• Aucun résultat trouvé

Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation forcée du droit de superficie : la charge foncière comme solution ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation forcée du droit de superficie : la charge foncière comme solution ?"

Copied!
22
0
0

Texte intégral

(1)

Book Chapter

Reference

Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation forcée du droit de superficie : la charge foncière comme solution ?

FOËX, Bénédict

FOËX, Bénédict. Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation forcée du droit de superficie : la charge foncière comme solution ? In: Foëx, Bénédict, Thévenoz, Luc.

Insolvence, désendettement et redressement : Etudes réunies en l'honneur de Louis Dallèves . Bâle : Helbing & Lichtenhahn, 2000. p. 107-127

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:8564

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

Une faille dans la protection du grevé en cas de réalisation forcée du droit de superficie:

la charge foncière comme solution?

BénédictFoëx

Professeur à ['Université de Genève

INTRODUCTION

Le droit de superficie est une servitude concédée en principe pour une longue période. La rémunération versée par le surperficiaire prend généralement la forme d'une rente, versée au grevé à intervalles réguliers pendant toute la durée du droit. Le propriétaire du fonds grevé court donc le risque que le superficiaire devienne insolvable. Tenant compte de ce problème, le législa- teur de 1965 a mis le grevé (dont le fonds est grevé d'un droit de superficie immatriculé comme immeuble au registre foncier) au bénéfice d'une hypo- thèque légale indirecte, ancrée aux art. 779i et 779k Cc.

A priori, cette solution est ingénieuse et satisfaisante. A tel point que l'on en a parfois tiré argument pour refuser au grevé le recours à d'autres biais permettant de protéger sa créance. La pratique a cependant démontré que l 'hypothèque légale du grevé souffrait d'un certain nombre de défauts. Le grevé se trouve dès lors doublement démuni: non seulement son hypothèque légale ne le protège-t-elle pas complètement, mais il est par ailleurs privé, au motif même qu'il bénéficie d'une sûreté légale, de moyens qu'on lui reconnaî- trait probablement si l'on n'avait pas légiféré.

Il nous a paru intéressant de faire le point sur cette problématique à la croisée du droit des choses et du droit de l'exécution forcée, deux des domai- nes de prédilection du Professeur Louis Dallèves, en témoignage de l'admira- tion que nous lui portons.

(3)

BÉNÉDICT FOËx

I. L'hypothèque légale du grevé: bref rappel du système

En vertu de l'art. 779i al. 1 CC, le propriétaire grevé peut exiger du superficiaire actuel qu'il garantisse la rente par une hypothèque grevant le droit de superficie à concurrence de trois annuités au maximum. L'hypothè- que ne naît pas ex lege: la loi ne fait que donner naissance à une prétention tendant à l'inscription du gage. Il s'agit donc d'une hypothèque légale indi- rectelEn outre, il s'agit d'une hypothèque immobilière: le droit à l'inscrip- tion ne naît que si le droit de superficie est un immeuble, ce qui suppose - on le sait - qu'il soit distinct et permanent et qu'il ait été immatriculé au registre foncier2.

Le titulaire de la prétention tendant à l'inscription de cette hypothèque légale est le propriétaire actuel du fonds grevé3 Cette prétention est dirigée contre le superficiaire actuel, même s'il n'est pas (ou plus) le débiteur de la rente4 En d'autres termes, l'obligation de constituer l'hypothèque légale des art. 779i et 779k est rattachée propter rem5

Le propriétaire du fonds grevé peut exiger l'inscription de l'hypothèque en tout temps (pendant la durée du droit de superficie)6. Il sera cependant bien inspiré d'exercer son droit lors de l'immatriculation du droit de superfi- cie; en effet, cette hypothèque légale prend son rang en vertu du principe prior tempore, potior jure et est donc primée par les droits constitués anté-

1 Cf. par exemple: Paul-Henri STEINAUER, Les droits réels, Tome HI, 2e éd., Berne 1996, nO 2550 (et les n° 2825 ss sur la distinction entre hypothèques légales directes et indi- rectes).

2 Cf. les art. 779i al. 1,655 al. 2 ch. 2 et 943 al. 1 ch. 2 CC, ainsi que l'art. 7

o

RF.

3 Cf. le texte même de l'art. 779i al. 1 Cc. Il semble cependant que le cessionnaire du droit à la rente soit légitimé à exiger l'inscription de l 'hypothèque légale (cf. STETNAUER [noie 1 J, nO 2845b; Paul PIOlET, Les droits réels limités en général, les servitudes et les charges foncières, Traité de droit privé suisse V/3, Fribourg 1978, p. 87; voir encore:

Viktor MOLLER, Der Baurechtszins und seine grundpfandrechtliche Sicherung, thèse, Zurich 1968, p. 71 s. Voir cependant: Peter R. ISLER, in [Heinrich HONSELL / Nedim Peter VOGT / Thomas GEISER, éd.] Schweizerisches Zivilgesetzbuch Il Kommentar zum Schweizerischen Privatrecht, Bâle 1998, nO 6 ad art. 779i).

4 Cf. le texte même de l'art. 779i al. 1 Cc.

5 Voir par exemple: STEINAUER (note 1), nO 2551; PlOTET (note 3), p. 87: Jôrg SCHMID, Sachenrecht, Zurich 1997, nO 1399.

6 Art. 779k al. 1 CC.

(4)

uNE FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTION?

rieurement7. Pour le surplus, les dispositions régissant la constitution de l'hy- pothèque légale des artisans et entrepreneurss sont applicables par analogie à l'inscription de l'hypothèque légale de l'art. 779i CC9.

L'hypothèque düment inscrite garantit le paiement de la rente, à concur- rence de "trois annuités au maximum"lo Le gage n'est cependant pas radié en cas de réalisation forcée du droit de superficiel 1, si bien qu'il peut alors garantir trois autres annuités (futures)12

Cela étant, si le droit à 1 'hypothèque légale est rattaché propter rem du côté passif, il n'en va pas de même de la créance tendant au paiement de la rente: le droit à la rente n'est pas rattaché à la propriété du fonds grevé\3 et l'obligation du superficiaire de payer la rente n'est quant à elle pas rattachée à la titularité du droit de superficie l4 Il en résulte notamment qu'en cas d'alié- nation du droit de superficie, l'acquéreur ne devient pas ex lege débiteur de l'obligation de payer la rente: à défaut d'une reprise di: dette, l'aliénateur reste tenu envers le grevél5; de même, l'aliénation de l'immeuble grevé n' en- traine pas sans autre transfert de la titularité du droit à la rente: en l'absence de cession de créance, l'aliénateur reste créancier l6.

Ainsi donc, la loi rattache propter rem l'obligation de constituer 1 'hypo- thèque légale, mais non pas celle de payer la rente. Cette solution peut parai- tre contestable, mais elle résulte clairement des travaux préparatoires qui ont

7 Cf. STEINAUER (note 1), n' 2555; ISLER (note 3), n' 7 ad art. 779i; Pascal SIMONIUS 1 Thomas SUTTER, Schweizerisches Immobiliarsachenrecht. Band Il: Die beschriinkten dinglichen Rechte, Bâle 1990, p. 139; PIOTET (noie 3), p. 88; etc.

8 Soit notamment les art. 837 al. 2 et 839 CC; cf. STEINAUER (note 3), n' 2554. Voir également l'art. 22. al. 2 ORF.

9 Art. 779k al. 2 CC.

10 Art. 779i al. 1 CC.

II Art. 779k al. 1 CC.

12 Cf. STEINAUER (note 1), n' 2556a; PIOTET (note 3), p. 88; etc. Voir aussi l'ATF 106 II 183/195 s., JdT 1981 12111222.

13 Cf. par exemple: PIOTET (note 3), p. 86; Hans Michael RIEMER, Die beschriinkten dinglichen Rechte, Berne 1986, p. 72; Peter ISLER, Der BaurechtsverJrag und seine Ausgesta/tung, thèse Zurich, Berne 1973, p. 97 s. Voir aussi: MÜLLER (note 3), p. 40;

etc. Contra: SIMONIUS 1 SUTTER (note 7), p. 138.

14 Cf. par exemple: STEINAUER (note 1), n' 2546; ISLER (note 3), n' 32 ad art. 779a; Peter LlVER, Das Eigentum, Schwei:zensches Privatrecht VII, Bâle 1977, p. 1 5S, p. 22; SCHMID (note 5), n' 1395; PIOTET (note 3), p. 86; MOLLER (note 3), p. 39; ISlER (note 13), pp. 46 et 97 s. Contra: SIMONIUS 1 SUITER (note 7), p. 138.

15 Cf. par exemple: STEINAUER (note 1), n' 2546; ISLER (note 3), n' 33 ad an. 779a;

MOLLER (note 3), p. 39; etc.

16 Cf. MÜLLER (note 3), p. 40; ISLER (note 13), p. 98.

(5)

BÉNÉDICT Fo~x

conduit à l'adoption de la novelle du 19 mars 196517• A vrai dire, on peut fort bien s'en accommoder tant que le superficiaire est solvable. En effet, ainsi que le soulignait le Message du Conseil fédéral, on voit mal que le superficiaire accepte de céder son droit sans que l'acquéreur ne reprenne la dette tendant au paiement de la rentel8 ; les art. 832 al. 2 et 834 CC (applicables si l'hypo- thèque légale de l'art. 779i CC est inscrite)19, permettent au surplus de favo- riser la reprise de dette2o• A l'inverse, en cas d'aliénation du fonds grevé, l'acquéreur exigera généralement de devenir simultanément titulaire du droit à la rente.

La situation est différente en cas de réalisation forcée du droit de super- ficie, ainsi qu'on va le voir.

II. Une faille en cas de réalisation forcée du droit de superficie

A. Dans l'hypothèse (la plus fréquente) où l'hypothèque légale est inscrite, la réalisation forcée n'entraîne pas nécessairement un changement de débiteur.

En effet, la dette tendant au paiement de la rente n'étant pas rattachéepropler rem, elle ne passe à l'acquéreur qu'à la condition d'être déléguée à l'acqué- reur du droit de superficie21 .

Or, une telle reprise de dette légale22 suppose que les prévisions des art.

135 al. 1 LP et 45 ORFI soient réalisées. La délégation de la dette tend~t au paiement de la rente (qui ne portera en tout état de cause que sur les annuités non encore exigibles2}) interviendra donc en principe en cas de saisie24, de

17 Cf. Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet de loi modifiant les dispositions du code civil et du code des obligations sur le droit de super- ficie et le tran.sfert des immeubles, du 9 avril 1963, in FF 1963 1 993 55, pp. 1011 s.

18 Message (note 17), p. 1012.

19 MOLLER (note 3), p. 39.

20 Cf., d'une manière générale, STEINAUER (note 1), nO 2822 ss, spécialement le nO 2823.

21 Cf. ISLER (note 3), nO 34 ad art. 779a (voir aussi nO 5 ad an. 779k).

22 STEINAUER (note 1), n' 2824.

23 Cf. art. 135 al. 1 infine LP: "Les dettes exigibles garanties par gage immobilier ne sont pas déléguées, mais payées par préférence sur le produit de la réalisation ".

24 Art. 135 LP et 45 ORFI.

(6)

UNÊ FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTlON?

faillite25 et de poursuite en réalisation de gage26, pour autant, dans ce dernier cas, que la poursuite ait été intentée par un tiers. En revanche, la réalisation forcée opérée suite à une poursuite en réalisation de gage intentée par le grevé n'emportera en principe pas une telle délégation de la dette, ce cas sortant des prévisions légales: la loi vise en effet la délégation des créances non exigibles dont des tiers (et non pas le poursuivant) sont titulaires21.

Le grevé poursuivant se trouve alors dans une situation assez inconfor- table: s'il est vrai qu'il conserve son hypothèque (nonobstant la réalisation forcée du droit de superficie)28, celle-ci garantit le paiement d'une rente due par le débiteur d'origine; or, la solvabilité de ce débiteur est sujette à caution, puisqu'il a fallu procéder à la réalisation forcée du droit de superficie. En outre et en tout état de cause, on peut se demander si le débiteur s'acquittera diligemment d'une obligation relative à un droit de superficie dont il n'est plus titulaire. Le grevé s'expose donc à devoir entamer d'autres poursuites, pour les annuités devenant exigibles.

B. Par ailleurs, il peut arriver que le droit de superficie fasse l'objet d'une réalisation forcée alors que l'hypothèque légale n'est pas (encore) inscrite.

La dette tendant au paiement de la rente n'est alors pas garantie par gage, si bien qu'elle n'est pas déléguée à l'acquéreur29; par ailleurs, n'étant pas ratta- chée propter remlO , elle ne suit pas le sort de l'immeuble.

L'acquéreur ne devient donc pas débiteur de la rente en acquérant le droit de superficie lors de la réalisation forcée. En d'autres termes, le grevé con- serve, dans cette hypothèse également, son débiteur antérieur, et ce même pour les annuités futures. Certes, il peut exiger du superficiaire actuel qu'il

" Art. 259 LP et 135 LP; art. 130 et 45 ORFI.

26 Art. 156 al. 1 et 135 LP; art. 102 et 45 ORFI. Voir par ailleurs les art. 323 et 135 LP en cas de concordat par abandon d'actifs; voir également Alain WINKELMANN 1 Laurent LÉVY 1 Vincent JEANNERET 1 Olivier MERKT / Francesca BIRCHlER, in [Adrian STAEHEUN 1 Thomas BAUER 1 Daniel STAEHELlN, éd.] Kommemar zum Bundesgeselz über Schuldbetreibung und Konkurs. Unter Einbezug der Nebenerlasse, vol. III, Bâle 1998, nO 6 ad art. 323.

27 Sic: MÜLLER (note 3). p. 95.

28 Art. 779k al. 1 CC.

29 Cf. art. 135 al. 1, 156 al. 1, 259 et 323 LP; voir aussi l'art. 36 al. 1 ORFI. Cf. Carl JAEGER 1 Hans Ulrich W ALDER 1 Thomas M. KULL 1 Martin KOTTMANN, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs. Erliiutert for den praktischen Gebrauch, vol. l, Zurich 1997, n° 6 ad art. 135.

JO Cf. supra, p. 109.

(7)

BÉNÉDICT Foex

consente à l'inscription de l'hypothèque légale31 , mais il n'en demeure pas moins que le droit à la rente reste dirigé contre le débiteur antérieur, avec les aléas qui en résultent.

C. On le constate, la réalisation forcée du droit de superficie peut entraîner une dissociation des qualités de titulaire du droit de superficie et de débiteur de la rente qui est normalement associée à ce droit. De telles situations pré- sentent un certains nombre d'inconvénients, tant pour le grevé que pour l'ac- quéreur du droit de superficie. Il convient dès lors de rechercher si la loi (infra, III) ou la convention (infra, IV) permettent d'en éviter la survenance.

Ill. Les solutions légales

A.

Le rattachement

propter rem

légal

En premier lieu, on peut se demander s'il n'est pas possible de considérer, malgré tout, que l'obligation de verser la rente suit ex lege le sort du droit de superficie. C'est d'ailleurs l'opinion professée par P. Simonius et T. Sutter, pour qui la dette tendant au paiement de la rente est une obligation propter rem32 Elle suivrait dès lors le sort du droit de superficie même en cas d'exé- cution forcée33 .

Cette manière de voir, qui peut se prévaloir d'un certain bon sens, est toutefois isolée34 En outre, elle ne trouve aucun appui sur le texte légal: la loi se borne à mentionner la rente à l'art. 779i CC, sans indiquer qui en est le débiteur35 . A cela s'ajoute que les travaux préparatoires indiquent clairement que le législateur n'a pas entendu opérer un tel rattachement: "notre projet ne dispose pas que toul acquéreur répond aussi personnellement du paiement

31 Cf. art. 779k al. 1 cc.

32 SIMONIUS / SUTTER (note 7), p. 138. Voir aussi: Pascal SIMONIUS / Thomas SUTTER, Schweizerisches Immobiliarsachenrecht. Band 1: Grundlagen, Grundbuch und Grund- eigenmm, Bâle 1995, p. 85.

33 Il s'agit en effet en principe là d'une conséquence de la qualité d'obligation réelle; cf.

Arthur MElER-HAYOZ. Das Eigentum, Berner Kommenlar, vol. IVLI, 5e éd., Berne 1981, Systematischer Teil. nO 304.

34 Cf. à cet égard la doctrine citée supra, note 14,

3S Pour SIMONlUS 1 SUTIER ([note 7], p. 137), le texte légal "spricht h6chstens indirekt von einer Realschuld und Realfordernng, indem es in Arr. 779i ZGB dem 'Gnmdeigen- tümer' einen gesetzlichen Anspruch gegen 'den jeweiligen Bauberechtigren' au! Ein- riiumung eines Pfandrechts zur Sichernng des Baurechrszinse zusprichr".

(8)

uN~ FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCltRE COMME SOLUTION?

de la rente. C'est le droit de superficie lui-même, avec les constructions faites, qui garantit la rente, en quelques mains qu'il ait passé. [ ... ] En cas d'aliénation du droit de superficie, le vendeur impose généralement à l'ac- quéreur l'obligation de payer la rente. S'il omet de lefaire, de sorte que le droit de superficie passe à l'acquéreur sans l'obligation de verser la rente, le vendeur continue à répondre personnellement de la rente envers le pro- priétaire dufonds, tandis que l'acquéreur en répond sur le droit de superfi- cie. [ ... } Cette solutioll n'est pas nécessairement désavantageuse pour le propriétaire du fonds. Ce qui est décisif pour lui, c'est qu'il ait une garantie réelle suffisante. S'il en est ainsi, les garanties personnelles sont dénuées d'importance. En matière de lettre de rente ou de chargefoncière, il n'y a pas de garantie personnelle à côté de lagaran/ie réelle "36. Dans ces condi- tions, il paraît difficile de retenir que l'acquéreur du droit de superficie de- vient ipso iure débiteur de la rente, même si cette solution semble préférable à bien des égards.

B. L'application analogique des règles sur la délégation des dettes

Cela étant, on peut se demander si le droit de l'exécution forcée ne permet pas à tout le moins de considérer que la titularité du droit de superficie et l'obliga- tion de payer la rente suivent un sort juridique commun en cas de réalisation forcée du droit de superficie (même dans les cas où, à rigueur de texte légal, une délégation de la dette ne se produit pas). C'est d'ailleurs la solution pro- posée par M. Viktor Müller dans sa thèse de doctorat, lorsque la réalisation du droit de superficie est requise par le grevé dans le cadre d'une poursuite en réalisation de gage.

Après avoir constaté que la loi ne prévoit pas que la dette dont le paie- ment est demandé par voie de réalisation de gage soit déléguée à l'acquéreur, M. Müller indique qu'il convient néanmoins d'admettre la délégation s'agis- sant de l'obligation de payer la rente du droit de superficie: "Es ist [. .. } zu vermuten, dass beim Fehlen einer ausdriicklichen Gesetznorm das allgemeine Prinzip des Überbindungssysterns anwendbar sein muss "37.

36 Message (note 17), p. 10 Il s.

37 MÜLLER (note 3), p. 95.

(9)

BÉNÉDICT FOËx

Cette manière de voir a été critiquée par le Professeur Paul Piotet, qui la considère 'fort discutable en théorie "38 Il est vrai que ses assises ne sont pas claires. En particulier, on ne voit pas bien pourquoi l'art. 779k al. 1 CC devrait préciser qu'en cas de réalisation forcée, 1 'hypothèque légale du grevé n'est pas radiée si une délégation de la dette intervient dans tout les cas39 .

Il serait donc probablement plus approprié de considérer que la loi con- tient à cèt égard une lacune, susceptible d'être comblée par une application analogique des bases légilles appropriées. On pourrait ainsi appliquer par analogie (sans devoir d'ailleurs guère solliciter le texte légal) les art. 135 LP et45 al. 1 lit. a ORFI (voire l'art. 49 al. 1 lit. b ORFI) pour fonder la déléga- tion de l'obligation de payer la rente, lorsque la réalisation de gage intervient à la requête du propriétaire du fonds grevé; telle est du moins la pratique suivie semble-t-il par certains offices. Quant à la délégation de la dette lors- que l'hypothèque légale n'est pas inscrite, elle pourrait résulter d'une appli- cation analogique des art. 135 al. 1 LP et 49 al. 1 lit. b (in fine) ORFI: cette disposition de l'Ordonnance ne prévoit-elle pas que les "redevances couran- tes" doivent être déléguées à l'acquéreur?

Cela étant, il faut bien voir que ces constructions ont quelque chose d'ar- tificiel: elles tentent de rétablir, dans l'exécution forcée, un lien indissociable entre le droit de superficie et l'obligation de payer la rente, alors même que le législateur a expressément rejeté le rattachement propter rem. Cela ne signi- fie certes pas que les implications de ce choix aient été prévues jusque dans leurs dernières conséquences, mais il n'en demeure pas moins que l'on peut douter que la solution légale soit lacunaire et partant, qu'une application analogique se justifie.

c.

Le droit de préemption légal

A cet égard, on relèvera que la loi met à la disposition du propriétaire du fonds grevé (d'un droit de superficie distinct et permanent) un moyen d'éviter une dissociation des qualités de superficiaire et de débiteur de la rente: elle le met au bénéfice d'un droit de préemption légal40, qui peut être exercé en cas

38 PIOTET (note 3), p. 88, note 46.

39 A cet égard, les développements du Message ([note 17], p. 1012) ne sont guère éclai- rants.

40 Art. 682 al. 2 CC.

(10)

,

UNE FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTION?

d'exécution forcée4]. Le grevé peut donc se porter lui-même acquéreur du droit de superficie, aux conditions de l'adjudication42 Il s'agit là d'une pro- tection somme toute satisfaisante, même s'il est vrai qu'elle implique que le grevé soit à même de verser le prix d'adjudication.

D. Conclusion

On le constate, il n'est pas certain qu'une application analogique des disposi- tions relatives à la délégation des dettes à l'acquéreur se justifie in casu. Il semble bien que même si, en ne prévoyant pas dans tous les cas une reprise ex lege de l'obligation de payer la rente, la solution légale peut conduire à des résultats qui ne sont pas nécessairement satisfaisants, elle ne peut pas pour autant être qualifiée de lacunaire: le grevé qui souhaite éviter que l'acquéreur du droit de superficie ne soit pas simultanément son débiteur peut exercer son droit de préemption; le cas échéant, il renoncera à invoquer celui-ci si l'adju- dicataire accepte de reprendre la dette.

Certes, cette solution n'est pas parfaite. Cependant, la loi procure des avantages non négligeables au propriétaire d'un fonds grevé d'un droit de superficie immatriculé au registre foncier: il bénéficie d'une hypothèque lé- gale indirecte, qui n'est pas radiée en cas de réalisation forcée, ainsi que d'un droit de préemption à plusieurs égards pri vi légié4

3;

on peut donc douter que ce statut doive et puisse être amélioré sans une intervention du législateur. En définitive, c'est bien plus sur le terrain des solutions conventionnelles que réside la clef du problème.

41 Art. 681 al. 1 CC. Voir aussi l'art. 60a ORFI.

42 Art. 681 al. 1 CC; art. 600 al. 1 el 4 ORFI.

43 Ainsi et notamment, en tant que droit de préemption légal, il prime les droits de préemp- tion conventionnels (art. 681 al. 3, 2e phrase, CC), n'est pas soumis à la limitation de durée qui est applicable à ceux-ci (cf. art. 216a CO) et peut être exercé en cas de réalisation forcée (art. 681 al. 1 CC; voir l'an. 216c al. 2 CO pourles droits de préemp- tion conventionnels).

(11)

BENÉDlCT Fot::x

IV. Solutions conventionnelles

A. Le rattachement propter rem conventionnel

En premier lieu, on peut se demander s'il est loisible aux parties de convenir que la rente sera rattachée propter rem. Ce serait à certains égards la solution idéale: les parties auraient la liberté d'élever ou non la dette (tendant au paie- ment de la rente) au rang d'obligation propter rem, en fonction des circons- tances du cas particulier et de l'appréciation qu'elles se font de leurs besoins et de leurs intérêts.

Il est cependant admis que notre droit est gouverné par untzumerus clausus des obligations réelles: la liberté des parties en la matière bst limitée, en ce sens qu'elles ne peuvent rattacher propter rem une obligation que dans les cas prévus par la loi44. Or, la dette tendant au paiement de la rente du superficiaire ne compte pas au nombre des cas d'obligations propter rem conventionnelles45 Les parties ne peuvent dès lors pas valablement convenir de lier la dette tendant au paiement de la rente à la titularité du droit de superficie46

B. Le gage immobilier conventionnel

1. A titre de seconde solution, on peut songer à la constitution d'un gage immobilier conventionnel: la loi n'impose en effet nullement au grevé de se contenter de l'hypothèque légale des art. 779i et 779k CC. Les parties peu- vent donc valablement convenir de grever le droit de superficie d'une hypo- thèque ou d'une cédule hypothécaire (voire d'une lettre de rente) en faveur du grevé41.

44 Voir par exemple: MEIER-HAYOZ (note 33), Systematischer Teil, nO 292; SIMONIUS 1 SUTTER (note 32), p. 89; LIVER (note 14), p. 22; Heinz REY, Die Grund/agen des Sachenrecht und das Eigentum, Berne 1991, nO 258; etc.

45 Cf. par exemple l'énumération de A. MEIER-HAYOZ (note 33), Systematischer Teil, nO 279 ss. Voir aussi le Message (note 17), p. 1005.

46 Cf. par exemple: MÜLLER (note 3), p. 37. Les parties sont en revanche naturellement libres de prévoir que le superficiaire aura l'obligation de ne pas céder son droit sans que le cessionnaire ne reprenne la dette (cf. STEINAUER [note 1], nO 2546). Une telle clause n'opère cependant pas de rattachementpropter rem et, en particulier, n'est pas opposable à l'acquéreur du droit.

47 Cf. par exemple: STEINAUER (note 1), n' 2556c; ISLER (note 3), n' 13 s. ad art. 779k;

PIOTET (note 3), p. 87; MÜLLER (note 3), p. 74 S.; etc.

(12)

,

UNE FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÊ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTlON?

Le gage étant conventionnel, il peut garantir un capital, soit par exemple la valeur capitalisée de la rente48Selon Son rang, ce gage procure au grevé une garantie satisfaisante pour l'ensemble de sa créance, le mettant ainsi à l'abri des risques décrits ci-dessus49 Selon la doctrine, ce gage conventionnel présenterait même la particularité de suivre le régime juridique applicable à l'hypothèque légale de l'art. 779i CC pour la portion de la créance garantie correspondant à trois annuités50 (avec cette conséquence, notamment, qu'il ne serait pas radié à l'issue d'une réalisation forcée requise par le grevé, mais qu'il subsisterait au contraire à concurrence de ce montant51 ). A vrai dire, on peut concevoir quelques doutes sur ce dernier point: on voit mal comment un gage pourrait être simultanément conventionnel et légal, ou être conventionnel tout en bénéficiant pour partie du régime juridique applicable à un gage légal.

A tout le moins doit-on convenir que ce gage hybride ne peut êtte constitué que sous forme d'hypothèque52 : les textes italien et français des art. 779i et 779k CC indiquent clairement que le gage légal du grevé est une hypothèque53 .

2. Quoi qu'il en soit, force est de constater que la constitution d'un gage conventionnel n'est pas une panacée. En effet, pour qu'il soit susceptible de mettre le grevé à l'abri des risques résultant de l'absence de délégation de la dette en certaines circonstances, ce gage doit garantir le paiement de l' ensem- ble des annuités. Le montant ainsi capitalisé sera donc important et risque bien d'épuiser en grande partie la valeur de garantie que représente le droit de superficie5" En d'autres termes, si le gage conventionnel est susceptible de fournir une garantie satisfaisante du point de vue du propriétaire du fonds grevé, il constitue une charge particulièrement lourde pour le superficiaire, limitant par là même les possibilités d'engagement de son droit à d'autres fins. C'est d'ailleurs précisément là l'une des raisons qui a amené le législa- teur de 1965 à introduire l'hypothèque légale: "si le gage immobilier devait garantir la rente annuelle capitalisée, cela eût représenté une chalge déjà

48 Voir à cet égard Wilhelm STAUFFER 1 Theo SCHAETZLE / Marc SCHAETZLE, 8arweruaJeln, 4e éd., Zurich 1989, p. 182 s. et la table 50.

49 Supra, 11.

50 STEINAUER (note 1), nO 2556c; Message (nOie 17), p. 1012.

51 STEINAUER (note 1), nO 2556c.

52 Cf. d'ailleurs STEINAUER (nOie 1), nO 2556c.

53 Le texte allemand de ces dispositions recourt à l'expression neutre de droit de gage (?fandrecht).

54 Cf. STEINAUER (note 1), nO 2548.

(13)

'.

BÉNÉDICT Fol!x

considérable, qui limitait par trop la possibilité d'obtenir un nouveau cré- dit "55.

On peut donc retenir que, sans nécessairement devoir être écartée d'em- blée, la constitution d'un gage conventionnel ne s'impose pas comme consti- tuant une solution idéale: elle permet certes d'éviter une dissociation des qua- lités de débiteur de la rente et de superficiaire en cas de réalisation forcée, mais implique alors que l'immeuble grevé réponde d'emblée de l'ensemble de la créance garantie, alors même que celle-ci n'est due que sous la forme de prestations périodiques, étalées durant toute la durée du droit de superficie (à savoir cent ans au maximum en vertu de l'art 7791 CC).

C. La charge foncière 1. Introduction

Il résulte de ce qui précède que les deux formes de garantie réelle que nous avons examinées présentent certains désavantages. L'hypothèque légale pré- vue par les art. 779i et 779k CC ménage certes le crédit du superficiaire en limitant le montant de la garantie, mais elle ne permet pas d'éviter en toutes circonstances une dissociation des qualités de titulaire du droit de superficie e! de débiteur de la rente. Quant au gage immobilier conventionnel, il contourne ce problème en garantissant d'emblée l'ensemble des annuités représentant la rente, mais il implique par là même un engagement important du droit de superficie, qui peut s'apparenter à un gaspillage de crédit.

2. Une solution attrayante

Dans ces conditions, il faut se demander si la charge foncière n'est pas sus- ceptible de constituer une alternative attrayante tant pour le propriétaire grevé que pour le superficiaire. En effet, la charge foncière peut s'analyser comme un droit personnel d'exiger certaines prestations positives, rattaché propter rem à la propriété de l'immeuble grevé, garanti par un droit réel de réalisa- tion56; autrement dit, selon la définition du Professeur Paul Piotet, "la charge

55 Message (note 17), p. 995.

56 Cf. Paul-Henri STEINAUER, Les droits rée/s, Tome l, 3e éd., Berne 1997, nO 51; STEINAUER (note 1), n' 2579 ss; David JENNY, in [Heinrich HONSELL / Nedim Peter VOGT / Tho·

mas GEISER, éd.] Schweizerisches Zivilgesetzbuch II. Kommenlar Zllm Schweizerischen

(14)

UN'E FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÊ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTION?

foncière est une obligation propter rem sans responsabilité personnelle du débiteur, sanctionnée par un droit réel de disposition sur l'immeuble grevé "57

Dans le cas qui nous occupe, le recours à la charge foncière aurait donc pour conséquence qtf l'obligation de payer la rente serait rattachée propter rem: le titulaire actuel du droit de superficie, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble grevé de la charge foncière, serait ex lege tenu de fournir la pres- tation58 En cas d'inexécution, le titulaire de la charge foncière (à savoir, le propriétaire du fonds grevé du droit de superficie inunatriculé au registre foncier) pourrait demander la réalisation forcée de l'immeuble grevé59• Ce droit de réalisation serait cependant limité, la loi prévoyant que chaque pres- tation devient une dette personnelle non garantie par l'immeuble trois ans après son exigibilité60

A première vue, la charge foncière constitue donc la solution idéale.

Comme l'hypothèque légale des art. 779i et 779k CC, elle garantit potentiel- lement l'ensemble des annuités61,l'immeuble ne répondant cependant à un moment quelconque au maximum que de trois annuités. A la différence de l 'hypothèque légale, elle implique un rattachement propter rem de l' obliga- tion de payer la rente, l'acquéreur du droit de superficie devenant ipso jure débiteur62, même en cas d'exécution forcée63 . A la différence également de l 'hypothèque légale, le superficiaire ne répond dans un premier temps de la rente que sur son immeuble (et non pas personnellement)64; mais celte diffé- rence ne devrait pas porter à conséquence, puisque l'immeuble devrait suffire à désintéresser le titulaire de la charge (à tout le moins si le rang de cette

Privatrecht, Bâle 1998, Vorbermerkungen ru Art. 782-792, nO 1; SCHMID (note 5), nO 1443 ss; SIMONIUS 1 SUTTER (note 7), pp. 292 et 303.

57 PIOTET, p. 122.

58 Cf. art. 782 al. 1 et 792 al. 1 Cc.

59 Art. 791 al. 1 CC.

60 Art. 791 al. 2 CC.

61 L'inscription au registre foncier doit jndiquer la valeur de la charge (art. 783 al. 2 CC), qui peut être calculée au moyen de tables de capitalisation; cf. STAUFFER 1 SCHAETZLE 1 SCHAETZLE (note 48), p. 279 S.; STEINAUER (note 1), nO 2595a; etc.

62 Cf. art. 792 al. 1 CC.

63 Cf. STEINAUER (note 1), nO 2605; JENNY (note 56), nO 7 ad art. 791; PIOTET (note 3), p. 130; SIMONIUS 1 SUTTER (note 7), p. 304. A cet égard, c'est à tort que l'art. 156 al. 1 (2e phrase) LP indique que "les charges Concieres inscrites au registre foncier en faveur du poursuivant doivent être radiées", le texte al1emand de cette disposition emploie- d'ailleurs le terme plus large de "Belastung" (et non pas: "Grundlast"); en revanche, la version italienne vise également les charges foncières ("oneri fondiari"),

64 Art. 791 al. 1 CC.

(15)

BÉNÉDICT Fo.Ëx

dernière est approprié) el que les prestations qui ne sont plus garanties par l'immeuble deviennent une dette personnelle du superficiaire65 ,

3. Les réticences du Tribunal fédéral et de la doctrine

La charge foncière semble donc constituer une institution adaptée aux be·

soins tant du grevé que du superficiaire, Toutefois, force est de constater que la lecture de la jurisprudence et de la doctrine actuelles amènent à tempérer cette conclusion optimiste, En effet et d'une part, l'on fait observer qu'il est douteux que la rente du droit de superficie constitue une prestation suscepti·

hIe d'être érigée en charge foncière, motif pris qu'elle ne serait pas en corré- lation avec l'économie du fonds grevé ainsi que l'exige l'art, 782 al. 3 CC66.

Par ailleurs, l'on relève qu'à supposer qu'elle puisse être constituée, cette charge foncière ne serait pas irrachetable au sens de l'art. 788 al. 3 CC; elle pourrait donc être rachetée par le superficiaire au bOlJtde trente ans en vertu de l'art. 788 al. 1 ch. 2 CC67, Enfin, on avance parfois que les règles sur les lettres de rente seraient applicables, en vertu de l'art. 785 CC68.

A vrai dire, aucun de ces trois arguments ne nous paraît déterminant.

a) L'art. 782 al. 3 CC "

En ce qui concerne en premier lieu l'argument tiré de l'art, 782 al. 3 CC, force est de constater que, par sa généralité, il tient plutôt de la pétition de principe. En effet, il est admis que constituent des prestations en corrélation avec l'économie de l' immeublé9 grevé non seulement des prestations maté-

65 Art, 791 al. 2 CC,

66 ATF 93 II 71181, JdT 19681244/253; STEINAUER (nOie 1), n° 2600.; Peter LlVER,

"Über die Baurechtsdienstbarkeit", in PrivatrechrJiche Abhandlungen. Festgabe zum 70. Geburtstag des Verfassers, Berne 1972, p. 391 ss, p. 397; Hans-Peter FRIEDRICH,

"Die Neuordnung des Baurechtes im Zivilgesetzbuch", in BJM 1966 p. 1 55, p. 22. Plus nuancés: PIOTET (nOIe 3), p, 132; lSLER (nOie 13), p, 145; MOLLER (note 3), p, 1; Mes- sage (note 17), p. 997,

67 STEINAUER (note 1), n' 2548 el 2615a; MÜLLER (nOIe 3), p, 2; LlVER (note 66), p, 396 s,;

Message (note 17), p, 996,

68 MÜLLER (note 3), p, 2, Voir aussi: ISLER (note 13), p, 145; Message (nOIe 17), p, 997, 69 La version française de l'an. 782 al. 3 CC semble exiger que ta charge foncière grève

un bien-fonds (" ... en corrélation avec l'économie du fonds grevé"); voir aussi l'art. 782 al. 1 Cc. Les autres catégories d'immeubles (an. 655 al. 2 CC) peuvent cependant en réalité également être l'objet de charges foncières (cf. STEINAUER [note 1], nO 2596;

(16)

uNE FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTION? /

rielles (ainsi que la fourniture de services), mais également des prestations pécuniaires, pourvu qu'elles soient financées par le produit (direct 70 ou indi- recel) de l'exploitation de l'immeuble grevé72 .

Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi la rente du droit de super- ficie ne pourrait en aucun cas compter au nombre des prestations pécuniaires susceptibles d'être érigées en charges foncières: dans de nombreux cas, le bâtiment faisant l'objet du droit de superficie (hôtels, restaurants, locaux commerciaux, bâtiments locatifs, installations industrielles ou sportives, etc.) procure un certain rendement financier, permettant au superficiaire de payer la rente. On devrait donc à tout le moins admettre la constitution d'une charge foncière dans ces cas-Ià73 .

A cela s'ajoute que, faisant un pas de plus, le Professeur Paul Piotet admet que la simple utilisation de l'immeuble, en tant qu'elle évite à son bénéficiaire une dépense, constitue un revenu permettant de financer une pres- tation pécuniaire érigée en charge foncière74. Si cette manière de voir devait être suivie, le cercle des droits de superficie susceptibles d'être grevés d'une charge foncière garantissant le paiement de la rente s'élargirait encore un peu plus: la rente versée par le superficiaire ne constitue-t-elle pas précisément une "rétribution pour un usage de longue durée de f'immeuble"75?

JENNY [note 56], n. 1 ad art. 782; etc.), ainsi que les textes italien et allemand de J'art. 782 aL 1 et 3 CC Je laissent entendre. Le fait que le droit de superficie immatri- culé au registre foncier, quoique étant un immeuble (cf. art. 655 al. 2 ch, 2 CC), n'est pas un bien-fonds, n'empêche donc pas qu'il soit grevé de charges foncières.

70 Par exemple, des loyers. Cf. STEINAUER [note IJ, n' 2600a; SCHMID (note 5), n' 1447.

71 Résultant par exemple de la vente des fruits naturels produits par l'immeuble. Cf.

STEINAUER [note 1), n' 2600a; SCHMID (note 5), n' 1447.

72 STEINAUER [note 1). n' 2600a; JENNY [note 56), n. 12 ad art. 782; StMONIUS 1 SUITER (note 32), p. 294; SCHMID (note 5), n' 1447; Peter TUOR 1 Bernhard SCHNYDER 1 Jôrg

SCHMID, Das Schweizerische Zivilgesetzbuch, Ile ed., Zurich 1995, p, 805; PIOTET

(note 3), p. 132. Contra: Peter LI VER, Die Gnmddienstbarkeiten, ZÜTcher Kommentar, vol. IV.2a.l, 3e éd., Zurich 1980, n' 41 ad art. 744.

73 A notre sens, il est dans ce contexte indifférent que le bâtiment soit déjà construit ou non (contra: Piotet [note 3], p. 132), tant il est vrai que le superficiaire devrait intégrer dans ses calculs de rentabilité le temps nécessaire à l'édification du bâtiment, pennet- tant ainsi de considérer que, durant cette période, la renle est financée par les produits futurs du bâtiment.

74 Cf. PtOTET (note 3), p. 132.

75 STEINAUER (note 1), 2545a. Voir aussi: ATF 101 lb 3291331. Telle semble également avoir été l'opinion d'Eugen Huber, telle que relatée dans l'ATF 52 II 27135, JdT 1926 1 521/529: "si l'on se fait une conception suffisamment approfondie des droits et des obligations découlant du droit de superficie, l'on arrivera à rattacher le service de la redevance due par le titulaire aux facultés que {ui confère Je droit de superficie ".

(17)

BÉNÉDICT FOËx

On le constate, la notion de prestation "en corrélation avec l'économie du fonds grevé" est beaucoup moins étroite qu'on pourrait le croire: elle re- couvre non seulement les prestations pécuniaires tirées directement de l'im- meuble grevé, mais également celles qui constituent un revenu indirect, voire même les prestations rendues possibles par les économies faites au moyen de l'immeuble. Dans ces conditions, l'on peut comprendre que le Professeur Paul-Henri Steinauer conclue en indiquant "aussi est-ilfinalement possible de constituer en charge foncière n'importe quelle dette de rente (sans capi- tal)"76.

Cette dernière manière de voir peut sembler audacieuse. Nous nous bor- nerons ici à relever qu'en définitive, l'art. 782 al. 3 CC ne constitue pas un obstacle péremptoire à la constitution d'une charge foncière garantissant le paiement de la rente: dans de nombreux cas, le droit de superficie procure à son titulaire un revenu (pécuniaire ou susceptible d'être transfonné en ar- gent). C'est d'ailleurs logique: en règle générale, le superficiaire ne s'enga- gera pas à verser une rente qui ne pourrait pas être financée par les avantages qu'il compte tirer du droit de superficie. En définitive c'est peu dire que la rente, bien plus par exemple que l'entretien d'un chemin traversant le fonds grevé77 , est en corrélation avec l'économie de l'immeuble grevé.

b) Le rachat de la charge foncière

En second lieu, l'argument tiré de la possibilité de racheter la charge foncière ne nous paraît pas non plus décisif. En effet, la jurisprudence du Tribunal fédéral n'est guère convaincante lorsqu'elle indique que seule une charge fon- cière grevant le même immeuble que la servitude à laquelle elle est rattachée est irrachetable au sens de l'art. 788 al. 3 CC78

Ainsi que le concéde notre Haute Cour79, cette exigence ne résulte pas du texte légal. Par ailleurs, on ne voit pas en quoi le "langage courant" pennet-

76 STEINAUER (note 1), nO 2600a; TUOR / SCHNYDER / SCHMlD (note 72), p. 805. A noter que STEINAUER ([note 1]. nO 2600a) exclut cependant de façon surprenante que la rente du droit de superficie puisse être constituée en charge foncière (voir par ailleurs TuOR / SCHNYDER / SCHMlD [note 72J, p. 805, note 9).

77 Il s'agit pourtant là d'une prestation dont la doctrine admet qu'elle peut être érigée en charge foncière; cf. STEINAUER [note 1], nO 2600a; PlOTET (note 3), p. 131; etc.

78 Cf. ATF 93 II 71/76 55, JdT 19681244/24955. Voir aussi: ATF 97 II 390/401, JdT 1973 1 80/90.

79 ATF 93 II 71/77, JdT 1968 1 244/249.

(18)

.,

UNE FAILLE DANS LA PROTECTION DU GREVÉ: LA CHARGE FONCIÈRE COMME SOLUTION?

trait de retenir "que l'art. 788 al. 3 CC ne s'applique que si la charge fon- cière et la servitude grèvent le même immeuble"80: la loi exige un rattache- ment, un lien8l, mais elle ne précise pas (et ne laisse pas entendre) que ce lien se rapporte à la titularité des droits concernés.

Enfin, force est de constater que la genèse du texte légal ne conduit pas .. iIécessairement à l'interprétation restrictive à laquelle les juges de Mon Re-

pos ont procédé: si l'art. 788 al. 3 CC répond à des considérations d'ordre public82 et que la liberté du sol exige que les charges foncières puissent en principe être rachetées83, on ne voit pas pour autant pourquoi il en résulterait que seules les charges foncières frappant le fonds grevé de la servitude se- raient irrachetables. La liberté du sol est-elle réellement mieux servie lors- qu'un fonds est grevé simultanément d'une servitude et d'une charge fon- cière, que lonsqu'un fonds grevé d'une servitude bènéficie, en échange, d'une charge foncière grevant le fonds auquel la titularité de la servitude est ratta- chée? Pourquoi l'ordre public permettrait-il qu'un fonds soit grevé perpétuel- lement d'un droit de passage et d'une charge d'entretenir le chemin, mais non qu'en échange de ce droit de passage, le fonds dominant soit grevé d'une charge foncière irrachetable? Le poids cumulé de deux charges est-il réelle- ment plus léger que celui de charges réciproques?

A la vérité, il ne semble vraiment pas qu'il s'impose de procéder à une lecture aussirestrictive de l'art. 788 al. 3 CC84 Le Tribunal fédéral devrait à tout le moins faire une exception pour la rente due par le superficiaire, où le souci d'éviter les charges qui étranglent la propriété ne saurait être prépondé- rant puisque ce propriétaire que l'on veut empêcher de recourir à une charge foncière dispose en tout état de cause d'une hypothèque légale pouvant grever le droit de superficie pendant toute sa durée.

Cela étant, il faut souligner que l'application de l'art. 788 al. 3 CC au cas qui nous occupe supposerait encore que la notion de servitude "perpé-

80 ATF 93 Il 71/77, JdT 1968 1244/249.

81 "Rattachée", "verbunden", "collegati",

82 ATF 93 Il 71/79, JdT 1968 1244/251. Cf. aussi: JENNY (note 56), n' 8 ad art. 788;

SCHMID (note 5), n' 1455.

83 Cf. Eugen HU BER. Erliiutenmgen zum Yorentwllrf eines schweizerischen Zivilgesetzbu- ches, vol. 2, 2e éd., Berne 1914, p. 165: "Die Freiheil des Bodens verlangl eine zeitli- che Einschriinkung der Belastungsdauer"; cf. ATF 93 Il 71/77, JdT 19681 244/250.

84 Voir à cet égard les remarques de SIMONJUS 1 SUTTER (note 7), p. 302; voir aussi:

PIOTET (note 3), p. 140. La doctrine majoritaire se range cependant à l'avis du Tribunal fédéral; cf. par exemple: LIVER (note 72), n' 221 ad art. 788; STEINAUER (note 1), n' 2615a; JENNY (note 56), n' 8 ad art. 788; SCHMID (note 5), n' 1455; etc.

(19)

BÉNÉDICT FOËx

tuelle" soit clarifiée85 En effet, le droit de superficie distinct et permanent (qui seul nous intéresse dans la présente contribution) ne peut avoir une durée supérieure à cent ans86 Partant, il ne saurait être perpétuel. A lire les textes allemand et italien de l'art. 788 al. 3 CCS7, il ne semble toutefois pas que la loi exige que la servitude dure perpétuellement, mais bien plutôt qu'elle ne puisse être rachetée88. Or le droit de superficie n'est (sauf convention con- traire) pas une servitude rachetable; il devrait donc être possible de le ranger parmi les servitudes visées par l'art. 788 al. 3 CC.

Quoi qu'il en soit, il ne faut pas oublier que le rachat d'une charge fon- cière s'opère moyennant le paiement de la valeur de la charge inscrite au registre foncier (le débiteur ayant la faculté de prouver que la valeur effective est en réalité inférieure)89. Le superficiaire qui procéderait au rachat de la charge foncière devrait donc verser au propriétaire du fonds la somme ins- crite au registre foncier (soit en principe la valeur capitalisée de la rente)90, sous déduction des annuités déjà payées. La loi prévoit en outre que le rachat ne fait que procurer au débiteur le droit d'exiger du titulaire qu'il consente à la radiation91 . Le propriétaire du fonds grevé (par le droit de superficie) de- vrait donc pouvoir refuser de donner son consentement tant que le prix de rachat ne lui est pas versé92, avec cette conséquence que la charge, n'étant pas radiée, subsiste93 .

85 Il semble en revanche acquis que cette disposition s'applique même si la servitude n'est pas foncière, mais personnelle; cf. STEINAUER (note 1), nO 2615; PloTEr (note 3), p. 140, note 30; Hans LEEMANN, Sachenrecht. IL Abteilung, Berner Kommentar, vol. IVn, Berne 1925, nO 14 ad art. 788. Voir aussi: SIMON lUS / SUTTER (note 32), p. 302, note 57.

86 Art. 779/ al. 1 CC

87 "". wenn die Grundlast mit einer unablôsbaren Grunddienstbarkeit verbunden ist"; "".

quando l'onere fondiario sia collegato con una servitù prediale non riscattabile".

88 On peut en effet rapprocher les tennes employés à l'alinéa 3 à propos de la servitude (unablosbar, riscattabile) et ceux désignant le rachat de la charge foncière au deux premiers alinéas de l'art. 788: AblOsung, riscatto.

89 Art. 789 CC.

90 Cf. supra, note 61.

91 Art. 786 al. 2 Cc.

92 Cf. JENNY (note 56), n° 3 ad art. 789: "Der Ablosungsbetrag ist Zug um Zug gegen Erteilung der Loschungsbewilligung durch den Berechtigten und die Ejnreichung dieser Bewil/igung beim Grundbuchamtzu entrichten". Voir aussi: STEINAuER(note 1), nO 2610;

LEEMANN (note 85), nO 6 ad art. 789.

93 Art. 786 al. 1 CC.

Références

Documents relatifs

Il en va différemment lorsque la violation concerne ulle règle non pa s impérative, mais dispositive (en particulier une simple clause contractuelle). N'ébranlant pas le système

• la première, sur le Droit du travail traite des différents acteurs de la vie sociale, de la formation professionnelle, de la négociation collective, de l’embauche, des

Pour tenter de remédier à cet écueil formaliste et caractéristique du droit public français, se développe un courant doctrinal plus dynamique qui fonde l’effectivité

Supposons une entreprise A qui vend à terme dans marchandises à B. C= bénéficiaire initial mais aussi 1 er porteur et premier endosseur. E est le porteur effectif et légitime. B

S’appuyer sur la notion de communs dans cette étude sur la lutte contre la précarité foncière dans les pays des Suds a permis de réinterroger trois éléments du foncier pour le

On trouvera donc, croyons-nous, dans le Projet de Code civil, un ensemble de dispositions de nature à transformer assez profondément les règles du jeu

Pour savoir si le triangle VCE est rectangle, il suffit de ne regarder que ce triangle dont je connais les trois longueurs.. → quel est le grand côté et où sera l’angle droit si

La loi du 24 mai 2007 pour la construction de logements d’utilité pu- blique 13 qui charge à son article 1, alinéa 1, l’Etat de constituer « un parc de lo- gements