Systèmes d e production e t d e circulation
Céramique e t échange
Pierre Rouillard (UMR ArScAn - Monde grec archaïque)En intervenant après des exposés centrés sur les modalités d e production à l'é p o q u e préhistorique pour a b o rd e r des questions d e circulation aux é p o q u e s archaïque e t classique, l'impression qui dom ine est celle d 'u n e accumulation d e fossés. Pour les tem ps historiques la rech erch e sur la circulation des produits, d e s objets, d e s hommes porte principalement sur la longue distance.
De fait, to u te réflexion sur la circulation nécessite q u e soient éclaircies qu elq u es questions préalables :
• dans le vocabulaire d'abord (et toujours !) : circulation, répartition, diffusion, é c h a n g e , com m erce, trafic sont des mots affinés, mais ne sont p a s d e s synonymes ;
• sur la valeur q u e l'on peut attribuer à tel ou tel objet ;
• sur le c a ra c tè re exemplaire d e l'objet céram ique : souvent on n e peut « suivre » q u e la céram ique qu an d les contenants en métal, en bois ou en c o rd e o nt disparu ;
• sur la claire définition du point d e d é p a rt e t du lieu d e production, qui peuvent ne p a s se superposer; ainsi il n'y a pas d e difficulté à situer les ateliers d e s vases critiques (car, dans c e cas, on reconnaît assez bien les imitations — autre c a s à envisager pour la circulation, d e s m odèles c e tte fois — faites autour d e 400 av. J.-C. à Marseille ou à Thasos), mais les c o u p e s « ioniennes » du Vie siècle av. J.-C. ont é té fabriquées plus e n O c c id en t q u e sur le littoral d e l'actuelle Turquie ; le d é b a t se pose en term es voisins q u a n d on envisage les terres cuites : il y a circulation des objets, des moules, des artisans e t des surm oulages.
• circulation e t diffusion peuvent tenir au d é p la c e m e n t d'ateliers : i a é té fabriqué d e la céram ique « d 'Arezzo » à Pise puis à Lyon, c e qui n e se m esure pas en term es d e c o m m erce.
Le d é b a t serait en co re plus biaisé si des preuves archéologiques venaient d o nner quelque éclat à c e qui est pour l'instant une hypothèse d 'é c o le , une circulation double d e l'argile e t d e l'artisan a p te à la façonner : y a - t-il simultanéité ou non des transports ? La présence simultanée d e l'am phore étrusque e t du vase à boire d e
b u c c h e ro negro dure un tem ps, jusque vers 500 (ensuite l'am phore circule seule); mais i n'y a pas d e lien entre la diffusion des am phores thasiennes et celle des monnaies d e Thasos. Autres questions lancinantes : q u 'e s t-c e qui a c c o m p a g n e la céram ique attique d es Ve e t IVe siècles, ou la c am p an ien n e A a v a n t l'apparition d e l'am phore italienne d e type Dressel I?
La distribution peut se faire a v e c des relais ; en fémoignent, par exem ple, tout à la fois la p rése n c e d e certain es céram iques g recq u es dans les sites phéniciens archaïques ou le c h a rg e m e n t bigarré des é p a v e s archaïques ou, plus tard, au IVe siècle, d e l'ép av e d'EI Sec dans la baie d e Palm a d e Majorque.
L'am pleur d e Taire d e diffusion est une donnée bien sûr essentielle qui p rend vraim ent tout son sens quan d e st prise en c o m p te la quantité qui circule.
La circulation ne saurait finalement être envisagée seule ; interviennent bien sûr dans la réflexion : • l'évaluation du prix (avec à la clef, les d é b a ts sur le troc, le d o n e t le contre-don, le niveau d e
l'éc h a n g e ) ;
• les term es d e l'é c h a n g e ;
• le lieu d e l'échange, a v e c depuis d e nom breuses a n n é e s les discussions sur le rôle d e
Y em porion ;
• le rôle du politique ;
• le statut d e la clientèle, du « prince » hallstattien au soldat romain du limes qui a attiré d e s ateliers d e potiers ;
Systèm es d e production e t d e circulation
• le rôle du client dans le com m erce et dans le choix d e la production : là se situe le d é b a t largem ent ouvert sur u sag e e t clientèle ;
• le statut d e la d e m a n d e , « collective » (une cité ou un sanctuaire) ou d'une clientèle individuelle.
Reste ( !) le p ré a la b le d e l'évaluation d u volume, sans lequel il est vain d e d é b a ttre d e diffusion, d e clientèle ou d 'u sa g e. La quantification est nécessaire et c e t acquis e st réc e n t : le calcul doit p ren d re en com pte l'identité du site (maison, rue, sanctuaire, nécropole, puits funéraire, dépotoir, etc.), l'unité stratigraphique; il doit s'attach er d an s l'ensem ble envisagé e t au sein d'une c a té g o rie (vaisselle d e table, d e cuisine, etc.) à estimer en individus la p lac e d e c h a q u e production, d e c h a q u e forme. Une lecture anthropologique d e s formes est à c e prix.