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Acquisition du langage et pédagogie de la langue

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Acquisition du langage et pédagogie de la langue

BRONCKART, Jean-Paul, BESSON, Marie-Josèphe

BRONCKART, Jean-Paul, BESSON, Marie-Josèphe. Acquisition du langage et pédagogie de la langue . Genève : Université de Genève, Section des sciences de l'éducation, 1978, 71 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:32783

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

u� vrnsm Dl GE.NLVE Fi\CULlE 01: PSYCHOLOGIE 1:1 �l:S SClt:NCtS Dt: LEOUC1\llON

Cah•ers de la $rc:t1on des Scienc:es de l'E:d11c:ilt1on

PRATIQUES ET THÉORIE

J. P. BRONCKART ET M. J. BESSON

ACQUISITION DU LANGAGE ET PÉDAGOGIE DE LA LANGUE

Cahier N° 5 (3- édition)

UNIVERSITE DE GENEVE

FACULTE DE PSYCHOLOGIE E T DES SCIENCES DE L'EDUCATION

ACQU I S I T I O N DU LANGAG E ET

PEDAGO GIE D E LA LANG U E

J.P. BRONCKART ET M.J. BESSON

Cahier No 5

Pour toute correspondance :

Section des Sciences de I' Education UNI Il

1211GENEVE4 (Suisse)

(3)

1.

REFLEXION S CRITIQUES SUR LES THEO RIES DE

L'ACQUISITION DU LANGAGE

J. P. BRON CKART

A paraître dans les Actes du Col loque Longgge et Acqviii­

tion du langa_g�, Mons, Belgique.

(4)

PREAMBULE

Le langage est sans aucun doute l'un des objets les plus complexes auquel sont confrontées les sciences de l'homme· 1 l'analyse des conditions de base de son acquisition est donc une entreprise difficile ainsi qu'en témoigne la diversité des directions prises par les disciplines qui abordent aujour­

d'hui ce problème : Une tendance apparaît cependant comme nettement dominante; c'est celle qui oriente l'étude du langage et de ses conditions d'acquisition vers le domai­

ne du biologique et du neuropsychologique. Nous tenterons, dans le cadre de cet exposé, d' expliciter les fondements de cette position dominante, et de montrer en quoi el le réduit le langage à une émergence biologique, coupée de sa fonc­

tion sociale et communicative. Nous essayerons ensuite de formuler quelques propositions pour une étude du langage moins "réductionniste".

1. LA POSITION DOMINANTE : L'EMERGENCE BIOLOGIQUE DU LANGAGE

A. La biologie

L'une des thèses majeures du biologiste Monod pourrait, de façon assez lapidaire, être formulée de la manière sui­

vante: "c'est le langage qui a créé l'homme". Apparem­

ment, rien de neuf dans cette formule qui réexplicite les positions de nombre de philosophes, de !'Antiquité à nos jours: l'homme est un animal bavard, doté d'une "facultas signatrix", qui fait cruellement défaut à nos frères infé­

rieurs dans l'échelle phylogénétique. Rien de neuf, si ce n'est que cette formulation émane d'un des biologistes contemporains les plus éminent, et qu'elle semble fondée, non pas sur des postulats vitalistes ou téléologiques, mais

sur des données sérieuses d e la biologie. Quelles données ? Essentiellement celles qui suivent : parmi les successions de mutation ·et de sélection qui ont façonné l'espèce humaine telle que nous la connaissons, il en est une qui est capitale:

l'émergence de l'A. D .N., support biologique du fonction­

nement cognitif humain. Pour Monod, c'est l'A. D.N. qui a permis le passage de la biosphère à la noosphère, c'est­

à-dire "au royaume des idées et de la connaissance, né le jour où les associations nouvelles, les combinaisons créatri­

ces chez un individu, ont pu, transmises à d'autres, ne plus périr avec lui" (Le Monde, 2

0

.

11. 67).

Dans cette optique, le langage, dans tous ses aspects, résulte donc de l'émergen 7' ce de son support bioneurologique, et la pensée est rendue possible par cette mémoire sociale que constitue la langue.

Dans le prolongement de cette vision réductionniste, Monod envisage une surprenante "histoire naturelle de la sélection des idées", sur le modèle néo-darwinien, sur laquelle nous ne pourrons malheureusement nous étendre ici. Revenons à l'A.D.N.; ce que Monod sous-entend, c'est que le code génétique de l'espèce humaine est le responsable direct du code verbal qui fonde le langage. Il y aurait donc. ainsi que l'on affirmé divers sémiologistes et quelques biologis­

tes, une analogie entre le code génétique d'une espèce, et son mode de communication, le premier expliquant le second (cf. notamment Sebeok,

1974

et Masters,

1970).

Les positions dominantes de la biologie contemporaine sont complétées par les hypothèses des bioanthropologues, en ce qui concerne le processus d'hominisation. Selon J. Ruffié, les caractères esséntiels du "mutant humain" se résument en un trait principal : "le développement extrê­

me de la conscience réfléchie qui, au palier humain, crée un nouveau milieu (le milieu psycho-social) dans lequel vont puissamment 'jouer des forces sélectives inconnues jusque là"

(1974,

p.

126).

Ce même auteur énonce ensuite les traits qui ont favorisé l'apparition puis le développement

(5)

de la conscience réfléchie. Ces traits doivent être considé­

rés comme un enchaînement de mutations-sélections, com­

plémentaires à l'émergence de !'A.D.N. Il s'agit essentiel­

lement de l'apparition de la station debout, qui pennet une position du crâne différente, et par la suite, un développe­

ment des aires frontales, pariétales et temporales (néo-cor­

tex). Cette station debout libère également les membres antérieurs : la main devient disponible pour des actions de plus en plus complexes, de plus en plus coordonnées et efficaces.

Ce qui est caractéristique de cette position des biologis­

tes et bioanthropologues, c'est l'affirmation du statut radica­

lement biologique de l'émergence du langage; le social vient après; c'est une conséquence. A témoin, ce passage de Ruffié (1974, p. 128):

"Grâce à son système nerveux central apte à mémoriser et à concevoir de manière particulière, massive et efficace, grâ­

ce à des mains libérées capables d'exécuter les programmes les plus délicats, l'homme peut accumuler ses expériences et, donc, perfectionner progressivement son activité. De

{*), le développement du psychisme permet la communi­

cation logique (*) entre individus par la parole qui, grâce . à la liberté de la main, sera un jour fixée dans l'écriture.

Désormais (*),d'individuelle, l'expérience devient collec­

·tive; celle de chaque sujet sera mise à profit par tout le groupe. 11

B .. La linguistique

Certaines des propositions fonnulées aujourd'hui par l'école linguistique la plus en vogue , la grammaire géné­

rative et transfonnationnelle, nous paraissent relever d'une

{*) sou 1 igné par nous

conception du langage et de son acquisition, analogue à celle présentée par les biologistes.

Chomsky, comme on le sait, fonde son analyse sur un des aspects du langage qui lui paraît capital {après Humboldt et bien d'autres), la créativité , c'est-à-dire cette capacité théoriquement infinie de production langagière. Au travers de ses écrits, de 1955 à nos jours, i 1 a proposé diverses fonnu­

lations de la structure de cette compétence-créativité qu'est le langage. 11 a démontré par exemple qu'aucune des fonnu­

lations de la grammaire du sujet parlant ne pouvait être sim­

ple; il a affirmé en outre qu'aux règles de réécriture, élabo­

rées par les structuralistes anglo-saxons (Harris notamment) devaient s'ajouter des règles de transformation, et que ce complexe syntaxique devait lui-même s'articuler à un composant sémantique-interprétatif, et à un composant de

réalisation phonétique. Sur la base de cette analyse linguis­

tique, Chomsky a fonnulé une 11théorie de l'acquisition du langage", qui s'inspire de deux considérations· essentielles:

la complexité de la longue, et la rapidité de son acquisition par l'enfant. Pour les tenants de la grammaire générative, aucun comportement n'est aussi complexe que le langage;

or, celui-ci est acquis très rapidement {généralement entre 18 mois et 3 ans), alors que les capacités intellectuelles con­

tinuent de se développer jusqu'à l'adolescence. Une acquisi­

tion aussi rapide d'une structure aussi complexe ne peut s'expliquer que par son caractère inné. Le langage, pour Chomsky, est inscrit dans le potentiel génétique de tout hu­

main, et son acquisition se résume à un processus d'émergen­

ce : dès que le substrat neurobiolobiologique est arrivé à maturation (à 1 an environ), et pour autant que quelques stimulations externes soient foumies, le langage 11émerge11•

A l'appui de cette position, divers arguments empiriques ont été apportés par Lenneberg, sur le plan biologique, et par D. Mc Neill, en ce qui concerne l'acquisition elle-

(6)

même.

On remarquera que la position c homskyenne fait appel à un vocabulaire biologique (notion d'émergence) et que le processus d'acquisition du langage est décrit comme un phé­

nomène individuel, a-social. Chomsky en est d'ailleurs conscient, et minimise fréquemment la fonction de communi­

cation du langage; pour lui, cette fonction ne serait qu'ac­

cessoire, secondaire (cf. 1975, pp. 85 et suivantes).

C. La psychologie génétique (de J. Piaget)

Démontrer l'appartenance de la psychologie piagétienne au courant dominant peut paraître étrange, voire absurde, dans la mesure où le psychologue genevois a fait de la dé., pendance du langage par rapport aux mécanismes cognitifs plus généraux, un de ses thèmes favoris. Et pourtant !

L'objectif essentiel de Piaget, tel qu'il est exposé dans Biologie et Connaissance notamment, est de démontrer que

·l'intelligence humaine, à ses différents niveaux d'organisa­

tion (stades de développement) se présente comme sous-ten­

due par des structures qui ne sont que l'aboutissement, la cristallisation, à un moment donné, des mécanismes cognitifs généraux qui président à l'organisation des échanges entre l'organisme vivant et son milieu (cf. notamment les notions

·d'assimilation et d'occomodation). Dans ses principaux ou-

·vroges de psychologie (cf. surtout La naissance de l'intelli- gence et la formation du symbole), Piaget tente de démon­

trer que ce sont les processus biologiques d'accomodotion qui rendent possible l'accès à l'imitation différée, puis à la représentation, c'est-à-dire à Io fonction symbolique. Une fois acquise, cette capacité de représentation va permettre aux mécanismes d'abstraction, dont les formes élémentaires existent à tous les niveaux de la vie, d'évoluer vers l'ab­

straction réfléchissante, mécanisme essentiel dans les pro­

grès de l'intelligence humaine (c'est elle qui rend possible

le passage du stade sensori-moteur aux opérations concrè­

tes , puis la transition de ces dernières vers l'intelligence formelle). Ce qui paraît essentiel, dons Io position piagé­

tienne, c'est l'affirmation du caractère biologique de la pensée, Io démonstration de la continuité des processus d'interaction, de l'actinée à l'homme. C'est en cela que Piaget appartient clairement ou courant dominant. Cette position "biologisonte11 s'accompagne cependant d'une mi­

nimisation du rôle du langage, et c'est en cela que Piaget se différencie de Monod Ol:l de Chomsky. Comme le répètent à l'envi les épigones de la pensée piogétienne, le langage n'est qu'un des aspects de Io fonction symbolique ou repré­

sentative, et c'est l'accès à Io représentation en général qui "fait l'homme", non l'accès au langage. Cette origina­

lité de la position piagétienne peut s'expliquer de deux manières au moins: tout d'abord, historiquement, Piaget s'est fortement opposé au positivisme logique et à toutes les conceptions voulant faire dériver la logique du langage.

En second lieu, ayant lu Saussure très tôt, et ayant compris bien mieux que certains linguistes le caractère profondé­

ment social de la langue, il lui fallait trouver une sorte d'enveloppe plus générale (la fonction symbolique) dans laquelle insérer et "noyer" cette dernière, enveloppe que l'on pourrait - elle - faire dériver, sans trop de peines, des mécanismes biologiques et individuels du sujet.

Il. LA REFUTATION DE LA POSITION DOMINANTE Les conceptions que nous venons de résumer ont pour caractéristique commune de réduire le langage à un phéno­

mène d'ordre biologique, fruit d'une émergence au niveau individuel, phénomène par rapport auquel la société et Io culture ne constituent qu'une conséquence. Nous allons tenter de démontrer que ces conceptions sont fausses.

(7)

fausses en ce qu'elles s'opposent à vraies et fausses en ce qu'elles s'opposent à justes. Affinner qu'elles ne sont pas vraies revient à fournir la démonstration scientifique de leur inadéquation, en l'occurence, puisque nous sommes dans le domaine des sciences humaines, et que cela nous contraint à Io prudence, à apporter un corps de données empiriques qui Io rendent invalide ou improboble�.Affinner qu'elles ne sont pas justes implique pour nous Io démonstra­

tion de leur opposition à des thèses philosophiques auxquel­

les Io plupart d'entre nous souscrivent implicitement, mais que nous proposerons explicitement; celles du matérialisme dialectique.

A. La position piogétienne

L'hypothèse fondamentale de Piaget en ce qui concerne la nature et l'origine du langage est celle de la continuité fonctionnelle, sans hiatus particulier, de la mise en oeuvre des mécanismes cognitifs; le sujet, au gré de son évolution, se construit d'abord des images mentales, ensuite des symbo­

les, et enfin des signes verbaux. La création de ces signi­

fiants est en réalité indissociable de l'activité cognitive elle-même; au cours de Io période sensori-motrice, on assis­

te à une différenciation de plus en plus grande entre orgo- _nisme et milieu, qui se traduit directement par une progres­

sion de l'autonomie et du degré de complexité des substituts ou signifiants.

Notre critique à cette position repose sur l'hypothèse que la création des signes du langage par l'enfant constitue une opération nettement plus complexe que l'élaboration des images visuel les ou des symboles. Reprenons en effet

l'analyse de la constitution de ces différents types de signi­

fiants.

Lorsque l'enfant reproduit, après un délai temporel plus ou moins important, un geste effectué devant lui par un

membre de son entourage, on peut concevoir, avec Piaget, qu'il a construit divers indices de l'appréhension de ce ges­

te, que ces indices ont été organisés en une configuration ou image, qui lui permet ultérieurement de reconstruire le geste. Avec le ieu symbolique, quelque chose de nouveau apparaît; l'image mentale construite à partir d'un obiet initial

(01

: un wagon de train), est elle-même représentée par un autre objet

(02

: une boîte d'allumettes) à condition qu!entre les deux objets

01

et

02

existe une relation de ressemblance physique. Le jeu symbolique exige donc une élaboration d'une seule image mentale qui se subs titue à deux objets physiques, l'un représentant l'autre, à condi­

tion que leur rapport soit motivé, c'est-à-dire qu'ils parta­

gent quelques caractéristiques apparentes. L'activité symbo­

lique reste - nous en convenons - assez semblabl:e à Io sim­

ple élaboration d'images mentales.

11 en va tout autrement pour ce qui concerne les signes langagiers. Ainsi que l'a magistralement démontré Saussure

(1916),

pour émettre un signe, le sujet doit traiter deux domaines de Io réalité, la substance matérielle qui constitue le sens, ou le contenu à exprimer, et la substance sonore de

Io langue qui servira à exprimer le contenu. Entre ces deux domaines n'existe aucun rapport de ressemblance ou de mo­

tivation; ils sont parfois contingents dons le contexte de communication (lorsqu'on parle d'une chose en sa présence).

De ces deux réalités physiques, le sujet élabore des images mentales, qui restent individuelles, et qui doivent être mi­

ses en correspondance pour que l'une (l'image sonore) puisse représenter l'autre (l'image conceptuelle). C'est sur ce point, que la théorie piagétienne de Io continuflé du phénomène de représentation nous paraît la plus insatisfai­

sante. Elle ne souligne pas cette nouveauté essentielle qu' est Io création de deux images mentales distinctes, dans des domaines de Io réalité radicalement distincts, le son

(8)

et le sens, et surtout, elle n'apporte aucune ébauche de ré­

ponse à la question essentielle que pose le signe : pourquoi et comment ces deux images sont-elles mises en correspon­

dance ? L'appel exclusif à la représentation, c'est-à-dire à la création d'images, n'explique en rien comment les ima­

ges créées sur le son et celles élaborées sur le sens sont mises en contact. Il semble nécessaire, pour répondre à ces questions, de dépasser la référence individuelle, et de faire appel à la société, qui a conventionnalisé un certain décou­

page des images sonores en correspondance stricte avec un découpage des images construites sur le contenu. L'accès à la désignation, à la possibilité de fabriquer des signes, c'est en réalité l'insertion de l'enfant dans cette convention so­

ciale, et cette insertion se réalise au moment où apparais­

sent les premières holophrases.

B. La position chomskyenne

La réfutation de la position chomskyenne n'est pas chose aisée. D'une part parce que !'oeuvre a une indiscutable importance historique et que, comme celle de Piaget, el le mérite qu'on s'y arrête. D'autre part, parce qu'au-delà de thèmes très généraux, elle a évolué considérablement, tant sur les plans technique et linguistique que sur ceux des . bases philosophiques et épistémologiques.

Notre analyse ne portera pas sur les notions de créativi­

té ou de compétence, que l'on pourrait certes discuter, mais qui n'ont guère ici d1 importance théorique. Nous ne nous attarderons pas non plus sur l 1 hypothèse d'un fondement biologique de certains aspects du langage. Partant des don­

nées de Lashley

(1951)

et de divers autres neuro-physiolo­

gistes concernant l'organisation séquentielle du comporte­

ment et son substrat cortical, Mc Neill a émis l'hypothèse de l'existence d'un corrélat physiologique au noyau de phrase proposé par Chomsky. Bi en que loin d1 être vérifiée,

cette hypothèse est plausible, et nous n'avons pas l'intention de nier l'existence de fondements biologiques du langage.

La seule question que nous nous poserons à propos de la grammaire générative, est de savoir ce qu'elle formalise.

Comme nous avons tenté de le démontrer ai lieurs

(1977

b), la pratique chomskyenne s'adresse à des phrases bien formées, émises par les linguistes eux-mêmes. Il ne s'agit pas (et de loin

!)

d'énoncés de la langue vivante. En outre, la délimi­

tation des unités syntagnatiques n'échappe pas au biais sé­

culaire des vieilles catégories grammaticales pseudo-logi­

ques héritées d'Aristote. Les phrases analysées par Chomsky sont des phrases hors-contexte, prétraitées par ces mêmes catégories grammaticales. A ce suiet, la critique de Chomsky à l'égard de ses prédécesseurs parait bien dérisoire; nous restons dans le cadre d'une analyse synchronique de corpus, extemporannée, et nous sommes bien loin d'une analyse de l'activité langagière créative qui se déroule dans un contex­

te de production donné. Comme l'affirme Culioli, l'appro­

che linguistique doit concerner "toutes les propriétés que l'on rencontre dans les langues et qui sont généralisables"

(1977).

Ces propriétés sont très larges, et la grammaire gé­

nérative, comme la plupart des théories linguistiques, les a réduites. L'objet de la linguistique, c'est l'activité discur­

sive du sujet, avec toutes ses caractéristiques et les diffé­

rents facteurs qui la contrôlent. C'est à partir d'énoncés en situation, en tenant compte du contexte d'énonciation, des réseaux de connaissance en jeu, de la grammaire de la lan­

gue, etc ... que le linguiste peut élaborer un modèle et défin.ir sa généralité (en comparant en outre des langues di­

verses).

11 ne nous parait pas injuste d'affirmer que les paramètres du discours n'ont aucun statut dans la théorie chomskyenne;

celle-ci ne concerne qu'une partie infime du langage, une partie desséchée, coupée de ses racines et les hypoth�ses biologiques ne s'adressent qu'à cet aspect du langage.

(9)

L'analyse des positions de Piaget et de Chomsky ressor­

tissait à l'ordre du vrai et du faux; nous avons apporté quel­

ques éléments qui, selon nous, les remettent en question.

Nous n'aurons pas l'audace d'apporter la contradiction à Monod sur le t.etrain de la biologie. Pour ce dernier auteur, nous nous placerons donc sur l'axe du juste-faux, c'est-à­

dire sur le plan des thèses philosophiques.

C. Critique de la "noosphère"

Nous nous inspirerons ici directement de l'analyse remar­

quable des conceptions de Monod présentée par Althusser dans Philosophie Spontanée des Savants.

De manière générale, Althusser distingue dans cette phi­

losophie des saval'lts deux éléments: le premier

(1)

est d'ori­

gine interne, "intra-scientifique11, c'est la forme, diffuse ou élaborée, que prend la réflexion du savant à propos de son objet d'étude et de sa démarche scientifique. Le second

(2)

est d'origine externe, extra-scientifique; il se rapporte à la pratique scientifique, mais il n'en est pas issu. Il constitue l'application à la pratique scientifique de thèses philosophi­

ques élaborées par ailleurs. Chez Monod, comme chez la plupart des biologistes ou bioanthropologues que nous avons cités, l'élément l est clairement matérialiste; ces auteurs . critiquent le vitalisme, ainsi que toute interprétation téléo­

logique de l'émergence (cf. Teilhard de Chardin); ils définis­

sent la réalité matérielle de leur objet d'analyse; pour Monod, il s'agit notamment de la réalité physique que constitue

!'A.D.N. Dans sa pratique de biologiste, Monod se révèle donc indiscutablement matérialiste, même s'il ne le déclare pas explicitement. Le problème change cependant lorsqu' intervient l'élément

2

(extra-scientifique), c'est-à-dire lorsque l'auteur se livre à des spéculations concernant l'é­

mergence de la noosphère. Critiquant à nouveau le spiritua­

lisme classique, il affirme que le langage constitue "une

émergence accidentelle qui a pour support biophysiologique les ressources informationnelles du S.N.C. 11 (cf.

1967).

Monod rend donc compte de l'émergence du langage et de la noosphère, par l'émergence de leur substrat: l'A.D.N. ; comme l'affirme Althusser, 11il croit rendre compte du conte­

nu de l'existence sociale des hommes, y compris de l'histoi­

re de leurs idées, par le simple ieu de mécanismes bioneuro­

logiques"

(1974,

p.

128).

Cette transposition des lois biolo­

giques à l'existence sociale des hommes ("la noosphère .. . présente d'étroites analogies avec la biosphèr.e �'où ell� a émergé") revient à plaquer le contenu (maténal rste) qur est propre aux espèces biologiques, sur un. objet réel d'une toute autre nature; c'est là un "usage idéaliste du contenu matérialiste d'une science définie (ici, la biologie moderne) dans son extension à l'objet d'une outre science"

(1974,

p.

129).

C'est à ce titre que nous rejetterons 11.a con.ception de l'émergence biologique du langage et de 1 rntellrgence humaine.

111. PROPO SITIONS

Nous tenterons, dans le cadre de cette dernière partie, d'aborder les problèmes de base de l'acquisition du langage du point de vue du matérialisme. Cela signifie. n�tamme.nt que l'objet-langage sera considéré dan.s

I�

réalrte m�térrel­

le de tous ses aspects, biologiques aussi bren que sociaux, communicatifs comme représentatifs, historiques comme synchroniques. Dans l'incapacité où nou� nous trouvons de

fournir une conception intégrée de ces différents aspects, nous proposerons une analyse des niveaux successifs, en gardant en mémoire que cette démarche :st, comme toute démarche scientifique, traversée par des influences exté­

rieures à la science, idéologies pratiques et théoriques.

(10)

Nous nous efforcerons tout d'abord de caractériser le la�gage sur le plan fonctionnel; nous poserons ensuite brièvement le problème de l'hominisation, avant de revenir s�r l�s �nalyses synchroniques du langage (fournies par fa lingu1st1�u.e� et surtout sur le problème des conditions de son acqu1s1t1on.

A· cation Les fonctions du langage : représentation et communi­

A� cours de l'h.istoire de la philosophie et des sciences humaines, de multiples fonctions ont été attribuées aux con�uites lan�gières de l'homme: expression des idées, besoins ou sentiments •t

· , représentation régulation de l'a t·-

,

c ' v1 e motrice: médiation des comportements, unification de la pe�sonnalité, etc . ... sans parler des fonctions phatiques conatives� symboliques, sémiotiques, communicatives, etc. , N�mbre d auteurs s'accordent cependant aujourd'hui à ré­

�uire ce large éventail à deux fonctions générales sous­

l?ce�tes: la représentation et la communication. La signi­

f1cat1on de ces deux concepts paraît évidente et cepen­

�ant il est bien malaisé de les définir de mani è re à ce qu' ils ne se recouvrent pas. Le langage de

f'

homme est à

1

f . . a

ois com�un1cati� e.t représentatif, et l'on a par conséquent de la peine à définir des conduites purement représentati­

ves, d'autres purement communicatives. Nous allons pour­

tant tenter de cerner certains des éléments qui permettent d'établir cette distinction.

Dans son sens strict, la représentation est une "nouvel­

le présentation" d'un objet, d'un état ou d'un événem t·

f'

en , or9':1n1sme qui représente (ou plus précisément, "se repré- sente ) un contenu quelconque dispose ou construit à cet effe� des. substituts qui peuvent être internes (indices per­

ceptifs, images mentales) ou externes (signaux divers)·

ces substituts constituent une forme de connaissance d e

l'organisme, et rendent possible l'identification d'objets ou d'événements comme leur évocation. Cette capacité de représentation est disponible chez l'homme avant l'appari­

tion du langage (imitation différée, jeu symbolique) comme après (mémoire non-verbale des sujets adultes). Elle existe aussi dans de nombreuses espèces animales, sinon dans toutes.

La "permanence de l'objet" est acquise très tôt par le chat, le chien ou le singe, mais également par les larves de libel­

lules. On sait en outre de quelles conduites de détour est capable Rapha�I, le chimpanzé de Razran, et le degré éle­

vé d'analyse conceptuel le que peut atteindre sa congénère Sarah. Tous ces comportements attestent donc de I 'exi sten­

ce d'une capacité de représentation au sens strict chez l'a­

nimal comme chez l'homme. Nous n'aborderons pas dans le cadre de cet exposé le sens large du terme représentation, celui qu'utilise par exemple Piaget lorsqu'il affirme qu'elle se "confond avec toute intelligence ne s'appuyant pas sim­

plement sur les perceptions et les mouvements"

(1946),

ou celui que suggère Thom dans la formule suivante: "l'orga­

nisation des données sensorielles est une représentation de l'espace environnant"

(1973).

Dans ces deux cas, la repré­

sentation est synonyme d'adaptation ou d'intelligence, et la présence de substituts isolables n'est pas considérée comme nécessaire.

Selon

G.

Miller,"la communication est le fait qu'une information est transmise d'un point à un autre"

(1956),

c'est-à-dire d'une source à un destinataire, en transitant dans un "canal". Cette conception, issue directement de la théorie de l'information, est extrêmement étendue;

elle correspond en réalité à la définition large de la re­

présentation: du point de vue de l'observateur, toute inter­

action, toute séquence de comportement peut être décrite en termes d'information et donc constituer un

1

ieu de com­

munication; c'est en ce sens qu'on parlera notamment de

(11)

l'information qui est recueillie par les cellules sensorielles périphériques d'un organisme et qui est aiguillée vers les zones de projection corticale; c'est en ce sens également que les biologistes analyseront l'information stockée dans I 'A.D.N. ou que certains sém iologistes parleront du pouvoir informant de certaines configurations architecturales. Cet emploi du concept de communication est trop large pour avoir une véritable valeur heuristique, et il nous faudra donc, d'une part le restreindre à certaines catégories de comportements bien précis, et d'autre port le différencier clairement de la représentation.

Partons de quelques exemples . La parade sexuelle de l'épinoche a souvent été considérée comme un comporte­

ment communicatif typique; on peut la décrire brièvement de la manière suivante: lorsqu'il est en présence d'une femelle gravide, l'épinoche mâle entreprend une succession de mouvements destinés à faire étinceler sa tache rouge ventrale.· La femel·le, lorsqu'elle aperçoit la tache qui scintille, s'approche du mâle et le suit jusqu'au nid où les oeufs seront fécondés. A première vue, cette chaîne de comportements des deux partenaires ne se différencie guère de ce qui se passe par exemple lorsqu'un animal en heurte un autre accidentellement, que le second réagit par une conduite de menace, qui déclenche un combat ou une fuite;

dans les deux situations, on assiste à une séquence de com­

portements déclencheurs. Philosophes et éthologistes ont cependant toujours distingué ces deux types de séquences comportementales; les premiers en invoquant une "intention­

nalité" présente ou absente chez le protagoniste déclen­

cheur, les seconde en invoquant le contexte fonctionnel global de la séquence : si cette succession de déclenche­

ments s'inscrit dans le cadre des fonctions de survie de l'es­

pèce (reproduction, nourriture, protection, ... Lon parlera d'échanges communicatifs.

En l'absence d'une telle finalité, le terme de communica­

tion sera généralement évité. Dans ce sens restreint, le concept de communication implique nécessairement une organisation sociale; c'est une relation se déroulant entre plusieurs membres d'un même groupe social, et cette rela­

tion est orientée par 1 es modes de structuration du groupe.

Dans l'espèce humaine, une forme particulière de commu­

nication s'est instaurée et semble éclipser toutes les autres:

le langage. Celui-ci, comme l'ont décrit de nombreux lin­

guistes, repose sur une convention ou un code partagé par tous les membres du groupe, code qui règle les correspon­

dances entre les substituts et le sens. Dans le langage lui­

même, ce code est arbitraire, mais dans certains systèmes dérivés (signaux routiers, symboles graphiques) il peut être motivé. Outre ses nombreuses caractéristiques structurales originales (comme la double articulation, ou la présence de structures énonciatives), le langage présente la particu­

larité fonctionnelle de servir à la fois à la communication et à la représentation. Est-ce à dire que dans l'espèce humaine, toute communication est représentative? li semble bien que ce ne soit pas le cas. Lorsqu'à un ou deux mois le bébé émet des cris de "déplaisir" qui signalent à la mère un état inconfortable, il y a communication au sens où nous l'avons défini plus haut, et cette forme d'échange non représentée semble se prolonger bien au-delà de la période d'acquisition du langage (cf. notamment les tra­

vaux de Montagner et de son équipe).

Nous pouvons dès lors esquisser trois définitions qui ne se recouvrent pas. Par représentation, nous entendons un processus individuel , par lequel un organisme structure la connaissance qu'il construit, dans ses interactions avec le milieu, sous forme de substituts, soit internes (indices, images), soit externes (symboles, signaux, mots). Par com­

munication, nous entendons un phénomène social d'échange

(12)

entre deux ou plusieurs membres du groupe, dans le cadre des finalités globales qui maintiennent la survie et la cohé­

sion de ce groupe. le langage, quant à lui, peut se définir comme un (le seul?) système à la fois communicatif et re­

présentatif; il se compose de substituts représentatifs reliés à leur signification par une convention sociale; ce lien con­

ventionnel assure Io dénotation, qui est l'aspect représenta­

tif du langage. Elaboré dans le contexte d'interaction entre individus, et d'attentes réciproques, il fonctionne en outre comme un système de voleurs, en perpétuel mouvement. Ces voleurs, cet aspect connotatif du langage, est tout aussi fon­

damental que l'aspect dénotatif; la transmission des représen­

tations elles-mêmes n'étant pas possible (comment savoir que le sens du mot émis est bien le même pour celui qui le décode? Cf. Moturona pour une analogie biologique de cette incommunicabilité), le processus de communication verbale constitue donc toujours un essai, une hypothèse ou une intention de l'organisme émetteur à l'égard dti récep­

teur, hypothèse et attente par définition non-explicitobles.

A Io différence des systèmes de communication du monde animal, et sons doute également de Io communication non­

verbale de l'homme, le langage s'acquiert; la convention sociale qui le fonde doit être assumée par choque individu.

l'intentionnalité de l'émission d'un substitut est dès lors

·possible d'une analyse au niveau individuel et non plus ou niveau de l'espèce.

B. Pourquoi l'homme?

L'hypothèse que nous défendons est que la caractéristi­

que essentielle de l'homme est bien le langage, comme l'ont affirmé nombre de philosophes ou de penseurs depuis des siècles, mais le langage en tant que fusion des processus de communication et de représentation présents, mais de maniè­

re séparée, dans les espèces dites inférieures. Si cette hypo-

thèse est correcte, cela implique d'une part que, dans le monde animal, les systèmes de représentation n'ont aucune fonction communicative et que les communications s'opè- rent sans le secours de substituts représentatifs; d'autre part et surtout, que l'apparition de l'homme est le résultat, non seulement d'une évolution (de mutations?) sur le plan biologique, mais également de transformations sociales;

sur le plan phylogénétique, le langage ne peut donc être considéré comme le "simple" résultat d'une mutation biolo­

gique, avec comme conséquence secondaire l'apparition du phénomène social et culturel (cf. Monod et la position do­

minante présentée en 1.), mais plutôt comme le résultat d'une progression à la fois biologique et sociale; l'évolution biolo­

gique pourrait à la rigueur expliquer l'émergence d'une for­

me nouvelle de représentation, mais pas la fusion des systè­

mes de communication et de représentation.

Nous ne pourrons développer ici Io thèse des "systè­

mes séparés" dans le monde animal. Pour être brefs, nous noterons qu'il existe, jusqu'au niveau des singes supérieurs, des modes de représentation très élaborés qui ne semblent pcis être "investis" dons les conduites communicatives; il suffit de comparer Io richesse des activités intelligentes de Ropha�I ou de Sarah avec la pauvreté des modes de commu­

n icoti on spontanés tels qu'ils ont été décrits par exemple par J. Goodoll. Si l'on pose le problème en partant de Io communication, les choses paraissent moins évidentes cepen­

dant. Certes, les échanges par cris (d'avertissement), les parades sexuelles (cf. l'épinoche) ou encore le trop célè­

bre langage des abeilles peuvent être décrits comme des séquences de comportements s'inscrivant dans le cadre d'une finalité de l'espèce, sons qu'il soit nécessaire de postuler l'existence de substitutions représentatives ou niveau indi­

viduel. Pour étayer solidement notre hypothèse, il faudrait cependant analyser en profondeur tous les systèmes de com­

mun i cotion animale, spontanés ou orticifiels. A ce niveau,

(13)

il ne nous semble pas trop difficile, quoi qu'en disent les Gardner, de démontrer que Washoe, Sarah et toutes les

Il guenons ba var es d "d e notre epoque n'ont� qu'un système de représentation, très élaboré certes, mais qui n'a aucune valeur communicative

(

**

)

. Comme le note très finement D. Premack lui-même, "le chimpanzé possède les compétences nécessaires, mais ne semble pas les utiliser.

S'il ne le fait pas, c'est, me semble-t-il, parce que les conditions de motivation ne se sont pas imposées à lui suffi­

samment pour l'amener à s'en servir"

(1974,

p.

49).

Cette

motivation absente, que Premack relève, c'est précisément la motivation sociale de la communication : Sarah, comme Washoe, ont emmagasiné un stock important de substituts qu'elles peuvent combiner très savamment, en séquences' complexes de conduites de détour destinées à obtenir un ren­

forcement; elles n'ont apparemment pas "deviné" que leurs congénères pouvaient en avoir fait autant et que ces repré­

sentations pourraient être partagées dans ce qui deviendrait un véritable langage. Pour certaines formes de communica­

tion spontanée, comme celle des dauphins, le problème reste cependant ouvert, et nous n'oserions, en l'état actuel des connaissances, être aussi affirmatifs.

L'hypothèse de l'existence de rapports sociaux préala­

bles à l'apparition de l'homme et du langage, et conditions

·de leur apparition, n'est certes pas neuve. Dans la Dialec­

tique de la nature, F. Engels exposait au siècle dernier, en des termes qui pourraient certes paraître na1"fs aujourd'hui, une analyse des processus d'hominisation fondée sur le rôle du travail : "D'abord le travail; après lui, puis en même

(

**

)

l'échange entre membres d'espèces différentes (singe et homme) a un statut intéressant, mais on ne peut, comme le font les Gardner, l'assimiler à Io communication à l'in-

térieur de l'espèce. .

temps que lui le langage: tels sont les deux stimulants essen­

tiels sous l'influence desquels le cerveau d'un singe s'est peu à peu transformé en un cerveau d'homme"

(1975,

p.

175).

Ce type d'hypothèse, longtemps mis sous le boisseau par les spéculations du "tout-biologique", resurgit avec force au­

jourd'hui dans !'oeuvre d'auteurs comme Morin ou Moscovici:

"les organisations sociales préexistent au langage, à la dif­

fusion de l'outil, à l'Homo sapiens et (comme dit Morin) demens". Dans La société contre nature

(1972),

cet auteur démontre que le processus d'hominisation est avant tout une conséquence du processus de cynégétisation de l'espèce, accompagné d'un remodelage de la société des primates à l'intérieur de la société humaine.

C. Langage et linguistique

Le psycholinguiste, le pédagogue ou le logopédiste confronté à un probleme pratique de fonctionnement ou de dysfonctionnement du langage, lorsqu'il cherche des bases théoriques pour orienter sa démarche, éprouve souvent un malaise devant le caractère disjoint des analyses qui lui sont proposées : d'un côté des descriptions fonctionnelles, souvent très générales, fournies par les psychologues, qu'il s'agisse de behavioristes, de constructivistes, ou d'adeptes de la théorie du reflet ; de l'autre des analyses forme11es, parfois très sophistiquées, émanant de 1 inguistes, structura­

listes ou générativistes. Entre ces deux types d'analyse, aucune possibilité d'établir des liaisons, ou presque; linguis­

tique et psychologie du langage sont, en l'état, des discipli­

nes nettement distinctes. Comme nous avons tenté de le dé­

montrer ailleurs

(1977

b), la plupart des linguistes du cou­

rant structuraliste ont appauvri la conception saussurienne du signe, la réduisant, souvent sans trop de nuances, à une relation dénotative entre une séquence sonore ou signifiant et un concept; le fondement historique de cette relation,

(14)

et sa perméabilité aux changements sociaux ou individuels ont généralement été négligés, du moins jusqu'à il y a quelque temps. Dans cette conception restreinte, le signe est une relation stable, abstraite du fonctionnement réel des unités linguistiques dans des champs sémantiques et contex­

tuels par définition variables. Sur le plan de la syntaxe.

comme nous l'avons noté plus haut, la théorie aujourd'hui dominante, c'est-à-dire la grammaire générative, est tout entière centrée sur la notion de phrase, structure sous-jacen­

te produite par l'application récursive de règles théoriques · en nombre limité. Cette conception mécaniciste de la syn­

taxe s'appuie elle aussi sur une conception abstraite, hors contexte, de la langue et de son fonctionnement. Les quel­

ques linguistes qui ont tenté d'ancrer leurs analyses dans le cadre du fonctionnement de la langue, comme Pike avec la tagmémique ou Martinet avec le fonctionnalisme, ont malheu­

reusement souvent fait preuve d'une conception soit surannée soit trop rudimentaire du fonctionnement psychologique pou

/

être crédibles. De la même manière, les rares psychologues à avoir tenté une analyse d'ensemble du phénomène langage {cf. notamment Skinner, ou même Piaget) ont témoigné d'une solide ignorance des caractéristiques structurales spécifiques des langues naturelles, de telle sorte que leurs formulations concernent soit le processus de représentation dans son ensem- . ble (Piaget), soit les aspects généraux des processus d'inter­

action sociale chez l'homme (Skinner).

Pour décrire le langage de manière pertinente, il nous parait nécessaire de ne négliger ni son caractère de système représentatif hautement complexe (fondé sur une convention sociale et doté de règles de combinaison élaborées, telles que les ont décrites les linguistes contemporain�), ni son ca­

ractère de comportement communicatif, inséré dans un réseau complexe de relations sociales. 11 faut donc élaborer une théorie du discours en situation, telle que celle proposée au-

jourd'hui par Culioli (cf. plus haut).

D. l'acquisition du langage

Ce que nous venons de décrire comme la caractéristi­

que réellement spécifique de l'homme, le langage, émerge bien longtemps après que l'organisme ait acquis son identité;

18 mois après la naissance, 27 après Io conception. Ce phé­

nomène est unique dans le monde animal, et nous sommes loin aujourd'hui d'en avoir tiré toutes les conséquences. Lo plus élémentaire d'entre elles cependant est que l'on doit distinguer nettement deux catégories de problèmes d'acqui­

sition: ceux qui se posent avant l'apparition des premiers signes, c'est-à-dire avant l'entrée dans le système de com­

munication-représentation conventionnel de l'entourage social, et ceux qui se posent après, lorsque ce système se développe et interagit avec d'autres instruments cognitifs.

Le développement du langage se présente, dès les pre­

mières holophrases, comme une acquisition d'énoncés en situation; comme pour la description théorique (linguistique) de la langue, l'analyse des mécanismes d'acquisition du lan­

gage par l'enfant exige par conséquent que l'on prenne en considération plusieurs types de facteurs; la situation d'énon­

ciation (locuteur, interlocuteur, présupposés, etc.), les ins­

truments cognitifs à disposition du locuteur, les énoncés traités, et les événements ou états auxquels ces énoncés réfèrent. Nous avons, au cours de ces dernières années, tenté de fournir une synthèse des recherches de psycholinguis­

tique génétique entreprises pas nous-même ou par d'autres, en tenant compte de ces différent� paramètres. Notre démar­

che comporte trois étapes: tout d'abord Io définition d'opé­

rateurs psycholinguistiques; ces derniers sont des constructs théoriques, qui représentent une série d'opérations psycholin­

guistiques qui se produisent entre l'énoncé, la situation d'é­

nonciation, les processus cognitifs, etc. Pour donner un

(15)

exemple, ltopérateur de prédication correspond.à toutes les opérations ayant pour objet de traduire l'organisation inter­

ne d'un événement en organisation langagière, c'est-à-dire en organisation linéaire . Cet opérateur 11assure11 la traduc­

tion des rôles d'agents, patients, bénéficiaires, issus de l'ana­

lyse (cognitive) du réel, en expressions langagières de fonnes diverses. Ces opérateurs nous pennettent alors d'effectuer un

11reclassement11 de l'ensemble des structures d'une langue, d'un point de vue psycholinguistique: chaque structure est classée selon l'opérateur qu'elle met en jeu. Enfin, nous tentons de définir, pour chacun des groupes de structures, les stratégies que le sujet doit déployer pour les comprendre, les mémoriser ou les produire de manière efficace. Cette démarche a été décrite plus en détail ailleurs (cf . 1977 b et sous presse).

Le pré-langage de l'homme pose de nombreux problèmes, souvent peu explorés; nous avons, tout d'abord, démontré dans la première partie de cet exposé que Io théorie dominan­

te, en l 1occurence celle de Piaget, était centrée exclusive­

ment sur Io représentation : le langage apparaît à un moment donné comme le résultat de la complexification d'un systè- me de représentation fondé sur limitation, celle-ci s'appuyant à son tour sur le mécanisme biologique d1accomodation.

Dons la seconde et la troisième parties, nous avons démontré

·l'insuffisance de cette position tant sur le plan empirique (elle n'explique qu'une partie de ce qui se passe aux alen­

tours de 18 mois) que sur le plan théorique (le langage ne se réduit pas à un phénomène de représentation d'essence biolo­

gique).

La position que nous défendons semble dès lors assez claire; ce qu1 il faut analyser pendant la période pré-langa­

gière, c'est non seulement le développement des capacités de représentation, comme la remarquablement fait Piaget, mais également le développement des modes de communication entre le bébé et son entourage, et ce qu'il faut expliquer,

c'est comment ces deux racines du développement (cf. à ce sujet Vygotsky) se fondent pour donner naiss�nce. au langage.

Pour aborder l'analyse des modes de commun1cat1on pré­

verbale nous proposons de conserver le cadre de l'épistémo­

logie i

:

teractionniste (un dialogue entre �bjets (�ilie�) et organisme), à condition toutefois que cet 1nteract1onn1sme soit réellement dialectique, c'est-à-dire qu'il tienne compte des effets différentiels de la résistance du milieu dans l'éla­

boration des structures du sujet. Nous avons notamment tenté ailleurs d'analyser en termes de schémas précommunicotifs les interactions mères-enfants décrites par Condon et San- der (contrôle du rythme des mouvements du bébé de quelques semaines par le rythme des émissions vocales de la mère), celles de Ricks (communication par cris entre la mère et son bébé de 6 à 9 mois), de même que celles mises en évidence · par Montagner et son équipe. Il y a .là �ne ébau,che d� réfle­

xion et d'analyse qui pourrait conduire a terme. a e�pl1.q�er comment les processus d'évocation (représentation) 1nd1v1duel­

le fondés sur un code bio-psychologique, et les processus d'111attente11, d' "intentions .communicatives11 qui se dévelop­

pent dans les interactions mère-enfant, conduisen

'.

à ce �r­

tage des représentations ou encore à cette évocation sociale qu'est le langage.

Notre second problème, celui de l'inconscient, nous entraînera sur une voie plus difficile encore. Organisme par­

ticulièrement inachevé à sa 11venue au monde", l'enfant est plongé, pendant 18 mois, dons un système de c��unicati1on­

représentation auquel il ne peut réellement part1c1per. C est pendant cette période, qu1 en raison même d.e c.ette pr

matu­

ration, s'élaboreraient ,:selon Freud, les désirs mconsc1ents.

L'inconscient pourrait dès lors se définir comme ces 11commu­

nicabilia11 non communiqués, faute de moyens, et qui se ré­

pètent inlassablement, dans le rêv.e ou dans les symytômes

"pathologiques". On comprend mieux dès lors le role du Ion-

(16)

gage et de leur verbalisation dans la cure psychanalytique, mais on comprend plus mal encore cette formule trop célè­

bre de I' "inconscient structuré comme un langage" : I' in­

conscient serait plutôt le résultat de l'a-langage; s'il fonc­

tionne de manière connotative, c'est précisément en raison de l'absence de ce qui fait la langue: une convention sociale.

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29

(18)

•)

- · L' A PPRENTI S SAGE DE LA NOTIO N DE SUJE T

A L'ECOLE PRIMAIRE

M. J. B ESSON et J. P. BRON CKART

A paraître dans la revue FORUM

(19)

INTRODUCTION

A son entrée à l'école primaire, l'élève "moyen" mani- pule avec un certain bonheur l'instrument complexe de . . . I corn

_

munrcatron socra e qu'est le langage. En vue de l'enrichis- sement et du perfectionnement de ce "savoir-faire", l'ensei­

g

ement d

la langue maternel le a pour objectif, entre autres, d a�ener 1 élève à réfléchir sur sa langue. D'une certaine manrère, les programmes de français, dans les degrés primai­

res, sont articulés autour de niveaux successifs de "pris d 11 e e conscrence grammaticale: découpage en unités de premiè- re et de seconde articulation lors de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture, repérage des premières classes de mots (noms, verbes, etc.) et des fonctions de base (sujet complément, etc.), analyse de l'organisation d'unités t

:

lles

que le syntagme nominal et le syntagne verbal (conjugaison) Les quelques réflexions et données expérimentales que nous .

�résenterons dans cet article ont trait aux fonctions gramma­

tr.cales et :n particulier à la notion de sujet, que nous étu­

drons depuis quelques années déjà. L'objectif de notre dé­

m.arche est triple : nous nous efforçons tout d'abord de pré­

crser le degré de complexité réelle des notions proposées à l'enfant en essayant notamment de déterminer quels sont les facteurs qui doivent être pris en considération sur le

· e_lan théorique, pour expliquer le fonctionnement

d

'une rela­

tron tel

!

e.q_ue "sujet de". Nous tentons ensuite d'analyser les possrbrl rtés réel les de prise de conscience et de réflexion de l'enfant par rapport à ces notions, et cela dans des expé­

ri:nces réalisées, dans la mesure du possible, en milieu sco­

laire, proposées par des enseignants, dans le cadre des acti­

v

tés habituelles d: la �lasse. Enfin, nous nous efforçons de degager t?utes les rmplrcations pédagogiques et de formuler des conserls et recommandations destinées aux praticiens comme aux rédacteurs de programmes scolaires.

A. Données linguistiques sur la notion de su

j

et

Issue des perspectives logicisantes des grammairiens de !'Antiquité, la fonction de sujet a traversé les siècles sans subir de véritable remise en question. Elle constitue aujourd'hui la notion la plus courante de la grammaire sco­

laire et sa signification est habituellement tenue pour évi­

dente. L'avènement de la linguistique synchronique, au début de ce siècle, n'a pas modifié profondément cet état de choses. L'examen de la fonction sujet est, par exemple, absent de l'oeuvre de Saussure et cette notion ne fait l'objet d'une discussion véritable ni chez Sapir, ni chez Harris, ni même chez Chomsky. Deux auteurs du cou­

rant structuraliste, Hjelmslev et Tesnières, ont bien tenté une remise en question radicale de l'analyse de la phrase, mais leurs propositions n'ont conduit à aucune application pédagogique durable. Les enseignants, comme les psychopé­

dagogues de la langue maternelle, se trouvent donc toujours aux prises avec les notions traditionnelles de sujet, et d'ob­

jet, et certains d'entre eux ont entrepris d'en analyser la complexité.

Dans un travai 1 réalisé en 1974, S. Delesal le relève quatre "propriétés" principales (non nécessairement con­

tradictoires) du sujet dans la langue française. Sur le plan de la syntaxe tout d'abord, le sujet est un des deux groupes constitutifs d'une phrase simple; ce groupe est localisable par les procédures structuralistes de se9'11entation et de com­

mutation. C'est cette conception qui est reprise dans la grammaire générative de Chomsky, où la première des rè­

gles de réécriture s'énonce: P -sN +SV et où le sujet est ce premier SN, c'est-à-dire, le SN "dépendant de P"

Sur le plan logique, qui est celui où se plaçaient les grammairiens de !'Antiquité et de la Renaissance, l'opéra­

tion "intellectuelle" sous-jacente à la phrase est la prédi­

cation, c'est-à-dire l'attribution d'une propriété (ou d'un

Références

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