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La relation d’accompagnement entre le conseiller principal d’éducation et l’élève : différents moments pédagogiques d’une posture professionnelle en tension dans l’établissement.

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Academic year: 2021

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Cette œuvre est mise à disposition sous licence Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International. Pour voir une copie de cette licence, visitez http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/ ou écrivez à Creative Commons, PO Box 1866, Mountain View, CA 94042, USA.

 Titre du symposium dans lequel s'insère cette communication

Le conseiller principal d’éducation (CPE), acteur spécifique du système scolaire français : nouvelles recherches, éclairages sociologique, historique et philosophique. Quelle hybridation de ces recherches pour la construction du savoir scientifique ? Quelle pertinence sociale pour les acteurs de terrain, les CPE et leurs partenaires, et les formateurs ?

 Auteur

Nathalie Mikaïloff, Docteur en sciences de l’éducation, Aix-Marseille Université, ENS de Lyon-IFE, EA4671-ADEF, 13004, Marseille, France

 Résumé de la communication

Avec l’évolution des conditions de l’éducation (Blais et al., 2008 ; Tardif et LeVasseur, 2010) et l’émergence de nouveaux besoins éducatifs chez les élèves dans l’enseignement du second degré français, la place du Conseiller Principal d’Education (C.P.E.) dans l’équipe pédagogique et son rôle dans le suivi du parcours de l’élève sont devenus des questions vives de la recherche en éducation (Barthélémy, 2014 ; Clavier, 2014 ; Condette, 2013). Ainsi il est indispensable pour appréhender toute la complexité du métier dans ses dimensions sociale, institutionnelle et praxéologique, d’adopter une vision systémique (Le Moigne, 1994/2006 ; Morin, 2005) pour éclairer le rapport dialectique entre la posture du pédagogue centré sur la rencontre (Cifali, 2012) avec l’élève et celle du garant de l’organisation de la vie collective dans l’établissement.

Cette recherche propose d’analyser la relation nouée par le C.P.E. avec l’élève selon une démarche compréhensive dont l’ambition est de comprendre comment ce professionnel, soumis à des représentations et des attentes parfois contradictoires à son égard, réussit à concilier une approche à la fois éthique (Ricoeur, 1998) et responsable (Levinas, 1982 ; Prairat, 2012) de l’accompagnement individuel des élèves.

La relation pédagogique est ici éclairée par les conceptions théoriques de l’accompagnement (Lerbet- Sereni, 2013 ; Vial et Mencacci, 2007) et les perspectives éducatives d’une éthique du care (Gilligan, 1982 ; Paperman et Laugier, 2011).

Dix entretiens exploratoires ont été menés auprès de C.P.E. selon une méthode d’influence phénoménologique (Merleau-Ponty, 1945 ; Ricoeur, 2004) qui fait appel à l’expression du vécu pour lier le réel de l’action à l’éprouvé dans l’action. L’analyse thématique de contenu des verbatim a été complétée par l’étude des résultats d’un questionnaire à visée confirmatoire diffusé à l’échelle de l’académie de référence.

Les résultats mettent en évidence la cohabitation de trois types de posture chez le C.P.E. accompagnant

l’élève à différents moments pédagogiques de leur rencontre : celles intimement liées du compagnon,

qui lui porte une attention bienveillante, et de l’accompagnateur qui se charge d’étayer son parcours ; la

figure du guide intervient pour inscrire l’action individualisée dans un cadre socialisant. L’entretien avec

l’élève constitue le cadre privilégié d’une relation d’accompagnement qui montre des possibilités

créatives de par sa nature autopoïétique (Varela, 1989).

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Titre de la communication

La relation d’accompagnement entre le conseiller principal d’éducation et l’élève : différents moments pédagogiques d’une posture professionnelle en tension dans l’établissement.

Introduction

Sujet récent de recherches en sciences de l’éducation (S. Condette, 2013 ; 2014 ), le métier de Conseiller Principal d’Education (C.P.E.) suscite un questionnement le plus souvent axé sur sa place dans le système éducatif et sa collaboration avec les autres acteurs de l’établissement scolaire.

S’intéresser à cette figure de l’action éducative propre à l’enseignement secondaire en France, implique pour le chercheur de tenir compte du contexte de l’étude, tant au niveau sociétal qu’à celui des environnements de travail. Des travaux ont été menés sur l’évolution historique de sa fonction (J-F.

Condette, 2014 ; Focquenoy - Simonnet, 2014 ; Tschirhart, 2013 ; Verneuil et Savoie, 2013), sa professionnalisation (Barthélémy, 2012 ; Chauvigné, 2014 ; Clavier, 2014 ) et sa place dans la communauté éducative (Barthélémy, 2005 ; Grimault-Leprince, 2014 ; Monin, 2007). Son expertise a été démontrée dans la promotion des apprentissages démocratiques et de la citoyenneté des élèves (Becquet, 2009 ; Condette, 2009).

Cette recherche se centre sur la relation d’accompagnement de l’élève par le C.P.E., activité légitimitée par son référentiel de compétences

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depuis la loi d’orientation du 8 juillet 2013, mais qui s’effectue dans un contexte persistant de cloisonnement des tâches éducatives et pédagogiques (Payet, 1997).

L’accompagnement de l’élève par le C.P.E. s’inscrit dans le cadre général de la vie scolaire qui consiste à « placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d’épanouissement personnel »

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. Cette définition illustre la dynamique d’une action professionnelle qui se situe à la fois dans le contexte de la politique éducative de l’établissement et au niveau dual avec chaque élève. Malgré des représentations encore fortes de garant des règles et d’appui à l’action enseignante qui pèsent sur les C.P.E. dans l’institution, l’entretien individuel, constitutif de leur activité d’accompagnement, illustre le cœur d’un métier orienté vers le devenir de l’adolescent (Cadet et al., 2007).

Avec la multiplicité des contextes d’établissements et en considérant les tensions qui subsistent autour des champs d’activité du C.P.E., nous avons tenté de comprendre comment ce professionnel de l’éducation réussissait à tenir en équilibre entre deux pôles en tension dans l’établissement, celui du collectif et celui de l’individu qu’il accompagne.

Nous aborderons en premier lieu le contexte de la problématique de notre recherche, pour en appréhender la dimension systémique et poser le cadre théorique de notre étude. Le dispositif de recherche sera ensuite exposé, puis nous discuterons des résultats relatifs à l’existence de trois postures d’accompagnement dynamiques au cœur de la relation pédagogique C.P.E. –élève.

I. Contexte et problématique

Le corps des C.P.E., dont le métier a pourtant évolué avec la société et les changements des conditions de l’éducation (Blais et al., 2008), a toujours tenté de construire sa légitimité depuis sa

1 Arrêté du 1er juillet 2013

2 Circulaire de missions du 10 août 2015

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création en 1970

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. La profession a hérité du passé d’un surveillant général longtemps défini entre direction et surveillance, et la méconnaissance du métier tient aussi au phénomène de division du travail éducatif (Tardif et LeVasseur, 2010) qui touche les établissements scolaires, en particulier dans le second degré où le C.P.E. exerce exclusivement. La distinction entre personnel d’enseignement et d’éducation est une particularité française qui tire son origine de l’organisation de l’enseignement dans le lycéen napoléonien. Le rôle pédagogique du C.P.E. ne se perçoit pas aisément (Rémy et al., 2010) : le travail effectué en parallèle de la vie de classe sur les absences, les problèmes scolaires ou comportementaux, le projet d’orientation, c’est le suivi pédagogique d’un parcours qui ne va pas toujours de soi pour les « nouveaux » collégiens et lycéens (Dubet, 1991) issus de la massification scolaire.

Le contexte éducatif des années post-1970 a été marqué par une évolution de l’individualisme (Gauchet, 2002 ; Lipovetsky, 1983) et une érosion de l’autorité (Gauchet, 2008). C’est aussi une révolution copernicienne centrée sur l’élève que l’institution a engagée en 1989

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, suscitant le débat entre républicains et pédagogues. Dans le secteur éducatif visé par la critique de l’autorité, l’enjeu consiste à permettre au jeune d’être lui-même sans passer d’une école autoritariste à une fragilisation de l’institution par l’individu (Dupeyron, 2005). Dans ces nouvelles conditions de l’éducation, le C.P.E.

apparaît comme un acteur central de la prise en charge éducative des adolescents, en particulier ceux à problème. Son rôle est attendu sur les questions relatives à la prise en charge des différents désordres scolaires.

Par la dimension organisationnelle et psychociale de son action, le C.P.E. fait un bout de chemin avec les adolescents durant leur vie scolaire. Il est l’accompagnateur des apprentissages, chargé d’accueillir l’élève, de recueillir ses confidences pour lui permettre de passer de son milieu naturel de vie à celui de l’émancipation (Pain, 2002). Il agit tel le paidagōgos

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, esclave autrefois chargé de conduire l’enfant de la mère vers le lieu de l’enseignement. En recueillant ses confidences, il facilitait l’accès à l’école et aux savoirs, rendant possible le travail avec le didaskalos qui enseignait.

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La contribution effective du C.P.E. à la prise en charge pédagogique des élèves n’est pas toujours légitime aux yeux de ses collaborateurs institutionnels. Pourtant la parole est au centre de la relation C.P.E. – élève, elle en est la « respiration » (Pain, 2011), propre à ces métiers de l’humain où le professionnel rencontre ceux qui doivent apprendre, grandir ou guérir (Cifali, 2012). La démarche d’entretien, propre à la fonction éducative du C.P.E., est parfois perçue comme une activité secondaire accusée de consommer un temps précieux au détriment du maintien de l’ordre et de la paix sociale dans l’établissement (Cadet et al., 2007). La place laissée à la parole de l’élève peut inquiéter : ne risque-t-elle pas d’affaiblir l’autorité des adultes qui attendent l’intervention du représentant de l’ordre (Obin, 1997) pour préserver l’intégrité de l’espace scolaire ? Cette conciliation de l’action éducative avec la contrainte collective questionne l’éthique professionnelle du C.P.E., tiraillé (Politanski et Triby, 2007, p.3) entre socialisation et projet de l’élève.

La complexité du métier s’appréhende dans ses dimensions sociale, institutionnelle et praxéologique, pour éclairer le rapport dialectique entre la posture du pédagogue centré sur la rencontre avec l’élève, et

3 Décret du 12 août 1970 portant création du corps des C.E. et C.P.E..

4 Loi Jospin, d’orientation sur l’éducation.

5 Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, dir. F.Buisson, 1911, http://www.inrp.fr/edition- electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/.

6 Dans les pensionnats de l'Ancien Régime, quelques élèves étaient réunis sous la direction d'un pédagogue, qui conduisait en classe de collège les enfants dont il était chargé, et surveillait leur conduite et leur travail.

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celle du garant de l’organisation de la vie collective. Cette posture en tension s’inscrit dans un système complexe (Le Moigne, 1994/2006 ; Morin, 2005) dont les différents éléments sont en interaction dynamique constante (Rosnay, 1975). En considérant l’histoire du métier, le cadre sociétal dans lequel il s’inscrit, et les attentes institutionnelles à l’égard du C.P.E., nous percevons la relation éducative avec l’élève comme un système dans sa totalité, non isolé de l’organisation globale de l’établissement, et caractérisé par un degré d’incertitude entre les évènements de chaque situation qui induisent différentes postures.

II. Cadre théorique de la recherche

L’accompagnement est pluriel et transversal : ses différentes formes de mise en œuvre dans l’éducation, la formation et la santé ont été étudiées (Vial et Mencacci, 2007 ; Paul, 2002).

Accompagner ne consiste pas seulement à aider ou guider : il n’y a pas de projet sur mais avec l’autre (Beauvais, 2004). La relation qui s’inscrit dans la durée entre deux compagnons qui partagent ensemble un bout de chemin : dépassant la simple rencontre de l’autre, elle consiste à éclairer l’accompagné pour qu’il puisse, dans la période de transition où il se situe, construire son propre chemin. Elle procède par des interactions pédagogiques de tutelle au sein d'une communauté d'apprenants pour leur permettre de résoudre seuls un problème.

Paul (2009) relève l’idée de cheminement (ac : vers), de relation (cum : avec) et de partage (pagnis : pain) : triple dimension, opérationnelle, relationnelle et éthique d’une activité qui s’ajuste en fonction de l’Autre. Cette idée d’une mise en relation –mise en chemin invite à considérer l’accompagnement comme une rencontre de l’altérité, une relation éducative dont l’objet de travail est le devenir de l’accompagné.

Une éthique commune se retrouve dans les pratiques d’accompagnement qui visent à aider l’Autre à se construire, à atteindre ses buts (Beauvais, 2004). L’accompagnant peut contribuer, dans une démarche clinique (Cifali, 2012), à l’expression du sujet accompagné, par une aide à la mise en mots de son expérience et de ses émotions. L’ identité narrative de l’individu se découvre ainsi par le récit de sa vie dans la rencontre avec les autres et avec les événements. Dans une visée éthique, sont associés le souci de soi, par le sens attribué à nos propres actions, le souci de l’autre par sollicitude, et le souci de l’institution, qui se traduit par le sens de la responsabilité d’autrui dans les structures du vivre-ensemble (Ricoeur, 1998).

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La responsabilité peut être appréhendée comme condition éthique du lien avec autrui dans une relation intersubjective non symétrique : « je suis responsable d’autrui sans attendre la réciproque, dût- il m’en coûter la vie » (Levinas, 1982, p.95). C’est l’expérience sensible de la vulnérabilité de l’autre qui induit de manière solidaire une responsabilité envers lui, qui peut être assumée, acceptée ou rejetée. La responsabilité éthique dépasse l’acception ordinaire de l’obligation morale de répondre de ses actes (Prairat, 2012) et induit l’idée d’une protection de l’humanité.

8.

L’éthique du care (Gilligan, 1982) apporte une réponse aux contradictions formulées entre bienveillance de la relation et responsabilisation d’autrui. Développée dans une culture anglo-saxonne moins empreinte de morale kantienne que notre société française, elle éclaire une possible relation d’accompagnement entre adulte et élève en milieu scolaire. Cette réflexion morale a pour ambition de réinscrire l’éthique dans l’ordinaire de la vie quotidienne en considérant davantage la parole et la valeur

7 La visée éthique selon Ricoeur est la « visée de la vie bonne avec et pour autrui dans des institutions justes » (1998, p.202).

8 Elle se distingue au-delà de la responsabilité professionnelle du fonctionnaire de service public d’éducation.

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de chacun. A la différence du modèle de Kohlberg qui conçoit la morale comme forme de justice basée sur la compréhension de droits et de règles, l’éthique du care s’intéresse à la singularité de la situation par un mode de pensée plus « contextuel et narratif » que formel et abstrait (Laugier et Paperman, 1982, p.III). Elle interprète d’une voix différente les situations qui mettent en jeu des valeurs, sans apporter de réponse unique ni universelle à des problèmes humains. En se fondant sur la responsabilité et l’attention à autrui, sur le rôle du dialogue dans la relation à l’autre, Gilligan montre qu’il est possible de combiner sentiments d’affection et de responsabilité dans l’action pour subvenir aux besoins et au bien-être de l’individu, dans une vision complémentaire d’une éthique fondée sur des principes de droits et de devoirs.

L’articulation d’attitudes d’affection et de responsabilité n’est pas contradictoire si l’on se réfère à la philosophie de Levinas. Lorsque elle explore la nature des relations de care en éducation, Noddings (1988) insiste sur le rôle de l’écoute de l’éducateur pour gagner la confiance des élèves ; le dialogue renseigne les enseignants au sujet des besoins, des habitudes de travail, des intérêts et talents de leurs élèves, pour mieux adapter l’action pédagogique à leur progression individuelle. La recherche d’éclairages permet d’engager le dialogue avec les élèves sur les probables conséquences de leurs actes, pour eux-mêmes et pour les autres, et de les amener à s’exprimer sur leurs motivations et leurs comportements. La bienveillance dans la relation éducative ne mène pas à un relativisme qui conduirait l’éducateur à abandonner ses principes, mais engage l’élève dans une argumentation de son point de vue et de ses choix. Cette approche éducative permet de comprendre ce que l’enfant veut être et ce que nous pouvons, en tant qu’éducateurs, approuver en lui pour l’encourager. A la différence de la théorie de la justice où l’on évalue soi-même les conflits relationnels à l’aune des principes d’égalité et de respect, dans le care soi et les autres ne sont pas des entités séparées mais apportent leur contribution (Paperman, 2011). La relation constitue une figure centrale, « un visage à deux faces » (Ibid., p. 324) à partir duquel l’agent moral perçoit le besoin et tente d’y répondre.

III. Dispositif de recherche

Notre étude vise à comprendre comment les C.P.E, soumis à l’influence de diverses représentations à leur égard, réussissent à investir une véritable posture d’accompagnant auprès de leurs élèves, en dépassant le traditionnel conflit relevé entre éthique et responsabilité. Le dispositif de recherche se centre sur l’axe de la relation d’accompagnement par une approche compréhensive des modalités d’interaction C.P.E. – élève et des effets de la distance/proximité mise avec l’élève dans cette relation.

La démarche méthodologique compréhensive implique une description de l’action en demandant aux acteurs de revivre en pensée leur pratique, en liant le réel à l’éprouvé (Merleau-Ponty, 1945/2009).

L’inspiration est phénoménologique (Ricoeur, 2004) pour le chercheur qui doit s’immerger dans le monde d’autrui et permettre le récit de l’expérience vécue, afin d’éclairer son questionnement : comment le sujet appréhende son action, quelle conscience en a-t’il ?

Dix entretiens exploratoires ont été menés dans une première phase, en conjuguant la méthode

d’entretien compréhensif (Kaufman, 1986) avec l’entretien d’explicitation (Vermersch, 1994), pour

favoriser le récit de l’activité et la verbalisation des affects liés à l’expérience vécue. L’échantillon

représentatif a été constitué en tenant compte de la proportion hommes-femmes et des différentes

typologies d’établissements d’exercice dans un même bassin de formation.

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Les catégories thématiques dégagées de l’analyse de discours (Blanchet et Gotman, 2013) puis de contenu (Bardin, 1997)

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de ces entretiens ont orienté l’élaboration du questionnaire à visée confirmatoire par Sphinx-iQ Online, pour la seconde étape méthodologique. Les questions soumises à l’ensemble des professionnels de l’académie d’Aix-Marseille

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ont concerné cinq domaines du suivi individualisé des élèves par le C.P.E. : modalités d’action, manières d’aborder la situation de l’élève en entretien, travail d’équipe dans l’établissement, implication de l’élève dans le suivi de son parcours et aspect socialisant de l’action.

IV. Résultats et analyse

Les résultats montrent l’existence de trois figures contradictoires de l’accompagnement (Lerbet- Sereni, 2013) au cours d’un continuum de différents moments pédagogiques (Weigand et Hess, 2007).

Nous les illustrons par des extraits de verbatim de l’analyse qualitative et des indicateurs quantitatifs issus du questionnaire.

Le compagnon développe un sentiment d’altérité, de respect de l’autre dans ce qu’il est et ce qu’il veut devenir. Il exprime son bonheur de faire et un souci du bonheur de l’autre (Noddings, 2003 ), qui le conduisent à exercer une vigilance particulière envers l’élève.

Attentif aux besoins, le C.P.E. parle de questions « pompiers », « basiques », pour surveiller les signaux envoyés par les « gamins » et repérer les manifestations de mal-être ou de gravité des situations.

« il arrive chez nous, ben on le voit au teint, pas bien » (Valérie)

« des départs l’après-midi : malade, fatigué … l’air un peu énervé » (Hervé)

Il cherche à créer des moments d’attention :

« je les fais entrer, je ferme la porte, je décroche mon téléphone, je demande à ce qu’on ne me dérange pas, enfin voilà, ils sont là, je suis là, je les écoute (Carine)

« l’élève est braqué, donc, j’écoute l’élève » (Brigitte)

« Ça c’est un principe. Faut écouter », « pas de conseil ni de jugement » (Valérie)

Il veut aussi susciter la confiance dans sa relation avec l’élève, par son attitude et le choix de gestes professionnels lorsqu’il s’assied « à côté » de l’élève ou autour d’une « table ronde » afin de discuter

« d’égal à égal » (Sarah).

« sans brusquer les choses » ; « on sent qu’elle veut pas parler, mais voilà, elle sait quand même, qu’on est là » (Brigitte)

« me poser de l’autre côté de mon bureau, parce qu’il y a un besoin de proximité de parole » (Elena).

9 L’analyse qualitative de contenu a été complétée par Traitement Automatisé du Langage (IramuteQ) pour affiner certains résultats relatifs aux thématiques mises en évidence.

10 Parmi les 161 répondants, 73% de femmes et 25 % d’hommes (idem sur l’académie) : 60% exercent en collège (acad.

54%), 33% en lycée général et technologique (acad. 28%), 7% en professionnel (acad.18%). 30% exercent en REP.

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La reconnaissance de la valeur de l’élève se traduit dans un discours en référence à l’éthique du care, par le souhait formulé de forger des attentes positives pour l’Autre, qui relèvent de l’orientation aveugle du pédagogue

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(Weigand et Hess, 2007). Une attention valorisante et parfois nouvelle est accordée à la vie de l’élève, à ses activités.

« il se rend compte que c’est une personne importante quoi ! Et que ce qu’il fait à l’atelier relais, ça m’intéresse et surtout c’est important, euh, pour la suite de l’histoire, de son histoire. » (Sarah)

« Il y a aussi cette exigence, c’est-à-dire ne pas, ne jamais laisser tomber … Moi je leur dis toujours le rêve au-delà de la montagne » (Valérie)

« essayer, enfin, de les valoriser, de leur montrer qu’ils savent faire des choses » (Clotilde)

L’écoute de l’élève et l’intérêt pour son expérience s’expriment à travers un degré élevé de disponibilité de l’accompagnant, évalué dans le questionnaire :

Figure 1 : Tri à plat Q°11 Priorité de réponse à une demande d’entretien

Dès lors qu’une collaboration en équipe est envisagée autour de situations qui concernent l’élève, la question de l’éthique se pose pour le partage d’informations. Si ce partage avec le personnel social, de santé et d’orientation va de soi pour la totalité des CPE interrogés

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, la démarche varie pour aviser l’élève de cet échange. La majorité des réponses consiste à tenir compte de la situation pour décider de prévenir ou non l’élève d’un échange d’informations entre personnels de l’établissement, et plus d’un tiers des C.P.E. avertissent l’élève quelle que soit la situation. C’est donc le principe d’accompagnement

11 Capacité à se concentrer à la fois sur les besoins du moment et sur les possibilités non encore identifiées du sujet qui dispose d’un droit individuel au développement et à l’autoréalisation.

12 Q° 31 : 100% des CPE déclarent que le partage d’informations avec le personnel social et/ou de santé et/ou d’orientation scolaire fait partie de leurs habitudes de travail

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avec l’autre qui semble le plus fréquemment appliqué, et non celui d’une action devant l’autre qui risquerait de mener à faire sans l’autre.

Si vous avez l’intention de partager des informations sur un(e) élève avec un personnel social/de santé/ ou d’orientation, comment procédez-vous ?

Nb % cit.

Je préviens systématiquement l’élève avant. 53 33,8%

J’en informe l’élève avant ou après avoir partagé ces informations, cela dépend des situations. 93 59,2%

Je ne préviens pas l’élève. 11 7,0%

Total 157 100,0%

Figure 2 : Tri à plat Q° 32 Ethique dans le partage d’informations

Ces échanges avec les autres acteurs de l’établissement vont donner lieu à des régulations nouvelles du système relationnel C.P.E.-élève. Dans des situations d’entretien mené à deux voix ou de partage d’informations confidentielles à propos d’un élève, le C.P.E. est confronté à une grande part d’inconnu, celle de l’interaction avec l’autre adulte impliqué dans la situation. Il en résulte davantage d’incertitude sur la maîtrise de la relation d’accompagnement de l’élève.

« Et même la finalité de l’échange, ce qui s’est décidé au terme de l’échange, c’est pas du tout ce qu’on imaginait et, bon, voilà quoi, pour le coup voilà c’est un type d‘échange parfois, c’est plus frustrant qu’efficace, voilà, il faut aussi s’adapter. » (Sarah)

« il y a des enseignants entre guillemets, il n’y en a pas beaucoup, mais y en a certains qui peuvent faire une fixette sur l’élève aussi, hein ? » (Brigitte)

 Les moments de l’accompagnateur se caractérisent par une approche méta-responsable de l’éducateur, qui démontre une visée de cheminement avec l’élève.

Une démarche de co-construction du C.P.E. est perceptible dans les discours ; elle permettrait d’enrôler l’élève dans la relation d’accompagnement en soutenant sa motivation.

« proposer quelque chose ; qu’ils ressortent avec l’impression qu’il s’est passé quelque chose. Parce que s’ils ont juste parlé et puis ça a servi à rien, euh … » (Elena)

« Alors, pour la ponctualité, euh, d’abord on essaye de comprendre ensemble la situation. » (Valérie)

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« on cherche une solution ensemble. » (Carine) – « à deux sur la question, l’élève et moi et on essaye de comprendre » (Valérie)

« il faut l’amener parce que évidemment tu peux pas dire à un gamin, euh, toi, tu, t’as besoin de voir un psy, quoi ! » (Pierre)

Interroger les C.P.E. sur l’enrôlement de l’élève dans leur stratégie éducative permet d’évaluer s’ils cherchent à associer les élèves à un processus de co- construction de leur parcours scolaire.

Au cours de l’entretien, définissez-vous une stratégie avec l’élève pour répondre à ses difficultés/problèmes ?

Nb % cit.

Oui, quels que soient l’objectif et

la nature de l’entretien. 49 31,2%

Oui, dans certains cas. 101 64,3%

Non. 7 4,5%

Total 157 100,0%

Figure 4 : Tri à plat Q°39 Enrôlement élève dans une stratégie

Une volonté de co-construction est présente chez plus de 95% des C.P.E., dans tous les cas pour les uns, uniquement en fonction de la situation pour les autres. L’idée d’un partage sur le chemin de l’élève est communément admise, comme un principe d’action pour un tiers des répondants, comme s’il n’était pas envisageable d’agir ni d’avancer sans son accord ni sa participation. Les figures de l’accompagnateur et du compagnon sont intimement liées. Pour deux tiers des répondants, tout est affaire de situation : il existe certains cas pour lesquels il n’est pas envisagé de faire participer l’élève aux décisions qui le concernent. Nous n’établissons pas de profils de C.P.E., mais nous constatons une tendance à rechercher la participation de l’élève dans un dialogue éducatif pour le responsabiliser dans son parcours.

Cette question de la responsabilisation est posée de manière plus précise dans la continuité des propos de C.P.E. qui ont expérimenté le fait d’associer l’élève aux décisions disciplinaires le concernant.

Nous interprétons ces propos des professionnels interviewés comme l’expression d’une volonté de

s’éloigner de la représentation du surveillant général chargé de faire appliquer le règlement par des

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décisions disciplinaires. Les résultats du questionnaire montrent que cette pratique de responsabilisation de l’élève dans la prise de décision le concernant est partagée par plus de 83% des professionnels.

Vous arrive-t-il de demander à l’élève de proposer lui-même une réponse à une infraction au règlement intérieur qu’il a commise ?

Nb % cit.

Oui, assez

souvent. 43 27,4%

Oui, parfois. 88 56,1%

Non. 26 16,6%

Total 157 100,0%

Figure 5 : Tri à plat Q° 44 Responsabilisation de l’élève

Les C.P.E. évoquent l’idée d’étayage (Bruner, 1983 ; Vigotsky, 1997) lorsqu’ils disent questionner progressivement, inciter le sujet à participer au diagnostic de sa situation, l’associer aux prises de décision en soutenant sa réflexion et en lui apportant des éléments concrets destinés à la jalonner.

« en tirant des petits fils comme ça « (Clotilde)

« décortiquer » la situation avec l’élève (Muriel)

fixer des « échéances » pour des rencontres ultérieures (Bruno)

« la faire verbaliser sur ce qui va pas, concrètement, qu’est-ce qui l’a dérangée à un moment donné ? » (Elena)

« lui faire dire ce qu’il en pense … surtout comment il pense faire après » (Pierre)

« c’est à lui de travailler, de réfléchir et c’est comme ça qu’on est vivant » (Valerie)

Les réponses à la question sur la volonté d’autonomisation permettent de préciser cette notion de

cheminement : pour près de 73% des C.P.E., le but est de rendre l’élève autonome, en n’exigeant pas de

lui de suivre les prescriptions éducatives, mais en l’invitant à se fixer des objectifs. L’élève est

accompagné de manière à ce qu’il soit maître de ses décisions sur son avenir, tandis que les deux autres

types de réponse s’inscrivent davantage dans le guidage (« lui rappeler ce que vous attendez d’elle/de

lui ») voire le contrôle (« lui fixer des objectifs à suivre »).

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Lors d’un entretien avec un(e) élève, qu’est-ce qui vous paraît le plus important ?

Nb % cit.

Lui fixer des objectifs à suivre. 24 15,3%

Lui demander de fixer des objectifs à suivre. 114 72,6%

Lui rappeler ce que vous attendez d’elle/ de lui. 19 12,1%

Total 157 100,0%

Figure 3 : Tri à plat Q°41 Volonté d’autonomisation

Si les réponses sur la durée de l’entretien individuel indiquent qu’il n’est jamais prolongé au-delà de 45 minutes

13

, l’analyse de contenu, confirmée par le T.A.L., montre l’importance du facteur temps relatif au cheminement dans les discours des C.P.E. :

« même pour les enfants qui sont trop submergés je leur propose de différer »

« l’entretien qui prend un bout de temps, où on prend le temps de se poser, de réfléchir, et euh d’essayer de poser des objectifs aussi » (Clotilde)

« prendre le temps de parler, à nous de déceler un petit peu, mais j’ai plutôt tendance à dire : on se revoit (…) faut pas que ce soit une forme de violence » (Bruno)

« sur des petites choses concrètes d’avancer doucement, en la revoyant, en essayant de voir si ça progresse » (Brigitte)

Ses 68 occurrences sont associées à l’idée de durée nécessaire pour avancer :

**** *e_elena

ils ont pas tous les mêmes sensibilités donc c est vrai que des fois c est difficile de comprendre qu est ce qui pose problème par exemple ça ça se fait avec le temps

**** *e_clotilde

y a des gros entretiens je dirais 5 par jour quoi l entretien qui prend un bout de temps où on prend le temps de se poser de réfléchir et euh d essayer de poser des objectifs aussi

13 La moitié des C.P.E. au moins s’accorde sur une moyenne de 20 à 45 minutes, mais un quart de l’échantillon n’est pas en mesure d’évaluer précisément le temps passé avec l’élève en entretien.

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Les moments du guide s’inscrivent dans la dimension sociale du métier (Gauchet, 2002).

Lorsque le dialogue est rompu, quand l’étayage devient impossible, la confrontation devient nécessaire et s’oppose à la certitude du bien (Cifali, 1999).

Il s’agit d’imposer le cadre en adoptant clairement un positionnement qui s’y réfère : l’asymétrie du dialogue éducatif est assumée, l’autorité fait appel à des règles protectrices et s’illustre finalement par un faible recours au pouvoir de punition. Ce rapport au cadre constituerait un préalable à l’adoption d’une posture d’accompagnant (Lerbet-Sereni, 2013).

« là je suis un peu plus autoritaire et un peu plus dans le rappel des règles (…) reprendre la main » (Carine)

« rappeler aussi qu’on est une structure, et comme dans la vie, on doit répondre, c’est pas l’anarchie.

Donc y’a des règles » (Brigitte)

« sinon ils ont tendance aussi à nous emmener » (Bruno)

« de temps en temps, allez si j’osais, j’allais dire, il faut les déstabiliser sur leurs, sur leurs certitudes » (Hervé)

Le C.P.E. n’hésite pas à jouer un rôle pour montrer sa figure de guide garante du maintien de l’orientation fixée dès le début de la relation.

« c’est toujours moi, et ça ils le savent, qui indique de s’asseoir » (Hervé)

« quand je suis dans la posture du, tu vois du, du surveillant général, une image, j’ai aussi une posture particulière. Je sais que je peux faire peur aux élèves. Je le sais et j’en use, mais j’en abuse pas. Et là en revanche, c’est parfois, c’est joué, c’est sur-joué des fois » (Sarah)

« ça peut aussi se passer de manière plus rugueuse et je le ferai encore une fois dans la composition » (Bruno)

Si le cadre établi est nécessaire à l’instauration d’une relation de confiance, il peut s’assouplir ensuite en fonction de la situation, dès lors qu’il empêche la relation d’évoluer. La figure de l’accompagnateur peut entrer en scène, et (re)-prendre le temps de l’explicitation avec l’élève : le C.P.E. va échanger avec lui pour lui permettre de construire son chemin.

« il y a eu une petite situation de crise, donc il faut, bah, souffler, gérer, donc lui expliquer qu’il risque quand même d’y avoir des sanctions, c’est fort possible … le mettre toujours en perspective en disant, ben, de toute façon, il va falloir que tu continues. » (Pierre)

« y’a des moments où on fait la morale pour les faire avancer » (Elena)

« Alors je leur dis, hein, c’est pas parce que je ne suis pas d’accord avec ce qui vient de se passer, que je vous rappelle les règles et qu’il y a eu dysfonction que je vous manque de respect ! Au contraire je vous respecte parce que je vous le rappelle» (Valérie)

Des moments différents se construisent dans la situation d’accompagnement, entre la commande

sociale et la personnalité de l’éducateur (Weigand et Hess, 2007). Les figures du compagnon et de

l’accompagnateur interagissent entre-elles, tandis que celle du guide intervient lorsque la relation

dépasse son point d’équilibre, pour permettre à l’accompagnateur d’agir à nouveau. L’analyse de la

relation d’accompagnement nouée par le C.P.E. avec l’élève dévoile des possibilités créatives illustrées

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par des capacités d’adaptation liées à sa nature autopoïétique (Varela, 1989)

14

. Des manières de faire et de penser se créent, structurant le système qui évolue en interdépendance avec l’environnement, le modifiant de façon à ne pas créer de rupture qui mettrait en péril la relation elle-même.

Le continuum de ces trois attitudes posturales peut être schématisé comme suit :

Figure 6 : schématisation du continuum de postures en fonction des moments pédagogiques

V. Perspectives

De nouvelles questions de recherche émergent, invitant à explorer davantage la pratique du C.P.E.

pour mieux la comprendre et nourrir la réflexion sur sa formation professionnelle.

L’analyse des verbatim montre que la personnalité de chacun s’exprime dans le déploiemet d’ingéniosités éducatives (Mencacci, 2007).

15

Des rituels mis en place, des manières d’agir face à certains types de situations, procèdent d’une créativité qui contribue à la construction d’une identité professionnelle. Il s’agirait d’explorer le caractère implicite de l’action chez le C.P.E. accompagnant en étudiant les possibilités créatrices qui permettent de faire face à la singularité de chaque situation.

En didactique professionnelle, des interrogations demeurent au sujet des finalités de la relation d’accompagnement par le C.P.E. en lien avec le projet éducatif de l’établissement. Dans l’éthique du care, la production de l’autonomie et de l’identité d’autrui apparaît comme la part noble (Molinier, 2011) d’un travail mené par les professionnels de l’éducation chargés du sale boulot dans l’établissement. L’étude des collectifs de travail associés à la relation CPE – élève conduirait à évaluer en quoi la reconnaissance de cette activité d’accompagnement par les autres acteurs de l’établissement peut favoriser son inscription dans une politique éducative d’établissement au lieu de constituer un palliatif aux problèmes dits de vie scolaire

16

.

14 Comme un organisme vivant doué d’autoreproduction et par conséquent d’évolution, « une machine autopoiétique engendre et spécifie continuellement sa propre organisation » (Varela, 1989, p. 45).

15 «Où je suis allée chercher ça, j’en sais rien, c’est effectivement compliqué de répondre parce que moi, ça me, je le vis de manière tellement naturelle » (Carine)

16 En écho à la réflexion de Clavier (2014, p.4) sur la difficulté du C.P.E. à se positionner entre l’éducateur et le pacificateur dans l’établissement.

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