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Stratégie de réduction de la pauvreté à travers la dynamique de développement des SPL : éclairage analytique et empirique

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Academic year: 2022

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Poverty reduction strategy through the development dynamics of Local Productive Systems: analytical and empirical insights Stratégie de réduction de la pauvreté à travers la dynamique de

développement des SPL : éclairage analytique et empirique

Naoual OUAZZANI TOUHAMI

Enseignante-chercheur à l’Université Hassan II – Casablanca, Maroc Laboratoire de recherche sur la nouvelle Economie et développement (LARNED)

nawalot@gmail.com

Abstract

This article examines the relationship between local productive systems or grouping the firms and poverty. Local productive systems, geographical concentrations of enterprises and auxiliary units operating in the same sector, can provide various benefits to small firms, ranging from economies of agglomeration to the benefits of common actions. They lend themselves to the solution of poverty problems directly and indirectly. How do the processes of clustering, based on the benefits of agglomerations and common actions, improve the lot of poor producers and workers? This is the question that lies at the heart of the reflection proposed in this article.

Key words: Grouping the firms; Local Productive Systems; Economies of agglomeration;

common actions; poverty.

Résumé

Cet article s’attache à examiner la relation entre les systèmes productifs locaux (SPL) ou regroupements d’entreprises et la pauvreté. Les systèmes productifs locaux, concentrations géographiques d’entreprises et d’unités auxiliaires menant des activités dans le même secteur, peuvent procurer divers avantages aux petites entreprises, qui vont des économies d’agglomération aux bénéfices d’actions communes. Ils se prêtent à la solution des problèmes de pauvreté directement et indirectement. Comment les processus de constitution de regroupements d’entreprises, à partir des gains que procurent les agglomérations et les actions communes, améliorent-ils le sort des producteurs et des travailleurs pauvres ? Telle est la question qui est au cœur de la réflexion proposée dans cet article.

Mots clés: Regroupement d’entreprises; Systèmes Productifs Locaux; Economies d’agglomération; actions communes; pauvreté.

Introduction

L’éradication de l'extrême pauvreté, un des piliers des objectifs millénaires de développement (OMD), est loin d’être atteinte actuellement. Le défi majeur étant de construire un cadre économique multidimensionnel tels que la santé, l’éducation, les conditions de vie etc.

L’analyse traditionnelle de la pauvreté suppose que seul le revenu est une bonne prédiction du statut pauvre ou non pauvre de l’individu. Une telle analyse est donc insuffisante parce qu’elle ne permet pas d’étudier la pauvreté dans sa globalité. L’analyse multidimensionnelle serait indispensable dans l’analyse de la pauvreté dans la mesure où elle tient compte non seulement du revenu, mais d’autres facteurs socio-économiques comme la santé, l’éducation, les conditions de vie … . Et dans ce sens elle permet de mieux appréhender la notion de pauvreté dans son ensemble.

Cet article vise à effectuer une analyse de la pauvreté dans le cadre de l’aide au développement. Il examine la relation entre les systèmes productifs locaux (SPL) et la

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2 pauvreté. C’est un thème qui a été relativement peu développé dans la recherche sur les SPL.

Les systèmes productifs locaux, concentrations géographiques d’entreprises et d’unités auxiliaires menant des activités dans le même secteur, peuvent procurer divers avantages aux petites entreprises, qui vont des économies d’agglomération aux bénéfices d’actions communes. Les SPL ou regroupements d’entreprises se prêtent à la solution des problèmes de pauvreté directement — grâce aux emplois, aux revenus et au bien-être qu’ils génèrent pour les travailleurs pauvres — et indirectement, grâce à leur impact plus large sur l’économie locale.

Comment les processus de constitution de regroupements d’entreprises, à partir des gains que procurent les agglomérations et les actions communes, améliorent le sort des producteurs et des travailleurs pauvres ?

L’objectif principal étant d’éclairer et de démontrer l’impact de la dynamique de développement des SPL sur la réduction de la pauvreté. Pour ce faire, il a été jugé pertinent de s’interroger dans un premier temps, sur le plan conceptuel, sur le lien entre SPL et pauvreté.

Ils sont liés de trois manières différentes: par les caractéristiques, les processus de constitution et la dynamique des regroupements.Cela fera l’objet de la première partie du présent article.

Afin de mieux comprendre les effets des stratégies de développement de systèmes productifs locaux ou regroupements d’entreprises sur la pauvreté, il est nécessaire d’étudier la problématique sous l’angle empirique. Pour ce faire, la deuxième partie du présent article présentera notre démarche méthodologique que nous avons procédé à travers une enquête sur le terrain auprès des cas pratiques dont l’objectif est de démontrer comment les processus de constitution de regroupements d’entreprises, à partir des gains que procurent les agglomérations et les actions communes, améliorent le sort des producteurs et des travailleurs pauvres. Dans un troisième temps, l’analyse des données rassemblées a permis de dresser des résultats que nous interpréterons par la suite.

1. Revue de littérature

Les regroupements d’entreprises, ou SPL, permettent aux entreprises locales d’accéder aux marchés locaux et mondiaux et de promouvoir la gouvernance locale. Ces groupements permettent aux entreprises de surmonter les contraintes liées à leur taille et leur offrent des possibilités d’actions communes pour résoudre les problèmes communs. Ils permettent de même d’atténuer la pauvreté et d’améliorer les revenus, la situation de l’emploi et le bien-être des travailleurs et des entrepreneurs au sein d’un regroupement. Pour ce faire, cette partie analysera les liens conceptuels entre le développement de groupements et la pauvreté. Sur le plan conceptuel, SPL et pauvreté sont liés de trois manières différentes: par les caractéristiques, les processus de constitution et la dynamique des regroupements.

1.1. Les caractéristiques des regroupements et leur relation avec la pauvreté

Les caractéristiques des regroupements qui se prêtent à la solution des problèmes de pauvreté dépendent du type de regroupements d’entreprises qui ne sont pas homogènes. Schmitz et Nadvi (1999) font la distinction entre les regroupements “naissants” — ceux qui sont aux premiers stades du développement industriel, qui sont généralement situés dans des régions pauvres et produisent pour les marchés locaux en utilisant des technologies simples et les compétences de la main-d’œuvre — et les regroupements “matures”, relativement plus avancés en termes de technologie et de compétences, qui produisent souvent pour les marchés mondiaux et sont donc plus vulnérables aux pressions de la concurrence mondiale.

À l’évidence, si les regroupements naissants, s’imposent à première vue en termes d’impact direct sur la pauvreté, les regroupements plus matures peuvent également avoir un impact sur les préoccupations liées à la pauvreté, en générant des emplois et des revenus pour des travailleurs relativement mal payés et leur famille et en exerçant des effets indirects sur

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3 l’économie plus large. De ce fait, les deux types de regroupements d’entreprises sont susceptibles de générer des emplois et des revenus et, partant, d’avoir un impact important sur les travailleurs pauvres. Ce qui importe comme point essentiel pour ce qui est des caractéristiques des regroupements et de leur relation avec la pauvreté est leur localisation et le type de secteur concerné dans lequel ils exercent leurs activités et les types d’emplois qu’ils créent.

L’incidence de la pauvreté peut varier considérablement selon la localisation des regroupements. Les regroupements ruraux, surtout dans les activités de transformation et de services agricoles qui reposent largement sur une main-d’œuvre occasionnelle, familiale et sans terre, peuvent être des sources potentielles de revenus importantes pour les ruraux pauvres (Das, 2003; Saith, 2001). De même pour les regroupements urbains informels qui emploient de travailleurs à domicile, des femmes et une main-d’œuvre très peu ou non qualifiée. Les niveaux de revenus et de consommation de ces travailleurs de l’économie informelle urbaine peuvent être considérablement améliorés et atténuer le seuil de pauvreté.

L’incidence de la pauvreté peut varier également selon le secteur dans lequel opère le regroupement et les types d’emplois qu’il crée. Les activités à forte intensité de main-d’œuvre et qui attirent souvent de nombreux travailleurs non qualifiés, notamment les secteurs textiles, de vêtements, de la fabrication de chaussures, de menuiserie, d’articles en métal, ou de l’industrie alimentaire, influencent l’impact du regroupement sur la pauvreté.

1.2. Les processus de constitution de regroupements et la pauvreté

Les regroupements renforcent les capacités potentielles des petits entrepreneurs à accéder aux marchés grâce aux externalités positives et aux actions communes. Ce faisant, ils peuvent avoir un impact direct sur la réduction de la pauvreté aussi bien pour la main-d’œuvre locale (travailleurs salariés ou à domicile) que pour les petits entrepreneurs qui isolement ne pourraient survivre.

Économies externes — Krugman, en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles les activités de fabrication finissent par se concentrer met en avant les externalités externes (Krugman, 1995). Selon cet auteur, la majeure partie de la littérature traitant des externalités qui conduisent à la localisation d’industries, suit l’idée de Marshall. Il expose trois causes de localisation : « Tout d’abord, la concentration de plusieurs firmes sur un lieu unique offre un marché commun pour les travailleurs possédant des savoirs faire spécifiques à l’industrie, assurant ainsi à la fois des probabilités plus faibles de chômage et de pénurie d’emplois disponibles. Ensuite, les industries localisées peuvent encourager la production d’inputs spécialisés non échangeables. Enfin, les effets de report de l’information peuvent donner aux firmes qui fonctionnent en groupe une fonction de production meilleure que celle des producteurs isolés » (Krugman,1995, p.318-319).

Les gains d’agglomération peuvent se traduire non seulement par une augmentation de l’efficacité, mais aussi par la facilitation de l’accès aux marchés des petites entreprises grâce à une division du travail. Les économies d’échelle et d’envergure peuvent permettre aux petites entreprises de survivre en se spécialisant dans certaines tâches du processus de production et en ayant accès aux compétences spécialisées, aux services et aux intrants disponibles au sein du regroupement. De même, les économies externes provenant de l’agglomération peuvent se traduire par une réduction importante des coûts d’accès aux intrants, à la main-d’œuvre et à l’information. Ainsi, les petites entreprises seraient en mesure de survivre et de se développer comme elles ne pourraient le faire si elles opéraient isolément.

Grâce aux retombées des connaissances au sein des regroupements, elles pourraient aussi acquérir de nouveaux savoir-faire, de nouveaux produits et de nouvelles techniques de production, qu’elles ne pourraient pas obtenir par le biais des marchés. Les regroupements

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4 peuvent donc renforcer les capacités individuelles des petites entreprises à accéder aux marchés et à acquérir des compétences, des connaissances, des crédits et de l’information.

Actions communes — Les regroupements d’entreprises peuvent aussi favoriser la capacité collective. Outre les avantages économiques directs qu’elles retirent passivement en vertu de leur localisation dans les regroupements, les petites entreprises peuvent également retirer des bénéfices importants d’une collaboration locale active mise en œuvre par les regroupements.

Une coopération locale, entre les différentes entreprises et avec les institutions des regroupements, peut renforcer la capacité des acteurs des regroupements à faire face à la concurrence sur les marchés, grâce au partage des coûts et à la mise en œuvre de tâches communes comme le marketing et la distribution. Ces formes d’actions communes peuvent également aider les entreprises faisant partie de regroupements à faire face aux menaces et aux défis extérieurs et à leur vulnérabilité.

En somme, les économies d’agglomération réduisent les coûts et améliorent les capacités des travailleurs et des producteurs. Les actions communes des regroupements quant à elles renforcent les capacités des entreprises locales et réduisent leur vulnérabilité aux chocs extérieurs.

1.3. La dynamique des regroupements et la pauvreté

La dynamique des regroupements ou SPL se traduit dans la mise à niveau locale. D’après l’ONUDI (2002) et Humphrey et Schmitz (2003), la mise à niveau des regroupements améliore considérablement la compétitivité des entreprises, renforce leurs capacités à s’approprier une part plus importante de valeur ajoutée et améliore leur position dans la chaîne de valeur mondiale grâce à différentes formes de mise à niveau notamment de produits et de processus. Cette mise à niveau réduit le seuil de pauvreté au moins de deux manières complémentaires. Elle se prête à la solution des problèmes de pauvreté à travers l’augmentation du capital humain qui croît la productivité, hausse le niveau des revenus ainsi qu’une augmentation durable de l’emploi. Ensuite, elle permet d’atténuer la pauvreté grâce à une mise à niveau soutenue des PME en s’appuyant généralement sur un système d’innovation et d’apprentissage. Ceci a un effet sur la dynamique de croissance des regroupements et améliore leur accès aux marchés locaux et mondiaux. Ce qui induit systématiquement une amélioration des revenus, la situation de l’emploi et le bien-être des travailleurs et des entrepreneurs au sein d’un regroupement.

Cette première partie a étudié les principales relations entre les regroupements d’entreprises et la pauvreté sur le plan conceptuel, en faisant la distinction entre les caractéristiques, les processus de constitution et la dynamique des regroupements. La partie qui s’ensuit, après la présentation de la méthode de recherche employée, reprend ces trois liens conceptuels pour étudier l’expérience empirique des regroupements d’entreprises et de la réduction de la pauvreté.

2. Matériel & Méthodologie

La démarche adoptée, dans le présent travail, est d’essence théorique puis empirique.

Nous avons mobilisé, dans un premier temps, les apports des chercheurs ayant abordés les liens entre le développement de groupements SPL et la pauvreté. L’objectif de cette étape est de dégager les éléments qui permettent d’effectuer une analyse de la pauvreté dans le cadre de l’aide au développement. Il examine la relation entre les systèmes productifs locaux (SPL) et la pauvreté. Dans un deuxième temps, nous avons procédé à une enquête sur le terrain. Trois cas pratiques ont été ainsi retenus. Il s’agit des regroupements d’entreprises de dinanderie à Ain Nokbi à Fès, de poterie à Benjelik, et des regroupements d’entreprises familiales rurales de la régionde Souss Massa Draâ, notamment la pratique de la culture du safran et les coopératives d’argan. La coopérative prend la forme d’un réseau de producteurs locaux qui

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5 ont des objectifs communs. D’une manière simpliste, elle présente les caractéristiques d’un SPL. Ainsi, l’hypothèse au centre de cette recherche est que : la coopérative s’assimilerait à un SPL.

Le choix de ces exemples s’explique par la présence de réalités territoriales différentes de coopérations locales. Des enquêtes ont été ainsi effectuées, au niveau de ces espaces en 2015 et en 2018, portant sur un échantillon de personnes ressources composées spécifiquement de propriétaires d’entreprises, de représentants de coopératives et des travailleurs pauvres, afin de collecter et d’évaluer des données plus qualitatives.

Notre recherche s’est inscrite dans une logique exploratoire, explicative et inductive. Elle est exploratoire, parce qu’elle permet de décrire et de donner des explications riches et solidement fondées, sur les possibilités d’amélioration du sort des producteurs et des travailleurs pauvres à partir des gains que procurent les agglomérations et les actions communes des regroupements d’entreprises. Elle est explicative, puisqu’elle consiste à décrire, caractériser ces différents aspects, en s’appuyant sur des entretiens. Enfin, cette recherche est inductive, parce que la nature du travail voulu pousse nécessairement vers l’induction car nous ne partons d’aucunes hypothèses de travail déjà élaborées.

3. Les résultats de la recherche et leur discussion

L’identification des regroupements d’entreprises locales au Maroc, montre la présence de plusieurs agglomérations d’activités économiques1. Celles-ci naissent d’une d’histoire productive différente selon les territoires, et sont repérées au niveau des villes et des filières différentes. Cette partie mesure les impacts de quelques regroupements d’entreprises sous l’angle de la pauvreté.

3.1.Une dynamique des regroupements d’entreprises reposant sur une forte intensité de main-d’œuvre et ses implications pour les objectifs de réduction de la pauvreté

Dire d’un système productif local qu’il est dynamique n’a de sens que par rapport aux finalités qu’il poursuit. Or, à l’examen, il apparaît de nombreux exemples de regroupements d’entreprises, comme à Fès le cas des regroupements d’entreprises de dinanderie ou de la poterie ou à Tanger le cas du Textile-Habillement, opèrent dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. Au-delà de la création d'emploi et des résultats financiers en termes d'exportations, des critères d’ordre socioculturel local sont source de vitalité et d'efficacité de ces activités notamment la nature et la densité des relations socioculturelles au sein de la communauté locale.

Ces regroupements créent des emplois en tant que mode d’insertion socioéconomique des individus et des revenus pour les travailleurs pauvres, et bien souvent pour les plus démunis.

Ils assurent la pérennité des activités ancestrales par la transmission des savoir-faire et des métiers aux jeunes générations et ils maintiennent la cohésion sociale. D’après Florence Vidal (1999)2: « En 1997, le district de Prato en Italie s’étend sur 700 km2. Ses 8500 entreprises du textile emploient 44000. Prato est considérée comme l’une des premières villes italiennes en ce qui concerne le développement économique et social ». Les producteurs, associés à des façonniers et à des travailleurs à domicile, partagent la même culture d’entreprise et se chargent chacun d’un segment de la production (Benko et Lipietz, 1992, p.73).

L’artisanat à Fès constitue un fort pourvoyeur d’emploi au niveau de cette ville. Plusieurs activités y sont pratiquées par des maâlmins notamment dans le domaine de la dinanderie, de la poterie, de la bijouterie, de la tannerie, etc. Dans le domaine de l’emploi, les données statistiques font défaut. Il est difficile de dénombrer exactement les ouvriers des métiers

1 D’après une étude élaborée par la Direction de l’Aménagement du Territoire, sur les bassins d’emploi et les SPL au Maroc.

2 Cité par Courlet C. (2001, p.19).

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6 traditionnels : la masse flottante des ouvriers journaliers et des apprentis, le nombre important des femmes, et même des hommes, qui travaillent à domicile rendent impossible toute statistique exacte. De même, l’artisanat dans les régions rurales constitue une activité secondaire, surtout durant la morte saison. Les statistiques disponibles ne fournissent qu'une vue partielle dans la mesure où elles ne tiennent en compte que du travail formel enregistré.

Elles excluent de leur champ la majorité qui travaille dans le secteur informel.

Les regroupements d’entreprises de la dinanderie à Ain Nokbi et de la poterie à Benjelik ont un système économique très dynamique, dynamisme que l’on peut apprécier grâce à l’utilisation d’une technologie flexible et à l’emploi d’une main-d’œuvre polyvalente. La firme flexible est à même de modifier la configuration interne de son processus productif et de répondre rapidement aux fluctuations qualitatives du marché. Un dynamisme que l’on peut apprécier également au niveau de leur capacité à accueillir – et donc à donner du travail – à une main d’œuvre nombreuse issue, d’une part de la croissance démographique propre de Fès, d’autre part, de l’exode des campagnes environnantes, très élevé pendant longtemps. Ce deuxième point est très important car il s’agit très souvent d’une main d’œuvre peu qualifiée que le développement moderne se révèle durablement incapable d’intégrer. Les caractéristiques de ces regroupements se prêtent à la solution des problèmes de pauvreté.

Outre les regroupements d’entreprises urbaines à forte intensité de main-d’œuvre dominés par les petites entreprises, on observe des regroupements d’entreprises rurales qui ouvrent des emplois aux ruraux pauvres. Les regroupements d’entreprises familiales rurales de la région de Souss Massa Draâ par exemple offrent une gamme de produits de terroir spécifiques et très variés (safran, rose, miel, huile d’argane, etc.). Cet espace possède une longue tradition dans le domaine. Grâce à la présence de ces filières, de nombreuses activités y sont étroitement liées.

Ces filières constituent la base du développement de cette région. La production de produits de terroir permet aux territoires « pauvres » généralement ruraux, de sortir de leur marasme économique. L’agriculture de terroir représente un moyen privilégié d’augmentation du revenu chez l’habitant rural. Elle permet, de même, la diminution de l’exode rural en maintenant les populations locales sur place, et la sauvegarde des savoir-faire locaux. Ces regroupements d’entreprises rurales, qui emploient une forte proportion de travailleuses à domicile, constituent le seul moyen pour les jeunes mères, les veuves, les personnes âgées ou handicapées de gagner leur vie.

On peut citer l’exemple de la pratique de la culture du safran à Taliouine qui est un héritage familial. La pratique de la culture du safran est un héritage familial. Le transfert des savoir- faire se fait de père en fils, ce qui ne demande pas une formation spécifique. L’enclavement et la pauvreté de la ville font que le choix entre plusieurs emplois est quasiment minime à Taliouine. Les habitants de la zone se voient obligés de pratiquer une telle activité pour vivre.

Plusieurs familles vivent de cette récolte, sachant qu’une plantation bien conduite peut donner jusqu’à 6 kg/ha avec un revenu de 30.000 à plus de 35.000 dh/ha. Ces entreprises qui pratiquent cette culture du safran alimentent les marchés intérieurs et d’exportation.

Ces exemples montrent l’importance que peuvent avoir les SPL ou regroupements d’entreprises dans les zones urbaines et rurales pauvres. Les SPL ou regroupements d’entreprises mènent des activités dans des secteurs à forte intensité de main-d’œuvre. La constitution de tels regroupements permet réellement de créer beaucoup d’emplois et de générer des revenus substantiels susceptibles d’avoir un impact positif sur la réduction de la pauvreté.

3.2. Efficacité du système socioéconomique des SPL en termes d’externalités et d’actions communes sur la pauvreté

Les SPL représentent généralement des catalyseurs du développement et de la performance

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7 économique des entreprises qui les forment. En Italie par exemple, il a été prouvé que l’appartenance à un district accroissait la rentabilité des entreprises de 2 à 4%, en moyenne, du fait des économies d’agglomération créées par les SPL (DATAR, OCDE, 2001, p.8). Les regroupements d’entreprises permettent de réaliser des économies substantielles dans la recherche et l’acquisition d’intrants ou de services, d’attirer des opérateurs et d’offrir des coûts plus faibles.

Les externalités constituent un des éléments clefs des avantages que procurent les regroupements d’entreprises et qui qui créent un potentiel d’actions communes au niveau local. Selon Marshall (1971), les économies d’agglomération proviennent d’effets externes dispensés par le milieu économique où les firmes se situent et dont leur proximité spatiale, permet des relations particulières qui vont améliorer leur productivité. Le concept d’agglomération, quant à lui, fait l’objet d’un ensemble divers d’observations : il y a économies d’agglomération lorsque les bénéfices tirés par une entreprise, du fait d’être localisée à proximité d’autres firmes, augmentent avec le nombre de firmes localisées au même endroit.

Dans cette perspective, un dynamisme qui en découle sans doute de capacités de coopération s'inscrivant dans un système de développement local dans les deux SPL de dinanderie et de poterie à Fès: prêts d'équipements, échanges de commandes, d'informations, rencontres pour discuter de la meilleure façon pour améliorer la production. La coopération à l’échelle de ces regroupements d’entreprises permet de créer de véritables économies d'échelle externes pour : - l'achat des matières premières, - la création d'un sous-système de prix local, - la création d'un marché d'équipements de seconde main, - l'accès au crédit par la présence d'une banque locale aussi bien sur le site Ain Nokbi de la dinanderie que sur le site de Benjelik de la poterie, - la circulation de l'information relative au recrutement des apprentis et ouvriers et aux qualifications liées au marché local de l'emploi (Ouazzani, 2015). Ces regroupements d'activités similaires et /ou complémentaires, selon une logique de proximité sectorielle, nouent des relations qui « vont de la recherche d'une production spécialisée, qu'une seule entreprise n'est pas capable de réaliser au développement d'économies d'échelle importantes. » (Courlet, 1994, p. 18). Cela est favorisé grâce à l'existence d'une identité locale forte qui facilite cette coopération et cette réciprocité entre les entreprises (entre les PME, entre les PME et une ou plusieurs grandes entreprises, soit encore entre grandes entreprises) et les divers intervenants. Ces SPL sont ainsi cimentés par des traditions locales, de la confiance entre les acteurs qui valorisent un savoir-faire collectif. Ces gains d’agglomérations permettent d’améliorer le sort des producteurs et des travailleurs pauvres et d’atténuer ainsi la pauvreté, au fur et à mesure que les regroupements se développent.

Il y a aussi la question de l'innovation. La proximité entre les unités productives leur apporte non seulement des sources de productivité (économies externes) mais également stimule l'innovation. En d’autres termes, chaque entreprise, en acceptant de faire partie de la chaîne, permettra à l’ensemble de peser bien plus lourd sur le marché planétaire qu’une simple juxtaposition de performances individuelles (DATAR, 2002, p.6). En effet, au sein d'un système, les unités sont en contact fréquent entre elles, d'une manière formelle ou informelle, ce qui leur permet d'être au courant des innovations de produits et des évolutions de savoir- faire dans leurs métiers. L'appartenance à un réseau permet à une entreprise d'avoir accès à des connaissances et des technologies dont elle n'aurait pas pu bénéficier ou seulement à des coûts très supérieurs. C’est le cas des concentrations d’entreprises agricoles de la région du Souss Massa Draâ. Au niveau de ce territoire, des coopératives d’argan par exemple se réunissent pour produire leur production, et être plus compétitives. Ce qui entraîne une implantation d’unités de production (coopératives essentiellement) qui conduit à l’apparition d’effet d’agglomération. La concentration de ces coopératives a poussé les producteurs à coopérer pour moderniser les techniques de production de l’huile d’argan. Elles ont vu leur

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8 technique de production évoluer. Les différentes coopératives utilisent la technologie développée dans le cadre du projet Valorisation de l’Arganier réalisé par la Faculté des Sciences de Rabat3.

Une seconde action commune de ces coopératives c’est qu’elles travaillent étroitement avec les laboratoires de recherche et associations, au Maroc et à l’étranger afin de garantir une utilisation efficace de l’ensemble des composantes de ce fruit. Cette évolution au niveau des techniques de production a permis également une amélioration du chiffre d’affaires des coopératives impliquées. En termes de travail, ces concentrations d’entreprises englobent plusieurs possibilités professionnelles : travail à domicile, de salarié, travailleur indépendant, et également une imbrication profonde de la famille. Sans nier le rôle crucial que joue la main d’œuvre féminine dans ce type de structure, à l’aide de techniques traditionnelles pour le concassage des graines.

Ces agriculteurs se regroupent afin de surmonter des situations de pauvreté. Cet exemple de l’argan montre tout un processus de mobilisation de la population locale féminine, qui pour des raisons de « survie » s’associe et développe des solidarités dans la production d’une véritable chaîne de valeur autour de la filière de l’argan. Ainsi, de la simple récolte des fruits de l’arganier, à la production de dérivés d’argan (savon, huile cosmétique, huile alimentaire, etc.). Dans ce cas, les situations de marginalisation constitueraient l’une des raisons pour lesquelles les acteurs économiques locaux coopèrent. Ce cas illustre le rôle d’une volonté de la population locale à coopérer afin de surpasser les effets de la pauvreté.

Enfin, un dernier aspect de l’efficacité du système socioéconomique en termes d'externalités positives réside dans la division du travail comme il a été signalé par les deux auteurs K.

NADVIet H.SCHMITZ (1996, p.108) : « Lorsque le processus de production peut être fragmenté verticalement, une division du travail inter-firmes, basée sur la spécialisation du processus de production et du produit, peut avoir des conséquences positives sur les économies d'échelle et de champ ».

S’appuyant sur l’expérience de l’artisanat à Fès, on a conclu dans un travail précèdent (Ouazzani, 2015) que c’est dans les regroupements d’entreprises de la dinanderie, dans lesquels le processus de spécialisation est plus important, que les effets d’externalité positifs des regroupements sont les plus appréciables par rapport à d’autres filières comme la poterie.

La flexibilité de ces regroupements d’entreprises repose sur une division du travail, fondée sur des stratégies de spécialisation et de complémentarité. Outre un meilleur accès aux marchés, la mise en commun du marché du travail et une sous-traitance importante, les producteurs appartenant à des regroupements bénéficient au niveau local de retombées technologiques et de flux de connaissances, ce qui engendre des économies d’échelle et de gamme et augmente la productivité et améliore la qualité.

Ceci se vérifie pleinement dans d’autres filières également telles que la filière de l’argan à Souss Massa Draâ. Les liens de coopération sont beaucoup plus développés. Ils sont portés par un réseau dense de coopératives, qui interviennent sur l’ensemble de la chaîne de valeur d’un produit ou d’un ensemble de produits. Les liens de coopération permettent aux producteurs un positionnement compétitif et concurrentiel sur l’ensemble de la chaîne.

L’engagement réel des producteurs, la proximité, la volonté d’agir ensemble ainsi que la confiance, représentent les principaux éléments qui poussent les producteurs à entretenir des relations de coopération mutuelle. D’une manière générale, nous retrouvons les caractéristiques d'une forme d'organisation productive locale à savoir, la complémentarité, la coopération et la spécialisation.

Dans chacun de ces cas empiriques traités, on observe une prédominance de petites entreprises qui emploient une main-d’œuvre relativement pauvre. Dans chaque regroupement,

3Les rapports de partenariat de ces coopératives avec la Faculté des Sciences de Rabat à travers l’association Ibn Al Baytar ont connu une évolution progressive.

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9 les avantages de l’économie externe sont indispensables pour que les entreprises puissent être concurrentielles sur le marché local et sur le marché mondial, se développer et créer de nouveaux emplois.

Conclusion

Pour conclure, il nous semble utile de reprendre la problématique posée en introduction afin de préciser en quoi, par rapport à la question cruciale du rôle des gains que procurent les agglomérations et les actions communes dans les processus de constitution de regroupements d’entreprises, le sort des producteurs et des travailleurs pauvres se trouve nettement amélioré.

Nous avons montré que les SPL ou regroupements d’entreprises pouvaient jouer un rôle très important dans l’amélioration du bien-être des travailleurs et des petits producteurs pauvres.

En augmentant les perspectives de renforcement des capacités individuelles et collectives, l’existence même des regroupements change le contexte dans lequel ces travailleurs et ces producteurs opèrent. L’avantage non négligeable que confèrent ces regroupements aux producteurs réside dans une aptitude à s’adapter, à la fois aux contraintes évolutives du marché et aux changements technologiques, particulièrement rapides au cours des dernières années.

Il est clair qu’il existe des types particuliers de regroupements spécialement adaptés à l’action de réduction de la pauvreté, notamment les regroupements d’entreprises rurales et urbaines à forte intensité de main-d’œuvre qui créent le plus directement des emplois pour les pauvres.

Les petits producteurs et les travailleurs non seulement pouvaient survivre mais également se développer en renforçant leurs capacités et en menant des activités. Nous observons que ce processus est souvent accéléré par les avantages que génère la constitution de regroupements.

Les économies d’agglomération locales sont indispensables pour le développement, les capacités et le fonctionnement des entreprises engagées dans les regroupements. Les actions communes sont également importantes, en particulier dans le contexte de l’assistance apportée aux producteurs et aux travailleurs locaux face aux chocs externes.

L’environnement socioéconomique local joue également un rôle essentiel dans la promotion des unités productives, et partant dans le processus de constitution de regroupements d’entreprises. Ces regroupements d’entreprises ou SPL représentent un atout fondamental pour la revitalisation des territoires.

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