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Conjoncture politique : comment concilier rigueur et confiance en l avenir

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Academic year: 2022

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directeur de la rédaction d’Alternatives économiques

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directeur du Centre de recherches politiques de l’Institut d’études politiques de Paris

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directeur général délégué d’Ipsos France, enseignant à l’École de communication de l’Institut d’études politiques de Paris

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Président de BAsF France

Que peut attendre un entrepreneur de la sphère politique en 2013 ? Tout d’abord, il nous faut évoluer dans un cadre juridique plus stable, tant au niveau français qu’européen. Cela constitue une condition des succès de l’entreprise. Ce message doit être entendu dans le débat public et au sein des administrations ainsi qu’au Parlement.

Ensuite, la France doit quitter l’état d’esprit qui la caractérise aujourd’hui, entre pessimisme et dépression. Oui la crise est une réalité, et nous devons nous attendre à d’autres tensions. Mais le pessimisme ne fera qu’aggraver les choses et pénalisera les entreprises. Bien au contraire, c’est en se dotant d’un meilleur moral, d’un moral de vainqueurs, que nous retrouverons le chemin de la reprise.

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Enfin, la jeunesse doit être placée au cœur de nos priorités, dans l’entreprise comme dans les projets du gouvernement. Si elle veut maintenir son rang de puissance qui compte, la France doit faire confiance à sa jeunesse. Des discours aux actes, l’enjeu des nouvelles générations demeure le point de départ de toute réforme efficace. Les jeunes attendent beaucoup de leurs aînés et sont conscients des difficultés qu’ils auront à surmonter. À nous, aînés du monde économique et politique, de les y aider, en faisant preuve de confiance dans l’énergie créatrice qui caractérise la jeunesse.

Concrètement, les décideurs doivent tracer un sillon dans lequel les jeunes puissent se reconnaître. Cette espérance collective est primordiale et doit réunir tous les indéfectibles optimistes qui ne peuvent se résoudre au déclin français et agissent pour l’avenir de la jeunesse.

Stabilité, confiance, jeunesse, optimisme : autant de mots à employer dans les discours du politique et à insérer dans les objectifs et les choix de nos gouvernants.

2012l’alternance

Avant de se livrer à des prévisions pour les prochains mois, il convient de dresser le bilan de l’année 2012. Année politique absolue puisque c’est en mai dernier que la gauche est revenue au pouvoir après dix ans d’absence et après une victoire présiden- tielle qu’attendaient les socialistes depuis 1988. Si elle fut à l’arrivée plutôt serrée, l’élection de François Hollande est cependant assise sur des convictions solidement vancrées dans la majorité de l’opinion. Quelles sont-elles ? Brice Teinturier estime que la majorité des électeurs aspirait, et aspire encore aujourd’hui, à des choix politiques raisonnés et équi- librés en même temps qu’ils font de la politique éco- nomique et sociale leur première priorité. Ces deux sentiments très perceptibles dans l’opinion expliquent le bon résultat de François Hollande, personnalité consensuelle et reconnue pour sa capa- cité à incarner la synthèse des socialistes.

À l’inverse, les positions clivantes et le discours identitaire de Nicolas Sarkozy n’ont pas permis au président sortant de rencontrer cette partie de la majorité des

électeurs aspire encore à des choix politiques raisonnés

et équilibrés en même temps qu’ils font de la politique

économique et sociale leur première

priorité.

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l’électorat modéré qui lui a finalement manqué au second tour, malgré un écart bien plus limité qu’on aurait pu le prévoir. 2012 a donc été l’année de l’alternance, qui néanmoins ne ressemble pas à 1981. Lassés par les idéologies, déçus par la classe politique dirigeante – et parfois même en situation de défiance à l’égard des élites au sens large –, les Français ont fait le choix d’une autre politique, en espérant d’elle qu’elle soit avant tout efficace sur le terrain de l’emploi et du pouvoir d’achat. Les questions de société restent secondaires.

Logiquement, les premiers mois du gouvernement socialiste ont donc été jugés à l’aune de la situation économique et sociale. Cette dernière étant particulièrement négative, François Hollande n’a pu bénéficier d’un état de grâce, puisque, au-delà des doutes qui se sont rapidement manifestés dans l’électorat de gauche dès le lendemain de son élection, le nouveau président était crédité de seulement 12 % d’opinions favorables au sein des sympathisants de droite.

Ce désaveu est quasiment inédit et révèle un niveau d’exigence sans précédent de la majorité, ainsi qu’un rejet fondamental dans l’opposition.

Souffrant des mauvais résultats sur le front éco- nomique et social, le couple exécutif a aggravé sa position à la suite des suppressions d’emplois annoncées à l’été. Brice Teinturier voit dans la fermeture du site PSA d’Aulnay et dans le plan social d’Alcatel deux signaux très emblématiques de l’inquiétude de l’opinion ces six derniers mois.

Alors que la disparition d’Aulnay illustre aux yeux d’une large majorité des Français une forme de déclin historique, les restructurations menées par Alcatel font craindre à l’opinion que le chômage de masse concerne désormais, après les ouvriers et les employés, les ingénieurs et les cadres.

2013l’épreuve

Jugés absents ou inefficaces devant une situation qui préoccupe lourdement l’opi- nion, le président et son Premier ministre ont donc subi une baisse rapide et spec- taculaire des approbations dont ils faisaient l’objet à leur entrée en fonctions. À quoi peut-on donc s’attendre pour l’année 2013, qui ne s’annonce guère plus flamboyante

les Français ont fait le choix d’une autre politique, en espérant qu’elle soit

avant tout efficace sur le terrain de l’emploi et du

pouvoir d’achat.

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au niveau économique ? Le couple exécutif semble entamer une phase d’atterrissage ou de stabilisation de sa cote de confiance. Cette dernière devrait certes rester très limitée et minoritaire, mais pourrait échapper à un décrochage plus net.

En effet, les nouvelles équipes ne souffrent pas de certains reproches qui étaient par exemple exprimés à l’endroit de Nicolas Sarkozy.

Certaines mesures telles que le Pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi sont bien accueillies par des Français qui ont conscience de l’enjeu industriel. Dans le même temps, les déci- sions de sérieux budgétaire ne sont pas brutale- ment récusées, dans le sens où elles ne sont pas jugées trop inéquitables. Cela constitue un atout pour le gouvernement et le chef de l’état, atout qu’il s’agira de conserver. À l’inverse, les sondages pourraient s’aggraver si les reproches qui ont été faits au gouvernement se confirment. En effet, le sentiment que l’équipe de Jean-Marc Ayrault navigue à vue sur de nombreux sujets et qu’elle est divisée sur les solutions à apporter à la crise demeure élevé dans l’opinion (exemple : Florange et le désaccord entre Matignon et Arnaud Montebourg). L’aggravation de cette perception initiale aurait des conséquences extrêmement lourdes pour la suite du gouvernement, dont on prévoit déjà qu’il pourrait être remanié rapidement.

Quellesréformes?Quellesméthodes?

La pédagogie des réformes menées par l’exécutif devra certainement être renforcée, d’autant plus que des décisions difficiles seront probablement prises en 2013. Pour atteindre les objectifs de réduction des déficits qu’il s’est fixé, le chef de l’état devra faire accepter aux Français des efforts significatifs. Thierry Pech rappelle ainsi que le rééquilibrage des finances publiques est en Europe bien plus rigoureux qu’aux états-Unis, où la stratégie d’ajustement budgétaire a été étalée sur une période de dix ans, contre seulement quatre ans en Europe. Or, à ses yeux, la société française, déjà critique à l’égard de la mondialisation, acceptera difficilement une cure d’aus- térité dont elle s’estime injustement victime. Pour faire passer la rigueur, François

Certaines mesures telles que le Pacte

national pour la croissance, la

compétitivité et l’emploi sont bien accueillies par des Français qui ont conscience de l’enjeu

industriel.

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Hollande ne pourra se permettre, comme ses prédécesseurs, de prévoir la baisse du chômage ou la hausse de la croissance à un horizon plus ou moins proche. Tous les sondages tendent à le prouver : parce qu’ils ne parviennent bien souvent pas à tenir leurs engagements, les décideurs suscitent une grande méfiance de la part de leurs concitoyens. Or, cette méfiance empêchera le gouvernement de faire accepter une politique d’assainissement budgétaire ambitieuse.

Il conviendrait alors, selon Thierry Pech, de chan- ger de récit et de discours. Premièrement, les dirigeants devraient être honnêtes sur la situa- tion économique du pays, et admettre devant les Français que la croissance ne risque pas de redé- coller significativement au cours des prochaines années. Deuxièmement, la fragilité matérielle des Français sur les questions de logement, d’éner- gie et sur les biens fondamentaux devrait être remise au cœur de la réflexion du gouvernement.

Le prix du mètre carré en France est en moyenne de 3 800 euros, alors qu’il est de 1 300 euros en

Allemagne. Cette comparaison n’est pas anodine, car la question du logement devient décisive : la plupart des pays qui engrangent de bons résultats au niveau de leurs exportations sont aussi les pays qui ne sont pas confrontés à la crise du logement.

Dans le même temps, le prix de l’approvisionnement en énergie pour les ménages a eu tendance à augmenter. Il convient donc de souligner le poids croissant et élevé des charges qui pèsent sur les particuliers. Comment dès lors envisager une nouvelle série de pressions sur le pouvoir d’achat des Français ? Il devient essentiel d’intégrer la précarité des ménages, et pas seulement des plus modestes, dans les paramètres de la politique sociale.

impossibles,lesréformes?

Dans la suite de Brice Teinturier et Thierry Pech, Pascal Perrineau livre un constat préoccupant sur l’état de l’opinion française. Depuis maintenant plusieurs années, cette dernière est caractérisée par un pessimisme très fort à l’égard de l’avenir et par un sentiment de défiance vis-à-vis de la classe politique, quelle que soit sa cou- leur. Cette morosité ambiante est plus prégnante en France, mais frappe aussi l’Eu-

la fragilité matérielle des

Français sur les questions de logement, d’énergie

et sur les biens fondamentaux

devrait être remise au cœur de

la réflexion du gouvernement.

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rope. Dans le récent Eurobaromètre consacré à la confiance des individus, 60 % des citoyens européens estiment que sur le terrain de l’emploi, le pire est à venir. De plus, un Européen sur quatre déclare se projeter sur un ou deux ans au maximum. La mon- dialisation est quant à elle vécue de façon négative par une grande partie des opinions publiques européennes. Frappés par une crise dont ils ne s’estiment pas responsables, les Européens rejettent les aspects souvent cités pour défendre la globalisation des échanges : le développement, l’émancipation des pays pauvres, la baisse des prix…

Mais au sein de cette tendance négative, la France se distingue par l’amplification de ce regard très sévère. Le divorce entre la société et la mondialisation atteint les mêmes proportions et les mêmes réflexes qu’en Grèce. Pour les Français, la structure de l’économie ne sert aujourd’hui que les grandes entreprises, sans impacter positi- vement les conditions de vie des individus.

Confrontée à la crise économique, la France n’en finit plus de s’interroger sur la place qu’elle tient aujourd’hui sur la scène internationale. Pascal Perrineau estime en effet que ce rejet de la mondia- lisation s’explique et s’amplifie à travers la « passion révolutionnaire » qui caractérise historiquement la nation française. Ces tensions propres à notre pays avaient du reste été définies par François Furet. Ce dernier avait mis au jour l’œil noir qui hante régu- lièrement notre pays en écrivant que la France pro- duisait « des enfants et des hommes qui détestent le régime social dans lequel ils sont nés, haïssent l’air qu’ils respirent alors qu’ils en vivent et qu’ils n’en ont pas connu d’autres ».

Attachés à la dimension universaliste de la puissance française, enclins à la révo- lution plutôt qu’aux réformes, préférant la souveraineté populaire à la démocratie représentative, les Français ont tenu au cours de l’histoire une place majeure dans le monde, dont ils regrettent l’érosion. N’a-t-on pas vu venir la montée en puissance des puissances du Sud ? Ne découvre-t-on pas trop tardivement la relégation de l’Europe, par rapport à ce qu’elle nommait à la Renaissance le Nouveau Monde ? En France, la perte d’influence de l’Occident est mal vécue. En d’autres termes, la France n’en finit plus de faire le deuil de sa puissance traditionnelle. Cela pèse lour- dement sur l’état d’esprit d’une société à laquelle la classe dirigeante a eu tendance à masquer la réalité.

Pour les Français, la structure de l’économie ne sert aujourd’hui que les grandes entreprises,

sans impacter positivement les conditions de vie des

individus.

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Lafrancefaceàl’expérienceitalienne

Une autre puissance de la « vieille Europe » décriée en son temps par Donald Rumsfeld, l’Italie, concentre les regards des observateurs. Avec étonnement, ces derniers découvrent le changement de fond et de style entre le gouvernement de Silvio Berlusconi et celui de Mario Monti. Composée d’experts peu ou pas politi- sés, l’équipe de l’ancien commissaire européen a engagé depuis novembre 2011 la réforme des systèmes social, administratif et judiciaire italien. Qu’il s’agisse de la réduction des dépenses publiques, de la libéralisation du marché du travail ou de la lutte contre la corruption des élites publiques, les Italiens acceptent depuis plus d’un an des mesures difficiles, dont on savait qu’elles devaient être prises depuis longtemps mais qui étaient ajournées par une classe politique largement contestée.

Comment expliquer ce passage de la démagogie politicienne au sérieux universi- taire ?

Alberto Toscano interprète la maturité de l’opinion italienne comme une volonté de rester arrimée à la construction européenne. D’une certaine manière, l’histoire se répète. Largement plus endettée que la France et l’Allemagne, l’Italie avait déjà dû instaurer en 1995 un impôt spécifique pour satisfaire les critères de Maastricht et se qualifier dans la zone euro. Aujourd’hui, Mario Monti marche sur les traces de Romano Prodi, soutenu par une opinion publique dont la principale crainte est d’être exclue de l’Europe et d’être tirée vers l’instabilité de l’Afrique.

Il semble ainsi qu’au regard de l’expérience Monti, la France et l’Italie empruntent actuellement des voies différentes. Un point commun demeure cependant. Ces deux pays partagent en effet le même défi, celui de construire une économie confiante et une société apaisée. D’un côté comme de l’autre des Alpes, les citoyens rejettent les élites et souffrent d’un pessimisme tenace. Cependant, à la défiance verticale qui caractérise les relations

entre élites et citoyens s’ajoute une véritable confiance horizontale, cette fois entre les individus et leur entourage plus ou moins proche (familles, voisins, environne- ment professionnel…). Positiver cette empathie vers autrui tout en confiant davan- tage à la jeunesse les clés du monde présent qui, avec ses menaces et ses atouts, doit être intériorisé par l’opinion ; tel pourrait être le beau et grand défi de l’ensemble des acteurs politiques, à tous les niveaux, pour 2013.

Ces deux pays partagent le même

défi, celui de construire une économie confiante

et une société apaisée.

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