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«Etude empirique sur la migration et l intégration des migrants subsahariens au Maroc au sein de la région Rabat-Kenitra»

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Academic year: 2022

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« Etude empirique sur la migration et l’intégration des migrants subsahariens au Maroc au sein de la région Rabat-Kenitra »

Mustapha EZZAHIRI

Enseignant-Chercheur

Faculté des Sciences Juridiques, Economiques et Sociales d’El Jadida Zah_mu@yahoo.fr

Résumé :

La présente recherche d’investigation et de prospection porte essentiellement sur la migration Sud-Sud, notamment auprès des pays devenant aujourd’hui des sociétés d’accueil (cas du Maroc). Cette recherche nous a permis de soulever une grande problématique inhérente aux migrants subsahariens se trouvant sur le territoire marocain ; et par voie de conséquence de répondre à la question de leur intégration dans la société marocaine. En ce sens, une étude de terrain a été réalisée à l’échelle de la région Rabat-Kenitra en tant que zone pilote de leur installation, et ce pour dégager les principales conclusions se rapportant à la situation de ces migrants durant leur durée de séjour au Maroc.

Sur le plan méthodologique, l’enquête a touché 1207 migrants subsahariens se trouvant sur la zone pilote de notre étude. Il s’agit d’un échantillon représentatif des migrants du Sud installés sur le territoire national. Les données récentes collectées, via un questionnaire adressé aux migrants, remplissant les conditions de notre échantillon, ont permis d’identifier quelques constats et de dégager des résultats statistiques pouvant être extrapolés à d’autres zones géographiques du Royaume où résident d’autres migrants du Sud, du fait que la démarche adoptée repose sur une méthode mixte mettant en jeux à la fois les variables qualitatives et celles d’ordre quantitatif les concernant.

Ainsi, au terme de cette recherche d’ordre purement empirique, nous avons pu soulever certaines questions afférentes à la migration Sud-Sud et au problème d’intégration des migrants subsahariens au Maroc en tant que nouveau pays d’accueil, notamment dans les domaines et secteurs de leur intégration. Il s’agit des questions multidimensionnelles, en l’occurrence : qu’on est-il des perspectives de l’intégration de ces migrants à l’heure des récentes crises ? Quel est l’effet de cette intégration sur le budget de l’État, notamment dans le domaine social ? Serions-nous en mesure de couper avec les politiques nationales de préférence pour les recrutements ? Quelle politique à mettre en œuvre au profit d’une nouvelle génération causée par le mariage mixte impactant la société marocaine ?

Mot clé : Migration, Migrants subsahariens, Intégration des immigrés, territoires de transit et de résidence, domaines d’intégration.

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Introduction :

La question migratoire est désormais devenue une question planétaire. La perception simpliste considère le phénomène migratoire comme une simple gestion des flux de migrants.

Ces derniers quittent leur pays d’origine pour s’installer ailleurs en espérant un avenir certain et prometteur. Ils traversent individuellement ou en groupe les frontières de manière légale ou illicite. Les raisons de la migration sont multidimensionnelles et se diffèrent d’un migrant à l’autre. En fait, au-delà de cette perception simpliste se projette une autre vision multilatérale engageant au même pied d’égalité les pays d’origine, les pays de transit et les pays d’accueil.

Cette vision prometteuse se voit pour objectif de permettre une intégration aussi fluide que sécurisée pour les pays d’accueil et pour le migrant lui-même.

À l’heure actuelle, la migration devient une question sensible nécessitant l’implication de toute la communauté internationale1 ainsi que la mobilisation de tous les acteurs concernés en vue de prévenir les effets pervers qui en découlent (délinquance, criminalité, terrorisme...) et de répondre aux aspirations légitimes des migrants 2 (santé, éducation, formation, logement…). C’est un phénomène majeur puisqu’il ne concerne pas seulement les hommes et les femmes adultes, mais touche également les mineurs. Sa gestion s’avère de plus en plus délicate au regard de ses multiples dimensions et de sa complexité dans le traitement des problèmes posés les concernant. Les études et recherches portant sur la problématique de la migration sont si considérables et incessantes, notamment à l’heure des crises économiques, financières et sanitaires à l’échelle internationale ; crises qui ont donné une nouvelle configuration de la migration et des flux migratoires.

Ainsi, le Maroc n’est plus comme auparavant en tant que pays à fort taux d’émigration vers l’Europe et une terre de transit regroupant les flux exorbitants de migrants africains pour un départ vers l’autre bout du monde. Il est devenu certes un pays de résidence, de stabilité et de bienveillance. En ce sens, à l’instar des autres pays de destination, le Maroc s’inscrit parfaitement dans l’optique irréversible d’intégration des migrants subsahariens dans le tissu socio-économique productif. En exécution stricte des décisions prises au plus haut niveau3, le Royaume est devenu un exemple phare des pays qui œuvrent pour l’intégration et qui travaillent inlassablement pour faciliter la régularisation de la situation légale de ces migrants en mettant en place une série de mesures d’accompagnement à même pour atteindre cet objectif.

En s’interrogeant sur le modèle d’intégration de ces migrants, ainsi que sur les chances de leur insertion au sein d’une société d’accueil, se posent certaines interrogations se rapportant aux débouchés de cette intégration, notamment la capacité du marché du travail marocain à absorber lesdits flux éloquents de migrants subsahariens. Il se pose également le problème relatif aux degrés d’adaptabilité de l’infrastructure hospitalière, de formation, d’éducation et d’habitat salubre au profit de ces migrants. Notre réflexion s’organise autour de quelques questions fondamentales, en l’occurrence : après plus de cinq ans de l’inauguration de la démarche Royale d’intégration des migrants subsahariens dans la société marocaine, quel bilan peut-on établir aujourd’hui ? Quelle serait l’esquisse d’une intégration réussie conciliant accès aux services sociaux et adaptabilité aux marchés de travail ?

1 Discours royal de SM le Roi Mohammed VI du 6 novembre 2013 à l’occasion de la fête de la marche verte.

2 Discours royal de SM le Roi Mohammed VI du 6 novembre 2007 à l’occasion de la fête de la marche verte.

3 Ibid.

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I/- La question migratoire au Maroc : états des lieux d’une migration de résidence

La question migratoire au Maroc est très ancienne par notamment son passé glorieux et ses habitudes ancestrales. Le Maroc a toujours cru aux valeurs humaines, d’égalité, d’hospitalité et de bienfaisance. Cette vocation ancrée de père en fils s’est renforcée encore une fois par la volonté Royale de régulariser et intégrer les migrants subsahariens se trouvant sur le territoire national d’une façon illégale et désirant s’installer définitivement ou momentanément au Royaume.

A cet égard, le Maroc tissait à l’aube de son indépendance des relations de coopération exemplaires avec ses racines africaines, tout en réservant chaque année des places importantes aux amphis de différents établissements à travers le Royaume pour les ressortissants africains de passage au Maroc. En outre, la coopération Maroc-Afrique, exemple de coopération Sud- Sud, exhorte davantage les pays frères et amis à travailler ensemble pour résoudre toutes les questions de migration à la lumière du pacte mondial d’immigration de Marrakech en l’an 2018.

Après un travail de longue haleine, la situation des migrants subsahariens au Maroc est métamorphosée vers une situation de migration légale en favorisant la régularisation de la situation légale des migrants et réfugiés africains au Maroc.

Dans notre étude menée, nous avons conduit une enquête de terrain axée sur un échantillon constitué de 1207 migrants subsahariens installés au sein des principales composantes territoriales relevant de la région Rabat-Kenitra. Pour se faire, nous avons formulé un questionnaire ouvert, volontaire et facultatif à l’attention des migrants de différentes nationalités se trouvant dans ladite région. Se basant sur l’aléatoire absolu, aucun critère de nationalité, de sexe, d’âge ou d’appartenance ethnique ou raciale n’a été retenu. Dans l’objectif de cerner au mieux les caractéristiques de la vie « migratoire ». Cette enquête a été réalisée durant les mois de septembre, octobre, novembre et décembre de l’année 2019 et les mois de janvier et février de l’an 2020 dans l’optique de comprendre les soubassements de la question migratoire au Royaume. Les résultats de cette étude se présentent comme suit :

1- Profils des migrants et itinéraires empruntés

Les diplômés du niveau supérieur (soit 43% du total) auront éventuellement des capacités d’adaptation nettement meilleures que leurs confrères ayant des niveaux d’étude limités ou précaires (soit 77% du total)4 ; ce qui facilite certainement leur intégration professionnelle. Soulignant à cet égard que ces migrants ont fait, dans la majorité des cas, l’objet d’un exode rural-urbain ou de mobilité interne, et ce bien avant de rejoindre les flux des migrants. Ceci s’explique bien entendu par le manque de moyen au milieu rural et la nécessité de possession d’un minimum d’argent pour financer le projet migratoire.

Ce constat amer se confirme avec le figuratif ci-dessous qui met en relief la situation sociale des migrants dans leurs pays d’origine qui ressorte que la majorité des sujets questionnés avaient un niveau de vie très bas dans leur pays de provenance ; ce qui plaide pour une migration à objectif purement social mettant en avant l’amélioration des conditions de vie d’ordre général.

À signaler que presque 39% des migrants sont des actifs occupés qui préfèrent se donner à la migration en vue d’un avenir certain.

Le Maroc est perçu actuellement non plus comme un pays de transit, mais également comme un pays d’accueil et de résidence. Ceci se confirme par la durée de séjour légal au

4 Voir annexe. Fig. 2.

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Maroc, qui pour plus de 75% des cas dépasse 1 an, avec plus de 11% des migrants ayant conclu plus de 6 ans de présence légitime au Maroc5.

Selon les données de notre enquête, la migration subsaharienne actuelle est due à plusieurs causes d’ordre politique, économique et social. En effet, du point de vue social, 58%

des personnes interviewées portent le projet migratoire pour l’amélioration de leur niveau de vie contre seulement 20% souhaitant poursuivre leurs études supérieures au Maroc. Sur le plan politique, 13% de ces migrants ont quitté leur pays d’origine pour des causes de tensions, de conflits armés et de guerres ; et à cela s’ajoutent l’instabilité économique et les effets néfastes de la sécheresse et des inondations6. Ceux-ci expliquent davantage la montée en flèche des nombres de réfugiés politiques, économiques et climatiques, tels que déclarés par l’UNHCR en l’an 2019 et au cours de l’année 20207.

L’accès au Royaume a été fait de façon illégale dans 64% des cas avec seulement 36%

des cas ayant opté pour un accès légal, le moyen de transport utilisé pour 42% des migrants étant l’avion, notamment pour les pays à accès libre sans visa, tels que le Sénégal et la Cote d’Ivoire. Si ce constat se confirme avec la question relative aux papiers de voyage, nous observerons que les deux tiers des migrants ou 67% d’entre eux ont fait usage de leur passeport uniquement.

En résumé, l’analyse des données collectées nous indique que le projet migratoire n’est pas un projet usuel, nécessitant un effort colossal de parcours du fait que deux tiers des migrants objets de notre étude sont entrés de façon irrégulière au pays ; ce qui complique davantage leur situation financière, administrative et légale. Du point de vue adaptabilité, il est clair que les migrants de notre échantillon sont dans la majorité des cas des détenteurs de diplômes supérieurs qui pourraient favoriser une intégration fluide à leur égard au sein de la société marocaine.

La régularisation de la situation administrative des migrants était d’un apport capital plaidant pour un niveau de motivation et de satisfaction plus au moine élevé, du fait que cette régularisation opte pour une intégration sans méfaits pour les migrants. L’intégration au sens marocain n’est pas synonyme d’embauche, ni de recrutement direct aux postes d’emplois vacants au secteur formel, mais c’est une initiative prometteuse de valorisation des migrants dans la société marocaine notamment en leur permettant un accès simple et simplifié aux différents services de l’État en guise d’une intégration facile et réussie.

2- Déterminants et objectifs de la migration

Certes, les déterminants d’une migration traditionnelle de la Rive-Sud vers la Rive-Nord de la méditerranée constituent une matière assez riche pour les chercheurs en sciences sociales en essayant de comprendre les soubassements de cette migration devenue de plus en plus sollicitée. L’amélioration de la situation sociale, la recherche d’un avenir meilleur, l’attractivité économique et la politique migratoire des pays hôtes constituent autant de raisons justificatives catalyseur d’une migration sud-nord classique (Péridy, 2010). Dans notre étude nous avons

5 Voir annexe 1. Fig. 1.

6 Voir annexe. Fig. 3.

7 Selon le dernier rapport du Haut-commissariat aux Réfugiés des Nations Unies (UNHCR), le nombre de réfugiés a atteint 8 994, dont 6 489 réfugiés et 2505 demandeurs d’asile en juin 2019. Suivant la même source, le Maroc, en tant que pays d’accueil et de transit de migrants de différentes nationalités, compte sur son territoire, durant le mois de septembre 2020, environ 11 960 réfugiés et demandeurs d’asile originaires de plus de 40 pays.

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essayé de passer à peigne la situation des migrants de notre échantillon, les résultats se présentent comme suit :

Au fil des dernières années, le Maroc s’est transformé en un pays de résidence-transit après s’être un passage obligé des migrants désirant regagner l’autre rive ; d’autres sont venus pour s’y installer. Dans notre cas, 58% des réponses optaient pour la résidence ; tandis que 25%

des migrants considèrent le Maroc comme un pays de transit et gardant même cette optique de migration vers l’Europe comme finalité escomptée.

Les migrants questionnés sont en grande partie enthousiastes à rester au Royaume, soit 75% des cas qui souhaitent s’installer au Maroc s’ils avaient le choix d’y demeurer. Cette tendance nouvelle est diamétralement opposée aux études antérieures menées dans ce même cadre (Mghari, 2008). Ce changement est expliqué par la métamorphose économique positive du Royaume, sa politique migratoire et les mesures hermétiques des politiques migratoires de l’Union européenne.

Au Maroc bien entendu, 72% des migrants n’y trouvent pas de place immédiate dans la fonction publique ni dans les secteurs formels comme l’indiquent les résultats d’observation.

Mais, les migrants subsahariens sur le sol marocain demeurent enthousiastes et expriment leurs volontés de s’installer définitivement au pays (39% des migrants) si les conditions de vie continuent à s’améliorer pour eux, notamment en ce qui concerne les salaires, l’acceptation sociale et l’insertion socio-professionnelle. Le reste des migrants questionnés (55%) espèrent un avenir meilleur chez eux et considèrent le projet migratoire comme une phase essentielle d’amélioration du revenu et une préparation matérielle pour entreprendre des projets lucratifs à leur pays d’origine.

Cette vision ne semble pas être étrangère aux standards d’immigration. Notons à cet égard que les migrants marocains de la première génération en Europe, ayant toujours gardé des liens solides avec leur patrie d’appartenance, ont presque tous entrepris des investissements au Maroc et une minorité minuscule d’entre eux est retournée définitivement au pays (conflit de générations). Mieux encore, ces immigrés constituent désormais une source fiable d’apport de devise.

En tout état de cause, 64% des migrants subsahariens au Maroc semblent être satisfaits de leur situation socio professionnelle au Royaume et affirment que ce sentiment de satisfaction s’est amélioré au fil du temps (58%). Toutefois, ce sentiment de satisfaction est moins positif par rapport aux salaires, car 66% des migrants questionnés affirment être sous-payés et espèrent une régularisation de leur situation financière. A noter qu’à ce propos, une fréquence cumulée de plus de 64% de la population est rémunérée entre 1000 et 4000 DH par mois. En effet, ce constat ne sort pas des standards des salaires au Royaume ; sachant que le coût total du SMIG au Maroc gravite autour de 32688 DH/mois.

En conséquence, ce dual salaire/satisfaction est loin d’être gagné. Nous avons constaté que la plupart des immigrés subsahariens consacrent une grande partie de leur salaire à l’épargne et souhaitent constituer un capital nécessaire pour débuter un projet individuel et/ou transférer une somme d’argent aux membres de leurs familles en souffrance financière au pays d’origine. Toutefois, le salaire ainsi perçu ne peut garantir à l’immédiat un avenir serein au pays

8 Les montants du SMIG et du SMAG ont été fixés par décret publié au B.O du 27 juin 2019 à un taux horaire de 14,13 DH pour les professions libérales et les secteurs de l’industrie et du commerce et à 73,22 DH/jour pour le secteur agricole à compter du 01 juillet 2019.

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de destination en l’état actuel. Il serait donc prématuré de parler d’un retour calculé à base des rémunérations cumulées.

II/- Intégration des migrants dans les sociétés d’accueil : analyse des données de l’étude empirique et détermination de résultats

L’intégration sociale constitue l’une des questions les plus épineuses dans le dossier de la migration de par le monde, car de son efficacité dépend, en grande partie, l’avenir entier du projet migratoire. La société en tant qu’un ensemble hétérogène de cultures et de traditions pourrait mettre autant d’entraves dans le cursus d’intégration comme elle pourrait également s’afficher accueillante, bienveillante et réceptive au nouvel entrant.

Dans notre échantillon, le constat phare que nous avons fait est que les migrants ont choisi délibérément de se constituer en groupe (32%) ou parfois mixte (23%) pour cohabiter.

Cette décision aux apparences anodines cache derrière elle une réalité amère. Les sujets de notre échantillon ont souligné à l’unanimité que seul un groupe organisé et suffisamment grand pourrait faire face à la cherté et la rareté des loyers au Royaume9.

Dans le but de creuser davantage cette allégation, plusieurs questions directes ont été posées à nos interlocuteurs qui affirment avoir souffert pour la prise à bail dans les conditions normales d’un logement décent dans la région de notre étude ; et ajoutent que la plupart des propriétaires se montrent plutôt réticents et parfois cupides par rapport à cette question. Ils ne veulent pas signer le contrat de bail ou mettent des conditions exagérément restrictives avant sa signature (cautions exorbitantes).

Dans notre analyse, il ressort que les migrants n’optent pas ou peu pour les logements de fortune. Soulignons en ce sens que 1% de ces migrants habitent les Bidonvilles et 4% pour les SDF10. Cela s’explique par la saturation des bidonvilles dans les grandes villes et par l’action massive de l’État pour éradiquer ce type de logement inapproprié. Malgré toutes les souffrances ressenties avant la signature du contrat de bail, 49% des migrants logés semblent être satisfaits de leurs situations sociales, soit le même taux de satisfaction par rapport au quartier de leur résidence.

1. Intégration et accessibilités

La question sanitaire, quant à elle, constitue une préoccupation majeure pour les migrants ayant subis des retombés néfastes de leurs trajets de migration et même pour ceux souffrants de quelques maladies chroniques ou occasionnelles. Au Maroc, le système de santé est fondamentalement réparti entre deux grands secteurs ; un secteur public majoritairement gratuit et un secteur privé totalement payant.

Dans notre échantillon, 67% des migrants ayant consulté une fois, ou moins, un service de santé au Maroc, avec une fréquence quasiment similaire entre le secteur public (29%) et le secteur privé (29,5%). Notons à cet égard que dans la majorité des cas, 52% des consultations ont été faites à titre gracieux ; sinon le migrant-consultant aurait payé une facture de moins de 100 DH dans 19% des cas. Ce montant demeure bien en deçà de la vraie facture due. Ce grand accès est justifié d’abord par l’exécution des hautes instructions Royales relatives à la prise en

9 Voir annexe. Fig. 4.

10 SDF signifie les Sans Domicile Fixe ou les personnes sans ressources n’ayant aucun logement régulier pour dormir, se laver ou recevoir du courrier. Ce sont en général des personnes qui vivent dans la rue et échappent à tout contrôle de l’État.

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charge sanitaire des migrants et immigrés, soit 24% de ceux se trouvant sur le territoire national d’après notre enquête. Cet accès s’explique également par la forte participation de la société civile ayant pris en charge 15,33% d’entre eux, notamment par des actions caritatives visant l’amélioration de l’accessibilité des migrants aux structures de soins et de santé à travers le Royaume.

Le Royaume, en partenariat avec le programme des Nations-Unies pour la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles (MST), a entrepris des démarches importantes pour le dépistage, la prévention et le traitement des MST notamment en ce qui concerne le VIH. Ce programme concernait en premier lieu les migrants subsahariens illégaux sur le territoire national. Cette tendance s’est accentuée avec la décision Royale visant la régularisation de la situation des migrants installés dans les différentes zones du Royaume depuis l’an 2013.

Dans un registre similaire, sur les 1207 observations, uniquement 7% de ces migrants possèdent une couverture médicale (adhérent ou bénéficiaire)11 ; et 93% d’entre eux ne connaissent plus le Régime d’Assurance Médicale (RAMED)12 initié par le gouvernement marocain depuis 2012. Ces chiffres alarmants nous interpellent sur l’effort que doit consentir l’État pour améliorer l’accessibilité des migrants désirant adhérer à ce régime. L’effort devrait également être axé sur la vulgarisation de l’information puisque presque la totalité des migrants subsahariens ignore l’existence dudit régime et la simplification des procédures administratives d’usage.

Dans la même perspective, la formation professionnelle constitue un levier fondamental d’une intégration réussie. Le Maroc d’aujourd’hui met l’accent davantage sur l’accompagnement professionnel des métiers dits pratiques. Quant à ce volet, le pays déploie annuellement plus d’efforts en matière de qualification et de perfectionnement des compétences des jeunes dans les divers centres de formation en mesure de forger une d’œuvre de qualité.

Certes, actuellement, les migrants subsahariens ne bénéficient pas ou peu de ce type de formation étatique ; mais plusieurs associations ont développé une stratégie d’intégration basée sur la formation dans le cadre de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).

Si l’immigration dans sa facette actuelle n’est ni synonyme de contrat de travail préétabli ni une opportunité d’adhésion directe au secteur formel marocain, le Royaume œuvrera inlassablement pour mettre à niveau un arsenal juridique capable de garantir aux migrants et immigrés leurs droits en tant que citoyens marocains à part entière.

2. Culture et insertion sociale

S’agissant de l’insertion sociale, notre échantillon s’avère très positif quant à la perception de la satisfaction du voisinage et des fréquentations quotidiennes. En effet, sur les 1207 personnes interrogées, 49% semblent très satisfaites de leur résidence, de leur voisinage et de leurs fréquentations. Ce sentiment de satisfaction est dû essentiellement à la sécurité des résidences (36%) et du confort d’habitation (29%). Malgré l’existence d’une base assez importante de migrants (31%), l’aspect général des personnes interrogées témoigne de leur gratitude à l’égard des familles de leur entourage pour leur soutien et leur bienveillance.

11 Voir annexe. Fig. 6.

12 Le Régime d’Assurance Médicale (RAMED) est une sorte de couverture médicale de base instaurée dans le cadre de la Loi 65-00 visant le droit d’accès aux soins de santé, notamment auprès des personnes vulnérables économiquement ne bénéficiant pas d’une d’assurance maladie obligatoire

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Le sentiment d’appartenance des migrants par rapport à leur pays d’origine semble être confirmé dans notre étude. De ce fait, 62% des migrants fréquentent d’autres migrants de la même nationalité. Ce comportement normal se justifie d’abord par le sentiment de sécurité réciproque ressenti en présence de leurs concitoyens, de l’existence d’une certaine mémoire collective nationale les réunissant, et surtout de la nature de trajets qu’ils avaient empruntés ensemble depuis leur pays de résidence vers le Maroc, soit 21% des migrants qui se sont rendus au Maroc en groupe et à pied. Ces migrants fréquentent également les autres migrants des autres nationalités (28%) et contactent moins les Marocains de leur entourage (10%).

De surcroit, 36 % des migrants attestent avoir des amis marocains et 70% d’entre eux sont favorables aux mariages mixtes avec des Marocains ou Marocaines13. Cette tendance majoritaire est justifiée par leur volonté d’accès inconditionnel aux droits de résidence et au libre accès à la nationalité marocaine pour leurs progénitures (24%).

La question d’intégration socio-professionnelle exige une volonté réciproque de tous les intervenants du pays d’accueil, en l’occurrence le migrant lui-même, son employeur et ses camarades de travail. En ce sens, les sujets de notre étude confirment avoir la volonté d’intégration et d’insertion sociales. D’ailleurs, plus de 65% des migrants estiment être bien intégrés ou au bon chemin d’intégration contre une base de 34% qui se voient toujours marginalisé et loin d’être au point d’intégration. Cette dualité de position dépend de plusieurs facteurs endogènes et exogènes, voire même historiques. À titre d’exemple, les ressortissants sénégalais, gabonais et ceux de la Côte d'Ivoire se sentent très bien intégrés par rapport à d’autres ressortissants d’autres pays installés sur le territoire marocain.

La liberté de culte, de culture et de traditions pèse lourdement dans la perception d’insertion dans presque tous les projets de migration de par le monde. À cet égard, le Maroc, fidèle à ses principes de liberté et de respect de l’autre, ne ménage aucun effort pour assurer l’exercice libre et spontané des mœurs, des us et des traditions de tous les ressortissants se trouvant occasionnellement ou définitivement sur le sol marocain. De ce fait, 65% des interrogés attestent avoir accès libre à l’exercice de mœurs et de traditions de leur pays d’origine contre 10% réclamant avoir été victime de restrictions abusives d’exercer des traditions, des festivités et des mœurs nationales par des ressortissants marocains.

En fait, la discrimination raciale, qui constitue l’une des entraves majeures à l’intégration et à l’insertion sociale, est un facteur de risque important qui pourrait éventuellement être à l’origine des frictions sanglantes, voire mortelles, entre les antagonistes.

Les exemples d’actes criminels, voire terroristes, perpétrés par des migrants de par le monde à cause des discriminations raciales sont très éloquents. Les États-Unis d’Amérique et l’Union européenne ont assisté à des actes sanglants à cause de cette discrimination.

Au Maroc, les valeurs de tolérance et de la paix sociale triomphent face à tous mouvements extrémistes puisque 62% des migrants attestent n’avoir jamais subis d’exactions raciales depuis leurs avènements sur le territoire national. Dans le même registre, le Maroc se veut un garant incontesté de libre culte de par le monde, depuis l’intronisation de SM le Roi Mohamed VI ; ce qui preuve que le Royaume est désormais devenu un rempart solide de libre croyance.

Cette volonté royale se voit confortée par la nouvelle constitution du Maroc de 2011.

En ce sens, 70% des migrants affirment exercer librement leurs confessions sans craintes ni

13 Voir annexe. Fig. 7.

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pressions. De même, la communication semble favoriser l’intégration et l’insertion des migrants dans les sociétés d’accueil, notamment les rapprochements linguistiques (histoire coloniale commune). De ce fait, 64% des migrants n’éprouvent aucune difficulté pour la communication avec les citoyens marocains.

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Conclusion :

L’engagement des pays de l’Union européenne dans une politique migratoire sévère qui va à l’encontre des migrants du Sud ainsi que la prolifération des mesures restrictives d’accompagnement qu’ils avaient mises en œuvre participent à la montée en puissance des flux migratoires au sein de quelques pays du continent africain ; et donc du rôle catalyseur que peut jouer le Royaume du Maroc en matière d’immigration. Dans ce sens, la lutte contre l’immigration n’a jamais passé par le renforcement des mesures de sécurité, de sureté et de fermeture surveillée des frontières, mais passe obligatoirement par le biais du développement réciproque et de la valorisation de l’Homme.

Dans cet ordre d’idées, telles que soulevées dans la présente recherche, un constat emblématique s’affiche : celui de la tendance centrale de considérer le Maroc comme un pays de résidence et non de transit. Ce changement de doctrine migratoire est dû essentiellement à l’engagement du Maroc dans une nouvelle politique migratoire et aux mesures d’accompagnement mises en œuvre à l’égard des migrants subsahariens installés au Maroc, d’une part, et à l’ampleur des mesures draconiennes engagées par l’Union européenne empêchant ces migrants d’atteindre l’autre rive de la Méditerranée, d’autre part.

Le Maroc en tant que nouveau pays de destination, ou de « substitution migratoire », offre un climat propice d’immigration, compte tenu d’une politique migratoire rénovée ouverte au nouvel entrant, d’une dynamique économique en perpétuelle évolution et d’une stratégie d’intégration saluée de par le monde. Les migrants y trouvent une alternative africaine prometteuse remplaçant dignement le « Rêve Européen ».

Du point de vue diplomatique, le Maroc d’aujourd’hui se veut un leader régional et continental incontesté, travaillant de durs labeurs pour assoir son noble dynamisme de lutte contre la pauvreté, la traite humaine et l’esclavage sous toutes ses formes, et ce en collaboration avec ses pays frères africains dans la perspective de surmonter les lacunes constatées au niveau des domaines et secteurs prometteurs d’intérêt commun et d’assurer un avenir serein pour les migrants subsahariens voulant s’installer au Maroc. Ainsi, le partenariat Sud-Sud se veut un véritable catalyseur de droits des migrants, d’une vie plausible et d’un avenir prometteur pour ces migrants.

De surcroit, les migrants subsahariens au Maroc, espérant ou non mettre pied sur l’autre bout de la rive méditerranéenne, ont presque tous un même objectif celui de l’amélioration des conditions de vie. Cet objectif simpliste à l’utopique semble être réalisable au Maroc notamment avec les facilités de régularisation mises en œuvre par le Royaume. L’implication de ces migrants dans des projets de société favorise leur intégration à fortiori dans les projets de l’économie sociale et solidaire. Ces occasions dorées attirent favorablement les migrants au Maroc en tant qu’alternative de résidence.

Le Maroc en tant que pays de résidence, ne ménage aucun effort pour l’intégration des migrants subsahariens dans la société marocaine, surtout dans le contexte actuel de son évolution marqué par différentes réformes d’ordre politique, économique et social. La population migratoire actuelle est composée essentiellement des jeunes, célibataires, à la recherche d’emploi. Cette situation de jeunes migrants serait inlassablement modifiée au cours des années futures, notamment avec l’avènement d’autres migrants auprès des mêmes pays africains. Le mariage des migrants actuels (mixte et du même pays) entrainerait certainement l’apparition d’une nouvelle génération de migrants nés sur le sol marocain nécessitant un

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traitement à part entier. Dans ce cas-là, nous serions peut-être dans l’obligation d’ouvrir un grand débat existentiel des conditions d’acquisition de la nationalité marocaine aux étrangers nés au Maroc.

Jusque-là, certaines questions épineuses méritent d’être posées : qu’on est-il des perspectives de l’intégration des migrants subsahariens dans les divers domaines et secteurs d’activité socio-économique à l’heure des récentes crises ? En ce sens, serions-nous en mesure de couper avec les politiques nationales de préférence pour les recrutements ? Dans le cadre du mariage mixte entre les Marocains et les Africains, quel serait le sort des enfants nés sur le territoire national ? Est-ce que le Maroc de demain serait capable de fermer la porte devant ce mariage et faire face aux problèmes qui en découlent (liens, appartenance, croyance...) ? À l’égard de ce mariage, quel impact d’une nouvelle génération sur le budget de l’État ou sur les finances publiques notamment dans le domaine social ? Autrement dit, quelle politique à engager et quelles mesures d’accompagnement à mettre en œuvre au profit des jeunes enfants en matière de scolarité, de santé et des services publics ?

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Annexe

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Bibliographie

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Références

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