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Le mahdi Ibn Tûmart et al-andalus : l élaboration de la légitimité almohade 1

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Academic year: 2022

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Le mahdi Ibn Tûmart et al-Andalus : l’élaboration de la légitimité almohade 1

Abstract: Mahdism is one of the means offered by Islamic tradition to legitimize a ruler. It is of special relevance when the aim is to renovate society and to eliminate old politico-religious elites and create new ones. Mahdism might be seen as the continuation of the model khalîfat Allâh, i. e., the ruler as delegate or representative of God on earth, a model that was preserved by the Shiites but which the Sunnites eventually discarded in favour of the model khalîfat rasûl Allâh. Yet, the model has resurfaced in the Sunni community in differents periods and in different forms. The Almohad period (12th century) was one of them. This paper shows how Almohad Mahdism was shaped as a response to the political and religious establishment that the Almohads encountered when they conquered al-Andalus.

Résumé : Le mahdisme est l’une des voies offerte par la tradition musulmane pour légiti- mer un chef politique, particulièrement lorsque le but est de rénover la société et d’éliminer les vieilles élites politico-religieuses.

Le mahdisme peut être appréhendé comme la perpétuation du modèle du khalîfat Allâhc’est- à-dire du chef légitimé en tant que représentant de Dieu sur Terre, modèle conservé par les chiites;

les sunnites favorisant le modèle khalîfat rasûl Allâh. Malgré tout, à différentes époques et sous différentes formes, ce modèle a fait à nouveau surface dans le monde sunnite et la période almo- hade (XIIesiècle) fut l’une d’entre-elles.

REMMM 91-92-93-94, 107-124

* C.S.I.C., Madrid.

1. Je tiens à remercier D. Wasserstein, M. Acién Almansa et M. Cook pour leurs commentaires.

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Cet article montre à quel point le mahdisme almohade a été conçu comme une alternative au système que les Almohades rencontrèrent lorsqu’ils conquirent al-Andalus, et comme une justification au remplacement du personnel politique et religieux en place.

Allâhu rabbu-nâ MuÌammad rasûlu-nâ al-mahdi imâmu-nâ

« Dieu est notre Seigneur, MuÌammad est notre prophète, le mahdi est notre imâm » (Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad rasûlu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ).

Cette formule caractérise tant les monnaies frappées par le rebelle soufi Ibn Qasî, que celles frappées par les Almohades dans la première moitié du VIe/XIIe

siècle. Sur les premières, on accepte généralement d’identifier al-mahdîà Ibn Qasî lui-même (m. 546/1151) tandis que sur les secondes on l’identifie à Ibn Tûmart (m. 524/1130), le fondateur du mouvement almohade.

Le terme al-mahdîsignifie littéralement « le bien guidé (par Dieu) ». Dans le cas d’Ibn Tûmart, il a été interprété comme étant une référence à la figure eschatolo- gique musulmane d’al-Mahdî, celle-ci devant apparaître à la fin des temps pour éta- blir un règne de justice (García-Arenal, 1990). Et, en effet, quand en 627/1230 le calife al-Ma’mûn renonça dans un décret à la doctrine almohade, il se trouva dans l’obligation d’y rappeler que le seul Mahdi reconnu par l’islam orthodoxe était Jésus, fils de Marie. Le terme « mahdi » écrit avec une minuscule (afin de le distin- guer de la figure eschatologique, le Mahdi, avec majuscule) sert à désigner une figure qui elle aussi joue un rôle essentiel dans le salut du musulman et de la com- munauté musulmane, car elle garantit ce salut, non pas à la fin des temps, mais ici et maintenant (Madelung, 1986 : 1224b)2. Il y a une conception musulmane de l’histoire comme un éloignement progressif par rapport à la communauté parfaite atteinte à l’époque du Prophète MuÌammad. Cet éloignement établit un cycle de décadence pouvant se traduire par la formule « prophète - calife - roi ». Dans ce contexte, la figure du mahdi offre la possibilité de recommencer le cycle : « prophète - calife - roi - mahdi » (Fierro, 1994a : 110). En effet, cette figure du mahdi est liée au problème de la « continuité de la prophétie » (Friedmann, 1989) : une fois le Pro- phète disparu, peut-il y avoir un lien entre Dieu et les hommes qui garantisse à ces derniers qu’ils sont bien en train d’accomplir le mandat de Dieu dans son intégra- lité et avec certitude? Les chiites ont résolu le problème avec leur imam, qui pré- sente certains attributs de la prophétie et même de la divinité. P. Crone et M. Hinds ont démontré avec des arguments convaincants que l’imam chiite, en tant que délégué direct de Dieu (khalîfat Allâh), est la réponse que la communauté primi- tive musulmane adopta pour résoudre le problème concernant la continuité de la

2. Madelung rassemble diverses traditions dans lesquelles « le Mahdî n’est pas étroitement associé à la fin du monde ». En outre, il montre qu’après les premiers siècles le rôle eschatolo- gique du Mahdi a progressivement perdu de son importance (1986 : 1225a).

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prophétie. La solution de l’imam en tant que délégué du prophète de Dieu (kha- lîfat rasûl Allâh), solution généralement considérée comme étant la première à avoir été adoptée, aurait au contraire été postérieure. Elle fut conjuguée à la fonction reli- gieuse attribuée aux ulémas chargés d’interpréter le message religieux et juridique que le Prophète avait légué aux musulmans (Crone et Hinds, 1986)3. Parmi ces ulé- mas, certains bénéficient d’infaillibilité (al-`ulamâ’ al-ma`Òûmûn) (Crone et Hinds, 1986 : 98). C’est le cas des éponymes des écoles juridiques, notamment de Mâlik (Turki, 1982 : 43-47; 52).

Dans le cas d’Ibn Qasî, on a vu la même référence eschatologique que dans le personnage d’Ibn Tûmart. Cependant, l’élément qui caractérise le premier est son soufisme (Dreher, 1988). J’ai donc proposé que le terme « mahdi »,appli- qué à Ibn Qasî, soit interprété par rapport à une doctrine soufie que l’on peut faire remonter à Sahl al-Tustarî (m. 283/896). Ce dernier parla d’un imâmguidé par Dieu (mahdî), guide (hâdin) à son époque, tant dans les affaires spirituelles que dans les affaires séculières, qui serait appelé « l’étranger à son époque » (al- gharîb fî zamâni-hi) (Fierro, 1997 : 490)4.

Ibn Tûmart et Ibn Qasî

Nous ne connaissons pas toutes les réponses, à savoir quand, pourquoi, com- ment et avec quelle intention Ibn Qasî et Ibn Tûmart adoptèrent ce nom d’al-mahdî.

Il n’est même pas certain, en ce qui concerne Ibn Tûmart, que ce soit lui qui l’ait adopté5. La relation qu’il peut y avoir entre deux proclamations aussi proches dans le temps n’est pas claire non plus. Celle d’Ibn Qasî offre la chronologie la plus précise : une monnaie frappée à son nom est datée de 539/1144 ; elle présente la légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâet Ibn Qasî y est désigné comme al-imâm al-qâ’im bi-amr Allâh. Pour ce qui est des monnaies almohades, elles se caractérisent en général par l’absence de date6, de sorte que nous ne savons pas avec certitude à quel moment elles furent frappées avec la légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad rasûlu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. Récem- ment, des chercheurs portugais ont proposé l’hypothèse suivante : les Almohades

3. Voir une exposition plus détaillée dans mon compte-rendu dans Al-Qan†araVII, 1986 : 481- 485.

4. En ce qui concerne le concept de gharîb, voir Fierro, 2000.

5. La reconstitution des péripéties d’Ibn Tûmart après son départ d’Aghmat présente beaucoup de zones d’ombre. Il en est d’ailleurs ainsi pour toute sa biographie. L’événement qui a fait cou- ler le plus d’encre concerne la relation qu’il est supposé avoir eue avec al-Ghazâlî (Fletcher, 1997). Il ne faut pas oublier qu’Ibn Tûmart n’est pas le seul dirigeant charismatique à l’origine du mouvement almohade. À ses côtés il y avait aussi Bishr/Bashîr al-Wansharîsî, personnage obscur appelé par certaines sources al-masîÌ, le Messie. Les informations livrées par les sources au sujet de ces personnages peuvent être consultées dans R. Bourouiba (1974) qui, à mon avis, manque de sens critique à leur sujet.

6. Pour une explication possible à l’absence de date sur les monnaies almohades, voir Fierro, 2000 : 230-1.

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auraient copié Ibn Qasî en utilisant comme lui cette légende. Leur argument prin- cipal (outre l’existence de la monnaie datée de 539/1144) réside dans le fait que la monnaie frappée par Ibn Qasî en offre la version la plus correcte Allâhu rabbu- nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. En effet, MuÌammad est

« notre prophète » (nabiyyu-nâ), mais il n’est pas « notre envoyé » (rasûlu-nâ), sinon rasûl Allâh, « l’Envoyé de Dieu » (Telles Antunes/Sidarus, 1992 ; Sidarus, 19927). Cet argument implique que les Almohades ont été forcés d’utiliser une for- mule moins correcte pour se distinguer d’Ibn Qasî.

Il ne s’agit pas d’un argument décisif. S’il est possible qu’Ibn Tûmart n’ait jamais battu monnaie, il peut sembler logique de penser qu’`Abd al-Mu’min, lui, l’ait fait avant la conquête d’al-Andalus, au cours de la période écoulée entre sa pro- clamation en 526/1132 et la prise de Marrakech en 541/11478. Cependant, le fait est que l’on n’a pas la possibilité de le vérifier au moyen de monnaies pou- vant être datées (Kassis, 1997 : 322-3)9. Face à l’hypothèse que proposent les cher- cheurs portugais (et qui n’a pas suscité de consensus pour le moment), on consi- dère généralement que c’est Ibn Qasî qui copia la monnaie almohade. Mais cette opinion repose à son tour seulement sur ce que rapportent les sources almohades : les Almohades auraient commencé leur conquête d’al-Andalus après avoir lutté en faveur d’une doctrine almohade, caractérisée du point de vue poli- tique par un califat, fondé quant à lui sur la légitimité conférée au calife `Abd al-Mu’min par Ibn Tûmart, en tant qu’al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm.

Ibn Tûmart, al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm

Le mélange d’histoire et de légende dans ce que nous savons sur les origines du mouvement almohade a été mis en évidence par divers auteurs (Fierro, 1997 : 443-8)10. Dans l’étude de la biographie d’Ibn Tûmart et la doctrine qui lui est attribuée, il convient de s’interroger sur les sources qui nous parlent de l’une et

7. Sidarus cite J. Rodrigues Marinho,1968 ; voir aussi J. Rodrigues Marinho, 1985.

8. Je dois cette observation, formulée lors d’une conversation privée, à Monsieur Salvador Fontenla, spécialiste en numismatique almohade, qui m’indique en outre qu’il y a des monnaies almohades où on lit nabiyyu-nâau lieu de rasûlu-nâ(voir, par exemple, le cas mentionné dans la note 9).

9. H. Kassis 1997 : 322-3, signale une exception, un dinar frappé au nom de `Abd al-Mu’min en 541 dans l’atelier de Jaén. Mais cette monnaie appartient encore au style des dinars almoravides, même si elle mentionne l’amîr al-mu’minîn `Abd al-Mu’min ibn `Alîet incorpore la légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-mahdî imâmu-nâ. À mon avis, on peut interpréter ce dinar comme «de transition», indiquant peut-être que, aux origines du mouvement, les Almohades, ont battu monnaie de style almoravide et que, en tout cas, ils ont utilisé la légende Allâhu rabbu-nâ wa-MuÌammad nabiyyu-nâ wa-l-Mahdî imâmu-nâseulement après la conquête d’al-Andalus.

10. J’ai approfondi quelques-unes des idées exposées dans mon travail de 1997 lors de la confé- rence « Tres modelos de activistas religiosos y políticos en el Occidente islámico: Ibn Yâsîn, Ibn Qasî e Ibn Tûmart », que j’ai présentée lors du séminaire « Lenguaje y acción políticas y reli- gión », CSIC, Madrid, 21 mai 1997, dans le cadre du programme «Individu et société dans le monde musulman méditerranéen», organisé par la Fondation Européenne de la Science (atelier dirigé par M. García-Arenal).

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de l’autre. Celles qui sont les plus proches d’Ibn Tûmart, y compris al-Baydhaq11, s’intéressent moins à lui qu’à `Abd al-Mu’min, premier calife almohade, si bien que ce qu’elles disent d’Ibn Tûmart semble dépendre en grande mesure du pro- cessus de légitimation du calife `Abd al-Mu’min. On pourrait objecter que le Kitâb d’Ibn Tûmart constitue une source fidèle à la pensée du fondateur du mouvement almohade, mais nous n’en connaissons qu’une copie, datée de 579/1183-4 et, bien que des chroniques historiques fassent référence aux parties attribuées à Ibn Tûmart, on ne peut pas exclure que le texte qui nous est parvenu ait fait l’objet de remaniements ou de manipulations (Fletcher, 1991 et 1992). Il ne faut pas tenir compte uniquement des nécessités de légitimation de la dynastie almohade, mais aussi de l’évolution même du mouvement almohade (Fierro, 1997 : 445- 6), à tel point qu’il est difficile de préciser en quoi consiste ce que nous avons l’habitude d’appeler « almohadisme ».

L’almohadisme fut bien sûr une révolution. Elle a donc représenté une rupture par rapport à la société antérieure : on frappa des monnaies carrées et non plus cir- culaires; l’écriture cursive fut préférée à l’écriture coufique; les mosquées almora- vides furent purifiées et leur qiblacorrigée dans certains cas; de nouvelles formules furent utilisées pour faire l’appel à la prière et, par conséquent, il fallut former de nouveaux muezzins; les juifs et les chrétiens furent contraints de se convertir à l’is- lam (Fontenla, 1997; Martínez Núñez, 1997; Molénat, 1997); les musulmans devaient accepter le nouveau credo almohade afin d’être toujours considérés comme des croyants et non pas comme des hérétiques anthropomorphistes, ce dont étaient accusés les Almoravides; les dirigeants almohades se proclamèrent califes alors que les Almoravides avaient reconnu le califat `abbâsside. Tous ces changements étaient justifiés par le fait qu’il fallait revenir à la réalité de la communauté primitive du pro- phète Muhammad à travers les deux sources qui avaient préservé cette réalité, le Coran et la sunna; pour ce faire, il fallait remplacer les élites politiques et les élites religieuses qui, jusque là, avaient géré l’interprétation de ces sources. Sans pour autant prétendre réduire le problème à un schéma trop simple, il convient de s’interroger sur la façon dont ces deux objectifs ont été conjugués. On peut en effet se demander si c’est la prise du pouvoir par la combinaison, en termes gellnériens, « prédicateur urbain (Ibn Tûmart, `Abd al-Mu’min) / tribu militante (berbères MaÒmûda) » qui a fait surgir la nécessité d’une doctrine révolutionnaire, et non pas vice-versa. La première pos- sibilité ne semble pas avoir été envisagée jusqu’à présent, or je crois qu’elle mérite de l’être.

La première source non almohade qui nous parle de la doctrine almohade la défi- nit comme madhhab fikr, et ainsi que l’ont montré Laroui (1994) et Nagel (1997),

11. Dans l’ouvrage historique d’al-Baydhaq (qui se présente comme le disciple d’Ibn Tûmart) manque la première partie qui traitait du mahdîIbn Tûmart avant son arrivée en Égypte. Dans l’ouvrage historique d’Ibn ∑âÌib al-Òalât (m. après 594/1197) manque aussi la partie sur la pre- mière période almohade. Le livre qu’Ibn ∑âÌib al-Òalât a écrit sur Ibn Qasî (Thawrat al-murî- dîn) est perdu. On peut se demander si cette absence indique une « censure » des origines du mouvement almohade par les Almohades eux-mêmes.

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Ibn Tûmart apparaît dans son Kitâb, et plus particulièrement dans la partie connue sous le titre d’A`azz mâ yu†lab, comme un faqîh mujtahid, son objectif étant de pla- cer l’édifice de la charia sur de nouvelles bases en donnant un rôle central à la rai- son et en insistant sur la relation de dépendance existant entre ce monde et la divi- nité (Fierro, 1999b)12. Le rôle de la raison dans l’appréhension de ce monde et de la divinité apparaît comme la principale caractéristique de la vie intellectuelle almo- hade, qu’il s’agisse du développement de la philosophie ou de celui du soufisme. En outre, la rénovation dans le domaine des fondements du droit semble avoir été parmi les principaux objectifs d’Ibn Tûmart, de sorte que l’on doit supposer que l’effort réformateur des califes almohades a probablement porté sur la jurispru- dence. Cet effort a effectivement été accompli. L’étude de la politique légale et reli- gieuse des califes almohades (Fierro, 1999b) montre pourtant deux choses. D’une part, les problèmes posés par la recherche d’une alternative claire face au « mâlikisme almoravide » contre lequel ils s’étaient soulevés. D’autre part, la faible utilisation de la figure d’Ibn Tûmart dans les efforts que les califes almohades réalisèrent pour trou- ver cette alternative. Il est vrai que les « nouveaux » musulmans devaient apprendre la profession de foi tûmartienne (il n’y a d’ailleurs aucune mention d’al-Mahdi, ni dans la ‘Aqîda, ni dans les deux Murshida-s), et que, dans les documents qu’ils émettent, les califes almohades insistent sur le fait que le retour au Coran et à la sunna du Prophète se faisait à l’instigation des enseignements d’Ibn Tûmart. Les califes almo- hades s’opposèrent fermement à l’existence de divergences (ikhtilâf) dans l’inter- prétation de la loi divine. À ce sujet, souvenons-nous de la célèbre anecdote entre le calife almohade13et le faqîhmâlikite Ibn al-Jadd : quand ce dernier essaya d’ex- pliquer au calife les raisons pour lesquelles il y avait des divergences entre les juristes, le calife lui répondit qu’il y avait uniquement le Coran et la sunnad’un côté, et l’épée de l’autre. C’est le pouvoir politique qui, finalement, déterminait la manière dont il fallait interpréter le message de Dieu et de son prophète. Cette voie, la plus logique, semble avoir été suivie par la révolution almohade sous le gouvernement des califes mu’minites : Ibn Tûmart était favorable à l’ijtihâdmais opposé à la doctrine suivant laquelle toutes les solutions obtenues par un interprète qualifié de la loi étaient valables (kull mujtahid muÒîb); ainsi, c’était Ibn Tûmart et ses succes- seurs, les califes almohades, en tant que contrôleurs de l’ijtihâddes juristes almo- hades, qui devaient indiquer le droit chemin14. C’est dans ce sens que l’on doit

12. Sur la relation entre le rôle de la raison et le mahdisme, voir Fierro, 1999b.

13. Il s’agit du second caliphe almohade Abû Ya`qûb Yûsuf (558/1163-580/1184). On doit cor- riger l’identification avec al-ManÒûr (580/1184-595/1198), ce que je fais dans Fierro, 1999b : 236.

14. La similitude de cette position avec celle de certains soufis se reflète clairement dans ces paroles du soufi MuÌyî l-dîn Ibn `Arabî (m. 638/1240) : « Le Mahdî imposera la loi de l’Islam par le sabre, et Jésus sera l’un de ses wazîrs; il sera infaillible dans son idjtihâdsans recourir à l’analogie juridique (Èiyâs) et les fuÈaha’des diverses écoles seront ses adversaires tandis que les saints Òûfis seront ses partisans naturels » (Madelung, 1986 : 1226a). Les Almohades, cependant, ont accepté le qiyâs(Brunschvig, 1955 ; 1970).

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comprendre la fonction des noms donnés à Ibn Tûmart : « le mahdi connu, l’imam infaillible » (al-mahdî al-ma`lûm al-imâm al-ma`Òûm).

La première partie rappelle que l’apparition du Mahdi a été décrite dans les sources musulmanes d’après des signes qui furent reconnus chez Ibn Tûmart. Ainsi, un opuscule eschatologique inséré dans le Kitâbattribué à Ibn Tûmart contient des attaques contre les Almoravides qui sont accusés d’être anthropomorphistes et d’avoir pris part à des innovations. Le dernier chapitre explique que six élé- ments permettront de reconnaître le mahdi : sa noblesse acquise (Ìasab), c’est- à-dire, pour avoir établi le parti des Almohades (Ìizb al-muwaÌÌidîn); sa noblesse héritée ou sa généalogie (nasab), en tant que descendant de Fâ†ima (une des- cendance fâ†imî fut attribuée au berbère Ibn Tûmart) ; l’époque et le lieu où il apparaîtra ; ce qu’il dira ou fera (A`azz mâ yu†lab, éd. ™âlibî, 1985 : 240-54).

La deuxième partie nous parle d’un imâm, plus qu’ « impeccable », « infaillible », et indique que le leader est à l’abri de l’erreur, tout comme les prophètes (Chau- mont, 1992 ; Abrahamov, 1993). Les califes almohades n’ont pas poussé le capi- tal politique et religieux que leur offrait cette « infaillibilité » d’Ibn Tûmart jus- qu’à l’extrême chiite (l’ont-ils essayé ?)15. De même, et bien que le fait d’être ses héritiers le leur eût permis, ils ne se sont pas réclamés de cette « infaillibilité » (Garulo, 1995 : 151)16. À mon avis, il est possible que les califes almohades aient envisagé d’imposer un code légal unifié, du genre de ce qu’Ibn al-Muqaffa` avait suggéré au calife `abbâsside al-ManÒûr dans sa Risâlat al-ÒaÌâba(Fierro, 1999b).

Mais, si ce projet a existé, il n’est pas parvenu à se matérialiser. Par contre, le fait qu’ils soient califes et héritiers du Mahdi justifiait que les Almohades créent de nouvelles élites, les †alaba, qui se trouvaient sous leur dépendance tant du point de vue de leur formation que de leur subsistance (Fricaud, 1997). C’est essen- tiellement lors de la formation de ces nouvelles élites que s’est concrétisé le potentiel révolutionnaire visant à l’instauration d’un nouveau califat, légitimé à travers la personne d’un leader directement guidé par Dieu, et infaillible.

Ibn Tûmart et Ibn Yâsîn : deux modèles différents ?

En principe, Ibn Tûmart aurait pu devenir une figure semblable à celle de son prédécesseur, Ibn Yâsîn, berbère également, et leader du mouvement almoravide.

Leurs biographies présentent beaucoup de points communs. Toutes deux répondent au modèle gellnérien d’un prédicateur urbain qui rejette le pouvoir politique éta- bli et qui s’adresse aux tribus militantes en dénonçant, au nom de la loi sacrée, le gouvernant impie (Gellner, 1983 : 55). Fletcher en est venu à dire que le mahdisme d’Ibn Tûmart « simply provided the formulation of the leadership role traditionally

15. Dans Fierro, 1999b : 232, j’explore les relations de l’« almohadisme » avec le chiisme.

16. Garulo (1995 : 151) a mis en évidence la manière avec laquelle les califes mu’minites se sont présentés comme l’équivalent de Josué, face au modèle de Moïse, représenté par Ibn Tûmart.

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granted by Berber custom to the holy man » (Fletcher, 1992). Mais s’il en est ainsi, pourquoi n’y a-t-il pas eu de mahdisme dans le cas d’Ibn Yâsîn? On s’interroge d’au- tant plus que parmi le matériel biographique concernant Ibn Yâsîn, on trouve faci- lement des éléments susceptibles d’avoir été développés vers le mahdisme17.

Selon mon hypothèse, c’est l’establishment politico-religieux auquel chacun d’eux dut faire face avec la conquête d’al-Andalus qui a conditionné le mahdisme d’Ibn Tûmart et le non mahdisme d’Ibn Yâsîn. En d’autres termes, je pense qu’à l’origine les mouvements almoravide et almohade, en tant que combinai- son « prédicateur urbain/tribu militante », n’avaient pas prédéterminé la forme politique qu’ils finiraient par adopter après s’être emparés d’al-Andalus (région du monde musulman qui possédait une tradition étatique qui manquait dans le Maghreb) poussés par l’élan guerrier que leur `aÒabiyyatribale donna à la pré- dication islamisatrice de deux personnages charismatiques. C’est au contact de la réalité politique andalouse que se fixèrent les deux solutions qui différencient les Almoravides des Almohades18.

Au moment de légitimer leur gouvernement, les Almoravides ont maintenu la solution conçue par les rois de Taifas qui les avaient appelés sur la Péninsule.

Celle-ci consistait à reconnaître un ambigu al-imâm `abd Allâh amîr al-mu’mi- nîn19. Il s’agissait avant tout d’une déclaration de loyauté envers le principe cali- fal ; elle ne fut dotée que lentement d’un contenu clairement `abbâsside, et devait aboutir à la formule inéquivoque al-imâm `abd Allâh al-`abbâsî. Celle-ci appa- raît pour la première fois sur des monnaies frappées en 535/1140 (Wasserstein, 1993 ; Clément, 1997). Deux circonstances contribuèrent à ce que les Almora- vides adoptent la solution que les royaumes des Taifas avaient apportée au pro- blème califal. D’une part, le fait qu’il y eut sous leur gouvernement plus de conti- nuité que de rupture dans le monde des ulémas20. D’autre part, le fait qu’ils ne soient jamais parvenus à contrôler complètement les élites locales andalouses, pas même celles qui les avaient soutenus dans leur intervention sur la Péninsule.

Celles-ci n’accordèrent aux Almoravides la légitimité pour les gouverner qu’avec

17. C’est le cas d’actions miraculeuses et d’impositions légales légitimées par le fait qu’elles étaient fondées sur son autorité. Al-Bakrî en est venu à dire que, longtemps après la mort d’Ibn Yâsîn, les ∑anhâja préféraient prier avec quelqu’un qui avait été en contact avec lui plutôt qu’avec quelqu’un de plus vertueux mais qui ne l’avait pas connu.

18. Dans ce sens, il est intéressant de comparer les carrières d’Ibn Yâsîn et d’Ibn Tûmart avec celle d’al-Murâdî, le faqîhmâlikite et théologue ash`arite qui accompagna le chef Abî Bakr b. `Umar al-Lamtûnî vers le Sud lorsque la division almoravide se produisit avant la conquête d’al-Andalus.

Le souvenir d’Ibn Yâsîn et d’Ibn Tûmart dans la mémoire de leurs partisans était lié à la réalité politique qu’ils avaient rencontrée en al-Andalus : Ibn Yâsîn fut considéré comme un faqîhmâli- kite et Ibn Tûmart comme un mahdi. Al-Murâdî, lui, fut converti en saint (Kassis, 1992).

19. Sur l’ambiguïté de la formule al-imâm ‘abd Allâh, cf. Wasserstein, 1993.

20. Cette situation a été sans doute influencée par la faible présence de ulémas dans le Maghreb et donc le besoin d’utiliser les ulémas andalous. Le remarquable contraste entre le monde des ulémas andalous, si développé, et le monde des ulémas maghrébins, presque inexistant (comme le montre l’absence de dictionnaires biographiques), mériterait d’être étudié.

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beaucoup de réticence, aussi étaient-elles prêtes à la remettre en question à la moindre erreur qu’ils commettraient. C’est ce que montre l’épisode de la lettre d’Ibn Abî l-KhiÒâl (Guichard : 1990-1991, I, 91-2). Elles étaient prêtes également à manifester leur hostilité à des coutumes et à des usages qui leur étaient étran- gers, tels que le port du voile pour les hommes almoravides alors que les femmes allaient à visage découvert. Sans entrer ici dans la complexité des relations entre gouvernants et gouvernés à l’époque almoravide, déjà mise en évidence par P. Gui- chard21, je crois que l’absence d’élites juridico-religieuses dépendant directement des Almoravides fut l’une des causes principales de leur fragilité politique.

Contrairement aux Almoravides, les Almohades ne furent pas invités sur la Péninsule. Les élites andalouses qui s’étaient soulevées contre les Almoravides, avec les cadis comme leur « leaders », étaient prêtes à essayer l’auto-gouvernement (Fierro, 1992). Au même moment, dans une zone rurale de la Péninsule, éloi- gnée du contrôle des élites religieuses traditionnelles et en marge du contrôle de l’État centralisé, un mouvement soufi, celui d’Ibn Qasî, se lança lui aussi à la conquête du pouvoir politique. Il s’appuyait sur des bases doctrinales où la figure du mahdi sembla avoir occupée une place bien précise (Fierro, 1999a : 188-9)22. Les Almohades durent définir leur légitimité face à ces deux mouvements, celui des cadis andalous qui avaient usurpé le pouvoir politique, et celui des soufis. Leur anti- « mâlikisme almoravide »23rendait légitime leur lutte contre les juges qui s’étaient emparés du gouvernement de plusieurs villes andalouses. En outre, le mahdisme de leur leader Ibn Tûmart leur permettait, en toute légitimité, d’ôter son titre à Ibn Qasî et de l’obliger à accepter le commandement almohade, du moins dans une première phase.

21. L’interprétation de la maqâma barbariyyacomposée par al-Ashtarkûwî (m. 538/1143) met en évidence cette complexité : cf. les différentes conclusions des études réalisées par I. Ferrando, 1991 ; J.T. Monroe, 1997. Tandis que Ferrando y voit l’évidence d’une attaque andalouse contre les Berbères, Monroe y voit au contraire la reconnaissance, de la part des Andalous, de leur nécessité d’être gouvernés par les Almoravides. Il est possible que ces deux interprétations soient correctes et qu’elles reflètent les sentiments contradictoires des Andalous vis-à-vis de leurs gouvernants berbères.

22. À l’époque almoravide, le soufisme est le mouvement qui, du point de vue théorique, a le plus développé le problème du commandement spirituel de la communauté. C’était sans doute grâce à l’existence de gouvernants directs, les Berbères almoravides, auxquels on ne reconnaissait pas ce commandement spirituel, et à celle d’un gouvernant indirect, le calife `abbâsside, trop éloigné pour être effectif. À l’époque des Taifas, la même solution avait mieux fonctionné car les gouvernants directs et leurs troupes n’étaient pas perçus comme des étrangers. Voir sur les Almoravides comme des étrangers Fierro, 2000 : 259, note 91.

23. Je le définis ainsi et non pas comme de l’« anti-mâlikisme » tout court car, comme le montre Nagel dans l’article qu’il publie dans ce même numéro, la doctrine attribuée à Ibn Tûmart pré- sente beaucoup de points communs, du point de vue juridique, avec le mâlikisme. L’almohadisme, selon les textes analysés par Nagel, pourrait être interprété comme un mâlikisme « réformé » (Fierro, 2000 : 240-3 ; 1999b : 238-9). Une question pour l’instant sans réponse est celle de savoir si cette caractéristique de l’almohadisme reflète une phase spécifique de son évolution, c’est-à-dire, le moment où les Almohades ont du établir un compromis avec les savants malikites.

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Ces deux éléments (anti-mâlikisme almoravide et mahdisme) existaient-ils dans le mouvement almohade avant la conquête d’al-Andalus ? Peut-être oui, peut- être non ou peut-être qu’ils étaient parmi les développements possibles de ce qu’avait été l’expérience tûmartienne. Même s’il se peut que la solution mahdiste ait été fortement présente aux origines du mouvement almohade, j’incline à penser qu’elle ne s’est fixée sous la forme que nous connaissons qu’au moment de la conquête d’al-Andalus, qui la rendit indispensable pour légitimer le gou- vernement almohade. Cette solution permettait aussi de résoudre l’un des pro- blèmes auxquels les Almoravides avaient dû faire face : l’appui que leur prê- taient les élites andalouses manquait de ferveur. Celles-ci en effet soutenaient les Almoravides car elles avaient besoin du potentiel militaire des tribus berbères, mais elles n’étaient pas disposées à accorder la légitimité du droit à gouverner à des gens qui étaient différents des Andalous. Aussi les Almohades décidèrent de se passer de ces élites, craignant qu’elles n’adoptent une conduite semblable à celle qu’elles avaient adoptée face aux Almoravides, et ils créèrent les leurs propres : celles-ci se trouvant sous leur dépendance dans tous les domaines, ils s’assu- raient qu’elles ne pourraient leur ôter le droit de gouverner.

L’hypothèse que je propose ici s’inscrit dans un schéma plus vaste qui montre clairement que la construction de la légitimité en al-Andalus a toujours été étroi- tement liée à la légitimité à laquelle on souhaitait mettre un terme et contre laquelle on prétendait lutter.

Le mahdi omeyyade

Le calife omeyyade al-Îakam II profita de la fête organisée dans le palais califal de Cordoue en 363/974 à l’occasion de la fin du jeûne (`îd al-fi†r) pour commémorer son triomphe sur le gouvernant idriside nord-africain Îasan b. Qannûn al-Îasanî. Dans l’un des poèmes récités au cours de cette célébra- tion, et qui fait référence au calife omeyyade, celui-ci est appelé al-mahdî et mahdî l-wulât(Pinckney Stetkevych, 1997)24. Les califes omeyyades andalous ne furent pas les premiers à être désignés ainsi. Le terme al-mahdî(que ce soit au sens eschatologique, au sens de réformateur religieux, ou aux deux sens du terme) avait déjà été attribué à leurs ancêtres orientaux, les califes omeyyades de Damas (Crone et Hinds, 1986 ; Madelung, 1986 : 1221/b), ainsi qu’aux Idris- sides (García-Arenal / Manzano, 1995) en tant qu’héritiers de l’expérience « mah- diste » du `Alide al-Nafs al-Zakiyya (m. 145/762), aux `Abbâssides (Bacharach, 1993)25et aux Fâ†imides (Halm, 1996 ; Madelung, 1986 : p. 1228a)26.

24. Voir aussi Ibn Îayyân, 1965 : 196-202, poème de MuÌammad b. ShukhayÒ. Ce poème affirme que le sang du calife peut soigner la rage. Cf. un membre de la famille du Prophète qui était capable de ressusciter les morts et de soigner les lépreux dans L. Capezzone, 1996 : 425-32.

25. Bashshâr b. Burd donna le nom d’Al-Mahdî au fils du calife `abbâside al-ManÒûr car il cor- rigeait les corrompus et faisait couler le sang des débauchés (Chokr, 1993 : 252).

26. Sur l’utilisation du même nom à d’autres époques, voir H. Moehring, 1997 : 177-224.

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Qualifier al-Îakam II demahdîfut l’un des nombreux recours qu’utilisèrent les Omeyyades andalous pour légitimer leur adoption du titre califal, processus complexe et sophistiqué (Fierro, 1989 ; Martínez-Gros, 1992 ; Safran, 1998)27. Succédant à son grand-père `Abd Allâh, `Abd al-RaÌmân III fut proclamé émir en 300/912. Après avoir étouffé les rébellions internes qui avaient menacé le gou- vernement omeyyade en al-Andalus, celui-ci s’écarta de la politique suivie par ses prédécesseurs et se proclama calife en 316/929. Cette mesure fut en partie moti- vée par la nécessité de contrer la propagande du califat fâ†imide proclamé en Ifrî- qiya en 297/909. `Abd al-RaÌmân III n’a pas seulement adopté le laqab al- nâÒir li-dîn Allâhgrâce auquel on le connaît. Il semble qu’il ait aussi utilisé celui d’al-qâ’im bi-llâh. Un laqabtrès proche de ce dernier a été utilisé pour la pre- mière fois par le deuxième calife fâ†imide (r. 322/934-334/945). Le terme al-qâ’im a une forte connotation messianique dans l’islam ismâ`îlite ; concept central de la doctrine fâ†imide, il est aussi au centre de sa propagande. Le fait qu’`Abd al- RaÌmân III ait utilisé un laqabcontenant ce terme doit être compris dans le sens où il lui était nécessaire de contrer la propagande fâ†imide : face au qâ’im bi-amr Allâhque les hérétiques chiites attendaient28, les sunnites d’al-Andalus pou- vaient offrir un qâ’im bi-llâhen la personne d’`Abd al-RaÌmân III. Dans l’Islam, le changement de siècle a de fortes résonnances eschatologiques et est associé à l’apparition d’un rénovateur (mujaddid) (Landau-Tasseron, 1989). `Abd al-RaÌ- mân III semble avoir su tirer parti de cette croyance, et le fait que son ascension au pouvoir ait coïncidé avec le début du IVesiècle de l’hégire l’y a sans doute aidé.

Ainsi, dans l’une de ses lettres à ses alliés d’Afrique du Nord, il affirme que Dieu lui a permis de rénover (yujaddid) les traditions (sunan) en voie de disparition.

En 317/929, les Qarmates assaillirent La Mecque et s’emparèrent de la Pierre Noire du sanctuaire principal de l’islam. `Abd al-RaÌmân III sut exploiter le scandale provoqué par cette profanation, notamment dans la propagande dirigée à ses alliés d’Afrique du Nord, en mettant l’accent sur la décadence du califat `abbâsside ainsi que sur le droit d’être calife que lui conférait l’héritage (mîrâth) de ses ancêtres.

Dans les lettres qu’il adressa à ses alliés, `Abd al-RaÌmân III affirmait qu’il com-

27. Tant qu’ils ne furent pas califes, les Omeyyades andalous durent affronter deux modèles

« mahdistes » d’opposition : le mouvement d’al-Fâ†imî et celui d’Ibn al-Qi††. (Fierro, 1987). Le premier était influencé par l’expérience mahdiste d’al-Nafs al-Zakiyya (Fierro, 1996). Le mou- vement d’Ibn al-Qi††, qui se développa sous le règne du grand-père de `Abd al-RaÌmân III et qui semble avoir été provoqué par un agent ismâ`îlite, répond clairement au modèle « prédica- teur urbain / tribu militante ». Il a probablement beaucoup influencé `Abd al-RaÌmân III dans sa décision de se proclamer calife, car il montrait que la propagande fatimide, avec son modèle de khalîfat Allâh, pouvait triompher en al-Andalus. Le cas d’Ibn ÎafÒûn est particulièrement intéressant étant donné qu’il a essayé tous les moyens de légitimation qui étaient à sa portée : reconnaissance des califes `abbâside et fâ†imide, reconnaissance des idrisides, conversion au christianisme et peut-être même imitation du modèle ommeyyade (Fierro, 1995).

28. On a vu que le même laqabfut utilisé par le soufi Ibn Qasî.

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battrait en Orient les `abbâssides qui n’avaient pas su défendre le territoire de l’Is- lam et citait des transmissions et des traditions (riwâyât, âthâr) qui semblaient favorables à cette opération et faisaient de lui le protagoniste. En somme, `Abd al-RaÌmân III utilisa avec habileté tous les moyens à sa portée, à la fois pour légi- timer sa proclamation en tant que calife et pour contrer la propagande fâ†imide.

La littérature eschatologique fut l’un de ces recours (Fierro, 1989).

Un autre moyen décisif consista à se présenter comme un défenseur de la tra- dition (sunna) et comme le destructeur des hérésies. Cette mesure n’était pas uni- quement théorique : `Abd al-RaÌmân III promulgua une série de décrets contre les masarrites et commença à les persécuter. Parmi les différentes tendances reli- gieuses accusées de soutenir Ibn Masarra, il y avait celles qui croyaient que l’au- torité spirituelle n’était représentée ni par le calife, ni par les ulémas, mais par d’autres types de personnages, des leaders spirituels tels qu’Ibn Masarra, c’est-à- dire une autorité mystique et quasi prophétique, qui pouvait rivaliser avec l’au- torité califale (Fierro, 1999a). Face à cette menace, le calife omeyyade était le bien guidé, le rénovateur de la religion, le défenseur de la véritable tradition pro- phétique et le destructeur des hérésies. Les califes omeyyades andalous éliminè- rent les personnages possédant une autorité mystique et donnèrent leur soutien aux ulémas mâlikites dont ils officialisèrent la doctrine. Avec eux ils imposèrent un monopole juridico-religieux tout en se réservant les décisions finales en cas d’hérésie.

`Âmirites face aux Omeyyades : la figure d’al-Qăânî

À la mort d’al-Îakam II (350/961-366/976), le pouvoir effectif passa aux mains d’Ibn Abî `Âmir al-Ma`âfirî. En raison de ses succès militaires dans le jihâdet de ses actions pour la défense de l’orthodoxie, qui s’était matérialisée avec la purge de la bibliothèque d’al-Îakam II, celui-ci adopta le nom d’al-ManÒûr (« le Victo- rieux »). Le fils d’al-ManÒûr, al-MuÂaffar, poursuivit le modèle établi par son père en maintenant formellement le califat omeyyade. L’auteur d’un article récent montre qu’il est possible qu’al-ManÒûr ait lui-même essayé de se proclamer calife (Bariani, 1996)29. C’est `Abd al-RaÌmân Sanchuelo (m. 399/1009), un autre fils d’al- ManÒûr, qui mena à bien cette tentative. Il essaya de légitimer sa proclamation comme héritier du calife omeyyade de différentes manières (Fierro, 1996). On a

29. Cf. Guichard, 1995, qui conclut que le surnom adopté par Ibn Abî `Âmir n’a jamais été « al- ManÒûr bi-llâh ». En ne s’attribuant pas un nom honorifique de type califal, Ibn Abî `Âmir aurait fait preuve de prudence en matière politico-religieuse. Mais en choisissant « al-ManÒûr », je crois qu’Ibn Abî `Âmir étudiait les possibilités du califat. Il aurait effectivement pu se limiter à utiliser « al-ManÒûr », mais le terme en soi évoquait « al-ManÒûr bi-llâh », de la même maniè- re qu’un titre comme « al-Mahdî » évoquait « al-Mahdî bi-llâh », même si cette dernière partie n’est pas toujours spécifiée. J’ajoute qu’« al-ManÒûr » a aussi pu être choisi comme référence à un personnage messianique yéménite (Madelung, 1986 : 1223a).

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raconté notamment qu’il prétendit être al-Qăânî, une figure eschatologique chez les arabes du Sud supposée apparaître à la fin des temps pour imposer la justice avec la force de son bâton. Sanchuelo pouvait être al-Qăânî parce que sa famille des- cendait d’arabes yéménites (ma`âfirites), contrairement aux omeyyades, arabes du Nord ou qaysites. Ibn `Idhârî nous informe qu’il y avait une prédiction selon laquelle les omeyyades allaient être détrônés par quelqu’un qui réunissait les quali- tés d’al-ManÒûr, notamment sa descendance yéménite (nasab) et la couleur jaune des paumes de ses mains (aÒfaral-kaffayn– Ibn ‘Idhârî, éd.1951 : II, 257). Ibn `Idhârî toujours, note qu’au moment de sa mort et de sa défaite, Sanchuelo avait les mains et les pieds teints avec du henné (muÒfarral-yadayn wa-l-rijlayn bi-l-Ìinnâ-Ibn

‘Idhârî, éd. 1930 : III, 74). Divers leaders yéménites qui s’étaient soulevés contre les califes omeyyades d’Orient furent connus sous le nom d’« al-AÒfar al-Qăânî » ou simplement d’« al-AÒfar ». Je crois que la couleur jaune associée à Sanchuelo fait référence à cette figure d’opposition aux Omeyyades (Fierro, 1998) : le recours à des précédents historiques permettait de construire une opposition convaincante face à la légitimité que l’on prétendait renverser. Bien que pour les Yéménites les possi- bilités d’accéder au pouvoir finirent par être totalement exclues, il ne faut pas oublier qu’au cours des premiers siècles de l’Islam, ils essayèrent à plusieurs reprises d’éta- blir et de légitimer cette possibilité. Le souvenir de ces tentatives perdura dans l’Oc- cident islamique, non seulement en raison de l’apport démographique yéménite qui fut très important, mais aussi parce qu’au cours du processus d’acculturation arabo- musulman, certaines tribus berbères s’attribuèrent des généalogies yéménites30.

Le modèle eschatologique utilisé par Sanchuelo a donné lieu à ce que quelques- uns des prétendants au trône pendant l’époque de la fitnautilisent le titre d’al- Mahdî (Clément, 1997 : 251).

L’opposition aux Almohades

En se proclamant premier calife almohade, le Berbère Zanâta `Abd al-Mu’min s’attribua une descendance qaysite. Il manifestait ainsi son désir d’établir l’ana- logie « Prophète - khulafâ’ râshidûn » / « Mahdi - califes mu’minites », mais l’analogie réelle se concrétisa avec les califes omeyyades andalous31dont les mu’minites utilisèrent l’art (Cressier, 1994 : 164-7) et voulurent récupérer la capi- tale, Cordoue. Aussi n’est-il pas étonnant de constater que l’opposition andalouse face aux Almohades ait presque toujours pris une tournure pro-`abbâside. C’est ce que l’on a observé avec Ibn Mardanîsh et avec Ibn Hûd al-Mutawakkil32. Cer-

30. Le combat yéménite pour le califat, qui s’est toujours soldé par des échecs, mériterait de faire l’objet d’une étude monographique.

31. Al-Marrâkushî (m. après 621/1224) écrit son histoire des Almohades (Kitâb al-mu`jib fî tal- khîÒ akhbâr al-Maghrib) sans parler du Maghreb, de sorte que les Almohades apparaissent comme des successeurs des gouvernants d’al-Andalus et non pas des Idrissides, par exemple.

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tains l’expliquent par un sentiment religieux très hostile au califat almohade (Fierro, 1997 : 449), mais on peut aussi l’interpréter dans le sens où l’« omeyya- disation » des Almohades ne permettait pas à leurs opposants d’avoir recours au modèle ommeyyade pour se légitimer. Aussi étaient-ils contraints de s’orienter vers la légitimité qu’offrait le califat `abbâside.

La descendance qaysite adoptée par les mu’minites impliquait que ceux qui se soulèveraient contre `Abd al-Mu’min et ses descendants pourraient légitimer leurs prétentions en se présentant comme les ennemis traditionnels des Qaysites, c’est-à-dire comme des Yéménites. D’ailleurs, peu de temps après la mort du calife almohade Ya`qûb al-ManÒûr, en 595/1198, `Abd al-RaÌâm b. `Abd al-RaÌmân b. al-Faras se souleva chez les berbères Jazûla et se proclama « al-Qăânî »33. Plus tard, le chef almohade Abû Zayd ibn Wajjân (m. 625/1228), Berbère Hintâta, se révolta contre les Almohades. Les sources ajoutent à son nom le surnom « al- AÒfar », qu’il pourrait avoir adopté pour ses connotations yéménites (Fierro, 1998). Il faut aussi tenir compte du fait que, parmi les croyances eschatolo- giques musulmanes qui sont apparues après la mort du prétendant `alide-fâ†imide al-Nafs al-Zakiyya, il est dit que le Mahdi régnera pendant 24, 30, 39 ou 40 ans et que ce sont des califes de sa famille ou bien al-Qăânî qui lui succéderont (Madelung, 1986 : 1224b).

En guise de conclusion

Le mahdisme est l’un des recours qu’offre la tradition musulmane pour légi- timer un dirigeant du point de vue religieux et politique. C’est un recours par- ticulièrement utile lorsque l’objectif est de rénover les élites de la société. Cela implique aussi que toute action mahdiste apporte une doctrine de purification qui justifie d’une part l’élimination de ce qui existe, et qui est considéré comme une hérésie et, d’autre part, l’implantation de la nouveauté en tant que tradition retrouvée. Ce potentiel révolutionnaire rend le mahdisme particulièrement gênant dans le cadre de la tradition musulmane sunnite, celle-ci étant profon- dément marquée par la conviction qu’un gouvernant injuste vaut mieux que n’im- porte quel désordre social, et que c’est le consensus qui sanctionne ce qui relève de la tradition et ce qui relève de l’innovation. Le modèle mahdiste peut être consi- déré comme un vestige du modèle politique symbolisé dans la formule qui dit que le dirigeant de la communauté musulmane est khalîfat Allâh(« calife, délé- gué de Dieu ») et non khalîfat rasûl Allâh(« calife, délégué du Prophète de Dieu »). Ce modèle, préservé par les chiites, a été rejeté par les sunnites au cours

32. Voir Molina, 1995 (avec mention de bibliographie antérieure), ainsi que Guichard, 1990- 1991 : I, 139-145.

33. Il était un disciple d’Ibn Rushd (Averroes) et un expert dans les `ulûm al-awâ’il (Puig, 1992).

Je soulève l’hypothèse qu’il peut avoir combiné le messianisme avec l’idée du roi-philosophe qu’Ibn Rushd avait discuté en relation avec le calife almohade (Fierro, 2000 : 260).

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du processus de formation de l’Islam. Il est réapparu dans la communauté sun- nite sous des formes diverses et à différentes époques. Cette analyse montre que l’expérience mahdiste almohade s’est développée à l’intérieur d’un jeu complexe de relations avec les légitimités exercées auparavant et par des contemporains comme Ibn Qasî. Les protagonistes de ce jeu tissèrent ainsi un réseau dont la matière première était l’histoire même de la communauté musulmane.

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