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Droit commercial. 1. Le régime général de la faillite Les conditions de la faillite

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• Droit commercial

1. Le régime général de la faillite

1.1. Les conditions de la faillite

L’article 437 du Code de Commerce dispose que

« tout commerçant qui cesse ses paiements et dont le crédit se trouve ébranlé est en état de faillite ».

L’application du régime de la faillite du Code de Com- merce présuppose donc que l’on soit en présence d’un commerçant. Cette qualité est reconnue de factoà toute société commerciale.

Au jour où le tribunal statue, deux conditions doivent être cumulativement réunies: (i) la cessation des paiements et (ii) l’ébranlement du crédit.

Les procédures d’insolvabilité sous le droit luxembourgeois (faillite, gestion contrôlée, concordat, sursis de

paiement) et la période suspecte (articles 445 et 446 du Code de Commerce)

Jean-Michel Schmit, Avocat à la Cour et Associé, NautaDutilh Avocats Luxembourg Nicolas Bonora, Avocat, NautaDutilh Avocats Luxembourg Avec la crise économique et financière, les avocats de la place sont désormais plus fréquemment amenés à aviser au sujet des procédures d’insolvabilité sous le droit luxembourgeois. La présente étude en dresse le panorama, sans cependant avoir vocation à en présenter les moindre arcanes.

L’étude est limitée aux sociétés (i) constituées au Luxembourg, (ii) dont le centre des intérêts principaux se situe au Luxembourg et (iii) qui ne relèvent pas d’une loi spéciale. Elle se cantonnera donc à un cadre strictement national, la faillite en droit international privé faisant l’objet d’un large développement dans la présente édition de la revue ACE sous la plume de Donata Grasso et Bénédicte Kurth.

Les principales options qui s’ouvrent aux sociétés en difficulté sont les suivantes: (i) la faillite qui est régie par les articles 437 à 592 du Code de Commerce; (ii) la gestion contrôlée telle que prévue par un arrêté grand-ducal du 24 mai 1934; (iii) le sursis de paiement régi par les articles 593 à 614 du Code de Commerce; et (iv) le concordat régi par les articles 508 à 527 du Code de Commerce.

Il existe certaines autres procédures d’insolvabilité plus spécifiques, tels que la procédure de surendettement applicable aux particuliers, les procédures propres aux établissements financiers sous la loi de 1993 relative au secteur financier et les procédures d’assainissement et de réorganisation applicables à la profession du notariat.

Ces procédures ne seront pas traitées dans cet article.

Nous nous intéresserons tout d’abord au régime général de la faillite qui est la procédure d’insolvabilité la plus répandue (1), avant d’aborder les autres procédures d’insolvabilité applicables et en présenter le mécanisme et les caractéristiques essentielles (3). En deuxième partie, un coup de projecteur particulier sera porté sur la notion de période suspecte, notion clef du droit des faillites (2).

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La cessation des paiements se définit comme l’impos- sibilité dans laquelle se trouve le commerçant de faire face à ses engagements1. Ceci suppose im- payées des dettes certaines, liquides et exigibles2. Il n’est pas nécessaire que le commerçant ait cessé tous ses paiements et il est intéressant de constater que le défaut de paiement d’une seule dette suffit pour éta- blir l’état de cessation de paiement dès lors que celle-ci présente une certaine importance et est cer- taine, liquide et exigible3. Une simple gêne finan- cière momentanée est quant à elle cependant insuffi- sante pour caractériser l’état de cessation de paie- ments.

L’ébranlement du crédit se traduit par l’impossibilité pour le débiteur d’obtenir du crédit. Aux termes de la jurisprudence, celui-ci peut provenir tant de l’impos- sibilité pour le débiteur d’obtenir de l’argent frais pour payer ses dettes et ainsi mettre fin à la cessa- tion de paiements, que du refus des créanciers d’ac- corder des délais de paiement4.

1.2. L’ouverture de la faillite

Aux termes de l’article 440 du Code de Commerce, le Tribunal de Commerce compétent en matière de fail- lite est celui du domicile du commerçant ou de son siège social. On entend par siège social, le lieu où le débiteur possède effectivement son principal établis- sement, son centre d’activités. Il ressort d’une déci- sion du Tribunal d’Arrondissement de Luxembourg siégeant en matière commerciale que les juridictions luxembourgeoises peuvent déclarer en faillite une succursale luxembourgeoise d’une société étrangère s’il est établi que le siège social à l’étranger est fic- tif et que le siège du principal établissement avec le centre d’activité le plus important se trouve au siège de la succursale luxembourgeoise5.

Ensuite, l’article 442 du Code de Commerce prévoit qu’une société peut être déclarée en état de faillite soit (i) sur aveu des directeurs de la société; soit (ii) sur assignation d’un ou plusieurs créanciers; ou enfin (iii) d’office par le Tribunal.

1.3. Le rôle des différents intervenants de la faillite

En vertu de l’article 635 du Code de Commerce, la compétence en matière de faillites revient au Tri- bunal d’Arrondissement siégeant en matière commer- ciale. Sa compétence s’étend du prononcé de l’ouver- ture de la faillite jusqu’au prononcé de sa clôture.

C’est également ce tribunal qui est compétent pour trancher les litiges qui peuvent naître de la faillite.

Le rôle principal en cas de faillite est joué par le curateur désigné par le tribunal. Celui-ci se voit con- fier l’administration des biens de la faillite. Sa mis- sion est de réaliser les biens du débiteur et de répar- tir le produit de leur réalisation entre les différents créanciers en respectant leur rang. A partir du juge- ment déclaratif, la société en faillite est représentée et peut agir que par le seul curateur. La société en faillite est dessaisie de l’administration de ses biens et ne peut plus accomplir de paiement, opérations ou autres actes sur les biens de la faillite. Seul le cura- teur pourra agir en justice au nom et pour le compte de la société en faillite, que ce soit comme deman- deur et défendeur. Il continue les procès en cours.

Le rôle joué par le curateur est hybride puisqu’il doit agir dans le double-intérêt de la société faillie et de la masse de créanciers. Il exerce ses fonctions sous le contrôle du juge-commissaire qui est lui aussi nommé par le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale.

1.4. Les conséquences de l’ouverture de la faillite

A. Le régime des contrats en cours

Le principe est celui de la continuation des contrats conclus avant le jugement déclaratif de faillite. Le curateur doit respecter les contrats s’ils remplissent, au jour de la faillite, les conditions de droit commun de l’opposabilité aux tiers.

Le curateur doit toutefois s’assurer que l’exécution du contrat est favorable à la masse des créanciers.

S’il estime nécessaire de mettre un terme à un contrat, il devra le faire en respectant les conditions prévues par celui-ci. Dans certains cas, l’autorisation du juge-commissaire sera nécessaire (art. 543 et 571 du Code de Commerce).

B. Effets sur les contrats de travail

Il résulte des termes de l’article L-125-1 du Code du Travail que la faillite a pour conséquence de mettre

• Droit commercial

1. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 19 avril 1991, n° 40318 du rôle.

2. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 14 janvier 1972, Pas 22, 306; Cour d’appel de Luxembourg, 2 octobre 1996, n° 17936 et 18523 du rôle.

3. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 5 février 1982, faillite n° 6/82.

4. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 20 juin 1986, n° 36964 du rôle; 19 avril 1991, n° 40318 du rôle.

5. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 14 novem- bre 1997, n° 47753 du rôle.

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un terme avec effet immédiat aux contrats de travail.

Chaque salarié a toutefois droit au maintien des salaires ou traitements se rapportant au mois de la survenance de la faillite et au mois subséquent. Par ailleurs, conformément à l’article 125-1 du Code du Travail, les salariés se voient attribuer une indemnité égale à 50 % des mensualités se rapportant au délai de préavis auquel le salarié aurait pu prétendre. Il convient toutefois de préciser que l’indemnité totale attribuée au salarié ne peut dépasser celle à laquelle il aurait eu droit en cas de licenciement avec préavis.

C. La situation des créanciers

Le principe d’égalité des créanciers constitue l’une des pierres angulaires du droit des faillites luxem- bourgeois.

Les créanciers chirographaires ne sont plus en mesu- re de réaliser leurs droits à l’encontre de la société en faillite et ce à compter du jour du prononcé de la faillite. Ces créanciers constituent ainsi ce qu’on appelle la masse des créanciers. L’ensemble des biens et droits du failli forme alors le patrimoine à partager entre les créanciers, c’est à dire une masse spéciale- ment affectée à leur désintéressement. On distingue alors créanciers dans la masse et créanciers de la masse.

Les dettes relatives à la gestion de la masse sont des dettes dites de la masse. Les dettes de la masse sont considérées comme « superprivilégiées » puisqu’elles seront payées avant toutes les autres dettes. Parmi les dettes de la masse on trouve notamment les frais encourus par le curateur, ainsi que ses frais et hono- raires, les frais de conservation du patrimoine du failli, les loyers échus postérieurement au prononcé de la faillite, etc.

Par ailleurs, il y a une suspension des poursuites indi- viduelles et voies d’exécution contre la société en faillite. Certains créanciers privilégiés peuvent toute- fois agir en mettant le curateur en cause. C’est le cas notamment du créancier hypothécaire. L’exercice des droits conférés au créancier bénéficiant d’un gage sous la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière n’est quant à lui pas suspendu par la fail- lite. Ce dernier point fait l’objet d’une étude appro- fondie dans ce même numéro, sous la plume de Danielle Kolbach et Vassiliyan Zanev.

Il convient de noter qu’en vertu de la loi, certaines créances bénéficient d’un privilège. Les créanciers qui bénéficient d’un tel privilège sont qualifiés de créanciers privilégiés.

Il est ainsi prévu que les salaires dus au titre des six mois de travail précédant la déclaration de faillite

ainsi que les montants résultant de la rupture du contrat de travail sont considérées comme privilé- giées au même rang que le privilège établi par l’ar- ticle 2101 du Code Civil. Les salariés sont ainsi créan- ciers privilégiés de premier rang. Ces créances sont garanties par le Fonds pour l’emploi. Le montant de ce privilège n’est toutefois pas illimité puisque son plafond est fixé à un montant égal au sextuple du salaire social minimum de référence.

Les créances de la Sécurité Sociale et des autorités fiscales sont également privilégiées. De même, les bénéficiaires de garanties financières, tels que les créanciers gagistes ou hypothécaires, ont le statut de créanciers privilégiés.

Il convient également de relever que la loi du 31 mars 2000 sur les effets des clauses de réserve de propriété prévoit qu’une telle clause conserve ses effets à l’é- gard de la masse des créanciers en cas de faillite du débiteur. Cette clause prévoit que le vendeur du bien en reste propriétaire jusqu’à complet paiement du prix par l’acheteur. Celle-ci se révèle particulière- ment intéressante pour le vendeur en cas de faillite puisqu’il bénéficie d’une forme de privilège, dans la mesure où il peut reprendre possession du bien vendu au failli mais non encore complètement payé par ce dernier.

D. La réalisation des actifs

L’article 477 alinéa 1erdu Code de Commerce prévoit que le curateur peut, sur autorisation du juge-com- missaire, vendre immédiatement les objets sujets à dépérissement prochain ou à dépréciation imminen- te. A cette fin, il suffit pour le curateur de saisir le juge-commissaire par voie de requête ou même par simple lettre. Pour les autres objets mobiliers, l’alinéa 2 de l’article 477 prévoit que le curateur ne pourra les vendre que sur autorisation du tribunal, sur rapport du juge-commissaire et le failli entendu ou dûment appelé. Le tribunal déterminera le mode et les conditions de la vente.

1.5. La responsabilité des dirigeants

A. La responsabilité civile

La loi du 21 juillet 1992 a introduit en droit luxem- bourgeois deux actions spécifiques en cas de faillite permettant d’étendre la faillite aux dirigeants d’une personne morale faillie, respectivement de condam- ner un dirigeant social à combler une partie du passif de la faillite. Il est intéressant de relever, à titre limi- naire, que la loi vise toujours un « dirigeant de droit ou de fait, apparent ou occulte, qu’il s’agisse d’une

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personne physique ou d’une personne morale ». Ceci nous amène donc à considérer qu’un actionnaire se comportant dans les faits comme un dirigeant de la société pourrait à son tour engager sa responsabilité.

L’article 495 du Code de Commerce prévoit qu’après déclaration en faillite, tout dirigeant de droit ou de fait peut être déclaré personnellement en faillite si l’une des conditions prévues à cet article est remplie.

Il peut ainsi y avoir une extension de la faillite au dirigeant dans les trois cas suivants: (i) si le dirigeant a fait, sous le couvert de la société masquant ses agis- sements, des actes de commerce dans un intérêt personnel, ou (ii) si le dirigeant a disposé des biens sociaux comme des siens propres ou (iii) s’il a pour- suivi abusivement, dans son intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale.

L’effet recherché de l’extension de la faillite au diri- geant est ainsi de sanctionner celui qui a détourné une société à des fins personnelles.

Lorsque le tribunal fait droit à une telle action, le passif de la faillite du dirigeant comprend alors, outre son passif personnel, celui de la société dont il est dirigeant et la date de cessation des paiements est celle fixée par le jugement ayant prononcé la faillite de la société. Il apparaît utile de préciser ici que pour prononcer l’extension de la faillite au dirigeant, le tribunal doit constater que celui-ci a personnelle- ment cessé ses paiements et que son crédit est ébranlé. Il doit en outre avoir eu la qualité de com- merçant dans les six mois précédant la déclaration de sa faillite.

L’article 495-1 prévoit de son côté une action en com- blement de passif à l’encontre du dirigeant de société fautif. Ce dernier, qu’il soit dirigeant de droit ou de fait, doit s’être rendu coupable d’une faute grave et caractérisée ayant contribué à la faillite. Il s’agit donc d’une responsabilité pour faute prouvée. La notion de faute grave et caractérisée ne connaît par ailleurs pas de définition légale. Il appartient alors aux tribunaux de déterminer si oui ou non une faute est suffisamment grave ou caractérisée pour justifier une telle action. Il ressort ainsi de la jurisprudence récente que, peuvent être considérées comme des fautes graves ou caractérisées, l’absence de tenue régulière de comptabilité6, l’aveu tardif de la cessa- tion de paiement7 ou encore le non-paiement des créanciers publics permettant ainsi d’utiliser d’un

faux crédit auprès du public8. Il est intéressant de souligner que si cette faute doit avoir un lien causal avec la faillite puisqu’elle doit avoir « contribué » à celle-ci, l’article ne prévoit en revanche pas que celle-ci doive avoir un lien causal avec l’insuffisance d’actif qu’a fait apparaître la faillite.

Cette action ne peut être intentée que par le cura- teur de la faillite et se prescrit par trois ans à partir de la vérification définitive des créances. Le tribunal appréciera souverainement le montant à mettre à la charge des dirigeants et il le fera en fonction de la gravité des fautes commises par ces derniers.

En cas de faute grave et caractérisée, les dirigeants de droit ou de fait de la société déclarée en faillite, associés ou non, apparents ou occultes, rémunérés ou non encourent également une interdiction profession- nelle. L’action en interdiction professionnelle est pré- vue par l’article 444-1 du Code de Commerce.

Enfin, lorsque l’on se trouve en présence d’admini- strateurs de société anonymes ou de gérants de société à responsabilité limitée déclarées en faillite, leur responsabilité peut être recherchée par le biais des articles 59 et 192 de la loi du 10 août 1915. La responsabilité de l’administrateur ou du gérant tombe alors sous les règles du mandat.

Par ailleurs, le curateur peut également rechercher la responsabilité de tiers à l’égard de la masse des créanciers. L’application des règles ordinaires de la responsabilité aquilienne des articles 1382 et 1383 du Code Civil trouvent à s’appliquer. Il pourrait par exemple s’agir de la faute commise par une banque9, un comptable ou un réviseur.

B. La responsabilité pénale

Les dirigeants de sociétés peuvent également voir leur responsabilité pénale engagée en cas de faillite et ce sur le fondement des articles 573 à 578 du Code de Commerce qui traitent de la banqueroute simple et de la banqueroute frauduleuse. Peuvent ainsi être constitutifs de banqueroute simple, l’aveu tardif de faillite, le fait de ne pas répondre aux convocations du curateur ou du juge-commissaire, ou encore le défaut de tenue d’une comptabilité conforme aux prescriptions de la loi sur les sociétés commerciales.

Les cas de banqueroute frauduleuse sont eux repris à l’article 577 et doivent nécessairement faire appa- raître l’intention dolosive de leur auteur10.

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6. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 26 février 1999, n°48414 du rôle.

7. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 2 avril 1999, n°48903 du rôle.

8. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 12 février 2003, N°71584,71677 et 73039 du rôle.

9. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 7 décembre 1990, n°428/90.

10. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 10 juillet 1998, n°47886, 47887 et 48049 du rôle.

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1.6. La clôture de la faillite

Avant la clôture de la faillite, le curateur doit obliga- toirement convoquer les créanciers à la reddition des comptes et il doit dresser un projet de répartition des actifs qu’il soumet au juge-commissaire. Une fois les montants redus aux créanciers payés, le curateur peut alors présenter une requête en clôture de la faillite

En cas d’insuffisance d’actif, c’est-à-dire dès que l’actif de la faillite est insuffisant pour couvrir les frais d’administration et de liquidation de la faillite, le curateur déposera une requête en clôture de la faillite au Tribunal d’Arrondissement compétent qui prononcera, le cas échéant, la clôture de la faillite. Il est à noter que la faillite, même pour insuffisance d’actif, ne peut pas être clôturée dans les six mois du jugement déclaratif de faillite.

2. La période suspecte

2.1. Notion et détermination de la période suspecte

La notion de période suspecte est l’une des pierres angulaires du droit des faillites luxembourgeois puis- que les actes posés par le failli durant cette période peuvent être remis en cause. Il s’agit d’éviter que le failli puisse passer un certain nombre d’actes avant sa mise en faillite qui seraient préjudiciables aux droits des créanciers. La notion de période suspecte a donc été prévue pour sauvegarder les intérêts de ces der- niers.

L’article 445 du Code de Commerce prévoit ainsi la nullité d’un certain nombre d’actes et d’opérations lorsqu’ils auront été réalisés par le failli depuis l’épo- que déterminée par le tribunal comme étant celle de la cessation de ses paiements ou dans les dix jours qui auront précédé cette époque. La période suspecte ne peut toutefois pas remonter à plus de six mois avant le jugement déclaratif de faillite. En pratique, le tri- bunal fixe d’une façon quasiment systématique son début à six mois avant la faillite.

2.2. Annulation de certains actes accomplis par le failli

Les actes et opérations visés à l’article 445, et dont la nullité pourra être demandée, sont les suivants : (i) tous actes translatifs de propriété mobilière ou immobilière à titre gratuit, ainsi que tous autres actes qui présenteraient un caractère de libéralité;

(ii) les paiements pour dettes non échues; (iii) les

paiements pour dettes échues faits autrement qu’en espèces ou effets de commerce et enfin (iv) le fait de donner des sûretés pour des dettes contractées anté- rieurement au début de la période suspecte. Il convient toutefois de noter que ce dernier cas ne s’applique pas aux hypothèques et privilèges légaux.

Sont en revanche visées toutes dettes, quelque soit leur nature, contractées antérieurement à l’acte constitutif de la sûreté. On cherche à éviter que le failli avantage un créancier par rapport aux autres, en lui donnant une sûreté postérieurement à la nais- sance de sa créance.

Précisons également que dans le cas prévu sub. (iii) il s’agit d’éviter toute dation en paiement11, c’est-à- dire la remise d’une chose différente de celle qui faisait l’objet de l’obligation. Une telle dation ferait sortir des actifs du patrimoine du débiteur et pourrait ainsi être particulièrement préjudiciable aux intérêts des créanciers.

En revanche, suite à l’introduction de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, qui a généralisé la compensation et les clauses de con- nexité, on admet que la compensation entre com- merçants et personnes commerçantes ou non com- merçantes, lorsqu’elle a fait l’objet d’une convention entre les parties avant la faillite, est à considérer comme valable en cas de faillite et est opposable au curateur et à tous tiers. En l’absence de convention valable, si la compensation est intervenue en période suspecte, elle devra être considérée comme nulle.

Dans les différents cas prévus à l’article 445, la nul- lité est automatique. Ceci n’est pas aussi direct pour les actes prévus à l’article 446. Ici la nullité est facul- tative, cet article prévoyant en effet que certains actes « pourront être annulés » si certaines condi- tions sont réunies. Les actes visés par l’article 446 sont les paiements faits par le débiteur pour dettes échues ainsi que tous autres actes à titre onéreux. Ils peuvent être annulés, si ceux qui ont traité avec le débiteur avaient connaissance de la cessation de paiements de ce dernier. L’application de cet article est particulièrement malaisée puisqu’il convient non seulement de prouver que le créancier avait conscience des difficultés financières du débiteur, mais encore qu’il avait connaissance de la cessation de paiements. Il appartient en outre au curateur de prouver que la masse a subi un préjudice du fait de l’acte litigieux en question. L’acte doit ainsi avoir rompu l’égalité des créanciers et il s’agit pour les

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11. V. sur ce point, Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxem- bourg, 8 janvier 1999, nº 48300 du rôle; Tribunal d’Arrondisse- ment (com.) de Luxembourg, 3 décembre 1999, nº45990 du rôle.

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juges d’apprécier si le tiers était ou non de bonne foi12.

L’article 447 du Code de Commerce règle plus parti- culièrement le cas des droits d’hypothèque et de pri- vilège. Ceux-ci peuvent être valablement inscrits jus- qu’au jour du jugement déclaratif de la faillite.

Toutefois, les inscriptions prises dans les dix jours qui ont précédé l’époque de la cessation de paiements ou postérieurement, peuvent être déclarées nulles, s’il s’est écoulé plus de quinze jours entre la date de l’acte constitutif de l’hypothèque ou du privilège et celle de l’inscription. Il s’agit ici de sanctionner la négligence grave d’un créancier en tant qu’elle est susceptible de nuire aux tiers.

Enfin, l’article 448 prévoit la nullité de tous actes ou paiements faits en fraude des créanciers et ce quelle que soit la date à laquelle ils ont eu lieu. Il faut donc un préjudice éprouvé par les créanciers et le curateur doit en outre prouver la fraude du débiteur. Une volonté caractérisée de nuire n’a pas à être établie, il suffit de prouver que l’acte était anormal et que le débiteur a agi en sachant qu’il portait préjudice aux créanciers13.

2.3. Exceptions à la période suspecte

Deux exceptions majeures aux règles de la période suspecte existent en droit luxembourgeois et sont prévues dans des lois spéciales.

A. La loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière

La loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière prévoit une exception importante aux règles de la période suspecte et accroît considérable- ment la protection des titulaires de sûretés prévues par cette loi. L’article 21 leur permet ainsi de réali- ser leur sûreté et ce malgré la faillite du débiteur. Les règles de la période suspecte (et en particulier celles de l’article 445) ne leur sont donc pas applicables.

Nous n’entrerons pas ici dans les détails de cette exception et du mécanisme de l’article 21 puisque Danielle Kolbach et Vassiliyan Zanev y consacrent un large développement dans ce même numéro.

B. La loi du 22 mars 2004 sur la titrisation

Une autre exception de taille à la période suspecte est prévue dans la loi du 22 mars 2004 sur la titrisa- tion. Cette loi contient des dispositions spécifiques gouvernant la faillite du cédant lorsque des créances futures sont cédées à un organisme de titrisation.

L’article 55 prévoit en effet que la cession d’une créance future est subordonnée à sa naissance, mais lorsque celle-ci survient, elle prend effet entre par- ties et devient opposable aux tiers dès le moment de l’accord de cession, sauf stipulation contraire de celui-ci et ce nonobstant l’ouverture d’une faillite ou de toute autre procédure collective à l’encontre du cédant avant sa naissance. Cette dernière disposition offre donc au cessionnaire de la créance future une protection exceptionnelle en cas de faillite du cédant et ce malgré les règles de la période suspecte. En effet, même si la cession devient effective lorsque le cédant se trouve en période suspecte, cette cession de créance demeure parfaitement valable et exécu- toire.

3. Panorama des autres procédures d’insolvabilité applicables en droit

luxembourgeois

3.1. La gestion contrôlée

Cette procédure a été introduite dans la législation luxembourgeoise par un arrêté grand-ducal du 24 mai 1935.

Elle reste relativement peu utilisée, mais peut s’avé- rer extrêmement intéressante pour une société qui rencontre des difficultés momentanés pour faire face à ses obligations, mais où il existe une perspective certaine de redressement. La société peut alors réor- ganiser ses affaires grâce à la gestion contrôlée. Elle peut aussi permettre, si les perspectives sont plus sombres, de réaliser les actifs de la société en prépa- rant un projet de réalisation de l’actif qui soit le plus respectueux possible de l’intérêt de tous les créan- ciers.

Par ailleurs, il est rare que le Tribunal d’Arrondisse- ment siégeant en matière commerciale fasse droit à des requêtes en gestion contrôlée. On constate éga- lement que très peu de gestions contrôlées aboutis- sent et qu’elles se terminent bien souvent par une faillite.

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12. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 17 janvier 1997, nº 44113 du rôle.

13. Tribunal d’Arrondissement (com.) de Luxembourg, 11 juillet 1997, nº 46914 du rôle.

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A. Conditions d’ouverture

Aux termes de l’article 1erde l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935, un commerçant peut demander le béné- fice de la gestion contrôlée si son crédit est ébranlé ou si l’exécution intégrale de ses engagements est compromise. Ces deux conditions ne sont donc pas cumulatives.

Ce même article prévoit que la gestion contrôlée peut être demandée par le commerçant soit en vue de la réorganisation de ses affaires, soit de la bonne réali- sation de son actif.

Il ressort de la jurisprudence que le débiteur qui demande à bénéficier de la gestion contrôlée doit en outre être de bonne foi. Il ne s’agit pas d’une condi- tion de fond, mais la bonne foi doit exister et c’est le tribunal qui apprécie son existence. Pour que le com- merçant puisse être qualifié de mauvaise foi, il doit s’être rendu coupable de fautes lourdes ou d’irrégu- larités graves14et il ne mérite alors pas de bénéficier de la gestion contrôlée. Cette bonne foi doit exister dans le chef du demandeur non seulement lors du dépôt de la requête, mais également durant toute la procédure en gestion contrôlée lorsque celle-ci est accordée15.

Enfin, quant aux conditions d’ouverture proprement dites, il ressort de la jurisprudence que pour qu’une entreprise puisse bénéficier du régime de la gestion contrôlée, il faut qu’il existe une possibilité de réor- ganisation de cette entreprise de nature à améliorer la marche des affaires et à diminuer le passif16. De surcroît, pour pouvoir être admis au bénéfice de la gestion contrôlée, le débiteur doit faire des proposi- tions suffisamment concrètes et réalistes en vue d’améliorer la marche des affaires et à diminuer le passif17.

B. Ouverture de la gestion contrôlée

La requête en gestion contrôlée n’est pas recevable lorsque la faillite du requérant a été déclarée par un jugement coulé en force de chose jugée. Elle doit être déposée au greffe du Tribunal d’Arrondissement sié- geant en matière commerciale compétent. Le tribunal entend le requérant et examine la requête en cham- bre du conseil. Si le tribunal estime que la mesure sol- licitée peut soit assurer progressivement l’assainisse- ment et l’exercice normal du commerce du requérant,

soit rendre meilleures les conditions de réalisation de l’actif, il va déléguer l’un de ses juges pour lui faire rapport sur la situation du commerçant (article 2). Le juge délégué peut se faire assister d’un expert pour mener à bien sa mission de vérification. Une fois le rapport du juge délégué déposé, le tribunal se réunit alors une nouvelle fois en chambre du conseil pour entendre le requérant puis statue en audience publi- que en décidant soit de (i) rejeter la requête, soit de (ii) placer la gestion du patrimoine du requérant sous le contrôle d’un ou de plusieurs commissaires.

C. Procédure et rôles des différents intervenants

Les commissaires nommés par le tribunal ont pour mission de faire dresser l’inventaire des biens dépen- dant de la gestion contrôlée ainsi qu’un état de la situation active et passive du commerçant.

Ils doivent établir dans le délai fixé par le tribunal soit un projet de réorganisation du commerce du requérant, soit un projet de réalisation et de réparti- tion de l’actif (article 6). Ce projet est alors com- muniqué aux créanciers et ces derniers doivent faire parvenir au greffe du tribunal leur adhésion ou leur opposition dans les quinze jours de sa communication ou, le cas échéant, de sa publication.

Le tribunal n’approuve le projet des commissaires que si plus de la moitié des créanciers représentant, par leurs créances non contestées par les commissaires, plus de la moitié du passif ont donné leur adhésion (art 8 alinéa 5). Les créanciers qui s’abstiennent sont comptés parmi les adhérents au projet. Ce jugement approuvant le projet des commissaires est obligatoire pour le commerçant, pour les créanciers de celui-ci, pour les codébiteurs solidaires et les cautions.

Si en revanche le tribunal estime ne pas pouvoir approuver le projet des commissaires, il rejette alors la requête, mais peut aussi assigner aux commissaires un bref délai dans lequel ces derniers seront chargés de dresser un nouveau projet.

D. La situation des créanciers

Le projet des commissaires doit tenir équitablement compte de tous les intérêts en présence et doit res- pecter le rang des privilèges et hypothèques tel qu’il résulte de la loi. Il résulte de la jurisprudence que bien que l’arrêté grand-ducal ne s’exprime pas expressément sur ce sujet, il existe bien une masse des créanciers dans le cadre de la gestion contrôlée et ce dans la mesure où les droits des créanciers se cristallisent à l’ouverture de la procédure, formant ainsi une masse. Dès lors, il est possible d’établir le

• Droit commercial

14. Cour d’appel de Luxembourg, 17 février 1982, Reding et Kunsch; Cour d’appel de Luxembourg, 10 février 1982, Pas. 25, 301.

15. Cour d’appel de Luxembourg, 24 mars 1982, nº6376 du rôle.

16. Cour d’appel de Luxembourg, 9 juillet 1980, nº W.B./Halubek Associates.

17. Cour d’appel de Luxembourg, 19 novembre 1981.

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même distinguo qu’en matière de faillites entre dettes de la masse et dettes dans la masse18. Par ailleurs, les commissaires nommés par le tribunal ont qualité pour demander la nullité de tous actes ou paiements qui seraient faits en fraude des droits des créanciers, conformément à l’article 448 du Code de Commerce et demander la nullité de tout acte qui serait fait en fraude de l’arrêté grand-ducal du 24 mai 1935.

E. La situation du débiteur

A partir de la décision du tribunal qui délègue un juge pour faire un rapport sur la situation du débiteur, il y a de plein droit au profit de ce dernier sursis à tous actes ultérieurs d’exécution même par les créanciers hypothécaires, privilégiés ou gagistes. La loi ne dé- fend donc que les actes ultérieurs d’exécution et il reste donc permis aux créanciers de faire tous les actes conservatoires de leurs droits.

Il résulte également de l’article 3, qu’à compter de cette même décision, le débiteur ne peut, à peine de nullité, aliéner, constituer des gages ou hypothèques, s’engager ou recevoir un capital mobilier sans l’auto- risation écrite du juge délégué. Par ailleurs, en vertu de l’article 5, dès que le tribunal fait droit à la re- quête en gestion contrôlée et que la gestion du patri- moine du débiteur est placée sous le contrôle d’un ou de plusieurs commissaires, le débiteur ne peut alors plus, à peine de nullité, sans l’autorisation des com- missaires, aliéner, engager ou hypothéquer ses biens meubles ou immeubles, plaider, transiger ou emprun- ter, recevoir aucune somme, faire aucun paiement, ni se livrer à aucun acte d’administration.

Il s’ensuit que les commissaires jouent un rôle central dans la gestion contrôlée. Ces derniers doivent agir d’un commun accord avec le débiteur, ce qui peut parfois donner lieu à des problèmes19. Les commis- saires peuvent engager leur responsabilité s’ils com- mettent des erreurs d’appréciation lorsqu’ils dressent l’inventaire des biens dépendant de la gestion con- trôlée ainsi que l’état de la situation active et passive du débiteur.

F. Faillite du requérant

Si la gestion contrôlée aboutit, la société va alors continuer à exister et va pouvoir poursuivre son acti- vité. Sinon, la faillite de la société sera prononcée.

Le tribunal peut prononcer la faillite du requérant en gestion contrôlée soit après le rejet du rapport dé- posé par le juge-délégué, soit après rejet de la re- quête en gestion contrôlée suite à l’établissement du projet par les commissaires.

Par ailleurs, conformément à l’article 4, lorsque le tribunal constate que le requérant se trouve en état de cessation de paiement, il détermine alors l’époque à laquelle a eu lieu la cessation de paiement et cette date ne peut être fixée à une date de plus de six mois antérieurs au dépôt de la requête. Cependant, la faillite ne peut être prononcée qu’après la décision définitive de rejet du rapport du juge-délégué inter- venue ou du rejet pur et simple de la requête du débiteur ou encore du rejet du projet des commis- saires.

3.2. Le sursis de paiement

Les dispositions relatives au sursis de paiement figu- rent aux articles 593 à 614 du Code de Commerce.

Cette procédure d’insolvabilité est rarement utilisée en pratique.

Elle ne doit pas être confondue avec le régime du sur- sis de paiement applicable aux établissements finan- ciers et dont les dispositions figurent dans la loi de 1993 relative au secteur financier.

Peut-être le fait que le régime du sursis de paiement spécifique aux établissements financiers a été récem- ment appliqué à plusieurs banques de la place, va conduire les tribunaux à également accepter plus facilement l’application du régime de sursis de paie- ment de droit commun.

A. Conditions

Conformément à l’article 593 du Code de Commerce, le sursis de paiement peut être accordé au com- merçant qui, par suite d’événements extraordinaires et imprévus, est contraint de cesser temporairement ses paiements, mais qui, d’après son bilan dûment vérifié, a des biens ou moyens suffisants, pour satis- faire tous ses créanciers en principal et intérêts. Cet article prévoit également que le sursis de paiement peut aussi être accordé si la situation du com- merçant, bien qu’actuellement déficitaire, renferme des éléments sérieux de rétablissement de l’équilibre entre l’actif et le passif.

Il s’agit de permettre à un commerçant de faire face à une gêne momentanée en l’autorisant à surseoir à payer ses créanciers pendant un temps déterminé. Ce sursis doit lui permettre de sortir de cette impasse et de payer ensuite ses créanciers. Il ne peut être

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18. Cour d’appel de Luxembourg, 11 juillet 1984, n°7145 du rôle;

Cour d’appel de Luxembourg, 26 février 1986, n°8264 du rôle.

19. V. sur ce point, Cour d’appel de Luxembourg, 24 juin 2005, affaire Luxembourg Consulting Food S.A.

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accordé que si la situation du commerçant présente des garanties d’amélioration certaine lui permettant de faire face à son passif.

Le régime du sursis de paiement ne peut par ailleurs plus être accordé une fois la procédure de faillite ouverte.

B. Procédure et rôles des différents intervenants

Le débiteur doit adresser une requête en sursis de paiement simultanément au Tribunal de Commerce dans l’arrondissement duquel il est domicilié et à la Cour Supérieure de Justice.

Le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale nomme un ou plusieurs experts qui procéderont à la vérification de l’état des affaires du débiteur et un de ses juges pour en surveiller les opé- rations. Il s’agit du juge-commissaire.

Aux termes de l’article 595 du Code de Commerce, le tribunal pourra même soit immédiatement, soit pen- dant le cours de l’instruction d’ores et déjà accorder au débiteur un sursis provisoire.

Les créanciers sont ensuite convoqués au moins huit jours avant la réunion par lettre-recommandée en- voyée par le juge-commissaire. Au jour indiqué dans la convocation, le juge-commissaire fait son rapport sur la situation du débiteur en présence des créan- ciers. Ces derniers sont ensuite entendus contra- dictoirement avec le débiteur (Article 597 du Code de Commerce). Les créanciers déclarent individuelle- ment le montant de leur créance et leur décision d’adhérer ou non à la demande en sursis de paie- ment. Le tribunal dresse ensuite un procès verbal détaillé et y joint son avis motivé. Cet avis ainsi que toutes les pièces justificatives à l’appui de la deman- de en sursis de paiement, sont transmis dans les trois jours au procureur général près la Cour Supérieure de Justice. Ce dernier les soumettra ensuite, accom- pagnées de ses conclusions, au président de la Cour Supérieure de Justice. Ce dernier commet alors un conseiller qui va rendre un rapport sur lequel la Cour statuera dans la huitaine de la réception des diffé- rentes pièces (Article 598). On le voit, il s’agit d’une procédure extrêmement lourde, qui fait intervenir un grand nombre d’intervenants différents.

Le sursis ne peut être accordé par le tribunal que si les conditions prévues à l’article 593 sont remplies (voir ci-dessus) et si la majorité des créanciers repré- sentant, par leurs créances, les trois quarts de toutes les sommes dues, ont adhéré à la demande (article 599).

La Cour, lorsqu’elle accorde le sursis, en fixe la durée et nomme un ou plusieurs commissaires chargés de surveiller et de contrôler les opérations du débiteur pendant toute la durée du sursis. Cet arrêt est publié dans les conditions prévues à l’article 601 du Code de Commerce. Ce sursis peut être prolongé et ce en sui- vant la procédure prévue à l’article 600 du Code de Commerce.

C. La situation des créanciers

Conformément à l’article 605 du Code de Commerce, le sursis ne s’applique qu’aux engagements contrac- tés par le débiteur avant l’obtention du sursis de paiement.

Il est important de relever que le sursis de paiement ne s’applique pas aux créanciers privilégiés. Ceux-ci sont listés à l’article 605 et comprennent principale- ment les créanciers publics et les créances garanties par des privilèges, hypothèques ou nantissements.

Toutefois, il est prévu à l’article 606 du Code de Com- merce que les créanciers hypothécaires ou privilégiés ne peuvent, pendant la durée du sursis, faire procé- der à la saisie ou à la vente des immeubles et de leurs accessoires nécessaires à l’exercice de la profession ou de l’industrie du débiteur, pourvu toutefois que les intérêts courants des créances garanties soient payés.

Il s’agit donc de préserver les intérêts du débiteur en lui permettant de garder son outil de travail et de sortir de l’impasse financière dans laquelle il se trouve.

Quant à la situation des créanciers chirographaires, l’article 603 du Code de Commerce prévoit que le paiement des créances existant au moment de la demande en sursis de paiement ne peut être fait, pendant la durée du sursis, qu’à tous les créanciers proportionnellement à leurs créances.

D. La situation du débiteur

Le débiteur se trouve privé de la faculté d’effectuer seul un certain nombre d’actes. Ainsi, il a besoin de l’autorisation préalable des commissaires surveillants s’il souhaite aliéner, engager ou hypothéquer ses biens, meubles ou immeubles, plaider, transiger, em- prunter, recevoir une somme, faire un paiement ou se livrer à tout acte d’administration (article 603 du Code de Commerce). Son activité se trouve ainsi en quelque sorte placée sous la tutelle du commissaire nommé par la Cour.

Par ailleurs, l’article 604 du Code de Commerce pré- voit que, pendant la durée du sursis, aucune voie d’exécution ne peut être employée contre la per- sonne ou les biens du débiteur. Les saisies pratiquées

• Droit commercial

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avant le prononcé du sursis restent en état mais le tri- bunal peut toutefois en accorder la mainlevée après avoir entendu le débiteur, le créancier et les commis- saires surveillants. Toutefois, il est à noter que le sur- sis ne suspend pas le cours des actions intentées ni l’exercice d’actions nouvelles contre le débiteur, lorsque ces actions n’ont pas pour objet la demande de paiement d’une créance non contestée.

Enfin, pendant la durée du sursis (y compris pendant la durée du sursis provisoire) aucune inscription hypothécaire ne peut être prise sur les immeubles du débiteur.

E. Fin du sursis

La révocation du sursis peut être demandée par un ou plusieurs créanciers ou par les commissaires surveil- lants. Ils ne peuvent le faire que si (i) le débiteur s’est rendu coupable de dol ou de mauvaise foi ou (ii) si le débiteur a contrevenu à l’article 603 du Code de Commerce en payant certains créancier chirogra- phaires pendant la durée du sursis ou encore (iii) s’il apparaît que l’actif du débiteur n’offre plus de res- sources suffisantes pour payer intégralement toutes ses dettes.

Si le sursis n’est pas révoqué avant cette date, il prend fin à son expiration. En effet, l’arrêt de la Cour accordant le sursis fixe une durée précise pour le sursis.

En cas de faillite du débiteur dans les six mois qui sui- vent l’expiration du sursis, l’époque de cessation de paiements remontera de plein droit au jour de la demande de sursis et ce aux termes de l’article 613 du Code de Commerce.

3.3. Le concordat préventif de la faillite

C’est une loi très ancienne, la loi du 14 avril 1886 concernant le concordat préventif de la faillite, qui a instauré le régime du concordat préventif de faillite en droit luxembourgeois. Cette loi a été modifiée par une loi du 1erfévrier 1911 et un arrêté grand-ducal du 4 octobre 1934.

Le concordat préventif s’analyse comme une faveur qui est faite au débiteur. Il s’agit en effet d’une mesure protectrice des intérêts du débiteur.

L’article 1erde la loi modifiée du 14 avril 1886 dispo- se ainsi que « le débiteur commerçant pourra éviter la déclaration de faillite, s’il obtient de ses créan- ciers un concordat préventif dans les formes et condi- tions prescrites par la présente loi ». Il s’agit ainsi

pour une société qui rencontre des difficultés finan- cières de conclure un accord, appelé concordat, avec ses créanciers et ce afin d’éviter le prononcé de la faillite. Cette procédure est rarement utilisée puis- qu’elle requiert l’intervention d’un grand nombre d’intervenants, ce qui la rend compliquée et relati- vement longue.

A. Conditions

Le concordat préventif ne peut être établi que si la majorité des créanciers représentant par leurs créances non contestées ou admises par provision, les trois quarts de toutes les sommes dues, ont adhéré à la demande. Cette majorité se calcule selon des critères bien précis et qui sont déterminés par l’ar- ticle 2 de la loi modifiée du 14 avril 1886. Ce même article prévoit que le concordat n’aura d’effet que moyennant l’homologation du Tribunal de Commerce et qu’une telle homologation ne sera accordée qu’en faveur du débiteur malheureux et de bonne foi. Il res- sort en outre des termes de l’article 18 de la loi que si à un moment quelconque de l’instruction de la demande en concordat, le tribunal acquiert la convic- tion que le débiteur n’est pas malheureux et de bonne foi, il pourra le déclarer en faillite. Le juge dis- pose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, d’après les faits et circonstances de la cause, si la bonne foi exigée existe ou fait défaut20.

Les conditions du concordat préventif sont donc celles de la faillite, auxquelles s’ajoutent le fait que le débiteur doit être malheureux et de bonne foi.

B. Procédure et rôles des différents intervenants

La requête en concordat de préventif de faillite doit être adressée par le débiteur au Tribunal d’Arrondis- sement de son domicile. Selon l’article 3 de la loi du 14 avril 1886, elle doit être accompagnée de proposi- tions concordataires faites par le débiteur.

Selon l’article 5, suite à l’introduction de la deman- de, le Tribunal d’Arrondissement siégeant en matière commerciale déléguera un de ses juges pour vérifier la situation du requérant et établir un rapport. Ce rapport doit être fait à bref délai de manière à ce que le tribunal puisse statuer dans la huitaine. Ensuite, le tribunal va délibérer en chambre du conseil pour décider si oui ou non il y a lieu de poursuivre la procé- dure pour l’obtention d’un concordat préventif de faillite. Cette décision est motivée et rendue en audience publique.

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20. Cour d’appel de Luxembourg, 23 décembre 1887, Pas. 2, 555.

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Si le tribunal estime qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure en obtention d’un concordat, il pronon- cera dans le même jugement la faillite. Ce jugement est susceptible d’appel dans les quinze jours de son prononcé.

Si en revanche le tribunal estime que la procédure pour l’obtention d’un concordat peut être poursuivie, il fixera immédiatement les lieu, jour et heures aux- quels les créanciers seront convoqués. Le débiteur peut ainsi effectuer ses propositions concordataires à ses créanciers avant cette convocation.

Le juge délégué nommé par le tribunal surveille le bon déroulement des opérations concordataires et c’est lui qui présidera l’assemblée des créanciers.

Aux termes de l’article 7, le juge délégué peut éga- lement nommer des experts afin que ces derniers l’assistent dans sa mission en procédant à la vérifica- tion des affaires du débiteur.

Le débiteur va ensuite faire ses propositions concor- dataires et c’est sur ordre du juge délégué que les créanciers seront convoqués individuellement par lettre recommandée huit jours au moins avant l’as- semblée concordataire (article 8). Au jour fixé pour l’assemblée des créanciers, le juge délégué fera un rapport sur l’état des affaires du débiteur. Ce dernier formulera alors en personne ou par fondé de pouvoirs ses propositions concordataires. Les créanciers font alors par écrit la déclaration du montant de leurs créances et déclarent en même temps s’ils adhèrent ou non au concordat (article 9).

Enfin, le juge délégué fera son rapport en audience publique du tribunal au jour fixé en conformité avec l’article 12 (5) et les créanciers ainsi que le débiteur pourront être entendus. Selon l’article 15, le tribunal statuera ensuite, sur les conclusions du Ministère public, par un seul et même jugement sur les contes- tations et sur l’homologation. Ce même jugement détermine en même temps la date de cessation de paiements.

Le tribunal refusera l’homologation du concordat lorsque les dispositions de la loi n’ont pas été res- pectées ou lorsque des motifs tirés de l’intérêt public ou de l’intérêt des créanciers sont de nature à em- pêcher le concordat préventif.

L’appel comme l’opposition au jugement d’homologa- tion ne sont pas suspensifs de son exécution

Enfin, il existe une catégorie particulière de concor- dat préventif, le concordat par abandon d’actif. Dans ce cas, le débiteur et les créanciers doivent désigner dans le concordat, une ou plusieurs personnes char- gées de réaliser l’actif du débiteur sous la surveil- lance du juge délégué. Des liquidateurs sont alors

nommés par le tribunal et ils exercent leur mission sous la surveillance du juge délégué (art 34).

C. Situation des créanciers

L’homologation du concordat le rend obligatoire pour tous les créanciers. Il ne s’applique qu’aux engage- ments contractés antérieurement à son obtention.

Il est également important de préciser que le concor- dat préventif est sans effets relativement (i) aux im- pôts et autres charges publiques, (ii) aux créances garanties par des privilèges, hypothèques ou nantis- sements et (iii) aux créances dues à titre d’aliments.

Ainsi, l’une des particularités les pus notables du concordat est que les créanciers hypothécaires ou pri- vilégiés ou nantis de gage n’ont voix délibérative dans les opérations relatives au concordat, pour leurs créances, que s’ils renoncent à leurs hypothèques, privilèges ou gages et ce aux termes de l’article 10.

Le vote du concordat emporte ainsi de plein droit renonciation. Avant le vote de l’assemblée concor- dataire, le juge délégué avertit cette catégorie de créanciers des conséquences de leur vote. La renon- ciation demeure sans effet si le concordat n’est fina- lement pas admis par le tribunal.

D. Situation du débiteur

Tout comme dans le cadre de la faillite, le débiteur ne pourra plus aliéner, hypothéquer ou s’engager sans autorisation du juge délégué (article 6 de la loi du 14 avril 1886). Par ailleurs, aux termes de l’article 5 de la loi du 14 avril 1886, la décision du tribunal délé- guant un de ses juges pour vérifier la situation du débiteur entraîne de plein droit, au profit de ce dernier, un sursis provisoire à tous actes ultérieurs d’exécution.

E. Fin du concordat

Le juge délégué est chargé d’examiner l’état du concordat tous les trois mois. Pour mener à bien cette tâche, il peut se faire assister d’experts qu’il dési- gnera (article 28). Le concordat prend fin en cas de retour à meilleure fortune du débiteur. Dans ce cas, il sera tenu de payer intégralement ses créanciers.

Le concordat peut également prendre fin en cas d’an- nulation de celui-ci par le tribunal. Ainsi, l’article 26 prévoit que les cautions et tous créanciers liés par le concordat peuvent en demander l’annulation en cas de condamnation du débiteur pour banqueroute simple ou frauduleuse intervenue après l’homolo- gation soit pour cause de dol découvert depuis ladite homologation et résultant soit de la dissimulation de

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l’actif, soit de l’exagération du passif. Dans ces deux cas, le tribunal prononce l’annulation du concordat et la faillite du débiteur. Cette annulation du concordat libère de plein droit les cautions.

Finalement, en cas d’inexécution du concordat, la résolution peut en être poursuivie en présence des cautions qui y sont intervenues pour en garantir l’exé- cution. Cette résolution du concordat ne libère tou- tefois pas lesdites cautions.

Il est enfin à noter qu’en cas de faillite du débiteur dans les six mois suivant la résolution du concordat, la date de cessation de paiements pourra être repor- tée au jour où le concordat a été demandé.

4. Conclusion

En définitive, on constate que la faillite demeure la reine des procédures d’insolvabilité tant est si bien qu’on parle couramment de droit des faillites, lais-

sant ainsi de côté les autres procédures qui s’ouvrent au débiteur en difficulté. Celles-ci permettraient, si elles étaient plus fréquemment appliquées, d’éviter bien des faillites et d’assurer le sauvetage d’entre- prises en difficulté. Les créanciers en sortiraient également gagnants.

Il serait certainement opportun que le législateur intervienne pour moderniser et simplifier ces procé- dures qui font sans doute intervenir un trop grand nombre d’intervenants, sont trop complexes et ne garantissent pas suffisamment les droits des inté- ressés.

L’introduction en droit luxembourgeois d’une véri- table procédure de redressement judiciaire pourrait aussi constituer une alternative utile. On pourrait dire que celle-ci existe déjà sous la forme de la gestion contrôlée. Pour rendre cette procédure at- tractive, il faudrait cependant que le législateur intervienne pour en simplifier significativement les modalités d’application.

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