FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNEE 1895 — 1896 N° 39.
DES
ERUPTIONS CUTANEES
D'ORIGINE HYSTERIQUE
THESE
POUR LE DOCTORAT EN
MÉDECINE
Présentée et soutenue publiquement le 6 Décembre
1895
PAR
Adrien- Louis-Marie
PANNETIER
ÉLÈVE DU SERVICE DE SANTÉ DE LA MARINE
Né le 27 Septembre 1873 à TARASCON (Bou.ches-du-3rî.liône)
MM. PITHES professeur Président
-, . . , , -v i
BERGONIÉ
professeur iExaminateurs dela These.. SIGALAS aqréqé juges LE DAMEC anréne
Le Candidat répondra à touteslesquestions quilui seront
faites sur les diverses
parties de l'enseignement
médical
BORDEAUX
IMPRIMERIE DU
MIDI, P. CASSIGNOL
91, RUE rORTE-DIJEAUX,
91
1895
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. PITRES Doyen.
PROEESSEURS M. MIGÉ
AZAM Professeurs honoraires
Cliniqueinterne.
Messieurs
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE.
Cliniqueexterne
Pathologie interne
DUPUA.
Pathologieet thérapeutiquegénérales VERGELA .
Thérapeutique A
R N 0 Z AN.
Médecineopératoire
MASSE.
Clinique d'accouchements
MOUSSOUS.
Analomie pathologique COYNE.
Analomie. . BOUCHARD.
Analomiegénéraleet Histologie
VIAULT.
Physiologie JOLAET.
Hygiène
LAAEi1.
Médecinelégale MORACHE.
Physique..!
BERGONIE.Chimie BLAREZ.
Histoire naturelle GUILLAUD.
Pharmacie FIGUIER.
Matière médicale de NABIAS
Médecineexpérimentale FERRE.
Clinique ophtalmologique BADAL.
Clinique des maladies chirurgicales des enfants
PIECHAHP.
Clinique gynécologique BOURSIER.
AGRÉGÉS EN EXERCICE
MESNARD.
CASSAET.
Pathologie interne et Médecine légale | AUOHE.
SABHAZÈS.
LE DANTEC.
SECTION DE CHIRURGIE ET ACCOUCHEMENTS ( YILLAR
Pathologie externe
j BINATJD.
(
BRAQUEPIAYE.Accouchements 1
RIVIÈRE.
1 CHAMBRERENT.
SECTION DES SCIENCES ANATOMIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
PRINCE!1EAU.
CANNIEU.
Physiologie PACPION.
Histoire naturelle BEILLE.
SECTION DES SCIENCES PHYSIQUES
Physique S1GALAS.
ChimieetToxicologie DENIGES.
Pharmacie BAR THE.
COURS COMPLEMENTAIRES SECTION DE MEDECINE
Analomie
Clinique int. des enf. MM. MOUSSOUS Clinique desmaladies
cutanéesetsyphilitiques
Cliniq. des maladies des voies urin.
Mal.dularynx, desoreilles et dunez
Maladies mentales.
Pathologieexterne.
Accouchements... .
Chimie DUBREUILII
POUSSON MOURE
LeSecrétaire cle laFaculté : LEMAIRE.
MM. REGIS.
DENUCE RIVIÈRE DENIGES
Par délibération du 5 août 1879, la Faculté a arrêté que lesopinions émises dans
les Thèses qui lui sont présentées, doivent être considérées comme propres a leurs
auteurs etqu'ellen'entend leur donnerni approbation ni improbation.
A
MON ONCLE JULIEN PANNET1ER
A
MON ONCLE HT A MA TANTE MARTY
A MES ONCLES
ADRIEN RANCHIER
ETIENNE GAUTIER
A
MES PARENTS
SIWV S3W
V
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR PITRES
DOYEN DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
PROFESSEUR DE CLINIQUE MÉDICALE
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER D'ACADÉMIE
MEMBRE CORRESPONDANT DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
. . V : :
' : " •"■■
INTRODUCTION
La
question des éruptions cutanées d'origine hystérique,
rejetée d'abord
parla plupart des auteurs qui incriminaient
la
grande faculté de simulation des hystériques et si vive¬
ment discutée tout récemment encore dans différents
Con¬
grès, paraît être
aujourd'hui à
peuprès élucidée. Mais il
n'existe pas, que nous
sachions, de travail d'ensemble sur la
question.
Les thèses récentes d'Athanassio, de Gauthier,
si démons¬
tratives dans les
parties qu'elles traitent, laissent absolument
de côté un groupe
de dermatoses, et
nonle moins intéres¬
sant, celui des gangrènes
spontanées. On
en apublié, dans
ces derniers temps, surtout
à l'étranger,
uncertain nombre
d'observations,
plus
oumoins détaillées, plus
oumoins con¬
cluantes, éparses
dans la
pressemédicale, et dont l'accès
nous a été
parfois difficile. Aidé de
noslectures, nous avons esquissé dans
cetravail la symptomatologie de l'affection,
basée sur
l'analyse de chaque observation.
Nous avons aussi ébauché l'étude
d'une
autreforme, mal
connue, fort rare,
bien
propre àl'hystérie cependant, qu'on
a
appelée
«. eczémahystérique
»et dont un cas, observé à
la
Clinique dermatologique de Saint-Raphaël, nous a donné
l'idée de cette étude.
Pannetier 2
Il nous a paru, en
effet, intéressant et utile
enmême
temps,d'ajouter
cesfaits récents
auxrésullats de
nosdevan¬
ciers pour en
dégager
unequestion d'ensemble.
Mentionnons ici, pour
l'éliminer de
notresujet,
ce que l'on a décritquelquefois
sousle
nomde Lichen plan hysté¬
rique. Nous n'en connaissons
quedeux
cas,signalés
par Feulard, dans lesAnnales de dermatologiede novembre 1890,
et nous croyons être
jusqu'ici autorisé
à nevoir dans
cesfaits qu'une simple coïncidence.
Maisavantde commencer nous avons un devoir bien douxà
remplir
: queM. le professeur Pitres
nous permettede le
remercier
publiquement du grand honneur qu'il
nousfait
en voulant bien accepterla présidence de
notrethèse; malgré
tousnos efforts, ilest bien
indigne de lui le travail
que nous soumettonsà sonindulgence,
etc'est
notre regretde n'avoir
pu
mieux faire,
après être restésix mois dans
sonservice.
M. le docteur Frèche, aide de
clinique des maladies
cuta¬nées,
qui
nous a engagédans
cettevoie,
ne nous a ménagéni son temps
ni l'expérience qu'il
aacquise dans
cette branche de lapathologie
; nous avonspuisé dans
ses notes, abusé de sa bonne volonté;qu'il reçoive ici l'assu¬
rance de notre bien vive
gratitude
et acceptela
partqui lui
est due dans la
paternité de
cetteétude.
M. le
professeur
agrégéDubreuilh
nous aaussiguidé de
ses conseils; attiré vers l'étude des maladies cutanées par sesprécieuses leçons,
nous avons volontiers donné notre tempsau
sujet
que noustraitons aujourd'hui.
HISTORIQUE
« Rien n'est,
plus
commun quede trouver signalées dans
les observations, alternant ou coïncidant avec
les affections
cutanées, soit des
migraines, soit des névralgies, soit des
douleurs nerveuses viscérales, tous
accidents qui d'après
M. Bazin sont des manifestations de la diathèse
arthritique
ou
herpétique. Mais la diathèse elle-même, cette influence
cachée
qui
setraduit
pardes phénomènes si différents en
apparence,
devient bien plus saisissable si l'on envisage le
système nerveux comme
l'intermédiaire obligé de certaines
éruptions arthritiques
oudartreuses. Dès lors, le lien qui
rattache la
migraine, la névralgie, la gastralgie,
avecl'ec¬
zéma par
exemple, devient plus compréhensible, puisque
toutes ces manifestations
pathologiques dérivent d'une cause
commune. y> (Rendu. An. de
Dermatologie, 1874-75.)
Il existe, en effet, nombre
d'observations anciennes épar¬
pillées dans la littérature médicale, de lésions trophiques cuta¬
nées et dont
quelques-unes, du moins, étaient rapportées à
leur véritable cause.
Alibert, un des
premiers,
noussignale des éruptions suc¬
cédant à de vives émotions.
Cazenave recherche l'hérédité des lésions et note
leur
fréquence chez des sujets à tempérament nerveux.
Notta, Parrot,
Axenfeld précisent
ens'appuyant
surdes
observations
cliniques.
Mais il faut arriver à l'Ecole
physiologique et anatomo- pathologique (Brown-Séquard, Vulpian, Charcot, Weir-
Mitchell,
Bœrensprung, Romberg, Wyss)
poursaisir claire¬
ment l'étroite relation
qui existe
entreles troubles du
système nerveux et
la nutrition des tissus. On
necompte plus aujourd'hui les observations des troubles trophiques de
la peau
associés
àdes lésions des nerfs périphériques (Charcot, Weir-Mitchell, Pitres
etVaillard, etc.), des
gan¬glions spinaux (Arnozan, Weidner, Wyss), de la moelle (Couyba, Brown-Séquard, Charcot), de l'encéphale (Romberg,
Brissaud, Rendu, Leloir,
Déjerine, etc.).
Les mêmes troubles
trophiques
peuvent serencontrer
aussi,indépendants de
toutelésion anatomique. C'est
le cas de certaines maladies nerveuses sine matériel, de
certaines névroses;
signalés dans l'aliénation mentale,
dans
l'épilepsie, dans la chorée de Syndenham, c'est surtout
dans
l'hystérie qu'on
a constatéle plus
souventdes faits de
cet ordre «
L'hystérie
a seslois,
sondéterminisme, abso¬
lument comme une affection nerveuse à lésion matérielle.
Sa lésion
anatomique échappe
encore à nosmoyensd'inves¬
tigation, mais elle
se traduit d'une façonindéniable
àl'obser¬
vateur attentif, par
des troubles trophiques, analogues à
ceux
qui
sevoient dans les
cas de lésionsorganiques du
système nerveuxcentral
oudes
nerfspériphériques (1).
»Cependant jusqu'à Charcot,
onconsidérait
commetrès exceptionnelles
ceséruptions
cutanéesdans l'hystérie,
ccL'idée
préconçue
de la simulation qui
anui si longtemps à la
noso-(1)Extrait de la Préface queCharcota consacrée à la thèsed'A.thanassio, 1890.
— 13 —
graphie de l'hystérie
»,ainsi
quel'enseignait le savant,
faisait
négliger l'analyse de
cesphénomènes. Dès 1884,
Charcot avait
entrepris l'étude des troubles trophiques de la
névrose et c'est tout à l'Ecole de la
Salpêtrière
querevient
l'honneur d'avoirfait la lumière sur une
question jusque-là
si obscure.
Les thèses de Mermet
(1877), de Franceschi (1883), de Levéque (1887), viennent grossir le nombre des observations
des dermatoses
hystériques,
ouconsécutives à
unchoc moral.
Mais ces manifestations cutanées de la névrose sont trop variées pour que nous
prétendions
enfaire
unhistori¬
que
régulier. Nombreux
sontles
auteursqui, dans
cesder¬
nières années surtout, en France comme à
l'étranger,
ontsignalé des
casde
ce genre.Nous
auronsl'occasion, dans le
cours de cette
étude, de les citer,
à proposde chaque descrip¬
tion
particulière.
Deux travaux surla
question ont
parudepuis 1890 et sont trop importants
pour ne pas trouverleur place ici, celui de
M. Athanassio : Les troubles
trophiques dans l'hystérie, fait
dans le service de la
Salpêtrière, et dont le chapitre des
troubles
trophiques
cutanésmérite
encored'être consulté,
à
plus d'un titre,
même aprèsle travail de M. Gauthier
:Des
éruptions cutanées
chezles hystériques (Lyon 1893).
DIVISION DU SUJET
Nous basant sur la
physiologie pathologique des lésions
que nous
allons étudier,
nousdivisons les Eruptions cuta¬
nées
hystériques
entrois grandes classes
:1° Celles
qui relèvent d'un
processuspurement congestif ;
elles font
l'objet de notre premier chapitre
;2° Celles
qui relèvent d'un
processusépidermolytique.
Cetteclasse
comprend elle-même deux formes cliniques bien
distinctes suivant que
l'épidermolyse
nousdonne la bulle ou
la vésicule. Ce sont : a)
le Pemphigus hystérique; b) la Der-
mite eczématiforme
hystérique. Nous les étudions dans deux
chapitres différents, le second et le troisième.
3° Celles
qui relèvent d'un
processusgangréneux ; elles
constituent notre
quatrième chapitre.
Un
cinquième chapitre consacré à la physiologie patholo¬
gique
nousfera saisir le lien qui les unit.
Suivront nos conclusions.
CHAPITRE PREMIER
Erylhèmes.
—Les érythèmes qui constituent le phénomène congestif primordial
sont,de l'avis de
tousles neurologis-
tes,
fréquents chez les hystériques. Ils sont constitués
parde petits placards
rouges,de dimensions variables, isolés
ou confluents,s'accompagnant quelquefois d'un léger œdème
avec élévation de la température.
Ils
sont assezsouvent
unilatéraux chez des malades
qui
présententdes troubles
limités à un seul côté, de l'hémianesthésie par
exemple.
Ils surviennent tantôt spontanément,
tantôt à la suite
d'une attaque ou
d'un choc, d'une douche
oud'un bain
parexemple. C'est le
casd'une malade citée dans la thèse de
A. Martin : «Des troubles vaso-moteursdans
l'hystérie». Cette
malade
hémianesthésique gauche, présente de
cecôté cha¬
que
fois qu'elle prend
unedouche,
unbain, de petits îlots d'hyperémie s'étendant de la
tète auxpieds et qui durent
une heure et demie environ. Tantôt enfin ces
placards
nesont que
la première
étaped'une lésion plus avancée, la
bulle de
pemphigus
parexemple. La durée est variable
; limité engénéral
àcelle de l'attaque, quand celle-ci lui a
donné naissance,Térythème demeure quelquefois plusieurs
jours. Il
peutlaisser alors après lui
unepetite desquama¬
tion furfuracée.
Pannetier 3
Si ces
phénomènes congestifs locaux sont très intenses, la
peau
devient d'un
rougevif,
serecouvre d'arborisations vas-
culaires, et il se
produit
unehémorrhagie élective. C'est
l'origine des ecchymoses hystériques, des sueurs cle sang, de
ces
stigmates démoniaques
oumiraculeux, dont fourmille
l'histoire de la sorcellerie. L'histoire est
célèbre de la
sœurJeanne-des-Anges (xvne siècle) qui, à la suite d'une attaque,
vit
apparaître
surle dos de
samain gauche les mots Jésus,
Maria, Joseph,
inscrits
en «beaux caractères vermeils et sanglants.
»IJermographisme.
—Quand
onexcite le tégument de
cer¬tains
sujets, si l'on trace
parexemple
uneraie
avecl'ongle
surleur peau, ((
celle-ci devient d'abord hyperémique, puis
ortiée et faisant relief sensible au toucher. Cette raie
ortiée,
blanche, surélevée,qui fait suite
àla raie
rougehyperémique
vulgaire, persiste longtemps à l'état d'oedème anémique
linéaire et s'efface très lentement ; si bien
qu'au bout d'une
demi-heure ou de trois quarts
d'heure elle persiste
encore.Le lendemain il suffît de frotter
légèrement la
peau avecla
paume
de la main
pourfaire reparaître la raie hyperémique qu'on avait tracée la veille. Si l'on
adessiné des lettres,
une croix, une étoile, on les fait reparaîtrede la même façon,
d'abord sousforme de traits rouges,
puis
enrelief
souscelle
de traits orties. » Voilà une
description typique du dermo- graphisme
quedonne Renaut,
à proposd'un malade dont
nous rapportons
plus loin l'observation.
L'étude de ce
phénomène
et soninterprétation sont de
date récente. Gull est le
premier qui
enait donné
unedes¬
cription
etl'ait différencié de l'urticaire chronique. Il
aété signalé
pourla première fois
enFrance
parDujardin-Bau-
metz. Bourneville et
Regnard, Axenfeld, Lwolf, Chambard,
en ont
également publié des observations. Le travail de Féré
— 19 —
et
Lamy, la thèse de Cornu
nousdonnent,
avecdes observa¬
tions nouvelles, une
description détaillée de l'affection.
Enfin en 1893, Th.
Barthélémy
afait
paraîtreuneétude des plus complètes
etdes plus intéressantes du dermographisme,
aprèslaquelle
nous nesaurions insister beaucoup.
Le
dermographisme
aétéobservé chez des sujets dont le
système nerveux estle siège de troubles organiques
oudyna¬
miques, chez des aliénés, chez des épileptiques, chez des alcooliques, chez des méningitiques, chez des hystériques.
Mais les
premiers
cas ayant étésignalés chez des hystéri¬
ques on a été porté à en
faire
unstigmate de la grande
névrose. MM. Féré et
Lamy qui
ontrecherché systématique¬
ment le
dermographisme chez 137 malades hystériques
ne l'ont rencontré que46 fois,
avec uneintensité plus
oumoins grande
; on peut enconclure
que,si l'hystérie prédispose
audermographisme,
on nel'y rencontre
pasfréquemment.
Le
dermographisme dans l'hystérie
seprésentesouvent
avec des caractèresd'intensitéremarquable. Dujardin-Baumetznous
cite un
exemple de lésion ortiée
provoquéequi durait douze
heures et M.
Berjon (1)
nous montredans la planche X de
son mémoire un cas
qui dura plus de trois mois.
Pour
Barthélémy, le dermographisme
neserait
pas engen¬dré par
l'hystérie, mais l'hystérie et le dermographisme
relèveraient sinon d'uneseule et mémecause, mais de causes
analogues
et trèsvoisines.
Nous pcyivons
rapprocher des faits précédents les faits
rapportés par
M. Pitres dans
sesLeçons cliniques
surVhys¬
térie, l'absence
d'hémorrhagie
aprèsla piqûre. Tandis
que chez lessujets sains
unepiqûre d'épingle est suivie d'un
(1) Berjon. La Grandehystérie chez l'homme. 1886.
écoulement de sang presque
immédiat, chez l'hystérique les
phénomènes sont tout différents : « Au moment où 1 épingle
est enfoncée dans la peau on
voit apparaître autour du point
piqué
uneauréole pâle de 1 à 2 millimètres de diamètre qui
persiste et s'accentue même davantage après que l'épingle a
été enlevée.
Quelques secondes plus tard l'auréole s'entoure
d'une zone de rougeur
diffuse de 1 à 2 centimètres de dia¬
mètre, et en même temps
il
seforme à
saplace
unesaillie,
une sorte de
papule ortiée qui persiste pendant un temps
variable mais
toujours
assezlong,
unedemi-heure, une
heure, ou
plus, selon les
cas.Souvent après que la papule
est bien formée ils'écoule par
l'orifice de la piqûre
unepetite
gouttelette de sérosité limpide.
)>Tous ces
phénomènes vaso-moteurs, conclut M. Pitres
« bien que se
produisant
assezsouvent
surdes parties anes- thésiques de la
peau, nesont cependant
pasliées à l'anes-
thésie cutanée par un rapport
constant.
»Vurticaire chronique,
qui
a étémentionné dans l'hystérie
est un
phénomène si voisin du précédent,
quecertains au¬
teurs (Jacquet,
Ann. de Dermatologie, 1888) ont nié leur diffé¬
rence. Il consiste essentiellement en
l'éruption subite et rapide d'efflorescences papuleuses, larges, aplaties, pâles et
décolorées au centre, rouges â
la périphérie. Cette érup¬
tion est spontanée ou provoquée par
le moindre frottement;
l'impression des plis du
vêtementsuffit parfois â la
provo¬quer;
le
casde Renaut, cité plus loin
auchapitre des gan¬
grènes, nous en
offre
unexemple. Il paraît être moins fré¬
quent
dans l'hystérie
quele dermographisme.
CHAPITRE II
D\x p>em/p
tii
cq\xshystérique
L'éruption du pemphigus ordinaire est constituée par Ja
formation
rapide
etspontanée
en unpoint quelconque du
tégument
de bulles arrondies
ouovalaires distendues par un liquide
séreux ouséro-sanguinolent.
Voici d'abord,
esquissée
en peude mots, d'après les
re¬cherches de MM. Renaut et Nodet,
l'anatomie pathologique
de la lésion. Commetoute lésion vésiculeuse, on note
d'abord
de la
congestion des vaisseaux papillaires, de l'infiltration
embryonnaire des papilles, de l'exsudation vasculaire ayant
comme
expression extérieure la papule. L'exsudation séreuse
traverse tout le corps muqueux
de Malpighi vient se collec¬
terau niveau de la couche
granuleuse,
ensoulevant la
cou¬che cornée de
l'épiderme et la bulle
nousapparaît. La
situation
superficielle de la bulle du pemphigus explique
pourquoi elle
nelaisse
pasde cicatrice.
« Les maladies, les traumatismes du système nerveux
nousfournissent une démonstration pour
ainsi dire expéri¬
mentale de
l'origine
souvent nerveusedes éruptions huileuses
de la peau. »
(Du Castel.)
Ces
éruptions sont consécutives soit à des lésions des nerfs périphériques (Charcot, Weir-Mitchell, Hayem, Leloir), soit
à des lésions médullaires
(Couyba, dans des lésions trauma- tiques de la moelle; Brown-Séquard, Charcot, Dujardin-
Baumetz, au cours
de méningites spinales aiguës
;Gaillard,
Charcot,
Vulpian, Leloir, etc.,
au coursde myélites chroni¬
ques,
dans le mal de Potl), soit à des lésions de l'encéphale
(Romberg, Hesseling, Chrosteck, Brissaud, Rendu, dans l'hémiplégie; Déjerine, Leloir, dans la paralysie générale).
Le
pemphigus
aété de même observé dans la folie, dans
les névroses, mais surtout dans
l'hystérie.
Les observations de
pemphigus d'origine hystérique abon¬
dent
aujourd'hui dans l'histoire de la médecine. C'est le
pemphigus hystericus des auteurs.
Le
premier
cassignalé
nousparait être celui du docteur Jacquemin,
en1816, rappporté
parLouyer-Villermay (1); il
s'agit
«d'une jeune demoiselle, sujette à des convulsions hystériques, qui
a eutrois
ou quatrefois
uneéruption de
vésicules sur l'avant-bras et la
poitrine, de la
grosseurd'une châtaigne, lesquelles
ontformé
ens'ouvrant spontanément
une
plaie semblable
àcelle des vésicatoires.
»Peu de temps
après, Frank, dans
sonTraité de Pathologie
médicale, donne une observation très concluante : une
bulle
du volume d'un œuf de
poule, remplie d'une sérosité claire,
apparaît en un
point douloureux. La bulle crève bientôt et
ne laisse aucune trace.
Mais nous ne saurions passer en revue
la longue suite des
cas
qui viennent s'ajouter
auxprécédents. Nous
renvoyons(1) Louyer-Villermay. Traite cles maladies nerveuses ou vapeurs. Paris, 181G,
T. I, p. 111.
— 23 —
aux travaux de Martius, Schultze,
Gignoux, Gailleton, Pick,
Hébra,
Landgraf, Betz, Courbis. En 1877, Mermet soutient la
thèse : Du
Pemphigus dans les névroses,
et nous apporte son tribut d'observations. Franceschi, en 1883, réunit les exem¬ples les plus frappants
etajoute trois observations. 11 est
rare quechaque
année nevoie
naîtrequelque
cas nouveau, en France ou àl'étranger.
Voici les caractères généraux
du pemphigus hystérique:
C'est
généralement chez la femme qu'on le
rencontre, et cequi frappe d'abord c'est
sacoexistence
avec unbon état général.
Son mode
d'apparition
estparticulièrement important.
C'est
principalement
aumoment des règles qu'il
semanifeste,
pour cesser
quand celles-ci paraissent. Il est souvent lié
aux paroxysmes
de la
névrose.Il peut
siéger
sur tousles points du
corps, sansprédilec¬
tion pour un
territoire
nerveux, sanssuivre le trajet d'un
nerf. L'unilatéralité, chez des
sujets hémianesthésiques, peut
se rencontrer, mais ne constitue pas une
règle; les bulles
se distribuent parplaques, quelquefois
enbracelet autour d'un
membre, et sont rarement disséminées. Il peut
siéger
sur un fond d'oedèmehystérique, de
processusanalogue.
Il est
précédé le plus
souventd'une sensation d'hyper-
esthésie, de cuisson violente. C'est
l'irradiation douloureuse
d'unezone
hystérogène. Bientôt des bulles
semontrent sur
une zone limitée
d'hyperémie locale. La dimension des bulles
peut atteindre des
proportions
énormes(un œuf de poule,
cas de
Frank). Leur diamètre
moyenvarie d'une lentille à
une
pièce de
unfranc
etau-dessus.
Leur contenu estclair,
quelquefois sanguinolent. Au niveau
de la lésion et dans le
voisinage, la sensibilité est habituelle¬
menttroublée
(anesthésie, hyperesthésie).
L'évolution de ces accidents est
rapide
engénéral. Les
bulles crèvent, sèchent et tout
disparaît,
en unesemaine
en moyenne, sanslaisser trace de
son passage.Mais la récidive
est
fréquente
comme pourtous les accidents de la névrose,
l'affection
procède généralement
parpoussées.
On a pu
obtenir la production de bulles chez des hystéri¬
ques par
la suggestion hypnotique (Jakov, de Saint-Péters¬
bourg).
Nous donnons à la suite trois observations que nous avons remarquées
dans
noslectures
commeétant les plus caracté¬
ristiques. Nous les faisons précéder du
casde Louise
Lateau
(1),
parcequ'il
estcélèbre et fort curieux.
Louise Lateau présente
des crises convulsives, mais
sur¬tout des attaques
d'extase, de
cccrucifiement.
»Elle présente
au front, au côté
gauche,
auxpieds et
auxmains des stig¬
mates
qui simulent la lésion produite
parle
«crucifiement
»(couronne d'épines, plaie du côté, lésions des clous). Les
hémorrhagies des pieds et des mains, et parfois celles du
côté,
s'accompagnent de la production cl'cc ampoules.
»Ecou¬
tons M. Lefebvre :
cc Dès le mardi, elle commence à éprouver à
l'endroit des stigmates
unsentiment de brûlure
»qui
va ens'accentuant
de
plus
enplus, puis
cc surchacune des surfaces rosées des
mains et des
pieds,
onvoit
uneampoule naître et s'élever
peu à peu ;
lorsqu'elle
estarrivée
à soncomplet développe¬
ment, elleforme, à la surface de la peau, une
saillie arrondie hémisphérique;
sabase
ales
mêmesdimensions
quela
sur¬face rosée sur
laquelle elle
repose,c'est-à-dire environ
2 cent.
1/2 de longueur,
sur1
cent.1/2 de largeur.
»Bientôt
(1) Bournkville. —Louise L.ïteau ou la stigmali.-ée belge. Paris 1875.
iMîfgjH
en
général, clans la nuit du jeudi
auvendredi, l'ampoule
crevait, et c'est alorsque
l'hémorrhagie survenait. Ces phéno¬
mènes duraient
depuis
sept ans, en1875,
au moment oùBourneville écrivait. Chez elle, le processus
allait jusqu'à l'hémorrhagie, le pemphigus
neconstituait qu'un
tempsdu phénomène.
Observationrésumée(DrMermet.)
Y..., mariée, quarante-liuitans, hystérique.
Depuis 1872, en même temps quedes vomissements de sang, elle a
eu plusieurs fois et par accès de plusieurs semaines de durée, des
douleursnévralgiques dans les membres suivies de larges phlyctènes quise terminaientpar une légère excoriation du derme.
Ces accidents ont siégé successivement au membre supérieur gau¬
che, à la face, aux deux membres inférieurs, en commençant par la gauche. Aménorrhéedepuis cinq mois.
Etatactuel, 14 mars1873. — Depuis une dizaine dejours, nouvelle éruption sur le membre inférieur droit, vives lancées le long du scia- tique droitjusqu'aux orteils, anesthésiepresque complète de la peau de ce membre et larges phlyctènes enbracelet surletiersinférieur de
lacuisseet à lapartie moyenne de la jambe.
Etatgénéral bon, pas d'amaigrissement, pas de fièvre.
28 mars. — Depuis hier soir quelque bulles sur le devant de la poitrine, dans le premier, le deuxième espace intercostal droit, et le deuxième gauche. Pas de douleur névralgique dans ces parties, mais
sensation de cuissonavec un peu d'analgésie.
30mars. — Nombreuses bulles sur la partie moyennede lajambe droite, une bulle au menton.
ieravril. — Toutes les bulles sonten voie de dessiccation.
9 avril. — Depuis trois jours, nouvelles bulles surla jambe
droite,
douleurs, un peu d'œdème de la jambe et du pied.Dessiccationrapide.
Conservationde la santé.
Paunetier *
Observation (Dr Raymond).
Femme, vingt-six ans,
domestique.
Antécédents héréditaires. — Père et mère morts
phtisiques
;l'un
de ses frères très nerveux.
Antécédents personnels. - C'est àdix-huit ans
qu'elle
aprésenté
les premierssymptômes
de la grande névrose; après une vive frayeur,
ellea eu une crised'hystérie suivie d'une attaque
de sommeil qui
aduré un mois.
Le 1erjanvier1889,
après
unegrande crise qui la laissa quatre
.jours dans le sommeil, on
constata, outre
unecontracture dans le
membre inférieur droit, des taches eccliymotiques siégeant vers
le
bord externe du pied droit, et qui n'étaient
attribuables à
aucuntrau¬
matisme. Après deux ans, ces taches persistentencore.
La maladeprésente tous les stigmates delà
grande hystérie
: gran¬des crises, attaques de sommeil,
anestliésie pharyngée, anesthésie
sensitivo-sensorielle complète sous tous ses modes,
généralisée à
toutela surface ducorps, sauf sur les membres
inférieurs dont la
sensibilité normale à lajambe devient de plus en plus obtuse
à la
cuisse, pourdisparaître au-dessous du
pli inguinal
;ovaralgies, perte
du sens musculaire dans les membres supérieurs anesthésiés;
accès
de dyspnée etd'œsophagisme. La
malade, hypnotisée
parla pression
des globes oculaires, est bientôt prise
d'une crise convulsive à grand
arc de cercle que l'on arrêtepar la
compression énergique des ovai¬
res. Elle est habituellement mal réglée. Rétrécissement du champ
visuel.
Histoirede lamaladie. — Le18 décembre, lamaladeaune grande
crise. Lesurlendemainapparaissentsurlemoignonde
l'épaule gauche
et au niveau de lapartie moyenne du deltoïde, deux
phlyctènes
assez larges qui, crevées, ont laissé s'écouler dela sérosité claire;
enmême
— 27 -
temps se sontformées deuxphlyctènes juxtaposées, mais de dimen¬
sions inégales ausommet gauche de lapoitrine enavant. Leurévolu¬
tion a été absolument la mêmeque celle dephlyctènes consécutives à l'application d'unvésicatoire, et aujourd'hui on voit, en c?s régions,
desplaquespresque géométriquement triangulaires,quadrangulaires,
rosées, dénudéesde leurépiderme.
Le 21 et le 22 décembre sont apparues subitement et successive¬
ment de nouvelles bulles sur l'avant-bras et les faces dorsales des doigts médius et annulaire, au bord interne de la première phalange
du médius et au bord externe de la même phalange du petit doigt.
L'éruptionadébuté parla racine du membre pour se terminer vers
son extrémité. On remarque, en effet, sur le membre les différents degrés du processus de cette éruption. D'abord, apparition de phlyc¬
tènes qui crèvent, laissent écouler de lasérosité transparente, ainsi
qu'on le voit actuellement sur les doigts annulaire et médius; puis l'épiderme affaissé se dessèche, devient adhérent et la plaque
prend
un aspect parcheminé rougefoncé; c'est ainsi que se présentent
les
autresplaques de la face dorsale des doigts de la main et de l'avant- bras; l'une des plaques de l'avant-bras est recouverte d'une
croûte
épaisse, impétigineuse, qui, par lapression, laisse sourdrequelques
gouttes d'un liquide séro-purulent. La desquamation
s'opère ensuite,
l'épiderme se détache par lambeaux et laisse unecicatrice rosée;
actuellement les plaques de la poitrine et del'épaule ont
l'aspect de
cicatrices laissées par un vésicatoire cinqou six jours
après
sonappli¬
cation.
Observation (Richardière)
Pierre Oh..., vingt-neufans, droguiste.
Antécédentshéréditaires. —Père névropathe, avait des
idées de
persécution. Mère morte d'une attaque d'apoplexie. Deux sœurs
hys¬
tériques. Un frère bien portant.
del'œil droit à cinq ans, suite de traumatisme,
énucléation. Très
ner¬veux, très impressionnable, facilement
irritable. Fréquents
mauxde
tête. Pas d'attaques de nerfs. Récemment grands
chagrins domesti¬
ques.
Histoire de la maladie. — Le 31 décembre 1891, après avoir res¬
senti unviolent mal de têteet une courbature générale s'est, mis au lit eta eu uneattaque d'apoplexie avecperte de
connaissance, qui
adurévingt-quatre heures. Ala suite de cette attaque
il
aprésenté de
l'hémiplégie motrice du côté droit, avecdes
troubles de la parole très
accentués. Au bout d'une semaine de séjour à l'hôpital Saint-Louis
cesphénomènes avaienteu partiedisparu, la
parole était
revenue,la
marche était possible.
Etat actuel. — Le 21janvier, l'hémiplégiea à peu
près complète¬
mentdisparu. Aucun trouble du langage. Etat
intellectuel absolument
satisfaisant.
La sensibilité est diminuée dans tout le côté droit. Anestbésie pres¬
que complète au niveau de l'avant-bras droit et
des trois doigts,
pouce, index, médius, face palmaire aussi bien que
face dorsale. La
perversion existe égalementpour le tact, la piqûre et la
chaleur.
Le malade se plaint dedouleurs de tête àcaractère fixe,
localisées à
larégion occipitale gauche.
Abolition duréflexe pharyngien.
Lasensibilité gustative est obtuse sur toute la langue
mais surtout
à droite.
Rétrécissement concentrique du champ visuel et
rétrécissement
pour les couleurs.
Troubles trophiques. — Il consistent en amyotrophies existant au niveau des deux mains, particulièrement à droite, et en
troubles
cutanés.
Ces derniers consistent dans laprésence de bulles du
diamètre d'une
pièce de 20 centimes à1 franc siégeantsur la main droite, auniveau
— 29 —
de la face palmaire de la troisième phalange du pouce, index et médius; unebulle plus volumineuse queles précédentes siège à la
face palmaire de la première phalange de l'index. Sur la main gauche
deux bulles ont existé au niveau de l'interligne articulaire de la
deuxième et de la troisième phalanges de l'annulaire et du médius.
Des bulles analogues auraient existé sur la peau qui recouvre le tibia gauche face interne, il n'en existe plus de vestiges.
Ces bulles se sont montrées peu de temps après l'attaque d'apo¬
plexie. Il y a eutrois poussées successives. Leur évolution est la sui¬
vante: sur unpoint dela peau, unebullese montrepleine de sérosité
claire; cette sérosité se résorbe en quelques jours; l'épiderme qui
formait la paroi supérieure de la bulle s'épaissit, se racornit; aubout
de deux ou trois semaines il restecommevestige de la bulle une sur¬
face épidermique dure, de couleur noirâtre, kératinisée, rappelant la
kératinisation qu'on observe à la suite des lésions
cutanées
de l'asphyxie symétrique des extrémités.Pas de déviation de la colonne vertébrale. Urines normales.
Cette observation est
particulièrement intéressante
: Ils'agit d'un homme,
cequi
ararement été observé. Il
est nettement
hystérique; le début brusque de l'éruption,
l'évolution
rapide des
symptômes(en deux mois)
nepermet¬
tent pas
de
songer àla syringomyélie.
Lediagnostic
du pemphigus hystérique
sebasera sur les
caractères généraux
donnés plus haut. Sa présence chez un sujet hystérique
sansmodification de l'état général, ses phé¬
nomènes douloureux
prémonitoires,
sonapparition au mo¬
ment d'une crise, ou à
l'époque des règles, chez les femmes,
sa distribution
irrégulière, les troubles sensitifs locaux qui
l'accompagnent, la fréquence de
sarécidive le caractérisent
suffisamment pour que nous ne nous
attardions pas à le
différencier des autres
variétés de pemphigus. L'absence
d'unilatéralité, sadistribution indépendante du trajet d'un
nerf, ses
récidives
presqueconstantes le distinguent nette¬
ment du zona.
Le
pronostic de l'affection est bénin, l'éruption est fugace,
mais nous savons
qu'elle récidive facilement.
Elle ne
comporte
pasde traitement particulier
:de la pro¬
preté et
le traitement général de la névrose. Dans certains
cas, chez des
femmes
enretard dans leur menstruation,
uneapplication de
sangsues,voire même
unesaignée, peuvent
rendre de réels services.
CHAPITRE III
Dermite eczématiforme
hystérique.
On a décrit sous le nom d\c eczéma
hystérique
» uneaffec¬
tion d'une extrême rareté et dont nous rapportons un
bel exemple observé
aucommencement de l'année à la Clinique
dermatologique de M. le docteur Dubreuilh.
Les recherchesles
plus minutieuses
ne nousont
pasper¬
mis d'en découvrir
plus de quatre autres
casdans la science.
Avant de les citer, nous tenons à en
rejeter
un que nousnous serions contenté de taire, si nous ne
l'avions trouvé
relaté en différents endroits. Nous voulons
parler d'une
observation que
Forbes, dans The Lancet, 1893, a publié
comme
exemple d'eczéma lié à l'hystérie.
Il
s'agit d'un vieillard de soixante-douze
ansqui n'a jamais
eu d'accidents nerveux antérieurs,
qui
afait
aucontraire une
pousséed'eczéma vingt
ansauparavant. Actuellement à la
suite
d'inquiétudes, de soucis occasionnés par des pertes
d'argent, il fait
une pousséed'eczéma symétrique des avant-
bras et des cuisses. Une nuit, le
malade
estpris de certains
phénomènes
dedélire
quel'auteur n'hésite pas à qualifier
d'attaque d'hystérie;
pourtoute démonstration, il nous conte
que <c
le malade criait, priait d'une façon incohérente, riait
comme un fou » et que cette
crise disparut grâce à des
ap¬plications d'eau fraîche et à
unethérapeutique morale. Cet
accidentne se
reproduisit plus d'ailleurs, l'état du malade
s'améliora et il
guérit bientôt de
son eczéma.Nous ne voyons
dans
cesfaits rien de b'en extraordinaire,
un eczéma
qui chez
unvieillard fait
uneréapparition
une nouvelle poussée àla suite d'une émotion vive, d'un violent chagrin,
eczémad'ailleurs
sans aucuneparticularité, nette¬
ment
symétrique
etqui disparaît
avecla
causeoccasionnelle qui l'a engendré, voilà
unehistoire
assezbanale, et
on nous permettrade
ne pas nous y arrêterplus longtemps.
Arrivons aux faits
précis. Nous allons citer les quatre exemples de lésion
eczémateusehystérique,
que nous con¬naissons, nous
ajouterons l'observation
queM. le docteur Frè-
che abien voulu nous
communiquer
et nous essayeronsd'en dégager quelque
vued'ensemble.
Le
premier
cas a étésignalé
parLeloir
en1881.
Observation résumée (Leloir).
Clorinde J..., vingt ans, hystérique, présente depuis deux ans un
pied bot varus équin hystériquedelajambe gauche.
Au mois de septembre 1876 survient un gonflement douloureux
avec rougeur et chaleur remontant jusqu'au tiers inférieur de la jambe gauche. Surce fond rouge apparurentbientôt un grand nom¬
bre de petitesvésicules remplies d'un liquide demi-transparent. Deux
ou troisjours après, ces vésicules se rompirent, et furent remplacées
pardes exulcérations légères. Celles-cipersistèrentjusqu'aux premiers jours dumois de février. Pendantcette période, de nouvelles vésicules
— 33 —
sedéveloppèrententrelespremièreset passèrentparles mêmes phases.
Il y a eu à la suite plusieurs poussées de ce genre. Il se produisit
alors des exulcérations quis'étendaientau dos du pied età la partie
inférieure de la cuisse. Elles étaient peu profondes, ovalaires, à fond grisâtre, très rapprochées les unes des autres, etaffectaientune direc¬
tion oblique de dedans en dehors, et de haut en bas. La peau entou¬
rant ces ulcérations était très rouge et le siège d'une hyperesthésie
trèsprononcée. Anesthésie complète du membre supérieur gauche.
En février 1877, les accidents rétrocèdent, à l'éruption vésiculeuse
fait suiteunesorte d'éruption papuleuse. Douleurs très vives dans la jambe gauche.
Au commencement de mars 1877 nouvelle reprise des accidents,
rougeur douloureuse de la jambe, éruptions des petites vésicules
miliaires, continentes, qui évoluent sans laisserd'ulcérations. Bientôt
tous les phénomènes morbides disparaissent, et la peau reprend son aspect normal. La malade peut mouvoir légèrement son pied, ses orteils. L'anesthésie a disparu.
Ainsi
l'éruption
survenue enmême temps
quele «pied bot»
disparaît
aveclui. En 1881
cesphénomènes n'avaient plus
reparu,
mais la malade, obligée de garder le lit, grâce à
unétat de contracture
qui la tient depuis quatre
ans, setrouve
dansun étatde cachexie extrême, elle
présente également
une escharesacrée.
A. Fabre dans Y
Hystérie viscérale,
auchapitre des érup¬
tions cutanées,
s'exprime ainsi
ausujet des formes eczéma¬
teuses:
« Je n'en ai observé ou reconnu
qu'un seul exemple
:il a persisté pendant plus d'un
an,et il occupait exclusivement
l'oreille
gauche. Etait-ce bien
uneczéma hystérique? A cette
Pannetier 5