons, Paris, 1996) quisuitunedémarchetrèsdifférente,puisqu'ilpartd'une définition du

« manager idéal » supposée répondre auxattentesdes entreprisesdu XXIesiècle pouren déduireunprojet pédagogique.

6 - Ilexistedenombreux guides pratiquesdonnantdesconseilsaux étudiants pour trouver unstageetbien s'intégrer dans l'entreprise:« Pointsderepèrepour unstage»,ANACT, INRS, Paris, 1990. J.-M. Colombeau,Chercherettouverunstage,Éditionsd'Organisation, Paris, 1993.M.Audry, Trouver,exploiter,réussir sonstageenenteprise,Éd.Foucher,Paris, 1990;T. Gascheauet D. Riols, LeStage enenteprise,Paris, Nathancol. 128, 1993.L.Loi- seau,Trouvervotre stageenenteprise,Paris,L'Étudiant, 1reéd., 1992.

7 - SchatzmanL.StraussA.L.,Fieldresearch.Statégiesfor a NaturalSociology, Englewood Cliffs,PrenticeHall, 1973.

8 - Melville Dalton,Men Who Manage.FusionsofFeelingandTheory inAdministation, NewYork,JohnWiley, 1959.

9 - Marcel Mauss, Manuel D'ethnographie, Paris, Payot, 1947. Marcel Maget, Guide d'étude directedescomportementsculturels,Éd.duCNRS, Paris, 1953.

10 - J.Girin,« l'analyseempiriquedessituationsde gestion» inA.C. Martinet, Épistémo- logiesetsciencesde gestion, Economica,Paris,1990.

1 1 - M. Villette, L'hommequi croyaitau management, Paris, Seuil, 1988et LeManager jetable,LaDécouverte, 1996.

99

(6)

L'étude directedesprocessus en situationde gestion estunedémarche d'investiga¬

tionadaptée à l'étude du fonctionnement etdestransformationsdesentreprises, en particulier,lesentreprisesprivéesdu secteurconcurrentiel.Elleneremplacepas l'his¬

toire, ni l'étude desdonnées statistiques permettant de situer l'entreprise dans son environnement, ni les comparaisons méthodiques entre entreprises, mais constitue unebaseindispensable,parce qu'elle fournit àl'étudiant l'occasion deproduireune connaissance située, en éprouvant par lui-même « ce qui résiste » c'est-à-dire les réalités techniques, organisationnellesetde marché.

Cetteméthoded'investigation peut procurerauxpersonnes « ensituation»unavan¬

tagecompétitifparrapportauxprofesseursetaux chercheursstatutaires des orga¬

nismes publicsquinepeuventaussifacilements'immerger au seind'une entreprise privéepourobserver,notercequisepasse,formulerdeshypothèsesdetravailetles tester(12).Cetteméthodepermetaussiaustagiaire de disposerd'unavantagecom¬

pétitif par rapport aux salariés à plein temps de l'entreprisequi, pour ce qui les concerne, ne peuventjouir du recul etdel'indépendance d'espritnécessaireà un travail intellectuelapprofondisurlesexpériencesqu'ils vivent.

L'objet, c'estl'étuded'un processusrépéfable (parexemple, le nettoyagequotidien d'unechaînedeproduction alimentaire,la réductiondesconsommationsdevapeur d'uneusine, l'auditdescomptes fournisseursdans un hypermarché, l'organisation d'un séminaire de réflexion stratégique pour cadres dirigeants, la création d'une basede données technico-commerciales,l'animation d'une cellule de reclassement du personnel licencié d'une usine, l'organisation du déménagement d'un siège social, la luttecontrelevol dansunmagasindegrandesurface,etc.).Quel que soit le phénomène repéré, il s'agit d'en décrire une occurrence avec précision, parce 100 qu'on s'esttrouvé bien placé pourlefaire. Cette description circonstanciée pourra ensuite êtremise en rapportavec une série d'autres descriptionsdu même phéno¬

mène saisi end'autreslieuxetd'autrestempspard'autres personnes, rendant ainsi possiblel'échanged'expérience, la comparaison et la remontéeengénéralité.

La méthode, consisteà suivre leprocessus étudiéen temps réel, du débutà la fin, non pas en tant qu'observateur mais en tant que « membre du milieu » à part entière, pris dans la situation etcherchantà avoirprise sur elle. L'apprentissagese

faitau coursd'épreuves deréalité quisontautantdetests sur cequiestpossibleet impossible dans la situation. Commeen sciences exactes, l'expérimentation donne lieu à larédaction

-

sur levif

-

d'uncompterendud'expérience précis etsystéma¬

tique. Ce compte rendu implique un travail intellectuel accompli en dehors et à côtédu«travail»proprement dit.Cetravail intellectueln'apasàfairel'objetd'une

12 - M. Villette, « Qui veut publierla description ethnographique d'une entreprise? » in M.Ségalen(dir)AnthropologiesocialeetethnologiedelaFrance,Louvain-la-Neuve,Peeters,

1988,pp. 851-857etVillette,«Quipeutausculterl'entreprise?»,SciencesHumaines, n°5, 1991.

L'étude directedesprocessus en situationde gestion estunedémarche d'investiga¬

tionadaptée à l'étude du fonctionnement etdestransformationsdesentreprises, en particulier,lesentreprisesprivéesdu secteurconcurrentiel.Elleneremplacepas l'his¬

toire, ni l'étude desdonnées statistiques permettant de situer l'entreprise dans son environnement, ni les comparaisons méthodiques entre entreprises, mais constitue unebaseindispensable,parce qu'elle fournit àl'étudiant l'occasion deproduireune connaissance située, en éprouvant par lui-même « ce qui résiste » c'est-à-dire les réalités techniques, organisationnellesetde marché.

Cetteméthoded'investigation peut procurerauxpersonnes « ensituation»unavan¬

tagecompétitifparrapportauxprofesseursetaux chercheursstatutaires des orga¬

nismes publicsquinepeuventaussifacilements'immerger au seind'une entreprise privéepourobserver,notercequisepasse,formulerdeshypothèsesdetravailetles tester(12).Cetteméthodepermetaussiaustagiaire de disposerd'unavantagecom¬

pétitif par rapport aux salariés à plein temps de l'entreprisequi, pour ce qui les concerne, ne peuventjouir du recul etdel'indépendance d'espritnécessaireà un travail intellectuelapprofondisurlesexpériencesqu'ils vivent.

L'objet, c'estl'étuded'un processusrépéfable (parexemple, le nettoyagequotidien d'unechaînedeproduction alimentaire,la réductiondesconsommationsdevapeur d'uneusine, l'auditdescomptes fournisseursdans un hypermarché, l'organisation d'un séminaire de réflexion stratégique pour cadres dirigeants, la création d'une basede données technico-commerciales,l'animation d'une cellule de reclassement du personnel licencié d'une usine, l'organisation du déménagement d'un siège social, la luttecontrelevol dansunmagasindegrandesurface,etc.).Quel que soit le phénomène repéré, il s'agit d'en décrire une occurrence avec précision, parce 100 qu'on s'esttrouvé bien placé pourlefaire. Cette description circonstanciée pourra ensuite êtremise en rapportavec une série d'autres descriptionsdu même phéno¬

mène saisi end'autreslieuxetd'autrestempspard'autres personnes, rendant ainsi possiblel'échanged'expérience, la comparaison et la remontéeengénéralité.

La méthode, consisteà suivre leprocessus étudiéen temps réel, du débutà la fin, non pas en tant qu'observateur mais en tant que « membre du milieu » à part entière, pris dans la situation etcherchantà avoirprise sur elle. L'apprentissagese

faitau coursd'épreuves deréalité quisontautantdetests sur cequiestpossibleet impossible dans la situation. Commeen sciences exactes, l'expérimentation donne lieu à larédaction

-

sur levif

-

d'uncompterendud'expérience précis etsystéma¬

tique. Ce compte rendu implique un travail intellectuel accompli en dehors et à côtédu«travail»proprement dit.Cetravail intellectueln'apasàfairel'objetd'une

12 - M. Villette, « Qui veut publierla description ethnographique d'une entreprise? » in M.Ségalen(dir)AnthropologiesocialeetethnologiedelaFrance,Louvain-la-Neuve,Peeters,

1988,pp. 851-857etVillette,«Quipeutausculterl'entreprise?»,SciencesHumaines, n°5, 1991.

(7)

MichelVILLETTE

commandecaril estaccomplien plus etàcôtédutravaildemandé et(plusoumoins) payé par l'entreprise. Il n'a pas d'usage social immédiat et ne donne pas lieu à rémunération. C'est avant tout un effort de prise de distance par rapport aux contraintes etaux exigencesimmédiatesde la«situationde gestion»danslaquelle lejeuneprofessionnelest immergé.

Ladémarche proposéesedécomposeencinqopérationsprincipales :

1. « Accéder austage » etsefaire admettre dansunmilieu detravail, ens'adap- tant toutenpréservantsespossibilitésd'analyse.

2. «Voircequisepasse »,c'est-à-dire trouver unepositiond'observationcommode dansl'entrepriseet une «postured'analyse» compatible avecleparcours biogra¬

phiquedu stagiaire(sesdispositions etsesaspirations) et avecles rôles profession¬

nels(plusou moins formalisés)qu'onluidemande d'assumer.

3. « Gardertrace decequel'on voit»,c'est-à-dire notercequi sepasse,tenirun

« journaldebord»etcollecterlesdocumentsémis,reçusouactivement recherchés.

4. « Écriresur sonexpérience»,c'est-à-direreconstituerunprocessus(de vente,de gestion, de production, d'innovation, etc.) auquel on a participéactivement, d'un étatinitial à unétatfinal (entenantcomptedufaitque ledébut et lafin duproces¬

sus necoïncidentpastoujours aveclesdatesd'arrivéeetdedépartdustagiaire).

5. « Publier etdiscuterses résultats »,c'est-à-diretraiter avectact et efficacitéles questionsdélicates comme celledesengagements,descensures etde la libertéd'ex¬

pression.

L'étape initialed'une rechercheacadémiqueclassique, la « formulation de la pro¬

blématique »estdélibérément écartée comme non pertinente, tout comme elleétait absentedu manuel classiquedeSchatzman et Strauss(1973)écrit dans latradition

américaineissuede«l'écolede Chicago»etprolongée dans«l'interactionnisme». 101 L'étudiant ne choisit pas ce qu'il lui sera donné d'étudier dans l'entreprise. Il ne

connaîtpasd'avance la thématique qu'il aura l'occasiond'approfondir :elleémer¬

gerapeu àpeuau coursde l'expériencepoursecristalliserenfinde stage, à lasor¬

tiede l'entreprise. C'est alorsseulementqu'ilserapossibled'identifierlephénomène étudiable, de faire une recherche bibliographique et de sélectionner les éléments pertinentsdans lamasse desdonnéesrecueillisdefaçon extensive au cours dustage.

L'étapefinale« publication des résultats », estdélibérément formulée de telle sorte quel'écolesedonneuneexigencedeproductionde connaissances, qu'ellepousse l'étudiant àallerunpeuau-delà desobstaclesredoutablesqu'opposeàl'étude une collectivitéaussisoucieusedesonimageetdesessecretsque l'est une entreprisepri¬

vée. Jeme suismoi-mêmeefforcé de satisfaireàcetteexigence danslesdeuxlivres où je rends compte demes expériences professionnellesen tant que consultant et manager.Madémarche de praticien-chercheurd'abord« immergé»puis« prenant sesdistances»aétésemblable àcellequeMelville Dalton avait adoptéet préconi¬

séedansson étude classique surlescadres.

MichelVILLETTE

commandecaril estaccomplien plus etàcôtédutravaildemandé et(plusoumoins) payé par l'entreprise. Il n'a pas d'usage social immédiat et ne donne pas lieu à rémunération. C'est avant tout un effort de prise de distance par rapport aux contraintes etaux exigencesimmédiatesde la«situationde gestion»danslaquelle lejeuneprofessionnelest immergé.

Ladémarche proposéesedécomposeencinqopérationsprincipales :

1. « Accéder austage » etsefaire admettre dansunmilieu detravail, ens'adap- tant toutenpréservantsespossibilitésd'analyse.

2. «Voircequisepasse »,c'est-à-dire trouver unepositiond'observationcommode dansl'entrepriseet une «postured'analyse» compatible avecleparcours biogra¬

phiquedu stagiaire(sesdispositions etsesaspirations) et avecles rôles profession¬

nels(plusou moins formalisés)qu'onluidemande d'assumer.

3. « Gardertrace decequel'on voit»,c'est-à-dire notercequi sepasse,tenirun

« journaldebord»etcollecterlesdocumentsémis,reçusouactivement recherchés.

4. « Écriresur sonexpérience»,c'est-à-direreconstituerunprocessus(de vente,de gestion, de production, d'innovation, etc.) auquel on a participéactivement, d'un étatinitial à unétatfinal (entenantcomptedufaitque ledébut et lafin duproces¬

sus necoïncidentpastoujours aveclesdatesd'arrivéeetdedépartdustagiaire).

5. « Publier etdiscuterses résultats »,c'est-à-diretraiter avectact et efficacitéles questionsdélicates comme celledesengagements,descensures etde la libertéd'ex¬

pression.

L'étape initialed'une rechercheacadémiqueclassique, la « formulation de la pro¬

blématique »estdélibérément écartée comme non pertinente, tout comme elleétait absentedu manuel classiquedeSchatzman et Strauss(1973)écrit dans latradition

américaineissuede«l'écolede Chicago»etprolongée dans«l'interactionnisme». 101 L'étudiant ne choisit pas ce qu'il lui sera donné d'étudier dans l'entreprise. Il ne

connaîtpasd'avance la thématique qu'il aura l'occasiond'approfondir :elleémer¬

gerapeu àpeuau coursde l'expériencepoursecristalliserenfinde stage, à lasor¬

tiede l'entreprise. C'est alorsseulementqu'ilserapossibled'identifierlephénomène étudiable, de faire une recherche bibliographique et de sélectionner les éléments pertinentsdans lamasse desdonnéesrecueillisdefaçon extensive au cours dustage.

L'étapefinale« publication des résultats », estdélibérément formulée de telle sorte quel'écolesedonneuneexigencedeproductionde connaissances, qu'ellepousse l'étudiant àallerunpeuau-delà desobstaclesredoutablesqu'opposeàl'étude une collectivitéaussisoucieusedesonimageetdesessecretsque l'est une entreprisepri¬

vée. Jeme suismoi-mêmeefforcé de satisfaireàcetteexigence danslesdeuxlivres où je rends compte demes expériences professionnellesen tant que consultant et manager.Madémarche de praticien-chercheurd'abord« immergé»puis« prenant sesdistances»aétésemblable àcellequeMelville Dalton avait adoptéet préconi¬

séedansson étude classique surlescadres.

(8)

Le travail d'analysedesdonnées, d'écritureetdediscussion des résultatsgagne à être effectuédans un lieu extérieur à lasituation de gestion (une école) eten pré¬

sence de personnes qui n'y sont pas impliquées (d'autresélèves, des professeurs).

Ainsis'instaureunedynamiquedélicateetféconde entrelesexigencesdel'entreprise etlesexigencesacadémiques.

Grâceauxdocumentsrecueillis sur levifetqui constituentdestracesdu processus, letravailultérieur deréflexion, deprisededistance,d'écriture et de délibérationsur l'expérience vécue devient possibleet peut conduire, éventuellement, jusqu'à l'ob¬

jectivation de l'expérience qui permettra d'inscrire les résultats dans unetradition scientifiqueetdeles publier.

Les résultats :certainesétudesdirectesn'ontd'autres fonctions que decontribuerà l'apprentissage ou d'apporter un regard neufsur unesituation particulière. Un tel savoir, local etcirconstancié, prend toute son importance si l'on se place dans le contexted'unesociétédécentraliséeoùleprincipe de subsidiaritéestmisenpratique etoùchacun peutsefairesapropreidée desaffaires quileconcerne(etqu'ilconnaît

«depremière main »), afinde prendredesinitiatives.

Sion lespoussejusqu'à leur terme,lesétudesdirectesapportent une contribution à la connaissance scientifique. En effet,lesdescriptionsde processus quel'on obtient selon cettedémarchesont plus précises etmieux fondéesqu'un simple témoignage autobiographique (l'illusion rétrospective peut être contrôlée grâce aux notes et documentsrecueillissur levif).Cesdescriptionssontaussiplusprécises et plusfiables quelesrésultatsobtenusparlessociologuesau traverslefiltredesinterviewsqui ne sonteux-mêmesquedestémoignages dépendant delamémoiredespersonnesinter- 102 rogées etde leurperceptiondesenjeuxdu questionnementsavant(13).

Écrire pour gagner en autonomie de pensée

L'idéequ'il nesuffit pas devivre l'expérience destagemaisqu'ilfautaussianalyser cetteexpérience

-

donc réfléchiretécrire en dehorset à côté

-

paraît encore trop souventsuperflue. J'ai luquelquescentainesde rapports de stages rédigéspardes étudiants d'écoles de commerce etd'ingénieur. Cequi prédominedans ces textes, c'estlaprésentation non problématiséede cequel'entreprise a demandé àl'étudiant defaire. L'étudiant ne s'interroge presque jamais sur ceque font lesautres entre¬

prisesdansuncassemblable.Trop soucieuxdemontrerqu'il a«bienfait», ilnese demandepassicequ'on luia demandéétait« faisable»etencore moinssic'était souhaitable. Finalement, soucieuxde mettre en valeurson « début decarrière » et

13 - Pouruneanalyse de la placeaccordéeàl'observation participantepar lasociologie Française,BriandJ.-P,Chapoulie J.-M.,«Theuseofobservationin FrenchSociology»,Sym¬

bolic Interaction, 14,4, Winter, 1991, pp.449-469.

Le travail d'analysedesdonnées, d'écritureetdediscussion des résultatsgagne à être effectuédans un lieu extérieur à lasituation de gestion (une école) eten pré¬

sence de personnes qui n'y sont pas impliquées (d'autresélèves, des professeurs).

Ainsis'instaureunedynamiquedélicateetféconde entrelesexigencesdel'entreprise etlesexigencesacadémiques.

Grâceauxdocumentsrecueillis sur levifetqui constituentdestracesdu processus, letravailultérieur deréflexion, deprisededistance,d'écriture et de délibérationsur l'expérience vécue devient possibleet peut conduire, éventuellement, jusqu'à l'ob¬

jectivation de l'expérience qui permettra d'inscrire les résultats dans unetradition scientifiqueetdeles publier.

Les résultats :certainesétudesdirectesn'ontd'autres fonctions que decontribuerà l'apprentissage ou d'apporter un regard neufsur unesituation particulière. Un tel savoir, local etcirconstancié, prend toute son importance si l'on se place dans le contexted'unesociétédécentraliséeoùleprincipe de subsidiaritéestmisenpratique etoùchacun peutsefairesapropreidée desaffaires quileconcerne(etqu'ilconnaît

«depremière main »), afinde prendredesinitiatives.

Sion lespoussejusqu'à leur terme,lesétudesdirectesapportent une contribution à la connaissance scientifique. En effet,lesdescriptionsde processus quel'on obtient selon cettedémarchesont plus précises etmieux fondéesqu'un simple témoignage autobiographique (l'illusion rétrospective peut être contrôlée grâce aux notes et documentsrecueillissur levif).Cesdescriptionssontaussiplusprécises et plusfiables quelesrésultatsobtenusparlessociologuesau traverslefiltredesinterviewsqui ne sonteux-mêmesquedestémoignages dépendant delamémoiredespersonnesinter- 102 rogées etde leurperceptiondesenjeuxdu questionnementsavant(13).

Écrire pour gagner en autonomie de pensée

L'idéequ'il nesuffit pas devivre l'expérience destagemaisqu'ilfautaussianalyser cetteexpérience

-

donc réfléchiretécrire en dehorset à côté

-

paraît encore trop souventsuperflue. J'ai luquelquescentainesde rapports de stages rédigéspardes étudiants d'écoles de commerce etd'ingénieur. Cequi prédominedans ces textes, c'estlaprésentation non problématiséede cequel'entreprise a demandé àl'étudiant defaire. L'étudiant ne s'interroge presque jamais sur ceque font lesautres entre¬

prisesdansuncassemblable.Trop soucieuxdemontrerqu'il a«bienfait», ilnese demandepassicequ'on luia demandéétait« faisable»etencore moinssic'était souhaitable. Finalement, soucieuxde mettre en valeurson « début decarrière » et

13 - Pouruneanalyse de la placeaccordéeàl'observation participantepar lasociologie Française,BriandJ.-P,Chapoulie J.-M.,«Theuseofobservationin FrenchSociology»,Sym¬

bolic Interaction, 14,4, Winter, 1991, pp.449-469.

(9)

MichelVILLETTE

de lui donnerunaspectbrillant, ilgommepresquetoujours la pratiquequ'il a eue etla remplace parune « bonne pratique » digne, selon lui, d'être gravée dans le marbre. Lesaspects un peudélicatsde cequ'il a vécusont le plussouventrepoussés hors du cadre de ce qu'il convient d'écrire. Si un enseignants'en étonne, on lui explique que c'est«horssujet »,queçan'entre pas dansle«plan»,que c'est«trop long à expliquer », que c'est« subjectif », que ça n'intéresse personne, que c'est indélicatou même carrément confidentiel : autant de « bonnes raisons » sur les¬

quelles untravail pédagogiqueestnécessaire!

Lamajoritédesétudiants, mêmeà bac +5, fuientl'acte d'écriture,oualors,seréfu¬

gient dans uneforme rigide, dans un genreimpersonnel qui leur évite d'écrirece qu'ils redoutentd'avoiràpenser.Au lieudeparlerdecequ'ilsontvécu, ils s'accro¬

chentà la norme, ilspartent decequiauraitdûse passer etnetraitent del'expé¬

rience qu'en référenceau cadre managerial ou à la normetechnique dans lequel elle s'inscrit et qui est censé lui donner sens. Est-ce suffisant? Est-ce seulement pertinent?

Nous restonsunecivilisation de l'écrit. Lesordinateurs, lesfaxetles photocopieurs ne font qu'amplifier l'importance de la chose écrite. Ne pas pouvoir écrire ses propres idées, c'est renoncer à les défendre. Ne pas savoir passerdu geste à la parole, du vécu auconstruit, de l'implicite à l'explicite,del'incorporéà l'objectivé, c'estêtreinfirme faceaux autoritésdetoutpoil quinousdisentparavancecequ'il faut percevoir dans ceque nous avons vécu. Dépendre desécritsd'autrui, c'est se mettreàla remorquede plussavantquesoi. L'autonomie suppose lacapacité àfor¬

muleret àdiscutersapropre vision del'expérience professionnelle quel'on vit.

Ainsi,qu'ils'agissededevenirun«ingénieur»,un «manager»,un«expert-comp¬

table»,un«vendeur», un «entrepreneur»,ouun«sociologue»,ilmeparaîtutile au-delà du gestestrictementprofessionnel, d'êtrecapabledefabriquersespropres sourcesd'information depremièremain etdeconduiresespropresenquêtes indé¬

pendantessur lasituation professionnelledanslaquelle onestpris efsurlaquelleon tented'avoirprise.

L'expériencedestage estuneoccasionparmid'autrespours'entraînerà«connaître parsoi-même»etsi,parchance,l'encadrementpédagogiquesuit;cepeutêtreune occasion un peu plus favorableque lesautres. Je propose doncaux étudiants un véritable« investissementintellectuel »réaliséàl'occasion du stage. C'estleprixà payer pour sa propreindépendance d'esprit. C'estle moyen de participerpleine¬

mentàl'entreprise toutengardantsonquant-à-soi,denepasselaisserentreprendre etdonc, decultiversapropre capacitéàentreprendre.

Mettreà cepointl'accentsurl'autonomie de pensée n'est pas ici l'expressiond'une certaineréservevis-à-visdecequ'on appelleparfoisla« cultured'entreprise». Ce n'est pas une manifestation de mauvaise volonté, mais une question de survie.

107

MichelVILLETTE

de lui donnerunaspectbrillant, ilgommepresquetoujours la pratiquequ'il a eue etla remplace parune « bonne pratique » digne, selon lui, d'être gravée dans le marbre. Lesaspects un peudélicatsde cequ'il a vécusont le plussouventrepoussés hors du cadre de ce qu'il convient d'écrire. Si un enseignants'en étonne, on lui explique que c'est«horssujet »,queçan'entre pas dansle«plan»,que c'est«trop long à expliquer », que c'est« subjectif », que ça n'intéresse personne, que c'est indélicatou même carrément confidentiel : autant de « bonnes raisons » sur les¬

quelles untravail pédagogiqueestnécessaire!

Lamajoritédesétudiants, mêmeà bac +5, fuientl'acte d'écriture,oualors,seréfu¬

gient dans uneforme rigide, dans un genreimpersonnel qui leur évite d'écrirece qu'ils redoutentd'avoiràpenser.Au lieudeparlerdecequ'ilsontvécu, ils s'accro¬

chentà la norme, ilspartent decequiauraitdûse passer etnetraitent del'expé¬

rience qu'en référenceau cadre managerial ou à la normetechnique dans lequel elle s'inscrit et qui est censé lui donner sens. Est-ce suffisant? Est-ce seulement pertinent?

Nous restonsunecivilisation de l'écrit. Lesordinateurs, lesfaxetles photocopieurs ne font qu'amplifier l'importance de la chose écrite. Ne pas pouvoir écrire ses propres idées, c'est renoncer à les défendre. Ne pas savoir passerdu geste à la parole, du vécu auconstruit, de l'implicite à l'explicite,del'incorporéà l'objectivé, c'estêtreinfirme faceaux autoritésdetoutpoil quinousdisentparavancecequ'il faut percevoir dans ceque nous avons vécu. Dépendre desécritsd'autrui, c'est se mettreàla remorquede plussavantquesoi. L'autonomie suppose lacapacité àfor¬

muleret àdiscutersapropre vision del'expérience professionnelle quel'on vit.

Ainsi,qu'ils'agissededevenirun«ingénieur»,un «manager»,un«expert-comp¬

table»,un«vendeur», un «entrepreneur»,ouun«sociologue»,ilmeparaîtutile au-delà du gestestrictementprofessionnel, d'êtrecapabledefabriquersespropres sourcesd'information depremièremain etdeconduiresespropresenquêtes indé¬

pendantessur lasituation professionnelledanslaquelle onestpris efsurlaquelleon tented'avoirprise.

L'expériencedestage estuneoccasionparmid'autrespours'entraînerà«connaître parsoi-même»etsi,parchance,l'encadrementpédagogiquesuit;cepeutêtreune occasion un peu plus favorableque lesautres. Je propose doncaux étudiants un véritable« investissementintellectuel »réaliséàl'occasion du stage. C'estleprixà payer pour sa propreindépendance d'esprit. C'estle moyen de participerpleine¬

mentàl'entreprise toutengardantsonquant-à-soi,denepasselaisserentreprendre etdonc, decultiversapropre capacitéàentreprendre.

Mettreà cepointl'accentsurl'autonomie de pensée n'est pas ici l'expressiond'une certaineréservevis-à-visdecequ'on appelleparfoisla« cultured'entreprise». Ce n'est pas une manifestation de mauvaise volonté, mais une question de survie.

107

(10)

Connaître parsoi-mêmeestparticulièrement important parce quelesentrepriseset les professions sont devenues fragileset instables. Qu'est-ceque le professionna¬

lisme, lacompétence?Qu'est-ce qu'une«entrepriseperformante»?Une«techno¬

logiedepointe»?Lesréponsesàcesquestionssedéplacenttrèsviteetchacundoit fairedes paris intellectuels. Lechoixdu patron n'estpastoujours le bon. Celui qui n'apprendpas la bonnetechniqueau bonmomentserapeut-êtrechômeurdemain.

Danscesconditions, il meparaîtinsuffisantdesuivredocilementlepremierprofes¬

sionnelvenu pourl'imitersans réflexion.

On peut reprocher àce«programme fort»ungoûtexcessifpourlaréflexivité. On peut penserqu'une adhésion immédiateetnaïveaux impératifs du métier seraitplus efficace, moinscoûteuse pour lacollectivité et pourles individus. On peutconsidé¬

rer que je propose de fairede chaque étudiantun intellectuel, s'achamantà pro¬

duireen plusde son travail quotidien,des connaissancesoriginales sur son expé¬

riencede travail et s'engageanf dansdesdébatspourinnover. C'estpeut-êtretrop.

Cela pourraitmême êtredangereux (14), mais comment faireautrement? Aujour¬

d'hui,lefantasmedespatrons, c'estd'avoirdessalariésintelligentsetcapables d'ini¬

tiatives.Lefantasmedessalariés,c'estd'être responsableet«créatifs»maislesuns etlesautress'acharnenttrop souvent àréduirelecontenudutravail à l'exécutionde plus en plusrapidede procéduresréflexes:35 heuresdepresse-bouton, commeau flipper!Surceterrain, les robotsfiniront toujours parfaire mieux queleshumains.

L'autonomie depensée nes'enseigne pas,nes'octroiepas, elleseprend. Faire du stage unprogrammed'apprentissage fort,c'estprofiterdecemomentunpeu excep¬

tionnel où l'on est« entredeux», plustout à faitélève etpas encoresalarié, pour laissersachanceà l'autonomiedepensée,c'est-à-direà untravailintensepour s'af- 104 franchirà la foisdesdéterminationsscolairesetdesdéterminations professionnelles.

Encorefaut-il quelecadrepédagogique proposéparlesécolessoitcompatibleavec cetteintention.

Les

conditions pédagogiques et institutionnelles de mise en uvre d'un programme fort pour les stages

Au cours desconférencesque j'aidonnéesdansde nombreuses écoles sur L'art du stageenentreprise etdes discussions avecles enseignants etlesélèves, j'ai relevé unensemblededifficultésqui sontautantd'obstacles, souvent insurmontables, à la réalisation d'un programme pédagogiquefortpourles stages. Voici une liste, sans douteincomplète,desprincipalesdifficultés.

14 - Uneétude en cours sur les vendeurs dans lagrande distributionsuggèrequela réussite dans la vente est facilitée, du moins chezles débutants, par une adhésion immédiate au métier,incompatible aveclaposture d'analyse distantepréconiséeici.

Connaître parsoi-mêmeestparticulièrement important parce quelesentrepriseset les professions sont devenues fragileset instables. Qu'est-ceque le professionna¬

lisme, lacompétence?Qu'est-ce qu'une«entrepriseperformante»?Une«techno¬

logiedepointe»?Lesréponsesàcesquestionssedéplacenttrèsviteetchacundoit fairedes paris intellectuels. Lechoixdu patron n'estpastoujours le bon. Celui qui n'apprendpas la bonnetechniqueau bonmomentserapeut-êtrechômeurdemain.

Danscesconditions, il meparaîtinsuffisantdesuivredocilementlepremierprofes¬

sionnelvenu pourl'imitersans réflexion.

On peut reprocher àce«programme fort»ungoûtexcessifpourlaréflexivité. On peut penserqu'une adhésion immédiateetnaïveaux impératifs du métier seraitplus efficace, moinscoûteuse pour lacollectivité et pourles individus. On peutconsidé¬

rer que je propose de fairede chaque étudiantun intellectuel, s'achamantà pro¬

duireen plusde son travail quotidien,des connaissancesoriginales sur son expé¬

riencede travail et s'engageanf dansdesdébatspourinnover. C'estpeut-êtretrop.

Cela pourraitmême êtredangereux (14), mais comment faireautrement? Aujour¬

d'hui,lefantasmedespatrons, c'estd'avoirdessalariésintelligentsetcapables d'ini¬

tiatives.Lefantasmedessalariés,c'estd'être responsableet«créatifs»maislesuns etlesautress'acharnenttrop souvent àréduirelecontenudutravail à l'exécutionde plus en plusrapidede procéduresréflexes:35 heuresdepresse-bouton, commeau flipper!Surceterrain, les robotsfiniront toujours parfaire mieux queleshumains.

L'autonomie depensée nes'enseigne pas,nes'octroiepas, elleseprend. Faire du stage unprogrammed'apprentissage fort,c'estprofiterdecemomentunpeu excep¬

tionnel où l'on est« entredeux», plustout à faitélève etpas encoresalarié, pour laissersachanceà l'autonomiedepensée,c'est-à-direà untravailintensepour s'af- 104 franchirà la foisdesdéterminationsscolairesetdesdéterminations professionnelles.

Encorefaut-il quelecadrepédagogique proposéparlesécolessoitcompatibleavec cetteintention.

Les

conditions pédagogiques et institutionnelles de mise en uvre d'un programme fort pour les stages

Au cours desconférencesque j'aidonnéesdansde nombreuses écoles sur L'art du stageenentreprise etdes discussions avecles enseignants etlesélèves, j'ai relevé unensemblededifficultésqui sontautantd'obstacles, souvent insurmontables, à la réalisation d'un programme pédagogiquefortpourles stages. Voici une liste, sans douteincomplète,desprincipalesdifficultés.

14 - Uneétude en cours sur les vendeurs dans lagrande distributionsuggèrequela réussite dans la vente est facilitée, du moins chezles débutants, par une adhésion immédiate au métier,incompatible aveclaposture d'analyse distantepréconiséeici.

Références

Documents relatifs

En outre, la réforme a concerné les impôts directs sur le revenu des personnes physiques et morales, la taxe sur les produits et la taxe sur les services.. En effet,

Édité par : Société HelloWork SASU Sur le site : site de référence pour la recherche d’emploi en région avec 8 sites dédiés : offres d’emploi et de stages présentées

Même quand les fonctions ne sont pas imparties, la disponibilité des communications mondiales fait en sorte que les organisations ont plus de possibilités pour ce qui est de

Quelques consignes au stagiaire pour la durée du stage en entreprise : - Connaître les horaires et les respecter.. - Choisir une tenue correcte

Faites sur cette page le schéma de l’implantation géographique de votre entreprise en faisant ressortir les éléments importants à la fois pour les salariés et pour

Édité par : Société HelloWork SASU Sur le site : site de référence pour la recherche d’emploi en région avec 8 sites dédiés : offres d’emploi et de stages présentées

Cette formation collective, en effectif réduit (maximum 5 stagiaires) doit permettre d'individualiser au maximum la formation en permettant aux stagiaires d'apprendre la gestion

Il s’agit des dépenses hors taxes de programmes complets ou partiels de R&D exécutés par un tiers, pour le compte de votre entreprise, à l’exclusion des