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Faut-il soigner la « normalité » ?

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REVUE MÉDICALE SUISSE

WWW.REVMED.CH 22 juin 2016

1256

Faut-il soigner la « normalité » ?

Ce qu’on appelle « normal » a l’air d’une évidence incontestable. Cependant, peut-il se rapprocher terriblement d’une véri- table autotromperie ? En effet, il se révèle, en le regardant de plus près, une sorte de mélange entre habitudes du moment, la conséquence de pures statistiques, et par ailleurs une vision idéale de la manière dont la notion de Bien pourrait obtenir un aspect pragmatique et surtout quotidien.

Approchée d’un côté complètement dif- férent, la notion de Norme pourrait-elle se configurer de manière quelque peu sem- blable à ce qu’est de nos jours la physique quantique ? C’est une théorie qui marche chez les physiciens, même s’ils

savent qu’on ne l’a pas encore bien comprise. Quelque chose, en somme, qui présume une logique sous-jacente apte à annuler au fur et à mesure un aspect irrationnel de surface.

La notion de normalité nous fournit la perspective d’un lien socioculturel rassu- rant et semble en outre apai- ser bon nombre de contradic- tions, comme elle renvoie des

conflits conceptuels au surlendemain. Avec cette notion de norme, on surfe en même temps sur la certitude et sur l’incertitude, sur l’évidence incontestable et sur un doute contestable, enfin sur la vitalité et sur la banalité. A quel prix ?

Il faut par exemple renoncer d’emblée à la sagesse d’Héraclite quand, dans un de ses fragments qui nous sont parvenus, il nous incite à « attendre l’inattendu ». En fait, la normalité est censée notamment nous mettre à l’abri des surprises, de l’étrangeté et d’un individualisme trop marqué. Au lieu de prêcher, médicalement parlant, pour une santé très personnalisée du genre « à chacun sa santé », nous vou- lons insister sur une santé sociale dont

chacun est responsable à son tour.

En clair, la notion de norme nous pro- tège de pas mal d’inconvénients, puis qu’elle nous révèle pas mal de dangers par rap- port à un bien-être purement subjectif et pas si facile à partager avec quiconque. De telle manière qu’en faisant face à ce su- prême paradoxe de soigner en premier ce qui apparaîtrait comme un signe de santé courante, on déjouerait à l’avance la source des pires illusions.

Cela nous amènerait donc en première instance à nous méfier de programmes curatifs un peu trop fondés sur les simples statistiques. A nous méfier de diagnostics

« allant de soi », de faire éven- tuellement des malades des clones au lieu de nous référer à des histoires personnelles bien nuancées. Plus encore à rechigner sur la possibilité – à ne pas exclure à l’avance – de l’existence de certains élé- ments malgré tout positifs dans toute perturbation patholo- gique ou physiopathologique.

Dans certains cas, on pourrait même devoir se donner le courage de valoriser des symptômes d’une affection donnée et de tenir compte d’une propension subconsciente du malade, voire du malade et de son entourage, à ne pas vouloir guérir trop vite.

Parfois pourrait être valable aussi l’ana- logie que l’attente du printemps, par exem- ple, pourrait apparaître plus prometteuse que le printemps lui-même. C’est-à-dire qu’une guérison simplement souhaitée pour rait apparaître plus prometteuse qu’une guérison déclarée, définitivement advenue.

Confrontons-nous aussi plus à fond avec l’essentiel de ce « honteux » paradoxe de court-circuiter la normalité apparente.

Nous nous sentons, il est vrai, moralement obligé de ramener les malades censés avoir

transgressé l’image publique d’une santé mesurable à tous égards, de les ramener à l’intérieur des balises de normes non seu- lement bien établies, mais aussi quelque peu sacralisées. Sans trop nous demander si quelqu’un tombe malade juste à un mo- ment donné plutôt qu’à un autre. S’il tombe malade plutôt dans l’ensemble de son organisme, ou alors dans une zone fonctionnelle bien précise de son corps en épargnant plus ou moins le reste. Si son trouble affecte davantage sa subjectivité psycho-émotionnelle ou l’objectivité in- contestable d’une perturbation qu’il sem- blait ne subir que passivement.

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