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La fréquence du trauma complexe chez des enfants maltraités et non maltraités selon les critères de la proposition diagnostique du trouble de trauma développemental

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Academic year: 2021

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LA FRÉQUENCE DU TRAUMA COMPLEXE CHEZ DES ENFANTS MALTRAITÉS ET NON MALTRAITÉS SELON LES CRITÈRES DE LA PROPOSITION DIAGNOSTIQUE DU TROUBLE DE

TRAUMA DÉVELOPPEMENTAL

MÉMOIRE PRÉSENTÉ

COMME EXIGENCE PARTIELLE DE LA MAÎTRISE EN PSYCHOÉDUCATION

PAR

MARIE-ÈVE GRISÉ BOLDUC

(2)

Université du Québec à Trois-Rivières

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Les enfants exposés à de la maltraitance, des traumatismes interpersonnels répétés et des expériences de vie adverses peuvent développer des séquelles qui vont au-delà des symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et sont souvent mieux décrites par le concept de trauma complexe, qui offre un cadre intégrateur et unificateur de la variété et de la complexité des difficultés que ces enfants peuvent rencontrer. Toutefois, à ce jour, il n'existe aucun diagnostic, dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; American Psychiatric Association [APA], 2015), pour saisir cette réalité. Pour combler cette lacune, un groupe d'experts (van der Kolk et al., 2009) a élaboré la proposition diagnostique du Developmental trauma disorder (DTD), ou trouble de trauma développemental (TTD). Cependant, les études documentant la prévalence du TTD sont rares, alors qu'elles sont une étape cruciale du processus de validation de cette proposition diagnostique. La présente étude vise donc à documenter le nombre d'enfants pouvant présenter un TTD potentiel dans un échantillon d'enfants maltraités (n

=

40) et non maltraités (n

=

80) âgés de 4 à 6 ans. Les enfants maltraités ont été recrutés par le Centre jeunesse de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Les enfants non maltraités ont quant à eux été recrutés auprès de Centres de la petite enfance (CPE), d'écoles, de Centres locaux de services communautaires (CLSC) de la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec et par le biais de listes de familles recevant des prestations d'aide sociale provenant du ministère de l'Emploi et de la Solidarité Sociale. Tous les enfants de l'échantillon étaient à risque sur le plan socio-économique, c'est-à-dire que le revenu familial annuel était inférieur à 30 000$.

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Puisque peu d'instruments permettent de mesurer la variété et l'étendue des symptômes du TTD, divers auteurs ont plutôt proposé d'utiliser différents instruments déjà existants, dont la combinaison permet d'évaluer l'éventail des difficultés y étant associées. Ainsi, nous avons sélectionné des items parmi différents instruments de mesure qui correspondent aux différents sous-critères et symptômes du TTD. Ces derniers ont été considérés comme potentiellement atteints lorsqu'un enfant se voyait attribuer le score le plus élevé à l'un des items sélectionnés. De cette façon, nous avons pu établir quels enfants répondaient potentiellement aux critères du TTD. Au sein de l'échantillon complet, 13 % (n = 15) des enfants répondaient aux critères B, C et D de la proposition diagnostique du TTD. Parmi les enfants maltraités, 20 % (n

=

8) rencontraient les critères B, C et D, alors que 9 % (n

=

7) des enfants non maltraités rencontraient ces trois critères. Ces résultats offrent ainsi un appui empirique partiel à la proposition diagnostique du TTD. En effet, quoique la fréquence du TTD était plus élevée chez les enfants maltraités que chez les enfants non maltraités, il n'y avait aucune différence significative entre ces deux groupes. Toutefois, la fréquence observée chez les enfants maltraités est conforme à ce que d'autres études ont estimé (van der Kolk et al., 2009; Stolbach et al., 2013).

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Sommaire ... ii

Remerciements ... vii

Introduction ... 1

Contexte théorique ... 4

Définition de la maltraitance ... 5

Ampleur de la maltraitance ... 6

Récurrence et cooccurrence de la maltraitance ... 7

Conséquences de la maltraitance ... 9

Attachement ... 9

Biologie ... 11

Régulation des affects ... 14

Dissociation ... 15

Régulation des comportements ... 16

Fonctions cognitives ... 18

Concept de soi ... 19

Ma1traitance et traumatisme ... 20

Trauma complexe ... 24

Trouble dû à un trauma développemental ... 25

Évaluation du trauma complexe et du TTD ... 30

Études évaluant la fréquence du TTD ... 31 Objectifs ... 39

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Méthode ... 42

Devis ... 43

Participants ...... 43

Opérationnalisation de la variable « TTD » ...... 46

Instruments de mesure ... 49

Behavior Rating Inventory of Executive Function - Preschool Version ... .49

Child Behavior Checklist - Caregiver-Teacher Report Form ... 50

Child Dissociative Checklist. ... 51

Trauma Symptom Checklist for Young Children ... 51

Student-Teacher Relationship Scale ... 52

Profil socio-affectif ...... 52 Procédure de séparation-réunion ... 53 Résultats ...... 54 Stratégie d'analyses ... 55 Critère B ... 56 Critère C ... 56 Critère D ... 56 Critères B, C et D ... 57 Discussion ...... 58 Limites ... 64 Conclusion ... 66 Références ...... 69

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Appendice A. Nouvelle version originale anglaise de la proposition diagnostique

du Developmental trauma disorder (Ford et al., 20 19) ... 87 Appendice B. Appariement des items des questionnaires et de la mesure

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monsieur Tristan Milot, Ph.D., professeur au département de psychoéducation de l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Ce dernier m'a rapidement accordé sa confiance, en me déléguant des responsabilités de coordination en lien avec son projet de recherche, et en me permettant d'accéder à de nombreuses opportunités toutes aussi pertinentes et enrichissantes les unes que les autres. Ma curiosité intellectuelle et ma soif d'apprentissage ont grandement été nourries dans les trois dernières années grâce à toi. Un immense merci également à ma co-directrice, madame Diane St-Laurent, Ph.D., professeure au département de psychologie de l'UQTR, qui est d'une rigueur exceptionnelle et d'une présence rassurante.

Je désire également remercier le Centre d'études interdisciplinaires sur le développement de l'enfant et la famille (CEIDEF) de l'UQTR, qui offre un lieu d'échange et de partage instructif et rassembleur, sans oublier le Centre for Research on Children and Families (CRCF) de l'Université McGill, dirigé par madame Delphine Collin-Vézina, Ph.D., qui m'accorde la possibilité incroyable de participer à ses projets.

Merci aux mères et aux enfants ayant accepté de participer à ce projet de recherche et au nouveau volet de ce dernier, des années plus tard. Sans elles et sans eux, nous n'aurions pas l'opportunité de faire évoluer la science et l'intervention et surtout, de favoriser des changements de paradigmes dans nos institutions et notre société.

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Une pensée spéciale pour ma famille : ma mère, mon père et mes deux frères.

Merci aussi à mes collègues étudiantes et étudiants, rencontrés lors de mes cours de maîtrise, lors de mon stage en pédopsychiatrie ou dans le cadre de l'assistanat de recherche: il fait bon d'avoir des amis soutenants, compréhensifs, présents et généreux dans son parcours universitaire.

Le dernier de ma liste, et non le moindre, est mon conjoint, Steve. Merci d'avoir compris mon désir de réorienter mon parcours professionnel et d'être présent pour moi. Et surtout, merci de croire en mes capacités.

Finalement, je ne peux passer sous silence le Fonds de Recherche du Québec -Société et Culture (FRQSC) et le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH) pour le soutien financier ayant contribué à la réalisation de ma maîtrise et de mon mémoire.

« Fire can warm or consume, water can quench or drown, wind can caress or eut. And so it is with human relationships: we can both create and destroy, nurture and terrorize, traumatize and heal each other. » (Perry et Szalavitz, 2017, p. xxviii).

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et des expériences de vie adverses peuvent développer des séquelles qui vont au-delà des symptômes du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et sont souvent mieux décrites par le concept de trauma complexe, qui offre un cadre intégrateur et unificateur de la variété et de la complexité des difficultés que ces enfants peuvent rencontrer (Ford et Courtois, 2009). Toutefois, à ce jour, il n'existe aucun diagnostic, dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; APA, 2015), pour saisir cette réalité. Pour combler cette lacune, un groupe d'experts (van der Kolk et al., 2009) a élaboré la proposition diagnostique du Developmental trauma disorder (DTD), ou trouble de trauma développemental (TTD). Cependant, les études documentant la prévalence du TTD sont rares, alors qu'elles sont une étape cruciale du processus de validation de cette proposition diagnostique. De plus, il existe peu d'études empiriques s'étant intéressées à la fréquence du TTD chez des enfants d'âge préscolaire: en effet, les rares études s'étant intéressées à ce sujet ont été réalisées auprès d'échantillons constitués principalement d'enfants d'âge scolaire et/ou d'adolescents. Or, il est important de s'intéresser aux enfants plus jeunes, afin de pouvoir identifier rapidement les difficultés qu'ils pourraient rencontrer et ainsi, leur offrir des services et du soutien appropriés. La présente étude vise donc à estimer le nombre d'enfants pouvant présenter un TTD potentiel auprès d'un échantillon d'enfants maltraités et non maltraités âgés de 4 à 6 ans et étant à risque sur le plan socio-économique.

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Le présent mémoire débutera par la présentation d'un contexte théorique, où la documentation scientifique pertinente sur le sujet de recherche, les variables à l'étude et les liens entre elles sera exposée. Ainsi, avant toute chose, la maltraitance sera définie. Ensuite, des données sur l'ampleur, la cooccurrence, la récurrence et les conséquences de la maltraitance seront présentées, ainsi que le lien existant entre la maltraitance et les symptômes traumatiques, le concept de trauma complexe et la proposition diagnostique du TTD. Une recension des études évaluant la fréquence du TTD sera également réalisée. Suivra ensuite une présentation de la méthode utilisée afin d'atteindre les objectifs poursuivis. Une description du devis de recherche, des participants, de l'opérationnalisation de la variable « TTD» et des instruments de mesure sera donc fournie. Les résultats obtenus seront présentés en fonction de la proposition diagnostique du TTD et de ses différents critères. Puis, une discussion permettra d'analyser les résultats et d'aborder les limites de l'étude. Finalement, la dernière section permettra de faire ressortir les principales conclusions qui se dégagent de ce mémoire.

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traitements physiques ou affectifs, de sévices sexuels, de négligence, d'exploitation commerciale ou autre. Ces mauvais traitements entraînent un préjudice réel ou potentiel pour la santé, la survie, le développement et la dignité de l'enfant, et se produisent dans le contexte d'une relation de responsabilité, de confiance ou de pouvoir (Runyam, Wattam, Ikeda, Hassan et Ramiro, 2002). La maltraitance peut prendre la forme d'actes commis ou, à l'inverse, d'omission de certains comportements. Les actes commis sont concrets et observables (p. ex., abus physique, abus sexuel, menaces), alors que les omissions se traduisent par des difficultés dans la réponse aux besoins physiques, affectifs et éducatifs de l'enfant (p. ex., abandon, négligence). Cela peut aussi se traduire par un échec dans la protection de ce dernier en présence d'un danger (Centers for Disease Control and Prevention [CDCP], 2017; Centre de liaison sur l'intervention et la prévention psychosociale, 2008). Ces actes peuvent donner lieu à une intervention des services de protection de la jeunesse, en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse (LP J).

De nombreuses études sur la maltraitance couvrent également une multitude d'autres expériences de vie pouvant être considérées adverses, communément appelées Adverse Childhood Experiences (Felitti et al., 1998). Les 10 expériences les plus communes sont: 1) l'abus physique; 2) l'abus sexuel; 3) l'abus émotionnel; 4) la négligence

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physique; 5) la négligence émotionnelle; 6) un problème de santé mentale d'un parent; 7) un problème d'abus de substances d'un parent; 8) l'emprisonnement ou les activités criminelles d'un parent; 9) l'exposition à la violence conjugale; 10) et la perte d'un parent suite à un divorce, un abandon ou un décès (CDCP, 2017).

Ampleur de la maltraitance

Au Québec, au cours de l'année 2017-2018, les directeurs et directrices de la protection de la jeunesse ont traité 96 014 signalements, ce qui représente une moyenne de 263 situations d'enfants signalés par jour. De ce nombre, 40,6 % ont été retenus à des fins d'évaluation, et parmi ceux-ci, la sécurité et/ou le développement des enfants étaient jugés compromis dans 40 % des cas, en raison de la maltraitance dont ils étaient victimes (Gouvernement du Québec, 2018). Toujours en 2017-2018, 34 439 enfants étaient pris en charge par la direction de la protection de la jeunesse au Québec (Gouvernement du Québec, 2018), dont 3 613 dans la région de la Mauricie et du Centre-du-Québec (Centre intégré universitaire de santé et services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec, 2018). Parmi ces derniers, 48,8 % étaient pris en charge pour de la négligence ou un risque sérieux de négligence, ce qui demeure le motif principal d'intervention en protection de la jeunesse. Les autres motifs d'intervention sont les mauvais traitements psychologiques (20,3 %), l'abus physique ou un risque sérieux d'abus physique (13,6 %), les troubles de comportement sérieux (10,7 %), l'abus sexuel ou un risque sérieux d'abus sexuel (5,2 %) et l'abandon (1,3 %). Bien que des études d'incidence de la maltraitance soient réalisées au Québec, que ce soit à partir de données recueillies auprès de services de protection de

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la jeunesse ou d'enquêtes menées auprès des familles, les experts s'entendent pour dire que l'ampleur du phénomène est probablement sous-estimée. En effet, de nombreuses situations ne seraient pas signalées aux autorités compétentes (Stoltenborgh, Bakermans-Kranenburg, Alink et van IJzendoorn, 2015).

Récurrence et cooccurrence de la maltraitance

La récurrence de la maltraitance est un phénomène courant, bien que les taux varient dans les différentes populations étudiées. Une étude de DePanfilis et Zuravin (1998) fait état d'un taux de récurrence allant de 1 à 2 % pour les cas à faible risque à 50 % pour les cas à haut risque.

Plusieurs études ont également rapporté la cooccurrence de différents types de maltraitance. Par exemple, Trickett, Mennen, Kim et Sang (2009) rapportent que de jeunes adolescents ayant vécu de l'abus émotionnel vivaient également de la violence physique dans 63 % des cas et de la négligence dans 76 % des cas. D'autres études rapportent que 95 % des enfants suivis en protection de la jeunesse pour négligence étaient aussi victimes d'autres types de maltraitance (Mennen, Kim, Sang et Trickett, 2010) et 48 % des enfants étant abusés physiquement vivaient une ou deux autres formes de maltraitance (Larrivée, Tourigny et Bouchard, 2007). De plus, la maltraitance apparait souvent ell cooccurrence avec d'autres types de dysfonctionnements familiaux ou sociaux, comme un parent ayant Ull problème de santé mentale ou d'abus de substance (Burke, Hellman, Scott, Weems et Canion, 2011; Mustillo, Dorsey, Conover et Burns, 2011), de la violence familiale (Burke

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et al., 20 Il; McCrae, Chapman et Christ, 2006), de la criminalité (Burke et al., 20 Il) et de la violence dans la communauté (Finkelhor, Ormrod, Turner et Hamby, 2005; Margolin et Gordis, 2000).

Ainsi, les enfants qui vivent des expériences de vie adverses sont plus à risque d'en vivre de nouveau. À cet égard, une étude rapporte que les deux tiers des adultes mentionnent avoir vécu au moins une expérience de vie adverse en enfance, et qu'entre 81 et 98 % de ceux-ci ont vécu au moins une autre expérience de ce type. La cooccurrence de plus d'une forme d'expérience d'adversité est donc fréquente. De plus, selon le type d'expérience vécue, la présence d'une seule expérience de vie adverse en enfance augmente de 2 à 18 fois la probabilité d'en vivre d'autres, comparativement à ceux qui n'en ont jamais vécu (Dong et al., 2004). Une autre étude rapporte que les jeunes victimisés vivent en moyenne trois expériences de victimisation chacun. En outre, un enfant ayant été victimisé à une reprise a 69 % de chance d'être victimisé de nouveau dans la même année (Finkelhor et al., 2005).

Le fait que la cooccurrence et la récurrence de la maltraitance soient bien documentées empiriquement mène à une conceptualisation plus large de ce phénomène, qui va au-delà de ses différentes formes individuelles. En effet, la maltraitance est souvent une condition de vie, et non une simple accumulation d'événements ponctuels et isolés.

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Conséquences de la maltraitance

Les enfants qui sont victimes de maltraitance sont vulnérables et dépendants de leurs donneurs de soins, et c'est souvent au sein de cette relation que les abus et la négligence ont lieu : ils sont donc soumis à des pressions contradictoires et incompatibles.

Tel que l'évoque Herman (1992), ces enfants doivent trouver un moyen de préserver un

sentiment de confiance envers des gens qui ne sont pas dignes de cette confiance, se sentir en sécurité dans des situations dangereuses, être en contrôle dans des situations imprévisibles et trouver du pouvoir dans des situations d'impuissance. Ainsi, les enfants victimes de maltraitance doivent compenser les échecs des soins et de protection des adultes avec un système de défenses psychologiques immature, ce qui entraîne chez eux des conséquences dévastatrices et persistantes.

Plusieurs études, tant cliniques qu'empiriques, ont montré que l'exposition à la maltraitance entraîne effectivement de lourdes conséquences sur le développement des enfants, touchant l'ensemble des sphères de leur fonctionnement. Cook et al. (2005) synthétisent ces conséquences selon sept dimensions, soit l'attachement, la biologie, la régulation des affects, la dissociation, la régulation des comportements, les cognitions et le concept de soi.

Attachement

Des patrons d'attachement insécures (soit évitant, ambivalent ou désorganisé) sont souvent observés chez les enfants ayant vécu dans des environnements abusifs et

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négligents. Par exemple, en 1999, Barnett, Ganiban et Cicchetti ont montré que la vaste majorité des enfants maltraités de leur échantillon avaient un attachement de type insécure (86 % chez les enfants de 12 mois, 77 % chez les enfants de 18 mois et 87 % chez les enfants de 24 mois). De plus, la majorité d'entre eux présentait un patron d'attachement désorganisé (86 % chez les enfants de 12 mois, 61 % chez les enfants de 18 mois et 75 % chez les enfants de 24 mois). Des résultats similaires ont été observés par Cicchetti, Rogosch et Toth (2006), alors que 99 % des 137 enfants maltraités de 12 mois de leur étude avaient un attachement de type insécure: 89 % d'entre eux avaient un patron d'attachement désorganisé, 6 % étaient évitants et 4 % étaient ambivalents. Ainsi, moins de 1 % d'entre eux avaient un attachement de type sécure. Pour tous les patrons d'attachement de type insécure, la proportion était significativement plus élevée que dans le groupe contrôle.

Une méta-analyse (Cyr, Euser, Barkemans-Kranenburg et van lJzendoorn, 2010) a examiné l'impact de la maltraitance et d'un faible statut socio-économique sur la sécurité et la désorganisation d'attachement. Cinquante-cinq études portant sur 4792 enfants ont été colligées, totalisant 59 échantillons d'enfants à risque élevé non maltraités (n

=

4336) et 10 échantillons d'enfants maltraités (n

=

456). Les résultats ont montré que les enfants non maltraités et maltraités vivant dans des conditions à risque élevé présentaient des patrons d'attachement moins sécures et plus désorganisés que les enfants provenant de milieu à plus faible risque. En outre, les enfants maltraités avaient des types d'attachement moins sécures et plus désorganisés que les autres enfants non maltraités à risque élevé.

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Cependant, les enfants exposés à de hauts risques socio-économiques (faible niveau d'éducation, faible revenu, monoparentalité ou mère adolescente, minorité ethnique et abus de substance) n'étaient pas significativement moins désorganisés que les enfants maltraités, ce qui illustre l'impact majeur de l'accumulation de risques socio-économiques.

Biologie

Plusieurs chercheurs ont étudié l'association entre la maltraitance et la sécrétion de cortisol, qui est une hormone dont la production est gérée par l'axe hypothalamo-pituitaire-surrénalien (HPS). Quoique les résultats des études soient mitigés, l'hypothèse la plus souvent retrouvée est que les enfants maltraités peuvent présenter deux types de profil distincts de dérégulation physiologique, soit l'hyperactivité ou l'hypoactivité de l'axe HPS (Tarullo et Gunnar, 2006). En général, des taux anormalement élevés de cortisol dans l'organisme sont associés à des problèmes intériorisés (Cicchetti et Rogosch, 2001; De Bellis et al., 1999; Gunnar et Vazquez, 2006), alors que des taux anormalement bas

sont associés à des problèmes extériorisés (Alink et al., 2008; McBurnett, Lahey, Rathouz et Loeber, 2000; Shirtcliff, Granger, Booth et Johnston, 2005).

En ce qui a trait aux impacts de la maltraitance sur le cerveau, certaines régions seraient touchées, notamment le corps calleux, qui est une partie du cerveau qui connecte ses deux hémisphères (De Bellis et al., 1999; Teicher et al., 2003; Teicher et al., 2004;

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passent ainsi progressivement de la dominance de l'hémisphère droit de leur cerveau, qui est davantage lié aux émotions et aux perceptions, vers l'hémisphère gauche, qui est lié au langage, au raisonnement abstrait et à la planification à long terme: l'objectif est donc une intégration des deux hémisphères. Toutefois, les enfants maltraités démontrent des lacunes sur ce plan et vont donc présenter des capacités analytiques amoindries, ce qui les rend vulnérables sur les plans cognitif, émotionnel et comportemental et leur fait vivre de l'impuissance, de la confusion, du repli sur soi et de la colère (Cook et al., 2005).

Bien que les différentes études rapportent des résultats variables, certaines évoquent également des réductions sur le plan du volume de l'hippocampe chez les adultes ayant vécu de la maltraitance durant l'enfance (Bremner et al., 1997; Driessen et al., 2000; Stein, 1997). L'hippocampe joue un rôle crucial dans la mémoire, tout particulièrement dans l'encodage et la récupération de l'information épisodique (Desgranges, Baron et Eustache, 1998), ainsi que dans la symptomatologie dissociative (Stein, 1997).

Une autre région du cerveau qui est affectée est le cortex préfrontal, qui apparait immature chez les individus victimes de maltraitance en enfance (Frodl, Reinhold, Koutsouleris, Reiser et Meisenzahl, 2010; Tomoda et al., 2009). Cette structure cérébrale contribue au développement des fonctions exécutives, telles que la planification, la flexibilité mentale, la mémoire de travail, l'organisation, l'attention et le raisonnement (Bernard, Lind et Dozier, 2014).

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En ce qui a trait à des problèmes de santé physiologique, les résultats d'une méta-analyse (Wegman et Steltler, 2009) indiquent que la violence envers les enfants est associée à un risque accru d'effets négatifs sur la santé physique à l'âge adulte. Les effets

les plus importants concernent les problèmes neurologiques et musculo-squelettiques,

suivis par les problèmes respiratoires, les maladies cardiovasculaires, les troubles gastro-intestinaux et métaboliques. Les auteurs de cette méta-analyse mentionnent également que l'ampleur du risque est comparable à l'association entre la violence envers les enfants et les impacts psychologiques y étant associés. Des chercheurs ont également montré une relation claire entre des expériences de vie adverses et la mortalité prématurée (Brown, 2009), les maladies cardiaques, l'obésité (Williamson, Thompson, Anda, Dietz et Felitti, 2002), le cancer et les maladies respiratoires chroniques (Felitti et al., 1998).

Les recherches étudiant le lien entre l'exposition à des expériences de vie adverses et les impacts sur la santé physique durant l'enfance sont plus rares. Toutefois, Flaherty et al. (2006) ont pu observer que les enfants ayant vécu des expériences de vie adverses étaient plus susceptibles d'avoir une mauvaise santé générale et d'avoir une maladie

nécessitant des soins médicaux que les enfants n'ayant pas vécu ce genre d'expériences.

En effet, l'exposition à une de ces expériences a presque doublé le risque de mauvaise santé générale et quatre expositions ou plus ont presque triplé le risque de maladie nécessitant des soins médicaux.

(23)

Les personnes ayant vécu de la maltraitance présentent également des problèmes en termes de somatisation, qui sont des plaintes physiques multiples et récurrentes sans cause médicale apparente (Putnam, 1997). Afari et al. (2014) ont réalisé une méta-analyse qui a permis de constater que les personnes ayant vécu des traumas pendant l'enfance et l'âge adulte, incluant notamment des abus de nature psychologique, émotionnelle, sexuelle ou physique, étaient 2,7 fois plus à risque de présenter des syndromes somatiques.

Régulation des affects

Les recherches sur la maltraitance en enfance et son impact sur les processus émotionnels portent sur deux aspects principaux, soit la réactivité émotionnelle et la régulation émotionnelle. La première est la réaction d'un individu lorsqu'une émotion survient, c'est-à-dire le sentiment subjectif, la manifestation comportementale et la réponse corporelle. La seconde est la façon dont les individus peuvent influencer comment ils vivent et peuvent exprimer leurs émotions (Gross, 1998; Gross et Jazaieri, 2014). Une récente méta-analyse (Lavi, Katz, Ozer et Gross, 2019) rapporte que les enfants maltraités avaient, de façon significative, davantage de difficultés que les enfants non maltraités, tant sur le plan de la réactivité émotionnelle que de la régulation émotionnelle. Plus précisément, en ce qui a trait à la réactivité émotionnelle, les enfants maltraités présentaient davantage de comportements agressifs et de niveaux élevés d'émotions négatives (p. ex., tristesse, hostilité, peur), ainsi que de plus faibles niveaux d'émotions positives (p. ex., joie, bonheur). En ce qui a trait à la régulation émotionnelle, les enfants

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maltraités avaient de plus faibles capacités d'adaptation et de résolution de problèmes et

étaient davantage dérégulés sur le plan affectif (p. ex., difficultés à contrôler les émotions).

Dissociation

La dissociation se caractérise par une perturbation des fonctions de la mémoire, de

la conscience, de l'identité, de la perception de l'environnement (APA, 1994) et des

fonctions sensorielles (Nijenhuis, Spinhoven, van Dyck, van der Hart et Vanderlinden,

1996). Elle implique un manque d'intégration ou d'association de l'information et de

l'expérience, et ses fonctions de défense peuvent se catégoriser de trois façons : 1)

l'automatisation des comportements; 2) la compartimentation des informations et des

affects; et 3) l'altération de l'identité et la distanciation du soi (Putnam, 1997). Confrontés

à des situations extrêmes, que ce soit de la négligence ou différents types d'abus, les

enfants maltraités doivent trouver une façon de se protéger, et ces processus défensifs leur

permettent de réduire la douleur psychologique associée : comme ils sont vulnérables et

dépendants des adultes, ils peuvent difficilement se soustraire physiquement de leurs

abuseurs et s'en remettent donc à des processus de fuite psychologique, qui leur

permettent de survivre.

Ogawa, Sroufe, Weinfield, Carlson et Egeland (1997) ont démontré que l'âge

auquel sont vécus les traumatismes (incluant notamment la maltraitance), ainsi que la

chronicité et la gravité de ceux-ci, étaient fortement corrélés et prédisaient le niveau de

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victimes de violence et de négligence durant l'enfance présentaient des scores de dissociation plus élevés que les enfants non maltraités, avec des scores plus élevés pour la violence sexuelle et physique. De plus, un âge de victimisation précoce, une durée plus longue de la maltraitance et la violence provenant des parents prédisaient des scores de dissociation significativement plus élevés. Schalinski et al. (2016) ont également pu démontrer que des expériences de vie adverses vécues durant l'enfance avaient un effet proportionnel sur les symptômes dissociatifs à l'âge adulte selon la durée, la multiplicité et la gravité de ces différents types de mauvais traitements.

Régulation des comportements

Une méta-analyse (Liu, 2019) a émis le constat qu'il existe une association positive entre la maltraitance vécue et l'impulsivité chez les enfants. L'ampleur de l'effet est faible dans le cas de la violence sexuelle et moyenne ou grande dans le cas de violence psychologique.

En ce qui a trait aux problèmes de comportements intériorisés et extériorisés, une étude (Freeman, 2014), qui a suivi des enfants de la naissance à l'âge de 6 ans, rapporte que plus les enfants avaient vécu des expériences de vie adverses, plus le risque de manifester ces types de comportements était présent. Trois expériences de vie adverses et plus ont plus que quadruplé le risque de présenter des problèmes de comportements internalisés et presque quadruplé le risque de présenter des problèmes de comportements

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extériorisés. Par ailleurs, plus les expériences de vie adverses vécues étaient nombreuses,

plus elles étaient associées à des problèmes de comportement à long terme.

Chez les enfants victimes d'abus sexuels, des comportements sexualisés

problématiques ont pu être observés dans différentes études (Cosentino, Meyer-Bahlburg,

Alpert, Weinberg et Gaines, 1995; Friedrich, 1993; Friedrich et al., 1992; Trickett, Noll

et Putnam, 20 Il), ainsi que des comportements sexuels à risque (Trickett et al., 20 Il).

L'intensité de l'abus, la durée, la fréquence et la relation avec l'agresseur font partie des

facteurs qui influencent le degré de symptomatologie (Kendall-Tackett, William et

Finkelhor, 1993).

Les impacts de la maltraitance peuvent aussi s'observer en termes de

comportements autodestructeurs. En effet, l'association entre la maItraitance et

l'automutilation a été étudiée dans des échantillons d'enfants aussi jeunes que quatre ans

(Paul et Ortin, 2019). Des revues systématiques ont aussi identifié que la maltraitance

pendant l'enfance était associée à des comportements suicidaires et à la mort par suicide

(Miller, Esposito-Smythers, Weismoore et Renshaw, 2013; Serafini et al., 2015). van der

Kolk, Perry et Herman (1991) ont constaté que cet effet pouvait perdurer dans le temps,

puisque les antécédents d'abus physique et sexuel étaient hautement prédictifs des

comportements d'automutilation et des tentatives de suicide dans leur échantillon

(27)

L'abus de substances fait également partie des problèmes de régulation des comportements présents chez les personnes ayant vécu de la maltraitance pendant l'enfance. Une revue systématique (Thege et al., 2017) confirme l'existence d'associations entre l'exposition à différents types de maltraitance et de victimisation et des comportements de dépendance. De plus, ces associations ont été observées plus fréquemment dans les études portant sur les traumatismes vécus en enfance par rapport aux traumatismes vécus à l'âge adulte.

Fonctions cognitives

La maItraitance envers les enfants est reconnue comme un des facteurs liés au dysfonctionnement cognitif (Crozier et Barth, 2005; Majer, Nater, Lin, Capuron et Reeves, 2010). Une récente méta-analyse (Su, D'Arcy, Yuan et Meng, 2019) indique que neuf domaines liés au fonctionnement cognitif étaient associés de façon significative

à de multiples formes de mauvais traitements. Ces différents domaines sont: 1) le développement cognitif général; 2) la mémoire; 3) le rendement scolaire; 4) la compréhension verbale; 5) l'intelligence; 6) le fonctionnement exécutif; 7) la vitesse de traitement; 8) le raisonnement perceptif; et 9) le raisonnement non verbal. L'intelligence et les fonctions exécutives étaient les domaines de déficiences cognitives les plus fréquemment observés.

En ce qui a trait aux fonctions exécutives plus spécifiquement, des déficits liés à la mémoire de travail, au contrôle inhibiteur, à la flexibilité cognitive, à la planification et

(28)

à la résolution de problèmes sont observés (Bücker et al., 2012; Cowell, Cicchetti, Rogosch et Toth, 2015; Nadeau et Nolin, 2013). Par ailleurs, les dysfonctionnements neurodéveloppementaux à l'âge adulte sont l'une des conséquences durables des mauvais traitements infligés aux enfants (Gould et al., 2012; Ritchie et al., 20 Il).

Concept de soi

Des études ont rapporté que la maltraitance vécue pendant l'enfance était associée à une faible estime de soi (Bolger, Patterson et Kupersmidt, 1998; Fergusson, McLeod et Horwood, 2013; Turner, Finkelhor et Ormrod, 2010). Barbosa Pacheco, Irigaray, Werlan, Tiellet Numes et de Lima Argimon (2014) ont d'ailleurs réalisé une méta-analyse soutenant ce fait. Les enfants ayant vécu de la maltraitance ont aussi tendance à se décrire de façon négative (van Harmelen et al., 2010) et moins compétente que leurs pairs non maltraités (Cicchetti et Lynch, 1995). Des études révèlent aussi que les représentations de soi sont plus négatives chez les enfants maltraités que chez les enfants non maltraités (Toth, Cicchetti, Macfie et Emde, 1997; Toth, Cicchetti, Macfie, Maughan et Vanmeenen, 2000). Une récente étude (Chiu, Ho, Tollenaar, Elzinga et Zhang, 2019) a également montré que les adultes ayant subi de la maltraitance durant l'enfance avaient tendance à s'attribuer les représentations externes d'elles-mêmes comme étant des représentations internes, ce qui pouvait avoir un impact sur le développement du schéma de soi.

(29)

Maltraitance et traumatisme

Une multitude d'études ont montré un lien entre la maltraitance et le développement de symptômes traumatiques (Hulette, Fisher, Kim, Ganger et Landsverk, 2008; Milot, Éthier, St-Laurent et Provost, 2010; Sullivan, Fehon, Andres-Hyman, Lipschitz et Grilo, 2006; Widom, 1999), même si on a longtemps pensé que le psychisme des enfants était imperméable aux traumatismes étant donné leur immaturité affective et un effet potentiel de protection de la part de leur univers imaginaire (Crocq, 2001). La possibilité pour un enfant d'être traumatisé est donc aujourd'hui largement reconnue, notamment par la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-5; APA, 2015). En effet, le DSM-5 (APA, 2015) prend en compte les événements traumatiques et les symptômes qui en résultent sous la forme du diagnostic de TSPT. En résumé, le premier critère de ce diagnostic, soit le critère A, implique une « exposition à la mort effective ou à une menace de mort, à une blessure grave ou à des violences sexuelles» (APA, 2015, p. 350), que ce soit en étant témoin direct ou indirect. Le critère B, quant à lui, réfère à des « symptômes envahissants associés» à l'événement traumatique; le critère C à de 1'« évitement persistant des stimuli» y étant associés; le critère D à des « altérations négatives des cognitions et de 1 'humeur »; et le critère E à des « altérations marquées de l'éveil et de la réactivité ». Le critère F implique une durée des perturbations de plus d'un mois, alors que le critère G implique des perturbations entraÎnant« une souffrance cliniquement significative» sur différents plans (p. ex., social. professionnel). Finalement, le critère H indique que ces perturbations ne doivent pas être

(30)

imputables « aux effets physiologiques d'une substance [ ... ] ou à une autre affection médicale.» (APA, 2015, p. 351).

Habituellement, les critères diagnostiques d'un trouble en décrivent les manifestations, et non pas les causes. De ce fait, on qualifie le DSM-5 (APA, 2013) d'ouvrage

«

athéorique » (Folette et Houts, 1996). Cependant, la ou les causes du TSPT sont reconnues à même ses critères diagnostiques, soit le critère A, ce qui le distingue des autres diagnostics du DMS-5 (APA, 2013). Conséquemment, seules les personnes ayant vécu un ou des traumatismes peuvent recevoir ce diagnostic. Il est à noter que le TSPT est une conséquence plus fréquente chez les personnes ayant vécu un événement traumatique isolé (Green et al., 2000), comme un accident d'automobile, une catastrophe naturelle ou en étant témoin d'un acte violent. Ainsi, malgré l'évidence que la maltraitance ait un caractère traumatique, le diagnostic de TSPT n'est pas celui que l'on retrouve le plus souvent chez les enfants en ayant vécu (van der Kolk et al., 2009). Ce phénomène s'explique par différentes raisons.

Tout d'abord, le critère A du TSPT, où l'on définit ce qUi peut causer un traumatisme, est restrictif dans sa façon de considérer les expériences potentiellement traumatisantes. Il exclut des expériences comme les perturbations dans les relations d'attachement ou des agressions interpersonnelles qui n'impliquent pas nécessairement une menace à la vie ou à l'intégrité physique. Il y a pourtant une multitude d'autres expériences que l'on peut considérer adverses, mais qui ne sont pas reconnues par l'APA

(31)

par le biais du critère A du TSPT. Ces expériences peuvent sembler anecdotiques lorsqu'elles sont vécues de façon ponctuelle et isolée, mais peuvent tout de même affecter les enfants lorsqu'elles sont vécues de façon répétée et chronique (p. ex., manque de nourriture, habillement inadéquat en fonction des saisons, supervision parentale déficiente, manque de sensibilité et de prévisibilité du parent). De plus, il a été démontré que l'expérience subjective d'une personne à l'égard d'un événement (p. ex., peur intense, impuissance, désespoir, colère, culpabilité), et non la nature de l'événement lui-même, est déterminante en ce qui peut être considéré comme traumatique pour une personne (Dewey et Schuldberg, 2013). Dewey et Schuldberg (2013) ont en effet montré que la détresse péritraumatique est associée à des symptômes de TSPT plus élevés, peu importe si le stresseur répond ou non au critère A (exposition).

Ensuite, force est de constater que les critères B, C, D et E du diagnostic de TSPT ne tiennent pas suffisamment compte des conséquences développementales de la maltraitance et des traumatismes interpersonnels et chroniques (Briere et Spinazzola, 2005; D'Andrea, Ford, Stolbach, Spinazzola et van der Kolk, 2012). En effet, les enfants ayant vécu de la maltraitance présentent des symptômes allant au-delà de ceux du TSPT, et vont donc plutôt rencontrer les critères diagnostiques d'autres troubles, comme la dépression, le déficit d'attention avec ou sans hyperactivité, le trouble oppositionnel avec provocation, le trouble des conduites, les troubles alimentaires, les troubles du sommeil, les troubles de la communication, le trouble d'anxiété de séparation, ou encore le trouble réactionnel de l'attachement (Cook et al., 2005; D'Andrea et al., 2012; van der Kolk, 2005, 2014). Il est

(32)

d'ailleurs observé que les enfants ayant subi de la maltraitance peuvent cumuler plusieurs diagnostics en comorbidité afin de prendre en compte les différents symptômes qu'ils présentent, voire une moyenne de 3 à 8 diagnostics (van der Kolk, 2014). Le risque de présenter différents diagnostics est clairement identifié dans la littérature, que ce soit pendant l'enfance, l'adolescence ou l'âge adulte (Briggs-Gowan et al., 2010; Copeland,

Keeler, Angold et Costello, 2007; Ford, Connor et Hawke, 2009; Ford, Elhai, Connor et Frueh, 2010; Mueser et Taub, 2008; Sansone, Songer et Miller, 2005). Par exemple, Sroufe,

Egeland, Carlson et Collins (2005) rapportent que 30 % des enfants non maltraités

défavorisés de leur échantillon présentaient au moins deux diagnostics, alors que cette proportion augmentait à 54 % chez les enfants ayant vécu de la négligence physique, 60 % chez les enfants ayant vécu de l'abus physique, 73 % chez ceux ayant vécu de l'abus sexuel et 73 % chez les enfants ayant vécu de la négligence psychologique. Par conséquent, il

semble que de nombreux enfants portent le poids d'une multitude de diagnostics, pouvant

être inexacts, erronés ou cumulés de façon inappropriée.

Selon certaines études, le TSPT serait le cinquième (Ackerman, Newton,

McPherson, Jones et Dykman, 1998) voire le dixième (Copeland et al., 2007) diagnostic le plus commun chez les enfants ayant été exposés à des événements traumatiques, ce qui

remet en question la pertinence de ce seul diagnostic pour décrire les traumas chez les

enfants. De plus, 40 % des enfants ayant vécu des traumatismes présentent au moins un

autre diagnostic psychiatrique, et cette proportion augmente proportionnellement au

(33)

50 % des enfants ayant vécu des traumatismes présentaient des symptômes autres que ceux du TSPT. En réaction à ces enjeux, un nombre croissant de chercheurs et de cliniciens

ont proposé et adhéré au concept de

«

trauma complexe » afin d'expliquer la variété et la

multiplicité des conséquences liées à la maltraitance et aux symptômes traumatiques, qui

vont au-delà du TSPT.

Trauma complexe

Le trauma complexe est un concept clinique qui s'appuie notamment sur la

documentation récente sur la théorie de l'attachement et la neurobiologie du stress

traumatique (Kliethermes, Schacht et Drewry, 2014). Il est défini comme une condition

qui résulte de l'exposition chronique et répétée à des traumas de nature interpersonnelle,

telle que la maltraitance. Ces traumas se vivent donc par le biais des relations humaines, plutôt qu'être causés par des éléments externes (p. ex., catastrophe naturelle, accident

d'automobile). Ces traumas surviennent à des périodes développementales vulnérables,

comme la petite enfance et l'adolescence, ou ébranlent significativement les acquis

développementaux à n'importe quel moment de la vie. Le trauma complexe implique

également un tort direct au moyen de différentes formes d'abus (psychologiques,

physiques et/ou sexuels), de négligence ou d'abandon du donneur de soin principal (Ford

et Courtois, 2013). Ce concept offre un cadre intégrateur de l'ensemble des difficultés

d'adaptation présentes chez les enfants ayant vécu de la maltraitance plutôt qu'un

(34)

crédibilité, et de nombreuses études ont montré sa pertinence (Ford et al., 2009; Spinazzola et al., 2005; Wamser-Nanney, 2016; Wamser-Nanney et Vandenberg, 2013).

Les traumatismes cumulés à l'enfance sont fortement associés à la complexité des symptômes, c'est-à-dire le nombre total de différents types de symptômes rapportés (Briere, Kaltman et Green, 2008; Hodges et al., 2013). En effet, chaque traumatisme additionnel augmente la complexité des symptômes de 17 % et le cumul de traumatismes influence de façon significative la présence de symptômes à l'âge adulte (Cloitre et al., 2009). Les résultats d'une étude révèlent également que plus le nombre de périodes développementales au cours desquelles des traumas ont été vécus est élevé, plus la gravité des symptômes traumatiques et des problèmes de comportement intériorisés et extériorisés est grande (Dierkhising, Ford, Branson, Grasso et Lee, 2018). De plus, le nombre de symptômes et de diagnostics augmente significativement lorsque de multiples formes de traumas sont vécues en enfance (Finkelhor, Ormrod et Turner, 2007; Ford et al., 2010; Gustafsson, Nilsson et Svedin, 2009; Holt, Finkelhor et Kantor, 2007).

Trouble dû à un trauma développemental

En 2005, en réponse à la demande du groupe de travail sur le trauma complexe du National Child Traumatic Stress Network (NCTSN), , le chercheur et clinicien Dr. Bessel

1 Le NCTSN a été créé par le Congrès américain en 2000 dans le cadre du Children's Health Act afin d'améliorer les soins et l'accès aux services pour les enfants et les familles qui vivent des événements traumatisants ou en sont témoins (NCTSN, 2020).

(35)

van der Kolk a proposé de traduire le concept clinique de trauma complexe en une

nouvelle proposition diagnostique, soit le TTD (van der Kolk, 2005). Le NCTSN

formulait le besoin d'un diagnostic plus approprié pour les enfants ayant des antécédents

de vie complexes et présentant des portraits cliniques variés, mais ayant tous un tronc commun. De ce fait, un des objectifs principaux de cette proposition était de remédier aux

limites du diagnostic du TSPT pour les enfants ayant vécu de la maltraitance et des

traumatismes interpersonnels chroniques et répétés.

Suite à l'ébauche présentée en 2005, van der Kolk et al. proposent, en 2009, une

version bonifiée de la proposition diagnostique du TTD, qui regroupe un ensemble de

critères précis incluant l'histoire d'exposition traumatique, ainsi que les différents

symptômes et difficultés fonctionnelles associés au trauma complexe. van der Kolk et al.

(2009) ont basé l'élaboration de la proposition diagnostique du TTD sur différentes

banques de données qui incluent, par exemple, des enfants ou des adolescents étant en

famille d'accueil, ayant été exposés à des événements traumatiques, recevant des services

en pédopsychiatrie, étant exposés à de la violence domestique ou étant en centre de

détention. Le constat général de cet effort est que les enfants et adolescents provenant des

différents échantillons présentaient davantage de symptômes cliniques lorsqu'ils avaient

été exposés à des traumatismes s'apparentant au critère A du TTD (c'est-à-dire qu'ils

avaient vécu ou avaient été témoins d'événements adverses multiples ou prolongés

pendant une période d'au moins un an débutant dans l'enfance ou l'adolescence) que les

(36)

qu'entre 15 % et 25 % des enfants étant référés pour des services en lien avec un historique de traumas rencontreraient les critères du TTD. Finalement, quelques modifications sont

apportées en 2018 à la proposition diagnostique, dans une étude de validation d'une

entrevue semi-structurée visant à évaluer le TTD (Ford, Spinazzola, van der Kolk et

Grasso, 2018), et une nouvelle version datant de 2019 (Ford, van der Kolk et Spinazzola,

2019) est également disponible.

La proposition diagnostique du TTD la plus récente (Ford et al., 2019) comprend

tout d'abord le critère A, qui implique l'exposition à des traumas de nature

développementale au cours de l'enfance et de l'adolescence. Plus précisément, l'enfant

doit avoir vécu des ruptures d'attachement au sein de son système primaire de soins, par

exemple un donneur de soin indisponible, de la négligence, une séparation prolongée ou

de l'abus émotionnel ou verbal (A 1), ainsi que des formes de victimisation

interpersonnelle telles qu'être témoin ou victime d'abus physique ou sexuel, ou témoin de

violence conjugale (A2; Ford et al., 2019).

Le critère 8 réfère quant à lui à des difficultés dans la régulation affective et

somatique. De façon détaillée, le sous-critère 81 concerne les difficultés de régulation

émotionnelle et le sous-critère 82 les difficultés de régulation somatique. La dissociation

émotionnelle ou corporelle forme le sous-critère B3, alors que les difficultés à décrire les

émotions ou les sensations corporelles forment le sous-critère B4. Afin de rencontrer le

(37)

Le critère C décrit les difficultés dans la régulation de l'attention et des comportements, en ce qui a trait à des préoccupations biaisées à l'égard des dangers potentiels (C 1), à une capacité altérée d'autoprotection (C2), des tentatives d'autoapaisement inadaptées (C3), de l'automutilation (C4) et une capacité altérée d'amorcer ou de maintenir un comportement orienté vers un but (CS). Afin de rencontrer le critère C, 2 des 5 sous-critères doivent être présents (Ford et al., 2019).

Le critère 0 réfère à des difficultés relationnelles et des problèmes d'identité et comprend six sous-critères, soit une perception de soi négative persistante (DI), un attachement insécure et désorganisé (02), une absence de confiance et de réciprocité dans les relations proches (03), des comportements d'agression physique ou verbale (04), des frontières déficitaires (05) ou des difficultés en ce qui a trait à l'empathie (06). Afin de rencontrer le critère D, 2 des 6 sous-critères doivent être présents (Ford et al., 2019).

Le critère E réfère à la présence d'au moins 2 symptômes du TSPT provenant de 2 des 3 critères symptomatiques, alors que le critère F implique que la durée des perturbations doit être d'au moins 6 mois. Le critère G réfère quant à lui à des impacts fonctionnels significatifs dans au moins deux domaines (p. ex., familial, relationnel, scolaire, professionnel, médical, récréatif; van der Kolk el al., 2009).

La proposition diagnostique originale anglaise de la version la plus récente du TTO (critères A, B, C et 0; Ford et al., 2019) apparaît dans l'Appendice A, incluant les

(38)

symptômes présents dans certains des sous-critères, qUI n'ont pas été décrits précédemment.

La proposition diagnostique du TTD a été proposée pour être incluse au DSM-5

(APA, 2013). Toutefois, la proposition a été rejetée par l'APA, arguant que le TTD était davantage une intuition clinique qu'un fait basé sur la recherche (van der Kolk, 2014). Il a également été jugé qu'il n'y avait pas assez de preuves établissant que le tableau clinique du TTD était suffisamment distinct de celui du TSPT (Resick et al., 2012). Malgré cela, plusieurs chercheurs et cliniciens défendent toujours cette proposition (p. ex., D'Andrea et al., 20 12; Ford et al., 2018; Kisiel et al., 2014; Spinazzola, van der Kolk et Ford, 2018; Stolbach et al., 2013; van der Kolk, 2014; van der Kolk, Ford et Spinazzola, 2019). D'ailleurs, la nouvelle Classification statistique internationale des maladies et des problèmes connexes (CIM-11; Organisation mondiale de la santé [OMS], 2019) inclut le

diagnostic de trouble de stress post-traumatique complexe (TSPT-C). Le TSPT-C a de

nombreuses ressemblances avec la proposition diagnostique du TTD (Karatzias et al.,

2017). Cependant, la CIM-l1 n'entrera pas en vigueur avant 2022 (OMS, 2018).

La communauté scientifique et clinique soutenant la reconnaissance du TTD croit que ce diagnostic représenterait mieux l'ampleur et la portée des difficultés d'adaptation qui résultent des traumatismes vécus pendant l'enfance que le diagnostic de TSPT. De plus, il est estimé que l'intervention et les traitements offerts aux enfants recevant des

(39)

seulement certaines de leurs difficultés et mal comprendre leur étiologie, être incohérents

ou inadaptés, ou mettre trop d'accent sur le contrôle des manifestations comportementales

présentées par les enfants, plutôt que de promouvoir une approche prenant en compte la

diversité des symptômes et ce qui les sous-tend (van der Kolk, 2014; van der Kolk et al.,

2009).

Évaluation du trauma complexe et du TTD

À ce jour, il n'existe aucun instrument validé pour l'évaluation du TTD, ou du

trauma complexe plus largement, quoique certains soient en cours de validation, comme

le Developmental Trauma Disorder Semi-Structured Interview (DTD-SI) de Ford et al.

(2018) et le Cameron Complex Trauma Interview de King, Solomon et Ford (2017). En

conséquence, divers auteurs ont plutôt proposé d'utiliser, du moins pour l'instant, une

batterie d'instruments déjà existants, dont la combinaison permet d'évaluer l'éventail des

difficultés d'adaptation associées au trauma complexe et au TTD (Briere et

Lanktree, 2012; Briere et Spinazzola, 2005; Briere et Spinazzola, 2009; Denton, Frogley,

Jackson, John et Querstret, 2017; Ford, Nader et Fletcher, 2013; Ford et al., 2018; Strand,

Sarmiento et Pasquale, 2005).

En plus d'utiliser plusieurs types d'instruments, il est également recommandé de

favoriser les sources d'information multiples. Ainsi, des mesures autorapportées, des

(40)

entrevues et des séances d'observations directes permettent de couvrir une large gamme

de symptômes (Brown, 2009; Courtois et Ford, 2012).

Études évaluant la fréquence du TTD

Quelques études ont été menées afin de documenter la validité conceptuelle du

TTD. Ces études ont principalement documenté la fréquence d'un TTD potentiel auprès

de différents échantillons d'enfants et d'adolescents, contribuant à démontrer

l'applicabilité de cette proposition diagnostique et permettant de mieux comprendre

comment la mesurer. L'étude de Klasen, Gehrke, Metzner, Blotevogel et Okello (2013) a

permis, pour une première fois, de tester l'applicabilité des critères de la proposition

diagnostique du TTD chez des enfants et adolescents soldats ougandais. Stolbach et al.

(2013) ont pour leur part mené une étude auprès d'un échantillon d'enfants et

d'adolescents qui recevaient des services d'un centre de traitement pour les traumatismes.

Finalement, en 2018, Ford et al. ainsi que Spinazzola et al. ont étudié la fréquence d'un

TTD potentiel au sein d'un échantillon d'enfants recevant des services ou étant référés

pour des problèmes de santé mentale2. Dans les prochains paragraphes, nous décrivons

plus en détail chacune de ces études, en plus de deux autres études qui ont utilisé le modèle

du TTD, mais sans en mesurer la fréquence (Ma et Li, 2014; McDonald, Borntrager et

Rostad,2014).

2 Une autre étude sur la fréquence du ITD existe, mais comme l'article est en allemand, seules les informations provenant du résumé anglais sont disponibles. Ainsi, la décision a été prise de ne pas l'inclure dans notre recension des études ayant mesuré le ITD.

(41)

Klasen et al. (2013) ont étudié la fréquence d'un TTD potentiel (van der Kolk et al., 2009) chez des enfants et adolescents soldats ougandais âgés de II à 17 ans (N

=

330; M = 14,44 ans). Afin d'évaluer le nombre d'expériences traumatiques associées à la guerre, un questionnaire basé sur la recherche auprès des enfants soldats ougandais (Bayer, Klasen et Adam, 2007) et le Child War Trauma Questionnaire (CWTQ; Macksoud, 1990) ont été utilisés. Un questionnaire a aussi été développé afin d'évaluer l'exposition à la violence domestique et à la violence dans la communauté, incluant différents types de violence physique, émotionnelle, sexuelle et économique. Plus spécifiquement, le critère A (exposition) du TTD a été considéré atteint par tous les enfants de l'échantillon, puisqu'ils avaient tous été exposés à de la violence interpersonnelle pendant leur enrôlement ou à la maison (Al), et qu'ils avaient tous vécu une séparation forcée d'avec leur milieu familial (A2).

Les critères B (difficultés dans la régulation affective et somatique), C (difficultés dans la régulation de l'attention et des comportements), 0 (difficultés relationnelles et problèmes d'identité) et G (impacts fonctionnels) ont, pour leur part, été mesurés à l'aide des items de deux questionnaires mesurant des difficultés diverses. Ces questionnaires étaient le Youth Self Report (YSR; Achenbach et Rescorla, 2001) et le Peritraumatic Dissociative Experiences Questionnaire (PDEQ; Marshall, Orlando, Jaycox, Foy et Belzberg, 2002). Les chercheurs ont ainsi apparié les sous-critères de la proposition diagnostique à un ou plusieurs items de ces questionnaires. Au final, 65 items sur 126 ont été retenus, afin de représenter les différents sous-critères des critères B, C, 0 et G. Chacun

(42)

des sous-critères était représenté par 2 à 7 items, sauf pour 2 sous-critères, qui étaient

couverts par 1 seul item chacun. Les variables continues ont été converties en variables

catégorielles: de cette façon, un symptôme était considéré présent si la réponse à l'item était parfois vrai (1) ou souvent vrai (2) ou considéré absent si la réponse était jamais vrai (0).

Quant au critère E (au moins un symptôme du TSPT provenant de 2 des 3 critères

symptomatiques), les items du module du TSPT du Mini International Neuropsychiatrie

Interview-KID (MfNI-KlD; Sheehan et al., 2010) ont été utilisés. Le MfNI-KID (Sheehan et al., 2010) a également été utilisé afin d'évaluer le TSPT chez les enfants soldats, afin de

pouvoir comparer la présence de ce diagnostic à celui du TTD. Finalement, le critère F

(durée des perturbations) n'a pas été évalué, puisque les symptômes étaient évalués sur une

période de 4 semaines seulement et que la proposition diagnostique du TTD de 2009 (van

der Kolk et al., 2009) demandait que les symptômes soient présents depuis au moins 6 mois.

Selon les résultats de leur étude, les enfants présentaient en moyenne 9 symptômes

du TSPT (étendue

=

0-15) et 16 symptômes du TTD (étendue

=

5-21). De plus, 33 % de

leur échantillon rencontraient les critères du TSPT, alors que 78 % rencontraient les

critères de la proposition diagnostique du TTD. Seulement 1 % des enfants rencontraient

seulement le diagnostic de TSPT. Ces résultats suggèrent que le TTD décrivait mieux la

myriade de symptômes présentés par ces enfants hautement traumatisés que le TSPT. Il est à noter que les expériences traumatiques de guerre étaient significativement reliées aux

symptômes du TSPT et non au TTD, alors que la violence domestique et la violence dans

(43)

Une des limites de l'étude de Klasen et al. (2013) réside dans le fait que les données

proviennent uniquement de questionnaires autorapportés, alors qu'il est recommandé

d'utiliser différentes sources d'informations lors de l'évaluation d'un trouble.

Dans l'étude de Stolbach et al. (2013), les enfants étaient âgés de 3 à 17 ans (N

=

214; M

=

9,75 ans) et avaient tous vécu au moins un traumatisme selon le critère A

(exposition) du TSPT du DSM-IV-TR (APA, 2000). De plus, ils recevaient des services

d'un centre de traitement pour les traumatismes. L'objectif de cette étude était de

découvrir si la proposition diagnostique du TTD (van der Kolk et al., 2009) permettait de

différencier les enfants ayant vécu des traumas complexes des enfants ayant vécu d'autres

formes de traumas (p. ex. traumas relevant du critère A du TSPT). Concernant l'histoire

traumatique des enfants (critère A), une liste d'expériences de vie adverses et traumatiques

a été remplie, à partir d'informations tirées de questionnaires, tels que le Child Sexual

Behavior lnventory (CSBI; Friedrich et al., 1992), le UCLA Reaction Index for

PTSD-Parent (PTSD-RI-PTSD-Parent; Rodriguez, Steinberg et Pynoos, 1998), le Diagnostic Interview

for Children and Adolescents (DICA; Welner, Reich, Herjanic, Jung et Amado, 1987) et

le UCLA Reaction Index PTSD-Child (PTSD-RI-Child; Rodriguez et al., 1998). Les

informations nécessaires ont aussi été obtenues grâce à une entrevue clinique, à de la

documentation légale et médicale concernant les enfants, ainsi qu'au contenu des dossiers

(44)

Les symptômes traumatiques des enfants ont été mesurés de différentes façons. Tout d'abord, des questionnaires ont été remplis par les donneurs de soins. En raison de l'étendue de l'âge des enfants de l'échantillon, deux versions du Child Behavior Checklist (CBCL; Achenbach, 1991) ont été utilisées, soit la version pour les enfants de 1 Y:! an à 5 ans, ainsi que celle pour les enfants de 6 à 18 ans. Le CDC (Putnam et al., 1993) a également été utilisé, ainsi que le CSBI (Friedrich et al., 1992). Finalement, le

PTSD-RJ-Parent (Rodriguez et al., 1998) a aussi été rempli par les donneurs de soins.

Des questionnaires ont également été administrés aux enfants de 8 ans et plus, qui

représentaient 65,4 % de l'échantillon, soit le Children's Depression lnventory (Kovacs, 1992), le Children' s Dissociative Experiences Scale and Posttraumatic Symptom

lnventory (CDES/PTSI; Stolbach, 1997), le DICA (Welner et al., 1987), le Trauma

Symptom Checklist for Children (TSCC; Briere, 1996) et le PTSD-RJ-Child (Rodriguez et al., 1998). Les cliniciens ont quant à eux rempli le Chi Id Complex Trauma Symptom Checklist (SCL; Ford et al., 2007).

Puisqu'aucun des instruments utilisés ne permettait de mesurer à eux seuls les critères B, C, D et E du TTD, des items provenant de différents questionnaires et correspondant à chacun des sous-critères ont été sélectionnés, tout comme Klasen et al. (2013) l'avaient fait. Par exemple, pour le sous-critère C2 (Impaired capacity for self-protection, including extreme risk-taking or thrm-seeking), l'item 72 du CBCL (Shows

(45)

représenté par 1 à 8 items. Une exception a été faite pour le sous-critère C3 (Maladaptive attempts at self-soothing - eg., rocking and other rhythmical movements, compulsive masturbation), pour lequel le CSBl (Friedrich et al., 1992) en entier a été utilisé.

Tout comme dans l'étude de Klasen et al. (2013), les variables continues ont été converties en variables catégorielles. Toutefois, Stolbach et al. (2013) ont plutôt considéré qu'un symptôme était présent seulement si la réponse correspondait au niveau le plus élevé de l'échelle de Likert : cette stratégie semble plus appropriée, puisqu'elle permet de discriminer les enfants présentant des difficultés sévères des autres enfants.

La proportion d'enfants répondant au critère A (exposition) du TTD était de 32 % (n = 70) et 31 % de ceux-ci (n = 22) rencontraient également les critères B, C, D et E. Parmi les enfants ne répondant pas au critère A du TTD, seulement 6 % (n

= 10) d'

entre eux rencontraient les critères B, C, D, et E. Ces enfants, quoiqu'ils ne répondaient pas au critère A du TTD, avaient quand même tous vécu plus d'une exposition traumatique au cours de leur vie. Toutefois, cette exposition traumatique n'était pas de nature développementale. Les auteurs ont conclu que le diagnostic de TTD permettait de départager les enfants ayant vécu des traumatismes selon le critère A du TTD de ceux n'en ayant pas vécu ou de ceux ayant vécu d'autres types de traumatismes, et que le construit du TTD était ainsi fortement soutenu. En plus d'observer des différences significatives en ce qui a trait aux critères B, C, D et E entre les enfants répondant au critère A du TTD et ceux qui n'y répondaient pas, des différences significatives étaient également présentes

(46)

dans Il des 15 sous-critères de la proposition diagnostique, ce qui milite en faveur du

pouvoir discriminant de cette proposition diagnostique.

Pour leur part, Ford et al. (2018) ont testé les valeurs psychométriques du

DTD-SI, auprès de 236 enfants âgés de 7 à 17 ans (M = 12,1; ÉT

=

3). Ces enfants recevaient

des services en psychiatrie à l'externe (n = 189) ou à l'interne (n = 23), ou avaient été référés par un pédiatre (n

=

24). Parmi ces enfants, 91 % avaient vécu au moins un

trauma de différents types (M

=

4,8; ÉT

=

3,3; md

=

4), sans toutefois être spécifiés, et 75 % d'entre eux avaient entre 2 et 10 diagnostics de santé mentale (md

=

3). Parmi les

236 enfants, 36 % rencontraient les critères B, C et D de la proposition diagnostique du

TTD. Plus précisément, 58 % des enfants rencontraient le critère A (exposition) du TTD et parmi ceux-ci, 63 % des enfants rencontraient également les critères B, C et D. Les enfants qui rencontraient les critères B, C et D avaient vécu deux fois plus de traumas de type interpersonnel, ce qui est cohérent avec l'association entre le TTD et l'accumulation de traumas.

Spinazzola et al. (2018) ont fait une autre étude avec le même échantillon et leurs

résultats indiquent que, comparativement au TSPT, le TTD était davantage associé à l'exposition à des traumas interpersonnels (A 1) et à de l'adversité en ce qui a trait à l'attachement (A2). En outre, bien que pris individuellement, les sous-critères A 1 et A2 étaient respectivement associés à des difficultés de régulation affective et somatique (critère B) ainsi qu'à des difficultés de régulation de l'attention et des comportements

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