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L’Atlas d’un pays inconnu

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: halshs-01684201

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01684201

Submitted on 26 Jan 2018

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L’Atlas d’un pays inconnu

Denis Eckert

To cite this version:

Denis Eckert. L’Atlas d’un pays inconnu. M@ppemonde, Maison de la géographie, 1999. �halshs- 01684201�

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Ces lieux dont on parle 44 Mappemonde 55 (1999.3) La République moldave du Dniestr a publié en 1997 son

Atlas national (1). Partant du principe que la publication de tout nouvel atlas enrichit la connaissance géographique, on ne peut que se réjouir de cette parution et souhaiter que cet ouvrage de fond ait trouvé son public. Par ses 32 pages joli- ment imprimées en quadrichromie et écrites en anglais, on peut se faire une idée précise des principales caractéris- tiques physiques, économiques et historiques du pays, d’autant plus que les autorités de la république ont ouvert aux auteurs toutes les sources possibles.

Une seule question pourra gêner le géographe amateur comme le chercheur professionnel : Où se trouve donc la république moldave du Dniestr?Le site Internet des Nations- unies (http://www.un.org/french/aboutun/etatsmbr.htm) l’ignore, les Atlas mondiaux aussi. Cette république indé- pendante est-elle l’invention de quelque fantaisiste, et l’Atlas paru il y a deux ans une mystification borgésienne?

La vérité est ailleurs. Il faut la chercher à la frontière entre les nouveaux États d’Ukraine et de Moldavie, devenus indépendants lors de la disparition de l’URSS en 1991.

Dans les dernières années de la pérestroïka, l’antagonisme entre la majorité roumanophone de Moldavie et la popula- tion de Transnistrie (composée aux deux tiers de russo- phones) se fit de plus en plus vif et aboutit finalement à une proclamation d’indépendance unilatérale en sep- tembre 1990. L’armée moldave tenta de reprendre brutale- ment la maîtrise de la Transnistrie en 1992, mais se heurta à la XIVearmée ex-soviétique cantonnée à Tiraspol, alors commandée par un général qui a beaucoup fait parler de lui par la suite en Russie, Alexandre Lebed. Ce dernier imposa un cessez-le feu en août 1992 et les positions des belligérants ont été figées. Les autorités sécessionnistes maintiennent vaille que vaille, avec un soutien discret de la Russie, leur précaire indépendance. Cette sécession n’a jamais été reconnue ni par la Moldavie ni par l’Ukraine.

La République moldave du Dniestr, bien qu’elle délivre ses propres passeports, ne bénéficie pas de la moindre reconnaissance internationale. Les sécessionnistes espé- raient faire entrer leur république dans la Communauté des États Indépendants, mais ont essuyé un refus des pays membres.

Cette entité sécessionniste au statut indécis n’est pas un cas unique dans l’espace de l’ex-URSS. On y trouve trois autres quasi-États (entités indépendantes de factomais non de jure).

L’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, qui bénéficiaient antérieure- ment d’un statut d’autonomie au sein de la République de Géorgie, se sont pratiquement séparées d’elle en 1992-1993, à la suite des violents affrontements déclenchés par les natio- nalistes géorgiens encouragés par le président Zviad Gamsakhourdia. Toujours dans le Caucase, mais du côté russe, la Tchétchénie, après une proclamation d’indépen- dance unilatérale puis une guerre sanglante en 1994-1996, a fait sécession de la Fédération de Russie, sans que cette séces- sion ait reçu la moindre reconnaissance internationale. Ces quatre quasi-États ont des caractéristiques communes : une base ethnique, un territoire minuscule et d’immenses pro- blèmes économiques et sociaux dus au blocus imposé par les autorités des États environnants.

Il est assez remarquable que les autorités transnistriennes, qu’on imagine encombrées de multiples soucis, aient eu celui de soutenir la publication d’un Atlas. Cet ouvrage est un élément d’une stratégie d’affirmation : il sert à légitimer l’exis- tence et à démontrer la viabilité de la Transnistrie.

Il faut le lire en tenant compte de cet évident aspect politique.

Que nous apprend l’Atlas sur la Transnistrie?

Le territoire de la Transnistrie se présente comme un ser- pentin de 200 km du nord-ouest au sud-est. Le tracé de ses limites est compliqué dans le détail, la forme générale de salamandre qui apparaît semble être le résultat de l’imagi- nation torturée d’un spécialiste du gerrymandering (le découpage électoral à l’américaine). Dans ses parties les plus dilatées, sa largeur maximale est de 45 km, mais au réservoir de Dubossary, la Transistrie n’a que 4 km d’est en ouest. Les hasards du tracé de la ligne de cessez-le-feu en expliquent certaines formes déconcertantes.

L’Atlas, qui comprend une section de sciences naturelles (géologie, faune, végétation), une section de géographie humaine et une section historique, est d’une facture

« soviétique » tout à fait traditionnelle. Les figurés, les méthodes de représentation sont désuets (de multiples cartes synthétiques compilent des quantités extraordinaires de variables sur un même document). Il a été en fait réalisé

CES LIEUX DONT ON PARLE

L’Atlas d’un pays inconnu

M55

APPEONDE

1999.3

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à partir de la compilation de cartes anté- rieures (Atlas de la République soviétique de Moldavie) dont on a découpé et isolé la partie transnistrienne. Les cartes démogra- phiques et économiques décrivent la situa- tion d’avant la crise et la sécession : elles ne correspondent plus à rien aujourd’hui. Les présenter en 1997 est un acte d’intoxication pur et simple.

La section historique finale, composée de quatre pages, propose un choix de cartes qui rappelle au lecteur que la limite actuelle entre Moldavie et Transnistrie fait frontière depuis plusieurs siècles. La séces- sion de 1990 ne ferait en quelque sorte que marquer le retour à la fonction tradition- nelle de frontière du Dniestr (entre pro- vinces ottomanes d’abord, entre Empire russe et Bessarabie ensuite). Présentation convaincante, mais il faut rappeler que c’est la jeune URSS qui fit apparaître pour la première fois une entité politique

« transnistrienne », en 1924 seulement. La

« République autonome de Moldavie » (où la population roumanophone était d’ailleurs minoritaire), administrativement dépendante de l’Ukraine, avait été créée sous l’impulsion de Staline, dans le seul but de permettre à l’URSS de pouvoir for- muler ultérieurement des prétentions terri- toriales sur la Bessarabie roumanophone.

Ce but une fois atteint, cette petite autono- mie fut supprimée en 1940, son territoire étant rattaché pour partie à l’Ukraine et pour le reste à la nouvelle République soviétique de Moldavie. La crise ouverte en 1990 est donc l’une des innombrables conséquences de la « sage politique de paix du camarade Staline » et de sa tor- tueuse gestion des nationalités, marquée par la création et la suppression incessante d’entités politico-administratives en fonc- tion des besoins du moment. – Denis Eckert

Ces lieux dont on parle 45 Mappemonde 55 (1999.3)

(1) Dniester State Corporative T.G. Shevchenko University, Atlas of Dniester Moldavian Republic, Tiraspol, 1997, 32 p.

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