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Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural

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Academic year: 2022

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26 | Automne 2021 Varia

Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural

Paris, Presses de Sciences Po, 2021, 264 p.

Élie Dougé

Édition électronique

URL : https://journals.openedition.org/sejed/11172 ISSN : 1953-8375

Éditeur

École nationale de la protection judiciaire de la jeunesse Référence électronique

Élie Dougé, « Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural », Sociétés et jeunesses en difficulté [En ligne], 26 | Automne 2021, mis en ligne le 01 décembre 2021, consulté le 05 janvier 2022. URL : http://journals.openedition.org/sejed/11172

Ce document a été généré automatiquement le 5 janvier 2022.

Sociétés et jeunesses en difficulté est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.

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Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural

Paris, Presses de Sciences Po, 2021, 264 p.

Élie Dougé

RÉFÉRENCE

Yaëlle Amsellem-Mainguy, Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural, Paris, Presses de Sciences Po, 2021, 264 p.

1 Avec Les filles du coin. Vivre et grandir en milieu rural, Yaëlle Amsellem-Mainguy apporte une contribution qui restera sans aucun doute centrale pour la sociologie des mondes ruraux. Le titre l’inscrit dans la filiation des ethnographies qui ont fait le renouveau de leur analyse sociologique. En faisant référence au livre de Nicolas Renahy1, l’autrice affiche son ambition : investir les jeunesses rurales sous l’angle du genre. Mais le livre aurait tout aussi bien pu s’intituler « Celles qui restent », tant les discussions avec les travaux de Benoît Coquard2 sont également nombreuses.

2 Pourtant, il faut souligner quelques différences qui font toute l’originalité de ce travail.

L’autrice s’appuie sur une ethnographie composée d’observations, mais surtout de nombreux entretiens individuels ou collectifs avec des femmes âgées de 14 à 28 ans habitant en zone rurale. Contrairement à Benoît Coquard ou Nicolas Renahy, la démarche se veut comparative, puisqu’elle s’est intéressée à quatre zones rurales différentes : la presqu’île de Crozon, le massif de la Chartreuse, le pays de la Gâtine dans les Deux-Sèvres et les Ardennes. Elle entend donc intégrer la diversité des mondes ruraux, les deux premiers étant des territoires gardant une attractivité touristique cruciale, quand les deux autres souffrent plus directement de la désindustrialisation et du déclin démographique. L’autrice insiste également sur le fait qu’elle s’est focalisée sur les membres des classes populaires, majoritaires dans ces zones rurales. Partant de l’invisibilisation de ces femmes au sein des discours publics, mais aussi scientifiques, le livre entend mettre en relation le genre et les rapports de classe pour mieux

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comprendre les façons spécifiques dont les jeunes filles grandissent dans les territoires ruraux.

3 Dès l’introduction, l’autrice précise la définition du « rural » retenue. En conformité à la démarche ethnographique, ce sont moins les critères administratifs ou géographiques qui sont mobilisés, mais bien l’expérience commune du territoire que font les jeunes filles, marquée par « l’habitat relativement dispersé […] où le déplacement est un problème quotidien » (p. 16). Elle note toutefois des disparités. Se donnent à voir des processus de distinction entre habitantes des petits bourgs ou des gros villages, et celles habitant les hameaux ou maisons isolées, où le vide se matérialise par l’éloignement des pairs, et qui font l’objet du premier chapitre du livre.

Cette « opposition entre la campagne isolée et la petite ville qui incarnerait la civilisation » (p. 21) recoupe la distinction entre les pôles stables et les pôles précaires de l’espace populaire, les seconds se caractérisant plus souvent par l’isolement géographique et des mobilités résidentielles régulières. L’autrice prend le temps de décrire les disparités et inégalités internes aux mondes ruraux et leurs effets sur la construction du rapport au territoire des jeunes filles. Le capital d’autochtonie3 des jeunes filles varie alors au gré des inscriptions familiales sur le territoire et son

« absence signale une grande difficulté » (p. 38). De ce point de vue, celles qui sont les

« filles de… », c’est-à-dire dont la filiation est identifiée localement, verront leur réputation varier selon la place de leur famille au sein de l’espace social local. Mais le lieu de naissance n’explique pas tout et une bonne partie des enquêtées habite sur le territoire sans par ailleurs que leurs proches familiaux y soient implantés depuis plusieurs générations. Leur capacité à se présenter comme « du coin » dépend des

« ressources apportées par l’engagement ou la participation des parents à l’échelle locale » (p. 58).

4 Finalement, Yaëlle Amsellem-Mainguy souligne donc des expériences communes de classement tout autant que de déclassement qui structurent le rapport au territoire des jeunes filles dans tous les terrains enquêtés. Mais elle insiste surtout sur la variation de ces expériences selon les inégalités socio-économiques dans lesquelles les enquêtées et leurs proches s’inscrivent. On mesure alors toute l’importance et la pertinence de la démarche comparative, qui permet de poser la définition du rural par le bas, c’est-à- dire en s’appuyant sur la définition qu’en donnent les enquêtées elles-mêmes, tout en dévoilant la complexité de la construction des rapports au territoire.

5 Le second chapitre est consacré aux réseaux des groupes de pairs. Les processus de distinction internes aux jeunes rurales passent par la constitution des bandes d’ami·e·s, pas toujours mixtes, au gré des expériences de voisinage et des parcours scolaires. Les sociabilités amicales, qu’elles soient le fruit des réseaux d’interconnaissance maternels ou de la scolarité, sont régulièrement recomposées par les diverses mobilités.

L’intégration à un groupe d’amies proches constituant une bande est une des composantes essentielles du capital d’autochtonie des enquêtées. Elle permet aux jeunes filles de « s’identifier les unes par rapport aux autres » (p. 68), donne accès aux solidarités internes et facilitera même l’accès aux marchés de l’emploi ou matrimoniaux. Surtout, la bande permet de contrôler la circulation locale des notoriétés via les « “querelles de clocherˮ [qui] participent à la construction de l’altérité entre les jeunes » (p. 71), plaçant celles qui restent seules dans des situations plus délicates. Si certaines restant seules s’appuient sur un conjoint pour bénéficier tout de même des solidarités locales, les autres s’en trouvent durablement exclues. Ces

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dernières sont majoritairement issues de « familles […] confrontées à des difficultés continuelles “pour payer les factures, payer le loyer, acheter à manger” » (p. 95).

6 « Être du coin » pour les enquêtées s’appuie alors sur la capacité à mobiliser des ressources sociales d’autochtonie, à construire un nous. Ce nous, dont l’importance a été relevée et discutée par la sociologie des classes populaires4, se construit aussi bien en opposition aux jeunes urbains qu’aux précaires et marginalisées locales. L’autrice propose également de revenir sur la place des accidents de la route dans la constitution de ces sociabilités. Si ce sont les jeunes hommes populaires qui en sont le plus souvent victimes5, elle relève les conséquences inégales de la mortalité routière sur les compagnes et proches des victimes, et l’importance du travail féminin de deuil et de maintien de la mémoire des défunts dans la distribution des « gages de leur intégration sociale […] » (p. 92).

7 Le chapitre 3 montre que l’expérience de l’école prend une tournure particulière pour les jeunes filles enquêtées, dont la plupart sont d’ailleurs plus diplômées que leurs mères, mais aussi que leurs homologues masculins. Yaëlle Amsellem-Mainguy rappelle que l’école est le lieu où se forment les réseaux d’amitiés et d’inimitiés qui « révèle[nt] à la fois les tensions interpersonnelles et les tensions sociales locales » (p. 102). D’abord resserrés autour de l’interconnaissance en primaire, ces réseaux vont s’élargir au collège, redéfinissant ainsi le rapport au territoire et les groupes d’ami·e·s au gré des stratégies familiales. C’est surtout au lycée que les questions d’orientation vont cependant prendre une intensité nouvelle, puisqu’elles s’effectuent dans un contexte d’« offre de formation restreinte » (p. 110), où l’expérience de l’internat structure les possibles scolaires. Les orientations vont s’appuyer sur les conseils de mères et des groupes d’amies, et se diriger souvent vers des filières spécifiques aux mondes ruraux, mais prendre appui sur des dispositions féminines acquises par la place de ces jeunes filles au sein de leurs foyers familiaux. Rares sont celles qui tentent l’expérience du supérieur universitaire, et celles-ci se confrontent alors à la solitude, à l’isolement et au

« coût de la ville » (p. 133), les incitant à se réorienter vers des filières plus courtes et à cumuler les petits boulots.

8 Ici encore, l’autrice souligne comment ces sociabilités et orientations scolaires varient selon les positions sociales occupées par les jeunes filles au sein des espaces locaux.

L’enseignement court et professionnalisant est particulièrement valorisé, d’autant plus quand les ressources sociales semblent compter au moins autant que le diplôme dans les perspectives d’embauche futures. Au contraire de celles qui bénéficient d’une bande suffisamment solide, celles qui sont marginalisées et à l’écart des groupes d’amies vont régulièrement être victimes de brimades, de harcèlement. « L’interconnaissance n’est plus une ressource, mais une violence » (p. 107).

9 Le quatrième chapitre est consacré au cumul de difficultés sur le marché du travail.

S’appuyer sur les réseaux d’interconnaissance expose les femmes à des conditions d’emploi précaires et difficilement contestables, renforçant des conditions de travail déjà difficiles. Le choix de la mobilité géographique répond autant à « une logique d’insertion professionnelle, avant même tout projet d’ascension sociale » (p. 135), qu’à la possibilité d’échapper aux contraintes de l’interconnaissance. L’autonomie en termes de moyens de transport est un enjeu central de l’accès à l’emploi, ce qui renforce les inégalités entre les fractions de classe. « Plus elles seront issues de milieux populaires ou précaires, plus ces coûts seront élevés » (p. 138-139). C’est donc l’adaptation à l’offre locale qui va être prônée, impliquant régulièrement de travailler dans une branche

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différente pour celles qui ont suivi des formations dans les secteurs du care. Elles vont se tourner vers les services commerciaux, ou plus récemment le secteur de la sécurité.

De nombreuses enquêtées sont durablement tenues aux marges de l’emploi, ce qui s’observe particulièrement lors des premières expériences professionnelles, dont l’accès est déterminé par l’insertion dans les réseaux d’interconnaissance :

« l’inscription des jeunes femmes et de leur famille dans la communauté locale facilite leur inscription sur le marché du travail » (p. 156).

10 Reste qu’en dépit des difficultés et de l’incertitude de leur insertion professionnelle, les jeunes femmes sont plusieurs à revendiquer « l’indépendance économique et la réalisation de soi, notamment par le travail » (p. 145). Ces aspirations peuvent alors être poursuivies par l’entreprenariat, même si cela concerne une minorité de jeunes femmes du fait des ressources qu’il nécessite. L’autrice donne plusieurs exemples de tentatives, dans le cadre de la garde d’enfants à domicile, de la reprise du débit de boissons local ou de la vente en ligne de bijoux. Dans ce dernier cas, elle observe comment les modalités d’entrée dans l’indépendance pour ces jeunes femmes recoupent encore des dispositions genrées naturalisées et réorganisent l’espace domestique sans perturber l’ordre de genre. La dernière partie du quatrième chapitre pose également la question de l’utilisation des revenus générés par ces jeunes femmes, dont l’autrice souligne qu’elle peut être variée, mais régulièrement redirigée vers « des formes de soutien attendu de la famille envers le collectif familial » (p. 165), surtout pour les plus précaires d’entre elles. Ces réflexions invitent à entrer au cœur des familles et des flux économiques qui les traversent, pour les penser comme structurés selon des rapports de genre6.

11 Le cinquième chapitre s’intéresse au temps hors travail, largement occupé selon les inégalités de genre au sein des foyers7 et qui prend une signification particulière pour les jeunes filles habitant les territoires ruraux. Elles font en effet l’expérience des loisirs contraints par le manque de mobilité. Les services et activités proposés au sein des zones rurales ne suffisent pas à contenter des jeunes dont « les modes de vie, les valeurs et les loisirs tendent aussi à s’homogénéiser entre les jeunes urbains et les jeunes ruraux » (p. 167). Or, pour les filles, les contraintes au déplacement se font encore plus intenses que pour les garçons tant « la construction genrée du risque » (p. 177) pèse sur leurs capacités à bénéficier de moyens de transport autonomes. Les loisirs vont alors se structurer autour des sociabilités populaires locales, où les jeunes filles feront d’autant plus l’expérience des inégalités de genre. L’autrice donne pour exemple de ces inégalités redoublées en zones rurales les difficultés rencontrées par les filles voulant s’investir dans une pratique sportive collective institutionnalisée. Comme le soulignait déjà Benoît Coquard, « la mise à profit du temps libre se concentre alors dans l’espace domestique » (p. 192). C’est à la fois le lieu où elles peuvent profiter de leur temps libre, mais également celui où elles reçoivent leurs ami·e·s et ceux de leurs conjoints, et dont elles sont garantes de la bonne tenue. Cet espace domestique ne se limite d’ailleurs pas au « chez soi », mais déborde également sur le foyer des amies ou de la famille.

12 Ce cinquième chapitre est l’occasion de rappeler que les jeunes filles rurales font un usage de l’espace urbain différencié bien que « la ville [soit] au cœur de toutes les conversations » (p. 201). Ce sont des lieux de loisir et de consommation, où on peut faire vivre l’entre-soi amical dans un espace anonyme. C’est notamment là qu’elles pourront investir les bars, dont elles sont largement exclues sur le territoire qu’elles

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habitent. S’y constitue alors, en confrontation avec les jeunes urbains qui y sont croisés, un nous rural. Pour d’autres, souvent marginalisées dans l’espace local, la ville est aussi l’occasion de fréquenter les « sous-cultures alternatives à leurs groupes de pairs locaux » (p. 203).

13 Le dernier chapitre de l’ouvrage est consacré à un autre enjeu central de la place des jeunes femmes dans ces espaces ruraux : leur vie amoureuse, sexuelle et conjugale.

L’autrice note d’emblée que la « désynchronisation des étapes et des parcours8 » (p. 209) touche également les jeunes filles rurales. Pourtant, la conjugalité et le regard porté sur les fréquentations amoureuses continuent de structurer les positions des femmes au sein des espaces locaux. D’une part, les jeunes filles sont particulièrement exposées aux rumeurs et ragots, notamment concernant la sexualité, dans un contexte où « tout se sait » (p. 211). Ce contexte permet d’autre part un

« contrôle social des fréquentations » (p. 211) des enquêtées, par leurs parents, mais aussi par les pairs et voisin·e·s. Pour certaines d’entre elles, les rencontres en ligne sont apparues comme un moyen pour échapper à cet entre-soi. C’est que rapidement le célibat laisse planer le soupçon, soit d’un déficit de désirabilité, soit de « fille facile ».

Entrer dans la conjugalité constitue un moyen de contrôler la circulation des notoriétés au sein de l’espace local, d’autant que « la respectabilité des mères passe aussi par la réputation des enfants » (p. 215). Se mettre en couple est également un moyen de s’éloigner du foyer familial par la cohabitation. Pourtant, cette incitation vient se confronter à la « généralisation d’un modèle estudiantin à l’ensemble de la jeunesse » (p. 239) et aux conditions de vie précaires des enquêtées. De plus, faire le pas de la cohabitation va rapidement faire peser des attentes en termes de maternité. Avec le couple, les jeunes femmes se tournent alors d’autant plus vers l’espace domestique et les relations amicales du conjoint. Encore une fois, l’autrice souligne ici les disparités que cela provoque, puisqu’elle rappelle notamment combien il devient difficile pour les mères célibataires de maintenir des réseaux de solidarité locaux tant « le coût que représente pour elles une éventuelle nouvelle rencontre est alors élevé » (p. 244).

14 Avec ce sixième et dernier chapitre sont abordés deux autres points cruciaux. Le premier concerne l’expérience des jeunes lesbiennes-bi-trans. Yaëlle Amsellem- Mainguy observe alors la tolérance des autres jeunes dans les récits rapportés. Ce sont moins les réactions des pairs qui sont craintes que celles des parents. Si elles affichent tout de même une certaine discrétion quant à leur orientation sexuelle, c’est avant tout du fait que « la sexualité fait partie de l’intimité et du privé » (p. 227). La situation est plus difficile à gérer pour les jeunes trans, qui vont plus régulièrement réorienter leurs sociabilités vers d’autres jeunes LGBT. Un second aspect concerne les violences conjugales. L’autrice insiste sur le fait que les jeunes femmes rencontrées les dénoncent sans ambiguïté. Elles « ne veulent pas être associées à des êtres fragiles ni à des victimes, dont la passivité serait stigmatisante » (p. 247), et l’autrice souligne alors un changement avec les générations de leurs mères : ces femmes mettent l’accent sur la séparation comme une échappatoire.

15 La conclusion rappelle que pour les femmes rencontrées « la mobilité est au cœur de tous les récits, et [que] grandir en milieu rural impose de s’interroger sur le fait de partir ou de rester sur son territoire » (p. 250). Elle met en lumière les conditions de vie d’actrices centrales des mondes ruraux trop souvent invisibles ; elle le fait en s’appuyant sur un matériau empirique conséquent et en brassant de nombreuses problématiques. L’approche comparative permet de prendre au sérieux la pluralité des

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territoires ruraux et de souligner avec d’autant plus de rigueur les expériences communes à ces jeunes filles habitant des lieux où « [l]es réseaux de sociabilité sont aussi un lieu d’expression des inégalités fortes » (p. 253). On pourra regretter qu’il ne soit pas fait une part plus large à la contextualisation et à la réflexivité de l’enquêtrice.

Bien que l’autrice rappelle que ce sont les réseaux d’interconnaissance des professionnelˑles qui ont permis sa circulation parmi les enquêtés, elle ne précise que très rarement les contextes concrets dans lesquels se sont déroulés les entretiens. Des cas sont présentés de manière précise, mais il manque une vision plus globale du corpus enquêté pour mieux situer les propos les uns par rapport aux autres. On pourra aussi regretter que la description des territoires ne soit pas plus détaillée9. Les territoires sont brièvement présentés en termes historiques, mais il n’en est que rarement fait mention dans les analyses proposées. Or, l’amplitude des âges des enquêtées (de 14 à 28 ans) laisse penser qu’entre les plus âgées et les plus jeunes, les territoires fréquentés se sont transformés. Ce point questionne également le spectre de la « jeunesse » retenu pour construire le corpus d’enquêtées. Bien que l’autrice propose une définition par le bas de ce qui relève du rural, elle ne le fait pas de manière explicite en ce qui concerne le terme « jeune ».

16 Malgré ces critiques, on doit souligner la qualité tant de l’enquête elle-même que du rendu qui en est donné à lire avec cet ouvrage. Nul doute qu’il engage la sociologie des mondes ruraux contemporains à prendre encore plus au sérieux la manière dont les rapports de genre viennent s’imbriquer aux rapports de classe. Surtout, cette contribution saura encourager la sociologie rurale à toujours combler ses angles morts dans la présentation qu’elle peut donner des configurations sociospatiales localisées.

NOTES

1. Nicolas Renahy, Les gars du coin. Enquête sur une jeunesse rurale, Paris, La Découverte, 2005, 284 p.

2. Benoît Coquard, Ceux qui restent. Faire sa vie dans les campagnes en déclin, Paris, La Découverte, 2019, 216 p.

3. Jean-Noël Retière, « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix. Revue des sciences sociales du politique, vol. 16, n° 63, 2003, p. 121‑143.

4. Richard Hoggart, La culture du pauvre. Étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre, Paris, Éd. de Minuit, 1970 (1957), 424 p.

5. Matthieu Grossetête, « L’enracinement social de la mortalité routière », Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 184, n° 4, 2010, p. 57.

6. Céline Bessière et Sibylle Gollac, Le genre du capital. Comment la famille reproduit les inégalités, Paris, La Découverte, 2020, 326 p.

7. Clara Champagne, Ariane Pailhé et Anne Solaz, « Le temps domestique et parental des hommes et des femmes : quels facteurs d’évolutions en 25 ans ? », Économie et Statistique, n° 478-480, 2015, p. 209‑242.

8. Olivier Galland, « Une entrée de plus en plus tardive dans la vie adulte », Économie et Statistique, n° 283-284, 1995, p. 33‑52.

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9. Le rapport qui avait précédé la publication de cet ouvrage propose, lui, des informations plus approfondies à propos des territoires enquêtés. Yaëlle Amsellem-Mainguy, « Les filles du coin », enquête sur les jeunes femmes en milieu rural. Sociabilités dans l’espace local rural populaire, INJEP, rapport d’étude n° 2019/07, septembre 2019, 188 p.

AUTEURS

ÉLIE DOUGÉ

Doctorant en sociologie à l’École des hautes études en sciences sociales, rattaché au CESSP (Centre européen de sociologie et de science politique) et au CESAER (Centre d’économie et de sociologie appliquée à l’agriculture et aux espaces ruraux).

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