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La responsabilité pénale de l'entreprise et le droit de la circulation routière

JEANNERET, Yvan

JEANNERET, Yvan. La responsabilité pénale de l'entreprise et le droit de la circulation routière.

Pratique juridique actuelle , 2004, vol. 8, p. 917-926

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:75635

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La responsabilité pénale de l'entreprise et le droit de la circulation routière

Plan:

l Introduction

II. Les garanties procédurales fil. Les conditions d'application

1. Une infraction 2. Une entreprise

YvAN JEANNERET,

Docteur en droit, avocat, Genève

3. Une activité commerciale confonne au but de l'entreprise 4. Une irnpossibilî,té d'imputer l'infraction à une personne

physique ' 5. Un défaut d1organisation IV. Les sanctions

V. L'application en droit de la circulation routière

I. Introduction

Depuis le 1 "'octobre 20031, le Code pénal suisse connaît un régime de responsabilité pénale de l'entreprise régi par les art. 100""'"'' et 100""'""""" CP (art. 102 et 102a nCP). Faute de disposition contraire, cette nouvelle institution va donc également s1appliquer au droit pénal accessoire, en général, et au droit de la circulation routière en particulier2La responsabilité pénale de l'entreprise a été pensée essentiel- lement dans l1optique des infractions économiques, des atteintes graves à 11environnement ou à des accidents gra- ves survenant dans le cadre de grandes entreprises, bien plus que pour 11excès de vitesse commis par Je salarié d1une modeste entreprise fainiliale; pourtant, nous veLTons que les incidences de la novelle sur le droit de la circulation routière sont importantes.

Le système mis en place par la loi prévoit deux régimes différents: un régime de responsabilité subsidiaire de l1en- treprise, lorsqu'il n'est pas possible d'imputer les actes à Une personne physique (art. 100""'"' al. 1 CP; art. 102 al. 1 nCP) et un régime de responsabilité indépendant et concur- rent de celle des personnes physiques s'agissant de certaines infractions exhaustivement énumérées par ]'art. 100'1ualcr al. 2 CP (art. 102 al. 2 nCP), à savoir les art. 260"', 305"", 322"', 322""'"""''' et 322""''" CP Bien évidemment, seul le premier régime de responsabilité subsidiaire, susceptible d'application en droit de la circulation routière, sera exa- miné.

II. Les garanties procédurales

Dans la mesure où la question de l'application des garanties fonda1nentales de la procédure pénale à la responsabilité de l'entreprise conditionne la discussion de plusieurs con- ditions d'application de l'art. 100""'"' CP (art. 102 nCP), nous jugeons opportun d1y consacrer un bref développe- ment préalable.

ARZT3 affirme sans nuance que l'entreprise n1étant pas une personne humaine, elle ne peut pas bénéficier des garanties consacrées, notamment par les art. 6 CEDH, 14 Pacte ONU II et 32 Constitution fédérale. D'emblée, on peut éca11er cette affirmation s'agissant de 11entreprise indi- viduelle (art. 100"""'°' al. 4 litt. d CP; art. 102 al. 4 litt. d nCP) qui n'est autre qu1une personne physique, partant titulaire de toutes les garanties procédurales. Pour les autres entités, y compris les personnes morales, de no1nbreux arguments militent en faveur de la solution opposée à la thèse défen- due par ARZT. Tout d'abord, il est généralement admis que les personnes morales sont titulaires des droits fondamen- taux, une exception étant réservée s'agissant des droits intrinsèquement liés à la personne humaine, comme le droit à la vie ou 11interdiction de la to11ure4En outre, s1agissant de l'art. 6 CEDH, il faut rappeler que son allnéa premier définit des garanties procédurales générales en faveur de

11toute personne11, garanties qui s'appliquent indistinctement aux 11contestations sur ses droits et obligations de caractère civi111 comme aux litiges portant sur le 11bien-fondé de toute accusation en 1natière pénale"; or, dans la mesure où il n'a jamais été contesté qu1une personne morale bénéficie de

Introduit par le ch. Ill de la Loi fédérale du 21 1nars 2003 sur le financement du terroris111e (RO 2003 3043 3047; FF 2002 5014).

2 G. HEINE, Das kommende Unternehmensstrafrecht (Art.

lOQquarnr f.), Entwicklung und Grundproblematik, RPS 121 (2003), 30-31; L. MOREJLT.ON, La responsabilité pénale de l1entreprise, RPS 117 (1999), 337; D. PONCET/A. MACALUSO, Evolution de la responsabilité pénale de l1entrepiise en Suisse et perspective inspirée de modèles étrangers, in A. DONATSCH/

M. FORSTERIC. SCHWARZENEGGER, Strafrecht, Strafprozess- recht und Menschenrechte, Festschtift tUr Stefan Trechsel zu1n 65. Geburtstag, Zurich 2002, 530.

3 G. ARZT, Strafbarkeit der juristischen Personen: Andersen, vom Mtirchen zum Alptraum, RSDA 4 (2002), 234.

4 A. AUER/G. MALJNVERNI/M. HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, Les droits fondamentaux, Volu1ne Il, Berne 2000, 54-56 N 109-111; B. EHRENZELLER/P. MASTRONARDI/

R. SCHWE!ZER/K. VALLENDER (éd.), Die schweizedsche Bun- desverfassung, Ko1nn1entar, Zurich 2002. 429 N 6; M. VILLl- GER, Handbuch der Europtiischcn Menschenrechtskonvention, Zurich 1999, 72 N JO!.

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toutes ces garanties dans le contexte d'une procédure civile5, on voit mal pourquoi il en irait différermnent dans le cadre pénaL L1art. 34 CEDH permet d'ailleurs la saisine de la Cour par requête de personnes physique ou de 11groupes de particuliers11 par quoi il faut précisément comprendre, notam- ment, les personnes mora1es6De surcroît, il faut constater que les garanties de procédure, en général, s1adressent à

"toute personne11, tant dans leurs sources conventionnelles que constitutionnelles, de sorte que la doctrine' admet, à raison, que les personnes morales comme les personnes physiques doivent être légitimées à s1en prévaloir. Ainsi, dans la mesure où le législateur a fait de l'entreprise un sujet de droit pénal, cette dernière doit se voir reconnaître toutes les garanties dont bénéficie un accusé, soit notam- ment, la présomption d1innocence et les principes du procès équitable au rang desquels on citera notamment Je droit au silence et le droit de ne pas s'incriminer8L'art. lOOwlinqllks

al. 2 CP (art. !02a al. 2 nCP) fait d'ailleurs un pas dans cette direction en affirmant que le représentant de 11entreprise devant 11autorité pénale jouit de tous les droits et obligations d1un prévenu; cette disposition illustre finalement une réa- lité, à savoir que les garanties procédurales seront exercées par la personne physique qui incarne l'entreprise devant les autorités répressives.

III. Les conditions d'application

Conformément à l'art. 100"''"'" al. 1 CP (art. 102 al. 1 nCP), rentreprise peut être punie lorsqu'une infraction a été com- mise en son sein et dans l1exercice d'une activité commer- ciale conforme à ses buts, et qu1i1 n1est pas possible de l1im- puter à une personne physique déterminée, en raison du manque d'organisation de l'entreprise; nous allons succes- sivement analyser ces conditions d1app1ication, non sans évoquer la problématique des sanctions.

1. Une infraction

Il faut tout d'abord qu'une infraction ait été commise par une personne physique.

L'art. 100""°'" al. 1 CP (art. 102 al. 1 nCP) ne vise que les crimes et les délits; cependant, par l'effet du renvoi général de l'art. 102 CP (103 nCP), les dispositions de la première partie du CP qui réglemente les crimes et les délits s1appliquent également aux contraventions, sauf disposition contraire.

Lorsque la nouvelle partie générale du Code pénal ent- rera en vigueur, les contraventions ne pourront pas entraîner la responsabilité d'une entreprise en raison de la clause d1exclusion figurant à 11art. 105 al. 1 nCP qui vise spécifi- quement la responsabilité de 11entreprise comme n1étant pas applicable "en cas de contravention"_ En revanche, il n1existe pas, de lege Lata, d'exclusion analogue à rart. 105 al. 1 nCP, de sorte que l1on doit retenir, en l'état et jusqu1à l'entrée en vigueur du nouveau Code pénal, que toute in- fraction, quelle que soit sa gravité formelle, est susceptible d1entraîner la responsabilité pénale d'une entreprise; cette

étrangeté relève sans doute d'une inadvertance du législa- teur, liée à l'entrée en vigueur de la réforme par étapes suc- cessives, au risque de quelques incohérences.

Pour que la responsabilité de l'entreprise soit engagée, il faut donc, avant toute chose, qu'une infraction ait été commise; une question se pose aussitôt: à quelles conditions peut-on considérer qu\lne infraction est commise dans ce contexte?

Il est certain que les éléments constitutifs de l'infraction, y compris les clauses générales dltes d1extension de la typi- cité, cormne les règles sur le degré de participation et de réalisatlon de l'infraction, doivent avoir été réunis, de même que ri11icéité de l'acte doit être établie par 11exclusion de toute justification légale ou extra-légale9L'éventuelle plainte exigée par le loi devra avoir été déposée, faute de quoi l'entre- prise pourrait être poursuivie là où l1auteur direct ne pour- rait absolument pas 11être10

En toute logique, les éléments subjectifs, tant de l'in- fraction que de l'éventuelle justification, devraient aussi être vérifiés, étant précisé que la négligence ne sera envisa- geable qu'en tant qu'elle est déclarée punissable par la loi, dans le contexte de 11infraction considérée11; l'exercice sera particulièrement périlleux puisque 11auteur, au for intérieur duquel il faut se référer, sera nécessairement inconnu12, ne

5 Par exemple: ACEDH Stone Court Shipping C'onipany S.A.

cl Espagne du 28 octobre 2003 (Requête 55524/00); ACEDH Credit and Industrial Bank cl République Tchèque du 21 octobre 2003 (Requête 29010/95).

6 A. HAEFLIGERIF. ScttüRMANN, Die Europaische Menschen- rechtskonvention und die Schweiz, Die Bedeutung der Konven- tion für die Schweizerische Rechtspraxis, Berne 1999, 388.

7 A. AUER/G. MALJNVERNTIM. HüTTELIER (n. 4). 564 N 1168.

8 G. ARzT (n. 3), 234 (cet auteur se contente d'espérer que les garanties seront appliquées); G. HEINE (n. 2), 42 ss.; A. MA- CALUSO, La responsabilité pénale de 11entreprise, Genève, Zurich, Bâle, 2004, 211 ss.; L. MüRETLLON (n. 2), 343;

M. PIETH, Internationale Anstôsse zur Eirrflihrung effier straf- rechtlichen Unteinehmenshaftung in der Schweiz, RPS 119 (2001), 15; M. PIETH, Die strafrechtliche Verantwortung des Untemehmens, RPS 121 (2003), 370; P DE PREux, De l'exer- cice des droits de la défense, quelles garanties procédurales pour l'entreprise poursuivie?, ECS 7/2003, 31.

9 G. HEINE (n. 2), 33; L. MOREfLLON (n. 2). 342; M. PIETH (n. 8), 12 et 14.

10 On peut s'inspirer par analogie du raisonnement qui est fait à propos de l'infraction commise en état d1irresponsabilité fautive au sens de l'art. 263 CP qui, si cette infraction préala~

ble est poursuivi sur plainte, se poursuit lui-même sur plainte:

P. GRAVEN/B. STRAULI, L'infraction pénale punissable, Berne 1997, 250; S. TRECHSEL,_,Schweizerisches Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, Zurich 1997, Art. 263 CP N 6; ATF 104 IV 250.

11 On rappellera que la LCR renverse la présomption de l'art. 18 al. 1 CO (art 12 al. 1 nCP) en affirmant que toutes les infrac~

tions sont punissables par négligence, sauf disposition con- traire.

12 Puisque la responsabilité de l'entreprise est subsidiaire et sup- pose que l'auteur soit demeuré inconnu.

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laissant au juge, pour apprécier ce for intérieur, que des indices 1natériels extérieurs, des déductions ou des proba- bilités gui peuvent être plus ou moins réVélateurs d1un état d'esprit. En outre, s'agissant d1une cause de libération pure et simple", l1irresponsabilité totale non fautive (art. 10 CP/19 al. 1 nCP) devrait aussi être prise considération, pour autant qu1elle puisse être démontrée dans l'ignorance de l'identité de l'auteur, ce qui apparaît presque illusoire14.

Finalement, s'agissant de la prescription de raction pénale, il y a lieu de retenir l'application de la prescription de l'in- fraction à raison de laquelle l'entreprise est punie, puisqu'il faut admettre que l'art. 100°'"'" CP (art. 102 al. l nCP) ne crée pas une nouvelle infraction, mais une nouveHe forme de culpabilité15; ainsi, la référence, certes maladroite, à l'amende n'en fait pas une contravention au sens de l'art. 101 CP (art. 102 nCP) qui se prescrirait par 3 ans en application de l1art. 109 CP, avec le risque, pour les crimes et les délits, d'une incohérence totale du fait de l'extinction de l'action pénale dirigée contre l'entreprise bien avant celle qui viserait l'auteur individuel.

En définitive, on constate qu'a:fin de vérifier 11existence de cette prémisse à la responsabilité de l'entreprise, à savoir la commission d1une infraction, le juge doit véritablement commencer par juger un auteur inconnu, c'est-à-dire poser un verdict de cu]pabilité dénué d1ilnputation personnelle, avec tous les écueils que cela suppose, notamment ]orsqu'il agit de faire référence à des élé1nents d'ordre subjectif.

Dans la 1nesure où nous avons retenu l1application des règles découlant du principe de la préso1nption d'innocence, il incombera à l'accusation de rapporter la preuve de la commission de rinfraction par l1auteur inconnu.

En matière de circulation, ce sont donc toutes les infrac- tions qui sont susceptibles d1entraîner la responsabilité de 11entreprise, les contraventions étant exclues dans le futur, lorsqu'entrera en vigueur le nCP. S'agissant du cas parti- culier des amendes d'ordre, toujours de lege lata puisqu1il s1agit de la répression simplifiée de contraventions16, lares- ponsabilité de l1entreprise ne devrait pas entrer en ligne de co1npte; en effet, s'il y a contestation à propos de l'identité du conducteur, le refus du détenteur d1assumer 11amende d'ordre qui lui est notifiée entraînera nécessairement 11ouver- ture d1une procédure ordinairen. En revanche, si elle est payée, cas échéant par l1entreprise, cela restera sans consé- quence puisque les amendes d1ordre sont anonymes.

2. Une entreprise

Le législateur a choisi de désigner le sujet de la responsa- bi]ité pénale par le terme "entreprise11, notion dénuée de contours notamment en droit commercial. A défaut d'une définition abstraite, il donne une liste de structures com- merciales constituant des entreprises au sens de la loi pénale;

c'est ainsi que l'art. IOÜ"""' al. 4 CP (art. 102 al. 4 nCP) énumère exhaustivementrn les personnes morales de droit privé et public, à l1exclusion des corporations territoriales, les sociétés et les entreprises en raison individuelle. D'après la doctrine19, cette liste recouvre toutes les personnes mora- les comme la société anonyme, coopérative ou à responsa-

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bilité limitée, la fondation ou 11association, de même que les quasi personnes morales à l'instar de la 'société en nom collectif ou la société en commandite ou encore la société simple211 et, enfin, l'entreprise individuelle.

Deux écueils majeurs sont à signaler en relation avec certaines de ces formes d'entreprise. Tout d1abord, il faut re1narquer avec PIOTET21 que dans les sociétés de personnes22 ou dans la société simple23à la différence, par exem_ple, des sociétés anonyn1es, les associés sont personnellement, indéfiniment et solidairement responsables des dettes de la société et, partant, de l1amende qui peut être infligée à cette dernière. Au-delà de l'inégalité de traitement entre action- naires et associés dénoncée par P10TET, se pose manifeste- ment un problème plus fondamental de con1patibilité avec le principe de ]a présomption d1innocence. Dans un arrêt relatif à la Suisse2·1, la Cour européenne des droits de l1homme a constaté une violatlon de l'art. 6 ch. 2 CEDH dans une décision qui, sur la base des art. 129 et 130 AIFD. imposait à des héritiers l1obligation de s1acquitter d'une amende à raison d\1ne fraude fiscale commise par le de cujus; 11Hériter de la culpabilité d'un défunt11 n1est pas co1npatible avec le principe de la présomption d1innocence affirme la Cour au considérant 48 de cet an·êt. Ce principe nous apparaît par- faite1nent transposable au cas qui nous intéresse; l1associé indéfiniment responsable ne doit pas pouvoir 11hériter" de ramende prononcée à rencontre de l'entreprise à laquelle i1 participe, sauf à violer son propre droit à la présomption

13 P. GRAVEN/B. STRÂULI (n. 10) 234; S. TRECHSEL (n. 10), Art. 10 CP N 6.

l4 Rappelons que la responsabilité est présumée, sous réserve des préso1nptions liées au taux d'alcoolémie (ATF 119 IV 120; JT 1994 I 779: faute d'indices contraires, un taux de plus 3 %0 emporte une présomption d'irresponsabilité totale).

15 R. ROTH, L'entreprise, nouvel acteur pénal, in F. BERTHOUD (éd.), La responsabilité pénale du fait d'autrui, Lausanne 2002, 99-100; R. ROTII, Responsabilité pénale de l'entreprise;

1nodèles de réflexion, RPS 115 (1997), 345 ss.; A. MACALUSO (n. 8) 90-91; D. PONCET/A. MACAI.USO (n. 2), 529 ss.; con- tra D. PIOTET, Le tiers protégé face à la confiscation pénale et la punissabilité de la personne morale, in J. B. AcKER-

MANN/A. DONATSCHJJ. REHBERG (éd.), Wirtschaft und Straf- recht, Festschrift für Niklaus Schmid, Zurich 2001, 218.

16 Art. 1al.1 LAO.

17 ATF 115 !V 137; JT 1989 1746N72; art. 10 LAO.

18 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15) 84.

19 L. MoREILLON (n. 2). 338; D. P10TET (n. 15), 214-215; D.

PONCET/A. MACALUSO (n. 2). 528-529; R. ROTH (n. 15), 367;

R. ROTH in F. BERTHOUD (o. 15), 82 SS.

20 Contra C.A. BERTOSSA, Unternehmensstrafrecht - Strafpro- zess und Sanktionen, Ben1e 2003, 88.

21 D.PIOTET(n.15).215.

22 Alt. 598 et 604 ss. CO.

23 Art. 544 al. 3 CO.

24 r1CEDH A.P., M.P el TP cl Suisse du 29 août 1996 (requête 71/1996/690/882 publié in SJ 1999 61 ss.); ATF 124 II 480 qui statue sur révision suite à l'ACEDH précité.

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d1innocence. Ainsi, 1a condamnation d1une société de per- sonnes renferme potentiellement une violation de 11art. 6 ch. 2 CEDH qui ne se 1nanifestera que si et dans la mesure où rassocié est personnellement recherché au-delà du patri- moine affecté à l'entreprise.

Le deuxième écueil est celui de l'assimilation de la raison individuelle à une entreprise; les remarques qui viennent d'être faites sont encore plus pertinentes dans la mesure où 1'entreprise et la personne physique ne font qu\tn, la pre- mière n'ayant aucun patrimoine spécifique séparé de la secondeè-'. Cette assimilation revient simp1erncnt à sou- mettre une personne physique au régime de la responsabi- lité de l1entreprise, ce qui, à bien des égards, posera des problèmes dogmatiques de taille, en considération, notam- ment, du fait que la responsabilité pénale de l'entreprise fait de cette dernière la garante de l'identification de ses collaborateurs en infraction; on y reviendra ultérieurement26

R. ROTJ-I27 affirme d'ailleurs sans détour et avec raison que la mention de la raison individuelle est inutile et aurait dû être supprimée par les Chambres fédérales.

3. Une activité commerciale conforme au but de 1' entreprise

L1entreprise ne voit pas sa responsabilité pénale engagée à raison de n'importe quelle infraction; il faut en effet que cette infraction soit commise au sein de 11entreprise dans l1exercice d1activités commerciales conformes à ses buts.

La finalité de cette condition est d1exclure la responsabi- lité de l'entreprise lorsque l1infraction est commise par un collaborateur dans un contexte puren1ent privé, lorsque l'auteur commet un acte qui n1a clairement rien à voir avec l'exploitation, les buts ou 11activité de l'entreprise ou encore lorsque l1entreprise est elle-mê1ne victime de 11infraction considérée"8Comme le dit R. RoTH29, 11entreprise doit pénale1nent répondre des actes illicites commis en vue d1at- teindre le but licite de ]'entreprise.

Quant à la notion d'activité commerciale, il faut entendre par là une activité en rapport, direct ou indirect, avec la vente de biens ou la fourniture de services contre rémunéra- tion, indépendannnent de savoir si 11entrep1i.se poursuit elle- même un but lucratif ou idéal·w; en outre, les entités qui, par définition, n'ont pas d1activité commerciale, comme une association sportive, culturelJe ou caritative ne pour- ront pas être inquiétées sur le terrain du droit pénal'1

Finalement, aucune référence n'est faite à ]a qualité de l1auteur de l'infraction, si ce n'est qu1il doit entretenir un lien particulier avec l'entreprise, puisque 11infraction doit avoir été commise "au sein de 11entreprise"; il peut s'agir d'un organe de droit ou de fait comme d'un employé subal- terne ou d\1ne personne chargée d\1ne mission ponctuelle, mais aussi de plusieurs acteurs liés à l'entreprise dont le comportement collectif réalise l'infraction32; cette absence de restriction quant aux qualités de l1auteur est cohérente puisque la responsabiJité de 11entreprise suppose précisé- ment que l'on ignore tout de cet auteur, si ce n1est qu'il se trouve dans un lien particulier avec l'entreprise.

Dans le domaine qui nous occupe, on peut retenir que J1infraction commise au volant d1un véhicule d1entreprise au cours d\1n trajet professionnel, que ce soit une livraison, un transport d1ouvriers ou de marchandises ou le déplace- ment d'un collaborateur pour se rendre à une séance, pourra entraîner la responsabilité de l'entreprise~-', par opposition à 11excès de vitesse commis par le directeur avec sa voiture de service -durant ses vacances ou par le livreur qui utilise le fourgon de l'entreprise pour son propre déménagement.

En revanche, l'infraction con1mise par un conducteur inconnu au volant d\1ne voiture de location n1engagera pas lares- ponsabilité de l1entreprise de location puisqu'il s'agit du comportement d1un client qui ne poursuit donc nullement des objectifs liés à 11exploitation de l'entreprise_)~; il en ira de 1nême s'agissant de la responsabilité pénale du garagiste à raison de l'infraction commise par un client effectuant une course d'essai au volant d'un véhicule portant des pla- ques professionnelles 15.

S1agissant du critère lié à l'activité commerciale, il nous semble que la condition sera toujours remplie lorsque le trajet est d'ordre professionnel et que l'entreprise elle-même a une activité commerciale; en effet, tout usage d'un moyen de transport dans le contexte d'une activité commerciale sera lié, ne serait-ce qu1indirectement, à cette activité. En revanche, l'infraction commise au volant du minibus d'une association sportive ou culture11e ne satisfait pas à cette condition.

- - - - 25 CA BERTOSSA (n. 20), 88-89; D. PJOTET (n, 15), 215;

D. PONCET/A. MACALUSO (n. 2), 52_9;-R. ROTH in F. BER- THOUD (n. 15), 85.

26 CL IIL 5. Infra.

27 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 85.

28 G. ARzT (n. 3), 233-234; G. HEINE (n. 2), 34-36; A MACA- LUSO (n. 8), 133; L MoREILLON (n, 2), 338-339; M. PIETH (n. 8), 14; R. RoTH (n. 15), 365; R. ROTH, Nouveau droit des sanctions: premier exan1en de quelques points essentiels, RPS 121(2003)190; W WmILERS, RSJ 2000, 389.

29 R RoTH (n, 28), 189.

30 F. CHAUDET, Droit suisse des affaires, Bâle Genève, Munich 2000, 21.

31 M. PJETH (n, 8), 359; D, PONCET/A MACALUSO (n, 2), 529;

R. ROTH in F. BERIBOlJD (n. 15), 83-84. Plus ciitique: G. ARZf (n. 3), 233-234.

32 G. ARZT (n. 3), 233-234; L MüREILLON (n. 2), 338-339~

M. PIETH (n, 8), 14; D. PONCET/A MACALUSO (n, 2), 53L 33 G. HEINE (n. 2), 30-3 L

34 On précisera qu'en application de l1art. 40 OAC, celui qui loue professionnellen1ent des véhicules a robligation de tenir une liste des preneurs, liste qu'il doit conserver pendant 2 ans et tenir à disposition des organes de police, sous la menace des peines contraventionnelles de l'art. 149 OAC.

35 A rinstar du loueur de voiture, le titulaire de plaques pro-:-_

fessionnelles doit tenir un registre des courses effectuées par des clients et, pendant 2 ans, être en mesure de le remettre en consultation aux autorités de police (art. 25 al. 3 OAV, sanctionnée par l'ait. 60 OAV).

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4. Une impossibilité d'imputer l'infraction à une personne physique

C'est ici que se 1natéria]ise le caractère subsidiaire36 de la responsabilité de 11entreprise; pour que 11entreprise puisse être conda1nnée, il faut que 11auteur de l1infraction ne soit pas identifiable. Cette condition présente cependant un cer- tain no1nbre de djftïcultés pratiques qu1il convient d1iden- tifier; il faut ainsi constater que 11in1possibilité d1imputer une infraction à un auteur est une notion très relative, notain- ment dans le temps: peut-il seule1nent exister une impossi- bilité absolue d1identifier un auteur? A quel 1noment pourra- t-on décréter que l'auteur ne peut pas être identifié? Que fera-t-on si 11011 a ad1nis la responsabilité de l'entreprise et que 11on découvre ultérieurement l'identité de l'auteur?

Dans l'absolu, il n1est pas audacieux d1affirrner qu'il n'est sans doute jamais impossible d'identifier un auteur; on peut toujours admettre qu1il existe un moyen teclmique, un témoin, un aveu qui permette d1identifier l1auteur. Les méthodes d1investigation évoluent, les langues peuvent se délier et il n1est pas rare qu'un 11mystère11 s'éclaircisse, même plusieurs années après la co1n1nission d'une infraction. La mise en œuvre de la responsabilité de l'entreprise va donc supposer que 11on détermine un moment à pa11ir duquel on peut con- sidérer que l'auteur demeure inconnu, à défaut de quoi ces dispositions seraient purement inapplicables.

Pour répondre cette question, le message du Conseil fédéraP7 indique que les autorités chargées de la poursuite pénale seront tenues "de chercher intensive1nent et de trou- ver les personnes physiques véritablement responsab]es11 ou encore de "s'employer avec le plus grand soin à en rechercher l'auteur11; en conclusion, "quand ce ne sont ni des insuffisances policières, ni l'habileté particulière de 11auteur qui ont conduit à l'insuccès, mais des déficits évi- tables dans l'organisation de 11entreprise11, i] y a lieu d1ad- mettre la responsabilité pénale de l'entreprise. Il faut donc retenir que l1autorité pénale doit avoir soigneusement mis en œuvre tous les moyens d'investigation dont elle dispose avant de se retourner vers l'entreprise; cette définition est évidemment très insatisfaisante et devra être précisée de cas en cas. En abordant la notion négativement, on peut, en revanche, écarter toute tendance analogue à la démarche de 11art. 7 DPA à savoir une approche économe tendant à incriminer l'entreprise lorsque les moyens à mettre en œuvre pour identifier 11auteur d1une infraction apparaissent dispro- portionnés au regard de la gravité des actes. Dans tous les cas, l'autorité compétente devra déployer tous les efforts et tous les moyens dont elle dispose pour identifier 11auteur de l'infraction; on notera que cela pourra décourager l'auto- rité de poursuite 1orsqu1il est possible, mais très coûteux, d1identifier J1auteur d'une infraction de faible gravité. En définitive, l'autorité devra enquêter avec tout le zèle qu1elle déployait avant l'entrée en vigueur de la responsabilité pénale de 11entreprise et ce n1est que lorsqu'elle parvient à la conclusion que la procédure devrait être classée sans suite, faute d'auteur identifié, qu'elle pourra alors rebondir sur l'art. 1 ÜÜ'""'"' CP (art. 102 nCP). Précisons enfin que, par l1effet du principe in dubio pro reo, en tant que règle de

répartition du fardeau de la preuve, dont nous avons retenu38 qu'il s'applique à la rcsponsabihté pénale de 11entreprise, il appartiendra à l'accusation de dé1nontrer qu1elle a déployé tous les efforts nécessaires en vue d1identifier l'auteur de l'infraction considérée.

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Une difficulté particulière peut se manifester si, par hypothèse, 11auteur est finalement identifié, alors même que l'entreprise fait l'objet d1une poursuite pénale; si cette pour- suite est en cours, eHe devra être interrompue, vu la dispa- rition d1une condition objective de la poursuite39En revan- che, si l'auteur est découvert après la condamnation de l'entre- prise, il nous apparaît que la voie de la révision garantie par l'art. 397 CP (art. 385 nCP) devrait être ouverte à l'en- treprise; en effet, l1identi:fication de l'auteur de l1infraction constitue un fait nouveau inconnu des juges lors du premier procès et dont l'apport entraîne la disparition d1un élément constitutif de la forme particulière de culpabilité de 11entre- prise et, partant, l1acquitternent de cette dernière.

Dans le domaine de la circulation routière, la probléma- tique de l'identification de l'auteur se manifestera fréquem- ment pour les infractions constatées par le contrôle auto- matique de la circulation en mouvement ou dans les cas d1infractions constatées sur des véhicules en stationnement, le conducteur, co1nrne c'est le plus souvent Je cas, étant absent. Dans ces hypothèses, 11autorité devra notamment utiliser les supports photographiques en vue d1identification et, à défaut de réponse, procéder à des auditions minutieu- ses de toutes les personnes susceptibles d1appo11er des indi- cations utiles à l'enquête. Si 11identité de l'auteur ne ressort pas de ces enquêtes, l'entreprise pourra alors faire l'objet d1une poursuite pénale.

En outre, le droit de la circulation routière représente sans doute le contre-exemple aux craintes - justifiées dans d1autres domaines - face à cc que R. RüTH40 appelle 1111effet Winkelried11En effet, si certaines infractions peuvent inciter l'entreprise à se trouver un coupable afin de se soustraire à tout risque de poursuite pénale, les infractions routières pourraient bien être un domaine dans lequel l'effet inverse se produit. Ainsi, si l1on se rappelle que faute d'imputation

36 G. ARZT (n. 3), 227; G. HEINE (n. 2), 30; A. MACALUSO (n. 8).

140; L. MOREILLON (n. 2), 335; D. PONCET/A. MACALUSO (n. 2), 529; R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 94; R. ROTH (n. 28). 193; W. WoHLERS (n. 28), 384; FF 1999 II 1949.

37 FF 1999 II 1947 et 1949.

38 Cf. Il. supra.

39 On peut raisonner par analogie avec la responsabilité en cas- cade pour les délits de presse, Jnais dans une mesure lünitée en ce sens que la responsabilité de rentreprise ne suppose pas uniquement l'ilnpossibilité d'identifier l'auteur, 1nais il faut en outre que cette impossibilité découle d1une cause spé- cifique, à savoir un manque d'organisation de l'entreprise.

Pour l'hypothèse de l'identification de l'auteur en cours de procédure dans le contexte de la responsabilité des médias:

P. GRAVEN/B. STRAULI (n. 10), 331;A. MACALUSO (n. 8), 143;

RSJ 1975, 128; plus restrictif ATF 82 TV !.

40 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 95.

(7)

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individuelle de l'infraction, toute mesure restrictive du droit de conduire, sanction par excellence, ne peut pas être envi- sagée, on voit immédiatement 11intérêt que d1aucuns auront à pousser en avant la responsabilité de l'entreprise, per- rnettant ainsi de "payer11 le droit de fauter, avec les effets peu encourageants que cela peut avoir en termes de préven- tion; un tel phénomène indésirable se produira assurément avec des cadres supérieures de petites et moyennes entre- prises.

Il faut encore préciser que des clauses de participation spéciales, connne l'art. 1 OO ch. 2 al. 1 LCR qui permet de sanctionner l'employeur ou le supérieur qui a incité ou n1a pas dissuadé son subordonné de commettre une infraction routière, au même titre que le conducteur, sont aussi de nature à niettre en échec la responsabilité de l'entreprise au nom du principe de la subsidiarité, pour autant que l'em- ployeur ou le supérieur, personne physique, puisse être identifié et cela même si le conducteur demeure inconnu41

5, Un défaut d'organisation

Il ne suffit cependant pas qu1un auteur demeure inconnu;

encore faut-il que l'impossibilité de déterminer l'identité de l'auteur soit le fait d1une mauvaise organisation de 11en- treprise; c1est ici que se matérialise la faute qui est imputée à 11entreprise42Précisons, pour éviter toute confusion43, qu'il importe peu que ce 1nanque d1organisation ait un lien avec la commission de 11infraction elle-même; ce qui est déter- minant, c'est uniquement que ]es lacunes d1organisation soient la cause de 11impossibilité d1identifier 11auteur44

Cette condition permet d'exclure toutes les hypothèses où il n'est pas possible d1imputer les faits à une personne physique pour des raisons qui n1ont rien à voir avec 11orga- nisation de 11entreprise ou encore lorsqu1en dépit d1une bonne organisation, ]'auteur ne peut pas être découvert; ainsi, par exemple, lorsque rauteur est décédé, en fuite, irresponsable, que 11action est prescrite ou encore que l'auteur, particu- lièrement rusé, parvient à contourner les règles, pourtant suffisantes, d1organisation et de contrôle de l1entreprise, l'art. 100'"""' CP (art. 102 nCP) ne peut pas entrer en ligne de compte.

Cela dit, il faut définir les critères qui permettent de déterminer si l1organisation de 11entreprise est convenable ou si elle doit être prise en défaut; 11objectif initial de cette condition est surtout de viser les grandes entreprises de structure complexe qui, par des lacunes graves dans la répartition des compétences et du contrôle, provoquent une situation telle qu1il n1est plus possible d1identifier ]es respon- sables individuels de tel ou tel acte45Comme 11exphque

HEINE46, ces mesures seront avant tout celles liées à la défi- nition et à la délimitation des tâches de chacun, aux procédu- res de délégation de compétence, aux règles de conduite des activités et à la surveillance. En toute logique, l'entre- prise ne devrait pas être incriminée lorsque des règles d1or- ganisation et de contrôle efficaces ont été détournées par un collaborateur particulièrement rusé47Enfin, il n1est pas possible d1énoncer abstraitement les standards requis en matière d1organisation, dans la mesure où les règles requi-

ses changeront nécessairement au gré de la nature de 11ac- tivité de l1entreprise considérée.

La doctrine48 affirme avec raison que par 11effet de l'art. 100"""'" CP (art. 102 nCP), l'entreprise devient garante, non d1une activité parfaitement licite exercée en son sein mais de 11identification des collaborateurs qui auraient fauté;

en d'autres termes, l1entreprise devient garante de la pour- suite effective de ses collaborateurs, soit de I1administration de la justice, ce qui, sur le plan dogmatique, ne va pas sans soulever quelques interrogations.

Il découle en effet du régime de responsabilité de rentre- prise que celle-ci doit en permanence, sous peine d1amende, être en mesure d1identifier et de dénoncer celui qui, en son sein, commet une infraction; J'entreprise est donc toujours punie à raison d'une so1te cl1entrave à l'action pénale. A cet égard, on peut d1emblée remarquer un régime largement exorbitant par rapport à celui de l'ait. 305 CP qui réprime 11entrave à 11action pénale dont la commission par absten- tion suppose un devoir de garant, lequel incombe, en géné- ral, à ceux qui sont chargés de 11administration de la justice pénale -policiers ou magistrats-, le simple citoyen n1ayant aucun devoir de dénoncer les infractions ou de co11aborer activement à la recherche d1un délinquant, même si des nor- mes cantonales49 imposent à ce citoyen le devoir de dénon- cer les infractions dont il a connaissance ou 1nême de témoigner sous serrnent50

En prolongeant 11analogie avec 11entrave 11ordinaire11 à l'action pénale, il faut rappeler que les actes d1entrave qui sont entrepris par l'auteur en sa faveur, y compris la partici- pation à de tels actes accomplis en sa faveur, tout comme les actes qui ont aussi pour effet de décharger une autre personne impliquée dans la procédure pénale51 sont des

---·--~ - - - -

41 L'instigation spéciale prévue à 11art. 100 ch. 2 al. l LCR, à 11instar des règles générales sur la participation, ne suppo- sent pas que JI auteur principal soit jugé ou même com1u: ATF 106 IV 413 consid. Sc); ATF 82 IV 130; 80 IV 34.

42 0. HEINE (n. 2), 36 ss.; L. MüREILLON (n. 2), 335; D. PONCET/

A. MACALVSO (n. 2), 53 ]_; R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 94; FF 1999II1947.

43 D. PONCET/A. MACALUSO (n. 2), 531 qui indique à tort que l'entreprise est punissable lorsque la faute d1organisation à permis la commission de l'acte illicite.

44 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 96.

45 FF 1999 II 1947; O. HEINE (n. 2), 36-38; R. ROTH in F.

BERTHOUD (n. 15), 96-97; M. PIETH (n. 8), 14.

46 0. HEINE (n. 2), 37.

47 FF 1999 Il 1947.

48 O. HEINE (n. 2), 37.

49 L1art. 11 CPP/GE par exemple.

50 ATF 120 IV 98; JT 1997 IV 45; ATF 106 IV 277; JT 1982 lV 20; U. CASSA:'Jl, Commentaire du droit pénal suisse, Code pénal suisse, Partie spéciale, volume 9, Crimes ou délits co"Q.-:- tre l'ad1ninistration de la justice, art. 303 à 311 CP, Berné

1996, 43 et 44; J. REI-IBERG, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Zurich 1999, 370 et 371.

51 U. CASSAN1(n.49), 47 N 26; J. REHBERG (n. 49), 371.

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actes d'autofavorisation qui échappent à 11art. 305 CP. De même, celui qui participe à l'infraction préalable par une contribution consistant en un moyen propre à empêcher la poursuite de l1auteur52 n1est punissable que pour cette parti- cipation à l'infraction préalable puisqu1i] a alors un intérêt personnel évident à ce que l'auteur principal ne soit pas découvert5-'. Ces règles sont l'illustration du principe selon lequel 11011 ne saurait faire un crime au délinquant ou au condamné de chercher à se soustraire à sa responsabilité par le mensonge ou par la fuite"5'1, raison pour laquelle il n1existe pas en droit suisse une incrimination générale de l'autofavorisation5s, incrimination qui, au demeurant, si elle existait, serait certainement contraire à 11art. 6 ch. 2 CEDH5c,.

Finalement, nous rappelons la théorie57 que nous soutenons selon laquelle le droit à rautofavorisation, de nau1re conven- tionneBe, interdit d1ériger en infraction la violation d1une obligation de se dénoncer ou de contribuer à sa propre con- damnation.

Sur la base des principes qui viennent d'être rappelés, il faut constater que le système mis en place, pour reprendre I1expression de R. Rorn5H, est un 1'monstre juridique11, notam- ment en tant qu1il rend l'entreprise pénalement responsable de 11identification de l'auteur d1une infraction, créant ainsi une position de garant à charge de 11entreprise, à l'égard de I1administration de la justice pénale, position jusqu1alors réservées exclusivement à ceux qui la servent. L'aberration devient totale lorsque 11on considère l'entreprise individuelle, puisque c'est alors, en réalité, une personne physique, un justiciable ordinaire, qui est soumis à ce régime.

De surcroît, dans bien des cas, les représentants de Jlen- treprise qui matérialisent la volonté de celle-ci pourront avoir un intérêt propre à ne pas collaborer, par crainte que l'on puisse remonter jusqu'à eux, intérêt légitime puisque poursuivant un but d1autofavorisation: en application, par exemple, de l'art. 100 ch. 2 LCR, dans toutes les entreprises utilisant des véhicules, 11employeur ou le supérieur - per- sonne physique - peut être condamné au même titre que le conducteur pour l'avoir incité à ou ne pas l'avoir détourné de commettre une infraction routière; ce dirigeant d1entre- prise peut aussi être lui-même l'auteur de 11infraction que l'on cherche à identifier. En d'autre termes, dans bien des cas, le dirigeant de l1entreprise de taille moyenne, voire le chef de maison d1une entreprise individuelle, sera lui même, en tant que personne physique, une personne bénéficiant du droit de ne pas s1incriminer. Pour se protéger lui-même d1une poursuite pénale, il pourra donc légitimement refuser de fournir des renseignements à l'autorité, notamment sur 11identité du conducteur; dans ce cas, lorsque les témoins principaux refusent légitimement de témoigner, la respon- sabilité de 11entreprise ne devrait pas être engagée puisque 11impossibilité d1identifier l'auteur ne repose pas sur une lacune d1organisation, mais sur l'exercice légitime d1un droit procédural dont disposent les personnes physiques enten- dues par l'autorité répressive59_

Au-delà de ces considérations dogmatiques, le problème essentiel qui se pose en droit de la circulation routière est celui des mesures d1organisation nécessaires à la détermina- tion de I1identité du conducteur du véhicule d'une entre-

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prise en infraction; la seule mesure efficace que Jlon peut envisager est la tenue de registres permettant de détermi- ner qui conduisait quel véhicule à quel moment. On notera à cet égard que plusieurs dispositions relatives à l'exercice d'activités spécifiques en lien avec la circulation routière prévoient l'obligation spécifique de tenir des registres; il en va notamment ainsi des véhicules affectés au transport professionnel de personnes ou de marchandises dont les exploitants, pour des raisons de contrôle de la durée du tra- vail des conducteurs, sont soumis à l'obligation de tenir un registre mentionnant notamment, pour chaque conducteur, la durée quotidienne et hebdomadaire de travail, les pauses et les jours de repos (art. 16 OTR 1 et art. 21 OTR 2). Il est donc certain, pour une entreprise soumise à l'OTR 1 ou 110TR 2, que la tenue d'un tel registre constitue une mesure d1organisation nécessaire dont l1absence est susceptible d'engager sa responsabilité pénale60Pour les autres entre- prises non assujetties à ces obligations spécifiques, si elles disposent d'un parc automobile d'une certaine importance, elles devront sans doute instaurer un système de contrôle analogue par la tenue d'un registre mentionnant l'identité de chaque collaborateur utilisant un véhicule d'entreprise;

s1agissant de 11effectivité de cette mesure, on peut même imaginer, dans de grandes entreprises, que les clés soient remises au collaborateur par un supérieur contre signature d'une quittance. 11 est clair, en revanche, que si le collabora- teur ayant valablement pris en charge un véhicule d1entre- prise selon les modalités suggérées plus haut, prête ce der- nier à un tiers à 11insu de l1entreprise qui l'emploie, cette dernière ne pourra pas être condamnée si le tiers commet

52 Ainsi, celui qui assure sciemment la fuite d'un conducteur qui viole rart. 92 al. 2 LCR, en le faisant monter dans son propre véhicule, ne sera condamné que pour complicité de délit de fuite, à l'exclusion d'une entrave à l'action pénale au sens de l1art. 305 CP.

53 U. CASSAN! (n. 49) 39, no 9.

54 P. GRAVEN/B. STRÀULI (o. IO), 316.

55 B. DÉNÉRÉAZ, Note sur l'ATF 122 IV 2! 1, JT 1997 lV, 178;

M. KILLIAS, Précis de droit pénal général, Berne 2001, 89 et 90, N 623.

56 A. HAUS\VIRTH, Die Selbstbegünstigung im schweizerischen Strafrecht, Diessenhofen 1984, 31 no 2. 1.4.

57 Y. JEANNERET, Violation des devoirs en cas d'accident et sous- traction à la prise de sang: que reste-t-il après l'arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme J. B. contre Suisse du 3 mai 2001 ?, PJA/AJP 2002, 222 ss., Y. JEANNERET, La violation des devoirs en cas d'accident, Analyse ctitique de l'art. 92 LCR, Genève, Bâle, Munich 2002, 87 ss.; ACDH J. B. cl Suisse du 3 mai 2001 (requête 31827/96).

58 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 96.

59 L. MüREILLON (n. 2), 344.

60 Les art. 21 al. 2 OTR 1 et 28 al. 2 OTR 2 érigent en contra- vention le fait de ne pas tenir les registres prescrits; la punis- sabilité de l'entreprise - uniquement possible de lege lata puisqu'il s'agit d'une contravention - à raison de cette infrac- tion supposerait alors l'impossibilité d'identifier la personne responsable de la tenue de ces registres.

(9)

une infraction et ne peut pas être identifié, le conducteur objectant, par exemple, que ce tiers est un membre de sa famille à propos duquel il est en droit de se taire61; en effet, au-delà du fait qu'il serait irréaliste d'exiger d1une entre- prise qu1el1e doive placer un contrôleur sur le siège passa- ger de chacun de ses véhicules, ce tiers n1appar<:Ût pas com- me exerçant une activité Tlau sein" de l1cntreprise puisqu1il ne lui est aucunement attaché.

On peut encore imaginer une autre situation qui inter- viendra dans les entreprises effectuant de la maintenance sur leurs propres véhicules ou sur ceux de clients, en cas d'atteinte portée à la sécurité du véhicule réprimée par l'art. 93 ch. 1 LCR; en effet, si l'entreprise comprend plu- sieurs collaborateurs, il sera nécessaire d'instaurer un système de contrôle permettant de savoir quels sont les collabora- teurs qui sont intervenus sur le véhicule défectueux.

A noter enfin que dans toutes les hypothèses oü le droit de la circulation routière crée une responsabilité pénale du détenteur (notamment art. 93 ch. 2 al. 2, art 96 ch. 1 et art. 99 ch. 2 LCR), de l'employeur ou du supérieur hiérar- chique (art. 100 ch. 2 LCR, m1. 21 al. 4 OTR 1 et art. 28 al. 4 OTR 2), autant de positions qui peuvent être assumées par 11entreprise elle-même, mais dont seuls des personnes physiques répondent directement, il y aura lieu, au titre d\1ne mesure d1organisation nécessaire, de prévoir, dans l'organigramme de 11entreprise, la désignation des personnes physiques responsables du parc automobile et des chauf- feurs, à défaut de quoi 11entreprise pourra elle-même être sanctionnée à ce titre62

III. Les sanctions

L'art. 1 ÜÜ"""'" al. 1 CP (art. 102 al. 1 nCP) instaure un système unique de sanctions sous la forme d1une amende pouvant atteindre cinq millions de francs au plus. Compte tenu du fait que la faute organisationnelle reprochée à 11entreprise est d1un genre particulier, le législateur61 a prévu des critè- res spécifiques de fixation de 11amende (l1art. 100'1"~1<,r al. 3 CP; art. 102 al. 3 nCP), qui selon Rom", doivent être com- pris comme précisant la notion de culpabilité prévue dans les dispositions générales sur la fixation de la peine (art. 63 CP; art. 34 al. 1 nCP): ces critères sont la gravité de l'infrac- tion, du manque d'organisation et du dommage causé, ainsi que la capacité financière de 11entreprise. On notera inci- demment, en relation avec la responsabilité subsidiaire de 11entreprise, une incohérence dans 11énoncé de ces c1itères où l'on retient la gravité de l'infraction commise par 11auteur inconnu, alors même que la faute pour laquelle 11entreprise est sanctionnée, à savoir un manque d'organisation, n1a de lien qu'avec 11impossibilité d'identifier l'auteur à l1exclusion précisément de la commission de 11infraction considérée.

Si de lef{e lata Ja question du sursis ne se pose pas, puis- que 11art. 41 CP ne vise pas les peines pécuniaires, il y a lieu de remarquer que le nouveau système mis en place par les art. 42 ss. nCP inclut désormais les peines pécuniaires, sous forme de jours-amende pour les personnes physiques.

Dans la mesure où nous avons retenu que la sanction infli- gée à une entreprise n1était pas une contravention, non- obstant l'usage du terme "amende1' , nous ne voyons guère ce qui s'opposerait à la possibilité d'octroyer le sursis à une entreprise; dans ce cas cependant, le pronostic du juge ne devra pas porter sur le risque de récidive s1agissant de 11in- fractlon commise, mais sur le risque de maintien des lacu- nes dans 11organisation de l'entreprise.

Inutile de dire que si l'amende n1est pas payée, elle ne pourra pas faire I1objet d1une conversion en privative de liberté, celle-ci étant totalement exclue du champ des peines d'entreprise65Seule la poursuite par voie de saisie (a11. 43 ch. 1 LP) sera envisageable en vue de procéder au recouv- rement de 11amende. A noter, s'agissant des entreprises indi- viduelJes, que ce système permet en réalité à une personne physique de ne subir qu1une amende inconvertible, pour des faits qul, s1ils lui étaient imputés au titre d1une respon- sabilité pénale ordinaire, pourraient 11emmener en prison;

on voit à nouveau ici 11intérêt que certains petits entrepre- neurs pourront avoir à se servir de la responsabilité de l'en- treprise.

S1agissant de la procédure simphfiée de J'amende d'ordre, on doit signaler l'art. 11 al. 1 LAO qui prévoit la faculté

<l1int1iger une amende d1ordre, selon Je tarif de l'OAO, dans le cadre d'une procédure ordinaire. Selon nous, cette norme ne s'applique pas à la sanction d'entreprise dont le régime est spécialement réglementé par l'art. lOÜ'l""l"r al. 1 CP (art. 102 al. 1 nCP), prenant en considération des critères particuliers d1éva1uation de l'amende d1entreprise, critères qui sont absents de la fixation, certes fort'aitaire, des tarifs de l'OAO.

Enfin, il n1est pas contesté que des mesures, notamment la confiscation (art. 58 à 60 CP; art. 69 à 73 nCP) peuvent être prononcées concurremment à l'amen<le6~. S'agissant plus spécialement du droit de la circulation routière, si la mesure de confiscation spéciale de 11art. 57b al. 3 LCR est envisageable dans l'hypothèse d1une infraction en lien avec des dispositifs perturbant le contrôle du trafic routîer (réprimée par l'art. 99 ch. 8 LCR), il est bien évident que, de lege_ferenda, un retrait de permis au sens de l'art. 67b LCR n'est pas envisageable, la titularité d'un permis de con- duire demeurant l1apanage des seules personnes physiques.

61 ATF non publié du 24 avril 2001 dans la cause 1 P.641/2000.

62 Sous réserve de l'entrée en vigueur de l'art. 105 al. 1 nCP qui supprünera la punissabilité de l'entreprise pour des contra- ventions.

63 FF 1999 li 1950.

64 R. ROTH in F. BERTHOUD (n. 15), 103. Du même avis, C. A,

BERTOSSA (n. 20) 258-259; A. MAC:ALUSO (n. 8), 169,

65 B. BERTOSSA, De quelques problèmes pratiques de mise en œuvre, l1art. 102a CP n1a pas réponse à tout, ECS 7/2003, 31;

P. DE PREUX (n. 8) 31; A, MACALUSO (n. 8), 172.

66 FF 1999 Il 1951; C. A. BERTOSSA (n. 54 ), 29; A. MACALUSO (n. 8). 173 ss.; L. MüREILLON (n. 2), 339-340.

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