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Devenir parents : une situation de double bind social ?

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Devenir parents : une situation de double bind social ?

TETTAMANTI, Manuel, WIDMER, Eric

Abstract

Dans l'approche systémique, la transition à la parentalité est vue comme un moment de crise nécessitant une réorganisation du système familial. Les changements accompagnant cette transition sont alors expliqués par une régulation relativement autonome de la dynamique intrafamiliale, une perspective dont l'insuffisance a été soulignée à la fois par les thérapeutes systémiciens et par les sociologues. Des études indiquent en effet que la répartition des rôles adoptés au sein du couple parental est en grande partie le reflet de contraintes sociales plus ou moins explicites. Notre hypothèse est que leur nature contradictoire relève d'une forme de double bind social. D'un côté, une répartition des rôles conçue comme un libre choix relevant de leur sphère privée et de leur responsabilité. De l'autre, un environnement institutionnel qui favorise l'adoption de pratiques familiales sexuées. Cette contradiction dans les attentes sociales et institutionnelles relatives à la transition à la parentalité contribue à une situation de tensions familiales qui, dans certains cas, conduit les familles à [...]

TETTAMANTI, Manuel, WIDMER, Eric. Devenir parents : une situation de double bind social ? Psychothérapies, 2020, vol. 40, no. 4, p. 237

DOI : 10.3917/psys.204.0237

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:151258

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DEVENIR PARENTS : UNE SITUATION DE DOUBLE BIND SOCIAL ? Manuel Tettamanti, Éric Widmer

Médecine & Hygiène | « Psychothérapies » 2020/4 Vol. 40 | pages 237 à 245

ISSN 0251-737X

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-psychotherapies-2020-4-page-237.htm

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Tettamanti, M., Widmer, E. (2020). Devenir parents : une situation de double bind social ?. Psychothérapies, vol. 40(4), 237‑245 | doi : 10.3917/psys.204.0237

Devenir parents : une situation de double bind social ?

Manuel Tettamanti* et Eric Widmer**

Dans l’approche systémique, la transition à la parentalité est vue comme un moment de crise néces- sitant une réorganisation du système familial. Les changements accompagnant cette transition sont alors expliqués par une régulation relativement autonome de la dynamique intrafamiliale, une pers- pective dont l’insuffisance a été soulignée à la fois par les thérapeutes systémiciens et par les sociolo- gues. Des études indiquent en effet que la répartition des rôles adoptés au sein du couple parental est en grande partie le reflet de contraintes sociales plus ou moins explicites. Notre hypothèse est que leur nature contradictoire relève d’une forme de double bind social. D’un côté, une répartition des rôles conçue comme un libre choix relevant de leur sphère privée et de leur responsabilité. De l’autre, un environnement institutionnel qui favorise l’adoption de pratiques familiales sexuées. Cette contradiction dans les attentes sociales et institutionnelles relatives à la transition à la parentalité contribue à une situation de tensions familiales qui, dans certains cas, conduit les familles à demander un soutien psy- chothérapeutique. Notre perspective est illustrée par la situation d’un couple vu dans le cadre d’un service de consulta- tion clinique en Suisse francophone.

L

a transition à la parentalité est un point de rupture majeur dans les trajectoires de vie.

Cette période, parfois qualifiée de « crise » familiale, est accompagnée de changements dans la dynamique de couple (p. ex. Bradley et Pauzé, 2008 ; Corboz-Warney et Fivaz-Depeursinge, 2001 ; Cowan et Cowan, 1992 ; Favez, Frascarolo et Fivaz- Depeursinge, 2006 ; Haley, 1973 ; Minuchin, 1974).

Haley (1973) décrit, par exemple, les pressions nou- velles associées à la transition à la parentalité. Il insiste sur la nécessaire modification de la dyna- mique de couple afin d’inclure l’enfant et sur la construction de l’autonomie du jeune couple par rapport aux familles d’origine. Minuchin (1974) souligne de son côté que durant cette période critique, les couples ont besoin de développer le sens d’eux-mêmes comme des partenaires dans la parenté aussi bien que des partenaires dans le mariage et à ne pas perdre la relation de couple durant cette phase où l’enfant demande beaucoup d’attention. Cette distinction se retrouve dans des conceptions plus récentes qui mettent en évidence l’importance d’une construction de « co-parentage »

lors de la transition à la parentalité (Favez et al., 2006 ; McHale et Fivaz-Depeursinge, 1999).

L’approche systémique intègre dès son origine l’environnement social dans la compréhension de la dynamique « intrafamiliale ». En effet, dans leur approche princeps, Bateson et collaborateurs (1956) accordent un rôle crucial au système social en soulignant que toute interaction ne peut être comprise que dans son contexte relationnel plus large. Ce souci d’une pleine intégration du contexte social se retrouve par la suite dans les écrits de nombreux représentants de l’approche systémique (p. ex. Elkaim, 1989 ; Haley, 1973 ; Minuchin, 1974 ; Rampage et Myers Avis, 1995 ; Sluzki, 2007). Par exemple, l’attention apportée par Minuchin (1974)

R ésumé

* Docteur en Psychologie, Psychothérapeute d’orientation familiale systémique, Programme Psychothérapeutique pour Familles et Couples et Unité de psychiatrie du jeune adulte, Département de Psychiatrie, Hôpitaux Universitaires de Genève.

** Professeur de Sociologie, Swiss National Centre of Competence in Research : LIVES, Université de Lausanne et Université de Genève.

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aux contextes (métasystèmes), tels que le niveau social, les institutions ou les familles d’origine, lui permet de « comprendre » l’espèce de nécessité qui pousse les familles à fonctionner comme elles le font. Minuchin considère ainsi la famille comme un système ouvert qui fonctionne à l’intérieur de contextes sociaux spécifiques. De son côté Haley (1973) insiste sur l’importance pour le thérapeute d’être « extrêmement attentif » (p. 17) aux forces extérieures qui pèsent sur les familles. Enfin, Elkaim (1989, p. 32) souligne l’importance de prendre en considération le contexte social dans son ensemble, au-delà de l’influence des familles d’origine.

Cependant, la fréquente référence des thérapeutes à l’« autonomie » du système familial (c.-à-d., auto- poiesis), répondant à ses propres règles systémiques (pour une description de ce concept voir Miremont, 2001), contribue à justifier dans les faits une centra- tion souvent exclusive des approches cliniques sur la dynamique intrafamiliale, qui sous-estime le rôle des facteurs institutionnels ou normatifs propres à l’environnement social.

Cette contribution propose une réflexion inter- disciplinaire sur le concept de double bind social et sur son importance pour l’approche systémique des familles, en prenant comme exemple la transition à la parentalité. Une illustration clinique suggé- rant des pistes d’intégration concrète du rôle du contexte social à la pratique psychothérapeutique est ensuite développée.

Des pratiques domestiques en désaccord avec les valeurs sociales

La répartition des rôles familiaux selon le genre des parents est une dimension des interactions fami- liales dont l’ancrage dans l’environnement social est très visible. Divers travaux sociologiques ont en effet montré que la naissance d’un premier enfant est souvent marquée par une transition vers des pratiques inégalitaires pour les couples, partageant jusqu’alors de manière égale les tâches domestiques et professionnelles (p. ex. Bühlmann, Elcheroth et Tettamanti, 2010 ; Widmer, Kellerhals, Levy, Ernst

Stähli, et Hammer, 2003). Suite à cette transition, les femmes, dans la très grande majorité des cas, interrompent ou réduisent leur activité profession- nelle pour un certain temps, parfois jusqu’à l’entrée de l’enfant cadet à l’école et même au-delà (p. ex.

Widmer et al., 2003). Contrairement à la trajec- toire professionnelle des hommes celle des femmes est alors fortement liée à la trajectoire familiale.

Ainsi, suite à l’arrivée du premier enfant, les rôles de chacun dans le fonctionnement familial vont, par la forte asymétrie de la participation au marché du travail des deux conjoints (Widmer et al., 2003), devenir plus traditionnels. En règle générale, l’abandon de la participation au marché du tra- vail implique une réorganisation de la distribution des tâches domestiques. La proportion des tâches domestiques assumées par les femmes croît par rap- port à celle de leur partenaire et cela même lorsque le temps spécifiquement dédié à l’enfant n’est pas considéré (p. ex. Bielby et Bielby, 1989 ; Craig et Mullan, 2010). Les données suisses montrent que le nombre d’heures dévouées au travail domestique et au soin à l’enfant s’accroissent de manière graduelle chez les femmes avec l’arrivée du premier enfant.

L’investissement des hommes dans le travail domes- tique s’accroît également mais pas au même degré (Widmer et al., 2003). Le plus surprenant est que cette perpétuation des pratiques sexuées au sein des nouvelles générations de couples se fait en contra- diction avec des valeurs sociales égalitaires en forte progression (p. ex. Krüger et Levy, 2001).

Un détour par la sociologie est utile pour com- prendre les mécanismes sous-jacents à cette émer- gence des inégalités de rôles au moment de la transition à la parentalité. Krüger et Levy (2001) relèvent que les institutions entourant la famille structurent la mise en place des rôles au sein du couple autant que les interactions familiales. Ces auteurs suggèrent, par exemple, que la participa- tion des femmes au marché du travail ne peut être expliquée par des choix personnels mais doit inté- grer le système plus large des contraintes et oppor- tunités sociales telles que les solutions de garde et les congés parentaux à disposition. Ils soulignent dans cette optique que les familles « n’agissent pas seulement en référence à des normes et des valeurs auxquelles elles adhèrent, mais également et peut-être même plus fortement en fonction de l’environnement institutionnel qui structure leur vie quotidienne »1 (Krüger et Levy, 2001, p. 162,

1 « Individuals and families act not only with reference to norms and values to which they adhere, but also and maybe even more strongly so with respect to the institu- tional environment that structures their everyday life ».

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notre traduction). Cette nécessité de replacer les interactions familiales dans leur contexte social est également thématisée par Bourdieu (1993a) qui insiste sur la pression normative qui se réalise au travers des institutions étatiques. Il indique : « nos conduites les plus privées elles-mêmes dépendent d’actions publiques, comme […] la politique de la famille » (p. 36). Dès lors, l’organisation tradition- nelle et inégalitaire mise en place par les couples lors de la transition à la parentalité ne peut être comprise sans référence aux politiques familiales en vigueur dans l’environnement des couples. Or la Suisse fait partie, avec d’autres pays d’Europe, des états peu actifs dans le domaine des structures d’accueil de la petite enfance ou des congés paren- taux (OCDE, base de données sur la famille : http://

www.oecd.org/fr/social/famille/basededonnees.

htm). Les comparaisons réalisées des effets des dif- férentes politiques sociales des pays européens ont dans ce sens mis en évidence que la construction d’inégalités durables au sein des couples était propre aux régimes qualifiés de « libéraux » ou « conserva- teurs » en matière de politique de la famille (Esping- Andersen, 2009 ; Korpi, 2000). A contrario, le régime social-démocrate (Esping-Andersen, 1990), présent dans plusieurs pays scandinaves, déve- loppe une politique familiale beaucoup plus active dans le soutien financier et pratique une paren- talité dégagée des inégalités de genre. Le congé parental y est beaucoup plus long et soumis à des contraintes obligeant les hommes à y souscrire au même titre que les femmes. Cependant, malgré ces pays d’exception, de très nombreux contextes nationaux contemporains, européens ou non, favo- risent aujourd’hui des arrangements institutionnels fondamentalement inégalitaires, alors même que les valeurs sociales accordent dans le même temps une place dominante à l’égalité entre hommes et femmes (Bühlmann et al., 2010 ; Widmer et Spini, 2017).

Bühlmann et al. (2010) ont en particulier montré que dans le régime libéral, dont la Suisse est un bon exemple, la proportion de couples avec des valeurs et des pratiques égalitaires est réduite de moitié (i.e.

environ 40 % à 20 % de l’échantillon) après l’arrivée d’un premier enfant. Quels effets a potentiellement cette divergence entre valeurs de genre égalitaires et absence de soutien institutionnel sur les couples en transition vers la parentalité ?

Les double binds sociaux

La notion de double bind2 a été développée à l’ori- gine par Bateson, Jackson, Haley et Weakland (1956) dans leur description de la dynamique de la communication intrafamiliale paradoxale expliquant les symptômes de la schizophrénie.

Le double bind implique au minimum trois carac- téristiques (Bateson et al., 1956 ; Sluzki, Beavin, Tarnopolsky et Veron, 1967 ; Watzlawick, Beavin et Jackson, 1967). Tout d’abord, deux ou plusieurs personnes sont engagées dans une relation intense qui a une grande valeur vitale, physique et/ou psy- chologique pour l’une d’elles, pour plusieurs ou pour toutes. Watzlawick et collaborateurs (1967) notent que les situations caractéristiques où interviennent ces relations intenses comprennent notamment la vie familiale mais également des contextes

« marqués par les normes et traditions sociales » (p. 213). Deuxièmement, dans un tel contexte, un message est émis qui est structuré de manière telle que : a) il affirme quelque chose, b) il affirme quelque chose sur sa propre affirmation, c) ces deux affirmations s’excluent. Enfin, le récepteur du mes- sage est mis dans l’impossibilité de sortir du cadre fixé par le message, par une méta-communication (ou critique). Bien que la notion de double bind ait contribué à la compréhension des liens entre troubles psychiques et dynamiques familiales, ce concept avait dès l’origine une visée plus large.

Bateson (Bateson et al., 1956 ; Bateson, 1996) était en effet particulièrement attentif aux enchevêtre- ments possibles entre le niveau familial et le niveau de la société. Dès lors, dans cette perspective, le double bind peut également s’appliquer à l’influence des contextes sociaux sur les individus (voir aussi Elkaim, 1989 ; Watzlawick et al., 1967), Ce que feront certains systémiciens à la suite de Bateson.

Par exemple, Watzlawick et collaborateurs (1967), qui considèrent que le rapport aux normes et aux traditions de l’environnement est marqué par ce genre de paradoxes, donnent quelques exemples de double binds en lien avec des contextes sociaux.

L’un, extrait d’un livre d’Arthur Koestler, décrit le

2 Dans notre texte nous conserverons la notion de double bind en raison de la variété de traductions française de ce terme. De plus, la littérature sociologique à laquelle nous nous référons quant il s’agit de décrire la nature sociale du double bind utilise ce terme sans le traduire.

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rapport des individus à une idéologie : « Le Parti niait le libre-arbitre de l’individu – et en même temps exigeait de lui une abnégation volontaire » (p. 202). De son côté, Duterme (2006 ; voir aussi de Gaulejac et Hanique, 2015), qui applique cette notion à la compréhension des rapports d’employés à leur entreprise, relève la présence de « doubles contraintes génératrices de souffrances indivi- duelles profondes » (p. 10) : un phénomène mis en lien avec le discours social nouveau, de nature libé- rale, sur la responsabilité et l’autonomie des indi- vidus. Selon Sluzki et Veron (1971), le caractère intenable et pathogène du double bind réside dans l’« internalisation » (p. 340) par l’individu des para- doxes de son environnement. Ils notent : « Cette injonction crée une situation intenable, parce qu’elle exige qu’une source externe soit confondue avec une source interne ». (Sluzki et Veron, 1971, p. 339). Selon ces auteurs cette manière de faire sienne des règles (sources) externes est un moyen de résoudre le complexe de contraintes inhérentes au paradoxe auquel l’individu est confronté.

Les références à des double binds sociaux se retrouvent également dans la littérature sociolo- gique. On notera en particulier les travaux de Pierre Bourdieu (1993b ; voir aussi Elias, 1993) qui utilise le concept de double bind comme un reflet du vécu douloureux des « contradictions d’un État » (1993b, p. 342). Cette contradiction se traduit par une conscience partielle de leur situation par les indi- vidus qui se livrent à un « travail de refoulement de la vérité objective de la position occupée au sein […] de l’espace social » qui ne « réussit jamais com- plètement » (p. 919). Dès lors, cette « lucidité » sur la situation coexiste avec un « parti quasi délibéré d’entrer dans le jeu de l’illusion ». Dans une pers- pective très similaire à celle d’« internalisation » du double bind de Sluzki et Veron (1971), Bourdieu (1993b) indique : « celui qui entreprend de faire sien le mensonge que l’institution fait à son propos est voué, par définition, à la double conscience et au double bind. » (p. 920).

Plus spécifiquement, la notion de double bind social est utilisée pour caractériser les difficultés spécifiquement rencontrées par les individus selon leur identité sexuée. En effet, les contradictions du système social ne s’expriment pas de la même

manière selon que l’on est un homme ou une femme. Selon Bourdieu (1998) « l’accès au pouvoir, quel qu’il soit, place les femmes en situation de double bind : si elles agissent comme des hommes, elles s’exposent à perdre les attributs obligés de la

« féminité » et elles mettent en question le droit naturel des hommes aux positions de pouvoir ; si elles agissent comme des femmes, elles paraissent incapables et inadaptées à la situation. » (p. 96). De manière complémentaire, la notion de double bind a été utilisée pour se référer aux incompatibilités entre les insertions professionnelles et familiales des femmes qui constituent des freins à leurs car- rières professionnelles (Shapiro, Ingols et Blake- Beard, 2008).

Double bind social et parentalité

La présence de double binds3 sociaux dans la parenta- lité est évoquée par Ulrich Beck dans son livre clas- sique la Société du Risque (1986, p. 283), qui stipule que de nombreuses femmes « mènent une double vie contradictoire marquée par le poids de la famille et des institutions. Pour elles, le rythme familial est toujours déterminant ; or, dans la majorité des cas, le rythme de la formation et de la vie profession- nelle s’y surajoute déjà, ce qui ne cesse d’entraîner des situations de conflits, et de faire naître des exi- gences incompatibles » (pp. 283-284). Ces pressions nouvelles pour les couples sont alors directement liées au fait que « les réglementations et les inter- ventions institutionnelles sont (implicitement) des réglementations et des interventions sur l’existence humaine » (p. 284). Beck (1986) donne comme exemple de ce type d’intervention les horaires des crèches qui participent de la contradiction vécue par les femmes entre leur vie professionnelle et familiale. Or à l’inverse d’une reconnaissance de ce vécu contradictoire, les femmes investies pro- fessionnellement sont souvent l’objet de stigmati- sation sociale. Beck indique à ce propos : « Le fait que cet échange de rôles soit encore si mal accepté est tout à fait flagrant : les hommes sont félicités par leur entourage, tandis que les aspects négatifs sont imputés à leurs épouses : Elles se voient reprocher d’être de « mauvaises mères » » (p. 231). Ainsi, au travers de la stigmatisation à laquelle il peut être associé, ce double bind social peut avoir des consé- quences négatives sur l’estime de soi, la santé ou les

3 Il ne fait pas mention direct de ce terme tout en se référant à des conceptions relativement proches.

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émotions des personnes qui en sont la cible (p. ex.

Crocker, Major et Steele, 1998 ; Goffman, 1963 ; Major et O’Brien, 2005) et peut alors amener cer- tains couples à demander un soutien thérapeutique.

Ce double bind peut également concerner les hommes (Dickstein et al., 1991), dont on attend aujourd’hui une participation au travail familial et domestique tout en les jugeant négativement (à l’aune des stéréotypes sociaux) quand ils le font trop activement, enfreignant ainsi les normes de la mas- culinité, une situation qui pourrait contribuer selon Dickstein et al. (1991) à l’émergence de troubles psychiques. Stone et Lovejoy (2004, p.80), qui ont directement étudié cette question, indiquent que les mères qui ont une activité professionnelle sont prises dans un double bind social entre le rôle de

« parent idéal » et celui de « travailleur idéal » : ce qui constitue une forte source de pression pour elles.

Le double bind mentionné repose ici sur l’incom- patibilité pour les femmes entre l’identité sociale de mère et l’identité professionnelle. La mère qui travaille se voit ainsi menacée par le stéréotype négatif de la « mauvaise mère ». A l’inverse pour les pères, suivant le modèle traditionnel du « père nourricier », le « père idéal » se confond bien sou- vent avec le « gagne-pain ». Or ces mêmes auteurs constatent que ces pressions structurelles sont bien souvent rapportées par les mères dans un langage relevant du choix. Cette transformation des rôles parentaux, source de doubles binds, constitue une situation nouvelle qui fait suite à l’émergence, pendant la première moitié du vingtième siècle, d’un modèle familial basé sur la domination du

« père gagne-pain » comme chef de famille (Beck, 1986, p. 288). Dès lors, l’application du concept de double bind social à la transition à la parentalité est particulièrement heuristique dans la compré- hension du contexte social de certains des troubles présentés en clinique par les jeunes parents.

Illustration clinique

Afin d’illustrer l’intérêt théorique du concept de double bind social dans la compréhension de la dynamique des couples et familles lors de la tran- sition à la parentalité, nous prendrons comme exemple un couple suivi au sein d’un service de pédopsychiatrie de la région francophone suisse.

Ce couple est marié avec deux jeunes enfants.

L’aînée des enfants est une fille âgée de 3 ans et demi et le cadet est âgé de 2 ans. Madame, âgée d’une trentaine d’années, travaille à temps plein dans les ressources humaines. Monsieur, un suisse d’une trentaine d’années également, a travaillé comme éducateur de la petite enfance. Les deux membres du couple sont de formation universi- taire. Monsieur assume la majeure partie des tâches domestiques. Le couple en est venu à adopter une répartition des rôles « non traditionnelle » puisque c’est Monsieur qui, à la naissance de leur premier enfant, est devenu père au foyer. Une demande de consultation est faite suite aux troubles du sommeil de la fille aînée qui « crie avant d’aller au lit » et qui se réveille pratiquement toutes les nuits puis va dormir dans le lit des parents. Le petit frère se lève également souvent la nuit. Cela conduit le couple à dormir pratiquement chaque nuit avec ses enfants.

Une consultation est demandée car les parents sont épuisés, ne savent plus comment s’y prendre et aime- raient « comprendre pourquoi c’est comme ça ».

Comment alors le double bind social intervient-il ? D’un côté, le « message social » implicite associé au manque de soutien institutionnel à la mise en place d’un fonctionnement égalitaire est mentionné régulièrement au cours des séances de thérapie.

Madame fait en effet de nombreuses références aux contraintes qui pèsent sur le couple en lien avec la tentative des parents d’avoir un fonctionnement

« non traditionnel ». La difficulté de concilier travail et famille est en particulier soulignée par Madame dans la mention de ses horaires de travail contrai- gnants qui ne lui permettent de voir ses enfants que

« 45 minutes par jour ». Il faut cependant relever que cette situation est rapportée en premier lieu par Madame comme le résultat d’un choix plutôt que d’une pression de l’environnement. D’autres contraintes, plus centrales dans cette situation cli- nique, sont davantage en lien avec l’image qui est renvoyée au couple par son réseau social. En parti- culier, les remarques de l’entourage familial proche du couple qui remet en question leur organisation.

Madame indique : « en fait j’ai du soutien mais c’est plus des critiques ». L’entourage, par les remarques faites, contribue à remettre en question le mode d’organisation mis en place et la manière d’élever les enfants : « ça ne doit pas se faire ». Dans ce contexte qui lui fait « monter les tours », Madame se sent incomprise, « énervée » et en est venue à ne plus évoquer la situation familiale avec son entourage.

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D’un autre côté, une injonction à être auto- nome et responsable de ses choix, véhiculée par les normes sociales se manifeste lors du suivi thé- rapeutique dans le fait que Madame souligne sa liberté de choix et sa responsabilité dans la situa- tion. Un sentiment d’« injustice » par rapport à ce qui lui arrive est cependant également présent chez Madame. Il est cependant associé par elle au manque de reconnaissance par son entourage de son rôle et de son apport à la dynamique familiale.

Or le manque de reconnaissance sociale du rôle de Madame contribue à un brouillage identitaire qui alimente sa culpabilité et qui influence sa manière de vivre les interactions de couple : « C’est vrai que je travaille à 100 % donc euh je les vois pas souvent…Donc euh j’ai un peu de la culpabilité ».

Madame affirme qu’il est de sa responsabilité de se relever la nuit lorsque les enfants sont réveillés car elle n’est pas avec les enfants durant la journée, au contraire de son mari : « moi à la limite je suis toute la journée au bureau si à la limite j’ai un coup de fatigue je peux aller me prendre un café ou je peux me faire une tisane. Et puis je ne suis pas là avec les enfants qui ont besoin de moi tout le temps ». Une attitude qui est directement reliée par Madame au manque de reconnaissance sociale de son rôle par la famille : « Oui, mais ils le voient pas mon travail, je ne suis pas à la maison ». Remarquons que dans leur insistance sur leur autonomie et leur responsa- bilité quant à leur organisation familiale, Madame et Monsieur tiennent un discours présentant la situation comme un « choix de vie » dépendant de leurs propres capacités que l’on retrouve chez de nombreux couples confrontés à la transition à la parentalité (Le Goff et Levy, 2016), qui vivent la reprise de l’activité professionnelle de la femme de manière très ambivalente.

Le stéréotype de la femme active professionnel- lement comme « mauvaise mère » constitue une menace identitaire qui n’est pas sans conséquences sur l’estime de soi et l’humeur. L’activité profes- sionnelle n’est pas vécue par Madame comme une source de fierté mais participe à la culpabiliser. Les aspects identitaires positifs du travail ne sont ainsi

que marginalement évoqués et c’est l’incompati- bilité entre rôle maternel et rôle professionnel qui prend le dessus dans le discours.

Dès lors, la prise en compte du double bind social offre un éclairage inédit sur les difficultés de som- meil des enfants. En effet, Madame revenant tard de son activité professionnelle, la nuit est un des seuls moments où elle peut se sentir (physiquement) proche de ses enfants et leur apporter de l’affection.

La culpabilité de Madame contribue à son accepta- tion des réveils nocturnes fréquents des enfants et de leurs nuits passées dans le lit des parents. De son côté, Monsieur critique Madame dans sa manière de jouer son rôle professionnel et familial, le réveil des enfants étant interprété comme le signe tan- gible d’un dysfonctionnement dont elle est consi- dérée comme la principale responsable. Sans entrer ici dans les détails des interventions thérapeutiques réalisées, on notera que le fait de « recadrer » la situation en reconnaissant dans le processus thé- rapeutique les contraintes auxquelles le couple doit faire face a contribué à ce que Madame ressente moins de culpabilité, que le couple assume son mode d’organisation non traditionnel (Monsieur est à la maison, Madame est active professionnelle- ment à plein temps) par rapport à son entourage, et que les conjoints manifestent dans le même temps une plus grande solidarité l’un envers l’autre.

Discussion et conclusions

Cette illustration clinique est un exemple de la potentielle importance pour le travail thérapeu- tique de prendre en compte les double binds sociaux auxquels sont confrontés les individus dans la tran- sition à la parentalité. Un premier message social explicite4 indique au couple : « vous êtes libres de vous organiser comme vous le voulez : Cela relève de votre choix qui est du domaine privé »5. Une

« règle » impliquant l’autonomie des couples face aux institutions qui est d’autant plus valorisée du fait qu’elle est en adéquation avec le processus de « pri- vatisation » du couple et de la famille qui a marqué le monde occidental ces 50 dernières années (p. ex.

Beck, 1986 ; Kellerhals et Widmer , 2005 ; voir aussi Ehrenberg, 2000). En effet, les nouvelles généra- tions de couples ont la volonté de choisir librement leur mode d’organisation et de s’estimer seules responsables de leurs interactions quotidiennes.

4 Ce niveau de communication est par exemple appelé

« programme officiel » par Elkaim (1989, p. 28)

5 On peut donner comme illustration de cela la prise de position du conseiller fédéral Ueli Maurer : « Je pense vrai- ment que les parents sont responsables pour les enfants et pas l’Etat » (Télévision Suisse Romande, 28.11.2008)

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Devenir parents : une situation de « double bind » social ?

Cette injonction au « libre choix » est cependant contredite par un « message institutionnel » plus implicite6 associé à l’absence de mise en place, dans bien des pays occidentaux, d’une politique sociale de soutien aux parents qui souhaitent, en accord avec leurs valeurs, mettre en place une répartition des tâches égalitaire. Ainsi la norme sociale d’au- tonomie d’organisation du couple et de la famille n’est pas accompagnée d’une politique institution- nelle soutenant la parentalité. Les couples ren- contrent dès lors tous les critères d’une soumission à un double bind social dans lequel les contraintes liées à l’environnement institutionnel contredisent le principe du « libre choix » vécu comme la norme sociale dominante. Ce paradoxe est alors suscep- tible d’accentuer le stress des couples avec enfants.

Il peut constituer une menace pour l’équilibre de ces couples et se traduire par des tensions relation- nelles au sein de la famille (Tettamanti, 2016). Le manque de soutien institutionnel aux parents, dans bien des contextes nationaux, contrecarre la mise en place d’une dynamique de couple en accord avec les valeurs égalitaires. Dans le même temps, les couples adhèrent, de manière plus ou moins appuyée, au message social explicite sur la priva- tisation de la famille, dont l’organisation dépend, dans cette perspective, d’un choix autonome.

Au terme de cette exploration, le concept de double bind social semble être, pour le thérapeute, un concept heuristique utile pour caractériser cer- taines difficultés générées par la transition à la parentalité. Les femmes sont en particulier placées dans des situations dans lesquelles leur identité sociale de mère et leur identité professionnelle sont difficilement conciliables par le manque de soutien institutionnel. Certaines d’entre elles n’ont souvent pas d’autre choix que le renoncement temporaire ou définitif à une partie de leur identité, générale- ment celle associée au domaine professionnel. Le double bind social représente dans ce sens une situa- tion pathogène qui contribue chez certains couples au développement de troubles psychiques.

Bourdieu considère que pour l’individu « l’au- to-analyse » de la situation sociale est le moyen de maîtriser les contradictions inhérentes à sa situation (Bourdieu, 1993b, p. 1304). On notera, dans la posi- tion de Bourdieu, l’importance accordée à la prise de conscience de ces doubles binds sociaux dans une perspective de changement. Dès lors, la mise en évidence de ces doubles binds a des conséquences

potentielles pour la clinique. Elkaim (1989), qui adopte cette position, souligne l’intérêt très direct pour le thérapeute d’étendre le double bind à la com- préhension, en plus des rapports intrafamiliaux, des relations des individus à leur environnement social.

Elkaim évoque la nécessité pour le thérapeute d’une considération de cette forme de « double contrainte sociale » (1989, p. 42) de la société qui adresse des messages contradictoires à l’individu relativement à son autonomie. Cette « connaissance de la norme » (voir Haley, 1973 ; Pauzé et Touchette, 2009) permet d’éviter l’attribution à une origine familiale ou indi- viduelle de difficultés qui ressortent en premier lieu du système social et qui sont dès lors rencontrées par une grande partie d’individus dans des situa- tions similaires. Cette connaissance rend égale- ment attentif le thérapeute à la nécessité d’intégrer dans le processus thérapeutique un questionnement sur les identités sociales sexuées et leurs effets sur la dynamique familiale. Plus spécifiquement, cette prise en considération peut influencer la pratique thérapeutique, favoriser le questionnement et contribuer au processus de changement pour au moins trois raisons :

1) La prise en compte des double binds sociaux rend le thérapeute attentif à une source de pression sociale importante à laquelle le couple qui consulte est confronté. Une telle prise en compte conduit à une normalisa- tion par les couples parentaux de certaines de leurs difficultés et par la même participe d’une reconnaissance de leurs compétences. Cette représentation plus adéquate de la situation par le couple, passant par la prise en compte des contraintes sociales, évite alors une attribution exclusive, par les familles et/ou les thérapeutes, des difficultés rencontrées à un manque de com- pétences des parents (Haley, 1973 ; Minuchin, 1974 ; Knudson-Martin, McDowell et Bermudez, 2019). La famille qui est renforcée dans ses res- sources et dans sa conscience de la situation par cette forme de recadrage sociologique de la situation peut davantage s’affirmer dans ses

6 Par implicite et explicite on se réfère ici au décodage par le couple de son environnement social et de ses oppor- tunités. D’un côté, la liberté de choix est culturellement transmise dès l’enfance alors que la confrontation à l’en- vironnement institutionnel est moins attendue et ne peut donc être traitée de manière aussi explicite.

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Psychothérapies

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rapports à l’entourage social. Une reconnaissance durant les séances de thérapie de l’influence des contraintes sociales contribue à apaiser certaines sources de tensions intrafamiliales et contribue à une plus forte solidarité familiale.

2) Cela participe d’une forme d’externalisation (ou attribution externe) des difficultés rencontrées par la famille (Beck, 1986 7 ; White, 2007). Tout une littérature sur les effets négatifs des stéréo- types et de la stigmatisation suggère qu’une telle externalisation des difficultés ressenties peut avoir des effets positifs sur les performances et/

ou l’estime de soi de certains groupes sur les- quels sont véhiculés des stéréotypes négatifs (cf.

Johns, Schmader et Martens, 2005 ; Major et O’Brien, 2005). Des propositions de relecture plus systémique de la situation par le clinicien

paraissent d’autant plus nécessaires que la ten- dance des individus porte davantage vers une attribution à soi ou/et à la famille des diffi- cultés rencontrées (p. ex. Beck, 1986 ; Bourdieu, 1993b). La conscience de l’effet du contexte social n’est bien souvent que très peu présente et/ou peu évoquée car entrant en contradiction avec la représentation de soi comme autonome et responsable. Or, cette absence de conscience participe pour une grande part à l’internalisa- tion du double bind (Bourdieu, 1993b ; voir aussi Sluzki et Veron, 1971).

3) Finalement, cette prise en compte participe de ce que Rampage et Myers Avis (1995, p. 531) qua- lifient d’« analyse sociale » (voir aussi Bourdieu, 1993b) de la situation thérapeutique et de la prise en compte des identités sexuées et de leur effets.

In the systemic approach, the transition to parenthood is seen as a time of crisis requiring a reor- ganization of the family system. The changes accompanying this transition are accounted for by a relatively autonomous regulation of intra-family dynamics, a perspective which shortcomings have been highlighted by systemic therapists and sociologists. Indeed, research indicate that the distribu- tion of roles adopted within the parental couple largely reflects explicit or implicit social constraints. Our hypothesis is that their contradictory nature reveals a social double bind. On one hand, a distribution of roles conceived as a free choice within their private sphere and responsibility. On the other hand, an institutional environment that promotes the adop- tion of gendered family practices. This contradiction in social and institutional expectations regarding the transition to parenthood contributes to a situation of family tensions that may leads families to seek psychotherapeutic support. Our perspective is illustrated in this article by a couple seen in the context of a clinical consultation service in French- speaking Switzerland.

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A bstract

7 Beck (1986) ancre dans le savoir sociologique la légitimité de cette pratique en indiquant : « comme une partie des conflits ne relève pas de la responsabilité personnelle, l’externalisation peut être utile » (p. 274). Michael White a de son côté été un pionnier de l’utilisation de l’externalisa- tion dans le cadre des thérapies.

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Correspondance Manuel Tettamanti

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Département de psychiatrie Hôpitaux universitaires de Genève Chemin du Petit Bel-Air 2 CH-1226 Thônex

Manuel.Tettamanti@hcuge.ch

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Références

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