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Une mixité sécrétoire à ne pas méconnaître

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Academic year: 2022

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Correspondances en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XX - n° 4 - avril 2016 111

C a s c l i n i q u e

* Service d’endocrino­

logie, CHU de Rouen.

Une mixité sécrétoire à ne pas méconnaître

A combined secretion to identify

Jean-Marc Kuhn*

M

onsieur G., âgé de 39 ans, exerce la profes- sion de couvreur. Il se plaint depuis quelques mois d’épisodes paroxystiques d’algie faciale gauche. Initialement espacés de plusieurs jours, ces épisodes, à prédominance nocturne, sont devenus quotidiens. Un traitement à visée antalgique par carba- mazépine a initialement rendu supportable ce qui a été considéré comme une causalgie faciale. Ce trai- tement symptomatique s’est néanmoins rapidement avéré insuffisamment efficace et a amené à poursuivre les investigations étiologiques. L’IRM encéphalique (figure 1) a permis de préciser la cause des douleurs et a amené à devoir répondre à plusieurs questions d’ordre diagnostique, d’une part, et thérapeutique, d’autre part.

L’interrogatoire ne retrouve qu’un seul antécédent pathologique notable. Une hémi-colectomie droite a été réalisée 3 ans auparavant pour une lésion poly- poïde maligne. La surveillance gastro-entérologique, régulièrement assurée, n’a retrouvé aucun élément faisant suspecter l’existence d’une récidive. Monsieur G.

ne suit pas d’autre traitement que la thérapeutique à visée antalgique. En sus des douleurs de l’hémiface gauche, il se plaint d’une nervosité importante, d’accès sudoraux intermittents non expliqués par l’intensité de son activité physique et d’une relative thermophobie. Il ne signale aucun trouble du transit intestinal. La paume de la main est moite. Un discret tremblement des extré- mités est mis en évidence. Le poids est stable, à 84 kg pour une taille de 1,86 m (indice de masse corporelle

= 24,28 kg/m2). La pression artérielle est mesurée à 140/80 mmHg, et le rythme cardiaque est régulier, à 80 pulsations par minute. La palpation cervicale retrouve une hypertrophie thyroïdienne diffuse, homogène et modérée. Il n’est observé aucune adénopathie cervicale.

L’acuité et le champ visuels sont normaux. Le reste de l’examen ne note pas d’autre signe clinique particulier.

Le taux de TSH plasmatique est de 2,8 mU/l (N : 0,1 à 4,5). Les chiffres donnés par les mesures de T4 et T3 libres plasmatiques sont respectivement de 27 pmol/l (N : 10-23) et 8,8 pmol/l (N : 3,5-6). La thyroglobuline plasmatique atteint 61 ng/ml (N < 40). L’échographie cervicale confirme l’existence d’une hypertrophie dif- fuse et homogène du corps thyroïde.

Trois situations sont susceptibles d’expliquer le para- doxe de l’association d’une élévation du taux des hor- mones thyroïdiennes, intéressant à la fois T4 et T3, à une TSH plasmatique s’inscrivant dans la zone normale : des injections de TSH recombinante humaine chez un patient non thyroïdectomisé, un syndrome de résis- tance aux hormones thyroïdiennes et un adénome thyréotrope hypophysaire peuvent être responsables d’un tel profil hormonal. Dans le cas de monsieur G., la première hypothèse peut être exclue. La mise en évidence par l’IRM de la présence d’un adénome hypophysaire permet de retenir le diagnostic d’adé- nome thyréotrope, entité pour laquelle l’âge moyen

Figure 1. Coupe coronale de l’examen par résonance magnétique nucléaire objectivant la présence de l’adénome hypophysaire. Il refoule vers la droite l’hypophyse saine et dévie dans la même direction la tige pituitaire. L’adénome s’infiltre à la partie inférieure du sinus caverneux gauche mais reste à distance du chiasma optique.

0111_MET 111 11/04/2016 10:48:59

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C a s c l i n i q u e

au diagnostic est de 41,5 ans, voisin de celui de mon- sieur G. (1). L’élévation du taux plasmatique de sous- unité α libre (Suα), qui représente un des marqueurs biologiques de ces adénomes hypophysaires, va étayer ce diagnostic (2, 3). Le taux de SUα libre plasmatique du patient est en effet mesuré à 2,8 ng/ml pour une norme comprise entre 0,1 et 0,6 ng/ml.

La sécrétion tumorale de TSH explique à la fois l’hyper- trophie diffuse de la thyroïde, qui est observée 9 fois sur 10 dans un tel contexte (1, 3), l’élévation des taux plasmatiques de T4 et T3 ainsi que les symptômes cli- niques. On peut prévoir qu’il en sera de même pour certains signes biologiques d’hyperthyroïdie, comme l’élévation du taux de TeBG et, consécutivement, de la testostéronémie totale. Ainsi que cela est observé dans une majorité d’adénomes hypophysaires sécréteurs de TSH, les signes cliniques restent d’intensité modérée (3).

Le retentissement local de l’adénome, qui s’infiltre sous le sinus caverneux gauche, explique la symptomato- logie douloureuse révélatrice par un retentissement très vraisemblable sur le ganglion de Gasser. Les adénomes thyréotropes se révèlent en effet assez volontiers inva- sifs du sinus caverneux homolatéral (4).

Le diagnostic étant posé, monsieur G. exprime son sou- hait de ce que soit définie et rapidement initiée l’étape thérapeutique. Au préalable, il est cependant nécessaire de rechercher un éventuel retentissement de la tumeur sur la fonction hypophysaire normale et de vérifier si l’adénome hypophysaire est exclusivement sécréteur de TSH et de sa sous-unité α. En effet, une co-sécrétion

hormonale est observée chez 25 % de ces adénomes (3) et l’antécédent de carcinome colique attire l’attention sur la GH. La fonction corticotrope est normale, résultat non surprenant puisque aucune co-sécrétion tumorale de TSH et d’ACTH n’a jusqu’alors été décrite (3). La pro- lactinémie (PRL) est mesurée à 12 ng/ml (N < 15). Les taux de LH et de FSH plasmatiques s’inscrivent dans leurs normes respectives, et la testostéronémie totale est de 13,6 ng/ml (N : 4-10), avec un chiffre de TeBG à 112 ng/ml (N : 17-45). Ces résultats permettent d’exclure une co-sécrétion TSH-PRL ou TSH-gonadotrophines, telles qu’il en est observé dans respectivement 10,7 % et 1,4 % des cas (3). À l’inverse, le taux de GH plasmatique à jeun (15 mU/l) est élevé et n’est pas freiné par la charge orale en glucose. Le taux d’IGF1 plasmatique atteint 410 ng/ml (N < 320). Il s’agit donc bien d’un adénome hypophysaire co-sécréteur de TSH et de GH, situation qui est observée dans 16 % des cas (3). L’hypersécrétion de GH est modérée et n’apparaît pas prédominante, expliquant que ce soit celle de TSH qui soit au premier plan de la symptomatologie. L’hypersécrétion associée de GH, qui pouvait néanmoins être suspectée sur des nuances cliniques (sudation excessive, épaisseur des mains et allongement du visage), est en revanche pos- siblement impliquée dans l’antécédent de carcinome colique. Le risque de lésion polypoïde colique est en effet significativement plus élevé que dans la popu- lation générale chez les patients atteints d’un adénome hypophysaire somatotrope (5, 6).

Trois options thérapeutiques, non mutuellement exclu- sives, sont possibles : chirurgie hypophysaire, analo- gues de la somatostatine, radiothérapie stéréotaxique.

L’indication d’une intervention neuro-chirurgicale hypophysaire, non liée à une menace sur le chiasma optique, qui reste à distance de l’adénome, s’est trouvée justifiée à la fois par le retentissement local au niveau du ganglion de Gasser et, sur le plan endocrinologique, par les conséquences de la double hypersécrétion hor- monale. L’acte neurochirurgical est suivi d’une rémission dans 6 cas sur 10 (4). Un abord trans-sphénoïdal a ainsi permis une ablation de la majeure partie de l’adénome sans entraîner de séquelle fonctionnelle hypophysaire.

Depuis l’intervention, les accès céphalalgiques ont dis- paru et les signes cliniques d’hyperthyroïdie se sont considérablement atténués. L’examen anatomopatho- logique va confirmer la nature adénomateuse de la lésion, et l’immunohistochimie s’avérer positive pour la TSH, la SUα et la GH.

Cependant, un reliquat tumoral situé au contact du sinus caverneux gauche n’a pu être extirpé au cours de l’intervention (figure 2). Alors que les taux plasmatiques de GH et d’IGF-1 ont été normalisés, une hypersécrétion Figure 2. Résultat de l’IRM postopératoire confirmant l’ablation de la majeure partie du tissu

adénomateux, dont il persiste cependant un reliquat situé au contact du sinus caverneux gauche.

0112_MET 112 11/04/2016 10:49:00

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Une mixité sécrétoire à ne pas méconnaître

de TSH a persisté en postopératoire. Elle a justifié le recours à un traitement complémentaire par analogue de la somatostatine, dont l’efficacité a été démontrée dans de telles situations afin de normaliser les paramètres hormonaux thyroïdiens (7, 8). La persistance d’une sécrétion excessive de GH en postopératoire aurait représenté un argument supplémentaire pour proposer une telle approche thérapeutique.

En préopératoire, un traitement par analogue de la somatostatine a par ailleurs pu permettre d’obtenir, dans certains cas d’école, une réduction volumétrique de l’adénome (9). L’injection de lanréotide en formulation à libération prolongée va permettre de normaliser les paramètres hormonaux thyroïdiens de monsieur G.

pendant 3 semaines (figure 3). Cette efficacité est liée à l’expression de récepteurs de type 2 de la somatostatine par les cellules adénomateuses (10). En dépit de l’obtention du résultat bénéfique attendu sur les symptômes cliniques et les paramètres biologiques, monsieur G. n’a pas souhaité poursuivre ce traitement en raison de l’apparition d’effets indésirables digestifs à type de diarrhée, dont l’intensité a été majorée par ses antécédents d’hémicolectomie droite et qui se sont révélés incompatibles avec son activité professionnelle.

Simultanément, il lui a donc été proposé de réaliser une radiothérapie sur le reliquat adénomateux, traitement complémentaire qui s’avère efficace lorsque la seule chirurgie ne permet pas de résoudre totalement le problème (11). Compte tenu de la localisation à distance

du chiasma optique et de la petite dimension de ce reliquat tumoral, une radiothérapie ciblée par Gamma Knife a été réalisée. Dans l’attente de l’obtention de sa pleine efficacité, un contrôle des signes cliniques résiduels d’hyperthyroïdie a pu être assuré par un simple

traitement par bêtabloquant. ■

Figure 3. Évolution des taux plasmatiques de TSH et de T4 libre après une injection sous-cutanée profonde d’un analogue de la somatostatine (SMS) à libération prolongée.

La zone grisée correspond à celle des valeurs normales de TSH et de T4 libre.

3

TSH mU/l T4 libre pmol/l

4

2

1

0 B 3 6 9 12 15 18 21 24

Jours SMS

0 10 20 30 TSH mU/l

T4 libre pmol/l

1. Brucker-Davis F, Oldfield EH, Skarulis MC et al. Thyrotropin- secreting pituitary tumors: diagnostic criteria, thyroid hormone sensitivity, and treatment outcome in 25 patients followed at the National Institutes of Health. J Clin Endocrinol Metab 1999;84(2):476.

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R é f é r e n c e s

L'auteur déclare ne pas avoir de liens d'intérêts.

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