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De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline "français"

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De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline

"français"

LAENZLINGER, Christopher, MONNIER-SILVA, Anne Catherine, WEISS, Laura

LAENZLINGER, Christopher, MONNIER-SILVA, Anne Catherine, WEISS, Laura. De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline "français". In: Dias-Chiaruttini, A. &

Lebrun, M. La question de la relation entre les disciplines scolaires : le cas de l'enseignement du français . Namur : Presses universitaires de Namur, 2019. p. 137-153

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:136548

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Sous la direction de

Ana DIAS-CHIARUTTINI et Marlène LEBRUN

La question de la relation entre les disciplines scolaires :

le cas de l'enseignement du français

PRESSES UNIVERSITAIRES

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Collection « Recherches en didactique du français »

« Recherches en didactique du français» est une collection de l'Association internationale pour la Recherche en Didactique du Français (.AiRDF). Cette collection vise à:

offrir un soutien scientifique en langue française pouvant couvrir l'ensemble des domaines de la recherche en didactique du français adressé en particulier à la communauré des chercheurs, des formateurs, des enseignants et des étudiants en sciences de !;éducation, en sciences du langage et dans les institutions de formation des enseignants ;

privilégier les questions vives de théorisation et de méthodologie à propos de l'en­

seignement-apprentissage du français, en développant une approche restituant la diversüé des démarches de recherche ainsi que leur spécificité et leur inscription plus large dans le domaine des sciences humaines et sociales;

contribuer à donner forme, au fur et à mesure des publications et selon les cas : à un repérage des objets et des concepts émergents,

- à un approfondissement des difficultés repérées comme graves dans le champ, à une ouverture de « chantiers » réflexifs nouveaux ;

établir les liens scientifiques encre les chercheurs des pays francophones, les univer­

sités et les centres de recherche et de formation sur des thèmes significatifs sur le plan des questions, des hypothèses et des méthodes de recherche.

LA QUESTION DES RELATIONS ENTRE LES DISCIPLINES

SCOLAIRES

Sous la direction de

Ana Dias-Chiaruttini et Marlène Lebrun

Association Internationale pour la Recherche en Didactique du Français

PRESSES UNIVERSITAIRES

de Namur

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De l'intérêt auiourd'hui des situations-problèmes dans la discipline français

1. Introduction

Christopher Laenzlinger, Anne Monnier et Laura Weiss

Le français, une discipline « improbable », pour reprendre une expression de Schneuwly et al. (2016) ? Improbable, dans le sens où elle a été et est peut-être avant tout une discipline outil pour l'enseignement de toutes les autres disciplines avant d'être une discipline objet ; improbable, parce que, n'étant la transposition directe ni d'une discipline de référence unique, ni d'une pratiqu� sociale détermi­

née, elle est par définition« composite». Comment alors, en tant que profession­

nel, avoir une représentation claire et précise de cette discipline d'enseignement ? Corollairement, comment permettre aux élèves de se faire une idée des contours de cette discipline et des spécificités de celle-ci par rapport aux autres disciplines, en particulier les langues seco.ndes ? À l'instar de ce que montrent des recherches menées dans d'autres disciplines scolaires, en particulier en sciences, nous pos­

tulons que le recours aux situations-problèmes dans l'enseignement du français peut, en tant qu'elles interrogent des situations qui interpellent les élèves, offrir un terreau propice, en particulier au secondaire, pour penser une discipline à la fois dans ses caractéristiques et dans ses relations à ses disciplines sœurs.

Pour répondre à ces questions, nous commençons par clarifier le triplet didac­

tique « situation-problème », « obstacle » et « objectif-obstacle », ainsi que la notion de « configuration disciplinaire » en lien avec les approches interlinguis­

tiques. À partir de ces clarifications, nous posons notre problématique et pré­

cisons la méthode de recueil et d'analyse des données suivie. Nous présentons ensuite les résultats marquants en ce qui concerne les deux situations-problèmes élaborées. Nous terminons en esquissant quelques pistes pour une intégration des situations-problèmes dans l'enseignement du français.

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La question des relations entre les d1sc1pllnes scolaires

2. Cadrage théorique

2.1. Le triplet« situation-problème»,« obstacle»

et « objectif-obstacle »

2.1.1. Situation-problème

Une brève recherche sur le net de l'expression « situation-problème » donne l'énorme nombre de 5 540 000 résultats en 0,45 secondes. Si l'on consulte sim­

plement Wikipédia, la définition donnée est la suivante : « On appelle situa­

tion-problème une activité pédagogique consistant en l'aménagement d'une tâche de travail destinée à faire découvrir, par l'élève lui-même, des solutions à un problème. La résolution de ce problème doit permettre à l'élève l'acquisition de nouvelles connaissances (savoir, savoir-faire ... ). »

Meirieu (1987) précise que la situation-problème permet en effet à l'élève, en effectuant la tâche proposée, de rencontrer les obstacles inhérents à l'appren­

tissage de la notion en jeu. Bien que Hattie (2009) remette en cause, à travers plus de 800 méta-analyses, la faible efficacité de la situation-problème pour l'ap­

prentissage quand elle n'est pas suffisamment cadrée, il n'en demeure pas moins que la situation-problème reste une valeur de référence de l'enseignement des mathématiques et des sciences. Vingt ans plus tard, dans le cadre d'un entretien (Blin et Perru, 2007), Meirieu revient sur le concept. Tout en faisant remonter la situation-problème à !'Émile, et surtout à Claparède et à Piaget, il en dénonce, d'une part le risque technocratique (une coquille vidée de sa substance pédago­

gique), d'autre part son utilisation comme « une sorte de rituel obligé un peu formel, une recette systématique sans en mesurer les enjeux » (réponse 2) « alors que, dans [s]on esprit la situation-problème implique un renversement pédago­

gique» (réponse 2).

Toujours dans cet entretien, Meirieu revient sur deux éléments-clés à mettre en œuvre dans ces dispositifs en les distinguant clairement et en s'assurant de cette distinction chez les élèves : la tâche (ce que l'élève fait), qui n'est pas pérenne, et l' objectif(ce qu'il a appris). À partir de là, mettant en évidence l'importance des problèmes dans les mouvements de pensée, Meirieu réfute l'idée selon laquelle les disciplines littéraires seraient moins aptes à recourir aux situations-problèmes.

Selon ce chercheur, en abordant les savoirs sous l'angle de leur émergence et en confrontant les élèves à des obstacles, on peut reproduire en miniature et en accé­

léré un moment spécifique de l'histoire des idées.

2.1.2. Obstacles et objectifs-obstacles

Mais qu'entend-on par obstacles dans le cadre de l'apprentissage ? C'est Bachelard (1938) qui a inventé ce concept, en partant du constat selon lequel on

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De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline français

connait contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l'esprit lui-même fait obstacle. De ces obstacles inhérents au savoir, Brousseau (1989) a ensuite dérivé le concept d'obstacle didac­

tique qui serait une représentation de la tâche d'apprentissage, induite par un apprentissage antérieur et faisant entrave à un apprentissage nouveau. Constatant l'importance de surmonter les obstacles pour apprendre, Martinand (1986), pour sa part, propose alors le concept d'objectif-obstacle sous lequel il regroupe des recherches en didactique qui jusque-là s'ignoraient entre elles : d'une part celles sur les objectifs pédagogiques, d'autre part celles sur les représentations des élèves.

Martinand (1986) argumen�e que les obstacles, puisqu'ils jouent un rôle impor­

tant par rapport aux apprentissages, doivent être mis au centre pour définir les véritables objectifs. Selon lui, en définissant les objectifs à partir de la seule analyse des contenus, sans s'interroger sur les obstacles à franchir, on manque les objectifs les plus essentiels à un apprentissage pérenne, ceux qui sont· d'ordre conceptuel.

2.2. « Configuration disciplinaire » et discipline

francais La notion de configuration disciplinaire, développée notamment par Reuter et Lahanier (2004), est utile pour cerner comment, au sein de l'école, en fonction des périodes et des contextes, les composantes de la discipline �ont organisées de manière spécifique à travers les prescriptions (plans d' émdes et programmes), l'encadrement des pratiques (manuels), les pratiques et les représentations que les acteurs se font de celles-ci. Cette notion permet de distinguer la discipline en tant qu'elle est prescrite, recommandée, actualisée et représentée en termes de domaines ou de sous-domaines organisés selon une logique particulière, en lien avec les finalités qui lui sont assignées dans un contexte donné. Selon Lahanier et Reuter (2004) : « cette configuration [ ... ] peut prendre la forme d'une jux­

taposition entre sous-domaines ou d'une intégration autour d'une dominante, peut manifester le primat de la distance analytique, celui de la production ou une interaction fortement structurée entre ces dimensions. » (p. 5).

Une discipline scolaire est cependant en constante évolution : selon les demandes sociales et la production de savoirs nouveaux, elle est reconfigurée du point de vue de ses démarches, mais aussi de ses contenus.

En français, les conditions d'émergence de nouveaux objets d'enseignement sont spécifiques, et proviennent selon Petitjean (1998) de deux facteurs. Le premier .renvoie à une crise interne à la discipline, en lien avec la production de savoirs nouveaux dans les disciplines de référence. Le deuxième renvoie à une responsabilité sociale, et correspond dans ce cas à une crise externe à la discipline, le français étant une discipline particulièrement travaillée par des enjeux sociaux idéologico-culturels (normes du bien parler et du bien écrire par exemple). En effet, si apprendre les mathématiques ou la physique, c'est s'approprier d'une 139

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certaine façon le savoir du mathématicien ou du physicien, apprendre le français ne consiste pas directement à s'approprier le savoir du linguiste, du psycholin­

guiste, du critique littéraire ou de !'écrivain. Les objets d'enseignement constitu­

tifs de la discipline français sont des transpositions pour les uns de savoirs savants (c'est le cas de la critique littéraire entre autres, transposée des savoirs acadé­

miques), pour les autres de pratiques sociales (la lettre de lecteur par exemple).

Actuellement en Suisse romande, de nouveaux savoirs - les approches interlin­

guistiques - sont prescrits dans une volonté de pluri-disciplinarité, touchant l'en­

seignement du.français en tant que langue parmi d'autres. Ces nouveaux savoirs, à la frontière de la discipline français, permettent d'en dessiner les contours par l'ex­

térieur. Les approches interlinguistiques s'inscrivent dans un courant qui, depuis quelques années, préconise le plurilinguisme et la pluralité culturelle dans le cadre de l'école, plus précisément dans l'enseignemenr des langues. On peur mention­

ner le programme Éducation et ouverture aux langues à l'école (EOLE, Perregaux et al., 2003) qui consiste en toute une série d'activités élaborées à l'Institut de recherche et de documentation pédagogique (IRDP) suisse romand, s'adressant plutôt au primaire et impliquant les genres de texte (par exemple les contes). Plus récemment, le programme pluriculrurel Éveil aux langues et approches plurielles (Balsiger et al., 201 2) va dans la même direction.

En 1 980 déjà, Roulet (1 980) soulignait la nécessité d'une didactique intégrée des langues, qui tienne compte non seulement de la langue de scolarisation - ici le français - mais aussi des langues étrangères enseignées, ainsi que de la langue d'origine des élèves allophones. En effet si la Suisse est officiellement un pays quadrilingue, il est aussi forcement plurilingue avec 30 % d'habitants étrangers de cultures différentes, dont les enfants sont scolarisés dans l'école publique.

Sur le plan psycholinguistique, Hawkins (1987) introduit le concept de Conscience de la langue. I..:apprenant doit s'approprier sa langue maternelle pour pouvoi� transférer ses connaissances linguistiques vers les langues secondes. Dans le cadre de notre recherche, on pourrait aussi parler de maîtrise grammaticale.

Corder (1981), quant à lui, avance l'idée d'interlangue, une compétence transi­

tionnelle entre la langue première (Ll ) et la langue seconde (L2). Les transferts lexicaux et grammaticaux passent par cette connaissance intermédiaire entre la Ll et la L2. Il peut alors y avoir des bons transferts qu'il faut réguler, mais aussi des mauvais transferts que l'apprenant va rectifier de lui-même, ou éventuellement avec l'aide de l'enseignant.

3. Problématique

La problématique de cette contribution est donc la suivante. Dans quelle mesure et à quelles condicions la mise en place de situations-problèmes dans

Ue L interet auJourd hui des situations-problèmes dans la discipline français

1 enseignement du français peur-elle constituer un levier pour permette aux élèves de fuire des l.iens entre les différentes composantes de la djsciplinefrançais, soit le fonctionnement de la langue en interaction avec la compréhension ec la production de textes oraux et écrüs ? Par ailleurs, dans quelle mesure des situa­

tions-problèmes anic.ulant le français avec une ou plusieurs langues secondes per­

merrent-elles à l'élève de mieux comprendre les spécificités de la langue première ? Pour répondre à cette question, deux situarions-p.roblèmes sont élaborées et expérimentées, l'une interrogeant un cadre interne à la discipline, l'autre. un cadre qu'on peut caractériser d'externe. La première situation-problème cùnrraint en effet l'élève à aborder la râc.he, non pas en se limita.ne à un domafo.e précis, mais en articulant différents domaines du français, à savoir la production écrite en lien avec les questions d'énonciation mais aussi les règles orthographiques. De ce point de vue, ce type de situation permet à l'élève de se.faire une représenta­

tion de la discipline de L'intériettr. La seconde situation-problème invite l'élève à aborder l'obstacle des fonctions grammaticales en faisant un détour par les langues secondes, dans la perspective développée norammenr par le Plan d'études romand (PER) (CIIP, 20 1 0), qui encourage les approches interlinguisriques.

4. Dispositif de recherche et données analys.ées

I..:élaboration des deux situations-problèmes se fait dans le cadre d'une ingénie­

rie didactique dans laquelle il y a collaboration étroite entre le chercheur et l'ensei­

gnant. Une fois ceUe-ci élaborée le chercheur fait w1e analyse à priori de la tâche pour pointer les obstacles potentiels auxquels les élèves risquent d'être confrontés, selon la démarche proposée par Monnier er Weiss (2009). Après la réalisation de la tâche en classe par les élèves, le chercheur analyse leu.rs productions, en vue de dégager les obstacles réellement rencontrés et les façons dont ceux-ci ont été surmontés. Cette analyse est complétée par un entretien semi-directif avec l'en­

seignant pour comprendre à la fois ses choix pédagogiques, et savoir dan quelle mesure selon lui les élèves ont atteint le ou les objectif(s) d'apprentissage visé(s) par cette situation-problème.

Pour ce faire, deux types de données sont recueillis :

les plans d'études du français au secondaire I et II en vigueur en Suisse romande ;

les productions de 1 3 élèves de 1 7 ans en réponse à la première situation­

problème, et celles de 1 4 élèves de 1 5 ans en réponse à la seconde situation­

problème.

Cette enquête, exploratoire, analyse un nombre réduit ·de copies d'élèves de deux classes différentes, l'une en dernière année de l école obligatoire (élèves de 1 5 ans) l'autre en deuxième année du gymnase (élèves de 17 ans). Ce qui nous

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La question des relations entre les disciplines scolaires

intéresse ici, c'est la pertinence de l'utilisation de situations-problèmes dans l'en­

seignement du français au secondaire inférieur comme au secondaire supérieur.

5. Deux situations-problèmes dans la discipline

français sous la loupe

5. 1 . Qua nd l'accord du participe passé pose u n problème d'énonciation : voie gymnasiale (lycéens de 1 7 a ns)

La première situation-problème propose une tâche qui amène les élèves, pour être menée jusqu'au bout, à articuler les différents sous-domaines du français.

Telle est la consigne élaborée pour une classe de 2' gymnasiale :

Vous rédigerez un texte court (une page) au passé composé à partir du lanceur d'écriture suivant : Je me suis réveillé/e ce matin rransformé/e en garçon/fille.

Pour ce faire, vous avez 30 minutes à disposition.

Avant de proposer cette consigne aux élèves, celle-ci fait l'objet d'une analyse à priori par le chercheur, à partir du plan d'études en vigueur dans la voie gymna­

siale à Genève (Programme de français, Collège de Genève, 20 1 8).

5.1 . 1 . Analyse à priori de la tâche Le programme pose comme cadre le fait que

Le passage d'un degré à l'autre suppose le franchissement d'un seuil qualitatif qui implique de plus grandes exigences dans :

- la précision de la langue ;

- la pertinence des liens logiques et argumentatifs ; - la capacité d'abstraction. (p. 6)

I..:enseignant, cherchant à connaitre, en début d'année scolaire, le niveau de langue de ses élèves, mais également leur capacité à structurer un texte fictif autour d'une tension narrative, propose aux élèves cette rédaction en vue d'une évaluation diagnostique.

La consigne proposée peut être considérée comme une situation-problème, dans le sens où il s'agit pour l'élève de décider à partir de quel moment dans son texte il doit - ou non - changer le genre de l'énonciateur. Dans un texte qui raconte comment « je me suis réveillé transformé en garçon » au passé composé, le « je » doit-il être initialement au féminin, et passer au masculin après la trans­

formation, marquant ainsi le changement d'identité du personnage-énonciateur ? Ou bien le texte doit- il être au masculin dès le départ, mettant ainsi en évidence le fait que le narrateur n'est pas le protagoniste ? Pour dire les choses autrement,

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De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline français

le choix du genre de l' énonciateur dans les différentes parties du texte devrait permettre de faire ressentir au lecteur la tension narrative au cœur de ce type de texte ; tension d'autant plus forte que le récit doit être à la première personne du singulier, posant d'emblée un rapport particulier entre l' énonciateur et le prota­

goniste par rappC>rt à ce qui est relaté ou raconté.

Les obstacles que peuvent rencontrer ici les élèves sont d'abord l'obstacle orthographique de l'accord du participe passé. Même si ce n'est plus un objectif d'apprentissage pour des élèves du secondaire supérieur dans la filière gymnasiale, s'il n'est pas dépassé, il bloque la compréhension du texte produit. Ce premier obstacle s'articule donc à un objectif-obstacle pour la filière gymnasiale, à savoir le choix de l'énonciation dans le cadre d'une rédaction à partir d'un lanceur d'écri­

ture donné. Dans cette tâche, il s'agit en effet pour l'élève, non pas d'analyser le système énonciatif dans un texte donné, mais, à l'instar de l'apprentissage d'une langue étrangère, de passer de la compréhension à la production.

Cette situation répond à plusieurs points du Programme de français du Collège de Genève (20 1 8) :

- Narratologie : focalisation - point de vue (p. 5) - Linguistique et stylistique : propre-figuré (p. 6) - Rhétorique : figures par analogie (p. 5)

- Texte narratifs et poétiques : rédaction de tex.tes de genres variés à l'aide des outils mentionnés (p. 7)

En termes de procédure experte, le texte peut prendre des formes différentes.

Parmi les « genres textuels » (Dolz, Noverraz et Schneuwly, 200 1) auxquels celui-ci peut s'apparenter de la façon la plus probable, nous relevons le texte qui relate, avec le témoignage, et le texte narratif, avec comme sous-genres possibles la science-fiction et le fantastique. Dans le cas d'un témoignage, I' énonciateur relate un événement vécu, positivement ou négativement, sans qu'il y ait for­

cément une explication rationnelle à cette transformation : l'accent est mis sur la véracité de l'événement et sur la manière dont cet événement est vécu par le sujet. Dans le cas d'un récit de science-fiction (SF), la transformation est le produit de la technologie ; elle peut être immédiate, ou progressive, voire décou­

verte progressivement, comme dans les films La Mouche ou District 9, ce qui a pour effet d'augmenter la tension narrative. Dans le cas d'un récit fantastique, les hésitations du narrateur-personnage invitent le lecteur à hésiter lui aussi entre explication rationnelle (un rêve par exemple ou une métamorphose qui ne serait que métaphorique) et une explication surnaturelle (un changement de sexe dû à la magie ou inexplicable), comme dans La Métamorphose de Kafka. Dans les trois cas de figure cepend�nt, l'énonciation doit marquer la transformation, qui peut être immédiate - auquel cas le changement de l'accord du participe passé

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est immédiat aussi - ou au contraire progressive, la transformation physique du personnage ou le sentiment de transformation du personnage contaminant alors progressivement la conscience de l'énonciateur. Dans ce deuxième cas, le chan­

gement d'accord du participe passé met en évidence la distance - qui disparait progressivement - de l'énonciateur avec le protagoniste.

Dans ce type de consigne, il n'y a pas de rétroaction de la tâche : pour l'auteur du texte, il n'est pas possible de savoir ce que le lecteur va comprendre. D'où l'intérêt de proposer aux élèves, avant de rendre leur production à l'enseignant, de se mettre en petits groupes, en vue de tester la compréhensibilité de leurs textes.

De ce point de vue, il y a évolution du milieu, puisqu'on passe d'une activité individuelle à une validation intermédiaire par les pairs.

Enfin, la consigne telle que formulée ci-dessus peut donner lieu à différentes variables didactiques. Une première variable pourrait consister à donner une consigne plus précise en demandant notamment à l'élève d'utiliser plusieurs figures de rhétorique liées à la transformation, telles que la métaphore et la com­

paraison. Une seconde variable consisterait non pas à demander un texte d'ima­

gination, mais à proposer un « pastiche » (Programme de français, Collège de Genève, 20 1 8, p. 7).

5.1 .2. Analyse à postériori

L analyse à postériori des treize productions d'élèves de 1 7 ans met en évidence certains écarts entre le prévu et le réalisé qui permettent de mesurer le potentiel de cette tâche dans l'enseignement du français au secondaire.

D'abord, dans toutes les copies, l'accord du participe passé est utilisé pour marquer une fusion ou au contraire une distanciation de l' énonciateur envers la situation vécue.

Tableau 1. Accord du participe passé et énonciation

Critères/textes J 2 3 4 5 6 7 8 9 JO Il 12 13

Le o.p. marQue la transfonnation dès le départ X X

Le p.p. marque une distance entre le corps X X X X X X

méi.amomhosé et la conscience aui reste intacte

Le p.p. marque la contamination du corps sur la X X

conscience

Maitrise imnarfaite de l'accord du p.p. X X X

Pour dire les choses autrement, même si certains élèves n'ont pas une parfaite maitrise de l'accord, presque cous ont compris que dans cette situation d'écri­

ture, accorder ou non les participes passés au fémlnin n'esr pas seulemem une manière de montrer qu'on maitrise l'orthographe, mais participe d'un choix énonciatif qui vise à marquer -ou n.on -la distance de l'énonciateur vis-à-vis de

De l'intérêt aujourd'hui des situations-problèmes dans la discipline français

la transformation, comme le met en évidence cet extrait : « Je ne suis plus un . . . dès lors je suis une .. . mais "une" quoi ? Je ne suis plus choqué, mais choquée » (copie J J ).

Par ailleurs ·contrairement à ce qui était attendu, les élèves ont rédigé des textes très variés sur le plan du genre, les uns relevan t plutôt du témoignage, les autres d'une fiction qui oscille entre la F, le fantastique, l'étrange et le merveilleux.

Tableau 2. Genres textuels des textes

Critères/Textes J 2 3 4 5 6 7 8 9 JO I l 1 2 13

Témoisma"e x X

S-F X

Fantastiouc X X X X X ?

Etrane.e (rêve, alcool) X X ? X

« Merveilleux » X X

Comment expliquer cette absence d'ancrage dans un genre textuel donné ? La première raison est liée au fait qu'on se situe au début de l'année, en amont d.u travail scolaire ; l'inscription dans un genre textuel donné ne fair pas partie ici du contrat didactique. La deuxième raison qui découle de la première, esr qu'on se trouve du coup dans une situation a-scolaire voire << a-didactique » (Brousseau, 1 998), dans le sens où les élèves rédigent, non en tant qu'élèves qui veulent répondre à la demande de l'enseignant, mais en can e que « libres écrivains » qui ne se préoccupent pas du genre littéraire de leur texte.

Par contre, en lien avec le choix énonciatif réalisé, les productions mettent en évidence un rapport particulier du_ protagoniste vis-à-vis de la transformation vécue comme heureuse ou effroyable assumée ou non, explicable (par la magie ou la science) ou non, vérifiable par des témoins extérieurs ou non.

Tableau 3. Causes et contexte de la transformation

Critères/textes I 2 3 4 5 6 7 8 9 JO Il 12 13

La transfonnation est le oroduit de la mai,ie X X

La transfonnation est le produit de la science X

La transfonnatîon ne dure oas X X X

11 s'ai,it d'un rève/caachemar X

La rransformntion bien vécue/mal vécue X X X X

La transfonnation fait l 'objet d'un X

anorenliS.SaPe

La transfonnation touche d'autres ncrsonncs X X

La transfonnation est attestée par des témoins x ? X X x ? X foarents amis, copains, etc.)

Ainsi que l'a exprimé un élève au moment de la rédaction (tel que restitué par l'enseignanr- lors de l'entretien post), l'obstacle premier est bien l'accord du participe passé, et il réside dans la capacité de l'auteur à le mettre au service de la

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-- , - -- · •- · · - - - . .. .. ... .. . ... . . .... ..,. . , u - �-... ...,.,_.. .... ,��u , .... ., ""'""'""'"·'" '-�

tension narrative qui se joue dans cette transformation ; une transformation qui, qu'elle soit temporaire ou définitive, n'est pas sans conséquence sur le devenir du protagoniste, comme le met en évidence cet extrait : « Quand je me suis couché cette nuit, j'ai émis un souhait de garder cette assurance guerrière en me réveil­

lant en tant que moi-même, la femme que je suis. J'ai su à ce moment ce que je valais. » (copie 1).

On le voit donc, le potentiel de cette situation-problème réside dans le fait que l' élève, pour dépasser l'obstacle, doit articuler selon une stratégie délibérée les différentes composantes de la discipline français.

5.2. Quand les fonctions g rammaticales sont comparées d'une langue à l'autre : secondaire obligatoire (élèves de 1 4- 1 5 a ns)

La deuxième situation-problème s'appuie sur une des huit rubriques spécifiées pour le français dans le cadre du PER (CIIP, 20 1 0), qui s'intitule « Approches interlinguistiques ». Il s'agit d'une rubrique transversale, puisqu'elle apparait éga­

lement dans les disciplines Anglais et Allemand. Les directives suivantes y sont mentionnées, mais sans être détaillées (nous avons mis en gras les trois points qui concernent directement notre recherche)

L 37 - Enrichir sa compréhension et sa pratique langagière par l'établissement de liens avec des langues différentes . . .

1 . . . en observant les emprunts des langues entre elles ;

2 . . . en étudiant l'évolution linguistique entre les langues de l' Antiquité et le français

3 . . . en comparant les aspects lexicaux et syntaxiques ;

4 . . . en identifiant et en différenciant l'origine de références culturelles issues de différentes cultures dans l'espace et le temps ;

5 . . . en acquérant des outils d'analyse lexicale issus de l'étymologie ;

6 . .. en analysant des similitudes à l'intérieur de familles de langues.

Du côté de la didactique du lexique et de la grammaire, il n'existe pas de véri­

tables approches plurilingues et interlinguistiques. Revenons aux directives L37 du PER. Rien n'est indiqué quant aux méthodes à appliquer pour établir les liens avec les différentes langues. En d'autres termes, à chacun sa méthode. De plus, il n'y a pas que les mauvais transferts qui constituent des obstacles à l'enseignement des langues étrangères. Il y a aussi le manque d'homogénéité dans le métalangage associé à différentes langues. Selon nous, la variation du métalangage grammatical à travers les langues, les manuels et les différentes grammaires (traditionnelle/

rénovée) constitue un obstacle à l'apprentissage des langues en général. On le 1 46

De lïntérêt aujourd"hui des situations-problèmes dans la discipline français

constate avec la terminologie utilisée pour désigner les classes et fonctions gram­

maticales entre les langues. Comment y remédier ?

Une solution possible consiste justement à établir des correspondances méta­

langagières encre les langues. C'est ce que nous proposons de mettre en place dans la consigne de la tâche ci-dessous qui met en scène une situation-problème portant sur la variabilité des termes désignant les fonctions grammaticales. Ces rermes diffèrent em:re le français, l'anglais, l'allemand et le latin, ce qui est dû aux différences grammacicaJes entre ces langues, notamment quant à la présence ou non de marques morphologiques de cas (latin/allemand versus français/anglais).

La consigne de l'activité de grammaire proposée à des élèves de 1 1' Harmos (âge : 1 4- 1 5 ans) est la suivante :

Pour chacun des textes traduits (cf. annexe !), souligne les ,nots correspondants aux différentes fonctions grammaticales en utilisant les couleurs indiquées pour le français.

Que constates-tu ? Par exemple, est-ce que les cas en latin et en allemand t'ont aidé à identifier les fonctions grammaticales correspondantes en français et en anglais ?

Tableau 4. Fonctions grammaticales dans les langues enseignées au secondaire [ en Suisse romande

français français rénové latin anglais allemand

traditionnel (PER-2010)

sujet sujet sujet/nominatif sujet sujet/nominatif

prédicat prédicat prédicat prédicat

COD accusatif objet direct objet accusatif

COI datif objet indirect objet dadf

circonstanciel ablatif adverbialladjunct complément « Erg:uu.ung »

compl-N génitif génitif génitif

5.2. 1 . Analyse à priori de la tâche

En reprenant les directives du PER dans la rubrique « Approches interlinguis­

tiques » présentées précédemment, on constate que cette tâche entre parfaitement dans le cadre d'une mise en relation entre différentes langues. Il s'agit d'une acti­

vité de découverte et de réflexion impliquant des procédures de transferrs non seulement linguistiques, mais aussi mécalang�giers. En effet, l'élève est amené à comprendre que les fonctions grammaticales sont nommées différemment en fonction des propriétés linguistiques de chaque langue.

le

latin et l'allemand sont des langues à cas (nominatif, accusatif. datif, génitif auxquels s'ajoutent ablatif et vocatif pour le latin) contrairement au français et à l'anglais. C'est précisément 1 47

(10)

en identifiant les mots ou groupes de mots réalisant les fonctions grammaticales correspondantes (p.ex. CVD = accusatif, CVI = datif) dans les quatre versions du texte (en annexe 1 ) , à l'aide du tableau ci-dessus, qu'il parviendra à une meilleure compétence plurilingue. L'utilisation des couleurs (telles qu'utilisées au primaire) facilite cette tâche de repérage des fonctions grammaticales correspondantes.

Pour réussir cette activité, l'élève doit mobiliser un métalangage distinct, lié aux traits caractéristiques des langues qu'il apprend. Ainsi, il sera en mesure de corriger les mauvais transferts (surmontant ainsi l'obstacle des « faux-amis »), qu'ils soient au niveau de la langue même (lexique, grammaire) ou de la termi­

nologie utilisée pour analyser la langue. La situation-problème devrait permettre ainsi à l'élève de développer des compétences pluri-grammaticales. En somme, le pari est fait que passer par une autre langue permet de mieux comprendre la sienne (et les autres aussi) .

Un prérequis à la réussite de cette tâche est la maitrise des fondamentaux gram­

maticaux dans les quatre langues, à savoir les classes grammaticales, le régime des verbes et prépositions, la déclinaison des cas, les expansions du nom (poy.r la paire compl-N = génitif) . On s'attend à ce que l'élève rencontre des difficul­

tés à identifier à travers les textes traduits les compléments de phrase (ablatif en latin) et les compléments de verbe (qui ont une dénomination distincte selon les langues) . Un point qui pourrait constituer une entrave au bon déroulement de l'activité porte justement sur l'enseignement effectif en classe de la grammaire de phrase dans ces langues. Selon le PER, l'enseignant est incité à proposer des acti­

vités grammaticales en français, latin et allemand. Il est vrai qu'en classe d'anglais en particulier, l'enseignement est davantage tourné vers la communication que vers l'analyse grammaticale de la langue. Ainsi si la tâche, avec les quatre langues étudiées au secondaire I, est riche, une façon d'en diminuer la complexité serait de supprimer l'anglais des langues analysées, tout en regrettant de perdre une langue fonctionnant de façon plus similaire au français car sans les cas. L'autre voie de simplification serait de limiter le tableau des fonctions grammaticales, en s'en tenant aux fonctions de sujet, prédicat, compléments de verbe et de phrase.

En ce qui concerne la possibilité de valider lui-même ses productions, l'élève doit par exemple être conscient de la présence nécessaire de certains groupes dans la phrase (typiquement le sujet) puis vérifier que les mêmes couleurs apparaissent dans la traduction des phrases d'une langue à l'autre. I..:institutionnalisation de l'enseignant portera sur le métalangage utilisé pour analyser les fonctions gram­

maticales dans les différentes langues.

5.2.2. Analyse à postériori de la tâche

La passation de l'activité en classe a donné de bons résultats (de O à· 2 fautes en moyenne par langue) dans la majorité des copies des élèves, comme le montrent les

Ue l tntérët auiourd· hui des situations-problèmes dans la discipline français

tableaux suivan cs pour les 14 élèves et pour chaque langue. Les chiffres indiquent le nombre. de fonctions grammaticales identifiées dans leurs copies pour chaque élève (en blanc) ainsi que le nombre total de réussites par élève (ligne du bas en jaune) ,et collectivement (colonne à droite en jaune) pour chaque fonction.

Tableau 5, Analyse des copies des élèves pour les quatre langues Francais rénové ( 1 0 items)

NwnatQ 1 2 3 4

s

6 7 8 9 10 I l 12 13 14 Tol

- - -con.cet

Sujet 2 2 2 1 2 2 2 2 2 2 1 2 2 2 26/JS

Prédicat 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 28/Z-8

CVD 1 1 1 0 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 13/1-4

CVI 1 1 1 1 1 1 0 1 1 0 1 1 1 0 1 1/1 d

CP 2 3 3 1 3 2 2 1 3 2 3 3 3 0 . 3.1/42

Comnl-N 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 1 0 4/1 4

To• """""'I 9 9_

s

9 l!,. T 7 in T

s

10 j@ 5

Latin (10 items)

Numéro 1 2 3 4

s

6 7

a

9 10 1 1 12 13 14 Tut,

·- e11rree1,

Nominatif 2 2 2 1 2 2 2 2 2 2 1 2 2 2 Z.6128

Prédicat 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 1 2 2 2 il6/2JI

Accusatif 1 2 2 0 1 1 1 2 2 1 0 1 1 0 IS�S

Datif 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0/0

ablatif 0 3 3 0 2 2 1 1 3 2 1 2 2 0 22142

e:énitif 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 1 0 4/t.A

l'ut. COJTt!:l 7 - l} 9 l 1 7 I; 7 IQ 7.· :1 $ 8_ -

Allemand (10 items)

1 2 3 4

s

6 7 & 9 I Q I l

n

l3 14 Toi

, _ _ cotreçf

Sujet/Nominatif 2 2 2 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 27tJ$

Prédicat 2 2 2 0 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 26128·

Obiet accusatif 1 1 1 0 1 1 1 0 1 0 1 1 1 1 1 11)!1

Obiect datif 1 1 1 1 1 1 1 1 1 0 1 1 1 0 I U\4

Complément 2 3 3 1 2 2 2 2 3 2 3 3 3 0 3 1/t2

« Ernii.nzun11 »

e:énitif 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 1 1 1 0 5/111.

Tot.corcut 9 9 I l> .3 1 i .7 1 10 6 10 10 10

Ane:lais (10 Items)

Num6rtl l- 2 3 4

s

6 7 8 9 1 0 l J 12 (; 14 ToL oon-�c,

Suiet 2 2 2 1 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2

wm

Prédicat 2 2 2 0 2 2 2 2 2 2 2 2 2 2 26)28

Obiet direct 1 1 1 0 1 1 1 1 1 1 1 1 1 0 l 'Z/1-4

Obiect indirect 1 1 1 1 1 1 l 1 1 1 1 1 1 0 1 Jlr4

Adverbial/adiunct 2 3 3 1 2 2 3 2 3 3 3 3 2 0 '3e,42

"énitif l 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 1 0 îl/14

Î\2L i)QJTl:IÇI 9 .9 9' 1'"3 _8 T .,9 g_ 1 0 9 --9 iO 9 A

L'analyse comparée des quatre tableaux montre une constance de réussite ou d'échec de chaque copie dans le repérage des fonctions grammaticales d'une

(11)

Ld 4 u e=, u u r 1 u e ::i I t! L d l l U I 1::, t:I I L I e Lt:� U l �l.l j.J l l l lt:::::, :::,1....uL0 1 1 t:::::,

langue à l'autre. Ceci peut être interprété comme un transfert des connaissances grammaticales, qui découle probablement d'une réflexion de l'élève sur le fonc­

tionnement grammatical de chaque langue. Les activités grammaticales (iden­

tification des classes de mots et des fonctions grammaticales) effectuées dès le primaire en français permettent sans doute le transfert grammatical vers d'autres langues au secondaire.

On remarque aussi dans les résultats de la tâche que le sujet, le prédicat et le complément de verbe direct sont bien identifiés à travers les langues. Cela n'est pas le cas du CVI et du complément de phrase, qui sont souvent confondus lorsqu'ils sont tous les deux réalisés comme des groupes prépositionnels. Pour ce qui est du complément du nom, l'adjectif qualificatif n'est systématiquement pas reconnu comme tel à travers les quatre langues (son absence n'a donc pas été comptée comme une erreur). Cela est peut-être dû au fait que le groupe nominal est constitué pour les élèves d'un déterminant, d'un nom et éventuellement d'un groupe prépositionnel qui suit le nom, l'adjectif surtout prénominal étant exclu de l'expansion du GN pour eux.

Cette activité se révèle donc être une vraie situation-problème organisée autour d'un objectif-obstacle. En effet, il n'y a pas toujours de correspondances strictes entre les fonctions grammaticales dans les quatre langues (hormis le sujet et le prédicat) . Par exemple, dans la tâche donnée, le complément. du verbe scholam est à l'accusatif en latin, et non au datif, alors qu'en français à l 'école est un CVI.

De même, un complément de phrase n'est pas nécessairement un ablatif en latin (dans per vias, vias est à l'accusatif à cause de la préposition per) . Du coup, pour réaliser cette tâche, les élèves ne peuvent pas procéder à un transfert direct du français aux autres langues, mais doivent mener une analyse spécifique des fonc­

tions grammaticales dans chaque langue.

I..:intérêt de cette situation-problème réside dans le fait que les spécificités de chaque langue (régime différent des verbes, ordre des mots différent) constituent un obstacle que les élèves doivent surmonter pour réussir la tâche. Et en dépassant l'obstacle, l'élève mobilise un métalangage distinct, et développe ainsi des compé­

tences plurigrammaticales.

Enfin, à la question posée aux élèves à la fin de la tâche « Est-ce que les cas en latin et en allemand t'ont aidé à identifier les fonctions grammaticales en français et en anglais ? » (voir tableau 4), les réponses montrent que ce n'est pas vrai­

ment le cas, contrairement à ce qui a été prévu dans l'analyse à priori de la tâche (section 5.2. 1). En fait, les cas en latin aident à identifier les cas en allemand, et l'analyse grammaticale en français aide à identifier les fonctions grammaticales en anglais.

1 50

ue L 1merel auJouro nui aes snual1ons-pro 0Lemes oans La aisc1pune rrança1s

6. Conclusion

Cette contribution analyse successivement deux situations-problèmes éla­

borées pour l'enseignement .du français au secondaire I et II. Dans la première situation-problème, l'élève est appelé à produire un texte qui, parce qu'il joue sur l'ambiguïté du sexe du protàgoniste-énonciateur, l'oblige à s'interroger pré­

cisément sur l'utilisation du masculin et du féminin : à quel moment changer l'accord du participe passé, avec quelle alternance et pour décrire quelle forme de transformation subie par le personnage ? Autrement dit, pour dépasser l'obstacle énonciatif, l'élève doit maitriser les accords et mettre cette maitrise au service du sens, établissant par là même d�s liens entre la forme et le fond du texte.

Dans la deuxième situation-problème, l'élève est appelé à faire des liens entre les fonctions grammaticales qui régissent le fonctionnement de _la langue française par opposition ou en cohérence avec celles qui régissent le fonctionnement des langues étrangères qu'il étudie en parallèle dans le cadre scolaire. Dans ce cas de figure, la situation-problème vise d'abord à permettre à l'élève de mieux appré­

hender ces différentes fonctions grammaticales dans la discipline français, et de consolider par la même occasion le métalangage qui décrit ce fonctionnement.

Elle lui offre ensuite l'opportunité de mettre en rapport le fonctionnement de la langue première avec celui d'autres langues. De ce point de vue, cette situa­

tion-problème, en tant qu'elle s'inscrit dans le cadre des approches interlinguis­

tiques, ouvre des perspectives particulièrement fécondes pour permettre aux élèves de se construire un répertoire langagier plurilingue et mener une réflexion sur les relations entre les langues.

Ainsi, sur un plan plus méthodologique, il apparait que le français se prête, à l'instar des disciplines scientifiques, et comme l'affirme Meirieu ( 1 987), à un enseignement s'appuyant sur des situations-problèmes. Les deux situations pro­

posées ici répondent en effet aux finalités mêmes de l'enseignement du français en Suisse romande

Pour faire face aux situations de communication présentes à l'école, dans le monde professionnel et dans la vie sociale, les élèves doivent développer des pratiques langagières, orales et écrites, répondant à des situations et projets de communication divers, qui se complexifient au cours de la scolarité. Parler, écouter, lire, écrire et interagir - en français et dans les autres langues étudiées - représentent des savoir-faire indispensables à tout citoyen et garantissent l'accès aux savoirs. (PER, Cycle 3, Commentaires généraux du domaine Langues) Parce qu'elles amènent justement l'élève à se confronter à des problèmes lan­

gagiers complexes, le recours à des situations-problèmes telles que discutées dans cet article s'avère particulièrement pertinent dans l'enseignement du français

1 5 1

(12)

La quesuon oes retauons entre tes 01sc1punes scma1res

aujourd'hui. Elles préparent en effet l'élève à s'intégrer dans la société pluri-cultu­

relle actuelle ; société dans laquelle la maitrise de la langue première en lien avec d'autres langues constitue un atout -indéniable, tant sur le plan personnel que social et professionnel.

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« Deutsch » -« Français ». Remarques sur l'histoire de La discipline en Suisse (- 1840 à - 1 990) dans une perspective comparative. Forwnlecture.ch, 2 n ° article 1 .

Annexe 1 . Les textes

1

d e la situation-problème sur les fonctions grammaticales

Anglais :

In the morn.ing many young girls go to school. ln the streets of Rome Julia reaches the forum with her good majd,

Allemand :

Am Morgen gehen viele junge Madchen zur Schule. Durch die StraBen von Rom erreicht Julia mit ihrer guten Magd das Forum.

Latin :

Matutina bora multae puellae scholam adeunt; cum bona ancilla per Romae vias forum petit Julia.

Français :

Le matin, beaucoup de jeunes filles vont à l'école ; à travers les rues de Rome, Julia gagne le forum avec une bonne servante.

1 Merci à Nadège Salzmann pour le texte en latin, Gabriela Soare pour le texte en anglais et Eva Schwab pour le texte en allemand.

Références

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