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B. Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre

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B. Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre

1) La mobilisation de toutes les ressources du pays dans la guerre totale 1.1) La mobilisation des esprits

1.2) La mobilisation de l’économie 1.3) une guerre industrielle

2) Des civils victimes de la guerre

2.1) Les effets sur l’arrière d’une guerre longue 2.2) L’Union sacrée fragilisée

2.3) Des civils au cœur de la tourmente

3) La Grande guerre : la « der des der » ? 3.1) L’esprit ancien combattant

3.2) Une émancipation des femmes ? 3.3) Vers les années folles

Points de passage

Marie Curie : une scientifique dans la guerre Les grèves de 1917

Le génocide des Arméniens

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B. Les sociétés en guerre : des civils acteurs et victimes de la guerre Pages 276-299

Photo « Ouvrières dans une usine d’obus, Angleterre, 1916 » Vocabulaire et notions

Bourrage de crâne Économie de guerre

Effort de guerre Génocide

Guerre totale Politique nataliste

Propagande Rationnement

Union sacrée Acteurs

Georges Clémenceau (1841-1929) André Citroën (1878-1935)

Marie Curie (1867-1934) Jean-Corentin Carré (1900-1918)

Général Pétain (1856-1951) Dates

1894-1896 : premiers massacres d’Arméniens dans

l’Empire Ottoman Juillet 1914 : création de l’impôt sur le revenu Août 1914 : l’Union sacrée Fin 1914 : blocage du front, mise en place de

l’économie de guerre et début de la guerre totale Avril 1915-juillet 1916 : génocide des Arméniens Août 1915 : rappel des ouvriers mobilisés au front Mars 1917 : première révolution russe Mai 1917 : grèves en France

Novembre 1917 : deuxième révolution russe 1919 : droit de vote pour les femmes au Royaume- Uni

1919 : Loi sur la journée de 8 heures en France 1920 : loi nataliste en France 1924 : Réforme Bérard sur l’accès des femmes à

l’enseignement secondaire

Introduction

Tous les états-majors ont prévu une guerre rapide. Mais ces projections ne tiennent pas compte des nouveaux armements nés de l'industrie de la puissance nouvelle des armes à feux modernes.

Cet échec des mouvements rapides affecte tous les fronts, et à l'automne 1914, c'est l'enlisement du conflit.

La guerre sera longue et les sociétés doivent s’y adapter. Ces dernières en seront durablement affectées.

Problématiques

Quelles sont les conséquences de la Première Guerre mondiale sur les sociétés ? Comment l’effort de guerre a-t-il accéléré l’industrialisation de l’économie française ?

Quelles sont les conséquences à court et à long terme de la mobilisation des sociétés dans une guerre totale

?

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1) La mobilisation de toutes les ressources du pays dans la guerre totale 1.1) La mobilisation des esprits

Dossier p285 « Jean-Corentin Carré : un adolescent dans la guerre »

L’entrée dans une guerre considérée comme juste par les français sûrs de leur bon droit et de leur force, est marquée par un patriotisme collectif teinté d’une union morale.

Les conscrits, certains d’être rentrés à Noël, partent « la fleur au fusil » et le personnel politique, malgré les résistances pacifistes et internationalistes des mouvements socialistes jusqu’à l’assassinat de Jean Jaurès en août 1914, met les divergences idéologiques de côté pour constituer un gouvernement d’Union sacrée composé de la plupart des familles politiques, socialistes compris (Viviani est ministre de

l’armement et Millerand ministre de la guerre).

Le « bourrage de crâne » est un phénomène spontané, fruit de la tension nerveuse et de l’émotion collective qui sont à l’origine d’une déformation de la vérité. La presse s’en fait l’écho en fanatisant le patriotisme et en diabolisant un ennemi déprécié, le barbare boche, alors que le destin exemplaire de certains soldats, comme Jean-Corentin Carré, est médiatisé pour catalyser l’énergie nationale. Le Maréchal Joffre est ainsi l’objet d’un culte dans les premières années du conflit.

La nécessité de contrôler étroitement les informations militaires pour éviter de renseigner l’ennemi et la volonté de contrôler une opinion publique qui balance entre enthousiasme et découragement à la lecture des nouvelles du front, poussent les États à pratiquer la censure de la presse mais aussi celle de la

correspondance des soldats qui pourrait décourager l’arrière et affaiblir ainsi son soutien à l’effort de guerre.

Il s’agit pour les gouvernements « de supprimer tout ce qui tend à surexciter l’opinion ou à affaiblir le moral de l’armée ou du public ».

La création du Canard enchaîné en 1915 est une réponse ironique à la censure de la presse.

Dossier p288-289 « La propagande dans la guerre » Affiche « Destroy this mad brute, enlist, USA 1917 »

L’institutionnalisation de ces pratiques dans le cadre d’une propagande d’État, véritable guerre psychologique est une réponse à la durée du conflit, au nombre de victimes et aux efforts croissants demandés aux civils.

Les mauvaises nouvelles sont dissimulées par peur que l’opinion ne s’en prenne aux institutions jamais incontestées en France.

1.2) La mobilisation de l’économie Affiche 3 p288 « Are you in this ? »

L’espérance d’une guerre courte explique la lenteur de la mobilisation économique.

Les réquisitions de blé et de charbon sont établies en octobre 1915 et sont étendues à d’autres produits en avril 1916.

Le financement de l’effort de guerre reste problématique et peu maîtrisé, malgré la création d’un impôt sur le revenu en juillet 1914. Des bons du Trésor sont émis en janvier 1915 mais leur succès est limité. En novembre 1915, le premier emprunt de guerre est lancé afin de mobiliser l’épargne des français.

Mais les gouvernements hésitent à imposer de nouvelles contraintes fiscales et ce n’est qu’en juillet 1917 que de nouveaux impôts sont créés.

C’est surtout le recours à la planche à billet et à l’emprunt auprès des alliés, notamment les États-Unis, qui permet à la France d’approvisionner ses armées.

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Une forte inflation, un endettement important et le creusement du déficit du commerce extérieur (en 1918, les importations représentent cinq fois les exportations) en sont les conséquences dans l’immédiat après-guerre.

Les nécessités imposées par une guerre où la capacité de production est décisive pour emporter la décision poussent l’État à s’impliquer de plus en plus dans l’organisation d’une économie de guerre.

Le 23 août 1914, le ministre de la guerre convoque le Comité des Forges (organisation patronale de l’industrie lourde) et Louis Renault pour les convaincre d’adapter leurs activités aux nécessités de la guerre.

Les coopérations entre l’État et les entrepreneurs privés se multiplient pour organiser une économie planifiée dominée par l’interventionnisme et le dirigisme étatique.

En 1915, André Citroën est mis en sursis de répondre, dans une usine à construire avec des avances de l’Etat, à un marché d’un million d’obus à balles (les shrapnells). C’est la naissance de l’usine du quai de Javel à Paris, laboratoire de la modernité industrielle qui emploie 12000 personnes en 1918 sur un site de 8 hectares.

Commandes d’État, réquisitions, salaires bloqués, dérogations aux lois sociales, rationnement des denrées de première nécessité modifient l’organisation de l’économie française.

1.3) une guerre industrielle

Graphique 3 p279 « Évolution de la production d’obus par les belligérants »

Contemporaine de la deuxième révolution industrielle, la Première guerre mondiale est un facteur d’accélération des innovations et de l’introduction de nouvelles méthodes de production.

Les ingénieurs sont mobilisés pour accroître l’efficacité de l’armement, obus, canons, lance-flamme, mitrailleuses, fusils… en améliorant leur précision, leur vitesse (la mitrailleuse Hotchkiss tire 400 à 500 coups à la minute et a une portée de 2400 m) et leur capacité de destruction. Les industries mécaniques liées à l’usage de l’acier et du pétrole militarisent les dernières inventions comme l’automobile, le camion, le char, l’avion, le cuirassé, le sous-marin, le téléphone qui vont prendre de plus en plus d’importance dans les combats.

L’industrie chimique contribue à l’effort avec le développement des gaz de combat comme l’Ypérite (gaz moutarde).

Les industries agro-alimentaires et textiles orientent leurs productions pour nourrir et vêtir les troupes alimentées par une noria de moyens de communication entre l’arrière et le front, comme la « voie sacrée », cordon stratégique établi par le général Pétain pendant la bataille de Verdun en 1916.

Enfin, les services de santé sont aussi mobilisés dans les hôpitaux de campagne et ceux de l’arrière. Face à l’hécatombe, à la diversité et à la gravité des blessures, les médecins rationnalisent les interventions chirurgicales et généralisent les pratiques les plus récentes.

Point de passage p284 « Marie Curie : une scientifique dans la guerre »

Dans ce domaine, l’engagement de la physicienne Marie Curie pour soigner les soldats est exemplaire. Des camions équipés de matériel radiologique, les « petites curies », rejoignent les hôpitaux de campagne pour réaliser les premières radiographies médicales qui permettent aux médecins de « voir à l’intérieur du corps », ce qui facilite grandement l’établissement du diagnostic, le triage et d’éventuelles opérations chirurgicales.

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Dossier p286 « Renault : une entreprise dans la guerre »

Mais la qualité de la production n’est pas suffisante pour remporter la guerre, pour vaincre, il faut produire plus que l’ennemi.

En 1914, l’industrie française produit 10 000 obus par jour alors que les commandes de l’État-major sont de 100 000 obus par jour.

Il faut donc augmenter la productivité en généralisant l’OST et la rationalisation de la production : décomposition et simplification des tâches des OS, chronométrage, travail à la chaîne, standardisation…

En 1918, les industriels produisent 260 000 obus par jour et l’usine Renault fournit cette année-là à l’armée, 750 chars d’assaut et 5000 moteurs d’avion alors qu’elle n’en fabriquait pas en 1914.

Pourtant, en 1914 l’économie française est sinistrée par la mobilisation de 3 millions de soldats, soit 25%

de la population active.

Malgré le rappel de 500 000 ouvriers qualifiés en 1915, il faut élargir le recrutement car il apparaît assez vite que le sort du poilu est lié à celui de l’ouvrier qui lui fournit les conditions matérielles du combat.

140 000 travailleurs étrangers (d’Europe, des colonies, de Chine…) viennent compenser le déficit, mais aussi les femmes et les enfants.

Dossier p290-291 « Les femmes dans la guerre » Photo « Ouvrière américaine en 1917 »

Photo « Infirmière de la Croix-Rouge en 1914 »

Malgré l’inquiétude des syndicats, hostiles à la concurrence du travail féminin, les figures des midinettes (textile) et des munitionnettes (400 000 en 1918) s’imposent dans les usines. La part du travail féminin dans la population active passe ainsi de 32% en 1914 à 40% en 1918.

« Si les femmes qui travaillent dans les usines s’arrêtaient vingt minutes, les alliés perdraient la guerre » aurait avoué le Maréchal Foch.

Ce sont les femmes et leurs enfants qui prennent aussi en charge les travaux agricoles pour compenser l’enrôlement de soldats très majoritairement issus du monde rural.

En 1918, l’industrie de guerre emploie 1,6 million de personnes contre 50 000 en 1914.

On peut parler de la naissance d’un complexe militaro-industriel.

2) Des civils victimes de la guerre

Photo p274-275 « Une femme et des enfants labourant un champ en 1918 » 2.1) Les effets sur l’arrière d’une guerre longue

La priorité accordée au front pèse de plus en plus sur l’arrière et les populations civiles.

Le rationnement s’étend à de nombreux produits (carte de sucre, carte de pain) et l’inflation conjuguée à une pénurie croissante de produits industriels et agricoles, provoquée par la militarisation de la production et les réquisitions, cause une augmentation généralisée des prix qui accentue les difficultés de la vie matérielle.

La séparation, l’absence et l’éloignement du mari, du père, du fils ou du frère, pèsent sur les familles qui sont parfois confrontées au deuil ou au retour prématuré du soldat blessé ou invalide.

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Au total, 8 millions de soldats sont mobilisés de 1914 à 1918, soit 60% de la population active. C’est autant de bras manquants pour l’économie française qui pourtant est sommée de tourner à plein régime pour soutenir l’effort de guerre.

Dans ce contexte, comme le dit le ministre de la guerre Alexandre Millerand, pourtant socialiste « Il n’y a plus ni droit ouvrier, ni loi sociale, il n’y a plus que la guerre ».

Dans les usines, les cadences sont soutenues et les journées de 11 heures sont généralisées, tout comme le travail du dimanche ou le travail de nuit. De plus, pour limiter l’inflation et l’endettement de l’État, les salaires sont bloqués.

Malgré les réelles difficultés des civils, avec le prolongement du conflit, un malaise croissant s’installe entre le front et l’arrière. Le fossé se creuse entre ceux qui vivent dans des conditions exceptionnelles

l’expérience incommunicable des tranchées et l’arrière où on continue de vivre une vie « normale ».

La propagande maladroite qui lénifie l’expérience combattante, les « planqués » et les « profiteurs de guerre », la foule sur les grands boulevards qui fréquente les théâtres et les cinémas, finissent de devenir intolérables aux soldats en permission.

2.2) L’Union sacrée fragilisée

Texte 2 p287 « Télégramme du préfet d’Ille-et-Vilaine, 6 juin 1917 »

L’interminable et indécise bataille de Verdun de février à décembre 1916, qui fait environ 150 000 morts ou disparus et autant de blessés dans l’armée française ébranle la confiance de la population et provoque un fléchissement du moral des soldats. C’est d’ailleurs l’objectif du commandement allemand : l’attaque d’usure d’un symbole est destinée à briser la force de résistance du peuple français.

Lors de la bataille, pour la première fois depuis le début de la guerre, l’Assemblée nationale réunit des comités secrets qui ont pour effet de propager l’inquiétude dans l’opinion. A la fin de 1916, Joffre est remercié par le président du conseil Aristide Briand, lui même renversé avec son gouvernement en mars 1917.

La lassitude physique et morale des combattants conjuguée aux échos de la révolution russe de mars 1917 provoque des mutineries spontanées en mai et juin 1917, durant lesquelles des soldats font la grève des attaques.

Le réveil du pacifisme et la montée du défaitisme se diffuse dans toute la société, et il faut toute l’énergie de Georges Clémenceau, nommé président du conseil en novembre 1917, disposé à mener la guerre jusqu’à la victoire pour redresser une situation de plus en plus critique. Mais ce raidissement du climat politique fragilise l’Union sacrée et les socialistes refusent désormais de participer au gouvernement et glissent progressivement dans l’opposition.

Point de passage p287 « Les grèves de 1917 »

La systématisation de la mobilisation économique provoque des remous à l’arrière où le consensus patriotique s’effrite. Il n’y a pas de grève en 1914, il y en a 98 en 1915 et 314 en 1916. Elles culminent par leur intensité en 1917. Les ouvriers et les ouvrières réclament une augmentation des salaires pour faire face à l’augmentation des prix et une amélioration des conditions de travail. Les femmes ouvrières, notamment dans l’industrie textile, « victimes les plus lamentables de la guerre » selon le maire radical de Lyon Édouard Herriot, sont souvent les fers de lance de ces mouvements de contestation. Les midinettes de la couture obtiennent la semaine anglaise (un repos hebdomadaire de un jour et demi) après une grève de 14 jours au printemps 1917 tout comme les munitionnettes des arsenaux qui après avoir arrêté le travail, défilent dans les rues en criant « A bas la guerre ».

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On peut constater les mêmes dynamiques dans toutes les sociétés des pays belligérants, mais c’est en Russie qu’elles prennent un caractère insurrectionnel : la deuxième révolution conduite par les socialistes bolchéviques de Lénine en novembre 1917, renverse le gouvernement provisoire issu de celle de février 1917 et provoque la sortie du conflit de la Russie en janvier 1918 avec la signature de la paix de Brest- Litovsk.

2.3) Des civils au cœur de la tourmente

Photo « Retour dans les ruines, Reims en janvier 1919 »

Lors de l’invasion par les troupes allemandes de la Belgique en 1914, 6500 civils sont tués. Le front stagnant, la zone est occupée jusqu’à la fin de la guerre, comme le Nord et l’Est de la France. Les civils sont alors victimes d’exactions, de violences, de réquisitions et sont parfois déportés en Allemagne.

La situation est identique pour les civils allemands de Prusse orientale occupée par les troupes russes, ou pour les Serbes, victimes des troupes austro-hongroises.

Les progrès de l’aviation autorisent les bombardements des villes dans les deux dernières années de la guerre, qui avaient déjà commencé avec les canons à longue portée de l’artillerie lourde. C’est le cas pour Reims, Lens ou Arras et même pour Paris au printemps 1918. Les raids des bombardiers allemands font 1400 morts et 3400 blessés en 1917-1918.

Point de passage p292-293 « Le génocide des Arméniens »

L’Empire Ottoman allié de l'Allemagne et de l’Autriche-Hongrie est donc l’adversaire de la Russie sur le front oriental. Au sein de l'Empire Ottoman, vivent de nombreuses minorités dont les Arméniens. Ils représentent avant-guerre 2.2 millions d’individus, ils sont chrétiens et certains, animés par des sentiments nationalistes, revendiquent l'indépendance de l’Arménie.

Dès la fin du XIX° siècle, dans un contexte d’affaiblissement de l’Empire, les Turcs répriment violemment les arméniens, coupables à leurs yeux de ne pas être turcs et musulmans. Des massacres se multiplient entre 1894 et 1896.

Pendant la guerre, les Arméniens sont considérés collectivement comme des ennemis de l'intérieur, accusés de trahison et de complicité avec l'ennemi russe. En janvier 1915, la défaite militaire de Sarikamich sert de prétexte aux autorités turques qui planifient l’extermination des Arméniens de l’empire.

Ils sont impitoyablement massacrés, les élites sont arrêtées et mises à mort, les autres sont déportées dans des marches forcées à travers l’Anatolie et le désert syrien au cours desquelles la plupart d’entre eux, meurt, y compris les femmes, les enfants et les vieillards.

Texte 2 p292 « Déclaration de la Triple Entente »

Les alliés de la Triple Entente, alertés entre autres par le consul des États-Unis dans l’Empire Ottoman et indignés par ce massacre, font une déclaration le 24 mai 1915 dans laquelle ils indiquent qu’ils tiendront pour personnellement responsables les membres du gouvernement turc qui ont perpétré un « crime contre l’humanité et la civilisation ». Malgré l’absence de conséquences pratiques de ce texte et le fait qu’il soit noyé et décrédibilisé dans une campagne de propagande qui vise à diaboliser l’adversaire, il permet toutefois de poser pour la première fois la notion de crime contre l’humanité.

Ce sont entre 1,2 et 1,5 million d’Arméniens qui sont massacré entre 1915 et 1916 dans ce qui sera qualifié plus tard de premier génocide du XX° siècle.

Génocide : Destruction préméditée et méthodique de tout ou partie d’une population en raison de son appartenance nationale, ethnique ou religieuse.

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3) La Grande guerre : la « der des der » ?

Tableau « Défilé des mutilés, 14 juillet 1919 de Jean Galtier-Boissière » 3.1) L’esprit ancien combattant

Point de passage p318-319 « Le Soldat inconnu et les enjeux mémoriels »

Avec en moyenne 900 morts par jour d’août 1914 à novembre 1918, la Grande guerre fait 1,4 million de morts en France, soit 10% de la population active. 3 millions de soldats ont été blessés dont 750 000 invalides et 125 000 mutilés.

Sur 10 hommes âgés de 20 à 45 ans en 1914, deux sont morts, un est à la charge de ses concitoyens et trois sont amoindris pour un temps plus ou moins long.

Il faut ajouter à cette saignée démographique un déficit de naissances évalué à 1,7 million.

Le deuil est porté par de nombreuses familles et les villes et villages de France se couvrent de monuments aux morts qui évoquent les souffrances des poilus.

Les défilés du 14 juillet et 11 novembre 1919 sont la mise en scène grave de l’hommage de la nation à ses enfants morts pour la France. Le 11 novembre 1920 la tombe du soldat inconnu est installée sous l’Arc de Triomphe.

Dossier p316 « La lente démobilisation » Photo « J’accuse d’Abel Gance »

6,5 millions de soldats sont démobilisés et retournent plus ou moins aisément à la vie civile. Trois millions d’entre eux prolongent la fraternité du front en se regroupant dans des associations d’anciens combattants dont les deux plus importantes l’UNC et l’UFC comptent chacune 900 000 adhérents. « Tous unis comme au front » est leur devise.

Malgré les divergences de leur opinions politiques, ils constituent un groupe de pression respecté dans l’entre deux guerres et représentent en 1932 un électeur sur deux. Lestés des souffrances qu’ils ont endurées pour la sauvegarde de la patrie, ils gardent un œil critique sur les affres de la vie parlementaire.

Enfin, persuadés que leur extraordinaire sacrifice n’a pas été vain, ils pensent que la Grande guerre est la

« der des der ». Ce profond sentiment pacifiste infuse toute la société française de 1919 à 1940.

3.2) Une émancipation des femmes ?

Carte p281 « Le droit de vote des femmes dans le monde »

Avec la démobilisation et malgré les services rendus et les nouvelles habitudes acquises, les femmes sont invitées à regagner leur foyer. La saignée démographique est l’occasion de la mise en place d’une politique nataliste dans laquelle la femme est confinée au rôle de mère. Dès 1920, leur part dans la population active est retombée au niveau de 1911, aux alentours de 30%.

Toutefois, l’espace conquis n’est pas totalement abandonné. Les figures de l’infirmière aux armées et de la veuve portant dignement le deuil en endossant le rôle de chef de famille s’imposent comme des modèles héroïques.

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L’émancipation a été réelle pour les plus jeunes et les célibataires, mais le fardeau de la guerre a été plutôt cause de surmenage pour la plupart.

Il n’en reste pas moins que la modification des structures du travail féminin, travail en usine, emplois tertiaires, accès aux professions libérales facilitée par les réformes Bérard de 1924 sur l’enseignement secondaire est profonde et participe à une plus grande visibilité des femmes dans la société.

Les « garçonnes » et les suffragettes des années folles incarneront les revendications égalitaires des françaises qui, contrairement à leurs homologues britanniques, n’obtiendront pas le droit de vote. C’est dans la presse féminine des années 1920 (La vie parisienne, Ève) que s’imposent de nouveaux modèles de femmes actives.

3.3) Vers les années folles

La classe ouvrière sort renforcée de la guerre. Mieux organisée dans le cadre de syndicats qui se

professionnalisent, uniformisée par la standardisation due à l’effort de guerre, elle prend conscience d’une communauté d’intérêts qui justifie une action commune et coordonnée pour obtenir la satisfaction des revendications sociales.

Pour récompenser les ouvriers de leur participation à l’Union sacrée et / ou pour prévenir une contagion à la France de la Révolution russe, l’Assemblée nationale vote la journée de 8 heures en 1919.

Les classes populaires, encadrées par les partis socialistes, seront un acteur majeur du débat politique des années 1930.

Dossier p317 « L’impossible oubli »

Les effets de la guerre ne sont pas toujours pleinement visibles et il est difficile pour beaucoup de reprendre leur place dans la société comme si rien ne s’était passé.

Les cas les plus spectaculaires, comme les gueules cassées portent sur leur visage l’atrocité des combats.

Mais les médecins se sont aussi penchés sur les symptômes que l’on ne nomme pas encore post- traumatiques. Voici la description par des médecins des anciens combattants les plus affectés : ils sont

« des petits mentaux, des demi-déments, des petits états psychiatriques, des demi-fous, des mutilés

affectifs, des invalides nerveux de l’émotivité, des anxieux, des confus, des infirmes du système nerveux, des cœurs irritables, des autistes affectifs, des mnésiques de l’affectivité » qui oscillant de l’anesthésie à

l’hyperesthésie sont « tristes, inquiets, sombres et taciturnes, méfiants, impulsifs, coléreux, emportés, impatients, agressifs, à l’émotivité excessive, irritables, incapables d’efforts. »

Certains praticiens mettent ainsi en évidence les symptômes du « mal des éboulés ».

Eau forte « Der Krieg d’Otto Dix 1924»

Plus nombreux sont les « agités de la nuit », victimes plus discrètes pour la société mais pas pour leur famille du « mal des tranchées » dont Jean Giono décrit les impressions nocturnes « Je remplissais la chambre où je parlais de fantômes boueux aux yeux mangés par les oiseaux ». Ce sont les mêmes images hallucinées et désespérées qui se succèdent dans les tableaux du peintre allemand ancien combattant Otto Dix.

Ces déséquilibres et les effets de ce que l’historien C. Mosse a nommé la brutalisation (banalisation de la violence, goût pour la camaraderie militaire et les formes de l’enrégimentement, respect aveugle du chef, exaltation des valeurs viriles dans le combat) seront des moteurs puissants de l’engagement de certains dans les partis les plus radicaux d’après-guerre, tels ces nombreux freikorps qui rejoindront les milices nazies dès les années 1920.

La société des années folles reste convaincue des bienfaits du progrès, mais un malaise profond s’installe conséquemment aux effets dévastateurs de la guerre industrielle. Derrière le consensus cocardier de la victoire incarné dans l’élection de la « chambre bleue horizon » en 1919, la société est fragmentée par un palimpseste d’expériences divergentes.

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Voici la société des années 1920 décrite par le socialiste Léon Blum : Elle présente « quelque chose d’effréné, une fièvre de dépenses, de jouissances et d’entreprises, une intolérance à toute règle, un besoin de liberté ». Sont-ce les signes d’une paix retrouvée ou d’une volonté d’oublier ?

Conclusion

La victoire de 1918, c’est la victoire des institutions parlementaires républicaines qui ont su s’adapter à l’effort de guerre et mener la nation.

C’est aussi la victoire d’une économie arriérée face à la puissance industrielle allemande malgré l’occupation dés 1914 des régions industrielles du Nord et de l’Est.

C’est enfin la victoire d’un peuple plus réputé pour son art de vivre que pour ses vertus viriles. Mais les poilus qui étaient en majorité des paysans ont lutté dans un effort suprême et ultime pour garder leur terre.

Une victoire, certes, mais qui a coûté cher dans tous les sens du terme.

Révisions p296-297

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