• Aucun résultat trouvé

Consultation de pneumologie pédiatrique, apport de l'hypnose conversationnelle

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Consultation de pneumologie pédiatrique, apport de l'hypnose conversationnelle"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

MOTIFS

DE CONSULTATION EN PNEUMOLOGIE PÉDIATRIQUE

Les premiers motifs de consultation en pneumologie pédiatrique sont les signes respiratoires chroniques (durant depuis plus de quatre semaines). Les princi- pales plaintes sont la toux, les gênes respiratoires, les sifflements. La premiè- re étape est de porter un diagnostic. La démarche repose sur l’interrogatoire, l’examen clinique, la mesure du souffle et, parfois, sur la prescription d’exa- mens complémentaires ciblés. Les prin- cipales étiologies des toux et gênes res- piratoires chroniques chez l’enfant sont bien connues (tableau I). Une étiologie or- ganique n’est pas toujours identifiée.

Les désordres respiratoires somato- formes (DRS), non organiques, sont alors souvent en cause, isolés ou asso- ciés à une pathologie organique, avant tout l’asthme. Ces DRS sont très fré- quents en consultation de pneumologie pédiatrique. Ils sont désespérants pour la famille, altèrent la qualité de vie et peuvent conduire jusqu’à la déscolarisa-

tion. Les familles sont en quête d’une solution et n’hésitent pas à consulter un surspécialiste.

LES DRS, UNE PATHOLOGIE TRÈS FRÉQUENTE…

Parmi les DRS, le syndrome d’hyperven- tilation (SHV) est le plus fréquent et le mieux connu. Malgré l’absence d’étalon or diagnostique, on estime qu’il touche 6 à 10 % de la population générale [2]. Chez les asthmatiques adultes pris en charge par un médecin généraliste, il concernerait 35 % des femmes et 20 % des hommes [3]. Dans le suivi d’asthma- tiques adultes en pneumologie, la pré- valence serait de 36 % [4]. Chez l’enfant

L’apport de l’hypnose dans la prise en charge de la douleur est maintenant bien connu et reconnu. Pour les migraines et céphalées chez l’enfant, l’hypnose fait l’objet de nombreux écrits et recommandations positifs (Haute Autorité de santé). Il existe d’autres champs d’application dans la psychopathologie, tout particulièrement dans la prise en charge de troubles compulsifs, anxieux et phobiques. Enfin, l’hypnose est également reconnue comme une méthode de choix dans le domaine des troubles dits « somatoformes » et des problèmes dits « psychosomatiques », et dans toutes les pathologies où la part du stress est dominante [1]. Nous proposons un protocole de prise en charge de certains désordres respiratoires somatoformes par hypnose conversationnelle. Ce pro- tocole est appliqué en dix minutes dans le cadre d’une consultation de pneu- mologie pédiatrique.

Rubrique dirigée par M. Koskas

PNEUMOLOGIE

mars 2017

Tableau I

Principales étiologies des toux et gênes respiratoires chroniques chez l’enfant Asthme

Toux équivalente d’asthme Infections ORL répétées

Hyperréactivité bronchique postinfectieuse Coqueluche

Bronchite bactérienne persistante Reflux gastro-œsophagien ?

Désordres respiratoires somatoformes (DRS)

(2)

et l’adolescent souffrant d’asthme sévè- re ou difficile à contrôler, la prévalence du SHV, diagnostiqué par questionnaire de Nijmegen (tableau II), est estimée à 5 %, mais il est retrouvé chez 90,9 % des asthmatiques non contrôlés [5]. Afin de faciliter sa reconnaissance chez l’en- fant, nous avons élaboré un question- naire, le SHAPE (tableau III) [6]. Dans une population d’enfants et d’adolescents de la région parisienne, la prévalence du SHV, apprécié par le SHAPE, est de 18,6 % chez les non asthmatiques et de 50 % chez les asthmatiques[7]. Cette pa- thologie envahit nos consultations de pneumologie pédiatrique. La prévalen- ce des autres DRS n’est pas connue.

… ET VARIÉE

Les DRS sont variés. Ils s’intègrent, se- lon la classification internationale des maladies (CIM10), dans les troubles so- matoformes. Ces troubles ont pour ca- ractéristique essentielle « l’apparition de symptômes physiques associés à une quête médicale incessante, persistant en dépit de bilans négatifs et de décla- rations faites par les médecins selon les- quels les symptômes n’ont aucune base organique. S’il existe un trouble phy- sique authentique, ce dernier ne permet de rendre compte ni de la nature ou de la gravité des symptômes, ni de la dé- tresse ou des préoccupations du sujet ».

Les DRS ont reçu différentes appella- tions (tableau IV) [8, 9]. Il est tenté de les classifier, afin d’adapter la prise en charge à chacun des troubles [10]

(tableau V)et aussi dans une optique phy-

siopathologique [5]. Certains classifient les dysfonctionnements respiratoires en fonction des mouvements abdominaux et de la cage thoracique lors de la respi- ration [5]. Sont ainsi distingués le syn- drome d’hyperventilation, les inspira- tions profondes périodiques, la respira- tion thoracique prédominante, l’expira- tion abdominale forcée, l’asynchronis- me thoraco-abdominal [5]. Plus récem- ment, d’autres auteurs ont proposé de modifier certaines appellations, la toux d’habitude devenant toux tic et la toux psychogénique (qui inclut le syndrome mars 2017

Tableau II

Questionnaire de Nijmeggen*

Le patient (ou ses parents) indique la fréquence de chaque signe. Un score supérieur à 23 est en faveur du SHV.

Jamais Rarement Quelquefois Souvent Très souvent

score 0 score 1 score 2 score 3 score 4

Douleur thoracique . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Sensation de tension . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Flou de la vue, vertige . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Confusion ou perte

de contact avec la réalité . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Respiration rapide ou profonde . . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Respiration courte. . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Oppression thoracique. . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Ballonnement épigastrique . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Fourmillements des extrémités

supérieures . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Manque d’air . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Difficulté à respirer profondément . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Raideur ou crampes des doigts

et des mains. . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Crispation des lèvres . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Froideur des extrémités . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Palpitations . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . . Anxiété . . .

. . .

. . .

. . .

. . .

. . . .

* D’après VanDixHorn J., Duivenvoorden H.J. : «Efficacy of Nijmeggen questionnaire in recognition of the hyperventilation syndrome», J. Psychosom. Res., 1985; 29:199-206.

Tableau III

Questionnaire SHAPE chez l’enfant

Le patient (ou ses parents) indique la fréquence de chaque signe au cours des deux mois précédents. Un score supérieur à 24 est en faveur du diagnostic de SHV [6].

Jamais ou Quelquefois Souvent ou

presque jamais très souvent

Raclement de gorge . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Toux le jour . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Toux au coucher. . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Boule dans la gorge. . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Blocage de la respiration . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Difficulté à prendre une inspiration . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Soupir . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Anxiété . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Difficultés d’endormissement . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Maux de tête . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Crampes . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Gonflement du ventre . . . 0 . . . 3 . . . 6 . . . .

Douleurs articulaires . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Maux de ventre . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Douleurs changeantes . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Réveils nocturnes . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

Peau qui gratte . . . 0 . . . 1 . . . 2 . . . .

(3)

d’hyperventilation et la dyskinésie épi- sodique laryngée) s’intégrant au trouble de symptôme somatique [11]. Cette nouvelle classification a pour ob- jectif d’être en accord avec la classifica- tion DSM 5 (Diagnostic ans Statistical Manual of Mental Disorders, 5th edi- tion). Nous garderons l’appellation de désordres respiratoires somatoformes (CIM10) et la classification proposée par Grüber et al. [10].

PRISE EN CHARGE DES DRS

Une fois le diagnostic porté se pose le problème de la prise en charge. Une revue de 18 études comprenant 223 patients (90 % d’enfants et d’ado- lescents) analyse les différentes tech- niques de prise en charge proposées pour les DRS. Les techniques utilisées sont principalement non pharmacolo- giques. Ce sont l’hypnose, les sugges- tions éventuellement couplées à la dis- traction, les conseils, la réassurance basée sur des explications de la patho- logie, la relaxation, l’adressage à un psychologue ou psychothérapeute [8]. L’hypnose a permis de résoudre la toux chez 78 % des patients, la sugges- tion (non associée à l’hypnose) chez 96 %. Toutes ces études, réalisées sans

groupe contrôle, présentent des dé- faillances méthodologiques.

En 2002, Ran D. Anbar, pneumo-pé- diatre formé à l’hypnose, a proposé pour les pathologies rencontrées en consultation de pneumo-pédiatrie, comprenant les DRS, une séance d’hypnose formelle de 45 minutes.

Cette séance, le plus souvent unique, est généralement poursuivie par des

« rappels » intégrés à la consultation habituelle de suivi de pneumologie pé- diatrique [12].

UN PROTOCOLE D’HYPNOSE

CONVERSATIONNELLE LIMITÉ À CERTAINS DRS

Nous proposons un protocole en hypno- se conversationnelle pour les toux d’ha- bitude ou toux tic, les soupirs profonds et le syndrome d’hyperventilation. La dyskinésie épisodique laryngée et l’at- taque de panique ne sont pas concer- nées. Comme d’autres, nous pensons que la dyskinésie épisodique laryngée (DEL) est une entité à part, tant dans sa présentation que dans sa prise en char- ge [9]. Dans notre expérience, la DEL ne peut pas être prise en charge lors d’une séance brève. Elle se manifeste par des signes cliniques variés (accès de dys- pnée, sifflements, toux, stridor), qui sont liés à une obstruction des voies aé- riennes supérieures par un trouble mo- teur des cordes vocales variable dans le temps. Après investigations appro- priées, ces anomalies ne peuvent pas être expliquées par un trouble orga- nique connu. Les premières observa- tions publiées sont souvent drama- tiques, le délai diagnostique est long, en moyenne trente-six mois, avec un maxi- mum de vingt-quatre ans. Le plus sou- vent, la DEL est confondue avec l’asth- me. Le traitement de la DEL est long et difficile. Durant la crise, une attitude rassurante, l’explication du mécanisme du trouble, une relaxation respiratoire, associée ou non à l’administration de tranquillisants, voire de neuroleptiques,

suffisent le plus souvent à faire cesser les symptômes. Le traitement de fond nécessite une approche multidiscipli- naire pouvant inclure des médecins, des psychiatres et des orthophonistes. Les attaques de panique sont surtout vues dans les services d’urgences.

Les toux d’habitude ou toux ticprésentent des stéréotypies pour un individu. Elles peuvent être produites sur demande, disparaissent à la distraction ou dans le sommeil profond, ne sont pas amélio- rées par les traitements pharmacolo- giques [10]. La plainte exprimée par la famille et l’enfant, et qui constitue le motif de la consultation, est une toux.

Les soupirs profondspeuvent être isolés ou répétés. La fréquence respiratoire reste normale ; c’est surtout l’effort res- piratoire qui est gênant, plus que la dé- tresse respiratoire. Les soupirs profonds ne gênent pas le sommeil [10]. La plainte exprimée par la famille et l’enfant, et qui constitue le motif de la consulta- tion, est une gêne respiratoire.

Le SHVest caractérisé par une variété de signes somatiques affectant plusieurs systèmes. C’est la forme chronique qui nous intéresse. La forme aiguë corres- pond à l’ancienne spasmophilie. Les signes concernent plusieurs appareils : respiratoire, musculo-squelettique, cu- tané, cardio-vasculaire, digestif… Ces signes peuvent être récurrents ou conti- nus et se majorer occasionnellement.

L’intensité est variable, de discrète à sé- vère. Tous les signes peuvent coexister, mais parfois ils sont isolés. Le diagnos- tic est alors plus difficile, parfois porté après plus de dix ans d’évolution. Nous sommes bien sûr surtout concernés par les signes respiratoires du syndrome d’hyperventilation. Une étude que nous avions menée montre que, chez l’enfant et l’adolescent, cinq signes respiratoires majeurs apparaissent : raclement de gorge, reniflements, difficulté à prendre une inspiration, soupirs, bâillements. La toux est souvent présente, mais n’est pas spécifique de cette pathologie. Cinq signes extra-respiratoires majeurs sont isolés : anxiété, difficultés d’endormisse- ment, fatigue générale, maux de ventre, douleurs dans les articulations [13]. En mars 2017

Tableau IV

Différentes appellations des DRS [8, 9]

Dysfonctionnement respiratoire Désordre respiratoire fonctionnel Gêne respiratoire ou toux psychogénique Gêne respiratoire comportementale Toux d’habitude

Toux psychogénique

Toux tic

Tableau V

Classification des DRS chez l’enfant et l’adolescent selon Grüber et al. [10]

Toux d’habitude

Dyskinésie épisodique laryngée Syndrome d’hyperventilation Soupirs profonds

Attaques de panique

(4)

consultation de pneumologie pédia- trique, la plainte exprimée par la famil- le et l’enfant, et qui constitue le motif de la consultation, est une gêne respiratoi- re, un blocage respiratoire, des racle- ments, parfois une toux.

LE CONTEXTE DE LA PRISE EN CHARGE EST IMPORTANT

Les patients et leur famille consultent un pneumo-allergologue d’enfant, et

non un hypnopraticien. Le contexte d’une consultation biomédicale limite le temps dédié à la partie hypnose. Pour les nouveaux patients, le premier temps de la consultation permet le plus sou- vent d’établir le diagnostic. Il reste gé- néralement 10 minutes de consultation pour appliquer le protocole. Pour les patients déjà suivis, la consultation dé- bute par une phase d’évaluation que nous limitons à 20 minutes. Lors de cet- te période, la mise en évidence du DSR, le plus souvent un SHV, associé à la pa-

thologie déjà suivie, le plus souvent un asthme, permet d’envisager le protocole dans les 10 minutes restantes.

L’HYPNOSE

CONVERSATIONNELLE

La communication hypnotique, ou hyp- nose conversationnelle, utilise des prin- cipes de communication qui créent par la conversation avec le patient un état de conscience modifiée chez ce dernier.

mars 2017

PROTOCOLE DE PRISE EN CHARGE DES DRS PAR HYPNOSE CONVERSATIONNELLE

1. Obtenir l’accord du patient, le « yes set » Nous commençons par obtenir l’accord du patient. La technique utilisée est celle du

« yes set », ou séquence d’acceptation. Des propositions simples sont choisies pour qu’elles soient acceptées par le patient (tableau VI). L’accord du patient sur des propo- sitions simples facilite son adhésion à la suite de la prise en charge.

2. Création du signe s’il n’est pas présent Si le symptôme n’est pas présent, nous propo- sons à l’enfant de reproduire son signe. S’il ne produit pas le signe attendu, ou s’il le produit trop discrètement, nous l’encourageons à le faire mieux, plus fort. Tout au long de cet échange, nous le félicitons sur le bon travail par des « pas mal », « je suis sûr que tu peux encore mieux le faire », « super »…

Cette première partie contribue à la confu- sion de l’enfant… et de la famille. Il faut rap- peler que l’enfant et sa famille consultent un pneumo-allergologue pédiatre pour faire dis- paraître un symptôme.

Pour accroître la confusion, nous reprodui- sons le signe de l’enfant et proposons à l’en- fant que nous l’effectuions à tour de rôle.

L’enfant est encouragé à reproduire le signe le mieux possible. L’enfant est dans le jeu, la confusion des parents est maximale. Nous re- prenons ensuite les termes du « yes set ».

3. Arrêt du signe s’il est présent

Si le symptôme est présent au moment de la consultation, nous l’arrêtons en focalisant sur la respiration. Nous proposons à l’enfant de souffler 3 fois par la bouche en rentrant le ventre. Une fois cette étape acquise, nous lui demandons d’inspirer par le nez en gonflant

le ventre. Pour mieux percevoir les mouve- ments du ventre, chez le petit, nous posons notre main sur « le » ventre. Chez l’adoles- cent, nous demandons au patient de poser sa main sur « le » ventre et parfois nous nous au- torisons à poser la nôtre dessus. Une fois cet- te étape acquise, nous proposons de souffler par la bouche en rentrant le ventre. Nous ré- pétons cette séquence jusqu’à ce que la respi- ration soit si possible fluide.

4. Demander de nouveau à l’enfant de créer le signe

L’enfant ne présentant plus le signe, nous lui demandons de le reproduire de nouveau, puis nous lui proposons de l’arrêter suivant la technique apprise. Cette séquence, reprodui- re le signe puis l’arrêter, peut être répétée.

5. Suggérer

A la fin de l’exercice, nous suggérons : « Main- tenant, tu sais arrêter ton signe, et tu sais très bien le faire ». La phase d’échange exclu sif avec l’enfant est alors terminée. La conversa- tion est reprise avec les parents, qui eux- mêmes sont confus. Les plus jeunes enfants reprennent souvent une activité de jeu, sur un tapis prévu à cet effet, mais leur réaction lors de la reprise du signe témoigne de leur atten- tion. Quand, durant cette phase, l’enfant re- présente le signe, le plus souvent de manière discrète, nous arrêtons l’entretien, regardons l’enfant avec un regard complice et lui indi- quons : « fais comme tu sais », « tu sais très bien faire… ». Cela est le plus souvent suffi- sant pour que l’enfant arrête le signe. L’enfant peut reproduire plusieurs fois le signe, et il est parfois nécessaire de renforcer plusieurs fois l’enfant, souvent par un simple regard.

6. Les métaphores

Il est ensuite proposé à l’enfant et à sa famille des métaphores pour une explication du symptôme et la gestion ultérieure du signe.

Ces métaphores sont suffisantes, et parfaite- ment comprises par l’enfant et sa famille. Il est inutile de donner une explication médica- le au symptôme.

Nous utilisons souvent la métaphore de la cocotte-minute : « Une cocotte-minute, ça bout pendant longtemps à l’intérieur et, quand la pression est trop forte à l’intérieur, elle sort par la soupape, et ça fait beaucoup de bruit. Quand la pression est trop forte en toi, tu peux laisser s’échapper la pression doucement, tout doucement… et tu sais très bien le faire ».

Nous utilisons parfois la métaphore du train à vapeur. Son intérêt est double. Elle fait ré- férence à un événement initial déclenchant, puis à l’entretien du signe par des petits évé- nements banals de la vie courante. Son autre avantage est de mettre en avant le rôle du conducteur, qui règle la sortie de la vapeur.

Voici sa transcription : « Pour faire démarrer une locomotive à vapeur, il faut mettre beau- coup de charbon pour faire monter la pres- sion, puis, une fois le train parti, il suffit d’ajouter de temps en temps un peu de char- bon pour entretenir la pression. Quand la pression est trop forte à l’intérieur, le conducteur peut faire sortir un gros filet de vapeur, qui fait beaucoup de bruit, mais, quand il sait comment faire, il peut faire sor- tir un petit filet de vapeur, discret, confor- table, que personne ne remarque… et toi tu sais très bien le faire ».

(5)

Les phrases employées sont courtes, di- rectes, sans sous-entendus. La conversa- tion est saupoudrée de mots rassurants (« très bien », « super », etc.), modulée d’un ton calme, rassurant, et accompa- gnée d’une gestuelle lente qui incite à l’apaisement [14]. Cette démarche du médecin, inhabituelle dans le cadre d’une consultation de pneumologie pé- diatrique, est source de confusion, tant pour l’enfant que pour les parents. La création de la confusion permet au pa- tient de se concentrer sur le message.

Les techniques de focalisation se font ici sur la respiration (voir encadré page précédente).

LE PROTOCOLE EN

PRATIQUE QUOTIDIENNE

En cas de toux d’habitude, de SHV, de soupirs profonds, nous n’avons jamais eu d’échec pour arrêter le signe lors de la consultation. Par contre, les résul- tats sont moins constants en cas de dyskinésie épisodique laryngée. Nous ne pratiquons plus cette technique dans cette situation. Chez l’enfant de moins de cinq ans, nous n’arrivons pas toujours à obtenir la reproduction du signe quand celui-ci n’est pas présent lors de la consultation.

Quand l’enfant présente une respiration paradoxale (le ventre rentre lors de l’inspiration et sort à l’expiration, ce qui est l’inverse d’une respiration normale), il est difficile d’obtenir une respiration thoraco-abdominale fluide. Néanmoins, la focalisation sur la respiration permet le plus souvent de faire disparaître le signe quand il est présent.

L’histoire clinique permet généralement d’évaluer si une prise en charge ponc-

tuelle sera suffisante ou si un complé- ment d’accompagnement sera nécessai- re. Quand le symptôme est récent,

« réac tion nel », que la situation paraît aiguë, nous proposons généralement un entraînement tous les soirs au coucher.

Très souvent, nous proposons de com- pléter, en famille, par les exercices de

« calme et attentif comme une gre- nouille » [15]. Nous faisons une prescrip- tion pour toute la famille, en deman- dant de dérouler les différents exercices le soir avec un des parents, puis nous conseillons que l’enfant choisisse lui- même l’exercice qu’il désire pratiquer et qu’il le pratique seul.

Quand le symptôme est ancien ou que la focalisation sur le contrôle du souffle n’a pas été facile à acquérir, nous pro- posons de poursuivre par de la « relaxa- tion » avec un psychomotricien. Les psy- chomotriciens peuvent au cours des séances envisager, si nécessaire, un complément de prise en charge avec un psychologue. Cette dernière proposition n’est pas toujours suivie.

Dans certaines situations, lorsque les troubles sont anciens, non réactionnels, et lorsque des symptômes somato- formes autres que respiratoires sont as- sociés, il nous semble qu’une prise en charge psychothérapique complémen- taire sera nécessaire. Parfois, la famille semble attendre cette proposition, et ce- la est facile. Si la famille n’est pas prête à envisager une telle démarche, l’inter- vention du psychomotricien peut aider à renforcer notre proposition. Il faut parfois savoir attendre et proposer ulté- rieurement cette prise en charge psycho thérapique.

UNE ÉVALUATION SUBJECTIVE

Nous ne pouvons fournir qu’une im- pression subjective. Dans les situations aiguës, les résultats sont excellents.

Dans des situations plus chroniques, nous obtenons souvent un contrôle à court terme des signes. L’évolution ulté- rieure dépend de l’adhésion à la prise en charge globale proposée.

Depuis 1993, nous avons pris en charge quelques centaines de patients, et nous avons communiqué régulièrement sur ce sujet (voir www.dretiennebidat.fr/

Titre-et-travaux-du-Dr-Etienne-Bidat_

a32.html). Notre pratique a évolué au cours du temps : nous n’avons recours à l’hypnose conversationnelle que depuis deux ans. Notre impression est que cet apport est efficace. Nous n’avons mal- heureusement pas de données chiffrées à fournir. Il nous semble que les résul- tats sont d’autant meilleurs que le DRS est isolé, d’apparition récente, sans autres pathologies somatoformes asso- ciées. Comme d’autres [16], nous avons remarqué que, pour les désordres fonc- tionnels, l’hypnose orientée vers les fac- teurs émotionnels sous-jacents aux symptômes est plus efficace que l’hyp- nose orientée uniquement sur le signe.

L’HYPNOSE ENRICHIT NOTRE PRATIQUE

Au niveau personnel, l’abord par hyp- nose conversationnelle a enrichi notre pratique. Depuis longtemps, nous tra- vaillions sur la prise en charge des DRS par l’apprentissage des techniques de

« contrôle du souffle » et la réassurance.

L’apport de l’hypnose conversationnelle nous a permis d’affiner nos techniques, de travailler nos métaphores et sugges- tions. Elle nous a surtout permis de mo- difier radicalement nos suggestions de fin de séance. Avant notre formation*, nous indiquions en fin de séance aux parents « étonnés » que nous ayons fait disparaître le signe que celui-ci allait réap pa raî tre dès la sortie du cabinet.

Notre suggestion était régulièrement suivie par les enfants ! Nos suggestions

mars 2017

* Il existe actuellement une offre pléthorique de formations à l’hypnose. Elles ne sont pas toutes d’excellente qualité. Quand les formations sont réservées au personnel médical et paramédi- cal, c’est un premier élément de sérieux de la formation. Nous avons pour notre part effectué une formation de deux ans à l’Institut français d’hypnose (IFH) : hypnose médicale, hypno - analgésie. L’IFH propose une excellente formation plus brève (3 modules de deux jours et 1 module d’une journée) intitulée

« Techniques d’hypnoanalgésie en pédiatrie » ; cette formation ne se limite pas à l’analgésie et nous paraît très adaptée aux mé- decins d’enfants (voir www.hypnose.fr/nos-formations/forma tion-hypnose-pediatrie).

Tableau VI

Exemples de propositions du « yes set » pour faciliter l’adhésion

Veux-tu jouer avec moi ?

Aimerais-tu contrôler ta gêne respiratoire, ta toux ? (reprendre l’appellation donnée par la famille ou l’enfant pour le signe) Veux-tu le faire avec moi ?

(6)

actuelles, « maintenant, tu sais arrêter ton signe, et tu sais très bien le faire » sont beaucoup plus efficaces pour le contrôle du signe. 첸

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts en rapport avec la rédaction de cet article.

Références

[1] WOOD C., BIOY A. : « L’hypnose en pratique pédiatrique », Percentile,2010 ; 15 :154-7.

[2] LUM L.C. : « Hyperventilation : the tip of an iceberg », J. Psy- chosom. Res.,1975 ; 19 :375-83.

[3] THOMAS M., MC KINLEY A.K., FRIEMAN E. et al. : « Prevalen- ce of disfunctionnal breathing in patients treated for asthma in pri- mary care : cross sectionnal survey », BMJ,2001 ; 322 :1098-100.

[4] MARTINEZ-MORAGON E., PERPINA M., BELLOCH A. et al. :

« Prevalence of hyperventilation syndrome in patients treated for asthma in a pulmonology clinic », Arch. Broncopneumol.,2005 ; 41 :267-71.

[5] DE GROOT E.P., DUIVERMAN E.J., BRAND P.L. : « Dysfunc- tional breathing in children with asthma : a rare but relevant co- morbidity », Eur. Respir. J.,2013 ; 41 :1068-73.

[6] SZNAJDER M., STHENEUR C., BARANES T. et al. : « Diagnos- tic value of the SHAPE questionnaire in recognition of the hyper- ventilation syndrome in children : a pilot study », Arch. Pédiatr., 2009 ; 16 :1118-23.

[7] GRIDINA I., BIDAT E., CHEVALLIER B., STHENEUR C. : « Pre- valence du syndrome d’hyperventilation chronique chez les en- fants et les adolescents », Arch. Pédiatr.,2013 ; 20 :265-8.

[8] HAYDOUR Q., ALAHDAB F., FARAH M. et al. : « Management and diagnosis of psychogenic cough, habit cough, and tic cough : a systematic review », Chest,2014 ; 146 :355-72.

[9] BOULDING R., STACEY R., NIVEN R., FOWLER S.J. : « Dys- functional breathing : a review of the literature and proposal for classification », Eur. Respir. Rev., 2016 ; 25 :287-94.

[10] GRÜBER C., LEHMANN C., WEISS C., NIGGEMANN B. :

« Somatoform respiratory disorders in children and adolescents-

proposals for a practical approach to definition and classifica- tion », Pediatr. Pulmonol., 2012 ; 47 :199-205.

[11] VERTIGAN A.E., MURAD M.H., PRINGSHEIM T. et al. ; CHEST EXPERT COUGH PANEL : « Somatic cough syndrome (previously referred to as psychogenic cough) and tic cough (pre- viously referred to as habit cough) in adults and children : CHEST guideline and expert panel report », Chest,2015 ; 148 :24-31.

[12] ANBAR R.D. : « Hypnosis in pediatrics : applications at a pe- diatric pulmonary center », BMC Pediatr.,2002 ; 2 :11.

[13] BIDAT E., SZNAJDER M., FERMANIAN C. et al. : « Elabora- tion d’un questionnaire diagnostique du syndrome d’hyperventi- lation chez l’enfant », Rev. Mal. Respir.,2008 ; 25 :829-38.

[14] GUILLOU LE GOUGUEC L. : 24 heures aux urgences sous hypnose. Apport de l’hypnose dans la pratique professionnelle d’un urgentiste,mémoire du DU d’hypnose médicale et cli- nique, Université de la Réunion, année 2014-2015.

[15] SNEL E. : Calme et attentif comme une grenouille,Les Arènes, Paris, 2012 (livre et CD).

[16] MCBRIDE J.J., VLIEGER A.M., ANBAR R.D. : « Hypnosis in paediatric respiratory medicine », Paediatr. Respir. Rev.,2014 ; 15 :82-5.

mars 2017

Références

Documents relatifs

Nous montrerons ainsi comment cette forme verbale – à savoir, l’auxiliaire de présent inactualisant (Luquet 2004) había accompagné de ce qu’il est

Résumé oral du tout début du livre L'enseignant demande aux élèves de reformuler ce qui vient d'être lu..

Un matin, alors qu’il rentre sous le pont, il découvre à son emplacement un carton.. Intrigué et un peu énervé, il s’en approche et entend une voix

À présent, barrons ce qui ne va pas dans les autres résumés.... À présent, barrons ce qui ne va pas dans les

À présent, barrons ce qui ne va pas dans les autres résumés.... À présent, barrons ce qui ne va pas dans les autres

Voici comment j’ai troqué une boîte verte en métal vide contre 450 euros de cocaïne.. QUI

 Chirurgie de l’obésité : échanges avec les médecins de l’assurance maladie Pr Anne Dutour en lien avec Dr Sylvie Russeil, Assurance

 Groupes de travail ARS en PACA: Pertinence des soins et Surpoids pédiatrique Pr Anne Dutour, Dr Véronique Nègre, Pr Rachel Reynaud, CSO PACA Ouest.  12 mesures pour