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Montpellier et sa lagune : histoire sociale et culturelle d'un milieu naturel (XIe-XVe)

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Academic year: 2021

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(1)

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Submitted on 4 Oct 2017

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Montpellier et sa lagune : histoire sociale et culturelle d’un milieu naturel (XIe-XVe)

Lucie Galano

To cite this version:

Lucie Galano. Montpellier et sa lagune : histoire sociale et culturelle d’un milieu naturel (XIe-XVe).

Histoire. Université Paul Valéry - Montpellier III, 2017. Français. �NNT : 2017MON30005�. �tel-

01610105�

(2)

Délivré par l’Université Paul -Valéry Montpellier 3 et l’Université de Sherbrooke

Préparée au sein de l’école doctorale Langues, Littératures, Cultures, Civilisations (ED 58), de l’unité de recherche du Centre d’études médiévales de Montpellier (CEMM, EA 4583) Et du département d’Histoire de l’Université de

Sherbrooke

Spécialité : Histoire médiévale Présentée par Lucie Galano

Soutenue le 20 juin 2017 devant le jury composé de Mme Hélène DÉBAX, Professeur à l’Université

Toulouse 2 Jean Jaurès

Mme Geneviève DUMAS, Professeur à l’Université de Sherbrooke

Directrice M. Patrick GILLI, Professeur à l’Université

Paul-Valéry Montpellier 3

Directeur M. Benoît GRENIER, Professeur à l’Université

de Sherbrooke

M. Daniel LE BLÉVEC, Professeur émérite à l’Université Paul-Valéry Montpellier 3 Mme Enrica SALVATORI, Professeur à l’Université de Pise

M. Mathias TRANCHANT, Maître de Conférences à l’Université de la Rochelle

Volume 1

MONTPELLIER ET SA LAGUNE.

HISTOIRE SOCIALE ET CULTURELLE D’UN

MILIEU NATUREL (XI e -XV e SIÈCLES)

(3)

2

(4)

3 Las paraulas estèlan la nuòch de las causas.

Se miralhan dins l’estanh dels mostres abandonats au fons dau potz etèrn de la tenèbra.

Las paraulas son de lutz en camin, que sabon pas se quauqu'un las espèra.

La nuòch inacababla

1

. Max ROUQUETTE, Las paraulas.

1

Les paroles étoilent la nuit des choses. / Elles se mirent dans l'étang / des monstres abandonnés / au fond du

puits éternel des ténèbres. / Les paroles sont de la lumière en chemin / qui ne savent pas si quelqu'un les

attend. / La nuit infinie. (Dans La maucòr de l’unicòrn, disponible en ligne sur http://www.max-

rouquette.org/extraits/poesie/lo-maucor-de-l-unicorn).

(5)

4

(6)

5

Remerciements

Les premiers mots de remerciements sont toujours à adresser aux directeurs de thèse. Ce n’est pas une exigence académique : cette première place leur est réservée car c’est de leur confiance et de leur soutien que dépend la réalisation d’une thèse de doctorat.

Je remercie mes directeurs, Geneviève Dumas, professeur de l’Université de Sherbrooke et Patrick Gilli, professeur et président de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, qui ont accepté d’encadrer mes recherches. Geneviève Dumas m’a appris beaucoup : à affiner mon analyse et mon cadre conceptuel, à pousser plus loin ma réflexion, à assumer mes interprétations. Patrick Gilli s’est toujours montré disponible quand j’avais besoin de son aide, et ce, même lorsque le temps lui manquait : il a été favorable à tous mes projets, tout en m’empêchant de m’éparpiller dans les recherches parfois. Je remercie Hélène Débax, Benoît Grenier, Daniel Le Blévec, Enrica Salvatori et Mathias Tranchant d’avoir accepté de prendre part à mon jury et de jauger la valeur de mes recherches, nourries par la lecture de leurs travaux.

Pour mener à bien cette thèse, j’ai bénéficié de conditions de travail idéales, ayant obtenu un contrat doctoral puis un poste de demi-ATER à l’Unversité Paul-Valéry.

L’équipe du CEMM m’a réservé un accueil chaleureux et m’a apporté un souti en financier qui a permis de concrétiser nombre de mes projets, dont la participation à des colloques et l’organisation de manifestations scientifiques, parfois en complément de l’aide octroyée aux doctorants par l’École Doctorale 58. Je n’oublie pas non plus le soutien financier du département de Sherbrooke, qui m’a accordé deux bourses et a ainsi contribué à l’aboutissement de mes recherches.

Si l’inscription en cotutelle comprend ses méandres administratifs, j’ai tiré beaucoup de cette expérience, car j’ai pu bénéficier des formations doctorales montpelliéraines et sherbrookoises, assez différentes mais tout à fait complémentaires. Les lectures de Benoît Grenier et d’Harold Bérubé ont particulièrement servi à recentrer mon projet de thèse, à établir ses ramifications, à sélectionner les concepts sur lesquels l’appuyer et à le positionner dans l’historiographie internationale. L’accueil reçu à l’Université de Sherbrooke lors des semestres d’été 2012 et d’hiver 2013 n’a en rien démenti la réputation québécoise : j’y ai trouvé beaucoup de bienveillance et de gentillesse.

Je tiens également à présenter ma gratitude aux membres du personnel des archives municipales de Montpellier et des archives départementales de l’Hérault, ainsi qu’aux personnels administratifs de mes deux universités de rattachement, toujours prompts à répondre aux demandes qu’on pourrait leur formuler.

Je réserve des remerciements particuliers à ma collègue et amie, Lucie Laumonier, qui m’a fait bénéficier de son expérience, m’a motivée à participer à des colloques et même, à en organiser un. Je remercie Françoise Durand-Dol, Thomas Granier, Jean-Michel Ganteau, Tony Rey, et bien d’autres collègues encore, pour les discussions stimulantes échangées et pour leurs encouragements et leur bienveillance.

Les derniers remerciements doivent être adressés à ceux qui, par leur soutien,

accompagnent le doctorant tout au long de son parcours. Mes pensées vont vers ma belle-

famille, vers mon père et son épouse, vers mes sœurs et mes nièces, Jehanne, Emma, et

(7)

6

Clara qui m’a aidée à terminer la carte que je voulais tant ajouter à mon travail, et vers ma

mère qui m’a toujours fait profiter de son écoute patiente. Enfin, merci à Muriel, ma

meilleure amie, et à Mickaël, mon compagnon, d’avoir su être discrets et présents à la fois.

(8)

7

Tables des matières

REMERCIEMENTS ... 5

TABLES DES MATIERES ... 7

AVANT-PROPOS ... 13

LISTE DES ABREVIATIONS ... 14

INTRODUCTION ... 15

I. D

EFINITION DU CADRE D

ANALYSE ET DELIMITATION SPATIO

-

TEMPORELLE DU SUJET

... 17

1. Les perspectives de l’histoire environnementale ... 17

2. Les « temps de l’environnement » ... 21

3. Géosystème, territoire et paysage ... 23

II. R

ETOUR SUR L

HISTOIRE POLITIQUE DU

B

AS

-L

ANGUEDOC ORIENTAL

... 26

III. L

ES SOURCES DE L

HISTOIRE DE LA LAGUNE

... 36

PREMIÈRE PARTIE ... 49

GOUVERNER ET ADMINISTRER L’ESPACE LAGUNAIRE ... 49

INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE ... 51

CHAPITRE 1 ... 55

LIEUX D’ANCRAGE DU POUVOIR SEIGNEURIAL SUR LE LITTORAL (XI

E

-XIII

E

SIECLES) . 55 I. L

ES PLACES FORTES DES COMTES DE

M

ELGUEIL SUR LE LITTORAL

... 58

1. Le chef-lieu comtal à Melgueil et ses annexes, Candillargues et Mudaison ... 58

2. Deux places fortes du comitatus sur le littoral : Balaruc et Frontignan ... 63

II. L’

EMPRISE TERRITORIALE DE

M

AGUELONE SUR LE LITTORAL

... 69

1. La cité épiscopale dans son île ... 69

2. L’évêque face à son chapitre ... 75

3. Villeneuve, une coseigneurie de Maguelone ... 78

4. Vic, un établissement castral tardif ... 82

5. Pérols et Carnon : points d’appui du pouvoir épiscopal et capitulaire ? ... 85

III. L

ES LIEUX DE POUVOIR DE LA SEIGNEURIE MONTPELLIERAINE SUR LE LITTORAL

... 90

1. Un autre chef-lieu du pouvoir seigneurial des Guilhem : Lattes ... 91

2. La construction d’une forcia nova : Mireval ... 96

C

ONCLUSION

... 100

CHAPITRE 2 ... 103

DE LA LAGUNE AUX ETANGS. ... 103

DIVISION ET DELIMITATION DU BASSIN LAGUNAIRE ET PARTAGE DE SES RESSOURCES. ... 103

I. F

ONDEMENTS ET MANIFESTATIONS DE L

APPROPRIATION SEIGNEURIALE DE L

ESPACE LAGUNAIRE

(XI

E

-XIII

ESIECLES

) ... 104

1. Aux origines de la division du bassin lagunaire : le démantèlement du domaine comtal. ... 104

A. L’acquisition d’un patrimoine lagunaire : l’exemple de l’étang du chapitre de Maguelone ... 106

B. L’appropriation d’un patrimoine lagunaire : l’exemple de l’étang des Cournon-Montlaur ... 109

2. La démultiplication des droits prélevés dans les territoires lagunaires ... 111

A. La privatisation des regalia : les droits sur les navires et les droits de péage ... 112

a) Le droit de naufrage ... 112

b) Les droits sur les navires ... 114

B. Les droits sur les ressources lagunaires : uniquement des droits fonciers ?... 117

(9)

8

C. Les dîmes, revenus du pouvoir spirituel ... 120

D. Une prédominance des coseigneuries dans la lagune ? ... 122

II. L

A DELIMITATION DU BASSIN LAGUNAIRE

(XI

E

– XIV

E SIECLES

) ... 128

1. Un avènement progressif (XI

e

-mi XIII

e

siècles) ... 128

A. L’imprécision des premiers temps (XI

e

-XII

e

) ... 128

B. La constitution de parcelles dans les étangs : un moteur de la délimitation ? ... 131

2. L’affirmation des espaces juridictionnels dans la lagune (XIII

e

-XIV

e

siècles) ... 134

A. Les pratiques de bornage ... 136

B. Délimiter l’espace lagunaire ... 140

C. La matérialisation du pouvoir seigneurial : bornes et pals, fourches patibulaires et panonceaux ... 142

3. Tentatives de reconstitution des limites des étangs ... 148

A. La délimitation des eaux du bassin de Thau et de l’étang de Balaruc ... 149

B. Les eaux et les zones humides de Frontignan, des Aresquiers et de Vic ... 153

C. Les eaux de Maguelone, de Melgueil-Carnon et de Lunel ... 157

D. La dénomination des étangs ... 162

C

ONCLUSION

... 164

CHAPITRE 3 ... 167

DROITS DE JURIDICTION, D’USAGE ET DE GESTION DES COMMUNAUTES URBAINES ET RURALES AUTOUR DU BASSIN LAGUNAIRE ... 167

I. L

A GESTION DU LITTORAL PAR

M

ONTPELLIER

:

L

INSTITUTION DU CONSULAT DE MER

... 168

1. Caractérisation d’une institution méconnue de Montpellier... 170

A. L’origine du consulat de mer ... 170

B. Principes de l’élection et portraits des consuls de mer. ... 171

2. Le pouvoir des consuls de mer et les moyens de l’exercer... 179

A. La fiscalité ... 179

B. L’acquisition d’un temporel ... 185

C. L’exercice du pouvoir des consuls de mer ... 188

3. Conflits et défenses ... 193

A. Le sénéchal de Beaucaire contre les consuls de mer (1322) : la défense des prérogatives consulaires et la mise en dépendance de l’arrière-pays lagunaire ... 193

B. Le bayle de Lattes contre les consuls de mer (1333-1338) : une émancipation de Lattes de la domination montpelliéraine ? ... 197

C. Entre contestation et affirmation du pouvoir des consuls de mer ... 199

II. L

ES DROITS DES COMMUNAUTES RURALES DU POURTOUR LAGUNAIRE

... 202

1. La constitution des gouvernements ruraux ... 203

A. Probes hommes, syndics, consuls et autres : le vocabulaire des représentants des communautés rurales 204 B. Les « interlocuteurs » des seigneurs ... 208

C. L’universitas de Melgueil, Mudaison et Candillargues : une redéfinition de la « communauté » ? ... 213

2. Les droits des communautés rurales sur l’environnement lagunaire et leurs revendications .... 216

A. Revendications et conflits autour de la gestion des communaux ... 217

B. Les acquisitions des communautés rurales hors de leur territoire ... 225

C

ONCLUSION

... 230

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE ... 233

DEUXIÈME PARTIE ... 235

EXPLOITER LES RESSOURCES DU MILIEU LAGUNAIRE ... 235

INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE ... 237

CHAPITRE 4 ... 239

LES TERRES LAGUNAIRES : ENTRE EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES ET TRANSFORMATION DU MILIEU ... 239

I. L’

EXPLOITATION DES RESSOURCES NATURELLES

... 241

(10)

9

1. La pratique de la chasse autour de la lagune ... 242

A. Les espèces animales du pourtour lagunaire ... 243

B. La réglementation de la chasse : une affaire d’espaces, d’espèces et de techniques ... 245

a) Les chasses dans les forêts et sur les bordures du pourtour lagunaire ... 246

b) Quelques techniques de chasse des oiseaux dans la lagune ... 248

c) Pluriactivité et commercialisation autour de la chasse ... 252

2. Extraction des terres et des sables, cueillette des végétaux et exploitation du bois : des activités dans l’ombre mais des pratiques courantes ? ... 255

A. L’extraction des terres et des sables et leurs usages ... 256

B. La cueillette et la coupe des végétaux : ... 257

C. Du ramassage à l’organisation des coupes : l’exploitation des bois ... 265

II. C

ONTROLE DE L

EAU ET AMENAGEMENT DU MILIEU LAGUNAIRE

:

VERS UNE DEFINITION DES TERROIRS

280 1. Entre drainage des terres et maintien des paluds... 280

2. La revendication du contrôle de l’eau par les pouvoirs locaux : la dérivation des cours d’eau, un objet de conflit... 285

3. Au-delà de l’assèchement et de l’irrigation des terres : l’aménagement des rives lagunaires pour la pêche et l’exploitation du sel ... 290

4. La qualification des terroirs et le choix des ressources produites ... 298

III. P

RODUCTION ET COMMERCIALISATION DES RESSOURCES DU LITTORAL

:

AGRICULTURE

,

ELEVAGE ET EXPLOITATION DU SEL

... 308

1. L’élevage et la vente des productions carnées ... 312

A. La mobilité des troupeaux ... 312

B. Les produits de l’élevage : alimentation et artisanats autour des animaux ... 315

2. Les exploitations agricoles : une valorisation de la viticulture autour de la lagune ? ... 318

A. L’exploitation et la surveillance des vignobles ... 318

B. Les produits issus de l’agriculture : deux exemples contrastés, les céréales et le vin ... 321

3. L’exploitation et le commerce du sel : un cas particulier ... 328

A. L’emploi d’une main-d’œuvre qualifiée... 328

B. La revente du sel... 333

4. Des petites exploitations aux grands manses : l’arrière-pays littoral aux mains des Montpelliérains ? ... 340

A. Des ruraux, loin d’être démunis… ... 340

B. …mais un investissement précoce et pérenne de Montpellier autour de la lagune. ... 343

C

ONCLUSION

... 348

CHAPITRE 5 ... 351

EXPLOITATION ET COMMERCIALISATION DES RESSOURCES PISCICOLES ... 351

I. C

ATEGORISATION ET REPRESENTATION DES RESSOURCES PISCICOLES LAGUNAIRES ET MARITIMES

. 352 1. Une biodiversité méconnue ? ... 353

A. Dynamiques naturelles environnementales ... 353

B. Données archéologiques et documentation écrite ... 355

C. Pratiques de dénomination des espèces ... 359

2. Représentation des ressources halieutiques ... 361

A. Une « nourriture de pénitence » ... 361

B. Hiérarchie des ressources halieutiques ... 364

3. Conserver et cuisiner le poisson ... 368

A. Prévoir et conserver ... 368

B. Des précautions prises autour de la consommation du poisson ... 371

C. Apprêter le poisson ... 373

II. L

E COMMERCE DU POISSON ET DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

... 375

1. Les conditions du ravitaillement ... 376

A. Une économie de subsistance dans l’ombre ... 376

B. La revente locale du poisson ... 379

2. La poissonnerie de Montpellier ... 384

(11)

10

A. Structure et législation de la poissonnerie ... 384

B. Organisation du commerce du poisson ... 388

C. Les revenus de la poissonnerie ... 394

III. L

A PRODUCTION DES RESSOURCES HALIEUTIQUES

:

ENTRE INNOVATIONS ET PERMANENCES

... 402

1. Caractéristiques des techniques de pêche ... 403

A. Les pêches embarquées ... 403

a) Zones de pêches ... 404

b) Les techniques des pêches embarquées... 407

B. Les pêcheries fixes ... 412

a) À l’origine des pêcheries…... 412

b) L’immobilisme des pêcheries fixes ... 414

c) Caractéristiques et organisation des maniguières ... 416

C. L’exploitation des maniguières : une entreprise protocapitaliste sur le littoral ?... 422

a) Le développement des maniguières du XIII

e

au XIV

e

siècle ... 422

b) Le prix des maniguières : un investissement sûr encore au XV

e

siècle... 426

c) Montpelliérains et Frontignanais à la tête des pêcheries fixes ... 427

2. Des droits des seigneurs sur les pêcheurs, leurs productions et les pratiques de leur activité .. 429

A. Rappel des droits des seigneurs et de la question du caractère publique des eaux lagunaires ... 429

B. Taxer l’activité des pêcheurs... 433

C. Réglementer l’activité des pêcheurs ... 437

a) La réglementation des techniques : moteur ou frein à l’innovation ? ... 437

b) L’instauration des périodes de pêches ... 440

c) Répression des pêches prohibées, conflits et concurrences autour de la réglementation des pêches442 C

ONCLUSION

... 446

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE... 449

TROISIÈME PARTIE ... 451

LA NAVIGATION EN BAS-LANGUEDOC, ENTRE OPPORTUNITÉS ET CONTRAINTES ... 451

INTRODUCTION DE LA TROISIEME PARTIE ... 453

CHAPITRE 6 ... 455

LES NAVIRES DU LITTORAL BAS-LANGUEDOCIEN : UNE MISE EN LUMIERE DE LA NAVIGABILITE DU MILIEU ... 455

I. L

A QUESTION DE LA NAVIGABILITE DU BASSIN LAGUNAIRE REPOSEE

... 455

1. Une donnée mésestimée : l’apport de la géomorphologie ... 456

2. Un espace de navigation fréquenté depuis l’Antiquité ... 462

II. L

ES SPECIFICITES DES EMBARCATIONS PRESENTES SUR LE LITTORAL BAS

-

LANGUEDOCIEN ET DANS LA LAGUNE

... 466

1. Les noms des embarcations : considérations sur le vocabulaire ... 466

2. Entre adoption des modèles internationaux et spécification des embarcations ... 473

A. Sur le modèle des types internationaux : navires ronds, navires longs et leurs agrès ... 473

a) Naves et navires ronds ... 473

b) Navires longs... 475

c) Un type inclassable ? La barca. ... 479

B. Des embarcations caractéristiques de l’espace lagunaire ... 481

a) Le caupol, une embarcation emblématique de la lagune bas-languedocienne au Moyen Âge ? ... 481

b) Des types régionaux difficiles à identifier... 484

c) Barca stacam, radellus, carras et barca de pallela ... 485

III. L

A NAVIGATION

,

UNE AFFAIRE DE TONNAGE ET DE RYTHME

... 486

1. La navigation : avant tout, une question de tonnage ? ... 487

2. Les rythmes de la navigation ... 493

IV. L

A CONSTRUCTION NAVALE

... 499

1. Pratique et théorie de la construction navale ... 499

2. Ravitaillement et fonctionnement d’un chantier naval ... 502

(12)

11

3. Une présence certaine mais non documentée des chantiers navals sur le pourtour lagunaire ? 506

C

ONCLUSION

... 515

CHAPITRE 7 ... 519

PARCOURS ET ESCALES DE LA NAVIGATION SUR LE LITTORAL BAS-LANGUEDOCIEN 519 I. C

ATEGORISATION DES INFRASTRUCTURES PORTUAIRES BAS

-

LANGUEDOCIENNE DURANT LA PERIODE MEDIEVALE

... 521

1. La question de la topographie et la hiérarchisation des infrastructures portuaires ... 521

A. Des zones de mouillage aux abords des graus ... 522

B. Les graus, les ports de mer du littoral ? ... 528

C. Les ports lagunaires et fluviaux ... 532

2. Un autre élément de catégorisation des ports : leurs fonctions ... 538

A. Le port, lieu de passage, de commerce et de sociabilité ... 540

B. Une vocation fiscale très marquée ... 542

C. Une fonction sécuritaire mal assouvie ? ... 545

II. E

NTRE NATURE ET ARTIFICE

. A

PPROCHE DIACHRONIQUE DE L

AMENAGEMENT DES PARCOURS DE NAVIGATION SUR LE LITTORAL BAS

-

LANGUEDOCIEN

... 547

1. Le renouveau de la navigation et la question des graus (XI

e

-début XIII

e

)... 550

2. Un renforcement des activités navales et de l’aménagement du milieu lagunaire (1250-1330) 553 A. L’évolution des graus du littoral ... 553

B. Retour sur le projet de 1250 : la construction d’un chenal du milieu des eaux lagunaires ? ... 556

C. Le port d’Aigues-Mortes : une opportunité devenue contrainte ... 560

3. Nouvelles contraintes, nouveaux défis (1330-début XV

e

siècle)... 565

A. Lattes et le Lez : une mise en lumière de l’aménagement des infrastructures portuaires ... 566

a) L’hydrographie complexe du Lez ... 567

b) Les travaux de 1334 ... 573

c) L’expertise de 1351 ... 578

d) Une lutte interminable avec le fleuve ... 582

B. Exploiter le potentiel des graus ou définir ce qu’était « un bon port » : les projets de ports de mer au XIV

e

siècle ... 587

C

ONCLUSION

... 594

CHAPITRE 8 ... 597

MONTPELLIER, VILLE MARITIME (XIII

E

-XV

E

) ... 597

I. M

ONTPELLIER

,

AU CŒUR DES RESEAUX MEDITERRANEENS

:

UNE AFFAIRE DIPLOMATIQUE ET POLITIQUE

... 599

1. Les traités de paix et de commerce ... 600

2. La création de comptoirs dans le Levant et la création des consulats d’outremer ... 603

3. Garantir la sécurité des affaires maritimes ... 606

A. L’imposition d’une marque ... 607

B. Les limites du recours en justice ... 609

II. L

A FLOTTE DE

M

ONTPELLIER

... 613

1. Construire et affréter des navires ... 614

2. Profiter de la navigation sans avoir à monter à bord : les contrats de commande et de sociétés 620 A. Un encadrement institutionnel de la pratique : la création du consul sur mer et du régent des marchands navigants ... 622

B. Une pratique courante des habitants, mais aussi du consulat ... 624

C. Une oligarchie soucieuse du maintien des affaires maritimes : portraits de régents ... 628

III. L

A CONCURRENCE ENTRE

M

ONTPELLIER ET

A

IGUES

-M

ORTES

:

UN ECUEIL INSURMONTABLE POUR LA NAVIGATION EN

B

AS

-L

ANGUEDOC

? ... 633

1. Retour sur le monopole du port royal ... 633

2. La fiscalité du port d’Aigues-Mortes et les réparations du port : l’intervention des

Montpelliérains ... 636

(13)

12

3. Les effets de la concurrence sur le milieu ... 639

C

ONCLUSION

... 643

CONCLUSION DE LA TROISIEME PARTIE ... 645

CONCLUSION ... 649

L

A REPRESENTATION DU MILIEU LAGUNAIRE DURANT LA PERIODE MEDIEVALE

... 649

D

YNAMIQUES DE PEUPLEMENT ET CONSTRUCTIONS IDENTITAIRES AUTOUR DE LA LAGUNE

... 660

R

ETOUR SUR L

HISTOIRE ENVIRONNEMENTALE ET L

HISTOIRE DES ZONES HUMIDES

... 672

LISTE DES FIGURES ... 677

LISTE DES TABLEAUX ... 679

INDEX DES LIEUX ... 680

(14)

13

Avant-propos

Quelques indications préliminaires doivent être apportées ici qui serviront le lecteur. La thèse se compose de deux volumes. Dans le second volume comprenant les annexes, le lecteur trouvera plusieurs documents cartographiques dont une reconstitution que j’ai réalisée à partir des différentes informations reccueillies dans les archives et dans les références bibliographiques (annexe 13, document 7). Le document a été imprimé en grand format, pour plus de lisibilité. Je n’indiquerai donc pas systèmatiquement en note de bas de page à quel moment s’y référer : le lecteur pourra y avoir accès tout au long de sa lecture, les indications toponymiques émaillant à de nombreuses reprises le propos.

Je tiens à apporter deux précisions concernant certaines sources employées et les références que le lecteur retrouvera à ces archives. L’un des principaux fonds d’archives sollicités ici est la série dite « du Grand Chartrier » ou fonds « Louvet » des archives municipales de Montpellier. La référence à l’inventaire de cette série (le tome I, dont on retrouvera la notice complète dans la présentation des sources) était très longue et si recurrente que j’ai décidé d’employer plus brièvement Inventaire du grand Chartrier en note de bas de page. De même, les références à certaines sources éditées étaient trop longues et trop nombreuses pour les rappeler systématiquement : le lecteur trouvera juste après la liste des abriévations employées pour les désigner (par exemple « CM » pour le Cartulaire de Maguelone). Concernant le Petit Thalamus, le livre de la ville de Montpellier comprenant les serments des habitants et des membres du consulat, les statuts régissant le gouvernement urbain et une chronique relatant plusieurs événements de son histoire, j’ai utilisé l’édition réalisée par la Société archéologique de Montpellier et non le manuscrit original conservé aux archives municipales, par commodité et pour plus de rapidité de traitement. J’ai consulté systématiquement la nouvelle édition en ligne pour les références à la chronique.

L’onomastique peut être un véritable casse-tête pour l’historien, surtout lorsque les

noms qu’il rencontre sont énoncés tantôt en latin, tantôt en langue vernaculaire (et d’autres

fois encore, en un mélange des deux). J’ai décidé de privilégier la graphie régionale, sans

tomber toutefois dans des excès confondants. Pour les personnages les plus connus de

l’historiographie, j’ai adopté la graphie consacrée. Ainsi, les Jean restent des Johan, les

Guillaume des Guilhem, les Étienne des Stéphane (de Stephanus), mais les Bernat sont

devenus des Bernard (graphie employée dans l’historiographie pour désigner, par exemple,

le fameux marchand de Montpellier, Bernard Salomon), et les Jacme, Jayme, Jaume, des

Jacques, en raison des nombreuses variations graphiques de ce prénom. En revanche,

certaines archives, comme le registre des élections consulaires (employé dans les

annexes 3 et 4 notamment), étaient trop longues à traiter pour harmoniser tous les noms et

les prénoms : j’ai donc conservé la graphie originale, retranscrite au moment de la

paléographie du document. Le lecteur constatera que l’identification reste assez aisée :

Michel Tinctureri ou encore Tenchurier est bien un membre de la famille « Teinturier »,

bien connue de l’historiographie montpelliéraine. De manière générale, que ce soit pour les

noms, les références aux archives ou bibliographiques, j’ai toujours favorisé

l’harmonisation, afin de faciliter le plus possible la lecture de ce travail.

(15)

14

Liste des abréviations

ADH : Archives Départementales de l’Hérault AMM : Archives Municipales de Montpellier ADG : Archives Départementales du Gard

BM : Bullaire de Maguelone (édité par Julien Rouquette et Augustin Villemagne)

CAAG : Cartulaire des abbayes d’Aniane et de Gellone (édité par la Société archéologique de Montpellier)

CL : Cartulaire de Lattes (tome III des inventaires des AMM, édité par Joseph Berthelé) CM : Cartulaire de Maguelone (édité par Julien Rouquette et Augustin Villemagne)

CRAM : Cartulaire des rois d’Aragon et de Majorque (tome III des inventaires des AMM, édité par Joseph Berthelé, avec extraits des sources)

LIM : Liber instrumentorum memorialis (édité par Alexandre Germain) LNM : Livre noir de Maguelone (inventaire édité par Julien Rouquette) SJV : Les Statuts de Jean de Vissec (édités par Jean-Loup Lemaître)

TP : Thalamus Parvus (édition du Petit Thalamus par la Société archéologique de

Montpellier).

(16)

15

INTRODUCTION

En 1536, le Pape Paul III, alerté par l’évêque Guillaume Pelicier de la détérioration des conditions de vie des chanoines installés dans la cité de l’île de Maguelone, autorisait la translation du siège épiscopal à Montpellier

1

. Cette cité occupée pourtant depuis des temps « immémoriaux », était désormais désertée à cause des attaques des réformés et de l’air corrompu de ce lieu palustre, qui menaçaient de mort ses habitants

2

. Cette description peu avantageuse du milieu lagunaire et marin qui entourait l’île avait de beaux jours à vivre. La dépréciation des conditions de vie qu’offrait l’île de Maguelone au début du XVI

e

siècle avait eu tendance à figer l’imaginaire entourant le paysage lagunaire dans une période donnée, au point d’être adopté par l’historiographie

3

. Au XIX

e

siècle, au moment où s’élaborait une historiographie régionale devenue traditionnelle et incontournable, la description de la lagune du Bas-Languedoc conservait une dimension péjorative

4

. Cela concourait à entourer d’un voile énigmatique le choix du site de Maguelone comme centre diocésain

5

; cela posait aussi le dynamisme des activités navales de Montpellier comme un

1

Gallia Christiana Novissima, t. VI, pièce justificative 65, §389-410.

2

« Sane cum a tempore cujus initii hominum memoria non existit in insula mari Mediterranei partium regni Franciae et provinciae Narbonensis, Magalonensi nuncupata, ad litus ipsius maris, et certo loco palustri, una civitas quae Magalonensis nuncuparetur, ac inibi una cathedralis ecclesia ordinis sancti Augustini, sub invocatione beati Petri apostoli, pro uno episcopo Magalonensi nuncupando, qui eidem ecclesiae praecesset, prout ex tunc praefuit, certo territorio, seu districtu eidem civitati pro illius diocesi assignato, apostolica auctoritate erectae fuerint ; ac successu temporis causantibus orthodoxae fidei hostium insultibus qui insulae et civitatis praedictorum incolas infestarunt, ac morbis quibus incolae ipsi ob ejusdem palustris loci corrumptum aërem frequenter laborant, insula et civitas praedictae adeo desertae et habitatoribus vacuae effectae extiterunt, ut inibi fere nulla civitati vestigia (…) ». Ibid (§389).

3

« La Provence offrait de nombreux havres abrités tandis que la côte languedocienne, inhospitalière, plate et marécageuse, était infestée par la malaria. » HOCQUET, Jean-Claude, « Les Pêcheries médiévales », dans MOLLAT, Michel (dir.), Histoire des pêches maritimes en France, Toulouse, Privat, 1987, p. 36-129 (ici p. 57). Il faut dire que Jean-Claude Hocquet suivait là ce que disait Louis Michel, dans une étude assez brève, qui se fondait sur la bulle de Paul III pour décrire la lagune. MICHEL, Louis, La langue des pêcheurs du Golfe du lion, Paris, édition d’Artrey, 1964.

4

« Entre la plage de Maguelone toutefois et la lisière du continent s’étendaient diverses nappes d’eau stagnante d’inégale profondeur. » GERMAIN, Alexandre, Histoire du commerce, t. I, p. 40.

5

LEMAÎTRE, Jean-Loup, « Une cathédrale en son île : Maguelone », Cahiers de Fanjeaux « La cathédrale

(XII

e

-XIV

e

siècle) », tome 30 (1995), Toulouse, Privat, p. 79-95.

(17)

16 paradoxe

1

. Pourquoi donc les sociétés médiévales s’étaient-elles tournées vers le littoral, si ce milieu était inhospitalier ? De là, provient l’hypothèse qui sous-tend ce travail de recherche : la solution à ces difficultés de compréhension de certains aspects de l’histoire régionale résiderait dans l’identification d’un « moment » où la représentation de la lagune et de ses bordures avait basculé dans une péjoration qui avait masqué ses attraits. La situation environnementale de la lagune durant les périodes médiévale et moderne était-elle similaire ? Cette dépréciation n’est-elle pas plutôt le résultat d’une détérioration des conditions de vie survenue plus tardivement ? En d’autres termes, quel rapport les sociétés littorales entretenaient-elles avec ce milieu particulier au Moyen Âge ? En adoptant des approches historiographiques récentes et des tendances actuelles tournées vers l’environnement et le patrimoine régional, il est possible de poser un nouveau regard sur l’exploitation et l’occupation de l’espace lagunaire durant la période médiévale pour en renouveler les interprétations.

Ces questions placent l’environnement au cœur de la recherche : bien sûr, les hommes restent les sujets de cette histoire de la lagune, mais prendre en considération les spécificités de ce milieu apparaît prépondérant pour établir les tensions (au sens positif et négatif) matérielles auxquelles les sociétés étaient soumises et auxquelles elles soumettaient l’espace naturel l’entourant. Les mécanismes d’appropriation, d’exploitation et de protection sont les principales manifestations des relations que l’homme entretenait avec son milieu. L’histoire environnementale, perspective novatrice encore peu développée en France, constitue l’approche la plus prometteuse pour interroger ces relations, mettant en avant leurs aspects matériels, politiques et culturels

2

. Cela inscrit également la recherche dans un courant bien développé par les études françaises portant sur la « spatialisation » des phénomènes sociaux

3

. Cette spatialisation tend plus précisément ici vers une régionalisation, dessinant une ligne de démarcation autour du littoral lagunaire bas- languedocien, afin de considérer les populations qui fréquentaient le plus souvent cet espace. L’étude du milieu lagunaire permet ainsi de revoir certains éléments de connaissance de l’histoire régionale traditionnelle sous un nouveau jour. La définition des

1

LARGUIER, Gilbert, « Ports du Golfe du Lion et trafics maritimes », dans FABRE Ghislaine, LE BLÉVEC Daniel et Denis MENJOT (dir.), Les Ports et la Méditerranée au Moyen âge, Montpellier, éditions du Manuscrit, 2009, p.61-75.

2

BEDNARSKI, Steven, « Changing Landscapes: A Call for Renewed Approaches to Social History, Natural Environment, and Historical Climate in Late Medieval Provence », Memini. Travaux et documents, n°19-20 (2015-2016), p. 423-457 (voir p. 427).

3

CROUZET-PAVAN, Élisabeth, Venise triomphante, les horizons d’un mythe, Paris, Albin Michel, 1999.

(18)

17 grands événements de la vie politique contribue à présenter leurs acteurs et les cadres du pouvoir qui restaient les principaux commanditaires de la rédaction des archives, même si le développement de la pratique notariale offrait une agentivité scripturaire à bien des individus. Cette introduction permettra de revenir sur ces points qui apparaissent comme un préalable nécessaire à la recherche : la définition de son cadre méthodologique et spatio-temporel et la désignation de quelques jalons de l’histoire régionale, avant de présenter les sources nombreuses dont on dispose pour mener à bien ce travail.

I. Définition du cadre d’analyse et délimitation spatio-temporelle du sujet 1. Les perspectives de l’histoire environnementale

L’approche environnementale n’a été adoptée que récemment par les médiévistes

1

. Son influence s’est faite essentiellement ressentir auprès des historiens du monde rural qui, déjà sensibilisés aux apports des disciplines connexes (archéologie, dendrochronologie, palynologie, etc.), en intégraient les méthodes et les résultats à leurs recherches

2

. L’une des contributions les plus notables des médiévistes du monde rural interrogeant des problématiques liées au milieu est le renouvellement sémantique qu’ils ont apporté à certaines notions clés de la « spatialité »

3

. Les recherches mettant en application l’approche environnementale ne sont pas encore très nombreuses, que ce soit en France ou au Québec,

1

Pour une présentation de cette approche encore nouvelle chez les médiévistes, voir BURNOUF, Joëlle, PUIG, Carole, DURAND, Aline, DUCEPPE-LAMARRE, François, GUIZARD-DUCHAMP, Fabrice, BAILLY-MAITRE, Marie-Christine et Corinne BECK, « Sociétés, milieux, ressources : un nouveau paradigme pour les médiévistes », Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur public, « Être historien du Moyen Age au XXI

e

siècle », volume 38, n°1 (2007), p. 95-132.

2

L’interdisciplinarité, notamment entre histoire et archéologie, qui permet de recueillir et de traiter les sources matérielles et textuelles nécessaires à la réalisation de l’approche environnementale, est un des points essentiels de sa méthodologie. Ibid., p. 98-101. Si la pluridisciplinarité est une donnée ancienne de l’épistémologie historique (en particulier dans les rapports entretenus entre histoire et géographie), la place des disciplines dites « auxiliaires » jusqu’alors, a été réévaluée. De là provient l’acception qui exige de parler désormais de disciplines « connexes » et d’ « interdisciplinarité ». Voir à ce propos CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER, « Conclusion générale. Territoires nouveaux, territoires complexes, terres ouvertes », dans CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER (dir.), Les Territoires du médiéviste, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 439-445.

3

Voir l’ouvrage collectif cité plus haut qui est le résultat d’un travail collectif d’historiens et d’archéologues sur la notion de « territoire », rencontrant nécessairement celle d’espace, de paysage et d’environnement.

CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER (dir.), Les Territoires du médiéviste, op. cit.

(19)

18 et concernent surtout les périodes moderne et contemporaine

1

. En comparaison, l’histoire environnementale apparaît comme un champ d’étude nettement plus développé par les médiévistes anglophones, et notamment aux États-Unis

2

. Il apparaît toutefois que les recherches se multiplient en France ces dernières années, en raison des enseignements nombreux que l’approche environnementale dispense sur les rapports entre sociétés et milieux, notamment par l’étude de l’exploitation et de la gestion des ressources naturelles

3

. Mais les différents types d’environnement et de ressources ne font pas tous l’objet de la même attention. L’étude de la forêt a particulièrement profité du renouvellement épistémologique : la lecture historiographique classique fondée sur une dichotomie

« nature/culture » envisageant la forêt comme un espace hostile et à défricher afin de le valoriser, a été dépassée grâce à la mise en avant de l’intérêt économique fondamental que représentaient les ressources forestières et l’instauration d’une gestion durable de son exploitation

4

. L’exploitation du sous-sol, que ce soit pour le métal ou pour la roche en raison de l’importance première que prenaient ces ressources dans l’économie médiévale, et notamment pour les constructions, a également bénéficié de nouveaux regards

5

. De telles

1

Pour un bilan historiographie complet de cette approche, qui a plus particulièrement nourri les recherches aux États-Unis et qui reste peu adoptée en Europe, voir LOCHER, Fabien et Grégory QUÉNET, « L'histoire environnementale : origines, enjeux et perspectives d'un nouveau chantier », Revue d’histoire moderne et contemporaine, « Histoire de l’environnement », n° 56-4 (2009), p.7-38. Cet article concerne essentiellement l’histoire moderne et contemporaine mais il faut reconnaître que les contributions sont bien plus nombreuses pour ces périodes, les préoccupations écologistes de ces dernières années y trouvant un terreau plus fertile afin de traiter des questions de risque, de pollution, de biodiversité, etc. Pour un bilan de l’approche par les médiévistes, je renvoie à l’article déjà cité du 38

e

congrès de la SHMESP. En ce qui concerne les études environnementales au Québec, on pourra lire un numéro spécial réunissant plusieurs articles sur le sujet : CASTONGUAY, Stéphane (dir.), « Penser l’histoire environnementale du Québec. Société, territoire et écologie », Revue Globe, volume 9, n°1 (2006), p. 11-306.

2

BEDNARSKI, Steven, « Changing Landscapes: A Call for Renewed Approaches… », art. cit. ; McNEILL, John Robert, « Observations on the Nature and Culture of Environmental History », History and Theory, tome 42, n°4 (2003), p. 5-43.

3

Un numéro spécial de la revue Médiévales a été consacré à la question des ressources naturelles.

BERNARDI, Philippe et Didier, BOSSEUIL (dir.), Médiévales, n°53 (automne 2007) « La nature en partage.

Connaître et exploiter les ressources naturelles ».

4

Voir l’analyse très pertinente que propose Nicolas Schroeder de l’historiographie sur la forêt, notamment du rôle des communautés monastiques dans le recul du saltus, étudiant plus particulièrement comment utiliser les constructions discursives prismatiques afin de comprendre la représentation de l’environnement forestier.

SCHROEDER, Nicolas, « In locis vaste solitudinis », Le Moyen Age, tome 106, n°1 (2010), p. 9-35. Les travaux sur la forêt sont trop nombreux pour être énumérés. Je citerai deux travaux récents de jeunes chercheurs en France et au Québec. CARRY RENAUD, Élisabeth, L'homme et la forêt dans la Haute-Vallée du Doubs à la fin du Moyen âge : modalités et paradoxes d'une anthropisation tardive, thèse de doctorat (histoire), Besançon, Université de Franche-Comté, 2011 et MERCIER, François, Des moines dans les bois.

Gestions et représentations de la forêt dans les aces de l’abbaye de Ferté-sur-Grosne de 1113 à 1178, mémoire der maîtrise (histoire), Laval, Université de Laval, 2008.

5

Je renverrai ici aux références indiquées par Marie-Christine Bailly-Maître, dans BURNOUF, Joëlle, et al.,

« Sociétés, milieux, ressources… », art. cit., p. 109-112.

(20)

19 études ont été amorcées pour la région bas-languedocienne par les archéologues qui se placent ici en chefs de file

1

.

L’environnement littoral bénéficie, depuis plusieurs années déjà, de l’attention des chercheurs

2

. L’intérêt que peut représenter l’étude des zones humides, bien que soulevé de longue date, n’a pas donné lieu pour autant à de nombreux travaux

3

. De plus, ces travaux récents semblent porter encore de nos jours les traces de l’image dépréciative qui s’est durablement attachée à ces zones palustres. C’est le constat qu’établissaient Corinne Beck et Marie-Christine Manrival :

« Les zones humides ne sont pensées par les historiens médiévistes, le plus souvent, qu’en termes de terres à « bonifier », examinant les processus politiques et juridiques, voire sociaux et économiques, de leur assèchement. Ils sont, quelque part, les héritiers des physiocrates du XVIII

e

siècle pour qui les zones humides étaient nuisibles donc inutiles. Il en est de même pour la période moderne

4

. » S’il est vrai que l’étude des assèchements constituait en soi une perspective novatrice à adopter, comme l’a démontré le travail de Jean-Loup Abbé

5

, et s’il faut reconnaitre l’existence des risques épidémiologiques dont sont porteurs les espaces lagunaires

6

, ces

1

Sur la forêt et l’exploitation du bois, voir BRITTON, Charlotte, CHABAL, Lucie, PAGÈS, Gaspard et Laurent SCHNEIDER, « Approche interdisciplinaire d’un bois méditerranéen entre la fin de l’Antiquité et la fin du Moyen Âge : Saugras et Aniane, Valène et Montpellier », Médiévales, n°53 (automne 2007), p. 65-80, ou encore BREICHER, Hélène, CHABAL, Lucie, LECUYER Nolween et Laurent SCHNEIDER, « Artisanat potier et exploitation du bois dans les chênaies du Nord de Montpellier au XIII

e

siècle (Hérault, Argelliers, Mas-Viel) », Archéologie du Midi médiéval, tome 20 (2002), p. 57-106. Sur l’exploitation minière, voir GENTY, Pierre-Yves, « Le manse de Cairol, une exploitation minière médiévale des XII

e

-XIV

e

siècles, près de Montpellier », Archéologie du Midi médiéval, tome 12 (1994), p. 188-197.

2

Voir notamment MARTIN, Jean-Marie (éd.), Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen du Moyen âge, Rome-Madrid, École française de Rome, Casa de Velázquez, 2001 et plus particulièrement BOURIN, Monique, LE BLÉVEC, Daniel, RAYNAUD, Claude et Laurent SCHNEIDER, « Le littoral languedocien au Moyen âge », dans Zones côtières littorales dans le monde méditerranéen du Moyen âge, Rome-Madrid, École française de Rome, Casa de Velázquez, 2001, p. 345-423.

3

Jean-Jacques Vidal engageait à étudier les zones humides du littoral languedocien, mais son exhortation n’a pas été suivie. VIDAL, Jean-Jacques, « Les zones palustres du Languedoc méditerranéen : essai de définition ; approche méthodologique », dans Les zones palustres et le littoral méditerranéen de Marseille aux Pyrénées, Montpellier, Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, 1983, p. 7- 16.

4

BECK, Corinne et MARINVAL, Marie-Christine, « Pour une approche de la « biodiversité historique » : l’exemple médiéval », dans BURNOUF, Joëlle et Philippe LEVEAU, (dir.), Fleuves et marais, une histoire au croisement de la nature et de la culture. Sociétés préindustrielles et milieux fluviaux, lacustres et palustres : pratiques sociales et hydrosystèmes, Paris, CTHS, 2004, p. 177-184, ici p. 178.

5

ABBÉ, Jean-Loup, À la conquête des étangs : l’aménagement de l’espace en Languedoc méditerranéen, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2006.

6

La thèse d’Émeline Roucaute s’amorce sur une étude de ces risques épidémiologiques, liés aux

perturbations climatiques. Son travail concerne majoritairement la mise en valeur des zones palustres par leur

assèchement, se rapportant à une période longue, du XIV

e

au XIX

e

siècle, durant laquelle s’était instaurée

progressivement cette représentation dépréciative des zones humides. ROUCAUTE Émeline, Une histoire

(21)

20 deux approches se positionnent parfois en thuriféraires d’une représentation dépréciative de l’environnement lagunaire. Peut-être cela est-il dû au fait que les travaux réalisés sur les zones humides envisageaient surtout la fin de la période médiévale et les débuts de la période moderne, un moment durant lequel la mésestime des zones humides semblait instaurée ; mais qu’en était-il pour les périodes précédentes ? Y avait-il auparavant, durant la période médiévale, les mêmes problématiques sanitaires engageant les populations à se détourner de la lagune au profit de la terre ? Ce sont des questions auxquelles cette étude propose de répondre pour la région du Bas-Languedoc oriental, en adoptant la perspective environnementale et en se dégageant des présupposés sur la « valeur » à accorder aux zones humides dans l’interprétation des sources. La présence de la lagune constituait à la fois une contrainte et une opportunité : elle supposait des moyens de transport particulier pour le déplacement des hommes et des biens (la navigation), des types d’exploitation adéquats à ses propriétés naturelles (présence de l’eau, humidité de ses rivages et salinité) et des aménagements afin d’y développer et maintenir les activités. Ainsi, même si les stratégies d’implantation des sociétés riveraines autour de la lagune bas-languedocienne n’avaient pas atteint le degré de maîtrise qui avait abouti à la colonisation des plaines humides vénitiennes, l’interventionnisme des sociétés riveraines (entre stratégies publiques et initiatives privées) avait permis ici comme là-bas, la modification des prédispositions environnementales par l’aménagement d’infrastructures

1

.

L’interrogation des rapports entre les sociétés et leur milieu lagunaire ne peut se faire sans avoir pris en considération au préalable les spécificités de ce milieu, afin de mettre en exergue quelle a pu être son influence effective sur les caractéristiques particulières du développement de ces sociétés littorales. Inversement, il s’agit d’appréhender dans quelle mesure les sociétés ont pu imposer une marque tangible par leur action sur le milieu, dessinant les traits de son évolution. Un premier écueil se trouve dans le fait que l’histoire de l’environnement se compose de plusieurs temporalités qu’il faut distinguer ; le second écueil se constitue autour de la notion « d’espace », l’approche environnementale s’ancrant dans une spatialité dont il faut définir les contours et les ressorts. L’élaboration de ce cadre d’analyse permet ainsi d’appliquer une méthodologie aux sources disponibles qui

des zones palustres en milieu méditerranéen entre bas Rhône et basse Durance (XIV

e

-début XIX

e

siècle), Thèse de doctorat (histoire), Marseille, Université Aix-Marseille I, 2008.

1

CROUZET-PAVAN, Élisabeth, Venise triomphante…, op. cit. (voir notamment le premier chapitre « Une

cité née des eaux », p. 17-73, comprenant une prise en considération des spécificités environnementales de la

lagune, p. 61-63).

(22)

21 présentent, non pas la description ontologique d’un milieu, mais bien l’expression de sa représentation à une période donnée.

2. Les « temps de l’environnement »

Le premier problème que pose l’approche environnementale est celui du temps, inextricablement lié à celui de l’espace. Cette interrogation sur le temps est en filiation directe avec les travaux fondateurs de Fernand Braudel sur la périodisation

1

. Elle a fait son chemin depuis et semble s’être fixée désormais sur deux dimensions principales : le

« temps-processus » et le « temps-référentiel »

2

. Les sciences exactes, qui prennent en compte la temporalité et par là-même « l’historicité » de leurs objets d’étude, apportent de précieux éclaircissements sur les niveaux de temporalité et sur leur lien à l’espace, sur lesquels nous allons revenir. Ainsi le titre de cette partie est-il emprunté à un ouvrage majeur qui a servi de cadre de réflexion à cette recherche, Les Temps de l’environnement

3

. Le problème qu’il fallait résoudre était le suivant : dans leur approche du milieu, les scientifiques avaient tendance à immobiliser l’espace, à lui voir un certain nombre de constantes, de déterminants qui apparaissaient contradictoires avec l’idée de dynamiques pourtant effectives, qu’elles soient naturelles ou sociales. Il fallait réconcilier là un état de fait découlant du passé – les systèmes « hérités » – existant à l’instant présent, au

« moment » même où se définissaient les « projets » qui fonderaient l’avenir du milieu (et

1

BRAUDEL, Fernand, La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II, 2 volumes, Paris, Armand Collin, 1990 (1966, 1

e

éd.). On rappellera que cette périodisation s’établissait sur trois temporalités : un temps long, celui des structures, des temps géologiques et des civilisations ; un temps de conjonctures, durant lequel s’établissent les grands mouvements généraux des sociétés ; et enfin, un temps bref, celui des événements, de la chronologie, qui est constitué des « moments » par le biais desquels peuvent s’exprimer et se lire les structures et les conjonctures plus globales qui tissent la trame complexe de l’histoire des sociétés et des civilisations.

2

Le « temps-processus » est celui qui mêlerait temps long et temps conjoncturel braudéliens, tandis que le

« temps-référentiel », se comptant en décennies, tient à la fois de la conjoncture et de l’événement. Le premier est établi à partir de la prise en considération du fait que chaque objet d’étude possède une temporalité qui lui est propre et participe à la connaissance de la structure d’un système, dans notre cas, environnemental. Le second est plus nettement attaché à la chronologie et finalement, ne sert que de révélateur des rythmes d’un système. Voir BURNOUF Joëlle, et al., « Sociétés, milieux, ressources : … », art. cit., p. 98-99.

3

BARRUÉ-PASTOR, Monique et Georges BERTRAND, Les Temps de l’environnement, Toulouse, Presses

universitaires du Mirail, 2000.

(23)

22 qui deviendraient, par voie de conséquence, son passé)

1

. Plus synthétiquement, il s’agissait de prendre en considération la temporalité téléologique de l’environnement

2

. Le concept de

« résilience » a permis d’expliciter cette capacité du milieu à la fois à se transformer et à rester similaire sous l’influence de l’action des sociétés, expliquant que certains de ses déterminants se soient pérennisés ou non

3

.

C’est dans ces temporalités emboîtées que se lit l’histoire de l’espace lagunaire bas- languedocien : les sources d’archives qui en témoignent mettent en avant les « moments » durant lesquels ont été élaborés ces « projets » comme une réponse présente à une situation

« héritée ». Il faut prendre en considération que l’histoire de la lagune est bien tout d’abord celle d’un temps long, d’un temps géologique qui a instauré un certain nombre de déterminants et de changements de sa morphologie avec lesquels avaient dû composer les sociétés littorales. Dans ce domaine, les apports des travaux des géomorphologues sont nombreux et présentent de précieux renseignements pour l’historien

4

. Ces apports permettent de comprendre les dissemblances de morphologie entre la lagune médiévale et celle qui se présente à nos yeux, et offrent à l’historien une prise en compte des effets

1

Ce sont autour des notions de systèmes « hérités » et de « projets » que se développe la réflexion des médiévistes abordant l’histoire de l’environnement. Voir BURNOUF Joëlle, et al., « Sociétés, milieux, ressources : … », art. cit., p. 125-127.

2

Voir LE MOIGNE, Jean-Louis, « Les Trois Temps de la modélisation des écosystèmes : l’entropique, l’anthropique et le téléologique », dans BARRUÉ-PASTOR Monique et Georges BERTRAND, Les Temps de l’environnement, op. cit., p. 41-52. Trois dimensions permettent de comprendre l’évolution du milieu : le système entropique mettant en avant le passé (et donc « l’héritage » qui conditionne l’état actuel) au contraire du système anthropique qui se fonde sur la causalité (le temps est là tiré par l’avenir, et l’état du milieu est une conséquence préalable des « projets » qui lui sont imposés) et c’est finalement la dimension téléologique qui semble la plus à même à réconcilier ces deux mouvements, se fondant sur l’action présente et se débarrassant des idées de « fatalisme » et de « nécessité ». « Le temps téléologique est celui de l’élaboration des possibles qui donneront sens et légitimité aux projets ‘‘médiats et immédiats’’ qui rendent intelligible le comportement du système. » (p. 51).

3

Le concept de résilience est utilisé pour qualifier cette propension des individus ou des paysages à résister aux évolutions extérieures. « C’est un principe de stabilité dans le changement, qui renverse la dialectique du mobile et de l’immobile. C’est la stabilité qui, parce qu’elle est exceptionnelle, est placée au cœur des préoccupations, et non plus le changement. En écologie, cette inversion de perspective est associée à la résilience, définie comme la capacité d’un système à conserver sa structure face aux perturbations, à amortir et exploiter le changement. » DURAND, Aline, « À la recherche du paysage médiéval. Approches paléoenvironnementales », dans CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER (dir.), Les Territoires du médiéviste, op. cit., p. 363-379, ici p. 368-369.

4

Si la prise de conscience de l’intérêt que pouvait présenter les travaux géomorphologiques est ancienne, elle

ne s’est que trop rarement accompagnée d’une intégration effective de ces données dans les travaux des

historiens. BAZZANA, André et Ghislaine NOYÉ, « Du ‘‘bon usage’’ de l’archéologie extensive : une

réponse en forme de bilan », dans NOYÉ Ghislaine (éd.), Structures de l’habitat et occupation du sol dans

les pays méditerranéens : les méthodes et l’apport de l’archéologie extensive, Rome-Madrid, École française

de Rome-Casa de Velàzquez, 1988, p. 543-562, ici p. 549.

(24)

23 conjoints des changements résultant d’une évolution conjoncturelle – naturelle – et d’une anthropisation du milieu. Cette prise en compte constituera l’un des trames de cette étude.

Ainsi, cette recherche abordera une période relativement longue, du XI

e

au XV

e

siècle, mais s’inscrira aussi dans un dialogue avec les périodes précédentes et suivantes afin de mettre en exergue l’héritage mais aussi les répercussions plus tardives des aménagements, des exploitations et des représentations du milieu. Cela permet également de souligner les mécanismes identitaires et notamment l’identification des groupes sociaux en adéquation avec le milieu qu’ils fréquentaient et sur lequel ils basaient leurs activités. Si la définition du sujet passe par une considération des temporalités propres à l’environnement lagunaire

1

, il est nécessaire de prendre en compte sa dimension spatiale, dont les ressorts diffèrent en fonction des niveaux de temporalité mais aussi du rapport des sociétés à leur environnement.

3. Géosystème, territoire et paysage

Comme il a été indiqué, la notion de « territoire » a été l’objet de plusieurs travaux de médiévistes, qui ont examiné le traitement historiographique de ce terme mais aussi de ses dérivés sémantiques – le terroir, la terre, le finage, etc. – chez les précurseurs du questionnement de l’espace – comme Marc Bloch, Georges Duby, Charles Higounet ou plus récemment, Jean-Paul Déléage

2

. Ils sont parvenus à établir une définition du territoire prenant en considération à la fois son aspect « sensible », matériel et symbolique, démontrant les liens inextricables se tissant entre le territoire et le pouvoir qui en dresse les limites

3

. Si cette définition apparaît tout à fait valable et sert de base théorique à l’analyse,

1

Ce qui permet de rendre intelligible le milieu, c’est sa temporalité. « (…), on ne peut se dispenser des informations sur le passé pour comprendre la situation où nous sommes arrivés aujourd’hui. Dans cette mesure-là, on peut dire que toutes les sciences qui s’intéressent à l’environnement deviennent des sciences historiques, parce que le temps est incorporé à leurs problématiques. » LEGAY, Jean-Marie, « Les temps de l’environnement », dans BARRUÉ-PASTOR Monique et Georges BERTRAND, Les Temps de l’environnement, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 19-32, ici p. 27.

2

Voir MOUSNIER, Mireille, « Quelques conclusions », dans CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER (dir.), Les Territoires du médiéviste, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 95-103.

3

Nous reprenons cette définition un peu longue ici mais qui est fondamentale pour l’appréciation de cette

notion : « Les sociétés médiévales se construisent au-dessus et à partir d’un espace qui n’est pas seulement

une réalité sensible, mais qui relève aussi d’un domaine non visible. Si les espaces sont multiples, par leurs

dimensions, leurs contenus, leurs fonctions, leurs typologies, les territoires tendent à se définir par le nom, la

limite, l’appropriation individuelle et/ou collective. Cet espace-support est marqué par les rythmes de la

temporalité et les dynamiques de la spatialité, dans le même temps, les sociétés en sont aussi plus ou moins

déconnectées. Dans cette discontinuité s’inscrivent pouvoir et identité alliant le vécu, le représenté,

(25)

24 un autre modèle, inspiré des sciences exactes, permet de l’élargir en prenant appui sur les différentes temporalités qui le déterminent. Il s’agit du modè le tripartite de géosystème, territoire et paysage

1

.

Le géosystème, tout d’abord,

« se définit comme une combinaison territoriale bien délimitée dans laquelle interagissent des éléments abiotiques (roche, air, eau), des éléments biotiques (animaux et végétaux) et des éléments anthropiques. L’impact des sociétés humaines est considéré, à priori, comme faisant partie, à part entière, du système et non comme un élément, extérieur et perturbateur, introduit, a posteriori, dans le fonctionnement général du système

2

. »

Ainsi, le concept de géosystème permet de réconcilier cette opposition coutumière entre

« temps naturel » et « temps social », tout en intégrant la notion de résilience des milieux ; le géosystème est un « espace-temps de la nature anthropisée ». La définition du territoire correspond à celle élaborée par les médiévistes, se fondant sur l’appropriation, le bornage et constituant l’ « espace-temps des sociétés », dans lequel se jouent « l’organisation politique, juridique, administrative », ou encore « l’exploitation économique » et qui se situe sur une temporalité plus brève. Enfin, le paysage est cet « espace-temps de la culture, de l’art et de l’esthétique, de la symbolique et du mythe », et c’est sur un temps long que s’élaborent ces référents identitaires et culturels

3

. C’est ce modèle tripartite qui apparaît le plus à même à retranscrire la complexité de la superposition des niveaux de spatialité et de la conjugaison des temporalités sur un même environnement et c’est ce modèle qui est sous-jacent dans l’étude des interactions entre temps naturel et temps social constituant les rythmes du milieu

4

.

l’imaginaire et le symbolique. » CURSENTE Benoît et Mireille MOUSNIER, « Conclusion générale.

Territoires nouveaux, … », art. cit., p. 445..

1

Ces concepts sont définis dans un article fondamental : BERTRAND, Claude et Georges, BERTRAND,

« Le Géosystème : un espace-temps anthropisé. Esquisse d’une temporalité environnementale », dans BARRUÉ-PASTOR, Monique et Georges, BERTRAND, Les Temps de l’environnement, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2000, p. 65-76.

2

Ibid., p. 69.

3

Ibid., p. 75.

4

« Les séries documentaires émanent de rouages couvrant des territoires fort divers : du bailliage à la châtellenie en passant par la maître foresterie, voire le massif forestier. Administration centrale ou locale, administration ordinaire ou spécialisée (la gruerie), les données émanent d'entités administratives se côtoyant, se chevauchant ou encore s’échelonnant dans le temps. Tout pareillement, divers temps se conjuguent qui sont loin d'être superposables : temps politique, temps administratif, temps de l'exploitation économique (annuel, pluriannuel, etc.) ou encore temps biologique des espèces (de quelques mois à quelques années pour les espèces animales, décennal voire centennal pour des essences d'arbres). » BURNOUF Joëlle, et al.,

« Sociétés, milieux, ressources : … », art. cit., p. 106.

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