CHROMATOGRAPHIE DES PROTÉINES
DU LACTOSÉRUM DE BREBIS
J.
L. MAUBOISC. BOUILLANNE Barbara NISTCHKE Station centrale de Recherches laitières et de
Technologie
des Produits animaux,Centre national de Recherches
zootechniques,
Jouy-en-Josas(Seirze-et-Oise)
SOMMAIRE
’
La
séparation
desprotéines
du lactosérum de brebis sur colonne de D.E._1.E.-cellulose a été étudiée. Douze fractions peuvent être décelées. Leurhomogénéité
a été étudiée parélectrophorèse
sur
papier.
Cette dernièretechnique, complétée
par laspectrophotométrie
en UV et la recherchedes
anticorps agglutinants
etantitoxiques,
apermis
l’identification despics correspondant
à la lacto-peroxydase,
auximmuno-globulines,
à laf3-lactoglobuline
et à la sérum-albumine. Laséparation
de constituants à base d’uridine et de
guanine,
nondialysables,
a été obtenue par filtration surSephadex
G 100.INTRODUCTION
Peu d’études
analytiques
ont été consacrées auxprotéines
du lait de brebis.D>;u
TSCH
( 1947 )
parélectrophorèse
selon Trs!W us décèle huit constituants dont il donne les mobilités. DWArtvnrr et AGnBnBynrr( 19 6 2 ) séparent
et dosent 4 fractions seulement parélectrophorèse
surpapier.
RAVAIOLI et GiovENAu(ig6i)
observentdes différences de mobilités
électrophorétiques
entre lesprotéines
du lactosérum de vache et celles du lactosérum de brebis et notent chez labrebis, l’importance
rela-tive d’un constituant
qui,
à luiseul, représente
73p. 100 desprotéines
du lactosérum.Notre travail avait pour but de mettre au
point
unetechnique
de fractionne- ment et dedosage
desimmuno-globulines qui
soit à même de confirmer les résultats obtenus par Pr,oMM!T(ig6q.)
sur lasynthèse
desanticorps
dans la mamelle. Nousavons été conduits à étudier les
protéines
du lactosérum de brebis à l’aide d’une méthode deséparation
différente del’électrophorèse (sur papier
ou selonTisELius),
la
chromatographie
suréchangeurs
d’ions.( 1
) Adresse actuelle : Laboratoire de Recherches de Technologie Laitière, Centre de Recherches agro-
nomiques de l’Ouest, Rennes, France.
L’homogénéité
despics
isolés parchromatographie
sur colonne de D.E.A.E.cellulose a été étudiée par
électrophorèse
surpapier.
Les meilleuresséparations
surcolonne
ayant
été obtenues à unpH
voisin de celui del’électrophorèse, l’interpré-
tation des
diagrammes
obtenus avec les deuxtechniques
s’en est trouvée facilitée.MATÉRIEL
ETTECHNIQUES
Préparation
desprotéines
du lactosérumDeux types de
préparation
ont été réalisés àpartir
de laits demélange
ou individuels de brebisappartenant
au troupeau du C. N. R. Z.(race Préalpes
duSud).
a)
Précipitation
selon ASCHAFFENBURG et DREWRY( 1959 ).
- Le volumepréconisé
par les auteurs pour le lait de vache a été modifié. A z5 ml de lait entier, dilués à 80ml et portés à35 °C,
on
ajoute
en agitant 4ml de CH3COO11 à 10p. 100,puis
5-10 minutesplus
tard, 4 ml de Cll,,COONa;on
complète
à 100inl.Après
refroidissement, on filtre surpapier
Whatman n° 3MM.b)
Précipitation
de la caséine avec HCI N. - Le lait écrémé, dilué au 1/2, chauffé à35 °C
est tamené à
pH
4,5avec HCI N. Le surnageant decentrifugation
est filtré surpapier
Whatman n° 3MM.Les 2 types de filtrats sont
dialysés
d’abord contre l’eau courante(i nuit), puis
contre l’eaudistillée
pendant
4-5jours
(5fois 20volumes).
Ledialysat
est de nouveau filtré surpapier.
Un effet,un
précipité
très minime, dont la nature n’a pas été étudiée, se forme au cours de ladialyse.
Lefiltrat est
lyophilisé.
Lesproduits lyophilisés
sont conservés auréfrigérateur (+ 4 °C).
Chromatographie
sur coloytne de D.E.A.E.-celluloseLa D.E..!.E.-cellulose SERVA est lavée par la soude et par le tampon
pipérazine-NaCI pH
4,4selon SEMENZA
( 19 6 0 ).
Des colonnes de 3 X 20 cm ont été utilisées. Leschromatographies
ont étéréalisées à la température du laboratoire soit en tampon Tris 0,01 M-HCI
pH
8,5 soit en tamponpipérazine
o,oo67 M-HCIpli
8,5. Aucune influence propre au tampon, sur laséparation
n’a étéconstatée.
6
00à 800 mg de
produit lyophilisé,
dissous dans 10 ml de tampon sontplacés
sur la colonne.Une élution par
gradient exponentiel
de forceionique (NaCl
o- 0,4M)
a étéemployée.
La vitessed’élution était de 60
ml/h
et des fractions de 10ml étaient collectées. Le volume dumélangeur
étaitde 2000ml.
Dans la
plupart
deschromatographies,
les deux fractions de fin d’élution,qui,
avec cegradient,
sortent très étalées ont été rassemblées en
quelques
tubes, en éluant directement avec le tampon o,4
}I NaCI, 20à 30tubes
après
la sortie dupic
r8(fig.
i et 2).Filtration sur
Sephadex
G 100Une colonne de 3 X 56 cm est
remplie
avec duSephadex
G 100que l’on a laisségonfler
dans letampon
pipérazine
0,0067 M-IIClpli
8,5 1!’aC1 2 M durant deuxjours.
300 mg deproduit
dissousdans 3ml du même tampon sont
placés
sur la colonne.Électrophorèse
surpapier
Les
expériences
ont été réalisées en tampon Véronal-Véronalsodique pH
8,6 selon ASCHAF-FENI 3ü
RGet DREWRY
(I955)·
Recherche de l’acliï)ilé
pe y oxydasique
Méthode au
gaïacol (M AEH LY et
CHANCE - I954)·Recherche des
anticorps
Le lait utilisé venait de brebis vaccinées par
plusieurs injections
locales ougénérales d’antigènes salmonelliques
etbrucelliques
et d’anatoxinestaphylococcique.
La détection et ledosage
desanticorps
correspondants (Sahnorzella 0 et H, Byucella) ont été faits paragglutination
etpar inhi-
bition de l’hémolyse due à la toxine oc (PLOMMET T r964). Les titrages ont été réalisés à
partir
de 5 mgde
produit lyophilisé
dissous dans o,85ml d’eau.Détermination des
coefficients
d’extinction -Les fractions
lyophilisées
ont été aupréalable
desséchées 48 h sous vide et P2 Obpuis
dissoutesdans un tampon Tris o,oi :Bi1-HCl
pH
8,5pour les 10premiers pics,
dans la soude N/4 pour les deux derniers. Les lectures ont été faites à l’aide duspectrophotomètre Cary
14.RÉSULTATS
43
chromatographies
de lactosérumprovenant
les unes de laits demélange,
les autres de 12laits individuels ont été réalisées.
Les
chromatogrammes
lesplus représentatifs
desséparations
obtenues avec lesdeux
types
de lactosérum sontprésentés
dans lesfigures
I et 2. 95 à 100 p. 100 enpoids
desprotéines placées
sur la colonne sont éluées et12 PICS peuvent
être dénom- brés. Les tubes!correspondant
aux sommets despics
ont étérassemblés, dialysés
etlyophilisés.
Les fractions ainsiobtenues,
ont été étudiées parspectrophotométrie
enUV
(tabl. i)
et parélectrophorèse
surpapier (fig. 3 ).
Nous avonségalement
recherché l’activité
peroxydasique
et laprésence d’anticorps agglutinants
et anti-toxiques.
Le
pic F I présente
une activitéperoxydasique.
Si laperoxydase
du lait de brebisa la même activité
spécifique
que celle du lait devache,
cetteprotéine représenterait
10 p. 100 de la fraction
F I . L’électrophorèse
surpapier
montre que cette fractioncomporte
au moins deux constituants.Les
pics F 2 -F,-F, présentent
unspectre d’absorption
à caractèrenucléique.
Pour vérifier la
présence possible
de nucléotides dans nospréparations
delactosérum,
une filtration sur
Séphadex
G 100 à forceionique
élevée a étéréalisée,
ceci dans le but dedissocier,
s’il y avaitlieu,
lesnucléoprotéines présentes.
Lediagramme
obtenuest donné par la
figure
4. La fractionayant
un maximumd’absorption
à 260 m¡.r.,représentant
9,5 p. 100 de la somme des densitésoptiques
à 280 m!t, a étédialysée
et
lyophilisée.
Laguanine
et l’uracilemonophosphate
ont pu être identifiésaprès hydrolyse
par l’acidechlorhydrique
N i h à 1000etchromatographie
enisopropanol/
HCl/H 2
0.
Lerapport U/G
est de l’ordre de 2.Les
pics F3
etF 4
contiennent lamajorité
desanticorps agglutinants
et anti-toxiques.
Unelégère agglutination correspondant probablement
à des traces de cesfractions est observée avec les
pics F 5 F s et F 7 (tabl. 3 )
Les
pics F s -F 6 -F 7
ne sontprésents
que dans le lactosérumprovenant
de laits demélange.
Dans le cas des lactosérum individuelsétudiés,
i, voire 2 de cespics
sontsouvent absents.
L’électrophorèse
surpapier
de ces 3pics
réunis neprésente
que2 bandes
d’inégale importance.
Le
pic F, représente
le constituantprincipal
du lactosérum(environ
60p.100 ).
Il
présente
unépaulement
enchromatographie
et 3 bandes sont décelées par élec-trophorèse
surpapier.
Unepréparation
de!-lactoglobuline
de brebis cristallisée(M AU -
Bois et
al., y 6 4 ) migre
au niveau de la bande centrale.Les
pics F 9
etF i o
sont difficilementséparables
avec legradient utilisé,
aussi lesavons nons étudiés ensemble. Deux bandes sont décelées en
électrophorèse
surpapier.
L’examen d’un sérum
sanguin
avec cette mêmetechnique
nous apermis
de constaterd’une
part
que lecomposant
leplus rapide
avait la même mobilité que la sérum al- bumine et d’autrepart
que lespics F,
etF 4 qui
ont tous les deux une mobilité élec-trophorétique identique migraient
au niveau des bandes desimmuno-globulines
dusérum.
La
proportion
des différentspics séparés
parchromatographie
sur colonne dans les deuxtypes
de lactosérum est donnée dans le tableau 2. Les résultats énoncés sont la moyenne de 4expériences
réalisées àpartir
de la mêmepréparation
de lactosérumprovenant
de lait demélange.
Lors de l’examen des lactosérum individuels des varia- tionsquantitatives
trèsimportantes
ont été constatées au niveau despics F 2
etF,.
Les valeurs extrêmes sont de l’ordre de 0,7 à 7 p. 100
(DO/E)
pourF 2 ,
de 2,4 à6,g
p. 100pour
F 4 .
10 à 14 p. 100du
produit
mis sur la colonne ne sont élués que par la soudeN/4-
Cette
proportion
atteint 17p. 100pour certains lactosérum individuels.DISCUSSION
La
chromatographie
sur colonnepermet
deséparer
le lactosérum de brebisen au moins 10fractions dont deux sont des constituants à base d’uracile et de gua- nine. Six des
pics peuvent
être identifiés au moyen del’électrophorèse
surpapier,
de la
spectrophotométrie
en UV et par la recherchedes anticorps.
D!rrn!ux et al.,
(ig5g)
ontrapporté
laprésence
enquantité
relativementimportante
de nucléotides à base deguanine
et d’uracile dans le lait de brebis( 27 , 2
micromoles de G et 262 micromoles de U pour 100ml de
lait).
Environ 25p. 100des nucléotidesguanyliques et
p. 100 des nucléotidesuridyliques
décelés par ces au- teurs sont encoreprésents
dans nospréparations.
Ilparait
exclu que cescomposés
soient liés directement à des
protéines ;
eneffet,
une filtration surSéphadex
G 100dans le même
tampon pipérazine
mais à forceionique
faible(y
=o,oi)
a donné uneséparation identique
à celle de lafigure
4. Il estplus probable
que ces nucléotides sont liés à des sucres ou des dérivés sucrés pour former descomposés
dutype guanosine
hexosediphosphate,
uridinediphosphate
sucre et uridinediphosphate acétyl
hexosamine comme ceux isolés par DENAMURetal., (ig5g).
Ces constituants seraient adsorbés sur les moléculesprotéiques
et de ce fait nondialysables.
L’élimination
de cescomposés
du lactosérum de brebis se fait facilement par passage surSéphadex
G 100et il estprobable qu’une séparation plus
fine des pro- téines serait obtenue enchromatographiant
chacun des 3pics
obtenus par ce der-nier traitement.
L’examen
del’absorption
en UV montre que ces nucléotides sortent au niveau despics F,-F,
etF,!.
Lespics F 2
etF 4
doivent leur être attribués enmajeure partie.
Le
pic F,
est unmélange
de deux ouplusieurs protéines
dontla lactoperoxydase.
La
chromatographie
sur colonne de D.E.A.E.-cellulosepourrait
être unpremier
stade de
purification
dans lapréparation
de cet enzymequi
n’a pas encore été isolé du lait de brebis.La
présence d’anticorps
et lacomparaison
parélectrophorèse
surpapier
avecun sérum
sanguin
de brebisindiquent
que lesimmuno-globulines
sont localisées au niveau despics F,
etF 4 .
Le
pic F 8 qui
est formé essentiellement par la!-lactoglobuline, présente
troisbandes par
électrophorèse
surpapier.
Or deux bandes sont décelées dans l’électro-phorèse
surpapier
et surgel d’acrylamide
dep-lactoglobuline cristallisée, préparée
à
partir
d’un lait depetit mélange (M AUBO is
etal., zg6 4 ).
Seul l’examen de nombreux laits individuelspourrait
nouspermettre
d’affirmer que ces deux bandes corres-pondent
à des variantsgénétiques
de même nature que ceux identifiés dans le lait de vache(AsCHAFFENi 3 uRG
et DREWRY,rg 57 ). Cependant l’épaulement
constaté enchromatographie
et deux des 3 bandes décelées enélectrophorèse
surpapier
de la.fraction
F,
doiventpouvoir
être attribués en toute vraisemblance à cetype
d’hété-rogénéité. Quant
à la3 e
bande décelée enélectrophorèse
surpapier,
il estprobable qu’il s’agit
d’uneimpureté
de nature différente de la!-lactoglobuline.
La propor- tion de56
à 60p. 100calculée pour cepic F,
sembleplus
valable que celle détermi- née par RAVAIOLI et GIOVENALI( 19 6 1 )
àpartir d’électrophorèses
surpapier.
Cesauteurs n’ont en
effet,
pas tenucompte
des divers coefficients de fixation du colo- rant par les différentesprotéines
du lactosérum.Le
pic F 10
sortant le dernier au cours de l’élution doitcorrespondre
au compo- sant leplus rapide
enélectrophorèse
surpapier,
et de cefait, représenter
la sérum-albumine contenue dans le lait de brebis. Les
pics F,-F.-F 7
etF 9
n’ont pu être iden- tifiés.Quant
au matériel élué par la soude(F l , F 12 ),
ilpeut s’agir
soit deprotéines particulières
contenues dans lelactosérum,
soit d’une fractionreprésentative
duproduit
dedépart
fortement adsorbée sur lesupport
et nepouvant
être éluée par l’élévation de forceionique.
La différence très
reproductible
decomportement
sur colonne de D.E.A.E.- cellulose entre les 2types
de lactosérums’explique
difficilement. Cette différence estsupérieure
aux erreursd’expérience (cf
tabl. 2 où les écarts maximums observéssur les essais sont donnés pour
chaque pic).
Dans laprécipitation
selon AsCxn!!!rr-B
uRG et DREWRY
(r 959 ),
une floculation brutale de la caséine àpH
4,1 a lieu et ilse
peut
que certainesprotéines correspondant
auxpics F l F 2 F a
soient entraînéespartiellement
paradsorption
lors de cetraitement,
mais cettehypothèse
n’estguère
satisfaisante car la fraction
F s -F 6 -F 7 présente
uneproportion plus
élevée dans cetype
de lactosérum. ’La
chromatographie
sur colonne de D.E.A.E.-cellulose semble donc être unmoyen commode et
simple
deséparer
lesprotéines
du lactosérum debrebis ;
un meilleurfractionnement,
obtenuaprès
élimination des constituantsnucléotidiques
à base d’uridine et de
guanine
doit nouspermettre
de caractériser lespics
non encoreidentifiés. La
séparation
et lapurification
des différentesprotéines
du lactosérum etplus particulièrement
desimmuno-globulines peuvent
êtreespérées
àpartir
desrésultats
déjà
obtenus avec cettetechnique.
Reçu pour
publication
en mars 1964.REMERCIEMENTS
Nous tenons à
exprimer
nos remerciements à M. (ianEqui
a bien voulu secharger
de l’iden-tification des nucléotides isolés par filtration sur
Séphadex
et à !ime VASSAL pour la recherche de lalactoperoxydase.
’
Nous tenons
également
à remercier MM. PLOMMET, RIBADEAU-Du1!AS et GARNIERpour l’aide et les conseilsqu’ils
nous ontapportés
dans la réalisation de ce travail.SUMMARY
CHROMATOGRAPHY OF WHEY PROTEINS OF EWE’S MILK
The
separation
ofwhey proteins
of ewe’s milk on D.E.A.E.-cellulose column has been studied.Twelve fractions have been detected. Their
purity
has been studiedby
paperelectrophoresis.
Thefractions
corresponding
toLactoperoxydase,
Immuneglobulins, p-Lactogtobuhn
and Serum albuminhave been identified by paper
electrophoresis,
U. V.Spectrophotometry
andprecipitins
and anti-toxins antibodies tests. The fractions F2, F3and F, contain non
dialysable
components with Uridine and Guanine,they
areseparated
from thewhey proteins by
filtration onSephadex
G roo. Thepercent by
weight
of each fraction has been calculated and!- Lactoglobulin (fraction 8)
repr, sents 55to bo p. 100of the total
proteins
ofwhey
of ewe’s milk.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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