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Vers une réforme du système monétaire et financier international

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Colloque de l’Académie des Sciences Morales et Politiques Paris, le 20 juin 2011

Vers une réforme du système monétaire et financier international

INTRODUCTION

Le monde vient de subir la crise économique et financière la plus grave depuis la Grande Dépression de 1929.

Nombreuses sont les analyses qui se sont attachées à expliquer les facteurs ayant provoqué cette crise : déséquilibres massifs et prolongés de balances des paiements, politique monétaire trop accommodante, taux d’intérêt trop faibles, explosion de l’endettement, prolifération de l’innovation financière et des instruments « toxiques », faiblesse de la supervision exercée sur les établissements financiers, caractère pro-cyclique des règles comptables, abus de la dérégulation, insuffisance chez les opérateurs de la perception du risque, comportements grégaires, aléa moral …

Toutes ces explications comportent une part de vérité et nombreuses sont les mesures correctrices qui sont intervenues depuis 2008 pour renforcer le système financier et éviter que de tels errements ne se reproduisent. A vrai dire, on assiste à une prolifération de réformes essentiellement dans le domaine de la réglementation.

Mais qu’en est-il du « système » global ? A-t-il été réformé ? La réponse est malheureusement négative. Cette réponse - même si elle s’exprime « par défaut » chez les membres du G20 - est lourde de conséquences pour l’avenir.

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En effet, les grands déséquilibres de balances des paiements courants qui caractérisent depuis trente ans le paysage économique mondial - et continuent de se manifester aujourd’hui - sont, à n’en pas douter, un facteur essentiel à l’origine de la crise. Ce sont ces déséquilibres qui ont favorisé les excès de liquidité qui, eux-mêmes, ont conduit à la formation des bulles de crédit qui ont été - comme toujours - à l’origine des crises financières.

Je pense donc qu’il est temps, dans un monde dont on souhaite encore qu’il reste globalisé, de se pencher sur cette question : « Faut-il concevoir un véritable ordre financier mondial ? » Quelles en sont les conditions et les modalités envisageables ?

Nous avons le privilège d’avoir avec nous des personnalités éminentes. M. Christian de Boissieu plantera le décor macro-économique de ce débat. Il est un des économistes qui a une des meilleures compréhensions ainsi qu’une vision très large sur sujet. Je présenterai, pour ma part, mes vues sur l’avenir du système monétaire international. Enfin, Madame Delmas-Marty, qui a consacré des travaux remarquables au droit international et aux transformations entraînées dans ce domaine par la globalisation, nous parlera des aspects juridiques de cette question en se plaçant dans une perspective dynamique.

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J’axerai mes propos sur trois thèmes :

1. Quelles ont été - historiquement - les conditions de fonctionnement d’un véritable système monétaire international (S.M.I.) ?

2. Peut-on, dans notre monde actuel d’Etats nationaux, concentrés sur leurs intérêts propres, réunir de telles conditions ?

3. Faute d’une réponse positive à cette question, quels sont les ajustements envisageables ?

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I. Quels ont été les éléments-clés du fonctionnement de l’étalon-or, puis de l’étalon de change dollar de Bretton Woods ?

L’étalon-or - qui a stabilisé le système des changes dans la seconde moitié du XIXème siècle et jusqu’à la guerre de 1914 et a joué un rôle important dans la croissance économique - reposait sur trois fondements :

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a) la sujétion des Etats à l’étalon-or était volontaire. Mais les grands pays - dont la puissance économique était relativement équilibrée - ont souhaité que leurs monnaies nationales soient, de fait, convertibles : c’était un élément essentiel de leur influence commerciale et financière ;

b) le système était auto-disciplinaire : les déficits prolongés de balance des paiements étaient sanctionnés par des sorties d’or et devaient donner lieu à des politiques économiques correctrices ;

c) la contrainte ne faisait l’objet d’aucune négociation ou aménagement. Le système était, en quelque sorte, binaire : ou la monnaie était rattachée à l’or, ou elle ne l’était pas. Dans le second cas, elle ne pouvait être ni une réserve de valeurs, ni un instrument de paiement largement acceptable.

Ce système était loin d’être parfait. En effet, il dépendait, pour l’approvisionnement du monde en liquidités, de la production d’or. Et surtout, il était asymétrique (les pays en surplus pouvaient accumuler du métal sans subir des sanctions, alors que les pays déficitaires étaient les seuls à devoir s’ajuster).

Ce système, qui a présidé à la « première mondialisation », s’est effondré avec la guerre de 1914. Les efforts des années 20 et 30 pour le reconstruire ont été vains : le nationalisme mercantiliste, les dévaluations compétitives ont prévalu.

Avec Bretton Woods, une forme indirecte d’étalon-or a été mise en place. Le dollar en était le centre (toutes les parités se définissaient par rapport à lui avec un lien fixe), mais la contrepartie était la convertibilité du dollar en or (à un prix fixe).

Ce système a survécu tant que les Etats-Unis ont suivi une politique économique et monétaire équilibrée et non inflationniste. Mais, avec les années 60, le financement de l’Etat- Providence et la guerre du Vietnam, les déséquilibres financiers des Etats-Unis ont créé une forte crise de confiance à l’égard du dollar.

La crainte des pertes d’or a fini par amener le gouvernement des Etats-Unis, en Août 1971, à se détacher du métal.

Un monde de monnaies flottantes - ou plus ou moins rattachées au dollar - a prévalu depuis 1973.

Après une décennie de haute volatilité et d’inflation au cours des années 70, la période de la

« Grande Modération » commença dans les années 80 avec le resserrement de la politique monétaire décidé par le Président de la Fed, Paul Volcker, pour mettre un terme à l’inflation, avec aussi les gains de productivité résultant du progrès technologique, enfin avec l’indépendance des Banques Centrales.

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Mais, dans les années 90, la « Grande Modération » a fini par devenir, en quelque sorte, une illusion. Une bonne partie de la réduction de l’inflation était, en effet, la conséquence des bas salaires incorporés dans les exportations des pays émergents plutôt que le résultat des politiques monétaires.

De fait, la politique monétaire des pays « avancés » était trop laxiste : les taux d’intérêts réels (défalqués de l’inflation) oscillaient autour de zéro. L’explosion du crédit et de l’effet de levier des institutions financières - elle-même accompagnée par des taux d’intérêt très bas, par la dérégulation et l’abondance de liquidités créée par les déséquilibres de balances des paiements - a provoqué une forte expansion de la masse monétaire au cours des années précédant la crise de 2007-2008.

Ce mode opératoire n’est pas un « système » :

- aucune discipline commune n’est mise en place pour réduire les déséquilibres excessifs ;

- chaque Etat a le choix de laisser flotter sa monnaie ou de la rattacher à une autre devise ;

- la monnaie internationale qu’est le dollar donne à la politique monétaire des Etats-Unis une influence prédominante.

Il s’en est suivi : volatilité, mouvements de capitaux désordonnés, « désalignements » des parités, conditions non concurrentielles, « guerre des monnaies », contrôle des capitaux … A cet égard, on ne soulignera jamais assez les effets négatifs à long terme du flottement des monnaies instauré en 1971-73.

Nombre d’économistes pensaient, à l’époque, que le flottement permettrait à la politique monétaire de retrouver son efficacité et son indépendance : il n’en a rien été. L’inflation a explosé dans les années 70.

On pensait aussi que, par définition, la flexibilité des taux de change résoudrait les problèmes de déséquilibres extérieurs. Or, la manière dont le flottement fut mis en œuvre (avec des pays flottant réellement et d’autres chevillant leur devise à leur gré sur le dollar) n’a fait que précipiter et accentuer les déséquilibres.

Et pourtant, nous sommes toujours dans le même « non-système ».

II. Comment, dans le monde d’aujourd’hui, réunir les conditions propres à faire fonctionner un S.M.I. ?

Par monde d’aujourd’hui, je veux dire :

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- pas de retour à l’étalon-or (qui ne semble pas - aux yeux de beaucoup - avoir assez de mérites pour fournir la base d’un accord) ;

- un monde où les mouvements de capitaux se sont extraordinairement développés et dans lequel la profondeur et la liquidité des marchés (principalement aux Etats-Unis) sont le critère déterminant du succès des monnaies-clés ;

- un monde composé d’Etats nationaux désireux de préserver leurs intérêts (ou ce qu’ils croient être leurs intérêts) sans accepter de contraintes extérieures.

Pour imaginer un véritable S.M.I. dans un tel monde, le troisième élément doit changer.

Le mot « système » implique en effet l’acceptation d’un minimum de reconnaissance d’une

« logique externe ». La juxtaposition de positions nationales ne peut créer un système.

Il faudrait donc que les Etats-membres acceptent de coordonner vraiment leurs politiques économiques et financières pour réaliser un meilleur équilibre macro économique, et cela sous la surveillance d’une institution internationale dotée de pouvoirs réels et de sanctions.

Le FMI, pour exercer effectivement ce rôle, devrait mieux refléter la réalité du monde et, en particulier, l’importance des pays asiatiques.

Ce n’est pas, en théorie, une tâche hors de portée, si les Etats pouvaient se laisser convaincre que les disciplines auxquelles ils se soumettraient seraient non seulement souhaitables sur un plan global, mais aussi dans leur propre intérêt. En effet, dans un monde financier globalisé et interconnecté, il est assez facile de comprendre que volatilité des changes et déséquilibres courants ne sont de l’intérêt de personne.

Si l’état d’esprit d’ouverture que je viens d’évoquer se manifestait, nombreuses sont les propositions qui trouveraient à s’appliquer. Ainsi :

- certains « signaux d’alarme » seraient, dès l’abord, agréés (déséquilibres de balance des paiements excessifs et prolongés, accumulation de réserves ou d’endettement extérieur, de déficits publics, de bulles de crédit …) ;

- ces indicateurs déclencheraient un mécanisme opérationnel de mesures correctives à appliquer avec intelligence pour traiter les problèmes de fond selon le principe de proportionnalité ; ainsi, la coexistence d’une accumulation de réserves (ou d’endettement) et de surplus extérieurs (ou déficits) devrait être obligatoirement corrigée selon un calendrier déterminé ;

- en cas d’inaction de certains Etats devant les recommandations dérivées de ce processus, des sanctions devraient être appliquées ;

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- cette surveillance macro-économique, si elle était effectivement organisée, limiterait les crises systémiques liées aux excès d’endettement ;

- de fait, un tel système rationaliserait le fonctionnement du système des changes et pourrait aboutir, à long terme, à une gestion coordonnée des taux de changes des principaux pays).

A cet égard, je continue à penser qu’un traité international (créant une Organisation Mondiale de la Finance -OMF- dans la ligne de l’OMC) donnerait les meilleures garanties d’efficacité et d’ajustement symétrique.

Cet organisme devrait donner à sa direction indépendance et suffisamment de pouvoirs pour que sa mission puisse être exercée avec objectivité et efficacité. Sa compétence devrait s’étendre à la vérification (mais non à l’élaboration) de l’application par les Etats-membres des règles prudentielles (actuellement sans sanction).

Mais, pour le moment, la probabilité d’un tel « système coopératif » et contraignant me paraît faible : les réactions et les ambitions nationales sont encore trop fortes.

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III. Faute d’un tel accord, on pourrait envisager certains aménagements au « non- système » actuel

On peut envisager plusieurs pistes dont certaines peuvent être pertinentes, d’autres non.

• Certaines idées tournent autour de l’idée de facilités financières accrues. On peut imaginer d’améliorer encore les modalités de financement du FMI qui ont été déjà considérablement augmentées et rendues plus flexibles sous l’égide du G20. L’idée serait de permettre au FMI - en lui accordant la faculté d’emprunter sur les marchés - de consentir, en cas de crise, à des pays victimes d’un assèchement de liquidité (et non de problèmes de solvabilité liés à des insuffisances de politique économique) des lignes de crédit automatiques et sans limites autres que celles d’un retour à la normale des marchés. Le FMI deviendrait, ainsi, le prêteur en dernier ressort qui manque aujourd’hui.

(Il semble tout de même plus satisfaisant d’organiser un mécanisme de ce type autour du FMI plutôt que de laisser reposer la liquidité sur la bonne volonté de telle ou telle Banque Centrale dans ses rapports bilatéraux avec les autres).

Mais il faut être conscients que de telles propositions ne remplacent pas la création d’un véritable SMI. Elles s’adressent, en effet, aux problèmes de financement et non d’ajustement.

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• D’autres idées tournent autour de l’extension du DTS. Je ne suis pas sûr que cette monnaie-panier soit une véritable réponse aux problèmes posés par l’existence d’une monnaie de réserve dominante, i.e. le dollar. En tout état de cause, il faut, à mon sens, éviter d’utiliser le DTS comme une garantie collective donnée à ceux qui ont accumulé des excès de réserves. Au surplus, le potentiel du DTS paraît limité.

• D’autres idées, enfin, gravitent autour de la création d’un « panier de devises » qui comprendrait le RMB devenu convertible et jouerait un rôle international (de préférence au dollar). Ce concept - s’il n’implique pour les devises figurant dans le panier aucune contrainte, ni limites de glissement - risque fort d’être illusoire. Si, en revanche, l’idée est de lier, par des marges préétablies, les devises entre elles, le mécanisme sera soumis à d’extrêmes tensions et ne pourra fonctionner qu’avec une très forte coordination centrale des politiques économiques (c’est-à-dire la solution coopérative évoquée plus haut).

Faute de ce changement d’état d’esprit, le risque est de se concentrer sur des ajustements limités qui seront plutôt le reflet des insuffisances du système actuel qu’une solution.

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Mais il existe une autre voie.

Etant donné la faible probabilité d’une « grande réforme » du S.M.I., je pense que le monde va évoluer, au fil des ans, vers un système multipolaire. L’émergence de pays comme la Chine, l’Inde et le Brésil constitue un puissant facteur de changement. Le pouvoir monétaire rejoindra un jour l’influence économique. Nous voyons déjà les signes avant-coureurs d’une telle transition : les devises nationales des pays émergents sont de plus en plus utilisées notamment sur le plan régional ; les non-résidents commencent à avoir accès aux monnaies émergentes ; les marchés financiers de ces pays sont en train de s’étoffer ; les émissions internationales de bons libellées en monnaies émergentes se développent. Ces changements prendront du temps avant d’aboutir à une convertibilité universelle des monnaies. Mais la direction est tracée : davantage de monnaies compteront et participeront au système financier mondial.

Mais une telle transition ne règlera pas tous les problèmes, De fait, un système plus

« polycentrique » pourrait bien être plus instable qu’un système fondé sur une monnaie comme le dollar.

N’oublions pas que c’est l’excès de crédit qui a provoqué la crise. Trop d’effet de levier de la part des institutions financières a contribué à l’explosion de la masse monétaire. Et la politique

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monétaire - trop ciblée sur l’inflation - s’est montrée impuissante face aux bulles de prix des actifs.

Afin d’éviter la répétition de telles crises dans un monde où les devises seront encore libres d’être « désalignées », une autre approche me paraît essentielle : la surveillance macro- économique.

Les Banquiers Centraux et les Régulateurs devraient être à l’affût de signes de risques systémiques naissants et devraient agir pour éviter les déviations. Si, par exemple, les emprunts hypothécaires se développent exagérément dans un pays donné, les régulateurs devraient aussitôt réagir, par exemple, en remontant les mises de fonds initiales de la part des emprunteurs. Si des bulles de crédit menacent, la politique monétaire devrait réagir en relevant les taux d’intérêt ou en prenant d’autres mesures (réserves obligatoires ou provisions contracycliques …).

Si les « Conseils du Risque Systémique » qui foisonnent aujourd’hui pouvaient travailler de concert pour adapter - pays par pays - la politique monétaire et de régulation, alors nous pourrions vivre dans un environnement plus stable. L’absence d’un véritable SMI serait, en quelque sorte, corrigée en partie par un système efficace de surveillance macro-économique.

On pourrait m’objecter que les Gouvernements ne souhaiteront pas appliquer de telles politiques anticycliques qui sont, par définition, impopulaires. Je pense, toutefois, que les Banquiers Centraux et les Régulateurs auraient plus de marges de manœuvre et d’indépendance d’action que n’en auraient les gouvernements pour se plier à une contrainte internationale.

Jacques de Larosière

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