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Évolution de la dépendance et homéostasie oxydative dans les symbioses insecte / Wolbachia

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-01431260

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01431260

Submitted on 10 Jan 2017

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Évolution de la dépendance et homéostasie oxydative

dans les symbioses insecte / Wolbachia

David Monnin

To cite this version:

David Monnin. Évolution de la dépendance et homéostasie oxydative dans les symbioses insecte / Wolbachia. Biologie du développement. Université de Lyon, 2016. Français. �NNT : 2016LYSE1123�. �tel-01431260�

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N°d’ordre NNT :

THESE de DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE LYON

opérée au sein de

l’Université Claude Bernard Lyon 1

Ecole Doctorale :

Evolution, Ecosystèmes, Microbiologie, Modélisation

Spécialité de doctorat :

Biologie

Soutenue publiquement le 12/07/2016, par :

David Monnin

Evolution de la dépendance et

homéostasie oxydative dans les

symbioses insecte / Wolbachia

Devant le jury composé de :

Christine Braquart-Varnier

Rapporteure

Benjamin Gourbal

Rapporteur

Jean-Baptiste Ferdy

Examinateur

Tanja Schwander

Examinatrice

Fabrice Vavre

Directeur de thèse

Emmanuel Desouhant

Co-directeur de thèse

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UNIVERSITE CLAUDE BERNARD - LYON 1

Président de l’Université M. le Professeur Frédéric FLEURY

Président du Conseil Académique M. le Professeur Hamda BEN HADID Vice-président du Conseil d’Administration M. le Professeur Didier REVEL Vice-président du Conseil Formation et Vie Universitaire M. le Professeur Philippe CHEVALIER Vice-président de la Commission Recherche M. Fabrice VALLÉE

Directeur Général des Services M. Alain HELLEU

COMPOSANTES SANTE

Faculté de Médecine Lyon Est – Claude Bernard Directeur : M. le Professeur J. ETIENNE Faculté de Médecine et de Maïeutique Lyon Sud – Charles Mérieux Directeur : Mme la Professeure C. BURILLON Faculté d’Odontologie Directeur : M. le Professeur D. BOURGEOIS Institut des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques Directeur : Mme la Professeure C. VINCIGUERRA Institut des Sciences et Techniques de la Réadaptation Directeur : M. le Professeur Y. MATILLON Département de formation et Centre de Recherche en Biologie Humaine Directeur : Mme la Professeure A-M. SCHOTT

COMPOSANTES ET DEPARTEMENTS DE SCIENCES ET TECHNOLOGIE

Faculté des Sciences et Technologies Directeur : M. F. DE MARCHI

Département Biologie Directeur : M. le Professeur F. THEVENARD Département Chimie Biochimie Directeur : Mme C. FELIX

Département GEP Directeur : M. H. HAMMOURI

Département Informatique Directeur : M. le Professeur S. AKKOUCHE Département Mathématiques Directeur : M. le Professeur G. TOMANOV Département Mécanique Directeur : M. le Professeur H. BEN HADID Département Physique Directeur : M. le Professeur J-C. PLENET UFR Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives Directeur : M. Y. VANPOULLE Observatoire des Sciences de l’Univers de Lyon Directeur : M. B. GUIDERDONI Polytech Lyon Directeur : M. le Professeur E. PERRIN Ecole Supérieure de Chimie Physique Electronique Directeur : M. G. PIGNAULT Institut Universitaire de Technologie de Lyon 1 Directeur : M. le Professeur C. VITON Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education Directeur : M. le Professeur A. MOUGNIOTTE Institut de Science Financière et d’Assurances Directeur : M. N. LEBOISNE

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Résumé

De nombreux insectes vivent en association avec des endosymbiotes se transmettant de mère à descendants. Du point de vue de leur hôte, certains de ces symbiotes sont obligatoires tandis que d’autres sont facultatifs. Alors qu’elle appartient le plus souvent à cette seconde catégorie, la bactérie intracellulaire Wolbachia est devenue obligatoire chez certains de ses hôtes. C’est notamment le cas chez deux hyménoptères parasitoïdes de drosophiles du genre

Asobara. Mon travail de thèse a consisté à étudier les mécanismes évolutifs et physiologiques

qui ont conduit à la dépendance de ces deux espèces. Chez A. tabida, il a été montré que Wolbachia était nécessaire à la production d’œufs viables et que le défaut d’ovogenèse chez les femelles privées de leur symbiote est associé à une perturbation de leur homéostasie oxydative. Nous avons par conséquent étudié l’impact de composés antioxydant et pro-oxydant sur les traits d’histoire de vie de l’hôte et sur la densité symbiotique, afin de confirmer que l’homéostasie oxydative pouvait être impliquée dans la coévolution entre Wolbachia et son hôte, au point de conduire à la dépendance de ce dernier. Chez certaines populations d’A. japonica, la coévolution avec une souche de Wolbachia induisant de la parthénogenèse thélytoque a entraîné la perte de la capacité des femelles à se reproduire sexuellement. Nous avons recherché les bases mécanistiques de cette perte de traits en comparant les transcriptomes et les profils d’hydrocarbures cuticulaires – des molécules qui peuvent notamment jouer le rôle de phéromones sexuelles – de femelles sexuées et asexuées. Cela nous a permis d’identifier un certain nombre de gènes et de composés cuticulaires susceptibles d’expliquer la dépendance d’A. japonica à son symbiote. Au final, les résultats obtenus apportent de nouveaux éléments sur les processus pouvant conduire à la dépendance des hôtes vis-à-vis de leurs symbiotes.

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Abstract

Many insects live in association with maternally transmitted endosymbionts. From their host point of view, some of these symbionts are obligatory, whereas others are facultative. Although it usually belongs to this second category, the intracellular bacterium Wolbachia has become obligatory in some of its hosts. This is notably the case in two Drosophila parasitoids of the genus Asobara (Hymenoptera). My PhD work has been devoted to the study of the evolutionary and physiological mechanisms which led to the dependence of these two species. It has been shown that Wolbachia is necessary for egg production in A. tabida, and that the failure of oogenesis in females cured of their symbiont is associated with a perturbation of their oxidative homeostasis. We therefore studied the impact of antioxidant and pro-oxidant compounds on the host life-history traits and on the symbiotic density to confirm that the oxidative homeostasis could be involved in host–Wolbachia coevolution, and in the evolution of the dependence of the host to its symbiont. In some populations of A. japonica, the coevolution with a thelytoky-inducing Wolbachia led to the loss of the females’ ability to sexually reproduce. We researched the mechanistic bases of this loss of traits by comparing the transcriptomes and the cuticular hydrocarbons – molecules that can play the role of sex pheromones – of sexual and asexual females. This allowed us to identify genes and cuticular compounds liable to explain the dependence of A. japonica to its symbiont. In the end, the results we obtained bring new lights on the processes that can lead to the dependence of hosts to their symbionts.

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Curriculum vitae

David MONNIN UMR CNRS 5558 - LBBE

28/07/1989 UCB Lyon 1 - Bât. Gregor Mendel

18 B rue de la Doua 69622 VILLEURBANNE cedex

69100 Villeurbanne 04.72.43.29.13

david.monnin@univ-lyon1.fr Permis B

FORMATION

Depuis 2012 : Doctorat de Biologie – « Biologie Evolutive, Biologie des Populations, Ecophysiologie »

UMR CNRS 5558 – Laboratoire de Biométrie & Biologie Evolutive, Université Claude Bernard Lyon 1

2011-2012 : Master 2 Recherche « Ecologie, Evolution, Biométrie », Mention Bien, Université Claude Bernard

Lyon 1

2010-2011 : Master 1 « Microbiologie, Ecologie », orientation « Ecologie, Génomique, Evolution, Biométrie », Mention Assez bien, Université Claude Bernard Lyon 1

2007-2010 : Licence de Biologie, parcours « Biologie des Organismes et des Populations », Mention Assez

Bien, Université Claude Bernard Lyon 1

2007 : Baccalauréat scientifique SVT, Mention Assez bien, Lycée Jean Perrin, Lyon

ACTIVITES DE RECHERCHE

Depuis 2012 : Thèse de Doctorat « Evolution de la dépendance et homéostasie oxydative dans les symbioses

insecte / Wolbachia »

Directeur : Fabrice Vavre

Co-directeur : Emmanuel Desouhant Co-encadrante : Natacha Kremer

2012 : Stage de recherche Master 2 « La symbiose entre Asobara tabida et Wolbachia : rôle du stress oxydatif

dans l'évolution de la dépendance et des traits d'histoire de vie »

Encadrants : Fabrice Vavre & Emmanuel Desouhant

UMR CNRS 5558 – Laboratoire de Biométrie & Biologie Evolutive, Université Claude Bernard Lyon 1

2011 : Stage de recherche de Master 1 « Etude du comportement exploratoire des têtards par vidéo-tracking » Encadrant : Jean-Paul Léna

UMR CNRS 5023 – Laboratoire d'Ecologie des Hydrosystèmes Naturels et Anthropisés, Université Claude Bernard Lyon 1

2010 : Stage volontaire de six semaines « Recherche des effets de la bactérie Wolbachia chez deux espèces

d'hyménoptères parasitoïdes de drosophiles. » Encadrants : Fabrice Vavre & Hélène Henri

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ACTIVITES PEDAGOGIQUES

Enseignements

2015-2016 : Attaché Temporaire d’Enseignement et de Recherche

Département de Biologie, Equipe pédagogique de Biométrie et Biologie Evolutive ; Université Claude Bernard Lyon 1

Total : 96 heures (EQTD)

Génétique 2 (L2) (54 heures EQTD) : génétique des populations (loi de Hardy-Weinberg, déséquilibre gamétique,

consanguinité, sélection naturelle, dérive génétique) et génétique quantitative (déterminisme des traits quantitatifs, interaction génotype–environnement, héritabilité).

Outils Statistiques pour la Biologie (L2) (27 heures EQTD) : analyse et interprétation de données

comportementales chez un auxiliaire de lutte biologique, tests statistiques de l’association appliqués à l’étude des interactions symbiotiques.

Biologie Evolutive (M1) (15 heures EQTD) : Génétique quantitative (déterminisme des traits quantitatifs,

interaction génotype x environnement, héritabilité).

2012-2015 : Activité Complémentaire d’Enseignement

Département de Biologie, Equipe pédagogique de Biométrie et Biologie Evolutive ; Université Claude Bernard Lyon 1

Total : 192 heures (EQTD)

Génétique 2 (L2) (108 heures EQTD) : génétique des populations (loi de Hardy-Weinberg, déséquilibre

gamétique, consanguinité, sélection naturelle, dérive génétique) et génétique quantitative (déterminisme des traits quantitatifs, interaction génotype–environnement, héritabilité).

Développement Durable (L2) (33 heures EQTD) : TD biodiversité (facteurs d’érosion de la biodiversité, valeurs

économiques de la biodiversité, stratégies de conservation).

Outils Statistiques pour la Biologie (L2) (27 heures EQTD) : analyse et interprétation de données

comportementales chez un auxiliaire de lutte biologique, tests statistiques de l’association appliqués à l’étude des interactions symbiotiques.

Mathématiques pour les Sciences de la Vie (L1) (24 heures ETD) : échantillonnage aléatoire, intervalles de

confiance, tests de comparaison de moyennes.

Co-encadrements de stagiaires

Manon Villa (Juin – Juillet 2014) : stage de licence, troisième année : « Rôle de l’hôte et du parasite dans la

réponse au stress oxydatif dans la symbiose Wolbachia - Drosophila simulans. Responsable : Fabrice Vavre.

Caroline Michaud (Janvier – Juin 2015) : stage de Master 2 : « Evolution de la virulence de la souche de

Wolbachia wMelPop chez Drosophila melanogaster ». Responsable : Fabrice Vavre.

Adam Khalife (Juin – Juillet 2014) : stage de licence, troisième année : « Infection par la bactérie symbiotique

Wolbachia et perte des fonctions sexuelles chez l’hyménoptère parasitoïde Asobara japonica ». Responsable : Emmanuel Desouhant.

Clément Berny (Janvier – Juin 2013) : stage de Master 2 : « Influence du stress oxydatif sur l’interaction entre la

bactérie endosymbiotique Wolbachia et son hôte Drosophila melanogaster ». Responsable : Fabrice Vavre.

COMPETENCES ACQUISES

Expérimentation sur insectes : élevage, mesure de traits d’histoire de vie, traitement pharmacologique

(antibiotiques, manipulation du stress oxydatif), dissection, extraction des hydrocarbures cuticulaires à l’hexane, dosages de la capacité antioxydante et de la peroxydation des lipides.

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Biologie moléculaire : extraction d'ADN et d’ARN, PCR, PCR quantitative.

Analyse de données : logiciel R, modélisation statistique (modèles linéaires, modèles linéaires généralisés,

modèles mixtes).

PRODUCTION SCIENTIFIQUE

Publications

Monnin, D., Moné, Y., & Kremer, N. (2014). The oxidative environment: a mediator of interspecies communication that drives symbiosis evolution. Proceedings of the Royal Society B: Biological Sciences, 281(1785), 20133112.

Monnin, D., Kremer, N., Berny, C., Henri, H., Dumet, A., Voituron, Y., Desouhant, E., & Vavre, F. (2016). Influence of oxidative homeostasis on bacterial density and cost of infection in Drosophila – Wolbachia symbioses. Journal of Evolutionary Biology.

Lopez-Maestre H., Brinza, L., Marchet, C., Kielbassa, J., Bastien, S., Boutigny, M., Monnin, D., El Filali, A., Carareto, C.M., Vieira, C., Picard, F., Kremer, N., Vavre, F., Sagot, M.F., Lacroix, V. (2016). De novo identification, differential analysis and functional annotation of SNPs from RNA-seq data in non-model species. Nucleic Acids Research.

Présentations orales

Novembre 2013 : Colloque d’EcoPhysiologie Animale – Lyon (France)

« Stress oxydatif, immunité et évolution des interactions symbiotiques : le cas des associations insecte / Wolbachia »

David Monnin, Clément Berny, Natacha Kremer, Emmanuel Desouhant, Fabrice Vavre

Février 2014 : Réunion du Réseau Ecologie des Interactions Durables – Montpellier (France)

« Stress oxydatif, immunité et évolution des interactions symbiotiques : le cas des associations insecte / Wolbachia »

David Monnin, Clément Berny, Natacha Kremer, Emmanuel Desouhant, Fabrice Vavre

Août 2014 : 10th European Congress of Entomology – York (Angleterre)

« Oxidative homeostasis and the evolution of symbiotic interactions: the case of insect / Wolbachia associations » David Monnin, Clément Berny, Natacha Kremer, Emmanuel Desouhant, Fabrice Vavre

Posters

Juin 2014 : 8th International Wolbachia Conference – Innsbruck (Autriche)

« Oxidative homeostasis and the evolution of insect / Wolbachia symbioses »

David Monnin, Clément Berny, Natacha Kremer, Emmanuel Desouhant, Fabrice Vavre

Student award: best poster presentation

Août 2015 : XVth ESEB Meeting – Lausanne (Suisse)

« Oxidative homeostasis and the evolution of insect / Wolbachia symbioses »

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Remerciements

Je voudrais remercier les membres de mon jury – Christine, Benjamin, Jean-Baptiste, et Tanja – d’avoir accepté d’évaluer cette thèse, ainsi que tous ceux dont elle est le phénotype étendu :

Merci à mes parents et à mes frères, Nicolas et Bruno, d’avoir toujours soutenu – du pied de la tour d’ivoire dans laquelle j’ai trouvé refuge – le « biologue » que je suis.

Merci aux membres de mon comité de thèse – Yannick, François, Jean-Christophe et Yann – pour leurs conseils avisés.

Merci à tous ceux avec qui j’ai eu la chance de collaborer, les grandes personnes – Adil, Martin, Tobias, Vincent, Hélène, Adeline –, comme les stagiaires – Clément, Adam, Caroline, Manon et Camille.

Merci à tous les membres du LBBE qui m’ont fait bénéficier de leur aide, de leur sagesse de thésard aguerri, ou tout simplement de leur sympathie. Merci en particulier à Adrien, Anna, Aurélie, Clément, Corinne, Isabelle, Laetitia, Lionel, Lucie, Marion, Mathieu, Nathalie, Nelly, Nicole, Odile, Oncle Jacob, Sonia, Stéphane, et Vérane.

Merci à ceux qui ont fait, ou font encore, de l’équipe « Génétique et Evolution des Interactions Hôtes-Parasites » la meilleure équipe du monde : Anaël, David, Fred, Gladys, Jean-Marie, Julien, Laurence, Lionel, Marie, Marie-Christine, PAF, Patricia, Roland, Sylvain, Thibault et Yves. Un merci tout particulier à Christophe, pour la tarte à la tomate, pour Robert Lee Jones et Tommy De Niro, et pour tout le reste.

Merci aux doctorants qui ont fait, ou font encore, du bureau 133 le meilleur bureau du monde : Emilie, Gabriel, Julien, Mathiiiiiilde, Olivier, et Tata Marie. Je ne m’appesantirai pas sur les aspects professionnels, mais merci Gabito, toi le moine Shaolin de R, pour ta contribution à la partie bioinfo de ma thèse. Avant d’être un lieu de travail, le bureau 133 fut grâce à vous tous un lieu de vie, dédié à l’art – la photographie, la musique, mais aussi le haïku –, au sport – ah, ces parties de boulettes épiques, ces breaks Volvo comme s’il en pleuvait, et ces « perfect », malheureusement jamais récompensés à leur juste valeur –, et enfin à la philosophie, tant il est vrai que nous perdions rarement une occasion de citer et de méditer les mots de Patrick Bialès, Walter Sobchak, ou encore George Abitbol.

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Natacha, tu avais mérité ta place dans ces remerciements avant même que nous ne nous rencontrions : disposer d’une thèse comme la tienne pour se familiariser avec son sujet de recherche est une chance qui n’est pas donnée à tout le monde. Ta participation active à ma thèse, ton efficacité et ta disponibilité ne font évidemment que renforcer ma gratitude.

Merci Manu, pour ton investissement dans cette thèse pourtant bien éloignée de tes préoccupations habituelles. Ton regard « extérieur » mais pertinent, ton aide en stats et surtout ta capacité à faire baisser la pression dans les moments cruciaux m’ont été d’autant plus bénéfiques que je n’aurais pu les trouver chez mon directeur de thèse.

Mais merci quand même, Fabrice. D’abord de m’avoir accueilli pour mon premier stage de recherche, puis pour mon stage de Master 2. Merci également de m’avoir accordé ta confiance tout au long de cette thèse. Et merci pour toutes tes idées, qui m’ont souvent donné beaucoup de travail, mais qui ont aussi fait de cette thèse l’expérience intellectuelle la plus stimulante que j’aie connue.

Pour finir, merci Hélène, d’être à la biologie moléculaire ce que Victor Hugo est à la littérature, d’avoir résolu environ 99 % des problèmes auxquels j’ai été confronté au cours de mes manips, et d’avoir été présente dans tous mes moments de doute. Ta contribution à cette thèse mériterait un éloge bien plus développé que ces quelques lignes, et dis-toi bien que si je ne me risque pas à l’écrire, c’est uniquement parce que je crains d’être à la littérature ce que Victor Hugo est à la biologie moléculaire.

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Table des matières

Résumé p. 5

Abstract p. 7

Curriculum vitae p. 9

Remerciements p. 13

Table des matières p. 15

Introduction générale p. 19

I. Conflits, coopération et transitions évolutives p. 22 I.1. Conflits d’intérêts au sein des interactions parasitaires p. 22 I.2. Conflits d’intérêts au sein des interactions mutualistes p. 23 I.3. Endosymbiotes à transmission verticale et conflits d’intérêts p. 24 II. Evolution de la dépendance p. 27 II.1. Mutualisme et dépendance p. 27 II.2. Redondance fonctionnelle et perte unilatérale de traits p. 29 II.3. Apport d’une nouvelle fonction et changement de niche écologique p. 30 II.4. Perturbation physiologique et addiction p. 30 III. Evolution de la dépendance à Wolbachia au sein du genre Asobara p. 31 III.1. Diversité des symbioses arthropode / Wolbachia p. 31 III.2. Asobara tabida : dépendance pour l’ovogenèse p. 33 III.3. Asobara japonica : dépendance pour la production de femelles p. 34 III.4. Plan de la thèse et objectif général p. 35

Chapitre 1 : Rôle de l’homéostasie oxydative dans la symbiose Drosophila melanogaster /

Wolbachia p. 37

a) L’homéostasie oxydative p. 39 b) Homéostasie oxydative et traits d’histoire de vie p. 40 c) Homéostasie oxydative et régulation de la population symbiotique p. 41 d) Test du scénario d’évolution de la dépendance p. 42 Article : Influence of oxidative homeostasis on bacterial density and cost of infection in Drosophila–Wolbachia symbioses p. 44

Supplementary information p. 56

Discussion 1 : L’homéostasie oxydative et les scénarios d’évolution de la dépendance

p. 66

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b) Evolution du scénario d’évolution de la dépendance p. 68 c) Courses aux armements et dépendance p. 69 d) Conflits et niveaux de sélection p. 69 e) De l’adaptation à la dépendance p. 71

Chapitre 2 : Infection par Wolbachia et sensibilité au stress oxydatif chez Asobara

japonica p. 75

Article : Impact of Wolbachia on oxidative stress sensitivity in the parasitic wasp

Asobara japonica p. 79

Discussion 2 : Rareté de la dépendance à Wolbachia p. 89 a) Plasticité phénotypique p. 89 b) Evolution du symbiote p. 90 c) Associations éphémères p. 91 d) Transitions évolutives mineures p. 91

Chapitre 3 : Bases génétiques de la dépendance d’Asobara tabida, une comparaison avec

Asobara japonica p. 93

3.1. Introduction p. 95

3.2. Effet de wAjap sur le transcriptome ovarien d’A. japonica p. 97 a) Obtention et pré-analyse des transcriptomes ovariens d’A. japonica p. 97 b) Analyse différentielle p. 100 c) Analyse fonctionnelle p. 102 3.3. Effet de Wolbachia sur le transcriptome ovarien d’A. tabida et comparaison avec

A. japonica p. 105

a) Obtention et pré-analyse des transcriptomes ovariens d’A. tabida p. 105 b) Analyse différentielle p. 106 c) Comparaison entre A. tabida et A. japonica p. 108 3.4. Discussion 3 : Perspectives pour l’étude des bases génétiques de la dépendance

d’A. tabida p. 111

a) Transcriptomes bactériens p. 111 b) Polymorphisme du phénotype de dépendance p. 113

Chapitre 4 : Dépendance d’Asobara japonica à Wolbachia pour la production de femelles

p. 115

4.1. Introduction p. 117

4.2. Etude transcriptomique de la dépendance d’Asobara japonica p. 119

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b) Obtention et pré-analyse des transcriptomes d’A. japonica p. 120 c) Analyse multivariée des données d’expression p. 122 d) Effet de l’accouplement sur le transcriptome des femelles

arrhénotoques p. 123

e) Comparaison entre les femelles arrhénotoques vierges et les femelles

thélytoques p. 125

f) Recoupement des gènes différentiellement exprimés dans les différentes

comparaisons p. 126

g) Gènes absents des transcriptomes des femelles thélytoques p. 130 h) Gènes susceptibles d’être impliqués dans la perte de la reproduction

sexuée p. 132

i) Perspectives p. 133

4.3. Ecologie chimique de la dépendance d’Asobara japonica p. 134

a) Introduction p. 134

b) Matériel et méthodes p. 134 c) Différenciation des profils d’hydrocarbures p. 137 d) Effet proximal de Wolbachia p. 143 e) Effet ultime de Wolbachia p. 144 f) Composés femelles-spécifiques p. 145 4.4. Discussion 4 : Mécanismes proximaux et causes évolutives de la perte de traits

p. 147

Discussion générale p. 151

a) Obstacles à l’étude de la dépendance p. 154 b) Importance de la notion d’addiction p. 155

Références bibliographiques p. 159

Annexe 1 : The oxidative environment: a mediator of interspecies communication that drives

symbiosis evolution p. 171

Annexe 2 : De novo identication, differential analysis and functional annotation of SNPs from

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Les êtres vivants sont généralement impliqués dans de nombreuses interactions intra- et interspécifiques. Cette composante biotique de leur environnement peut influer sur leur valeur sélective, ainsi que sur l’effectif efficace de leur population, et donc affecter leur évolution par sélection naturelle et dérive génétique. L’impact évolutif des interactions interspécifiques doit une grande partie de son importance à l’omniprésence de la symbiose : la vie en association d’organismes appartenant à des espèces distinctes. Cette conception de la symbiose – qui correspond à la définition originelle (Frank 1877 ; de Bary 1879) – sera préférée à une alternative qui restreint l’usage du terme aux situations où les différents partenaires symbiotiques bénéficient tous de leur association. Comprise dans son sens large, la symbiose englobe donc un continuum qui s’étend du parasitisme au mutualisme, en passant par le commensalisme (Ewald 1987). La position d’une symbiose le long de ce continuum dépend de l’impact de l’interaction sur la valeur sélective des partenaires : l’hôte – le plus grand – et le symbiote. Ainsi, on parle de parasitisme lorsque l’un des organismes bénéficie de l’interaction aux dépens d’un autre et de symbiose mutualiste lorsque les bénéfices sont réciproques (la symbiose mutualiste correspond donc à la définition restreinte de symbiose évoquée plus haut). Le commensalisme correspond pour sa part au point du continuum où l’un des partenaires n’est aucunement affecté par l’interaction tandis que l’autre en bénéficie. Cette définition large de la symbiose tire notamment sa pertinence de l’existence de nombreux points communs à ces interactions (Hentschel et al. 2000, Hentschel & Steinert 2001, Eaton et al. 2015). Si l’on prend l’exemple des microorganismes infectant des eucaryotes, on peut noter que ceux-ci, qu’ils soient mutualistes ou parasites, occupent des niches écologiques semblables (Hentschel et al. 2000). En conséquence, ces deux types de symbiotes subissent une réduction génomique (Hentschel & Steinert 2001) et leur biologie repose en partie sur les mêmes fonctions, e.g.,

quorum sensing, systèmes de régulations à deux composants, et systèmes de sécrétion

(Hentschel et al. 2000, Hentschel & Steinert 2001).

La définition large de la symbiose se justifie également par la possibilité de déplacements le long du continuum parasitisme-mutualisme (e.g., Lin & Koskella 2014). Ces déplacements peuvent se produire sur un pas de temps court, y compris au cours de la vie des individus associés. La position d’une symbiose le long du continuum peut en effet être contexte-dépendante, comme dans le cas de Laboulbenia formicarum. Ce champignon se développant sur la cuticule de la fourmi Lasius neglectus a un effet négatif sur la survie de son hôte en situation de stress nutritif, mais un effet positif en présence du champignon

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entomopathogène Metarhizium brunneum (Konrad et al. 2015). Ce symbiote semble donc être tantôt mutualiste et tantôt parasite, selon le contexte environnemental.

Les déplacements le long du continuum parasitisme-mutualisme peuvent aussi s’effectuer au cours de l’évolution des partenaires symbiotiques. La suite de cette introduction est consacrée aux causes possibles de ces transitions évolutives d’un type de symbiose à un autre et est divisée en trois parties. Il sera d’abord question du rôle que jouent les conflits d’intérêts entre partenaires symbiotiques dans l’évolution des symbioses, et notamment dans les symbioses à transmission verticale. La deuxième partie porte sur le phénomène d’évolution de la dépendance, par lequel une association symbiotique initialement facultative devient obligatoire pour (au moins) un des organismes impliqués. Enfin, la problématique générale de ce travail de thèse est présentée : l’évolution de la dépendance à la bactérie Wolbachia au sein du genre d’hyménoptères Asobara.

I. Conflits, coopération et transitions évolutives

I.1. Conflits d’intérêts au sein des interactions parasitaires

Les conflits d’intérêts constituent l’un des moteurs de l’évolution des symbioses. Typiquement, les intérêts des parasites ne coïncident pas avec ceux de leurs hôtes car la valeur sélective des premiers dépend de leur capacité à exploiter les seconds. Ces conflits d’intérêts peuvent mener à une course aux armements entre hôtes et parasites. C’est le cas lorsque chaque adaptation d’un organisme à son partenaire a un effet négatif sur la valeur sélective de ce dernier, ce qui a pour conséquence d’entrainer un cycle ininterrompu d’adaptations et de contre-adaptations (Svensson & Råberg 2010). La coévolution du système immunitaire et des mécanismes permettant aux pathogènes de lui échapper illustre ce phénomène (Duggal & Emerman 2012).

Le parasitisme n’implique pourtant pas forcément l’existence de ce genre de dynamiques conflictuelles. En effet, même lorsque la valeur sélective d’un organisme est supérieure en l’absence de son partenaire symbiotique, les stratégies de résistance – i.e., d’élimination ou de réduction de la charge parasitaire – ne seront pas forcément sélectionnées. Si, par exemple, la réduction d’une infection coûteuse ne peut être accomplie que par la mise en œuvre d’une réponse immunitaire encore plus coûteuse, la dynamique de course aux armements ne sera pas initiée. On peut alors considérer qu’il n’y a pas de conflit d’intérêt entre l’hôte et son parasite, dans la mesure où les pressions de sélection s’exerçant sur les deux

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partenaires convergent : aucune d’elles ne tend vers une réduction de la charge parasitaire (on pourrait toutefois dire qu’il y a bien un conflit dans le sens où les situations optimales – du point de vue des deux partenaires – ne sont pas identiques, la situation optimale du point de vue de l’hôte étant – par définition – l’absence du parasite). Malgré l’absence de conflit, le parasite peut néanmoins représenter une pression de sélection importante pour son hôte, en particulier lorsque sa prévalence (i.e., son taux d’infection au sein de la population d’hôtes) est élevée. Ces circonstances sont propices à une augmentation de la tolérance de l’hôte, i.e., de sa capacité à réduire le coût d’une charge parasitaire donnée. La convergence d’intérêts entre un parasite et son hôte peut ainsi entraîner une réduction du coût de l’infection, donc un déplacement de l’association en direction du commensalisme (Roy & Kirchner 2000). La figure i.1 synthétise les causes et les conséquences des deux stratégies de protection discutées ci-dessus.

Figure i.1. Résistance et tolérance au parasitisme : causes et conséquences (flèche en pointillés : dans certaines circonstances, la tolérance accrue de l'hôte peut entrainer une augmentation du taux de réplication optimal du parasite (Miller et al. 2006), ce qui pourrait initier une forme de course aux armements entre les deux partenaires).

I.2. Conflits d’intérêts au sein des interactions mutualistes

L’alignement des intérêts des partenaires symbiotiques est généralement attendu lorsque ceux-ci sont mutualistes. Cependant, tout comme on peut rencontrer des convergences d’intérêts entre hôte et parasite, on peut trouver des conflits d’intérêts dans des cas de mutualisme. L’instabilité de ces interactions est la conséquence de ces conflits. En effet, les mutualismes sont sujets à l’invasion par des « tricheurs », des individus qui bénéficient du comportement coopératif de leur partenaire sans apporter de bénéfice en retour, ou en apportant un bénéfice relativement réduit (Ghoul et al. 2013). Le mutualisme ne peut évoluer ou se maintenir qu’en cas de corrélation positive entre les valeurs sélectives des organismes impliqués. En dehors du cas des mutualismes de type « by-product », où la contribution de

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chaque organisme à la valeur sélective de son partenaire n’est absolument pas coûteuse, cette corrélation positive nécessite des mécanismes de choix du partenaire et / ou de fidélité au partenaire (Sachs et al. 2004) sans lesquels le mutualisme peut effectuer une transition vers le parasitisme (Sachs & Simms 2006).

Le choix du partenaire désigne la capacité à procurer préférentiellement un bénéfice aux partenaires coopératifs, que ce soit en sanctionnant les tricheurs ou en refusant de s’associer avec eux. Les potentiels tricheurs rencontreront alors des difficultés à former une association qui leur soit bénéfique et leur valeur sélective s’en trouvera réduite, relativement à celle des individus plus coopératifs. Un exemple de ce type de mécanisme existe chez les plantes de la famille des fabacées, qui bénéficient de l’azote fixés par des bactéries (rhizobia) présentes dans des nodules racinaires. Ce mutualisme est vraisemblablement stabilisé, au moins partiellement, par la capacité des hôtes à sanctionner les souches de bactéries non-fixatrices d’azote – possiblement en les privant d’oxygène (Kiers et al. 2003). Une autre forme de choix du partenaire prend place dans le cas de la symbiose entre la sépiole (ou « seiche naine »)

Euprymna scolopes et la bactérie luminescente Vibrio fischeri. L’organe lumineux de la sépiole

est spécifiquement colonisé par cette bactérie, ce qui suppose l’exclusion, notamment par la production de composés antimicrobiens, des autres espèces – non luminescentes – présentes dans le plancton (Nyholm & McFall-Ngai 2004).

On parle de fidélité au partenaire lorsque les génotypes des partenaires interagissent de manière répétée au cours des générations successives, ce qui rend leurs valeurs sélectives dépendantes l’une de l’autre. Dans le cadre des endosymbioses, la fidélité au partenaire est fréquemment assurée par la transmission verticale des symbiotes. L’endosymbiose correspond à la situation dans laquelle le symbiote vit à l’intérieur de l’hôte. On parle d’endocytobiose lorsque le symbiote est intracellulaire. Dans ce cas, le symbiote pourra être transmis verticalement à la descendance de son hôte du fait de sa présence dans le cytoplasme des œufs. Par la suite, je me focaliserai essentiellement sur ce type de symbioses.

I.3. Endosymbiotes à transmission verticale et conflits d’intérêts

Lorsque la transmission est verticale, les valeurs sélectives de l’hôte et de ses symbiotes sont fortement et positivement corrélées, et les intérêts des partenaires sont donc presque parfaitement alignés. Il est par conséquent probable que ce mode de transmission favorise la transition du parasitisme au mutualisme (Bull & Molineux 1991, Sachs & Wilcox 2006). Des

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conflits peuvent cependant subsister au sein d’une symbiose à transmission verticale, notamment parce que l’hôte accueille généralement une population d’endosymbiotes dont il ne transmet qu’une fraction à sa descendance. Cela permet à la sélection naturelle d’agir à plusieurs niveaux. Au niveau inter-hôte, les populations symbiotiques les moins coûteuses / les plus bénéfiques à l’hôte sont typiquement favorisées par la sélection. En revanche, au niveau intra-hôte, au sein d’une population symbiotique, les symbiotes favorisés sont ceux qui ont la plus forte probabilité de transmission. En l’absence d’un mécanisme garantissant que tous les symbiotes aient la même probabilité de transmission – i.e., un équivalent de la méiose pour le compartiment cytoplasmique – on peut s’attendre à ce que les symbiotes qui se transmettent le plus d’une génération d’hôte à l’autre soient ceux qui se répliquent le plus, et donc potentiellement les plus virulents. La sélection intra-hôte est par conséquent susceptible de creuser l’écart entre les intérêts de l’hôte et ceux du symbiote. Néanmoins, cette sélection intra-hôte ne pourra fonctionner qu’en cas d’hétéroplasmie, i.e., de variabilité au sein de la population symbiotique d’un hôte. Le degré d’hétéroplasmie est mal connu, mais est supposé relativement faible en raison (i) d’un fort goulot d’étranglement lors de la transmission et (ii) de la transmission uniparentale maternelle des symbiotes (Mira & Moran 2002).

Cette relation entre niveaux de sélection et conflits hôte / symbiote peut être illustrée par le cas des mitochondries. Leur transmission est le plus souvent uniparentale, mais chez la levure Saccharomyces cerevisiae, elle est biparentale. En raison d’une forte consanguinité au sein des populations, les mitochondries transmises par les deux parents sont généralement apparentées, ce qui limite l’hétéroplasmie, et donc la sélection intra-hôte. Jasmin & Zeyl (2013) montrent cependant qu’en absence de consanguinité, la transmission biparentale sélectionne des mitochondries tricheuses, défavorisées par la sélection inter-hôte, mais favorisées par la sélection intra-hôte. En effet, ces mitochondries tricheuses réduisent la valeur sélective de la levure, mais se transmettent plus efficacement du fait de leur taux de réplication supérieur à celui de leurs concurrentes au sein d’un même hôte.

Si elle permet dans une certaine mesure d’éviter des conflits au sein des endosymbioses, la transmission maternelle en induit d’autres. En effet, les symbiotes ayant un phénotype étendu (Dawkins 1982) – c'est-à-dire un effet sur le phénotype de leur hôte – qui favorise les cytoplasmes infectés relativement à leurs compétiteurs pourront être sélectionnés – cette fois-ci au niveau inter-hôte –, y compris lorsque c’est au détriment du compartiment nucléaire. Cette particularité de leur mode de transmission est exploitée par les endosymbiotes manipulateurs de la reproduction de leurs hôtes. Parmi ceux-ci, la bactérie Wolbachia est le plus fréquent

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(d’après Zug & Hammerstein 2012, 40% des espèces d’arthropodes seraient infectées), et le seul capable d’induire les quatre grands types de manipulation connus : féminisation phénotypique, thélytoquie, male-killing et incompatibilité cytoplasmique (Werren et al. 2008 ; figure i.2). Toutes sont des conséquences de la transmission maternelle de Wolbachia.

Figure i.2. Manipulations de la reproduction induites par Wolbachia (Werren 2008).

Ainsi, la féminisation des mâles génétiques (e.g., chez le cloporte Armadillidium

vulgare ; Cordaux et al. 2011) permet à Wolbachia de se transmettre à un plus grand nombre

de descendants (à partir de la deuxième génération, puisqu’à la première génération, seul le sex-ratio de la descendance est affecté). Chez les espèces haplo-diploïdes telles que les hyménoptères, les œufs haploïdes se développent en mâles tandis que les œufs diploïdes se développent en femelles. Par conséquent, les femelles engendrent des fils par parthénogenèse arrhénotoque et des filles par reproduction sexuée. Certaines souches de Wolbachia sont capables de diploïdiser les œufs non fécondés, induisant ainsi la production de femelles par parthénogenèse thélytoque (Pannebakker et al. 2004). Du point de vue de Wolbachia, la thélytoquie est avantageuse pour la même raison que l’est la féminisation phénotypique. Dans les deux cas, les individus à priori non transmetteurs de Wolbachia sont transformés en individus transmetteurs. Chez diverses espèces d’arthropodes (diptères, coléoptères, lépidoptères, pseudoscorpions), Wolbachia peut également causer la mort des embryons mâles (male-killing), ce qui peut la favoriser en cas de forte compétition au sein des fratries d’hôtes (Fialho & Stevens 2000). Enfin, la manipulation de la reproduction la plus couramment observée est l’induction d’incompatibilité cytoplasmique (Werren 1997). Les croisements entre des mâles infectés et des femelles non infectées sont rendus stériles par Wolbachia (ou, chez certains organismes haplo-diploïdes, ne produisent que des mâles ; Breeuwer and Werren 1990), ce qui augmente la valeur sélective des cytoplasmes infectés relativement aux cytoplasmes non infectés.

Ces manipulations de la reproduction impliquent des conflits nucléo-cytoplasmiques. Dans le cas de l’incompatibilité cytoplasmique, le conflit est transitoire : passé un certain seuil de prévalence, les femelles sont sélectionnées pour maximiser l’efficacité de la transmission de

Wolbachia (Turelli 1994). En effet, dans une population où la plupart des mâles sont infectés

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ou le male-killing favorisent l’évolution de la suppression, par l’hôte, du phénotype étendu de

Wolbachia, au détriment de cette dernière (Rigaud & Juchault 1993, Hornett et al. 2006). Cette

suppression peut s’effectuer via la suppression de la bactérie elle-même (résistance) ou non (tolérance).

II. Evolution de la dépendance

II.1. Mutualisme et dépendance

La mise en place et la rupture de mécanismes contribuant à une corrélation positive entre les valeurs sélectives des hôtes et des symbiotes permettent d’expliquer en partie les transitions évolutives le long du continuum parasitisme-mutualisme. En revanche, la coopération ne suffit pas à expliquer tous les aspects de nombreuses symbioses. Prenons l’exemple de l’association entre le puceron (e.g., Acyrtosiphon pisum) et la bactérie Buchnera aphidicola (Douglas 1998). Le puceron, avec le régime alimentaire phloémophage qui est le sien, ne peut se développer en absence de Buchnera, qui synthétise des acides aminés essentiels absents du phloème. Réciproquement, Buchnera, dont le génome est extrêmement réduit comparé à celui des bactéries libres qui lui sont apparentées, est incapable de se développer en dehors de son hôte (Moran & Mira 2001). Il s’agit bien d’un mutualisme : la valeur sélective de chaque organisme est supérieure en présence de son partenaire. Et pour cause, leur valeur sélective en absence de partenaire est nulle. Le puceron et Buchnera sont complètement dépendants l’un de l’autre, une situation qui ne peut être expliquée dans le seul cadre conceptuel de l’évolution de la coopération. En elle-même, la coopération entre l’hôte et son symbiote n’explique pas pourquoi un organisme initialement capable de se développer sans partenaire symbiotique a perdu cette capacité. Expliquer pourquoi la valeur sélective d’un organisme en présence de son partenaire augmente au cours de l’évolution est une chose, et expliquer pourquoi la valeur sélective en absence du partenaire diminue en est une autre.

L’évolution de la dépendance suppose une prévalence élevée du symbiote au sein de la population d’hôtes. Une forte prévalence peut être due au caractère mutualiste du symbiote, ou à sa capacité à manipuler la reproduction. Si, au contraire, l’infection est un événement rare, un trait réduisant la valeur sélective de l’hôte en l’absence du symbiote sera fortement contre-sélectionné.

Quoi qu’il en soit, la symbiose entraîne une modification des pressions de sélection s’exerçant sur chacun des partenaires. Cela peut mener à la dépendance soit par la fixation

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aléatoire – par dérive – de mutations (approximativement) neutres dans le contexte symbiotique, mais autrement délétères ; soit par la sélection de mutations avantageuses dans le contexte symbiotique, mais autrement délétères. Il peut être utile de regrouper les différents exemples d’évolution de la dépendance en trois catégories, selon qu’elle résulte d’une redondance fonctionnelle, de l’apport d’une nouvelle fonction ou d’une perturbation physiologique (figure i.3).

Figure i.3. Trois mécanismes proximaux pouvant conduire ultimement à la dépendance du partenaire A au partenaire B : (1) redondance fonctionnelle, (2) apport d‘une nouvelle fonction et (3) perturbation physiologique. Les ronds bleus et les carrés rouges représentent, respectivement, des fonctions réalisées par les partenaires A et B, et par le partenaire B uniquement. Les flèches en pointillés représentent la possibilité, pour le partenaire A, de bénéficier des fonctions réalisées par le partenaire B. L’éclair jaune représente la perturbation induite par le partenaire B chez le partenaire A.

II.2. Redondance fonctionnelle et perte unilatérale de traits

On parle de redondance fonctionnelle lorsqu’une même fonction biologique est réalisée simultanément par deux partenaires symbiotiques. Cette redondance permet la perte de la fonction par l’un des partenaires.

Ce phénomène explique vraisemblablement la dépendance de Buchnera, ainsi que celle des autres endocytobiotes à transmission verticale. Compte tenu du faible effectif efficace qui caractérise ces organismes (Mira & Moran 2002), ces pertes de traits peuvent s’expliquer par une forte dérive génétique dans un contexte où la pression de sélection pour le maintien de

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nombreuses fonctions – inutiles dans le contexte de la symbiose – est relâchée. Lorsque ces fonctions sont coûteuses pour le symbiote, leur perte peut également être sélectionnée. Ainsi, l’environnement intracellulaire – parce qu’il est plus tamponné que le milieu extérieur – rend facultative la présence d’une membrane plasmique robuste, d’où la perte, par Buchnera (et d’autres symbiotes), de nombreux gènes impliqués dans la production de lipopolysaccharides ou d’autres constituants membranaires (Shigenobu et al. 2000).

Lorsqu’à l’inverse, c’est l’hôte qui est dépendant de son endocytobiote, l’explication est susceptible d’être différente. Dans les cas de redondance fonctionnelle où les deux partenaires peuvent à priori perdre la fonction, il est moins probable que cette perte survienne chez l’hôte. En effet, la dérive sera généralement plus forte au sein des populations de symbiotes. De plus, même si la fonction est coûteuse, sa perte n’est, pour l’hôte, pas forcément plus avantageuse que la perte par le symbiote, puisqu’ultimement le symbiote tire généralement son énergie de l’exploitation de son hôte. On peut donc s’attendre à ce que la redondance fonctionnelle n’ait pas joué un rôle majeur dans l’évolution de la dépendance des hôtes à leurs endosymbiotes. En particulier, cela n’explique certainement pas les dépendances à des symbiotes nutritionnels, comme celle du puceron à Buchnera. En effet, si Buchnera a conservé sa capacité à synthétiser les acides aminés essentiels – une fonction non redondante car non réalisée par le puceron –, elle a en revanche perdu la quasi-totalité des gènes impliqués dans la synthèse des acides aminés non essentiels (Shigenobu et al. 2000). C’est désormais l’hôte qui procure ces nutriments à son symbiote, ce qui illustre le fait que la perte de fonctions redondantes est plus probable chez ce dernier.

II.3. Apport d’une nouvelle fonction et changement de niche écologique

Comme de nombreux arthropodes se nourrissant de sève, c’est du fait de son régime alimentaire que le puceron est dépendant d’une bactérie. Dans ce genre de situation, il semble que la symbiose ait permis l’adaptation de l’hôte à une nouvelle niche écologique. L’ancêtre du puceron, avant sa rencontre avec Buchnera, ne pouvait être strictement phloémophage car ce régime alimentaire – dépourvu d’acides aminés essentiels – est insuffisant pour un eucaryote dépourvu de symbiotes. Le changement de niche écologique, en l’occurrence de régime alimentaire, subi par l’ancêtre du puceron est donc une conséquence de la symbiose. Le

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puceron, s’étant spécialisé dans la consommation de phloème, a désormais perdu sa capacité à se développer en absence de son symbiote. La spécialisation du puceron est notamment manifeste au niveau de ses pièces buccales qui, si elles lui permettent d’accéder à la sève, l’empêchent de se nourrir de quoi que ce soit d’autre. La perte de la capacité du puceron à trouver des acides aminés essentiels dans son alimentation est donc une conséquence directe de son changement de niche écologique, et non seulement du fait que la présence de Buchnera rend cette capacité redondante. L’apport d’une nouvelle fonction par le symbiote – la synthèse des acides aminés essentiels –, et l’adaptation consécutive de l’hôte à une nouvelle niche écologique peut donc entraîner l’évolution de la dépendance (Moran & Telang 1998). Un cas de figure similaire semble concerner les insectes strictement hématophages, tels que la mouche tsé-tsé (Glossina sp.), dépendante de la bactérie Wigglesworthia pour l’apport de vitamine B (Akman et al. 2002).

Dans ce type de scénario, par opposition aux scénarios de redondance fonctionnelle, la sélection naturelle n’est pas un phénomène accessoire tout juste bon à faciliter ou accélérer un processus qui s’accomplirait sous le seul effet de la dérive. Ici, c’est l’adaptation de l’organisme à une nouvelle niche écologique qui le rend dépendant de son symbiote. On pourrait également dire, de façon plus vague, que l’hôte s’adapte à son symbiote. Mais comme nous le verrons dans la section suivante, tous les cas d’adaptation d’un hôte à son symbiote ne se plient pas aussi facilement à une description en termes d’apport de fonction permettant l’adaptation à une nouvelle niche écologique.

II.4. Perturbation physiologique et addiction

Un symbiote peut modifier les pressions de sélection s’exerçant sur son hôte indépendamment de l’apport éventuel de fonctions métaboliques. Compte tenu de leur mode de vie intracellulaire, les endocytobiotes causent probablement toujours des perturbations physiologiques chez leurs hôtes, ne serait-ce qu’en occupant de l’espace au sein du cytoplasme, en consommant des ressources, et en induisant une réponse immunitaire. L’endosymbiose est donc inévitablement associée à un certain coût pour l’hôte, que celui-ci soit compensé par des bénéfices ou non. La sélection naturelle peut alors favoriser les hôtes qui minimisent ce coût,

i.e., les hôtes les mieux adaptés à leurs endosymbiotes (l’évolution de la tolérance étant une

forme d’adaptation de ce type). Lorsque ces adaptations compensatoires en réponse à la symbiose sont délétères en absence de symbiote, on peut dire que l’hôte a développé une forme d’addiction à son symbiote. De Mazancourt et al. (2005) illustrent ce phénomène d’addiction

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par le cas d’interactions (non symbiotiques) entre plantes et herbivores. La valeur sélective de nombreuses plantes est accrue par la présence d’herbivores. Ce phénomène s’explique probablement par l’adaptation compensatoire de ces plantes. En effet, lorsque les herbivores sont présents de façon temporaire, une plante qui produit de nombreuses pousses à un instant donné risque de toutes les perdre. En revanche, une plante utilisant les dommages causés par les herbivores comme un signal indiquant une période plus propice au développement de nouvelles pousses sera favorisée par la sélection. En conséquence, la pression d’herbivorie peut devenir une condition (plus ou moins nécessaire) du développement de nouvelles pousses. L’évolution rapide (moins de cinq ans) de la dépendance à une bactérie initialement pathogène chez une souche d’Amoeba discoides (Jeon 1972) est vraisemblablement également un exemple d’addiction. Le caractère potentiellement « addictif » de la bactérie Wolbachia, quant à lui, sera discuté dans ce qui suit.

III. Evolution de la dépendance à Wolbachia au sein du genre

Asobara

III.1. Diversité des symbioses arthropode / Wolbachia

Les arthropodes établissent une grande diversité de symbioses, tant facultatives qu’obligatoires, avec des partenaires bactériens dont le plus fréquent est Wolbachia. Bien que la transmission de Wolbachia soit majoritairement maternelle, des transferts horizontaux interspécifiques se produisent (Werren et al. 1995), comme le révèle la comparaison de sa phylogénie avec celle de ses hôtes (figure i.4). En effet, contrairement à ce qui est le cas pour

Buchnera, les interactions arthropodes / Wolbachia semblent être de relativement courte durée.

Cela s’explique probablement par le fait que Wolbachia est le plus souvent un manipulateur de la reproduction de ses hôtes (Werren et al. 2008), ce qui la rend plus susceptible d’être perdue sur le long terme (Hurst & McVean 1996 ; Vavre et al. 2003 ; Koehncke et al. 2009). Cependant, Wolbachia établit une grande diversité de symbioses avec ses hôtes arthropodes (Zug & Hammerstein 2015a), ce qui en fait un excellent modèle pour l’étude des transitions évolutives entre différents types de symbioses. L’impact de Wolbachia sur la valeur sélective de son hôte est très variable, celle-ci pouvant aussi bien avoir un effet positif que négatif sur des traits d’histoire de vie tels que la survie (Fleury et al. 2000 ; Dobson et al. 2004 ; Alexandrov et al. 2007 ; Vasquez et al. 2011) et la fécondité (Fleury et al. 2000 ; Brownlie et al. 2009 ; Fast et al. 2011).

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Figure i.4. Incongruence des phylogénies des hôtes arthropodes (COI) et de leurs Wolbachia (fbpA) dans le système SymbioCode (figure fournie par Sylvain Charlat).

Récemment, un phénotype étendu de Wolbachia – qui semble largement répandu – a été mis en évidence : sa capacité à protéger son hôte contre des ennemis naturels. En particulier,

Wolbachia peut protéger ses hôtes drosophiles contre des infections virales (Hedges et al. 2008 ;

Teixeira et al. 2008). En dehors de ce mutualisme facultatif (et contexte-dépendant), Wolbachia est également un mutualiste obligatoire de la punaise de lit Cimex lectularius, puisqu’elle fournit à son hôte – hématophage – de la vitamine B indispensable à sa survie (Hosokawa et al. 2010). Chez l’hyménoptère parasitoïde de drosophiles Asobara tabida (Braconidae),

Wolbachia est nécessaire à l’ovogenèse (Dedeine et al. 2001). Une autre forme de dépendance

existe chez certaines espèces infectées par des Wolbachia induisant de la parthénogenèse thélytoque. Parmi ces espèces ayant perdu la capacité à se reproduire de façon sexuée, on trouve notamment Asobara japonica. Bien que rare à l’échelle des arthropodes, la dépendance à

Wolbachia existe donc chez deux espèces du genre Asobara.

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Dans la nature, tous les individus appartenant à l’espèce A. tabida sont infectés par trois souches de Wolbachia (Vavre et al. 1999) nommées wAtab1, wAtab2 et wAtab3. Seule wAtab3 est requise pour l’ovogenèse, les deux autres souches induisant une incompatibilité cytoplasmique bidirectionnelle (Dedeine et al. 2004). Le phénotype de dépendance, i.e., le phénotype ovarien des femelles aposymbiotiques, est variable. Chez certaines lignées, les femelles non infectées ne produisent aucun œuf, tandis que chez d’autres, quelques œufs – stériles dans l’immense majorité des cas – sont produits, au point qu’il est impossible de maintenir des lignées non infectées (Dedeine et al. 2005 et figure i.5). Cette variabilité du phénotype de dépendance est déterminée par le génotype de l’hôte (Kremer et al. 2010).

Figure i.5. Phénotypes ovariens chez A. tabida (longueur approximative d’un ovaire : 0,15 mm).

L’association A. tabida / Wolbachia se distingue de la majorité des cas de dépendance d’un arthropode à son symbiote au niveau de trois points. Premièrement, la dépendance est spécifique à A. tabida. En effet, parmi les espèces proches d’A. tabida, on trouve A. citri et A.

persimilis qui ne sont pas infectées, tandis que chez l’espèce sœur, A. rufescens, certains

individus sont infectés (par une souche proche de wAtab1), mais l’infection n’est ni fixée, ni requise pour l’ovogenèse (Dedeine et al. 2005). Deuxièmement, les ovaires sont spécifiquement touchés par l’élimination de Wolbachia, qui n’a pas de conséquence notable sur d’autres traits tels que la fertilité des mâles, l’activité locomotrice ou la taille des individus (Dedeine et al. 2001). Troisièmement, la symbiose d’A. tabida avec Wolbachia n’a apparemment pas été associée à une modification de sa niche écologique, cette dernière ne différant pas radicalement de celle des autres espèces du genre. Ces trois points suggèrent que la dépendance d’A. tabida

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ne résulte pas de l’apport d’une nouvelle fonction par son symbiote, mais constituerait au contraire un cas d’addiction (Kremer 2009).

Bien que l’addiction soit l’hypothèse la plus probable, un scénario complet d’évolution de la dépendance doit inclure un mécanisme proximal susceptible de mener au phénotype observé. Les études cytologiques et transcriptomiques des ovaires d’A. tabida ont permis d’apporter des éléments importants de ce point de vue. L’implication de l’apoptose a d’abord été mise en évidence (Pannebakker et al. 2007). Lors de l’ovogenèse, l’apoptose peut être déclenchée au niveau de différents points de contrôle apoptotiques, ce qui permet notamment d’interrompre la production d’œufs en cas de stress (McCall 2004). Dans les ovaires aposymbiotiques – après élimination de Wolbachia – une forte apoptose est observée. Cela suggère qu’A. tabida a perdu le contrôle de cette apoptose en absence de son symbiote. La comparaison des transcriptomes d’ovaires aposymbiotiques et symbiotiques a montré que de nombreux gènes impliqués dans la régulation du stress oxydatif étaient différentiellement exprimés (Kremer et al. 2010, 2012). L’apoptose pouvant être déclenché par le stress oxydatif (Dröge 2002), ce résultat suggère que la dérégulation du point de contrôle apoptotique en absence de Wolbachia résulte d’une perturbation plus globale de l’homéostasie oxydative. De plus, l’ajout de fer – qui est connu pour accroitre le stress oxydatif – dans le milieu de développement de parasitoïde infectés par Wolbachia (et de leurs hôtes) entraîne un effet sur l’ovogenèse similaire à celui qui est observé après élimination de Wolbachia (Kremer et al. 2009a).

III.3. Asobara japonica : dépendance pour la production de femelles

Chez de nombreuses espèces d’hyménoptères infectées par des souches de Wolbachia induisant de la parthénogenèse thélytoque, des fonctions nécessaires à la reproduction sexuée ont été perdues, rendant les insectes dépendants de leur symbiote. C’est le cas de l’espèce

A. japonica, au sein de laquelle existe une dépendance pour la production de femelles (Kremer

et al. 2009b). La redondance fonctionnelle est une explication possible de cette dépendance. En effet, la reproduction sexuée, normalement nécessaire à la production de femelles, cesse de l’être en présence de Wolbachia. Dans ces conditions, la dépendance peut évoluer soit par l’accumulation de mutations neutres sous l’effet de la dérive, soit par la sélection de mutations supprimant des traits permettant la reproduction sexuée mais coûteux lorsque celle-ci n’est plus nécessaire. Cette deuxième possibilité est soutenue par le fait que la perte des fonctions sexuelles est généralement asymétrique (Stouthamer et al. 2010). Ce sont en effet les fonctions

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femelles plutôt que les fonctions mâles qui sont touchées, ce qui n’est pas attendu sous l’hypothèse neutraliste. Cette asymétrie est récurrente, bien qu’elle ne puisse être mise en évidence que lorsque des populations non infectées subsistent, ce qui est le cas chez A. japonica.

Une autre hypothèse, qui relève plutôt de l’addiction, permet d’expliquer la perte asymétrique au même titre que l’hypothèse des « traits coûteux femelles ». Selon cette hypothèse de « virginité fonctionnelle » (Stouthamer et al. 2010), la perte des capacités reproductives femelles est sélectionnée en raison du fort biais de sex-ratio en faveur des femelles causé par Wolbachia. Les femelles qui ne produisent que des fils, i.e., qui restent vierges, sont en effet favorisées car les membres du sexe rare ont une valeur sélective supérieure à la moyenne. En raison du taux de transmission imparfait de la bactérie, des mâles porteurs de mutations de virginité fonctionnelle apparaitront régulièrement, permettant ainsi la fixation de telles mutations dans l’ensemble de la population. L’hypothèse de la virginité fonctionnelle montre que l’addiction peut résulter de l’adaptation à des perturbations causées par le symbiote, même lorsque celles-ci ne touchent pas la physiologie de l’individu hôte, mais plutôt le sex-ratio de la population d’hôtes.

III.4. Plan de la thèse et objectif général

Mon travail de thèse est consacré à l’évolution de ces deux formes de dépendance à

Wolbachia, celle d’Asobara tabida (chapitres 1 à 3), et celle d’Asobara japonica (chapitre 4).

Dans le premier chapitre, un aspect crucial du scénario d’évolution de la dépendance d’A. tabida est testé. Il s’agit de la possibilité pour un hôte de réduire le coût d’une infection par Wolbachia en modulant son homéostasie oxydative. La manipulation expérimentale de l’homéostasie oxydative a été réalisée sur le modèle Drosophila melanogaster / Wolbachia. Recourir à cette association facultative, plutôt qu’au modèle A. tabida / Wolbachia, permet de comparer des lignées partageant un même fond nucléaire, mais des statuts d’infection différents. Dans le chapitre 2, je m’intéresse à l’impact de l’homéostasie oxydative sur la symbiose A. japonica /

wAjap, un modèle très proche d’A. tabida / wAtab3 mais où l’hôte a gardé le contrôle de son

ovogenèse. Dans le chapitre 3, je décris les approches mises en œuvre afin de clarifier les bases fonctionnelles de la dépendance d’A. tabida. L’étude transcriptomique d’ovaires infectés ou non par Wolbachia nous a permis de comparer l’effet de cette dernière chez A. japonica – où elle n’est pas requise pour l’ovogenèse – et chez A. tabida – où elle l’est. Enfin, le chapitre 4 est consacré à la perte des fonctions sexuelles d’A. japonica et aux approches transcriptomiques et d’écologie chimique destinées à étudier les conséquences de l’infection par Wolbachia chez

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cette espèce. Dans cette optique, les transcriptomes et les profils d’hydrocarbures cuticulaires de femelles infectées ou non par Wolbachia ont été comparés afin d’identifier des gènes ou des composés potentiellement impliqués dans la perte de la reproduction sexuée.

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Chapitre 1 : Rôle de l’homéostasie oxydative dans la

symbiose Drosophila melanogaster / Wolbachia

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a) L’homéostasie oxydative

Les molécules pro-oxydantes dérivées de l’oxygène sont regroupées sous l’appellation de ROS (Reactive Oxygen Species). La majorité des ROS présents dans les cellules eucaryotes sont produits au cours de la réaction de phosphorylation oxydative dans les mitochondries (Balaban et al 2005). L'anion superoxyde (O2•-) est considéré comme le ROS « primaire » car

il est directement produit par la phosphorylation oxydative. Il peut interagir avec d'autres molécules, générant ainsi des ROS « secondaires », tels que le peroxyde d’hydrogène (H2O2)

et le radical hydroxyle (•OH) (Valko et al. 2006). Du fait de leurs propriétés réactives, les ROS peuvent engendrer des dommages au niveau de divers composants cellulaires (ADN, protéines, lipides). Cependant, ils ne sont pas uniquement des déchets du métabolisme aérobie, mais également des acteurs importants de la biologie de la cellule jouant un rôle dans la signalisation, la division, la différenciation et l’apoptose (Dröge 2002 ; Finkel 2011 ; Ray et al. 2012 ; Valko et al. 2006 ; figure 1.1). Notamment du fait de leur toxicité, les ROS sont également impliqués dans l’élimination des microbes et la réponse immunitaire d’une façon générale (Nathan & Cunningham-Bussel 2013). Environ 10 % des ROS présents dans les cellules animales sont produits de façon contrôlée par les protéines des familles NOX (NADPH oxidase) et DUOX (dual oxidase) (Monaghan et al. 2009). Les protéines NOX et DUOX sont des protéines membranaires qui facilitent le transfert d’électrons à travers les membranes plasmiques, ce qui conduit généralement à la formation d’un anion superoxyde, l’électron étant capté par une molécule d’O2 (Guichard et al. 2006).

L’homéostasie oxydative est la résultante de la production et de la dégradation des ROS, cette dernière étant fonction de la présence d’antioxydants. Parmi ces derniers, on distingue les antioxydants enzymatiques – tels que la superoxyde dismutase (SOD), la catalase et les glutathions péroxydases (Valko et al. 2006) – des antioxydants non enzymatiques, d’origine environnementale (vitamine C, glutathion).

Figure 1.1. Origine et effets pléiotropes des dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) et de l’azote (RNS). L’anion superoxyde (O2•-) est engendré par la chaîne respiratoire mitochondriale et par les NOX et les DUOX. O2•- est

converti en peroxyde d’hydrogène (H2O2) par la superoxyde dismutase. H2O2 peut réagir avec Fe2+ pour

produire un radical hydroxyle (OH) via la réaction de Fenton. L’oxyde nitrique (NO) est synthétisé à partir de L-arginine par l’action des oxyde nitrique synthases. NO peut réagir avec O2•- pour produire du peroxynitrite

(OONO-). Les ROS (O

2•-, H2O2, OH) et les RNS (NO, OONO-) modulent de nombreux processus cellulaires

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