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Récidives de crimes sexuels : que peut-on bien faire ? (3)

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1516 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 11 août 2010

actualité, info

Récidives de crimes sexuels : que peut-on bien faire ? (3)

Achevons ici l’analyse du rapport que vient d’adopter l’Académie nationale française de médecine sur le thème, bien difficile, de la prévention des récidives des crimes sexuels (Revue médicale suisse des 14 et 28 juillet).

Question pratique autant qu’éthique : com- ment – avant même, durant et au-delà de la prise en charge thérapeutique – identifier au mieux les sujets les plus dangereux, ceux qui sont susceptibles de récidiver ? Trois sor tes de méthodes ont, de ce point de vue, été (et sont) employées.

Tout d’abord, l’évaluation clinique dite

«non structurée» ; selon les auteurs (Edwin Milgrom, Philippe Bouchard et Jean-Pierre Olié), elle fait uniquement appel à l’expé- rience per sonnelle du psychologue ou du psychiatre et varie de ce fait en fonction du praticien qui la réalise. Ensuite, l’évaluation clinique «structurée» qui se fonde sur l’ana- lyse d’un certain nombre de caractéristiques du sujet préalablement définies. L’expert émet alors une «opinion» en fonction de ces données ainsi que de son impression cli- nique. Enfin, très différentes : les méthodes actuarielles où l’œil clinique laisse la place à l’analyse statistique. Ne sont plus alors rete- nues que les caractéristiques qui différen- cient de façon statistiquement significative

les délinquants récidivistes des non-récidi- vistes. «C’est une approche totalement em- pirique, affirment les auteurs. On définit ainsi un certain nom bre d’items qui permet- tent par addition d’obtenir une note globale, laquelle mesure la dangerosité du sujet.»

De nombreuses études ont cherché à éva- luer l’efficacité relative de ces différentes ap- proches. Et notamment une récente méta- analyse comparative des diverses méthodes

en utilisant 118 études différentes correspon- dant à un total de 45 398 sujets.1 Ces auteurs ont observé que les méthodes actuarielles étaient les plus efficaces dans la prévision de la récidive, le jugement clinique non struc- turé s’avérant le moins efficace, l’évaluation clinique structurée ayant une efficacité inter- médiaire. «Cependant, même avec les mé- thodes optimales, la qualité des informations obtenues reste imparfaite, observent les Prs Milgrom, Bouchard et Olié. L’efficacité, en termes de sensibilité et de spécificité, d’un test de dépistage est souvent mesurée par la

représentation ROC (Receiver operating charac­

teristic). Celle-ci permet de définir un coeffi- cient AUC (Area under curve). Une méthode de dépistage totalement non spécifique a une valeur d’AUC de 0,5. Une méthode aux performances idéales a un coefficient AUC de 1. Lorsque cette approche est appliquée aux tests de prédiction de la récidive des délinquants sexuels, on aboutit à un AUC d’en viron 0,75. Ces prédictions ont donc une certaine valeur mais leurs résultats restent encore très imparfaits.»

Pour le dire clairement, on reste dans un relatif brouillard. Plus important encore, sinon plus grave : «Les études dans ce do- maine (…) obéissent très rarement aux exi- gences habituelles des essais thérapeutiques.

Il est difficile, pour des raisons éthiques évi- dentes, de mener des essais randomisés et encore plus d’administrer des placebos.

La plupart des articles pu- bliés portent sur des nombres limités de sujets, suivis quel- quefois pendant des durées courtes. Cer- taines publications ne comportent pas de groupe témoin ou un groupe témoin non comparable à celui des sujets traités. Il n’est donc pas étonnant que des résultats com- plètement divergents aient pu être obtenus, en particulier dans l’évaluation des psycho- thérapies.»

Et encore – on pardonnera la longueur de cet extrait mais son caractère édifiant le jus- tifie : «Quelques études modèles ont été pu- bliées sur les effets des traitements antihor- monaux dans la prévention de la récidive.

Des résultats spectaculaires ont parfois été décrits. Cependant, l’analyse plus précise de ces ar- ticles montre leurs limites. Ainsi un des articles les plus cités est le travail de Rosler et Witztum qui ont étudié l’effet d’un ana- logue du GnRH chez 30 hom- mes.2 Ils annoncent un résultat parfait : aucun comportement sexuel "anormal" chez ces délin- quants pendant la durée de l’étude, alors que ces mêmes su- jets indiquaient la survenue de deux à huit "incidents" sexuels par mois avant le traitement.

Cependant à tous les stades de l’étu de, les sujets ont été sélec- tionnés. Ainsi pour entrer dans l’essai, les sujets devaient être volontaires. Sur 49 volontaires, dix-neuf ont été exclus pour des raisons diverses. En fonc tion du temps, le traitement hormonal a avancée thérapeutque

… Il est difficile, pour des raisons éthiques évidentes, de mener des essais randomisés et encore plus d’administrer des placebos …

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Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 11 août 2010 1517 été arrêté chez un grand nombre de sujets :

la moitié au bout de deux ans, les trois quarts au bout de trois ans. Les auteurs de l’article notent eux-mêmes qu’à l’arrêt du traitement les symptômes réapparaissaient.

Or, il faut souligner que les délinquants sexuels sont susceptibles de récidiver sur des périodes très longues, souvent de plu- sieurs dizaines d’années.»

La méta-analyse de Schmuker et Losel 3 est généralement considérée comme une des plus fiables. Elle regroupe 80 études diffé- rentes portant au total sur 22 181 sujets. Les auteurs concluent que le taux de récidive est abaissé de 37% par les divers traitements uti- lisés. Dans cette analyse ont été incluses des publications portant sur la – fameuse – cas- tration chirurgicale. Or, celle-ci a un effet

très important car elle abaisse de 95% le taux de récidive. Si on omet dans la méta-analyse les effets de ce type de castration, les traite- ments hormonaux et la psychothérapie abais- sent de 25% le taux de récidive. Signalons que la castration chirurgicale a été unique- ment utilisée chez des volontaires qui sont une population à moindre risque de réci- dive et en général chez des pédophiles. Ces derniers limitent leur activité criminelle à des atteintes sexuelles. Les résultats ne sont pas extrapolables aux violeurs de femmes adul- tes qui sont fréquemment des sujets aso ciaux responsables à la fois de violences sexuel les et non sexuelles.

C’est dire les limites de cette thérapeu- tique à visée préventive ; et il n’est pas inin- téressant que le fait puisse être exprimé par

des voix savantes autorisées. Aux autres (juges, législateurs et citoyens) d’en tirer les conséquences pratiques.

(Fin)

Jean-Yves Nau jeanyves.nau@gmail.com

1 Hanson RK, Morton-Bourgon KE. The accuracy of reci- divism risk assessments for sexual offenders : A meta- analysis of 118 prediction studies. Psychol Assess 2009;

21:1-21.

2 Rosler A, Witztum E. Treatment of men with paraphilia with a long acting analogue of gonadotropin releasing hormone. N Engl J Med 1998;338:416-22.

3 Schmucker M, Lösel F. Does sexual offender treatment work ? A systematic review of outcome evaluations. Psi- cothema 2008;20:10-6.

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